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Date: 20230502

Dossier: 566‑02‑11693

 

Référence: 2023 CRTESPF 45

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

entre

 

Oona keagan

fonctionnaire s’estimant lésée

 

et

 

Conseil du Trésor

(ministère des Relations Couronne‑Autochtones et des Affaires du Nord)

 

employeur

Répertorié

Keagan c. Conseil du Trésor (ministère des Relations Couronne‑Autochtones et Affaires du Nord Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant : David Olsen, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée : Mariah Griffin‑Angus

Pour l’employeur : Philippe Giguère

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés les 1er et 19 avril, le 25 novembre et le 9 décembre 2022 et le 13 janvier 2023. (Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

 

Introduction

2

Résumé de la preuve fondée sur l’énoncé conjoint des faits des parties

3

Arguments de l’agent négociateur sur l’interprétation des articles 48 et 50

4

Arguments de l’employeur sur l’interprétation des articles 48 et 50

12

Événements subséquents à l’échange écrit des arguments

23

Arguments de l’employeur sur la pertinence de l’article 36 de la LEFP

23

Arguments de l’agent négociateur sur la pertinence de l’article 36 de la LEFP

25

Réponse de l’employeur aux arguments soulevant la décision « Praught et Pellicore »

26

Réponse de l’agent négociateur aux arguments sur la pertinence de « Praught et Pellicore »

28

Analyse

30

Conclusions sur les faits

35

Discussion sur l’interprétation de l’article 48

35

Conclusions en ce qui concerne l’interprétation de l’article 48

37

Discussion sur l’interprétation de l’article 50

38

Conclusion en ce qui concerne l’interprétation de l’article 50

39

I. Introduction

[1] Oona Keagan, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), qui occupait un poste PM‑04 au ministère des Relations Couronne‑Autochtones et Affaires du Nord Canada (RCAANC), a postulé un poste CX‑02 auprès du Service correctionnel du Canada (SCC). Selon une condition d’emploi, tous les candidats devaient suivre avec succès le Programme de formation correctionnelle (PFC), pour lequel aucune rémunération n’était versée. La fonctionnaire a présenté à RCAANC une demande de congé de sélection du personnel et de congé de promotion professionnelle en vertu de sa convention collective. Les deux demandes ont été refusées et elle a déposé un grief à leur égard.

[2] Les parties ont convenu de procéder au moyen d’un énoncé conjoint des faits et d’arguments écrits.

[3] Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365; LCRTEFP) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (CRTEFP), qui remplace l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique et l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique (TDFP). Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires contenues dans les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40, Loi no 2 sur le PAE) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014‑84). Conformément à l’article 393 de la Loi no 2 sur le PAE, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; LRTFP) avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la LRTFP, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le PAE.

[4] Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et le titre de la LCRTEFP et de la LRTFP pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (LCRTESPF) et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral.

II. Résumé de la preuve fondée sur l’énoncé conjoint des faits des parties

[5] Le grief a été déposé en vertu de la convention collective du groupe Services des programmes et de l’administration conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada qui a expiré le 20 juin 2014 (la « convention collective »).

[6] Au moment pertinent, la fonctionnaire occupait son poste PM‑04 situé en Nouvelle‑Écosse.

[7] Ses superviseurs étaient Belinda Smith, directrice, Terres et Développement économique, RCAANC, région de l’Atlantique, et Larry Pardy, gestionnaire, Terres, environnement et ressources naturelles.

[8] En septembre 2013, la fonctionnaire a postulé un poste CX‑02 à titre d’intervenante de première ligne au SCC à Truro, en Nouvelle‑Écosse, dans le cadre d’un processus de dotation de la fonction publique portant le numéro 2013‑PEN‑EA‑NAT‑77497. L’offre d’emploi indiquait que tous les candidats devaient suivre avec succès le PFC et indiquait que [traduction] « AUCUNE RÉMUNÉRATION ne sera versée pendant le Programme de formation correctionnelle ».

[9] La demande de la fonctionnaire a été renvoyée aux fins d’évaluation. Elle devait remplir un formulaire [traduction] « Questionnaire avant l’emploi, région ou province d’intérêt » et un formulaire [traduction] « Langue de travail » au plus tard le 3 octobre 2013.

[10] RCAANC a approuvé la demande de congé de sélection du personnel de la fonctionnaire afin qu’elle puisse participer aux entrevues et à une évaluation psychologique administrée par la Commission de la fonction publique (CFP).

[11] Le 27 décembre 2013, la fonctionnaire a été informée qu’elle avait été sélectionnée pour participer à l’étape 1 du PFC en raison de son succès à satisfaire à la plupart des conditions et évaluations requises jusqu’à cette étape de la procédure. Le PFC consistait en une procédure à plusieurs étapes, comprenant des cours en ligne, un examen théorique (étape 1), des affectations et des documents en ligne d’avant la séance [étape 2] et une formation de 10 semaines en classe (étape 3) à l’Académie nationale de formation du SCC à son Collège du personnel des Prairies à Saskatoon, en Saskatchewan.

[12] Le 9 janvier 2014, la fonctionnaire a subi avec succès une évaluation médicale préalable au placement auprès de Santé Canada comme condition d’emploi pour le poste.

[13] Le 14 janvier 2014, la fonctionnaire a subi avec succès une évaluation psychologique pour le poste.

[14] Le 29 janvier 2014, la fonctionnaire a été informée qu’elle avait terminé l’étape 1 du PFC, y compris tous les cours, les examens officieux et l’examen théorique. Il n’était pas nécessaire qu’elle prenne un congé pour les étapes 1 et 2.

[15] Après avoir franchi l’étape 1, la fonctionnaire a été placée dans un bassin national de candidats à partir duquel elle pourrait être sélectionnée et recevoir une lettre d’offre conditionnelle. Une fois qu’elle recevait et acceptait une lettre d’offre conditionnelle, elle serait invitée à participer aux étapes 2 et 3 du PFC.

[16] Le 3 février 2014, la fonctionnaire a reçu une lettre d’offre conditionnelle pour un poste d’intervenante de première ligne/Kimisinaw à l’Établissement Nova pour femmes à Truro. La lettre comprend une offre de participer à l’étape 3 du PFC pendant 10 semaines à Saskatoon.

[17] Si la fonctionnaire ne réussissait pas toutes les étapes du PFC, elle ne recevrait pas la nomination au poste CX‑02, car la réussite de toutes les étapes constituait une condition d’emploi.

[18] L’étape 3 du PFC n’était pas rémunérée et devait avoir lieu du 10 mars au 16 mai 2014. La SCC lui a indiqué que sa Direction de l’apprentissage et du perfectionnement devait payer son voyage aller‑retour à Saskatoon, ses repas (déjeuner, dîner et souper) et son hébergement à l’hôtel. Toutefois, elle a ajouté ce qui suit :

[Traduction]

[…]

·Tous les frais supplémentaires, comme le salaire, le voyage à la maison les fins de semaine, les frais accessoires et/ou les autres indemnités en vertu de la Directive sur les dépenses de déplacements et de la convention collective de l’employée autres que les repas et l’hébergement, peuvent être assumés par le site d’emploi de l’employé. Tous les frais doivent être approuvés au préalable par la direction de votre site avant la formation auprès de SCC.

Ce dernier point signifie que vous devez présenter une demande à votre employeur actuel pour toute question liée à votre salaire, à vos heures ouvrant droit à pension, entre autres. […]

 

[19] Le 31 janvier 2014, la fonctionnaire a demandé un congé payé pour effectuer l’étape 3 du PFC en vertu de l’article 48 de la convention collective, intitulé « Congé payé de sélection du personnel ». Subsidiairement, elle a demandé un congé payé en vertu de l’article 50, « Congé de promotion professionnelle payé ». Les articles 48 et 50 se lisent comme suit :

Article 48

Congé payé de sélection du personnel

48.01 Lorsque l’employé‑e prend part à une procédure de sélection du personnel, y compris le processus d’appel là où il s’applique, pour remplir un poste dans la fonction publique, au sens où l’entend la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, il ou elle a droit à un congé payé pour la période durant laquelle sa présence est requise aux fins de la procédure de sélection et pour toute autre période supplémentaire que l’Employeur juge raisonnable de lui accorder pour se rendre au lieu où sa présence est requise et en revenir.

[…]

Article 50

Congé de promotion professionnelle

50.01 La promotion professionnelle s’entend d’une activité qui, de l’avis de l’Employeur, est susceptible de favoriser l’épanouissement professionnel de l’individu et la réalisation des objectifs de l’organisation. Les activités suivantes sont réputées s’inscrire dans le cadre de la promotion professionnelle :

a) un cours offert par l’Employeur;

b) un cours offert par un établissement d’enseignement reconnu;

c) un séminaire, un congrès ou une séance d’étude dans un domaine spécialisé directement rattaché au travail de l’employé‑e.

50.02 Sur demande écrite de l’employé‑e et avec l’approbation de l’Employeur, le congé de promotion professionnelle payé peut être accordé pour toute activité dont il est fait mention au paragraphe 50.01. L’employé‑e ne touche aucune rémunération en vertu des dispositions de l’article 28, Heures supplémentaires, ou de l’article 32, Temps de déplacement, pendant le temps qu’il ou elle est en congé de promotion professionnelle visé par le présent article.

50.03 Les employé‑e‑s en congé de promotion professionnelle touchent le remboursement de toutes les dépenses raisonnables de voyage et autres qu’ils ou elles ont engagées et que l’Employeur juge justifiées.

 

[20] Des discussions ont ensuite eu lieu entre la fonctionnaire, les représentants du SCC, ses gestionnaires et les Relations de travail au sujet de ses demandes de congé et du PFC.

[21] En fin de compte, le 28 février, par téléphone, Mme Smith, la directrice de la fonctionnaire, a refusé sa demande de congé payé en vertu des articles 48 et 50 de la convention collective.

[22] Le 5 mars 2014, la fonctionnaire a demandé à l’employeur de lui communiquer sa décision par écrit. Le 7 mars 2014, sa décision lui a été communiquée par courriel, qui indiquait que le congé non payé pour les obligations personnelles serait plus convenable dans les circonstances. Il indiquait en outre que la direction appuierait une demande de ce congé en vertu de l’article 44 ou d’un congé avec étalement du revenu.

[23] Par conséquent, la fonctionnaire a présenté une demande de congé avec étalement du revenu, que Mme Smith a approuvée le 3 mars 2014.

[24] La fonctionnaire a suivi la formation obligatoire en classe de l’étape 3 du PFC. La Direction de l’apprentissage et du perfectionnement du SCC devait payer son voyage aller‑retour à Saskatoon, le PFC lui‑même, ses repas et son hébergement à l’hôtel.

