Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a allégué un abus de pouvoir dans l’application du principe du mérite dans le cadre d’un processus de nomination d’ingénieurs de recherche, et il a notamment allégué la partialité, la mauvaise foi et la discrimination – le plaignant a également déposé un grief pour contester le processus de nomination – conformément au paragraphe 208(2) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2), la Commission a déterminé qu’elle n’avait pas compétence pour entendre le grief, car la procédure de traitement des plaintes établie dans la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13) prévoit une procédure administrative pour répondre aux préoccupations concernant le processus de nomination interne en cause et les allégations de traitement discriminatoire qui s’y rattachent – en ce qui concerne la plainte relative à la dotation, la Commission a estimé que l’intimé avait abusé de son pouvoir dans l’évaluation des compétences en matière de communication (orale et écrite) et qu’il avait fait preuve de discrimination fondée sur l’origine ethnique – la méthode d’évaluation utilisée pour la communication écrite était défaillante et ne permettait pas d’évaluer correctement la compétence indiquée – l’intimé n’a pas tenu compte des éléments de preuve étayant la compétence en communication écrite du plaignant – il a également formulé des commentaires négatifs sur la compétence du plaignant en matière de communication orale, bien qu’il ait constaté qu’il la maîtrisait – la Commission a estimé que ces commentaires n’étaient pas pertinents, qu’ils étaient hautement préjudiciables et qu’ils avaient pour but d’influer sur la décision en matière de dotation – en outre, la Commission a estimé que les actes de l’intimé étaient discriminatoires – bien qu’il ne s’agisse pas d’un motif de distinction illicite, la langue peut, dans certaines circonstances, avoir un lien avec un motif protégé tel que le lieu d’origine ou l’origine ethnique – le point de vue de l’intimé sur les compétences linguistiques du plaignant, tant à l’oral qu’à l’écrit, n’était ni exact ni juste, et il a perçu le plaignant comme étant moins compétent qu’il ne l’était – l’accent du plaignant a également été critiqué de manière désobligeante – par conséquent, la Commission a déterminé que les commentaires sur les compétences du plaignant en matière de communication orale étaient liés à son origine ethnique – l’origine ethnique du plaignant a été un facteur entrant en ligne de compte dans la décision de ne pas le promouvoir parce que, entre autres, il a été traité différemment des autres candidats lors de l’évaluation de ses compétences en communication écrite, et que l’évaluation qui en a résulté était inadéquate et erronée – en application de l’alinéa 53(2)e) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H-6; LCDP), la Commission a accordé un montant de 5 000 $ à titre de dommages pour préjudice moral en raison de l’humiliation et de la contrariété subies par le plaignant du fait de l’attention particulière portée à son accent et à ses compétences en matière de communication orale – en outre, conformément au paragraphe 53(3) de la LCDP, un montant de 2 500 $ lui a été accordé à titre de dommages particuliers en raison de la négligence de l’intimé à informer le plaignant de la raison pour laquelle il ne l’a pas promu et pour avoir continué à exercer une discrimination.

Grief rejeté.
Plainte accueillie.

Contenu de la décision

Date: 20230523

Dossiers: 771‑02‑40624 et 566‑02‑43917

 

Référence: 2023 CRTESPF 52

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral,

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral et

Loi sur l’emploi dans la fonction

publique

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

entre

 

Yudong Fang

plaignant et fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

 

administrateur général

(ministère de l’Industrie)

 

intimé

et

CONSEIL DU TRÉSOR

(ministère de l’Industrie)

 

employeur

Répertorié

Fang c. Administrateur général (ministère de l’Industrie) et Conseil du Trésor (ministère de l’Industrie)

Affaire concernant une plainte d’abus de pouvoir – paragraphe 77(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique et un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant : Ian R. Mackenzie, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant et fonctionnaire s’estimant lésé : Lisa Dubé et Stacey Mirowski, L’Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l’intimé et employeur : Christine Côté et Alexandre Toso, avocats

