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Date: 20230503

Dossier: 569‑02‑41614

 

Référence: 2023 CRTESPF 46

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

Entre

 

Conseil des métiers et du travail dES chantierS maritimeS du gouvernement fédéral (EST)

agent négociateur

 

et

 

Conseil du Trésor

(ministère de la Défense nationale)

 

employeur

Répertorié

Conseil des métiers et du travail des chantiers maritimes du gouvernement fédéral (est) c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale)

Affaire concernant un grief de principe renvoyé à l’arbitrage

Devant : Audrey Lizotte, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour l’agent négociateur : Ronald Pink, avocat

Pour l’employeur : Larissa Volinets Schieven, avocate

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 30 juin, le 22 juillet, les 7 et 28 octobre et le 23 décembre 2022
et les 13 et 23 janvier 2023.
(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Introduction

[1] Le présent grief de principe a été renvoyé à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») pour arbitrage le 27 février 2020. (Veuillez noter que, dans la présente décision, le terme « Commission » désigne la Commission actuelle et tous ses prédécesseurs.)

[2] Le grief porte sur l’interprétation appropriée de l’expression « taux des heures supplémentaires applicable ».

[3] Cette expression figure dans les dispositions qui régissent les voyages des membres de l’unité de négociation dans la convention collective conclue entre le Conseil des métiers et du travail des chantiers maritimes du gouvernement fédéral (est) (l’« agent négociateur ») et le Conseil du Trésor (l’« employeur ») pour le groupe Réparation des navires – Est) qui est expirée le 31 décembre 2022 (la « convention collective »).

[4] L’unité de négociation est composée de personnes de métier qui se livrent à la réparation et à l’entretien des navires océaniques appartenant au ministère de la Défense nationale et exploités par ce dernier. Entre autres tâches, les membres de l’unité de négociation entretiennent et réparent les navires stationnés ou déployés à des endroits éloignés, ce qui les oblige à quitter leur lieu de travail normal.

[5] L’agent négociateur est d’avis que l’expression « taux des heures supplémentaires applicable » à la clause 17.03 de la convention collective doit signifier les taux des heures supplémentaires énoncés à la clause 15.10, soit la clause relative à la rémunération des heures supplémentaires. Il soutient que l’expression « taux des heures supplémentaires applicable » peut signifier deux ou trois fois le taux normal, selon le nombre total d’heures effectuées ou voyagées au cours d’une période ininterrompue.

[6] L’employeur est d’avis que le « taux des heures supplémentaires applicable » pour le temps de voyage ne peut pas signifier les taux d’heures supplémentaires définis à la clause 15.10, car le temps de voyage ne constitue pas des heures « effectuées ». Il invoque la définition de « heures supplémentaires » qui désigne tout travail exécuté en dehors de l’horaire de travail d’un employé. Il soutient que puisque les voyages ne sont ni du travail ni des heures supplémentaires, la convention collective est silencieuse quant au taux applicable aux voyages effectués en dehors de l’horaire de travail d’un employé. Par conséquent, l’employeur peut exercer ses droits de la direction pour déterminer le taux des heures supplémentaires à payer pour le temps de voyage en dehors de l’horaire de travail.

[7] Les parties ont consenti à procéder par voie d’arguments écrits.

[8] Dans ses arguments, l’agent négociateur a donné deux exemples de scénarios illustrant la façon dont la convention collective devrait être appliquée. Dans sa réponse à ces exemples, l’employeur a cerné de nombreux points de désaccord. Il s’agissait notamment, sans toutefois s’y limiter, l’interprétation appropriée à donner à l’expression « taux des heures supplémentaires applicable ». Dans ses arguments, l’agent négociateur n’a pas répondu à aucun des autres points de désaccord soulevés par l’employeur.

[9] Le formulaire de grief, du 26 avril 2018, et présenté à l’employeur le 29 juin 2018, décrit le grief comme suit : [traduction] « L’employeur ne nous a pas payés en vertu de la clause 17.03 / Taux applicable. » Il indique que la violation remonte au 28 avril 2011. À titre de mesure corrective, le grief demande : [traduction] « Nous payer selon l’intention du « taux applicable » prévu à la clause 17.03. »

[10] La présente décision ne porte que sur la question que l’agent négociateur a indiqué être le fondement du présent grief de principe, soit l’interprétation appropriée de l’expression « taux des heures supplémentaires applicable » prévue à la clause 17.03 de la convention collective.

[11] Pour les motifs exposés dans la présente décision, je suis d’avis que le « taux des heures supplémentaires applicable », dans la mesure qu’il se rapporte au temps de voyage, fait référence aux taux énoncés à la clause 15.10.

II. Les clauses pertinentes de la convention collective

[12] La clause 2.01 de la convention collective prévoit la définition des termes et des expressions pertinents suivants :

[…]

f. « taux de rémunération journalier »

f. “daily rate of pay”

désigne le taux de rémunération horaire de l’employé multiplié par huit (8);

means an employee’s hourly rate of pay multiplied by eight (8);

g. « journée »

g. “day”

désigne une période de vingt‑quatre (24) heures :

means a twenty‑four (24) hour period:

i. commençant à 23 h 45 une journée et se terminant à 23 h 45 le lendemain dans le cas des employés assujettis à l’alinéa 15.02a);

i. commencing at 2345 hours and ending at 2345 hours the following day for employees subject to paragraph 15.02(a),

ii. commençant à 0 h et se terminant à 24 h dans le cas des employés assujettis à l’alinéa 15.02 b);

ii. commencing at 0000 hours and ending at 2400 hours for employees subject to paragraph 15.02(b),

et

and

iii. commençant à 0 h 15 une journée et se terminant à 0 h 15 le lendemain dans le cas des employés assujettis à l’alinéa 15.02c);

iii. commencing at 0015 hours and ending at 0015 hours the following day for employees subject to paragraph 15.02(c);

h. « tarif double »

h. “double time”

désigne le taux des heures normales multiplié par deux (2);

means two (2) times the straight‑time rate;

[…]

o. « travail supplémentaire »

o. “overtime”

désigne tout travail exécuté en dehors de l’horaire de travail d’un employé;

means time worked by an employee outside of the employee’s regularly scheduled hours;

[…]

r. « taux des heures normales »

r. “straight‑time rate”

désigne le taux de rémunération horaire;

means the hourly rate of pay;

s. « tarif et demi »

s. “time and one half”

désigne le taux des heures normales multiplié par une fois et demie (1 1/2);

means one and one half (1 1/2) times the straight‑time rate;

t. « tarif triple »

t. “triple time”

désigne le taux des heures normales multiplié par trois (3);

means three (3) times the straight‑time rate;

[…]

 

[13] L’article 5 de la convention collective décrit les responsabilités de gestion comme suit :

5.01 Le Conseil reconnaît et admet que l’employeur a et doit continuer d’avoir exclusivement le droit et la responsabilité de diriger ses opérations dans tous leurs aspects et il est explicitement entendu que les droits et responsabilités de ce genre qui ne sont ni précisés ni modifiés d’une façon particulière par la présente convention appartiennent en exclusivité à l’employeur. L’exercice de tels droits ne doit pas être incompatible avec les dispositions explicites de la présente convention.

5.01 The Council recognizes and acknowledges that the Employer has and shall retain the exclusive right and responsibility to manage its operation in all respects and it is expressly understood that all such rights and responsibilities not specifically covered or modified by this agreement shall remain the exclusive rights and responsibilities of the Employer. Such rights will not be exercised in a manner inconsistent with the expressed provisions of this agreement.

[…]

 

[14] La clause 15.02 de la convention collective porte sur la durée du travail suivante :

15.02 La durée du travail est fixée comme suit :

15.02 The hours of work shall be scheduled as follows:

a. le premier poste (nuit) s’étend de 23 h 45 à 8 h 15 avec une pause repas non payée de 3 h 45 à 4 h 15;

a. the first (night) shift shall be from 2345 hours to 0815 hours with an unpaid meal period from 0345 hours to 0415 hours;

b. le deuxième poste (jour) s’étend de 7 h 45 à 16 h 15 avec une pause repas non payée de 12 h à 12 h 30;

b. the second (day) shift shall be from 0745 hours to 1615 hours with an unpaid meal period from 1200 hours to 1230 hours;

c. le troisième poste (soir) s’étend de 15 h 45 à 0 h 15 avec une pause repas non payée de 19 h 45 à 20 h 15.

c. the third (evening) shift shall be from 1545 hours to 0015 hours with an unpaid meal period from 1945 hours to 2015 hours.

 

[15] La clause 15.10 de la convention collective énonce les taux de rémunération des heures supplémentaires suivants :

15.10 Rémunération des heures supplémentaires

15.10 Overtime compensation

Sous réserve du paragraphe 15.14, les heures supplémentaires effectuées sont rémunérées aux taux suivants :

Subject to clause 15.14, overtime shall be compensated at the following rates:

a. deux (2) fois le taux normal pour chaque heure effectuée en sus de huit (8) heures au cours d’une période de travail ininterrompue ou en sus de huit (8) heures au cours de la même journée jusqu’à un maximum de seize (16) heures au cours d’une période de travail ininterrompue, ainsi que pour toutes les heures effectuées un jour de repos jusqu’à concurrence de seize (16) heures;

a. double (2) time for all hours worked in excess of eight (8) hours in a continuous period of work or in excess of eight (8) hours in a day to a maximum of sixteen (16) hours in a continuous period of work; and for all hours worked on a day of rest to a maximum of sixteen (16) hours;

b. trois (3) fois le taux normal pour chaque heure effectuée en sus de seize (16) heures au cours d’une période de travail ininterrompue ou en sus de seize (16) heures au cours d’une période de vingt‑quatre (24) heures, ainsi que pour toutes les heures effectuées par un employé qui est rappelé au travail avant l’expiration de la période de neuf (9) heures dont il est question au paragraphe 15.11.

b. triple (3) time for each hour worked in excess of sixteen (16) hours in a continuous period of work or in excess of sixteen (16) hours in any twenty‑four (24) hour period, and for all hours worked by an employee who is recalled to work before the expiration of the nine (9) hour period referred to in clause 15.11.