[25] Le 9 avril 2014, la fonctionnaire a déposé un grief contestant le refus par la direction de sa demande de congé en vertu des articles 48 et 50 de la convention collective.

[26] Le 22 avril 2014, les parties ont convenu de renoncer au premier palier de la procédure de règlement des griefs.

[27] Le 7 juillet 2014, l’employeur a envoyé une réponse au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs, rejetant le grief pour les motifs exposés dans la réponse.

[28] Le 2 octobre 2015, l’employeur a envoyé une réponse au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, rejetant le grief pour les motifs exposés dans la réponse.

[29] Le 5 novembre 2015, le grief a été renvoyé à l’arbitrage devant le prédécesseur de la Commission.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’agent négociateur

1. Contexte

[30] Le 9 avril 2014, Mme Keagan a déposé son grief, qui se lit comme suit : [traduction] « Je conteste les actions de l’employeur consistant à refuser ma demande de congé payé, car elle concerne une procédure de sélection dans son ensemble. Je conteste en outre le fait que mon employeur n’a pas respecté les modalités et les dispositions applicables de ma convention collective. »

[31] À titre de mesure corrective, la fonctionnaire a demandé que l’employeur accorde la demande de congé payé en vertu de l’article 48 ou de tout autre article applicable et a demandé qu’elle bénéficie d’une réparation complète.

[32] L’employeur n’a fourni aucun renseignement dans ses réponses au grief refusant un congé en vertu des articles 48 ou 50.

[33] Les faits du présent cas ne sont pas contestés. Il porte sur l’interprétation de l’article 48 et, à titre subsidiaire, de l’article 50.

2. Congé en vertu de l’article 48

[34] Le congé aurait dû être accordé en vertu de l’article 48. Après avoir terminé avec succès les étapes 1 et 2 de la procédure de sélection du personnel, la fonctionnaire a reçu une lettre d’offre conditionnelle. La lettre, datée du 31 janvier 2014, énonce ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] La présente offre est assujettie aux conditions suivantes :

[…]

· subir un examen médical avant l’emploi;

· posséder un certificat valide de secourisme, de réanimation cardiorespiratoire (RCR) « niveau C » avec utilisation d’un défibrillateur externe automatisé (DEA);

· satisfaire aux exigences psychologiques déterminées par le Service correctionnel du Canada;

· terminer avec succès le PFC qui commencera le 10 mars 2014. Veuillez noter que le SCC n’offre aucun salaire ni aucune indemnité au cours de l’étape 3 du PCF […]

[…]

Ces conditions doivent être satisfaites avant votre nomination […]

La présente offre conditionnelle demeurera valide jusqu’à ce que vous ayez satisfait aux conditions susmentionnées. Si vous n’êtes pas en mesure de satisfaire aux conditions, la présente offre deviendra nulle et sans effet.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[35] La lettre a été signée par Nathalie Lavigne du PFC, Recrutement régional, SCC.

3. La procédure de sélection

[36] Mme Keagan a participé à la procédure de sélection du personnel de la fin de 2013 jusqu’à sa nomination au poste d’attache du SCC à la mi‑2014. Il va sans dire qu’une fois qu’un employé postule un poste, il fait partie de la procédure de sélection du personnel jusqu’à ce que sa candidature soit rejetée ou qu’il soit nommé au poste.

[37] Mme Keagan n’avait pas été nommée au poste d’attache à la date de la séance du PTP, étant donné que son offre d’emploi était conditionnelle. En effet, le par. 56(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; LEFP) énonce ce qui suit :

56 (1) Toute nomination d’une personne appartenant à la partie de la fonction publique dans laquelle les nominations relèvent exclusivement de la Commission prend effet à la date dont sont convenus par écrit l’administrateur général et la personne, indépendamment de la date de l’entente.

 

[38] En outre, dans Gardanis c. Administrateur général (ministère de l’Emploi et du Développement social), 2022 CRTESPF 5, au par. 37, la Commission a déclaré ce qui suit :

[37] Les règles et les lois qui régissent l’emploi dans le secteur public fédéral comprennent la législation et la réglementation ainsi que le droit contractuel. L’embauche dans cette partie du secteur public où l’employeur est le Conseil du Trésor est régie par la LEFP. Bien que le terme « nomination » ne soit pas défini dans la LEFP, à défaut d’une meilleure définition, ce terme est utilisé pour désigner en un mot le « fait d’être embauché ».

 

[39] Le fait d’être nommé implique aussi vraisemblablement une rémunération du travail. Comme l’indiquent Brown et Beatty dans Canadian Labour Arbitration, [traduction] « Les salaires et les formes de rémunération connexes figurent parmi les dispositions les plus importantes de toutes les conventions collectives. Pour la plupart des personnes, le régime de rémunération est la pierre angulaire de la relation de travail. » Mme Keagan n’aurait reçu aucun avantage social du fait de faire partie du milieu de travail du SCC puisqu’elle n’avait pas encore été nommée au poste du SCC. Elle devait plutôt satisfaire à d’autres conditions avant de pouvoir recevoir une lettre d’offre ferme. En effet, dans la lettre citée précédemment, l’omission de terminer le PFC aurait signifié que [traduction] « l’offre deviendra nulle et sans effet ». Il est logique de supposer alors que Mme Keagan a continué de prendre part à la procédure de sélection.

4. L’intention des parties

[40] Même si la fonctionnaire a pris un congé avec étalement du revenu, la perte de revenu de 10 semaines était extrêmement importante. La disposition relative au congé payé, soit l’article 48, existe particulièrement afin que la participation à une procédure de sélection du personnel non payé n’entraîne pas des difficultés financières pour les fonctionnaires.

[41] L’intention des parties constitue une étape importante pour comprendre les dispositions de la convention collective. Brown et Beatty affirment que [traduction] « […] pour établir l’intention des parties, la présomption fondamentale est que les parties sont censées avoir voulu dire ce qu’elles ont dit et que le sens d’une disposition de la convention collective doit être cherché dans ses dispositions expresses ».

[42] L’existence même de l’article 48 laisse entendre que les parties avaient l’intention que les membres de l’unité de négociation reçoivent un soutien financier tout en participant à une procédure de sélection du personnel non payé.

[43] La disposition ne comporte aucune restriction ou condition déclarée au‑delà de la participation de l’employé à une procédure de sélection de la fonction publique. Si les parties avaient voulu ajouter des conditions ou des restrictions ou définir la procédure de sélection, elles l’auraient fait.

[44] La fonctionnaire a obtenu deux fois un congé de sélection du personnel pour le même concours, conformément à ce qui est indiqué au paragraphe 5 de l’énoncé conjoint des faits. L’employeur n’a pas expliqué la raison pour laquelle les premières étapes relevaient de la portée de la disposition, mais que la formation en personne n’en relevait pas.

[45] Une « procédure de sélection du personnel » n’est pas définie dans la convention collective, ce qui signifie qu’elle devrait être interprétée de manière générale, plutôt que de manière restrictive, ce qui compliquerait également inutilement la compréhension et l’application de l’article 48.

[46] Tel qu’il a été indiqué comme suit dans Wamboldt c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 55, au par. 28 :

28 Ensuite, les parties à une convention collective sont généralement réputées avoir voulu en arriver à une entente qui soit aisément applicable dans le cours ordinaire des choses. Partant, une interprétation produisant un résultat non équivoque est généralement préférée à une interprétation qui produirait un résultat équivoque ou incertain, si ce n’est pour la simple raison qu’un résultat non équivoque est davantage de nature à produire et à maintenir des « […] rapports harmonieux et mutuellement avantageux entre l’Employeur, l’Alliance et les employé‑e‑s […] », soit l’un des objectifs poursuivis par la convention collective; voir la clause 1.01. En résumé, une interprétation qui rend plus facile à appliquer une disposition de manière courante doit en principe être préférée à une interprétation qui en rendrait l’application difficile, voire illusoire.

 

[47] L’application la plus facile de l’article 48 consisterait à permettre aux fonctionnaires d’avoir accès à un congé payé pour prendre part intégralement à une procédure de sélection, conformément à ce qui est affirmé dans la disposition.

5. Le sens normal ou ordinaire des mots

[48] Les conventions collectives doivent être lues selon leur sens ordinaire. Encore une fois, Brown et Beatty affirment ce qui suit : [traduction] « En cherchant à découvrir l’intention des parties à l’égard d’une disposition particulière de la convention, les arbitres ont généralement supposé que le libellé dont ils sont saisis doit s’entendre au sens normal ou ordinaire […] ». La disposition relative au congé a été conçue pour permettre aux employés d’être rémunérés pendant qu’ils prennent part à une procédure de sélection du personnel. Si la situation de Mme Keagan ne correspond pas à cette disposition, il n’est pas clair ce qui y correspondrait.

[49] La clause en litige énonce que, « Lorsque l’employé‑e prend part à une procédure de sélection du personnel […] il ou elle a droit à un congé payé […] ». Brown et Beatty affirment que [traduction] « […] dans le cadre de l’interprétation d’une convention collective, il faut présumer que tous les mots utilisés étaient censés avoir un sens […] ». À partir de cela, on peut supposer que les mots « a droit » ont été choisis délibérément, ce qui signifie que le congé, sur demande, est obligatoire, et non discriminatoire. Le libellé de l’article 48 n’est pas ambigu.

[50] Comme Mitchnik et Etherington l’indiquent dans Labour Arbitration in Canada : [traduction] « Afin d’être ambiguë […] une disposition doit être raisonnablement susceptible d’avoir plus d’une signification; et le différend ne peut pas être réglé de manière satisfaisante en faisant référence au libellé lui‑même, lu dans le contexte de la convention collective dans son ensemble. » Il se peut qu’un « congé de sélection du personnel » ne soit pas défini, mais il n’est pas ambigu dans le contexte de la disposition. Il n’existe aucune autre signification possible pour la disposition au‑delà du sens ordinaire et courant.

[51] L’article 48 a été rédigé de manière à conférer un avantage particulier à un employé ayant « […] droit à un congé payé pour la période durant laquelle sa présence est requise aux fins de la procédure de sélection […] » et « […] pour toute autre période supplémentaire que l’Employeur juge raisonnable de lui accorder pour se rendre au lieu où sa présence est requise et en revenir. » L’utilisation de l’expression « a droit » laisse entendre que ce congé n’est pas discrétionnaire. La disposition n’utilise pas l’expression [traduction] « peut avoir droit », ce qui conférerait à l’employeur des pouvoirs discrétionnaires. En effet, il n’existe aucun libellé restrictif concernant particulièrement une procédure de sélection; tout pouvoir discrétionnaire est conféré dans la deuxième partie, en ce qui concerne les déplacements.