Pour la Commission de la fonction publique : Alain Jutras

Affaire entendue par vidéoconférence,

les 15 et 16 février et le 3 mars 2023.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

 

I. Plainte et grief devant la Commission

[1] Le plaignant, Yudong Fang (ou le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a présenté une plainte auprès de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; LEFP). Il a allégué un abus de pouvoir dans l’application du mérite par l’intimé, l’administrateur général du ministère de l’Industrie, dans les nominations effectuées en juin 2019 à la suite d’un programme de perfectionnement pour les ingénieurs de recherche aux postes de groupe et niveaux EN‑ENG‑03 et EN‑ENG‑04 (les postes « ENG‑03 » et « ENG‑04 »). Il a également allégué une contravention de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H‑6; LCDP).

[2] Le plaignant était l’un des quatre candidats retenus pour une promotion à un poste ENG‑04.

[3] L’intimé a nié avoir abusé de son pouvoir dans le cadre du processus de nomination.

[4] La Commission de la fonction publique n’a pas assisté à l’audience et elle a présenté des arguments écrits concernant ses politiques et lignes directrices applicables. Elle n’a pas pris position sur le bienfondé de la plainte.

[5] Dans sa plainte, le plaignant a allégué que l’intimé avait commis un abus de pouvoir dans l’application du principe du mérite lorsqu’il a effectué ce qui suit :

· exercer son pouvoir discrétionnaire avec des intentions inappropriées, des préjugés et de mauvaise foi;

· utiliser des documents inadéquats dans l’évaluation;

· faire preuve de favoritisme personnel envers les personnes nommées;

· faisant preuve d’un traitement différentiel et discriminatoire envers lui.

 

[6] À l’audience, le plaignant n’a pas poursuivi l’allégation de favoritisme personnel envers les candidats nommés.

[7] M. Fang a également déposé un grief contre le processus de promotion, qui a été renvoyé à l’arbitrage devant la Commission. L’intimé s’est opposé à la compétence de la Commission d’entendre le grief. J’ai déterminé que puisque le grief et la plainte portaient sur le même processus de nomination, ils pouvaient être entendus ensemble. J’ai pris cette objection sous réserve. Pour les motifs énoncés dans la prochaine section, j’ai conclu que le grief devrait être rejeté étant donné que la Commission n’a pas compétence à son égard.

II. Compétence à l’égard du grief (dossier de la Commission 566‑02‑43917)

[8] M. Fang a contesté le refus d’une promotion pour lui, alléguant qu’il s’agissait d’un traitement différentiel, d’une violation de l’article visant l’élimination de la discrimination (article 44) de sa convention collective (pour le groupe Architecture, génie et arpentage (NR) qui a expiré le 30 septembre 2018) et d’une violation de la LCDP. À titre de mesure corrective, il a demandé une promotion ainsi que des dommages en vertu de la LCDP. Le présent grief a été renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’art. 209 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »).

[9] L’intimé s’est opposé à la compétence de la Commission à l’égard du présent grief, puisqu’il porte sur le même sujet que la plainte en vertu de la LEFP, et le renvoi du grief à l’arbitrage était interdit en vertu du par. 208(2) de la Loi. Le fonctionnaire a fait valoir qu’il ne souscrivait pas aux arguments de l’intimé et il a affirmé qu’il lui était loisible de poursuivre à la fois une plainte et un grief.

[10] Le paragraphe 208(2) de la Loi prévoit qu’un fonctionnaire « […] ne peut présenter de grief individuel si un recours administratif de réparation lui est ouvert sous le régime d’une autre loi fédérale […] ». La convention collective applicable énonce que la présentation d’un grief est assujettie à l’art. 208 (à l’article 35), qui a été adoptée à l’origine pour examiner la possibilité de faire double emploi de procédures en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.R.C. (1985), ch. P‑35), d’une part, et de la LEFP, d’autre part (voir Chopra c. Canada (Conseil du Trésor), [1995] 3 CF 445, p. 452).