 

[16] La clause 17.03 de la convention collective énonce comme suit la structure de rémunération pour les employés qui sont tenus de voyager aux fins de leur travail :

17.03 Lorsqu’un employé est tenu par l’employeur de se rendre à un endroit qui est éloigné de son lieu de travail normal, il est rémunéré dans les conditions suivantes :

17.03 Where an employee is required by the Employer to travel to a point away from the employee’s normal place of work, the employee shall be compensated as follows:

a. Durant n’importe quel jour pendant lequel il voyage mais ne travaille pas, il est rémunéré au taux des heures normales ou au taux des heures supplémentaires applicables durant ses heures de trajet, mais le montant total ne doit pas dépasser quinze (15) heures normales.

a. on any day on which the employee travels but does not work, at the applicable straight‑time or overtime rate for the hours travelled, but the total amount shall not exceed fifteen (15) hours’ straight time;

b. Durant une journée de travail normale où il voyage et travaille :

b. on a normal workday in which the employee travels and works:

i. pour les heures de travail normales prévues à son horaire, il est rémunéré au taux normal et ne touche pas plus de huit (8) heures de rémunération;

i. during the employee’s regular scheduled hours of work at the straight‑time rate not exceeding eight (8) hours’ pay,

ii. au taux des heures supplémentaires pour toute heure effectuée en dehors des heures de travail normales prévues à son horaire;

ii. at the applicable overtime rate for all time worked outside the employee’s regular scheduled hours of work,

iii. au taux des heures supplémentaires applicable pour tout trajet effectué en dehors des heures de travail normales prévues à son horaire jusqu’à un maximum de quinze (15) heures de rémunération calculées au taux normal dans toute période de vingt‑quatre (24) heures.

iii. at the applicable overtime rate for all travel outside the employee’s regular scheduled hours of work to a maximum of fifteen (15) hours’ pay at straight time in any twenty‑four (24) hour period;

c. Durant un jour de repos où il voyage et travaille, au taux des heures supplémentaires :

c. on a rest day on which the employee travels and works, at the applicable overtime rate:

i. pour tout temps de trajet et pour un montant ne devant pas excéder quinze (15) heures de rémunération au taux normal,

i. for travel time, in an amount not exceeding fifteen (15) hours’ straight‑time pay,

et

and

ii. pour toute heure travaillée.

ii. for all time worked;

d. Nonobstant les restrictions énoncées aux alinéas a), b) et c) du paragraphe 17.03, l’employé qui voyage en service commandé, mais ne travaille pas, durant plus de quatre (4) heures au cours de la période allant de 22 heures à 6 heures, sans que le coucher lui soit fourni, est rémunéré au taux des heures supplémentaires applicable, jusqu’à concurrence de quinze (15) heures de rémunération au taux normal.

d. notwithstanding the limitations stated in paragraphs 17.03(a), (b) and (c), where an employee travels on duty, but does not work, for more than four (4) hours between 2200 hours and 0600 hours, and no sleeping accommodation is provided, the employee shall be compensated at the applicable overtime rate for a maximum of fifteen (15) hours’ straight‑time pay.

 

III. Les faits

[17] Les parties ont fourni un bref énoncé conjoint des faits, qui indiquait que le désaccord quant à la bonne interprétation de la clause 17.03 était continu et que plusieurs griefs individuels avaient été déposés sur la question.

[18] Dans leurs arguments respectifs, les deux parties ont estimé que le libellé n’était pas ambigu et qu’il n’était donc pas nécessaire de présenter des éléments de preuve extrinsèques ou des éléments de preuve de pratiques antérieures. Les parties ont toutefois présenté les arguments factuels suivants dans leurs arguments respectifs.

[19] L’agent négociateur a affirmé que, selon ce qu’il comprenait de la position de l’employeur, le « taux des heures supplémentaires applicable » en vertu de la clause 17.03 ne peut jamais être le tarif triple et doit toujours être interprété comme le « tarif double ». Il a affirmé que l’employeur ne tient pas compte du libellé simple de la convention collective, qu’il continue de ne pas tenir compte du « taux des heures supplémentaires applicable » et qu’il ne tient pas compte du libellé clair de la clause 15.10b) – « trois fois le taux normal ».

[20] L’agent négociateur a donné quelques exemples dans ses arguments et a affirmé que selon ce qu’il comprend, l’employeur ne payait que le tarif double lorsque l’agent négociateur croyait que le tarif triple devait être payé.

[21] L’employeur a affirmé que, dans la convention collective qui a expiré le 31 décembre 1999, les parties de la clause 17.03 qui prévoient « quinze (15) heures » indiquent « huit (8) heures » et que, dans la convention collective conclue en 2000, les parties de la clause 17.03 qui prévoient « quinze (15) heures » indiquent « douze (12) heures ».

[22] L’employeur a déclaré que puisque la convention collective est silencieuse au sujet du taux des heures supplémentaires applicable aux voyages en dehors de l’horaire d’un employé, il peut exercer ses droits de la direction pour déterminer que le tarif double sera versé pour le temps de voyage en dehors de l’horaire.

[23] L’employeur a ajouté qu’il paie les employés pour les jours de travail réguliers qui se situent entre les jours de voyage qui nécessitent un voyage de nuit, même s’ils ne sont pas tenus de travailler ou de voyager ces jours‑là. Il a affirmé que même si la convention collective prévoit qu’il n’y a aucune garantie d’un nombre minimal ou maximal d’heures de travail, il exerce ses droits de la direction pour fournir cet avantage aux employés, ce dont l’agent négociateur ne s’est jamais plaint.

[24] Dans ses arguments en réponse, l’agent négociateur a déclaré que l’ancien système de paie comprenait un code de paiement au tarif triple pour les voyages qui était utilisé dans les cas qu’il a décrits dans ses arguments. Toutefois, le code du tarif triple pour les voyages a cessé d’être utilisé lors de l’instauration du système de paye Phénix.

[25] Aucune des parties n’a formulé de commentaires sur les arguments factuels de l’autre partie.

[26] Selon ce qui précède, il semble qu’à l’heure actuelle, l’employeur rémunère les employés seulement au tarif double pour le temps de voyage. Toutefois, on ne sait pas depuis combien de temps il l’a fait ainsi et s’il s’agit d’une pratique constante depuis le 28 avril 2011, date à laquelle l’agent négociateur a allégué que la violation avait commencé.

[27] La Commission a invité les parties à présenter des commentaires sur la question de savoir s’il serait raisonnable de considérer le libellé de la convention collective comme susceptible d’avoir plus d’une signification et, dans l’affirmative, l’incidence de l’absence de preuve d’une pratique antérieure. La Commission a renvoyé les parties à Alliance de la Fonction publique du Canada c. Agence Parcs Canada, 2013 CRTFP 16, aux fins de commentaires.

[28] L’agent négociateur a répondu que les deux seuls faits dont la Commission a besoin pour rendre sa décision est que les membres de l’unité de négociation qui sont tenus de voyager et qu’ils sont actuellement rémunérés en fonction de l’interprétation de l’employeur de la clause 17.03, soit particulièrement l’expression « taux des heures supplémentaires applicable ». L’employeur en a convenu.

[29] Les deux parties ont estimé que le libellé de l’article 17 est clair et n’est pas susceptible d’avoir plus d’une signification. Les deux ont affirmé qu’en l’absence d’ambiguïté, il n’y a aucun fondement qui permettrait de consulter des éléments de preuve extrinsèque, comme des éléments de preuve concernant l’historique des négociations ou les pratiques antérieures.

IV. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’agent négociateur

[30] L’agent négociateur était d’avis que l’expression « taux des heures supplémentaires applicable » à la clause 17.03 doit signifier toutes les heures supplémentaires applicables en vertu de la clause 15.10. C’est‑à‑dire, le « taux des heures supplémentaires applicable » peut signifier deux ou trois fois le taux normal, selon le nombre total d’heures effectuées ou voyagées au cours de la période en litige.

[31] L’agent négociateur a déclaré qu’il ne contestait pas le fait que la clause 17.03 prévoit des montants maximaux de rémunération pour les voyages équivalant à 15 heures de rémunération des heures normales au cours d’une période de 24 heures.

[32] L’agent négociateur a renvoyé à Beese c. Conseil du Trésor (Commission canadienne des grains), 2012 CRTFP 99, qui, selon lui, fournit l’approche dominante en matière d’interprétation des conventions collectives, résumée aux paragraphes 23 et 24 comme suit :

23 […] À la différence de la règle énoncée dans l’ouvrage Halsbury’s Laws of England, laquelle se fonde essentiellement sur [traduction] « l’intention des parties », les principes contemporains d’interprétation sont davantage axés sur les termes employés, selon leurs acception et sens courant dans le contexte de l’ensemble de la convention, de son objet, et de l’intention des parties. Les principes contemporains d’interprétation constituent davantage une méthode d’interprétation qu’une règle comme telle, et englobent plusieurs conventions dûment reconnues en matière d’interprétation. Les principes contemporains amènent les personnes chargées d’interpréter une convention à tenir compte de l’ensemble du contexte de la convention, d’en lire les termes en les inscrivant dans leur contexte global et en leur attribuant leurs acception et sens courant, en harmonie avec l’économie générale et l’objet de la convention et de l’intention des parties.

24 Afin de bien saisir le contexte de l’ensemble de la convention collective, on ne peut comprendre le sens d’une de ses dispositions sans comprendre le lien entre cette disposition et l’ensemble de la convention. En effet, ce qui est formulé dans une disposition est souvent précisé, voire modifié, ailleurs dans la convention. […]

[Je mets en évidence]

 

[33] L’agent négociateur a soutenu que l’arbitre de grief devrait se concentrer sur le libellé clair de la convention collective, lu dans son contexte. Une seule disposition ne peut être lue isolément – l’entente doit être lue dans son ensemble.

[34] L’agent négociateur a fait valoir que l’article 17, concernant les voyages, ne peut être bien compris sans consulter la clause 15.10, concernant la rémunération des heures supplémentaires. La clause 17.03 prévoit lorsqu’il peut être nécessaire de déterminer le « taux des heures supplémentaires applicable ». Plus particulièrement, la clause 17.03b) prévoit la rémunération des heures supplémentaires, au taux applicable, lorsqu’un employé est tenu de voyager ou de travailler un jour de travail en dehors de ses heures de travail normales. La clause 17.03c) prévoit la rémunération des heures supplémentaires, au taux applicable, lorsqu’un employé est tenu de voyager ou de travailler un jour de repos.

[35] L’agent négociateur a soutenu que le taux des heures supplémentaires applicable dans une circonstance donnée figure à la clause 15.10. Les employés ont droit à deux fois le taux normal pour les heures effectuées ou le temps de voyage en sus de 8 heures au cours d’une période ininterrompue et à trois fois le taux normal pour les heures en sus de 16 heures au cours d’une période ininterrompue.

[36] L’agent négociateur a soutenu que la clause 15.10 prévoit la façon de déterminer le « taux des heures supplémentaires applicable » pour l’application de la clause 17.03.

[37] Il a fait valoir que le temps de voyage constitue un travail pour l’application de la clause 15.10, sinon, il n’existerait aucune raison de faire référence au « taux des heures supplémentaires applicable » pour le temps de voyage à la clause 17.03.