[52] Il n’y a aucune condition particulière à laquelle un fonctionnaire s’estimant lésé doit satisfaire pour prendre ce congé au‑delà de prendre part à une procédure de sélection du personnel de la fonction publique. La disposition ne permet aucune équivoque ni à l’employeur d’ajouter des conditions supplémentaires.

[53] Le libellé de la convention collective et la demande de congé de la fonctionnaire sont clairement en harmonie. Par exemple, dans un courriel du 7 mars 2014, Mme Smith a refusé la demande de congé, mais a écrit : [traduction] « […] refusé votre demande de congé […] à titre de candidate dans une procédure de sélection concurrentielle fédérale » et que l’employeur appuyait son congé [traduction] « […] pour la période de votre processus de formation ou de sélection ».

[54] Dans un courriel du 6 février è2014 provenant de M. Pardy à l’intention de Mme Keagan, il a affirmé ce qui suit : [traduction] « […] nous ne sommes pas en mesure d’approuver votre congé payé en vertu de l’article 48 aux fins de cette formation. Cela s’explique par le fait que la formation ne constitue pas une étape de la procédure de sélection, mais plutôt une formation obligatoire qui doit être suivie avec succès en tant que condition d’emploi. »

[55] Il s’agit d’interpréter une signification de la disposition qui n’existe pas. La disposition n’exclut pas une « formation obligatoire » et elle ne prévoit rien quant à une « condition d’emploi » par rapport à une formation dans le cadre d’une procédure de sélection. Vraisemblablement, toute partie de la procédure de sélection est obligatoire. Supposons, par exemple, l’invitation de la fonctionnaire à assister à une évaluation psychologique, qui énonçait ce qui suit : [traduction] « L’omission d’assister aux évaluations […] entraînera le rejet de votre candidature dans ce processus […] vous serez disqualifié du processus de nomination. » La fonctionnaire a obtenu un congé de sélection du personnel pour l’évaluation psychologique, et l’employeur n’a pas précisé la différence entre une partie obligatoire du processus et une autre.

[56] La lettre d’offre conditionnelle du 31 janvier 2014, citée au paragraphe 34, énonce clairement le principe fondamental du contrat de condition préalable, ce qui signifie que les conditions devaient être satisfaites avant que Mme Keagan ne reçoive sa nomination. Si elle ne réussissait pas l’étape 3 du PFC, elle ne serait pas nommée. L’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») soutient que Mme Keagan participait à la procédure de sélection jusqu’à ce qu’elle reçoive une lettre d’offre inconditionnelle ou une offre de nomination de la part du SCC. Si elle n’avait pas été nommée, il va sans dire qu’elle participait toujours à la procédure de sélection, ce qui signifie que le congé aurait dû lui être accordé.

6. Congé en vertu de l’article 50

[57] Subsidiairement, l’employeur aurait dû avoir accordé un congé en vertu de la clause 50.01a), qui accorde un congé de promotion professionnelle pour un cours offert par l’employeur.

[58] Si l’employeur n’estimait pas que le PFC faisait partie de la procédure de sélection du personnel, il aurait dû le considérer comme une promotion professionnelle, car il était offert par la fonction publique fédérale. Il se peut qu’il ne s’agissait pas d’une formation propre à son poste d’attache à RCAANC, mais étant donné que RCAANC et le SCC relèvent tous les deux de la compétence du Conseil du Trésor, il est logique que la disposition s’applique.

[59] Le 12 février 2014, M. Pardy a dit à la fonctionnaire que l’employeur avait discuté d’approuver le congé demandé en vertu de l’article 50, comme suit :

[Traduction]

J’ai discuté avec Dougal. Il n’est pas disposé à appuyer l’article 48, mais il a reconnu l’argument qui peut être présenté en vertu de l’article 50 (congé de prom. prof.).

À l’origine, il considérait que cela créerait un précédent général (un autre ministère, une période de formation prolongée), mais j’ai proposé que cela était assez restreint – un employé fédéral qui demande une formation de promotion professionnelle pour un emploi très précis et ferme au sein du gouvernement fédéral. […]

[…]

[60] Dans un courriel du 7 mars 2014, Mme Smith a écrit [traduction] « [t]el qu’il a également été discuté avec vous, la direction de TDE appuie votre promotion et vos aspirations professionnelles et appuiera un congé non payé pour obligations personnelles et/ou un congé avec étalement du revenu pour la période de votre formation ou de la procédure de sélection ».

[61] Même s’il ne s’agissait pas d’une réponse officielle au grief, elle indiquait que même les représentants de l’employeur reconnaissaient que le PFC était nécessaire à la promotion professionnelle de la fonctionnaire.

[62] Dans Ewen c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2006 CRTFP 113, au par. 55, l’ancienne Commission a affirmé ce qui suit :

[55] L’exercice d’un pouvoir discrétionnaire ne peut être arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi. Ce principe a été suivi dans Salois et Allad. Dans leur ouvrage intitulé Principles of Administrative Law, 2e édition (1994), D.P. Jones et A.S. de Villars traitent comme suit de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire :

[…]

[…] un pouvoir discrétionnaire illimité ne peut exister. Il y a de l’abus si un délégué refuse d’exercer un pouvoir discrétionnaire en adoptant une politique qui l’entrave dans sa capacité à examiner des cas individuels en faisant preuve d’ouverture d’esprit.

[…]

Après tout, l’existence d’un pouvoir discrétionnaire implique l’absence d’une règle dictant le résultat dans chaque cas; l’essence du pouvoir discrétionnaire est que celui‑ci peut être exercé différemment dans des cas différents. Chaque cas doit être considéré individuellement, selon les faits qui lui sont propres. Par conséquent, tout ce qui exige qu’un délégué exerce son pouvoir discrétionnaire d’une façon particulière peut limiter illégalement la portée de ce pouvoir.

[…]

 

[63] L’employeur n’a pas motivé sa réponse de refuser le congé en vertu de l’article 50. Sans détails, il est difficile pour l’employeur de soutenir que le PFC, s’il estimait qu’il outrepassait la portée du congé de sélection du personnel, ne satisfaisait pas à la norme de promotion professionnelle. Il n’a pas tenu compte des circonstances individuelles de Mme Keagan et a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière arbitraire.

[64] Mitchnik et Etherington réaffirment cela comme suit :

[Traduction]

Néanmoins, même si la convention réserve à l’employeur un pouvoir discrétionnaire, il est bien établi que l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire n’est pas absolu et que, au minimum, la direction doit prendre sa décision de bonne foi et sans discrimination; exercer un véritable pouvoir discrétionnaire, plutôt qu’un respect rigoureux d’une politique externe à la convention collective; tenir compte du bien‑fondé de la demande individuelle à l’étude; examiner tous les faits pertinents, tout en excluant les considérations non pertinentes. De plus, bon nombre d’arbitres de différends tiendront l’employeur à une norme de processus décisionnel juste et raisonnable.

 

[65] La promotion professionnelle peut signifier un large éventail d’activités. Le fait que l’employeur n’a pas dûment tenu compte de la formation offerte par un ministère de la fonction publique signifie qu’il ne satisfaisait pas à la norme de processus décisionnel juste et raisonnable.

7. Redressement

[66] L’agent négociateur demande respectueusement que l’employeur soit jugé avoir violé la convention collective lorsqu’il a refusé le congé en vertu de l’article 48 et que Mme Keagan bénéficie d’une réparation complète.

[67] Subsidiairement, l’agent négociateur demande respectueusement que l’employeur soit jugé avoir violé la convention collective lorsqu’il a refusé le congé en vertu de l’article 50 et que Mme Keagan bénéficie d’une réparation complète.

B. Pour l’employeur

[68] Comme l’agent négociateur l’a fait remarquer, les faits du présent cas ne sont pas en litige et sont énoncés en détail dans l’énoncé conjoint des faits des parties et le recueil conjoint de documents à l’appui. Le présent cas porte sur l’interprétation du libellé des articles 48 et 50 de la convention collective.

[69] Néanmoins, l’employeur souhaite porter certains faits particuliers à l’attention de la Commission. En premier lieu, le PFC ne constitue pas une étape d’une procédure de sélection. Au contraire, il s’agit d’un programme de formation obligatoire en trois parties distinctes que toutes les nouvelles recrues doivent réussir à titre de condition d’emploi.

[70] Il a été indiqué clairement à toutes les nouvelles recrues, y compris la fonctionnaire, lorsqu’elles ont postulé le poste, qu’elles étaient disposées à suivre la formation obligatoire au collège du personnel régional du SCC et que les participants au PFC n’étaient pas rémunérés.

[71] Le SCC a confirmé ce point dans sa lettre d’offre d’emploi conditionnelle à l’intention de la fonctionnaire du 31 janvier 2014, qu’elle a ensuite signée.

[72] Le SCC a payé les repas, l’hébergement et le transport en provenance et à destination de la résidence principale de la fonctionnaire jusqu’au lieu de la séance du PFC et de retour.

[73] La fonctionnaire n’a pas été privée de la totalité de son revenu lorsqu’elle a participé au PFC. Elle a demandé un congé avec étalement du revenu et ce congé a été approuvé.

[74] Tous les congés de sélection du personnel demandés par la fonctionnaire pour les activités dans le cadre de la procédure de sélection du personnel qui ne faisaient pas partie du PFC distinct du SCC à l’intention des nouvelles recrues avaient été approuvés.

IV. Questions devant la Commission

[75] La première question consiste à déterminer si la fonctionnaire avait droit à un congé de sélection du personnel pour les heures qu’elle a consacrées à l’étape 3 du PFC, qui comprenait 10 semaines de formation en classe à l’Académie nationale de formation du SCC. Entre‑temps, la deuxième question consiste à déterminer si elle avait droit, subsidiairement, au congé de promotion professionnelle.

[76] Afin de régler ces questions, dans l’interprétation de la convention collective en litige, la principale tâche de la Commission consiste à déterminer l’intention des parties telle qu’elle est révélée dans les mots qu’elles ont utilisés dans la convention.

[77] On interprète une disposition dans le contexte de la convention dans son ensemble, on accorde aux termes leur sens ordinaire (sauf si ce sens donnerait lieu à un résultat absurde ou que la convention lui accorde une signification spéciale) et on tient compte des circonstances connues par l’employeur et par l’agent négociateur au moment où ils ont conclu la convention. De plus, la décision de la Commission ne peut avoir pour effet d’exiger la modification d’une convention collective ou d’une décision arbitrale.