[11] Comme dans Burlacu c. Canada (Procureur général), 2022 CF 1112, le présent grief est, « à la base », lié à un processus de nomination interne et la LEFP prévoit un recours administratif de réparation pour cette catégorie de plainte (au paragraphe 28). M. Fang a également présenté sa plainte en vertu de la LEFP, qui porte sur le même processus de nomination.

[12] Dans Burlacu, la Cour a fait remarquer que les questions soulevées dans le grief « relatives à l’équité et à la transparence », ainsi que l’« […] incarnation des valeurs et des comportements attendus énoncés dans le Code […] » pourraient être examinées dans le cadre du processus de plainte en vertu de la LEFP (au paragraphe 29).

[13] Dans le grief, le fonctionnaire demande des dommages pour la perte de salaire parce qu’il n’a pas été promu. Il demande la même réparation dans sa plainte. Comme je l’ai indiqué dans la section des motifs de la présente décision, cette réparation n’est pas disponible dans une plainte en vertu de la LEFP. Tel que cela a été indiqué comme suit dans Canada (Procureur général) c. Boutilier, 1999 CanLII 9397 (CAF), la réparation disponible dans l’autre procédure administrative n’a pas à fournir une réparation égale, à condition qu’elle traite la plainte de façon raisonnable et efficace quant au fond du grief : « Que le recours administratif soit différent, même s’il s’agit d’une “réparation moindre”, il n’en demeure pas moins un recours. (au paragraphe 23) » Autrement, le fonctionnaire cherche également des dommages en vertu de la LCDP dans son grief et sa plainte. Afin de déterminer si une plainte en vertu de l’art. 77 de la LEFP est fondée, la Commission peut interpréter et appliquer la LCDP et peut ordonner une réparation, conformément à l’al. 53(2)e) et au par. 53(3) de la LCDP.

[14] Je conclus que la Commission n’a pas compétence pour entendre le grief, étant donné que la procédure de plainte en vertu de la LEFP prévoit une procédure administrative pour répondre à ses préoccupations au sujet du processus de nomination interne en litige et des allégations connexes de traitement discriminatoire en vertu de la LCDP. Par conséquent, le grief est rejeté.

III. Résumé de la preuve

[15] La langue maternelle de M. Fang est le mandarin. Il est né en Chine et a émigré au Canada en 2000. Il a commencé à travailler pour l’intimé en 2009.

[16] Le plaignant a participé à un programme de perfectionnement du Centre de recherches sur les communications (CRC) pour le groupe ENG, connu sous le nom de [traduction] « Programme de perfectionnement ENG » (PPENG). Il faisait partie du premier groupe de participants, et il a commencé à y participer en 2017. Le PPENG comprend une stratégie de recrutement, un cadre pour le perfectionnement professionnel et l’évaluation, le mentorat, la formation et la promotion en fonction de critères définis. La question soulevée dans la présente plainte ne porte que sur la dernière étape du PPENG – une promotion fondée sur des critères définis.

[17] Le PPENG a été établi sous la direction du comité de gestion des programmes de perfectionnement (CGPP ou « le comité principal ») du CRC présidé par le président du CRC et composé, entre autres, de représentants de la haute direction et de la Direction générale des ressources humaines du CRC. Il surveille tous les programmes de perfectionnement et donne l’approbation finale de l’avancement des participants. Il se réunit chaque année.

[18] Le sous‑comité de recherche sur le programme de perfectionnement (SCRPP ou le « sous‑comité ») a été mis sur pied sous la direction du CGPP et il est présidé par un directeur de recherche du CRC. En 2018, la présidente était Doris Camiré. Les autres membres du SCRPP sont tous des directeurs de recherche du CRC. Il se réunit chaque année et est chargé de ce qui suit :

[Traduction]

[…]

· le recrutement et l’avancement des participants;

· le perfectionnement et la modification des compétences requises à chaque niveau;

· l’examen des observations des participants concernant la promotion;

· l’approbation de premier niveau de la promotion;

· la présentation de recommandations au CGPP;

· la présentation de recommandations portant sur des changements à apporter au CGPP.