[38] À l’appui de cet argument, l’agent négociateur a invoqué Hutchison c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2015 CRTEFP 32. Il a soutenu que les voyages constituent du temps visé par les activités de l’employeur et, par conséquent, ils devraient être considérés comme un travail aux fins des heures supplémentaires.

B. Pour l’employeur

[39] L’employeur a fait valoir que les taux des heures supplémentaires prévus à la clause 15.10 s’appliquent particulièrement – et exclusivement – aux heures effectuées et non au temps de voyage, qui est régi uniquement par la clause 17.03. La clause 2.01o) confirme que la définition des « heures supplémentaires » signifie un travail exécuté.

[40] Par conséquent, selon l’employeur, même si le « taux des heures supplémentaires applicable », en ce qui concerne le travail exécuté, peut signifier un tarif double ou triple, selon le nombre total d’heures effectuées, conformément à la clause 15.10, il ne s’ensuit pas que les heures supplémentaires conformément à la clause 15.10 doivent être rémunérées pour le temps de voyage.

[41] L’employeur n’a pas contesté les principes fondamentaux d’interprétation énoncés par l’agent négociateur. Toutefois, il a ajouté que plus récemment, la Commission a résumé ces principes dans Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, 2019 FPSLREB 108, au par. 56 (« IPFPC »), comme suit :

[56] […] L’intention des parties doit être déterminée en fonction des dispositions écrites expresses de la convention collective. […] exigent qu’on attribue le sens ordinaire aux termes, que les dispositions d’une convention ou d’un contrat soient lues dans leur ensemble et que les dispositions particulières doivent prévaloir sur les principes généraux.

 

[42] L’employeur a invoqué en outre Cruceru c. Conseil du Trésor (ministère de la Justice), 2021 CRTESPF 3, au par. 84, dans laquelle la Commission a résumé les canons d’interprétations suivants pour guider son analyse :

[84] […] 1) les parties sont réputées vouloir dire ce qu’elles ont dit; 2) le sens d’une disposition de la convention collective doit être cherché dans ses dispositions expresses; 3) libellé de la convention collective doit être interprété selon son sens grammatical et ordinaire; 4) le libellé doit être interprété dans son contexte intégral, en conformité avec l’économie de la convention collective; 5) lorsque les mêmes mots réapparaissent, il faut leur donner la même interprétation.

 

[43] L’employeur a invoqué Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 5e éd. (« Brown et Beatty »), au paragraphe 4:20 et a soutenu que lorsqu’il doit choisir entre deux interprétations linguistiques acceptables, un arbitre de grief peut être guidé par [traduction] « […] l’objet de la disposition particulière, le caractère raisonnable de chaque interprétation possible, la faisabilité administrative et la question de savoir si l’une des interprétations possibles entraînerait des anomalies ».

[44] Il a soutenu en outre que récemment, dans Nowlan c. Canada (Procureur général), 2022 CAF 83, au par. 46, la Cour d’appel fédérale a réitéré que lorsque le libellé d’une convention collective est clair, il doit être appliqué, même si le résultat peut sembler injuste.

[45] Enfin, l’employeur a invoqué Chafe c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112, dans laquelle la Commission a déclaré ce qui suit au paragraphe 50 :

50 Je commencerai par une observation banale mais juste, à savoir que mon pouvoir à titre d’arbitre de grief est limité aux modalités prévues expressément dans la convention collective. Je peux seulement interpréter et appliquer la convention collective. Je ne peux pas modifier les modalités qui sont claires et je ne peux pas non plus en établir de nouvelles. Le fait qu’une disposition particulière puisse sembler injuste n’est pas une raison pour que j’en fasse abstraction, si la disposition est clairement formulée […].

 

[46] L’employeur a fait valoir que l’interprétation de l’agent négociateur ferait en sorte que la Commission modifie la convention collective de manière à conférer un avantage plus important que celui négocié par les parties. Elle a affirmé que cela est interdit par l’art. 229 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; « LRTSPF »), qui empêche la Commission de rendre une décision qui a « […] pour effet d’exiger la modification d’une convention collective ou d’une décision arbitrale ».

[47] L’employeur a soutenu qu’un libellé clair est nécessaire pour établir un avantage pécuniaire. Il a déclaré qu’il incombait à l’agent négociateur d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que l’employeur contrevenait à la convention collective et que l’interprétation de l’employeur devrait être privilégiée (voir Arsenault c. Agence Parcs Canada, 2008 CRTFP 17, aux paragraphes 22 et 29; Union of Canadian Correctional Officers ‑ Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2019 CRTESPF 56, au par. 37; IPFPC, au par. 12; Cruceru, au par. 75).

[48] L’employeur a soutenu qu’il incombait à l’agent négociateur de prouver clairement et sans équivoque que les avantages pécuniaires demandés – tarif triple pour le temps de voyage – constituaient le résultat voulu de la négociation des parties. L’intention des parties ressort du libellé clair de la convention collective et non par référence, implication ou vœu pieux.

[49] À l’appui de ses arguments, l’employeur a renvoyé à Wamboldt c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 55, aux paragraphes 26 à 28; Denboer c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2016 CRTEFP 58, au par. 53; Bédard c. Conseil du Trésor (Commission canadienne des grains), 2019 CRTESPF 76, au par. 38; Forbes c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2021 CRTESPF 110, au par. 67.

[50] L’employeur a soutenu que lorsque la convention collective est silencieuse, les droits de la direction ont préséance. Il a fait valoir que ce point de droit est réglé et que, dans l’exercice de ses fonctions, l’employeur peut faire tout ce qui n’est pas expressément ou implicitement interdit par la loi ou la convention collective. Il a déclaré que la convention collective ni n’exige le résultat demandé par l’agent négociateur ni interdit à l’employeur de payer le tarif double pour le temps de voyage en dehors des heures normales de travail.

[51] À l’appui de son argument selon lequel les droits de la direction ont préséance lorsque la convention collective est silencieuse, il a fait référence à Fraternité internationale des ouvriers en électricité, section locale 2228 c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2020 CRTESPF 117, aux paragraphes 3 et 7 (confirmée dans 2022 CAF 69; « FIOE »), dans laquelle la Commission a déclaré que le silence n’indique pas une ambiguïté, mais plutôt que « […] les parties ne se sont pas penchées sur cette question […] » et a conclu comme suit :

[…]

[47] Étant donné le silence de la convention collective sur cette question et le fait que l’interprétation de l’employeur n’est pas incompatible avec le libellé de la convention collective ou avec Ducey, l’employeur peut exercer ses droits de la direction résiduels afin de déterminer le taux de rémunération des heures supplémentaires après une réinitialisation à la suite d’une période de repos obligatoire de 10 heures.

[…]

 

[52] L’employeur a fait valoir que, de même que dans FIOE, étant donné que les parties n’ont pas établi les taux applicables au temps de voyage en dehors de l’horaire de travail d’un employé, il n’existe aucune obligation contractuelle de payer le tarif triple pour le temps de voyage de manière distincte des heures effectuées. Par conséquent, l’employeur est en droit de déterminer le taux de rémunération qui s’applique au cours d’une telle période. L’employeur a également invoqué Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (ministère des Anciens combattants), 2013 CRTFP 165, au par. 83 (confirmée dans 2014 CF 1152).

[53] L’employeur a fait valoir que la convention collective définit également le « tarif et demi » en plus du taux des heures normales, le tarif double et le tarif triple, de sorte que l’employeur aurait pu déterminer que le temps de voyage en dehors des heures de travail normales d’un employé serait rémunéré au tarif et demi. Il applique plutôt le tarif double, jusqu’à concurrence du montant maximal énoncé à la clause 17.03.

[54] L’employeur a soutenu que l’article 17 est un code complet en ce qui a trait aux voyages. Il s’agit de la seule disposition de la convention collective qui vise à rémunérer un employé qui est tenu par l’employeur de se rendre à un endroit qui est éloigné de son lieu de travail normal. Il a fait valoir que même si la clause 17.03 traite de la rémunération du temps de voyage, la clause 15.10 porte sur les heures supplémentaires, que la clause 2.01o) définit comme suit : « désigne tout travail exécuté en dehors de l’horaire de travail d’un employé ».

[55] L’employeur a soutenu qu’en plus d’établir différentes normes de rémunération des heures supplémentaires effectuées et du temps de voyage, les parties ont accordé des significations mutuellement exclusives aux termes « travail » et « voyage ». La convention collective établit clairement une distinction entre le « travail » et le « voyage », de sorte que la clause 15.10, qui porte sur la rémunération des heures effectuées, ne s’applique pas au temps de voyage en vertu de la clause 17.03.

[56] Lorsque les parties ont défini les « heures supplémentaires » aux clauses 2.01o) et 15.10 de la convention collective en termes d’heures « effectuées », elles avaient clairement l’intention que le temps de voyage ne serait pas considéré comme des heures supplémentaires.

[57] La clause 15.10 énonce le taux des heures supplémentaires applicable pour les heures effectuées en sus de l’horaire de travail. Les taux des heures supplémentaires aux tarifs double et triple prévus à la clause 15.10 ont été fondés sur les « heures effectuées » à l’exclusion des heures de voyage. La clause 15.10a) prévoit que deux fois le taux normal doit être versé pour « […] chaque heure effectuée en sus de huit (8) heures au cours d’une période de travail ininterrompue […] » et la clause 15.10b) prévoit que trois fois le taux normal doit être versé pour « […] chaque heure effectuée en sus de seize (16) heures au cours d’une période de travail ininterrompue […] ».

[58] La clause 15.10 ne prévoit pas – ni ne laisse entendre – que deux ou trois fois le taux normal pour les heures effectuées ou voyagées en sus de 8 ou de 16 heures au cours d’une période ininterrompue; les heures supplémentaires ne comprennent pas le temps de voyage en dehors de l’horaire d’un employé, contrairement à ce que soutient l’agent négociateur.

[59] Selon l’employeur, il est clair que les parties ont convenu que le travail et les voyages sont deux concepts distincts et que la rémunération du temps de voyage serait traitée en vertu de l’article 17, et non de l’article 15. L’employeur a soutenu que de conclure autrement équivaudrait à ne pas tenir compte de l’intention manifeste des parties comme l’indiquent les clauses 2.01o), 15.10 et 17.03.

[60] L’employeur a soutenu que chaque disposition de la clause 17.03 confirme l’entente des parties selon laquelle le travail et les voyages ne sont pas les mêmes. Les montants maximaux énoncés à la clause 17.03 renforcent la distinction entre le travail et les voyages. En plafonnant le montant payé pour le temps de voyage, les parties ont envisagé – et ont consigné par écrit – une distinction entre le temps de voyage, qui est plafonné, et les heures de travail, pour lesquelles les employés sont rémunérés intégralement.