V. Le fardeau de la preuve

[78] Il est bien établi en droit qu’un avantage qui comporte un coût financier pour l’employeur doit avoir été clairement et expressément accordé dans les modalités de la convention collective. Il incombait à l’agent négociateur d’établir que la fonctionnaire avait droit à un avantage pécuniaire fondé sur une interprétation appropriée de la convention et que l’employeur avait violé les modalités de la convention.

[79] Pour les motifs qui suivent, la fonctionnaire n’a pas établi qu’elle avait droit au congé de sélection du personnel en vertu de l’article 48 ou au congé de promotion professionnelle en vertu de l’article 50 pour participer à l’étape 3 du PFC.

[80] La première question consiste à déterminer si la fonctionnaire avait droit à un congé de sélection du personnel lorsqu’elle participait à l’étape 3 du PFC pendant une période de 10 semaines.

[81] Dans le présent cas, l’employeur ne conteste pas que la décision d’accorder le congé de sélection du personnel n’est pas discrétionnaire; il ne conteste pas non plus l’objet général de la disposition qu’a fait valoir l’agent négociateur. Toutefois, les parties ne s’entendent pas sur la portée de l’article 48 et de l’intention et sur la question de savoir si elles avaient l’intention qu’il vise la durée de 10 semaines de l’étape 3 du PFC.

[82] L’employeur est d’avis que l’interprétation de l’agent négociateur tente d’élargir la portée pour inclure le congé payé pour participer au PPC national distinct, ce qui n’est pas le cas (voir Wamboldt, au par. 27, et Bédard c. Conseil du Trésor (Commission canadienne des grains), 2019 CRTESPF 76, au par. 38). Au contraire, le PFC est un programme de formation obligatoire en trois parties distinct de 10 semaines que toutes les nouvelles recrues du SCC doivent réussir à titre de condition d’emploi.

[83] L’article 48 ne comporte aucun libellé clair ou exprès qui permettrait de conclure que les parties entendaient un tel résultat. Dans leur sens normal ou ordinaire, les expressions « procédure de sélection du personnel » et « programme de formation » ont des significations différentes et font référence à différentes activités.

[84] En outre, l’interprétation de l’agent négociateur selon laquelle la portée de l’article 48 est absolu et qu’il englobe toutes les activités liées aux procédures de sélection du personnel, y compris un programme de formation de 10 semaines, est également incompatible avec l’interprétation antérieure de la disposition par la Commission.

[85] La Commission a interprété une disposition semblable et a déterminé que ce ne sont pas toutes les activités liées aux procédures de sélection du personnel qui sont visées par le libellé et l’objet de la disposition et que le rôle de la Commission n’est pas d’élargir la portée de la disposition au‑delà de son libellé et de son objet. Un libellé particulier et clair est nécessaire à cet effet.

[86] En outre, l’interprétation et les circonstances par l’agent négociateur ne correspondent pas aux situations typiques et normatives que, historiquement, les parties et la Commission ont reconnu dans la jurisprudence comme étant visées par la portée et l’objet de l’article 48. Ces situations typiques comprennent l’autorisation d’effectuer des examens écrits ou d’assister à des entrevues.

[87] Dans le présent cas, cette situation n’est pas normative et est très éloignée des situations examinées précédemment dans la présente décision. Le fait de conclure qu’un programme de formation obligatoire et distinct de 10 semaines pour les nouvelles recrues relève de sa portée élargit à la fois le libellé et l’objet de la disposition. En outre, si les parties avaient l’intention que cette disposition vise d’autres situations, comme ce programme de formation, elles auraient ou auraient dû l’exprimer clairement et expressément.

[88] Tel que je l’ai mentionné, il est bien reconnu qu’un avantage qui comporte un coût financier pour l’employeur doit avoir été clairement et expressément accordé dans les modalités de la convention collective. Par exemple, les parties n’ont pas inclus un libellé exprès dans la disposition visant à inclure d’autres types de situations ou d’activités, comme en témoigne l’inclusion expresse des phrases « […] y compris le processus d’appel là où il s’applique […] » et « […] pour se rendre au lieu où sa présence est requise et en revenir ».

[89] La règle bien reconnue, expressio unius est exclusio alterius, signifie que la mention expresse d’une chose implique l’exclusion de l’autre. Par conséquent, si les parties avaient l’intention d’autoriser le congé de sélection du personnel à englober d’autres catégories d’activités autres que celles reconnues dans la jurisprudence (dont les parties sont présumées connaître), elles l’auraient expressément dit, tout comme elles l’ont fait pour le processus d’appel et les déplacements.

[90] Dans le présent cas, des incohérences surviennent lorsque l’interprétation de l’article 48 par l’agent négociateur est lue avec le reste de la convention collective. Cela est problématique, car il va sans dire qu’on interprète les termes d’une disposition dans le contexte de l’entente dans son ensemble et d’éviter une interprétation qui entraînerait des incohérences avec le reste de l’entente. Un examen du reste de la convention révèle que les parties ont pris des mesures positives et claires ailleurs dans l’entente pour accorder à un employé un congé pour participer à un cours, une séance et un programme de formation. Toutefois, l’article 48 ne contient aucun libellé aussi clair et non ambigu. Certes, si les parties avaient voulu que la portée de l’article 48 englobe de telles situations, elles auraient inclus un libellé exprès et clair à cet effet, comme elles l’ont fait systématiquement ailleurs dans la convention.

[91] En outre, les parties utilisent clairement et expressément les termes et expressions « formation », « séances de formation » et « cours de formation » ailleurs dans la convention collective. Toutefois, ces termes et expressions sont absents de la clause portant sur le congé de sélection du personnel. La présence de ces expressions ailleurs et leur absence de cette clause doivent signifier quelque chose. Comme il a été indiqué dans Bruce Power LP v. Society of United Professionals, 2019 CanLII 24930 (ON LA), les mots que les parties n’ont pas utilisés peuvent parfois être importants, surtout lorsque, comme dans le présent cas, les parties sont des utilisateurs sophistiqués du libellé dans les conventions collectives. En outre, l’utilisation particulière par les parties des expressions « procédures de sélection du personnel » et « cours de formation » à la clause 26.01 est également importante. Conformément à la règle contre la redondance, l’utilisation distincte par les parties des deux expressions à la clause 26.01 et leur renvoi à ces expressions indiquent en outre qu’elles ne sont pas interchangeables et qu’il faut leur donner des significations distinctes.

[92] En résumé, la présomption d’harmonie et de cohérence avec le reste de la convention collective laisse entendre que si les parties avaient voulu que la portée de l’article 48 englobe le PFC obligatoire du SCC pour les nouvelles recrues, la disposition aurait pu être rédigée de manière simple et claire de nombreuses autres façons, par exemple, en utilisant des termes et des expressions semblables ou un libellé exprès figurant ailleurs dans la convention pour conférer un tel avantage à la fonctionnaire.

[93] Dans le présent cas, il est entendu que les parties ont choisi les mots précis qui forment leur entente. Elles n’ont utilisé aucun libellé clair et exprès concernant le congé de sélection du personnel pour assister à un programme de formation obligatoire distinct pour les nouvelles recrues. Cette situation n’est pas non plus normative en vertu de la disposition.

[94] L’interprétation de l’agent négociateur aurait pour effet d’accorder un avantage pécuniaire important à la fonctionnaire sans un libellé clair et exprès pour l’obtenir. Une telle action irait à l’encontre du principe d’interprétation bien connu selon lequel un avantage qui comporte un coût financier pour l’employeur doit avoir été clairement et expressément stipulé dans la convention collective.

[95] Il est très peu probable que l’employeur aurait accepté d’assumer une telle responsabilité sans un libellé clair à cet effet. La portée de l’article 48 ne doit pas être modifiée ou élargie par des arguments écrits présentés à une audience d’arbitrage. Il est préférable que les parties règlent ces questions à la table des négociations.

[96] Pour tous ces motifs, la première partie du grief, contestant le refus de l’employeur d’accorder un congé de sélection du personnel en vertu de l’article 48, devrait être rejetée.

[97] La deuxième question dont la Commission est saisie consiste à déterminer si la fonctionnaire avait droit à un congé de promotion professionnelle pour la période pendant laquelle elle a participé au PFC.

[98] Dans ses arguments, l’agent négociateur reconnaît que l’article 50 n’a pas été rédigé en termes de droit absolu. Au contraire, et de manière unique, l’octroi de ce congé relève du seul pouvoir discrétionnaire de l’employeur. Comme l’indique l’agent négociateur, un tel pouvoir discrétionnaire de l’employeur n’est pas soumis à l’examen de la Commission, sauf pour s’assurer qu’il n’a pas été exercé de manière arbitraire ou de mauvaise foi. Le pouvoir discrétionnaire de l’employeur est indiqué clairement par la définition élaborée par les parties de « promotion professionnelle » dans la disposition, qui accorde à l’employeur le seul pouvoir discrétionnaire de déterminer si l’activité de promotion professionnelle en question est susceptible de favoriser l’épanouissement professionnel de l’employé et la réalisation des objectifs de l’organisation, dans le présent cas RCAANC. La clause 50.01 dispose ce qui suit :

50.01 La promotion professionnelle s’entend d’une activité qui, de l’avis de l’Employeur, est susceptible de favoriser l’épanouissement professionnel de l’individu et la réalisation des objectifs de l’organisation. Les activités suivantes sont réputées s’inscrire dans le cadre de la promotion professionnelle :

a) un cours offert par l’Employeur;

b) un cours offert par un établissement d’enseignement reconnu;

c) un séminaire, un congrès ou une séance d’étude dans un domaine spécialisé directement rattaché au travail de l’employé‑e.

 

[99] De plus, la disposition comprend un libellé clair et non ambigu supplémentaire qui confirme le pouvoir discrétionnaire de l’employeur lorsqu’il choisit d’accorder un congé de promotion professionnelle payé à un employé qui en fait la demande. La clause 50.02 se lit en partie comme suit : « Sur demande écrite de l’employé‑e et avec l’approbation de l’Employeur, le congé de promotion professionnelle payé peut être accordé pour toute activité dont il est fait mention au paragraphe 50.01. »

[100] Le présent cas n’a aucune preuve que la décision de l’employeur de refuser d’accorder le congé de promotion professionnelle a été prise de manière arbitraire, comme l’allègue l’agent négociateur.

[101] Les éléments de preuve incontestés et conjoints des parties démontrent que l’employeur a examiné la demande de la fonctionnaire, en a discuté avec elle et d’autres personnes et a demandé des renseignements supplémentaires à d’autres personnes, y compris la fonctionnaire, le SCC et les Relations de travail et une interprétation du Conseil du Trésor relativement à l’utilisation et à l’application de la disposition.