[…]

 

[19] Le PPENG recrute des employés des groupe et niveaux ENG‑02 et ENG‑03. La réussite du PPENG donne lieu à une promotion aux groupes et niveaux ENG‑03 et ENG‑04. Le plaignant était au groupe et niveau ENG‑03 avant de commencer le PPENG. Mme Camiré a témoigné que le PPENG avait pour objet de faire passer un ingénieur de l’obtention du diplôme au niveau de travail du CRC (ENG‑04).

[20] Les employés qui participent au programme progressent [traduction] « […] en démontrant clairement, systématiquement et continuellement les compétences à des niveaux de compétence définis […] » (voir le [traduction] Guide du Programme de perfectionnement ENG de recherche du CRC). Le profil de compétences contenait des compétences pour l’expérience, les connaissances, les capacités et les qualités personnelles. Les compétences pertinentes dans la présente plainte sont [traduction] « communiquer oralement » et [traduction] « communiquer par écrit ».

[21] Le niveau de compétence pour le niveau ENG‑04 aux fins de [traduction] « communiquer oralement » a été établi comme suit :

[Traduction]

[…]

Capacité de communiquer efficacement des renseignements techniques et de présenter des exposés à l’intention de sa propre unité de travail et de la direction; ainsi qu’à l’organisation ou de clients.

Capacité de représenter l’organisation et de présenter des exposés efficacement à l’intention de la direction.

[…]

 

[22] Mme Camiré a témoigné que l’on s’attendait à ce que le CRC puisse faire confiance à un fonctionnaire de niveau ENG‑04 pour le représenter à l’extérieur du CRC.

[23] Le niveau de compétence du niveau ENG‑04 pour [traduction] « communiquer par écrit » était : [traduction] « Capacité de communiquer efficacement par courriel et de préparer la documentation finale avec un minimum de révisions pour les clients, pour la haute direction ou pour les publications de conférence. »

[24] Mme Camiré a témoigné que la différence entre la compétence à communiquer par écrit pour les ENG‑03 et les ENG‑04 était l’attente que les rapports et d’autres documents n’exigeraient pas de nombreuses révisions.

[25] Une fois par an, les participants au PPENG présentent une demande de promotion qui est examinée par le sous‑comité. Dans le cadre de cette demande, ils doivent remplir un document intitulé [traduction] « cahier de travail » dans lequel ils doivent démontrer, avec des exemples, la façon dont ils satisfont aux compétences nécessaires à la promotion. Le superviseur et le gestionnaire du candidat examinent chaque section du cahier de travail pour déterminer si le texte écrit est exact.

[26] Les connaissances des membres du SCRPP à l’égard des candidats aux fins de la promotion ont également été prises en compte dans le processus d’évaluation. Mme Camiré a témoigné qu’il y a environ 120 membres du personnel de recherche au CRC et que les membres du sous‑comité connaissaient tout le monde au CRC.

[27] Mme Camiré a témoigné que les candidats devaient aussi fournir un exemple de document « officiel » qu’ils avaient préparé. D’autres membres du SCRPP (Geoff Colman et Marc‑André Rochon) ne se souvenaient pas avoir examiné les documents écrits soumis. Les documents fournis par l’intimé qui se rapportaient au processus de promotion ne comprenaient pas d’échantillons écrits. M. Colman ne savait pas si le sous‑comité avait demandé des échantillons de documents écrits pour cet exercice de promotion (2018) ou si des échantillons n’étaient demandés que les années suivantes.

[28] En mai 2018, chaque membre du SCRPP a examiné séparément les cahiers de travail des candidats. Ensuite, le SCRPP s’est réuni pour discuter de leurs analyses. Mme Camiré a témoigné que lorsqu’il y avait des questions, les membres discutaient [traduction] « longuement » et votaient ensuite sur la cote à accorder à chaque compétence. Le SCRPP s’est appuyé sur un vote majoritaire pour formuler ses recommandations relatives à la promotion.