[61] L’employeur a soutenu que puisque les voyages ne sont ni du travail ni des heures supplémentaires, la convention collective est silencieuse quant au taux des heures supplémentaires applicable aux voyages effectués en dehors de l’horaire de travail d’un employé. Par conséquent, l’employeur peut exercer ses droits de la direction pour déterminer que le tarif double sera versé pour le temps de voyage en dehors de l’horaire, conformément à ce qui est décrit ci‑dessus.

[62] L’employeur a soutenu que la Commission a conclu à maintes reprises que le travail et les voyages sont des concepts distincts lorsqu’une convention collective contient des dispositions semblables ou identiques à celles de la convention collective en litige dans le présent cas. Il a invoqué Langis c. Conseil du Trésor (Ministère de la Défense nationale), dossier de la CRTFP 166‑02‑6450 (19800121); Hunt c. Conseil du Trésor (Pêches et Océans Canada), 1986 CarswellNat 1358; Lichter c. Conseil du Trésor (Santé et Bien-être Canada), 1987 CarswellNat 1576; Adams c. Conseil du Trésor (Transports Canada), 1988 CarswellNat 1681 (confirmée dans 1989 CarswellNat 749 (CAF)); Widdifield c. Canada (Conseil du Trésor), 1991 CarswellNat 1525; Farrow c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2014 CRTFP 43; Canada (Attorney General) v. Paton, 1990 CanLII 7953 (CAF).

[63] L’employeur a soutenu qu’en raison de la dichotomie de la convention collective entre les voyages et le travail et la jurisprudence citée, l’interprétation de l’agent négociateur ne peut prévaloir. Si les parties avaient voulu que les voyages soient traités comme du travail, elles l’auraient dit. La distinction qu’elles ont plutôt établie empêche de payer les heures supplémentaires pour le temps de voyage en vertu de la clause 15.10, qui est expressément réservée aux heures « effectuées ».

[64] Étant donné que des dispositions particulières ont préséance sur des principes généraux, l’article 15 (heures de travail et heures supplémentaires) ne l’emporte pas sur les dispositions particulières de la clause 17.03 dans la mesure où elles se rapportent à la rémunération du temps de voyage.

[65] L’employeur a fait valoir que le concept du temps mobilisé ne s’applique pas. Il a soutenu que le libellé particulier des clauses 2.01o), 15.10, et 17.03 précise que le voyage est distinct du travail, excluant ainsi le concept de temps mobilisé.

[66] L’employeur a fait valoir que l’invocation de Hutchison par l’agent négociateur est déplacée. Ce cas portait sur la question de savoir si un employé qui a participé à un essai en mer (régi par un article entièrement différent de la convention collective) était considéré comme étant « au travail » et avait donc droit d’être rémunéré (y compris au taux des heures supplémentaires) pendant qu’il dormait une heure après que le navire avait traversé les limites du port.

[67] Il a fait valoir que l’agent négociateur dans Hutchison avait soutenu que la clause 17.03 ne s’appliquait pas dans les circonstances, puisque le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas « voyagé » au sens visé par la clause. Par conséquent, la Commission n’a pas examiné la question de savoir si la clause 17.03 s’appliquait.

[68] Il a soutenu que, comme l’a fait remarquer la Commission dans Hutchison, des limites expresses quant à savoir quand et comment les heures « non liées au travail » doivent être rémunérées doivent être prévues dans la convention collective elle‑même.

[69] Enfin, dans Hutchison, la Commission a fait remarquer que la décision de la Cour d’appel fédérale dans Paton avait critiqué quelque peu l’omission de l’arbitre de grief de porter une attention particulière à une clause de la convention collective qui concernait le temps de déplacement. L’employeur a fait valoir que la conclusion dans Hutchison ne s’appliquait pas au temps de voyage en vertu de la clause 17.03, qui établit clairement des limites relatives à la rémunération pour le temps de voyage et écarte le concept de temps mobilisé.

C. Question acceptée par les parties

[70] Les deux parties ont convenu qu’une « journée », pour l’application des clauses 17.03 a) et c), signifie les journées de travail définies à la clause 2.01g), de sorte que si un employé a droit à une rémunération de voyage en vertu des clauses 17.03a) ou c), le maximum de 15 heures dans ces dispositions est calculé en fonction de la journée de travail normale de l’employé, qui commence à 23 h 45, à 0 h ou à 0 h 15.

V. Motifs de décision

[71] La question à trancher porte sur l’interprétation appropriée de l’expression « taux des heures supplémentaires applicable » prévue à la clause 17.03.

[72] L’agent négociateur soutient que les taux des heures supplémentaires applicables figurent à la clause 15.10. Il affirme en outre que le temps de voyage devrait être considéré comme du travail, étant donné qu’il s’agit d’un temps mobilisé dans le cadre des activités de l’employeur. Chaque argument sera abordé à tour de rôle.

A. Les parties avaient‑elles l’intention que l’expression « taux des heures supplémentaires applicable » signifie les taux énoncés à la clause 15.10 de la convention collective pour le temps de voyage?

[73] Les deux parties soutiennent que le libellé de la convention collective est sans ambiguïté en ce qui concerne l’interprétation de cette expression. Malgré cela, elles en ont fourni deux interprétations concurrentes, mais plausibles de cette expression.

[74] L’agent négociateur soutient que les taux mentionnés dans l’expression « taux des heures supplémentaires applicable » sont ceux prévus à la clause 15.10, qui sont, notamment, les seuls taux des heures supplémentaires définis dans la convention collective. D’autre part, l’employeur fait valoir que le « taux applicable des heures supplémentaires » ne peut pas signifier les taux prévus à la clause 15.10, puisque les heures supplémentaires, telles qu’elles sont énoncées dans la convention collective sont réservées au travail exécuté. Par conséquent, il soutient que la convention collective est silencieuse quant à la signification de « taux des heures supplémentaires applicable » et qu’il est donc libre de fixer le taux en fonction de ses droits de la direction réservés, conformément à la clause 5.01.

[75] À première vue, les deux semblent être des interprétations linguistiques acceptables.

[76] Comme l’a indiqué l’employeur, lorsqu’il doit choisir entre deux interprétations linguistiques acceptables, Brown et Beatty (au paragraphe 4:20) énoncent qu’un arbitre de grief peut être guidé par : 1) l’objet de la disposition particulière; 2) le caractère raisonnable de chaque interprétation possible; 3) la faisabilité administrative; 4) la question de savoir si l’une des interprétations possibles entraînerait des anomalies.

[77] Pour résumer d’abord mon examen de chacun de ces éléments, il est clair que l’objet de la clause 17.03 et de l’expression « taux des heures supplémentaires applicable » est de permettre aux parties de déterminer la rémunération à verser à un employé lorsqu’il voyage. Comme cette expression dicte la rémunération, elle est une expression importante. Cela nous amène au point concernant le caractère raisonnable. Est‑il raisonnable de conclure que les parties avaient l’intention que l’employeur soit le seul à déterminer l’expression « taux des heures supplémentaires applicable », qui est utilisée plusieurs fois dans la convention collective pour faire référence aux taux prévus dans la clause 15.10, pour l’application de la clause 17.03? Comme je l’expliquerai, je ne le crois pas.

[78] En ce qui concerne la faisabilité administrative, je suis d’avis que les deux interprétations peuvent être appliquées. Toutefois, l’interprétation de l’employeur donnerait lieu à d’autres anomalies, comme il est également expliqué dans la présente section.

[79] Passons maintenant à l’analyse plus détaillée des quatre éléments cités ci‑dessus tirés de Brown et Beatty, en commençant par un examen de la rédaction de la clause 17.03.

[80] La phrase introductive de la clause 17.03 prévoit que lorsqu’un employé est tenu de se rendre, « […] il est rémunéré dans les conditions suivantes […] ». Cela renforce le fait que les parties avaient l’intention de décrire dans les dispositions subséquentes de la clause 17.03 la façon dont un employé serait rémunéré lorsqu’il est tenu de voyager. La clause 17.03 a un but – établir la façon de rémunérer les employés pour leur temps de voyage.

[81] Les clauses subséquentes de la clause 17.03 révèlent essentiellement deux structures de paiement. La première concerne les jours pendant lesquels un employé voyage seulement et la deuxième concerne les jours pendant lesquels un employé voyage et travaille.

[82] La clause 17.03a) porte sur les jours pendant lesquels un employé voyage, mais ne travaille pas. Dans ces cas, l’employé doit être rémunéré « […] au taux des heures normales ou au taux des heures supplémentaires applicables durant ses heures de trajet […] ». Elle se lit comme suit :

17.03 Lorsqu’un employé est tenu par l’employeur de se rendre à un endroit qui est éloigné de son lieu de travail normal, il est rémunéré dans les conditions suivantes :

17.03 Where an employee is required by the Employer to travel to a point away from the employee’s normal place of work, the employee shall be compensated as follows:

a. Durant n’importe quel jour pendant lequel il voyage mais ne travaille pas, il est rémunéré au taux des heures normales ou au taux des heures supplémentaires applicables durant ses heures de trajet, mais le montant total ne doit pas dépasser quinze (15) heures normales.

a. on any day on which the employee travels but does not work, at the applicable straight‑ time or overtime rate for the hours travelled, but the total amount shall not exceed fifteen (15) hours’ straight time;

[…]

 

[83] Dans ses arguments, l’agent négociateur a fait référence à un exemple de l’application de la clause 17.03a). Il était fondé sur un employé dont le poste régulier est de 7 h 45 à 16 h 15, de sorte que ses heures de travail sont énoncées à la clause 15.02b) et, conformément à la clause 2.01g), leur « journée » est la période de 24 heures, commençant à 0 h. Dans l’exemple, un employé voyage, mais ne travaille pas, de 7 h 45 à 1 h 15 le lendemain.

[84] Les deux parties ont analysé cet exemple et ont convenu que la rémunération serait plafonnée à une rémunération de 15 heures au taux des heures normales pour le premier jour du voyage en raison du plafond prévu à la clause 17.03a). Elles différaient en ce qui concerne la rémunération pour le deuxième jour. L’agent négociateur est d’avis qu’il devrait être rémunéré selon le tarif triple, puisque l’employé voyageait pendant plus de 16 heures ininterrompues.