[102] En fin de compte, conformément au pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré en vertu de l’article 50, l’employeur a déterminé que, à son avis, la demande de la fonctionnaire ne relevait pas de la portée de la disposition. Toutefois, le libellé de l’article 50 conférait à l’employeur le seul pouvoir discrétionnaire de déterminer si l’activité de promotion professionnelle était susceptible de favoriser l’épanouissement professionnel de la fonctionnaire et la réalisation des objectifs de l’organisation (dans le présent cas, RCAANC).

[103] En outre, la Commission devrait hésiter à se mettre à la place de l’employeur et à usurper le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré en vertu de l’article 50, car l’employeur connaissait le mieux les fonctions de la fonctionnaire et les objectifs de RCAANC. Par conséquent, il s’ensuit que l’employeur est le mieux placé pour déterminer si le PFC était susceptible de favoriser l’épanouissement professionnel de la fonctionnaire et la réalisation des objectifs de RCAANC.

[104] Quoi qu’il en soit, comme l’ancienne Commission l’a indiqué dans Beaulac c. Agence des services frontaliers du Canada, 2011 CRTFP 6, la disposition a pour objet d’accorder un congé de formation à court terme, dans le but d’acquérir des connaissances afin de permettre à l’employé de mieux s’acquitter de ses fonctions. Dans le présent cas, l’agent négociateur a reconnu expressément dans ses arguments que le PFC n’était pas pertinent au poste d’attache de la fonctionnaire à RCAANC. Il n’a fourni aucun renseignement ou document à l’appui pour établir la façon dont le PFC aurait été pertinent à l’amélioration de l’exécution des fonctions du poste d’attache de la fonctionnaire en tant qu’agente des terres, de l’environnement et des ressources naturelles à RCAANC.

[105] De plus, et contrairement aux arguments de l’agent négociateur, l’utilisation distincte et particulière du mot « organisation » dans la disposition est importante où elle énonce : « La promotion professionnelle s’entend d’une activité qui, de l’avis de l’Employeur, est susceptible de favoriser […] la réalisation des objectifs de l’organisation. » En effet, dans leur sens normal ou ordinaire, les mots « employeur » et « organisation » ont des significations différentes. Par exemple, dans la LEFP, le mot « employeur » est défini comme étant le « Conseil du Trésor », ce qui est conforme à la définition prévue dans la convention collective. Entre‑temps, le mot « organisation », qui n’est pas défini dans la convention, est définie comme toute partie de l’administration publique fédérale nommée à l’annexe I, IV ou V de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F‑11; LGFP).

[106] Dans le présent cas, l’organisation qui a reçu et qui a été chargée d’approuver ou de refuser la demande de congé de la fonctionnaire en vertu de l’article 50 était RCAANC (qui est énuméré à l’annexe I de la LGFP) et non le SCC. En raison du libellé précis de la disposition, il n’est donc pas pertinent que le cours de formation ait été susceptible de favoriser le SCC ou l’employeur (le Conseil du Trésor).

[107] Quoi qu’il en soit, une simple différence d’opinion entre les parties ou une décision peu généreuse quant à l’octroi d’un congé de promotion professionnelle ne rend pas arbitraire la décision de l’employeur. Le fait qu’un autre gestionnaire ou la Commission aurait pu avoir accordé la demande ne constitue pas une violation de la convention collective.

[108] En outre, les éléments de preuve incontestés des parties permettent d’établir que l’employeur a d’abord discuté de sa décision en détail avec la fonctionnaire par téléphone et qu’il lui a ensuite fourni une décision par écrit. Il a également étudié et appuyé d’autres options avec elle qui auraient pu l’aider à participer au PFC, comme le congé avec étalement du revenu, ce qu’elle a accepté.

[109] Enfin, la fonctionnaire a eu l’occasion claire et complète de présenter tout document et argument écrit supplémentaires à l’appui de la raison pour laquelle un congé de promotion professionnelle aurait dû lui avoir été accordé pour participer au PFC au cours de la procédure interne de règlement des griefs. Les deux réponses de l’employeur, au deuxième et au dernier paliers, énonce expressément qu’il a examiné ses circonstances, ses documents et ses arguments et qu’il en a tenu compte. Les deux réponses lui ont également fourni les motifs correspondants pour maintenir le refus du congé en vertu de la clause 50.03.

[110] Pour tous ces motifs, la deuxième partie du grief, contestant le refus de l’employeur d’accorder un congé de promotion professionnelle en vertu de l’article 50, devrait également être rejetée.

VI. Événements subséquents à l’échange écrit des arguments

[111] Au cours de mes délibérations, le 31 octobre 2022, j’ai demandé aux parties de présenter des arguments écrits concernant la pertinence et l’application, le cas échéant, de l’art. 36 de la LEFP à l’interprétation de l’article 48 de la convention collective. L’article 36 se lit comme suit :

36 La Commission peut avoir recours à toute méthode d’évaluation – notamment prise en compte des réalisations et du rendement antérieur, examens ou entrevues – qu’elle estime indiquée pour décider si une personne possède les qualifications visées à l’alinéa 30(2)a) et au sous‑alinéa 30(2)b)(i).

 

A. Les arguments de l’employeur

[112] L’employeur a répondu le 25 novembre 2022, en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

L’article 36 de la LEFP confère aux personnes ayant un pouvoir en matière de dotation dans le cadre des processus de nomination dans la fonction publique un vaste pouvoir discrétionnaire pour choisir et pour utiliser les méthodes d’évaluation qu’elle estime appropriée dans les procédures de sélection, comme l’examen du rendement antérieur et les réalisations, les entrevues et les examens afin de déterminer si la personne satisfait aux qualifications établies.

 

[113] Dans le présent cas, les éléments de preuve incontestés des parties permettent d’établir que le SCC, qui est doté du pouvoir de dotation en vertu de l’art. 36 de la LEFP, a confirmé que le CFP n’était pas une procédure de sélection, mais plutôt une formation obligatoire et distincte pour les nouvelles recrues en tant que condition d’emploi.

[114] Le courriel suivant, du 3 février 2014, de Chrissy Estabrooks à M. Pardy, figurait au recueil conjoint de documents, dans lequel ce fait est établi :

[Traduction]

Bonjour Larry,

Nous avons examiné cette situation particulière dans le passé à l’égard d’autres employés. En fait, nous avons communiqué directement avec Services correctionnels Canada, car nous avions besoin de renseignements supplémentaires sur la formation afin de déterminer comment bien appliquer la convention collective. Services correctionnels Canada a indiqué que, pour la partie en ligne de la formation, il s’attendait à ce que l’employé la fasse pendant les soirées et les fins de semaine (comme Oona l’indique dans son courriel). En ce qui concerne la partie en classe, le SCC nous a dit que l’article 48 ne s’appliquerait pas à cette formation particulière, car elle ne constitue pas une étape de la procédure de sélection, mais plutôt une formation obligatoire qui doit être suivie avec succès en tant que condition d’emploi.

[…]

 

[115] L’agent négociateur n’a présenté aucun élément de preuve pour réfuter ce point, qui constitue un facteur déterminant de la question de savoir si la fonctionnaire avait droit à un congé de sélection du personnel en vertu de la clause 48.01 pour assister à la partie en personne de 10 semaines du PFC.

[116] La fonctionnaire n’aurait pas dû obtenir un congé de sélection du personnel. En vertu de la clause 48.01, pour participer au PFC, il devait faire partie d’une procédure de sélection du personnel, mais l’entité dotée du pouvoir de dotation applicable (le SCC) a déterminé qu’il n’en faisait pas partie et qu’il s’agissait plutôt d’une formation obligatoire distincte que ses nouvelles recrues devaient suivre avec succès en tant que condition d’emploi.

[117] De plus, si les parties avaient l’intention que la portée de la clause 48.01 de la convention collective englobe une telle situation, elles auraient inclus un libellé clair et exprès pour ce faire, car il est bien établi en droit qu’un avantage comportant un coût financier doit être accordé clairement et expressément en vertu d’une convention collective.

[118] Enfin, même si l’organisation, RCAANC, ou la fonctionnaire ne souscrivaient pas à la décision du SCC selon laquelle le PFC ne faisait pas partie de la procédure de sélection du personnel, ils n’ont pas le pouvoir de remettre en question ou de contesté la décision du SCC, car celui‑ci est le seul chargé, en vertu de l’art. 36 de la LEFP, de choisir et d’utiliser les méthodes d’évaluation qu’il estime appropriées dans le cadre d’une procédure de sélection.

[119] L’agent négociateur ne peut pas contourner ces faits. Par conséquent, il ne s’est pas acquitté de son fardeau et n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que l’employeur a violé la clause 48.01 de la convention collective lorsqu’il a refusé la demande de congé de sélection du personnel de la fonctionnaire.

B. Les arguments de l’agent négociateur

[120] L’agent négociateur a également répondu le 25 novembre 2022, comme suit :

[Traduction]

[…]

1. Les parties ont été invitées à fournir leur évaluation de la pertinence et de l’application, le cas échéant, de l’article 36 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique en ce qui concerne l’article 48 de la convention collective.

2. L’article 36 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique dispose ce qui suit :

36 La Commission peut avoir recours à toute méthode d’évaluation – notamment prise en compte des réalisations et du rendement antérieur, examens ou entrevues – qu’elle estime indiquée pour décider si une personne possède les qualifications visées à l’alinéa 30(2)a) et au sous‑alinéa 30(2)b)(i).

 

[121] La question fondamentale à trancher dans le présent grief, en ce qui concerne l’article 48, est celle de savoir si le PFC en personne faisait partie de la procédure de sélection du personnel du SCC. La réponse touche le type de congé qui aurait été le plus approprié, soit payé, en vertu de l’article 48, soit non payé.

[122] L’agent négociateur soutient que le PFC requis faisait partie du processus de formation. Si elle ne le réussissait pas, la fonctionnaire ne pouvait pas recevoir une nomination au poste CX‑02.

[123] L’article 36 de la LEFP définit la portée de l’évaluation des candidats à la nomination et confirme que la portée du processus d’évaluation peut être souple et englober de multiples méthodes.

[124] Toutefois, fondamentalement, il ne s’agit pas d’un grief de dotation, ce qui est typique lorsque l’art. 36 de la LEFP est examiné. Les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si le PFC constituait une partie de la procédure de sélection et l’art. 36 est d’une aide limitée. Le grief ne conteste pas que l’administrateur général disposait du pouvoir discrétionnaire pour évaluer les mérites des candidats au moyen d’un éventail de méthodes. Toutefois, la lettre d’offre conditionnelle décrivait déjà la procédure de sélection, qui comprenait la partie du PFC en personne. La condition préalable décrite dans la lettre exigeait qu’une condition (c.‑à‑d. suivre avec succès le FPC) soit satisfaite avant d’être nommée au poste CX‑02.

[125] Les parties ont été invitées à fournir leurs réponses aux arguments respectifs déposés le 25 novembre 2022.

[126] Le 9 décembre 2022, les parties ont déposé leurs réponses.

C. La réponse de l’employeur aux arguments

[127] La question fondamentale soulevée par le présent grief consiste à déterminer si la fonctionnaire pouvait obtenir un congé de sélection du personnel en vertu du libellé de l’article 48 pour participer au PFC, qu’elle devait suivre avec succès en tant que condition d’emploi en vertu de l’art. 11 de la LGFP.

[128] Contrairement aux arguments de l’agent négociateur, la fonctionnaire n’était pas tenue de suivre avec succès le PFC en tant qu’étape de la procédure de sélection. Elle devait le réussir pour satisfaire à une condition d’emploi importante pour être nommée au poste CX‑02.

[129] Cela a été indiqué clairement à la fonctionnaire dans sa lettre d’offre conditionnelle qui énonçait qu’elle devait satisfaire à une liste de conditions avant d’être nommée au poste CX‑02. De plus, les éléments des parties indiquent clairement que le PFC ne constituait pas une étape de la procédure de sélection. Il s’agissait plutôt d’une formation obligatoire distincte que les nouvelles recrues devaient suivre avec succès en tant que condition d’emploi.

[130] Il s’agit d’une distinction principale et essentielle, car l’établissement des conditions d’emploi aux fins de la nomination d’une personne à un poste de la fonction publique ne découle pas de la LEFP, mais de l’al. 11.1(1)j) de la LGFP, qui énonce ce qui suit (voir le recueil conjoint de documents, onglet 1, page 19 (lettre d’offre conditionnelle de la fonctionnaire), et onglet 2, pages 12 et 13 (courriel de Mme Estabrooks à M. Pardy) :

11.1 (1) Le Conseil du Trésor peut, dans l’exercice des attributions en matière de gestion des ressources humaines que lui confère l’alinéa 7(1)e) :

[…]

j) régir toute autre question, notamment les conditions de travail non prévues de façon expresse par le présent article, dans la mesure où il l’estime nécessaire à la bonne gestion des ressources humaines de la fonction publique.

 

[131] L’ancien TDFP a également examiné cette distinction importante dans Praught c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada, 2009 TDFP 1 (« Praught et Pellicore »). Dans ce cas, le Tribunal a conclu que l’exigence que les candidats achèvent et réussissent un programme de formation en tactiques de maîtrise et de défense (TDM) obligatoire, offert par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), pour être nommés à un poste d’agent des services frontaliers ne constituait pas une qualification essentielle établie ou évaluée par l’administrateur général dans le cadre du régime de dotation en vertu de la LEFP. Il s’agissait plutôt d’une condition d’emploi, que l’employeur a établie et a exigée en vertu de la LGFP et sur laquelle le TDFP n’avait aucune compétence.

[132] L’interprétation de l’agent négociateur produirait également des résultats absurdes puisque les membres du groupe Services des programmes et de l’administration qui présentent leur candidature aux fins d’une procédure de sélection et sont tenus de satisfaire à une condition d’emploi avant d’être nommés pourraient avoir droit à un congé de procédure de sélection pour la période nécessaire pour satisfaire à cette condition d’emploi.

[133] Un tel résultat n’aurait pas pu être l’intention des parties lorsqu’elles ont négocié l’article 48. L’employeur ne devrait pas être tenu de payer un congé de procédure de sélection à la fonctionnaire afin qu’elle satisfasse à une condition d’emploi en vertu de la LGFP. L’agent négociateur élargit clairement le libellé de l’article 48 bien au‑delà de sa signification et de son objet initiaux. Il tente de conférer des avantages financiers importants sans un libellé clair et non ambigu à cet effet.

[134] Tel que cela a été énoncé dans Wamboldt, « […] un avantage qui comporte un coût financier pour l’employeur doit avoir été clairement et expressément stipulé dans la convention collective […] ». Étant donné qu’un congé payé comporte un coût financier pour l’employeur, il doit avoir été clairement et expressément stipulé. L’article 48 ne mentionne aucunement un congé payé pour suivre et réussir un programme de formation obligatoire requis en tant que condition d’emploi en vertu de la LGFP. Par conséquent, l’avantage demandé n’est pas clairement ou expressément stipulé et le grief doit être rejeté pour ce motif.

D. La réponse de l’agent négociateur aux arguments

[135] L’agent négociateur fait respectueusement valoir que l’employeur a mal caractérisé la question. L’employeur invoque un courriel provenant du SCC informant RCAANC que le PFC ne faisait pas partie d’une procédure de sélection. En plus de cette inexactitude, RCAANC était chargé d’approuver le congé de la fonctionnaire, et non le SCC.

[136] Une lecture de bon sens de la lettre d’invitation à participer à la séance du PFC laisse entendre que les conditions devaient être satisfaites avant qu’une lettre d’offre définitive puisse être reçue confirmant la nomination de Mme Keagan au poste CX‑02. En faisant valoir que le PFC ne faisait pas partie de la procédure de sélection, il semblerait que l’employeur affirme que la « procédure de sélection » était terminée à ce stade. Toutefois, Mme Keagan n’avait pas été nommée au poste CX‑02 à ce moment‑là; elle devait participer au PFC et satisfaire à d’autres conditions avant d’être nommée.

[137] Si le PFC ne faisait pas partie de la procédure de sélection et que Mme Keagan n’était pas une employée nommée qui bénéficiait de tous les avantages qu’il pouvait conférer, y compris la rémunération, son statut par rapport au SCC n’est pas clair. Si elle n’avait pas terminé le PFC avec succès ou n’avait pas satisfait à ses normes, elle n’aurait pas été nommée. Logiquement, cela signifie que la procédure de sélection n’aurait pas pu être terminée avant le PFC.

[138] Une procédure de sélection peut comprendre un large éventail de mécanismes et d’outils, car la LEFP autorise à l’administrateur général de déterminer avec souplesse la façon dont le processus devrait se dérouler.

[139] Lors de la négociation d’une convention collective, il n’est pas nécessaire que les parties prévoient toutes les situations possibles qui pourraient survenir. La convention collective, selon Brown et Beatty, doit plutôt être interprétée dans le contexte de la compréhension de l’intention des parties. Les parties avaient l’intention de mettre à la disposition des membres de l’unité de négociation les avantages payés du congé de promotion professionnelle et du congé de sélection du personnel. L’application d’une approche restrictive nuit à l’intention et à l’objet de la convention collective (voir le recueil de jurisprudence de la fonctionnaire, onglet 4).

E. En ce qui concerne l’applicabilité de Praught et Pellicore

[140] Le 14 décembre 2022, la Commission a écrit à l’agent négociateur et lui a demandé de répondre à l’argument de l’employeur du 9 décembre 2022, plus particulièrement à la question de savoir si la décision du TDFP dans Praught et Pellicore, mentionnée dans cet argument, s’applique ou non aux circonstances du présent cas.

[141] L’agent négociateur fait valoir que la décision ne s’applique pas. Son contexte et ses faits sont considérablement différents. D’une part, l’objet des conditions d’emploi a été soulevé dans le contexte d’une allégation d’abus de pouvoir dans une plainte relative à la dotation. En deuxième lieu, la principale question consistait à savoir si le fait de modifier les conditions d’emploi après la publication du poste constituait un abus de pouvoir. Enfin, l’analyse de la condition d’emploi se limitait particulièrement à l’examen des pouvoirs de l’administrateur général au cours des procédures de dotation.

[142] Aucun de ces éléments ne s’applique au présent cas. Peu de renseignements sont fournis sur la formation mentionnée aux paragraphes 5 et 6 de Praught et Pellicore, de sorte que la façon dont elle s’applique ou est pertinente à la question en litige n’est pas claire. La formation (CFP) requise de la fonctionnaire dans la présente affaire devait être achevée au cours de la procédure en vue d’une nomination éventuelle.

[143] Les dispositions des conventions collectives ne visent pas à saisir toutes les situations ou nuances. Une lecture de bon sens de l’article 48 laisse entendre que les parties avaient l’intention de permettre aux membres de l’unité de négociation d’avoir accès au congé payé pour les procédures de sélection. L’interprétation de l’article 48 par l’employeur porterait atteinte à l’intention de la disposition et créerait une incertitude quant à son applicabilité.

VII. Analyse

A. La fonctionnaire avait‑elle droit au congé de sélection du personnel?

[144] La fonctionnaire a‑t‑elle participé à une procédure de sélection du personnel et, dans l’affirmative, avait‑elle droit à une rémunération pour les heures pendant lesquelles elle a participé à l’étape 3 du PFC?

1. Les faits

[145] Les faits ne sont pas contestés. Les parties ont présenté un énoncé conjoint des faits et un recueil conjoint de documents.

[146] La fonctionnaire occupait un poste PM‑04 au RCAANC.

[147] Elle a postulé le poste CX‑02 auprès du SCC dans le cadre d’un processus de dotation de la fonction publique. L’offre d’emploi indiquait que tous les candidats devaient suivre avec succès le PFC et que [traduction] « AUCUNE RÉMUNÉRATION ne sera versée pendant le Programme de formation correctionnelle ».

[148] L’offre d’emploi se lisait en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

Énoncé des critères de mérite et conditions d’emploi

Les candidats qui satisfont aux critères suivants seront évalués en fonction de l’énoncé des critères de mérite et conditions d’emploi concernant ce poste.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[149] L’offre d’emploi énumérait les qualifications essentielles pour le travail à exécuter et qui devaient être satisfaites pour qu’une personne soit nommée au poste, y compris les langues officielles, l’efficacité, les études, l’attestation professionnelle, l’expérience, les qualifications constituant des atouts, les besoins organisationnels et les exigences opérationnelles.

[150] Sous la rubrique « Conditions d’emploi » figuraient un certain nombre d’exigences, y compris la sécurité et la fiabilité, le permis de conduire et les examens médicaux et psychologiques.

[151] Sous la rubrique « Autres renseignements », l’affiche indique en partie ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Afin d’être admissible à une nomination au poste d’intervenant(e) de première ligne/Kimisinaw, tous les candidats doivent suivre avec succès le Programme de formation correctionnelle (PFC) et le Programme de formation axé sur les femmes (PFAF). […]

[…]

Les candidats peuvent être évalués au moyen d’une vérification des renseignements ou de l’autorisation fournie dans le questionnaire préalable à l’emploi, des examens écrits, des entrevues et des vérifications des références, ainsi que de l’évaluation psychologique. Les candidats retenus seront placés dans un bassin de candidats partiellement évalués aux fins de sélection. Les candidats sélectionnés seront invités à participer au Programme de formation correctionnelle (PFC) et au Programme de formation axé sur les femmes (PFAF) du SCC.