[85] Dans ses arguments, l’employeur a expliqué sa justification et a déclaré que l’employé serait rémunéré 8 heures au taux des heures normales pour le trajet de 7 h 45 à 16 h 15, soit le poste normal de l’employé. L’employé serait ensuite rémunéré selon le tarif double de 16 h 15 à 0 h, ce qui représente une période de 7,75 heures (7,75 x 2 = 15,5 heures (tarif double)), mais ne serait rémunéré que pour 15 heures le premier jour en raison du maximum de 15 heures normales par jour prévu à la clause 17.03a). L’employé serait ensuite rémunéré selon le tarif double pour le temps de voyage de minuit à 1 h 15, ce qui représente une période de 1,25 heure (1,25 x 2 = 2,5 heures (tarif double)). Par conséquent, l’employé aurait droit à une rémunération de 2,5 heures pour cette période puisqu’elle a lieu le deuxième jour.

[86] L’employeur a résumé sa justification dans le tableau suivant, ce qui facilite la compréhension :

Période

Taux applicable

Heures

Clause

Heures réellement rémunérées

De 7 h 45 à 16 h 15

Taux des heures normales – Voyage (aucun tarif double pour la période de repas, puisqu’il voyage, mais ne travaille pas)

8

17.03a)

15

De 16 h 15 à 0 h

Tarif double – Voyage

15,5 (7,75 x 2)

17.03a)

De 0 h à 1 h 15

Tarif double – Voyage

2,5 (1,25 x 2)

17.03a)

2.5

Rémunération totale pour le voyage :

17,5 heures = 15 heures (17.03a)) le premier jour + 2,5 heures (17.03a)) le deuxième jour

 

[87] La réponse de l’employeur à cet exemple est intéressante, pour deux raisons.

[88] En premier lieu, il convient de noter que le libellé de la clause 17.03a) ne fait référence qu’aux « taux des heures normales ou au taux des heures supplémentaires applicables ». Il ne fait aucune mention de la quantité des heures à rémunérer au taux des heures normales par rapport au taux des heures supplémentaires. Toutefois, la quantité d’heures est énoncée à la clause 15.10, qui établit que les heures supplémentaires seront rémunérées pour chaque heure effectuée en sus de huit heures au cours d’une période de travail ininterrompue.

[89] Selon la justification de l’employeur, les parties avaient‑elles également l’intention de laisser à la discrétion de l’employeur de déterminer la quantité des heures qui devrait être rémunérée au taux des heures normales par rapport au taux des heures supplémentaires. En d’autres termes, l’employeur rémunère‑t‑il des heures supplémentaires après 8 heures uniquement parce qu’il l’a choisi et non parce que la convention collective l’exige?

[90] Un deuxième point intéressant de la réponse de l’employeur à l’exemple est qu’il affirme que l’employé doit être rémunéré au tarif double pour les heures effectuées le deuxième jour. Encore une fois, il n’y a aucune mention à la clause 17.03a) qu’un employé a le droit de continuer à être rémunéré selon le taux des heures supplémentaires pour le deuxième jour si la période est ininterrompue. Toutefois, encore une fois, ce détail figure à la clause 15.10.

[91] Encore une fois, selon la justification de l’employeur, les parties avaient‑elles également l’intention de laisser à la discrétion de l’employeur de déterminer si des heures supplémentaires devraient continuer à être versées pour un deuxième jour de voyage, si ce voyage est ininterrompu?

[92] Il s’agit d’exemples assez flagrants d’anomalies qui surviendraient si je souscrivais à l’interprétation de l’employeur.

[93] Je fais remarquer que l’employeur a fourni ce qu’il a appelé un autre exemple de lorsqu’il exerce ses droits de la direction pour conférer un avantage aux employés malgré le silence de la convention collective. L’exemple cité était lorsqu’il paie les employés pour les jours de travail réguliers qui se situent entre les jours de voyage qui nécessitent un trajet de nuit, même s’ils ne sont pas tenus de travailler ou de voyager ces jours‑là, malgré le fait que la convention collective ne prévoit aucune garantie d’un nombre minimal ou maximal d’heures de travail. Toutefois, l’employeur n’a pas fait référence aux deux exemples susmentionnés en ce qui concerne l’application de la clause 17.03a).

[94] Je ne peux que déduire de cela que la déclaration de l’employeur selon laquelle un employé a droit d’être rémunéré au tarif double après 8 heures de trajet et que le taux des heures supplémentaires se poursuit le deuxième jour de la période de voyage ininterrompue est précisément parce qu’il sait qu’il faut suivre les taux énoncés à la clause 15.10. En effet, la clause 17.03 ne peut tout simplement pas s’appliquer sans consulter les modalités précisées à la clause 15.10.

[95] Passons aux clauses 17.03b) et c), elles traitent du moment où un employé travaille et voyage. Elles prévoient que l’employé doit être payé « au taux des heures supplémentaires applicable » pour toutes les heures effectuées ou voyagées, la seule distinction étant que la rémunération pour le temps de voyage est plafonnée (c.‑à‑d., à l’équivalent de 15 heures normales). Elles disposent ce qui suit :

[…]

b. Durant une journée de travail normale où il voyage et travaille :

b. on a normal workday in which the employee travels and works:

i. pour les heures de travail normales prévues à son horaire, il est rémunéré au taux normal et ne touche pas plus de huit (8) heures de rémunération;

i. during the employee’s regular scheduled hours of work at the straight‑time rate not exceeding eight (8) hours’ pay,

ii. au taux des heures supplémentaires pour toute heure effectuée en dehors des heures de travail normales prévues à son horaire;

ii. at the applicable overtime rate for all time worked outside the employee’s regular scheduled hours of work,

iii. au taux des heures supplémentaires applicable pour tout trajet effectué en dehors des heures de travail normales prévues à son horaire jusqu’à un maximum de quinze (15) heures de rémunération calculées au taux normal dans toute période de vingt‑quatre (24) heures.

iii. at the applicable overtime rate for all travel outside the employee’s regular scheduled hours of work to a maximum of fifteen (15) hours’ pay at straight time in any twenty‑four (24) hour period;

c. Durant un jour de repos où il voyage et travaille, au taux des heures supplémentaires :

c. on a rest day on which the employee travels and works, at the applicable overtime rate:

i. pour tout temps de trajet et pour un montant ne devant pas excéder quinze (15) heures de rémunération au taux normal,

i. for travel time, in an amount not exceeding fifteen (15) hours’ straight‑time pay,

et

and

ii. pour toute heure travaillée.

ii. for all time worked;

[…]

[Je mets en évidence]

 

[96] Il ne fait aucun doute que les clauses 17.03b) et c) établissent une distinction entre le travail et les voyages. En fait, il s’agit du fondement même de l’argument de l’employeur. Il fait valoir que l’expression « taux des heures supplémentaires applicable » devrait avoir une signification différente selon s’il s’agit de travail ou de voyage, car ces termes sont distincts.

[97] À l’appui de sa position, l’employeur a fait référence à de nombreuses décisions dont la conclusion était que le « voyage » n’était pas un « travail ».

[98] L’une de ces décisions était Hunt, citée par l’employeur, et elle résume également ce point. Le grief concernait l’allégation de M. Hunt selon laquelle le temps de déplacement un jour de repos pour suivre une formation dans une autre ville aurait dû être rémunéré en vertu des dispositions relatives aux heures supplémentaires de la convention collective. M. Hunt a soutenu que le « temps de déplacement » ne s’appliquait pas du tout puisqu’il avait été tenu de conduire un collègue et une cargaison. D’autre part, l’employeur a soutenu que M. Hunt avait été rémunéré comme il convenait pour le « temps de déplacement », sous réserve de l’indemnité maximale d’un jour.

[99] Les dispositions pertinentes de la convention collective dans ce cas étaient notamment semblables à celles du présent cas, et elles disposent ce qui suit :

[…]

18.04 Si un employé est tenu de se déplacer dans les conditions stipulées aux clauses 18.02 et 18.03 :

a) Un jour normal de travail où il se déplace mais ne travaille pas, il est rémunéré au taux normal pour la journée.

b) Un jour normal de travail où il doit à la fois se déplacer et travailler, il est rémunéré comme suit :

(i) sa rémunération normale pour la journée habituelle si sa période combinée de déplacement et de travail est égale ou inférieure à sept heures et demi (7 ½),

(ii) au taux des heures supplémentaires applicable à l’égard de toute période de déplacement supplémentaire excédant la période de sept heures et demie (7 ½) de travail et de déplacement, jusqu’à un montant maximal pour une journée donnée, n’excédant pas la rémunération de sept heures et demie (7 1/2) au taux horaire habituel pour cette période supplémentaire de déplacement.

c) Un jour de repos, ou un jour férié désigné, l’employé touchera pour son déplacement un montant équivalent au taux des heures supplémentaires applicable, jusqu’au maximum équivalent à sept heures et demie (7 1/2) au taux normal.

[…]

[100] La Commission a formulé les commentaires suivants sur la rémunération du temps de déplacement :

[…]

25 […] les parties ont élaboré l’article 18 de la convention collective suivant un plan bien défini. Aux termes de la clause 18.01, le temps de déplacement est seulement rémunéré dans les circonstances et dans la mesure prévues à la convention collective. Ensuite, la clause 18.02 stipule que l’heure de départ et le moyen de transport sont déterminés par l’employeur. Les clauses 18.03 et 18.04 complètent cette dernière en désignant les modalités admissibles du déplacement et les taux de rémunération applicables. Les clauses 18.05 et 18.06 décrivent les situations où la rémunération du temps de déplacement ne peut s’appliquer. Aucune disposition de l’article 18 ne laisse entendre que l’employé est obligatoirement ou automatiquement "en service" dès que l’employeur exerce son droit de déterminer l’heure de départ et le moyen de transport. Au contraire, la clause 18.04 (a) mentionne un jour normal de travail où un employé se déplace mais ne travaille pas, tandis que la clause 18.04 (b) prévoit un jour normal de travail où un employé doit à la fois se déplacer et travailler. La seule interprétation possible consiste à présumer que les signataires envisageaient une nette distinction entre le fait de se déplacer et celui de travailler. Les parties ont donc conclu une convention selon laquelle les déplacements sont des déplacements et le travail est du travail. On ne peut donc dire que M. Hunt se trouvait en service simplement parce que l’employeur lui avait commandé de se déplacer.

[…]

[Je mets en évidence]

 

[101] La Commission a rejeté le grief, concluant que M. Hunt avait été rémunéré comme il convenait pour son temps de déplacement, puisqu’il n’avait pas travaillé.

[102] Les conclusions tirées dans Hunt s’appliquent également au présent cas. Évidemment, les parties ont fait une distinction entre le temps de déplacement par rapport à travailler, de sorte qu’on ne peut pas dire qu’ils sont les mêmes. Toutefois, je n’estime pas que le déplacement doit être un travail pour que le temps de déplacement soit payé aux taux des heures supplémentaires énoncés à la clause 15.10. En effet, la clause 17.03 n’indique pas que le temps de voyage constitue des heures supplémentaires; elle énonce plutôt que la rémunération du temps de voyage sera payée au taux des heures supplémentaires applicable. La clause 15.10 de l’entente porte sur ces taux de rémunération.