[…]

 

[152] La fonctionnaire a réussi la première étape du PFC et a été placée dans un bassin national de candidats à partir duquel elle pouvait être sélectionnée et se voir envoyer une lettre d’offre conditionnelle, qui, si elle est acceptée, signifierait qu’elle était invitée à participer au PFC au Collège du personnel des Prairies du SCC.

[153] Le 3 février 2014, la fonctionnaire a reçu une lettre d’offre conditionnelle pour un poste d’intervenante de première ligne/Kimisinaw à l’Établissement Nova pour femmes à Truro. La lettre, du 31 janvier 2014, se lit en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

[…] C’est avec grand plaisir que je vous invite à joindre le Service correctionnel du Canada (SCC).

Je suis heureux de vous offrir une nomination pour une période indéterminée à temps plein au poste susmentionné. La présente offre est assujettie aux conditions suivantes :

TOUTES LES RÉGIONS

[…]

· Terminer avec succès le PFC qui commencera le 10 mars 2014. Veuillez noter que le SCC n’offre aucun salaire ni aucune indemnité pendant l’étape 3 du PFC; toutefois, une aide financière pour les déplacements peut être offerte en fonction de votre situation géographique. […]

Ces conditions doivent être satisfaites avant votre nomination […] En acceptant cette offre, vous acceptez également ces conditions.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[154] En fin de compte, la fonctionnaire a accepté l’offre et a suivi la formation obligatoire en classe dans le cadre du PFC.

[155] Le recueil conjoint de documents comprend un échange de courriels du 3 février 2014, entre Mme Estabrooks et M. Pardy, qui se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

Nous avons examiné cette situation particulière dans le passé à l’égard d’autres employés. En fait, nous avons communiqué directement avec Services correctionnels Canada, car nous avions besoin de renseignements supplémentaires sur la formation afin de déterminer comment bien appliquer la convention collective. Service correctionnel Canada a indiqué que, pour la partie en ligne de la formation, il s’attendait à ce que l’employé la fasse pendant les soirées et les fins de semaine (comme Oona l’indique dans son courriel). En ce qui concerne la partie en classe, le SCC nous a dit que l’article 48 ne s’appliquerait pas à cette formation particulière, car elle ne constitue pas une étape de la procédure de sélection, mais plutôt une formation obligatoire qui doit être suivie avec succès en tant que condition d’emploi.

[…]

 

[156] Selon les éléments de preuve, je n’ai aucune difficulté à conclure que l’exigence selon laquelle la fonctionnaire assiste à la partie obligatoire en classe du PFC constituait une condition d’emploi.

2. La participation à l’étape 3 du PFC constituait‑elle une étape d’une procédure de sélection du personnel au sens de l’article 48?

[157] L’article 48 de la convention collective se lit comme suit :

48.01 Lorsque l’employé‑e prend part à une procédure de sélection du personnel, y compris le processus d’appel là où il s’applique, pour remplir un poste dans la fonction publique, au sens où l’entend la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, il ou elle a droit à un congé payé pour la période durant laquelle sa présence est requise aux fins de la procédure de sélection et pour toute autre période supplémentaire que l’Employeur juge raisonnable de lui accorder pour se rendre au lieu où sa présence est requise et en revenir.

 

[158] Le seul élément de preuve pertinent figure dans l’échange de courriels du 3 février 2014, qui est censé indiquer le point de vue du SCC selon lequel l’article 48 ne s’appliquerait pas à cette formation particulière, car il s’agissait d’une condition d’emploi.

[159] L’agent négociateur fait valoir que la disposition ne comporte aucune restriction ou condition déclarée au‑delà de l’employé participant à une procédure de sélection de la fonction publique et le fait qu’on a accordé à la fonctionnaire un congé de sélection du personnel deux fois pour le même concours. L’expression « procédure de sélection du personnel » n’est pas définie dans la convention collective, elle devrait être interprétée de manière générale, plutôt que de manière restrictive, puisque cela compliquerait inutilement la compréhension et l’application de l’article.

[160] L’article 48 devrait être considéré dans son sens normal ou ordinaire et il faut présumer que tous les mots utilisés dans ce dernier étaient censés avoir un sens. La disposition a été rédigée de manière à confirmer un avantage particulier, soit le droit à un congé payé pour la période durant laquelle la présence de l’employé est requise aux fins de la procédure de sélection.

[161] L’utilisation du mot et du titre laisse entendre que le congé n’est pas discrétionnaire. Il n’y a non plus aucune condition particulière à laquelle un employé doit satisfaire pour prendre ce congé au‑delà de prendre part à une procédure de sélection du personnel de la fonction publique. La fonctionnaire participait à la procédure de sélection du SCC jusqu’à ce qu’elle reçoive une lettre d’offre inconditionnelle ou une offre de nomination de la part du SCC. Si elle n’avait pas été nommée, il va sans dire qu’elle participait toujours à la procédure de sélection, auquel cas le congé aurait dû lui être accordé.

[162] L’employeur soutient que les éléments de preuve incontestés des parties permettent d’établir que le CFP n’était pas une étape de la procédure de sélection, mais plutôt une formation obligatoire et distincte pour les nouvelles recrues en tant que condition d’emploi. L’employeur cite l’extrait du recueil conjoint de documents inclus dans le courriel du 3 février 2014 et soutient que cet élément de preuve est déterminant quant à la question de savoir si la fonctionnaire avait droit à un congé de sélection du personnel.

[163] Il fait valoir qu’il s’agit d’une distinction essentielle et cruciale, car l’établissement des conditions d’emploi pour être nommé à un poste de la fonction publique ne découle pas de la LEFP, mais de l’al. 11.1j) de la LGFP, qui prévoit que, dans l’exercice de ses attributions en matière de gestion des ressources humaines, le Conseil du Trésor peut régir toute autre question, notamment les conditions de travail non prévues de façon expresse, dans la mesure où il l’estime nécessaire à la bonne gestion des ressources humaines dans la fonction publique.

[164] L’employeur invoque Praught et Pellicore, aux paragraphes 71 à 74, à titre d’illustration d’exemple de cette distinction.

[165] L’employeur fait également valoir qu’un avantage qui comporte un coût financier pour lui doit avoir été clairement et expressément accordé dans les modalités de la convention collective.

3. Conclusion

[166] J’ai examiné attentivement tous les arguments des parties. Il incombait à l’agent négociateur d’établir que la condition d’emploi selon laquelle la fonctionnaire devait participer au PFC constituait une étape de la procédure de sélection au sens de l’article 48.

[167] S’appuyant sur le courriel de Mme Estabrooks citant le point de vue du SCC, l’employeur a soutenu que les éléments de preuve incontestés permettent d’établir que le PFC ne constituait pas une étape de la procédure de sélection. Même si le courriel constitue une preuve par ouï‑dire, la Commission peut, en vertu de l’al. 20e) de la LCRTESPF, accepter des éléments de preuve, qu’ils soient admissibles ou non en justice. Étant donné que le courriel est inclus dans le recueil conjoint de documents, il est admissible et pertinent et mérite un certain poids, même s’il n’est pas déterminant.

[168] Dans Praught et Pellicore, citée par l’employeur, le TDFP a examiné une plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’al. 77(1)a) de la LEFP. Il devait déterminer s’il avait compétence, ce qui exigeait de faire la distinction entre les situations dans lesquelles l’employeur exerçait son pouvoir délégué par la CFP en vertu de la LEFP pour évaluer les candidats et les nommer à des postes en fonction du mérite et les situations dans lesquelles l’employeur exerçait son pouvoir de gestion général en vertu de la LGFP pour établir les conditions d’emploi. Au paragraphe 69, le TDFP a affirmé ce qui suit :

[69] Les plaintes ont été présentées en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la LEFP, aux termes duquel les employés ont le droit de présenter une plainte au Tribunal au motif qu’il y a eu « abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l’administrateur général dans l’exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2) ». Le paragraphe 30(2) est libellé comme suit :

30. (2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a) selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles – notamment la compétence dans les langues officielles – établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir;

b) la Commission prend en compte

(i) toute qualification supplémentaire que l’administrateur général considère comme un atout pour le travail à accomplir ou pour l’administration, pour le présent ou l’avenir,

(ii) toute exigence opérationnelle actuelle ou future de l’administration précisée par l’administrateur général,

(iii) tout besoin actuel ou futur de l’administration précisé par l’administrateur général.

 

[169] Dans Hammond c. Administrateur général de Service Canada, 2008 TDFP 8, au par. 24, le TDFP a affirmé ce qui suit :

[24] En vertu du paragraphe 30(2), les administrateurs généraux peuvent établir des qualifications. La CFP, ou l’administrateur général délégataire s’il y a lieu, est autorisée à déterminer si une personne est qualifiée ou non; autrement dit, elle est autorisée à évaluer les candidats. Dans la pratique, ce sont les gestionnaires et les membres du comité d’évaluation qui exercent ces pouvoirs. Par conséquent, une allégation d’abus de pouvoir en vertu de l’alinéa 77(1)a) se limite aux personnes qui exercent le pouvoir d’établir des qualifications et d’évaluer des candidats.

 

[170] Par conséquent, le TDFP avait compétence pour déterminer s’il y avait eu abus de pouvoir dans l’établissement ou l’évaluation des qualifications essentielles constituant des atouts, des exigences opérationnelles et des besoins organisationnels.

[171] Les parties dans le cas Praught et Pellicore ont fait référence à la réussite du PFC comme étant une qualification essentielle tout au long de l’audience. Toutefois, dans les deux énoncés de critères de mérite (l’un publié le 4 mai et l’autre le 8 mai 2007), cette exigence était énumérée sous la rubrique [traduction] « Conditions d’emploi ».

[172] L’établissement des conditions d’emploi dans la fonction publique est un pouvoir de gestion générale dérivé de la LGFP, qui énonce ce qui suit à l’al. 11.1(1)j) :

11.1 (1)) Le Conseil du Trésor peut, dans l’exercice des attributions en matière de gestion des ressources humaines que lui confère l’alinéa 7(1)e) :

[…]

j) régir toute autre question, notamment les conditions de travail non prévues de façon expresse par le présent article, dans la mesure où il l’estime nécessaire à la bonne gestion des ressources humaines de la fonction publique.

 

[173] Le TDFP a affirmé ce qui suit au paragraphe 74 de Praught et Pellicore :

[74] En vertu de la LEFP, le Conseil du Trésor est l’« employeur » de l’ASFC. Les gestionnaires se voient conférer certains pouvoirs de gestion provenant du Conseil du Trésor, comme celui d’établir les conditions de travail, tel qu’il est énoncé cidessus. Le Tribunal conclut que M. Williams n’exerçait pas de pouvoir en vertu du paragraphe 30(2) de la LEFP lorsqu’il a décidé de modifier la condition d’emploi relative à la formation en TDM. Par conséquent, cette modification ne peut faire l’objet d’une plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’article 77 de la LEFP, de sorte que le Tribunal n’a pas compétence à cet égard.

 

[174] Je conclus que ce raisonnement est convaincant et, combiné au courriel qui mentionne la position du SCC, constitue un facteur déterminant de cette question. Le fait que le SCC, en tant que condition d’emploi, ait décidé de nommer conditionnellement de nouvelles recrues, tant au sein du gouvernement fédéral qu’à l’extérieur, qui ont suivi avec succès une procédure de sélection, et de leur offrir une formation en cours d’emploi, qui doit être terminée de manière satisfaisante avant de confirmer la nomination d’une recrue, à mon avis, est un exercice de son pouvoir de gestion délégué en vertu de la LGFP.

[175] L’exigence de suivre la formation obligatoire à titre de condition d’emploi n’était pas un exercice du pouvoir délégué de la direction en vertu de la LEFP.

[176] L’article 48 est intitulé « Congé de sélection du personnel ». Voici son libellé d’introduction : « Lorsque l’employé‑e prend part à une procédure de sélection du personnel, y compris le processus d’appel là où il s’applique, pour remplir un poste dans la fonction publique, au sens où l’entend la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique […] »

[177] Dans ce contexte, à mon avis, les références expresses à l’article 48 à la procédure de sélection du personnel, y compris le processus d’appel pour un poste de la fonction publique, font référence au processus de nomination énoncé à l’article 15 et à d’autres articles de la LEFP.

[178] La condition selon laquelle la fonctionnaire doit suivre une formation ne constituait pas une étape de la procédure de sélection et n’a pas déclenché l’application de l’article 48 de la convention collective.

[179] Je conclus que l’agent négociateur ne s’est pas acquitté de son fardeau consistant à établir que, selon la prépondérance des probabilités, l’employeur a contrevenu à l’article 48 de la convention collective.

[180] Subsidiairement à l’article 48, le 31 janvier 2014, la fonctionnaire a demandé un congé payé en vertu de l’article 50.

B. La fonctionnaire avait‑elle droit au congé de promotion professionnelle?

[181] L’article 50 de la convention collective se lit comme suit :

Congé de promotion professionnelle payé

50.01 La promotion professionnelle s’entend d’une activité qui, de l’avis de l’Employeur, est susceptible de favoriser l’épanouissement professionnel de l’individu et la réalisation des objectifs de l’organisation. Les activités suivantes sont réputées s’inscrire dans le cadre de la promotion professionnelle :

a) un cours offert par l’Employeur;

b) un cours offert par un établissement d’enseignement reconnu;

c) un séminaire, un congrès ou une séance d’étude dans un domaine spécialisé directement rattaché au travail de l’employé‑e.

50.02 Sur demande écrite de l’employé‑e et avec l’approbation de l’Employeur, le congé de promotion professionnelle payé peut être accordé pour toute activité dont il est fait mention au paragraphe 50.01. L’employé‑e ne touche aucune rémunération en vertu des dispositions de l’article 29, Heures supplémentaires, et de l’article 33, Temps de déplacement, pendant le temps qu’il ou elle est en congé de promotion professionnelle visé par le présent article.

50.03 Les employé‑e‑s en congé de promotion professionnelle touchent le remboursement de toutes les dépenses raisonnables de voyage et autres qu’ils ou elles ont engagées et que l’Employeur juge justifiées.

 

1. La fonctionnaire, les représentants du SCC, ses gestionnaires et les Relations de travail ont discuté de ses demandes de congé refusées

[182] Le 7 février 2014, la fonctionnaire a envoyé un courriel à Mme Smith, à Mme Estabrooks et à M. Pardy. Elle a remercié Mme Estabrooks de son courriel de la même date informant la fonctionnaire qu’elle avait discuté avec les Relations de travail du Ministère ce matin‑là et que l’on communiquerait avec le Conseil du Trésor pour obtenir une interprétation. Elle a affirmé qu’elle les informerait tous dès qu’elle aurait plus de renseignements.

[183] Le 12 février 2014, M. Pardy a dit à la fonctionnaire que l’employeur avait discuté d’approuver le congé demandé en vertu de l’article 50, comme suit :

[Traduction]

J’ai discuté avec Dougal. Il n’est pas disposé à appuyer l’article 48, mais il a reconnu l’argument qui peut être présenté en vertu de l’article 50 (congé de prom. prof.).

À l’origine, il considérait que cela créerait un précédent général (un autre ministère, une période de formation prolongée), mais j’ai proposé que cela était assez restreint – un employé fédéral qui demande une formation de promotion professionnelle pour un emploi très précis et ferme au sein du gouvernement fédéral. De plus, nous n’engageons aucuns frais de déplacement, ce qui est prévu dans la convention collective. Cela met également Oona sur un pied d’égalité avec ses collègues fédéraux aux Services correctionnels.

Toutefois, Dougal souhaiterait avoir le temps de discuter avec Chrissy et peut‑être avec l’AC.

Pouvez‑vous leur demander d’attendre jusqu’à vendredi?

[…]

 

[184] Dans un courriel du 7 mars 2014, Mme Smith a écrit à la fonctionnaire, indiquant en partie ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Conformément à ce qui a été discuté avec vous au téléphone le 28 février 2014, la direction a refusé votre demande de congé payé en vertu des articles 48 et 50 concernant votre participation à une séance de formation que vous prévoyez suivre en tant que candidate à une procédure de sélection concurrentielle fédérale.

Compte tenu de la situation, la disposition de la convention collective qui s’appliquerait à cette fin est Congé non payé (CNP) pour obligations personnelles en vertu de l’article 44. […]

Tel qu’il a également été discuté avec vous, la direction de TDE appuie votre promotion et vos aspirations professionnelles et appuiera un congé non payé pour obligations personnelles et/ou un congé avec étalement du revenu pour la période de votre formation ou de la procédure de sélection.

[…]

2. Conclusion

[185] L’agent négociateur soutient que les représentants de l’employeur reconnaissaient que la formation était nécessaire à la promotion professionnelle de la fonctionnaire.

[186] L’agent négociateur fait valoir que l’exercice du pouvoir discrétionnaire ne peut être arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. Il soutient que l’employeur n’a fourni aucune raison de refuser le congé en vertu de l’article 50 et qu’en l’absence de précisions, il faut conclure que l’employeur n’a pas tenu compte des circonstances individuelles de la fonctionnaire et qu’il a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière arbitraire. En conclusion, il fait valoir que la promotion professionnelle peut signifier un large éventail d’activités et que l’omission par l’employeur de ne pas dûment tenir compte de la formation offerte par un ministère de la fonction publique signifie qu’il ne satisfaisait pas à la norme de processus décisionnel juste et raisonnable.

[187] L’employeur soutient que les arguments de l’agent négociateur reconnaissent que l’article 50 n’a pas été rédigé en termes conférant un droit absolu. Au contraire, l’octroi d’un congé de promotion professionnelle relève du seul pouvoir discrétionnaire de l’employeur, lequel n’est pas soumis à l’examen de la Commission, sauf pour s’assurer qu’il n’a pas été exercé de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi.

[188] L’employeur fait référence aux mots d’ouverture de la clause 50.01, qu’il fait valoir lui confère le seul pouvoir discrétionnaire de déterminer si l’activité de promotion professionnelle en question est susceptible d’aider l’employé à poursuivre son perfectionnement professionnel, ainsi qu’à l’organisation, dans le présent cas RCAANC, à réaliser ses objectifs.

[189] Le libellé de la convention collective confère à l’employeur un vaste pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne l’octroi d’un congé de promotion professionnelle en énonçant : « de l’avis de l’Employeur » (voir la clause 50.01). Lorsqu’il exerce ce pouvoir discrétionnaire, l’employeur doit déterminer que l’activité « […] est susceptible de favoriser l’épanouissement professionnel de l’individu et la réalisation des objectifs de l’organisation » (voir la clause 50.01).

[190] La LEFP prévoit la définition suivante d’une « organisation » : toute partie de l’administration publique fédérale nommée à l’annexe I, IV ou V de la LGFP. Le SCC est inscrit à l’annexe IV, et le RCAANC figure à l’annexe I (à compter de 2014, date à laquelle il a été nommé ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada).

[191] Dans ce contexte, le terme « organisation » fait référence à l’employeur actuel de la fonctionnaire, RCAANC.

[192] Il est difficile de voir comment l’emploi futur de la fonctionnaire au SCC pourrait favoriser la réalisation des objectifs de RCAANC.

[193] Les éléments de preuve non contestés et conjoints démontrent que l’employeur a examiné la demande de la fonctionnaire, en a discuté avec elle et d’autres personnes, a demandé des renseignements supplémentaires d’autres personnes, y compris la fonctionnaire, le SCC et les Relations de travail et ont fait référence à une interprétation du Conseil du Trésor relativement à l’utilisation et à l’application de la disposition.

[194] L’employeur soutient que rien dans les éléments de preuve n’indique que la demande de congé de promotion professionnelle a été refusée de manière arbitraire.

[195] Les extraits qui sont cités à la page 37 du recueil conjoint de documents qui décrivent les discussions entre la fonctionnaire, les représentants du SCC, ses gestionnaires et les Relations de travail au sujet de ses demandes de congé indiquent que la direction avait un esprit ouvert, qu’elle appuyait la promotion et les aspirations professionnelles de la fonctionnaire et qu’elle appuyait la conclusion selon laquelle l’employeur n’avait pas exercé son pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne l’octroi d’un congé en vertu de l’article 50 de manière arbitraire.

[196] L’agent négociateur ne s’est pas acquitté de son fardeau consistant à établir, selon la prépondérance des probabilités, une contravention à l’article 50 de la convention collective.

[197] En conclusion, le grief, en ce qui concerne les articles 48 et 50 de la convention collective, est rejeté.

[198] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)

VIII. Ordonnance

[199] Le grief est rejeté.

Le 2 mai 2023.

Traduction de la CRTESPF

David Olsen,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

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