[103] Passons maintenant à l’examen plus minutieux du libellé de la clause 15.10, sa phrase d’introduction énonce que « […] les heures supplémentaires effectuées sont rémunérées aux taux suivants […] », soulignant donc que les clauses suivantes définissent les taux. Si les parties n’avaient pas voulu mettre l’accent sur les taux, elles auraient déclaré que [traduction] « les heures supplémentaires sont rémunérées comme suit ».

[104] La clause 15.10 énonce ensuite le « taux » de deux fois le taux normal après une période ininterrompue de 8 heures et le « taux » de trois fois le taux normal après une période ininterrompue de 16 heures.

[105] Je suis d’accord avec l’employeur pour dire que le travail et les voyages sont deux activités distinctes et qu’on ne peut pas dire qu’un employé qui voyage seulement travaille, à moins qu’il n’y ait un libellé exprès au contraire dans la convention collective.

[106] Toutefois, la question à l’étude consiste à déterminer l’interprétation appropriée de l’expression « taux des heures supplémentaires applicable » à la clause 17.03, plutôt que la signification de l’expression « heures supplémentaires » en tant qu’expression autonome. L’expression « le taux des heures supplémentaires applicable » change l’accent mis sur les taux applicables par rapport à la question de savoir si le temps consacré au travail ou au voyage est considéré comme des heures supplémentaires.

[107] Je suis d’avis que les taux mentionnés à la clause 17.03 sont ceux qui figurent à la clause 15.10. En effet, la clause 15.10 est la seule disposition de la convention collective qui énonce les taux des heures supplémentaires.

[108] Cette interprétation est conforme aux conclusions tirées dans Langis. De plus, de toutes les décisions citées par les parties, Langis est la seule qui traite particulièrement de la signification de l’expression « taux des heures supplémentaires applicable ».

[109] Dans Langis, un employé a cherché à obtenir un remboursement du temps de voyage qui a eu lieu le jour pendant lequel il était tenu de conduire de sa résidence à Québec à Ottawa et revenir le même jour aux fins de son travail. La question consistait à savoir si une nouvelle clause de convention collective qui avait été imposée par voie d’une décision arbitrale interdisait de rembourser son temps de voyage. La clause en question énonçait que les personnes occupant des postes classifiés aux niveaux DS‑05 et 06, que M. Langis occupait, n’avaient pas droit à une indemnité pour les heures supplémentaires effectuées au cours d’une semaine normale de travail. La question devant la Commission consistait à savoir si le temps de voyage faisait partie des heures supplémentaires.

[110] Voici les dispositions pertinentes de la convention collective :

[…]

2.01 Aux fins de la présente convention :

n) « heures supplémentaires » Désigne le travail effectué par un employé en sus de ses heures normales de travail ou pendant son jour de repos.

[…]

Durée de travail et heures supplémentaires

10.05 Sous réserve des dispositions de l’article 12 (Indemnité de travail sur le terrain), lorsqu’un employé‑e effectue des heures supplémentaires autorisées par l’Employeur, il est rémunéré au tarif et demi (1½) pour toutes les heures travaillées en sus de sept heures et demie (7½) par jour.

Les employés des niveaux DS‑05 et DS‑06 n’ont pas droit à une rémunération pour les heures supplémentaires effectuées au cours d’une semaine de travail normale.

[…]

11.04 Si l’employé‑e est tenu de voyager conformément aux clauses 11.02 et 11.03 :

a) un jour de travail normal pendant lequel il voyage, l’employé‑e touche :

[…]

(ii) le taux des heures supplémentaires applicable pour tout temps de voyage supplémentaire en excédent d’une période de sept heures et demi (7½) de travail et/ou de voyage, mais le paiement maximal versé pour ce temps ne doit pas dépasser, un jour donné, huit (8) heures de rémunération calculées au taux ordinaire.

b) un jour de travail normal pendant lequel il voyage et travaille, l’employé‑e touche :

[…]

(ii) le taux des heures supplémentaires applicable pour tout temps de voyage supplémentaire en excédent d’une période de huit (8) heures de travail et de voyage, mais le paiement maximal versé pour ce temps ne doit pas dépasser, un jour donné, huit (8) heures de rémunération calculées au taux ordinaire.

[…]

[Je mets en évidence]

 

[111] L’employeur dans Langis a soutenu que le concept de temps de voyage était subordonné à celui des heures supplémentaires. Il a fait valoir que : « la notion de temps de déplacement ne peut exister seule car elle ne prévoit aucune mécanique de paiement. Il faut absolument référer à l’article 10 [heures supplémentaires]. L’article 11 [temps de voyage] est subordonné à l’article 10. Il faut lire les deux articles ensemble. »

[112] L’avocat de M. Langis a soutenu que le temps de voyage et les heures supplémentaires sont deux concepts distincts qui ne doivent pas être confondus et que, même si la décision arbitrale a modifié la clause relative aux heures supplémentaires dans la convention collective, la clause relative au temps de voyage n’a pas été modifiée. Il a soutenu que l’utilisation du mot « taux » nécessiterait de consulter la clause relative aux heures supplémentaires uniquement pour déterminer le taux de rémunération et non pour interpréter le concept de temps de voyage ou le droit à une rémunération.

[113] La Commission y a souscrit. Elle a déterminé que les concepts de travail et de voyage sont distincts et qu’il est clair que lorsqu’un employé voyage, il ne travaille pas. Toutefois, elle a conclu que la référence au « taux des heures supplémentaires applicable » visait à déterminer le taux de rémunération applicable. Elle a reconnu que la rémunération du temps de voyage n’était pas une rémunération des heures supplémentaires, étant donné que les heures supplémentaires étaient limitées à la rémunération des heures effectuées. Aux pages 6, 7 et 8, la Commission a déclaré ce qui suit :

[…]

En somme la question essentielle à se poser consiste à savoir si l’interprétation de la clause 11.04 (b)(ii) nécessite d’en référer à la clause 10.05, et sous‑jacente à cette première question, il est nécessaire de déterminer si le temps passé en déplacement en sus d’une période combinée de déplacement et de travail de huit heures qui constituerait une journée de travail normale constitue des heures supplémentaires aux fins de la rémunération et au sens de l’article 10 de la convention collective.

Comme nous l’avons mentionné précédemment les « heures supplémentaires » et le « temps de déplacement » sont des notions qu’on retrouve à la convention sous des articles et des titres distincts. La clause 11.01 (temps de déplacement) stipule ce qui suit :

Aux fins d’application de la présente convention, le temps de déplacement n’est rémunéré que dans les circonstances et dans la mesure prévues dans le présent article.

Or, la clause 11.04 (b)(ii) stipule de façon générale que lorsqu’un employé se déplace conformément à la définition donnée à cette expression, qu’il travaille et qu’il s’agit d’un jour de travail normal, il a droit à une « rémunération au taux des heures supplémentaires pour le temps passé en déplacement en sus de la période de déplacement et de travail de huit (8) heures, cette rémunération ne devant pas dépasser, pour une journée donnée, huit heures de rémunération au taux horaire normal ». Il est bien évident par conséquent que ladite clause considérée isolément prévoit une rémunération pour le temps de déplacement dans les circonstances du cas qui nous occupe. Cette rémunération, selon la clause, sera au « taux des heures supplémentaires », lequel taux n’est mentionné nulle part dans la clause, mais plutôt à 10.05. De même, la clause 11.04 (c) ayant trait au déplacement un jour de repos ou un jour férié désigné ne précise pas quel taux de rémunération sera applicable et il faut lire la clause 10.06 qui stipule qu’après le premier jour de repos, la rémunération se calcule au taux double. Il est utile de préciser également que la clause 10.06 ne comporte aucune exclusion comme celle qu’on retrouve à 10.05 et que conséquemment, la rémunération du temps de déplacement un jour de repos ou un jour férié désigné ne saurait être mise en question. Dans le cas de la clause 11.04 (b)(ii), tout comme celui de la clause 11.04 (c), il est clair cependant qu’une fois le taux de la rémunération déterminé, le montant de ladite rémunération ne peut être déterminé par la seule référence aux clauses 10.05 ou 10.06. En effet, le libellé de 11.04 (b)(ii), tout comme 11.04 (c), prévoit que la dite rémunération du temps de déplacement en sus des heures normales de travail ne saurait dépasser un montant maximum équivalent à huit heures de rémunération au taux normal. Ceci revient à dire que selon le jour où la période de déplacement survient, le nombre d’heures de déplacement rémunérables variera. Il appert donc que la mention à la clause 11.04 (b)(ii) du « taux des heures supplémentaires » n’aurait comme but que de déterminer un mode de calcul visant le mode de rémunération des heures de déplacement en sus des heures normales de travail et de déplacement au cours d’une journée de travail […]

[…]

[Je mets en évidence]

 

[114] Je conclus que le libellé de la convention collective dans Langis est assez semblable à celui des clauses 17.03, 15.10 et 2.01 o) pour justifier la même conclusion dans le présent cas. Comme dans Langis, je crois que l’expression « taux des heures supplémentaires applicable » est utilisée uniquement pour établir la méthode de calcul par rapport à la méthode de rémunération du temps de voyage.

[115] Je prends également note du fait que Langis, comme dans le cas présent, concernait le ministère de la Défense nationale. Par conséquent, on s’attend à ce qu’il ait eu connaissance de cette interprétation lors des cycles subséquents de négociation collective lorsqu’il utilise l’expression « taux des heures supplémentaires applicable », car elle concerne le temps de voyage.

[116] En ce qui concerne la question plus large des règles générales d’interprétation, l’employeur a fait référence à Cruceru, une décision récente de la Commission dans laquelle elle a examiné les règles et résumé les canons d’interprétation suivants pour guider son analyse (voir le paragraphe 84) :

• les parties sont réputées vouloir dire ce qu’elles ont dit;

• le sens d’une disposition de la convention collective doit être cherché dans ses dispositions expresses;

• le libellé de la convention collective doit être interprété selon son sens grammatical et ordinaire;

• le libellé doit être interprété dans son contexte intégral, en conformité avec l’économie de la convention collective

• lorsque les mêmes mots réapparaissent, il faut leur donner la même interprétation.

 

[117] En appliquant ces principes, je crois que l’interprétation de la clause 15.10 comme prévoyant « le taux des heures supplémentaires applicable » mentionné à la clause 17.03 donne un sens à ces mots dans l’ensemble de leur contexte et en harmonie avec l’économie de la convention collective.

[118] En fait, l’expression « taux des heures supplémentaires applicable » figure également aux clauses 15.13, 15.15 et 18.01, qui disposent ce qui suit :

15.13 Lorsque l’employé est tenu d’effectuer des heures supplémentaires prévues à l’avance et qu’il rentre au travail un jour férié désigné payé qui n’est pas un jour de travail prévu à son horaire, ou un jour de repos, il touche le plus élevé des deux montants suivants :

15.13 When an employee is required to report for prescheduled overtime and reports to work on a designated paid holiday which is not the employee’s scheduled day of work, or on the employee’s day of rest, the employee shall be paid the greater of:

a. la rémunération payable, au taux des heures supplémentaires, pour toutes les heures effectuées,

a. compensation at the applicable overtime rate for all hours worked,

ou

or

b. une rémunération équivalant à quatre (4) heures de salaire à son taux horaire de rémunération; cependant, ce minimum de quatre (4) heures de salaire s’applique seulement la première fois que l’employé est tenu de se présenter au travail pour effectuer des heures supplémentaires prévues à l’avance pendant une période de huit (8) heures, à compter du moment où l’employé s’est présenté au travail pour la première fois.

b. compensation equivalent to four (4) hours’ pay at the employee’s hourly rate of pay, except that the minimum of four (4) hours’ pay shall apply the first time only an employee is required to report for prescheduled overtime during a period of eight (8) hours, starting with the employee’s first reporting.

[…]

15.15 Lorsque la direction exige d’un employé qu’il travaille pendant sa pause repas normale, il est rémunéré au taux des heures supplémentaires applicable pour la période dudit travail et il doit bénéficier du temps libre payé pour prendre son repas au cours de la demi‑heure (1/2) qui précède immédiatement la pause repas normale ou au cours de la demi‑heure (1/2) qui suit la fin de la pause repas normale.

15.15 When management requires an employee to work through his/her regular meal period, the employee shall be paid at the applicable overtime rate for the period worked therein, and the employee shall be given time off with pay to eat commencing within one half (1/2) hour immediately prior to the regular meal period or commencing within one half (1/2) hour of the termination of the regular meal period.

[…]

18.01 Lorsqu’un employé est rappelé pour faire des heures supplémentaires après avoir quitté les locaux de l’employeur :

18.01 When an employee is called back to work overtime after he/she has left the Employer’s premises:

a. un jour férié désigné payé qui n’est pas un jour de travail prévu à son horaire,

a. on a designated paid holiday which is not an employee scheduled day of work, or

ou

 

b. un jour de repos de l’employé,

b. on an employee’s day of rest,

ou

or

c. après la fin de sa journée de travail et qu’il revient au travail, il touche le plus élevé des deux montants suivants :

c. after the employee has completed his/her work for the day, and returns to work the employee shall be paid the greater of:

i. la rémunération au taux des heures supplémentaires applicable,

i. compensation at the applicable overtime rate for time worked,

ou

or

ii. la rémunération équivalant à quatre (4) heures de rémunération calculées au taux des heures normales,

ii. compensation equivalent to four (4) hours’ pay at the straight‑time rate,

à la condition que la période de travail effectuée par l’employé ne soit pas accolée à son poste à l’horaire et qu’il n’ait pas été avisé de cette exigence avant d’avoir terminé sa dernière période de travail.

provided that the period worked by the employee is not contiguous to the employee’s scheduled shift and the employee was not notified of such overtime requirement prior to completing his/her last period of work.

[Je mets en évidence]

 

[119] Les trois clauses utilisent toutes la même terminologie, « taux des heures supplémentaires applicable ». Elles ne renvoient pas le lecteur à la clause 15.10 pour déterminer ces taux. Toutefois, il est raisonnable de s’attendre à ce que les parties sachent qu’il faut consulter la clause 15.10 pour déterminer le taux des heures supplémentaires applicable, car elle est la seule clause de la convention collective qui les énonce. Comme il a été indiqué dans Cruceru, lorsque les mêmes mots réapparaissent, ils doivent recevoir la même interprétation. Ainsi, l’expression « taux des heures supplémentaires applicable » devrait avoir le même sens dans l’ensemble de la convention; c’est‑à‑dire que les employés doivent être rémunérés aux taux prévus à la clause 15.10.

[120] Comme cela a également été souligné dans Cruceru, les parties sont censées avoir voulu dire ce qu’elles ont dit. Si les parties avaient voulu que l’expression « taux des heures supplémentaires applicable » à la clause 17.03 signifie quelque chose de différent, il est raisonnable de s’attendre à ce qu’elles aient utilisé des termes différents. Après avoir décidé d’utiliser les mêmes termes, on suppose qu’elles voulaient que cette expression ait le même sens.

[121] En effet, si l’employeur avait eu l’intention de réserver ses droits de la direction, il aurait pu l’indiquer expressément conformément à ce qui figure dans d’autres clauses de l’article 17. Les clauses 17.02 et 17.07 contiennent les références expresses suivantes :

17.02

17.02

a. Lorsqu’un employé est tenu par l’employeur de travailler en un endroit situé à l’extérieur de la région de son lieu d’affectation, il est remboursé de ses dépenses raisonnables au sens où l’entend l’employeur.

a. Where an employee is required by the Employer to work at a point outside the employee’s headquarters area, the employee shall be reimbursed for reasonable expenses as defined by the Employer.

b. Lorsqu’un employé est tenu par l’employeur de se rendre à un endroit situé à l’intérieur de la région de son lieu d’affectation, il lui sera versé une indemnité de kilométrage ou les frais de transport au tarif versé par l’employeur.

b. When an employee is required by the Employer to travel to points within the headquarters area, the employee shall be paid a kilometric allowance or transportation expenses at the rate paid by the Employer.

c. Lorsqu’un employé en voyage parcourt plus d’un (1) fuseau horaire, le calcul sera effectué comme s’il était demeuré dans le fuseau horaire du point de départ, pour les voyages ininterrompus, et dans le fuseau horaire de chaque point où il fait une escale d’une nuit, après le premier jour de voyage.

c. When an employee travels through more than one (1) time zone, computation will be made as if he or she had remained in the time zone of the point of origin for continuous travel and in the time zone of each point of overnight stay after the first day of travel.

[…]

17.07 Congé de déplacement

17.07 Travel status leave

a. Il sera accordé huit (8) heures de congé payé à l’employé tenu de voyager hors de sa zone d’affectation, pour affaires du gouvernement, au sens que l’employeur donne à ces expressions, s’il s’absente de sa résidence permanente pendant quarante (40) nuits, au cours d’un exercice financier. Huit (8) heures de congé additionnelles lui sont créditées pour chaque bloc de vingt (20) nuits additionnelles où l’employé s’absente de sa résidence permanente, jusqu’à un maximum de quatre‑vingts (80) nuits.

a. An employee who is required to travel outside his or her headquarters area on government business, as these expressions are defined by the Employer, and is away from his permanent residence for forty (40) nights during a fiscal year shall be granted eight (8) hours of time off with pay. The employee shall be credited with eight (8) additional hours of time off for each additional twenty (20) nights that the employee is away from his or her permanent residence to a maximum of eighty (80) nights.

[…]

[Je mets en évidence]

 

[122] Il est donc raisonnable de conclure que, puisque trois autres clauses de l’article 17 font expressément référence au droit de l’employeur de fixer unilatéralement des conditions liées à la rémunération, les parties auraient également déclaré [traduction] « au taux des heures supplémentaires applicable, conformément à la définition de l’employeur », ou peut‑être plus précisément [traduction] « à un taux des heures supplémentaires défini par l’employeur » si elles avaient l’intention de faire ainsi.

[123] Enfin, tel que cela a été indiqué dans Cruceru, les termes de la convention collective doivent recevoir leur sens ordinaire et grammatical.

[124] Le Oxford English Dictionary définit le terme « applicable » comme désignant [traduction] « pertinent ou approprié » et « taux » comme [traduction] « une mesure, une quantité ou une fréquence, habituellement mesurée par rapport à une autre quantité ou mesure ».

[125] Lorsqu’on fait référence au « taux des heures supplémentaires applicable » à la clause 17.03, d’un point de vue purement grammatical, les termes « applicable » et « taux » désignent la mesure ou la quantité pertinente ou appropriée qui permettrait de calculer la rémunération due pour le temps de voyage. À mon avis, selon l’interprétation ordinaire et simple, cette mesure ou quantité vise à faire référence au tarif double ou triple prévu à la clause 15.10.

[126] Le libellé français de la convention collective appuie également cette interprétation puisqu’elle ne met pas l’accent sur le « travail » exécuté dans la clause 15.10. Elle dispose ce qui suit :

15.10 Rémunération des heures supplémentaires

15.10 Overtime compensation

Sous réserve du paragraphe 15.14, les heures supplémentaires effectuées sont rémunérées aux taux suivants :

Subject to clause 15.14, overtime shall be compensated at the following rates:

a. deux (2) fois le taux normal pour chaque heure effectuée en sus de huit (8) heures au cours d’une période de travail ininterrompue ou en sus de huit (8) heures au cours de la même journée jusqu’à un maximum de seize (16) heures au cours d’une période de travail ininterrompue, ainsi que pour toutes les heures effectuées un jour de repos jusqu’à concurrence de seize (16) heures;

a. double (2) time for all hours worked in excess of eight (8) hours in a continuous period of work or in excess of eight (8) hours in a day to a maximum of sixteen (16) hours in a continuous period of work; and for all hours worked on a day of rest to a maximum of sixteen (16) hours;

b. trois (3) fois le taux normal pour chaque heure effectuée en sus de seize (16) heures au cours d’une période de travail ininterrompue ou en sus de seize (16) heures au cours d’une période de vingt‑quatre (24) heures, ainsi que pour toutes les heures effectuées par un employé qui est rappelé au travail avant l’expiration de la période de neuf (9)heures dont il est question au paragraphe 15.11.

b. triple (3) time for each hour worked in excess of sixteen (16) hours in a continuous period of work or in excess of sixteen (16) hours in any twenty‑four (24) hour period, and for all hours worked by an employee who is recalled to work before the expiration of the nine (9) hour period referred to in clause 15.11.

[Je mets en évidence]

 

[127] Une traduction stricte de l’expression « pour chaque heure effectuée » signifie en anglais « for each hour performed ». Cela contraste avec les termes de la version anglaise de la convention collective et appuie la conclusion selon laquelle les parties souhaitaient mettre l’accent sur les taux prévus dans ces clauses, plus que sur la nécessité qu’il s’agisse d’un travail. Cela dit, je fais également remarquer que la version française de la clause 17.03b)(ii) semble utiliser le terme « effectuée » de façon interchangeable avec « travaillée », de sorte que les distinctions entre les versions anglaise et française ne suffiraient pas à déterminer par elles‑mêmes la bonne interprétation de la clause 17.03 ou de la clause 15.10.

[128] Toutefois, la totalité de l’analyse décrite dans la présente section me mène à conclure que la référence au « taux applicable des heures supplémentaires » était destinée à signifier qu’un employé qui voyage a droit d’être payé au même taux que ceux prévus dans les dispositions relatives aux heures supplémentaires de la convention collective.

[129] Il convient de souligner que la référence au « taux des heures supplémentaires applicable » à la clause 17.03 ne signifie pas que tout temps de voyager constitue des heures supplémentaires puisque les « heures supplémentaires » sont définies dans la convention collective comme des heures effectuées. En fait, la distinction dans la clause 17.03 entre voyage et travail est importante. Elle est nécessaire, car la rémunération du temps de voyage est plafonnée à l’équivalent de 15 heures normales, alors que les heures de travail ne le sont pas. Il s’agit essentiellement de la raison pour laquelle la clause fait la distinction entre le travail et les voyages. Toutefois, je conclus que les parties n’ont pas établi la distinction entre les voyages et le travail afin d’établir que le « taux des heures supplémentaires applicable » devait être rémunéré à la seule discrétion de la direction. Si les parties l’avaient voulu, elles auraient utilisé un autre libellé ou un libellé semblable à celui des clauses 17.02 et 17.07, dans lesquelles la direction se réservait expressément le droit de fixer les modalités de la rémunération.

[130] Cela ne veut pas dire qu’un employeur doit dans tous les cas indiquer expressément quand il peut se prévaloir de ses droits de la direction à l’égard d’une question. En fait, la Commission a conclu autrement. Dans FIOE, la question dont elle était saisie visait à déterminer si la rémunération des heures supplémentaires au taux triple revient au taux et demi ou au taux double après une période de repos obligatoire de 10 heures. Voici le libellé de la convention collective à l’époque :

[…]

e) L’employé‑e qui a droit au taux triple (3) prévu à l’alinéa d) précédent continue d’être rémunéré‑e à ce taux pour toutes les heures travaillées jusqu’à ce qu’il se voit accorder une période de repos d’au moins dix (10) heures consécutives.

[…]

 

[131] Dans FIOE, la Commission a conclu que la convention collective était silencieuse à l’égard de cette question, ce qui indiquait que les parties ne l’avaient pas abordée. Par conséquent, la direction pourrait utiliser ses droits de la direction résiduels pour établir le taux des heures supplémentaires à payer.

[132] Je crois que les faits sont très différents dans le présent cas. L’objet même de la clause 17.03 est d’établir la rémunération des employés qui voyagent. Je ne crois pas que les parties n’ont tout simplement pas abordé la question, comme il était ainsi dans FIOE. Dans le présent cas, les parties ont plutôt exposé les modalités de calcul de cette rémunération. Ce faisant, elles ont utilisé le même libellé que celui utilisé dans la convention collective pour établir le taux auquel cette rémunération doit être fixée. Pour cette raison, je conclus que si les parties avaient voulu que l’expression « taux des heures supplémentaires applicable » ait une signification différente, elles auraient utilisé des termes différents et l’auraient indiqué de façon expresse.

[133] L’employeur a également soulevé l’argument selon lequel un libellé clair est nécessaire pour établir un avantage pécuniaire. Il a invoqué Wamboldt, dans laquelle la Commission a formulé les commentaires suivants après avoir résumé les principes d’interprétation :

[…]

[26] Il ne s’agit là toutefois que de certains des principes sur lesquels l’on doit se fonder pour interpréter une disposition donnée figurant dans une convention collective. À mon avis, deux autres principes sont également pertinents dans l’affaire qui nous occupe.

[27] Tout d’abord, un avantage qui comporte un coût financier pour l’employeur, doit avoir été clairement et expressément stipulé dans la convention collective […]

[28] Ensuite, les parties à une convention collective sont généralement réputées avoir voulu en arriver à une entente qui soit aisément applicable dans le cours ordinaire des choses. […] En résumé, une interprétation qui rend plus facile à appliquer une disposition de manière courante doit en principe être préférée à une interprétation qui en rendrait l’application difficile, voire illusoire.

[…]

 

[134] Je souscrit à ces déclarations. Toutefois, je conclus le contraire de ce que propose l’employeur. Je suis d’avis que l’interprétation de l’expression « taux des heures supplémentaires applicable » comme signifiant la même chose dans l’ensemble de la convention collective facilite l’application des dispositions de la clause 17.03 dans la pratique. Comme cela a été indiqué dans Wamboldt, de manière courante, cela est préféré à une interprétation qui en rendrait l’application difficile, voire impossible. Je ne propose pas que l’interprétation de l’employeur soit impossible, cependant, utiliser les mêmes mots pour signifier des choses différentes rend certainement l’application plus difficile.

[135] Je suis également d’accord avec l’employeur pour dire que lorsqu’on veut bénéficier d’un droit pécuniaire, il faut avoir un libellé clair à cet effet. Pour les raisons déjà exposées, je crois que le libellé de la convention collective est suffisamment clair pour satisfaire à cette exigence.

[136] Enfin, l’employeur a soutenu que l’art. 229 de la LRTSPF interdit à la Commission de prendre une décision qui nécessiterait de modifier la convention collective. Ma décision selon laquelle l’expression « taux des heures supplémentaires applicable » utilisée dans l’ensemble de la convention collective devrait avoir le même sens et qu’elle fait référence aux taux prévus à la clause 15.10, ne modifie pas la convention collective. Elle est fondée sur le contexte de la convention collective dans son ensemble et sur le sens clair des termes utilisés. Je ne peux conclure que l’expression « taux des heures supplémentaires applicable », en ce qui a trait au temps de voyage dans la clause 17.03, n’a pas été définie par les parties, car elle n’est pas appuyée par le libellé de la convention collective. À mon avis, cela constituerait une interprétation déraisonnable de la convention collective, lue dans son ensemble.

B. Le temps de voyage constitue‑t‑il un temps mobilisé, de sorte que les voyages doivent être considérés comme un travail?

[137] L’agent négociateur soutient que le temps de voyage devrait être considéré comme un travail exécuté, en fonction de la jurisprudence portant sur le temps mobilisé. Il a invoqué Hutchison, dans laquelle la Commission a confirmé que le temps visé par les activités de l’employeur constituait un « travail » aux fins des heures supplémentaires. Il a fait référence au paragraphe 66, qui se lit comme suit :

[66] Je comprends que le fonctionnaire ne travaillait pas réellement entre vers minuit lorsque le bateau a traversé les limites du port et 9 h lorsqu’il est arrivé au quai – il dormait. Toutefois, la jurisprudence relative au temps mobilisé, que l’employeur doit connaître, est claire. Ce qui importe n’est pas ce que l’employé faisait ou ne faisait pas durant ce moment, même s’il faisait exactement ce qu’il aurait fait si le temps lui avait appartenu. Il importe plutôt de savoir si ce temps était coincé dans la portée des activités de l’employeur. Cela suffit pour dire qu’il était mobilisé.

 

[138] L’employeur a fait valoir que l’invocation par l’agent négociateur de Hutchison était déplacée, puisque ce cas portait sur les dispositions spéciales de la convention collective qui régissaient les fonctions en mer à bord des navires. En fait, l’agent négociateur dans Hutchison a même estimé que les dispositions de la convention collective relatives au temps de voyage ne s’appliquaient pas dans ce cas.

[139] L’employeur a signalé les déclarations supplémentaires suivantes de la Commission dans Hutchison :

[…]

[51] Ainsi, en résumé, on peut affirmer dans le cas des employés payés au taux horaire que la définition de « travail » dans une convention collective n’est pas nécessairement limitée à la période au cours de laquelle un employé effectue des tâches pour lesquelles il est employé. Dans la situation appropriée (sous réserve de tout élément contraire dans la convention collective), elle peut être élargie afin d’inclure le temps non travaillé qui néanmoins n’est plus véritablement le temps propre de l’employé, parce qu’il doit se déplacer à l’extérieur de son lieu normal de travail afin d’effectuer la tâche ou parce que sa liberté d’action est restreinte ou limitée par l’employeur pour ses propres fins d’une certaine façon : voir la décision de la Cour d’appel fédérale dans Paton.

[…]

[53] Une façon évidente de contourner ce problème est de créer les limites ou des définitions explicites du moment ou de la façon dont ce temps « non travaillé » peut être rémunéré, s’il doit l’être. Cependant, du moins dans le cas de travail syndiqué, ces limites doivent figurer dans la convention collective elle‑même.

[…]

[Je mets en évidence]

 

[140] Après avoir examiné attentivement les arguments des parties et les déclarations de la Commission dans Hutchison, je suis d’accord avec l’employeur pour dire que le concept de temps mobilisé ne s’applique pas dans le présent cas.

[141] En effet, dans le présent cas, les parties ont expressément inclus dans leur convention collective des modalités quant au moment et à la façon dont le temps de voyage (c.‑à‑d. le temps « non lié au travail » mentionné dans Hutchison) sera rémunéré. Par conséquent, je ne peux pas conclure que les voyages devraient être considérés comme un travail simplement parce que le temps de l’employé n’est pas le sien lorsqu’il voyage. Lorsque les parties ont négocié la clause 17.03, elles ont convenu de la façon dont ce temps serait rémunéré, remplaçant ainsi tout argument concernant le temps mobilisé.

VI. Conclusion

[142] Je conclus que l’interprétation de l’employeur du « taux des heures supplémentaires applicable » figurant à la clause 17.03 contrevient à la convention collective. Par conséquent, le grief est accueilli.

[143] Les parties ont demandé que, si le grief était accueilli, elles aient la possibilité de présenter des arguments sur la mesure corrective appropriée, dans les circonstances.

[144] J’exhorte les parties à profiter de l’occasion pour régler la question de mesure corrective sans recourir à une autre audience. Toutefois, si elles n’y parviennent pas, je crois que les questions en suspens relatives à la mesure corrective peuvent être traitées par voie d’arguments écrits.

[145] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)

VII. Ordonnance

[146] Le grief est accueilli.

[147] Si les parties en font la demande, le greffe de la Commission établira un processus de présentation d’arguments écrits sur la question de la mesure corrective.

[148] Je demeure saisie temporairement de la présente affaire aux seules fins de déterminer la mesure corrective, si les parties en font la demande.

[149] Si les parties ne demandent pas un processus de présentation d’arguments écrits dans les 180 jours suivant l’émission de la présente décision, le dossier 569‑02‑41614 de la Commission sera fermé par le greffe de la Commission et je cesserai d’être saisie de la présente affaire.

Le 3 mai 2023.

Traduction de la CRTESPF

Audrey Lizotte,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

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