[29] Lors de la première réunion du SCRPP, on a jugé que le plaignant possédait toutes les compétences, sauf communiquer par écrit. Mme Camiré a témoigné qu’après la première discussion du sous‑comité au sujet de son travail, certains de ses membres ont consulté des superviseurs qui pouvaient formuler des commentaires sur ses compétences à communiquer par écrit.

[30] Le plaignant a témoigné que Demin Wang, son ancien directeur de recherche et un membre du sous‑comité, lui avait demandé son curriculum vitæ après la première réunion du sous-comité. Le plaignant a également témoigné que deux membres du sous‑comité ont observé un exposé qu’il a présenté le 8 juin 2018 et qu’il croyait qu’ils l’évaluaient.

[31] M. Colman a témoigné qu’il avait participé à un processus de nomination avec le plaignant en 2015, au cours duquel le plaignant a échoué aux compétences à communiquer oralement et par écrit. M. Colman a fait remarquer que le plaignant avait affirmé dans sa demande qu’il était en mesure de rédiger des documents sans révision majeure, et qu’il avait fait référence aux documents qu’il avait rédigés en 2015. M. Colman a témoigné que selon son expérience de 2015, il avait des doutes quant à l’affirmation du plaignant. Il souhaitait discuter avec d’autres directeurs de recherche de la question de savoir si les compétences du plaignant à communiquer oralement et par écrit s’étaient suffisamment améliorées depuis 2015 pour être admissible au poste ENG‑04.

[32] M. Colman a discuté des capacités de communication du plaignant avec trois personnes. L’une de ces personnes n’a pas été en mesure de fournir des renseignements récents sur les capacités du plaignant. Il a discuté avec un gestionnaire de projets, Howard Chatterton, qui travaillait sur un des projets du plaignant. Il a également discuté avec une personne, Bernard Doray, qui avait travaillé étroitement avec le plaignant.

[33] Dans le rapport final contenant les recommandations relatives à la promotion qui avait été préparé à l’intention du CGPP (examiné plus en détail plus loin dans la présente section), M. Colman a fourni comme suit le résumé de sa conversation avec M. Chatterton et M. Doray :

[Traduction]

[…]

Howard a fait remarquer qu’il avait constaté une amélioration marquée de l’anglais parlé de Yudong. Surtout lorsqu’on rappelle à Yudong de ralentir et de parler clairement, il peut être facilement compris. Howard n’avait pas une bonne preuve des compétences de rédaction officielle récente de Yudong, puisque tous les rapports que Howard avait vus avaient été par l’intermédiaire de Bernard aux fins de révision et de correction avant de lui être soumis. Howard a cependant fait remarquer que les courriels de Yudong ont tendance à être courts et contiennent des erreurs, mais ils peuvent être compris. Howard a également mentionné qu’il a dû travailler avec Yudong pour l’aider à améliorer la qualité de l’anglais écrit dans la candidature ENG‑04 de Yudong.

Bernard a fait remarquer qu’il a eu un temps frustrant dans le passé en tant que co‑rédacteur des documents de Yudong. La qualité de l’anglais écrit de Yudong a nécessité des efforts importants de la part de Bernard afin de le rendre d’un niveau conforme aux attentes en matière de présentation de documents de conférence. Bernard a admis qu’il n’était pas certain que cela soit dû à une incapacité à rédiger efficacement en anglais ou si ces documents n’ont tout simplement pas fait l’objet du niveau d’attention que Yudong aurait dû lui accorder au moment de leur révision avant de les présenter aux fins de révision, ou les deux. Plus récemment, Yudong a été chargé de rédiger un document pour l’un des extrants du projet BP2. Lorsque Yudong a présenté à Bernard sa première ébauche, Bernard lui a demandé, sans la regarder, si Yudong pouvait la reprendre et s’assurer que ce qu’il présentait était peaufiné. Yudong s’est conformé et a travaillé, vraisemblablement seul, pour améliorer la qualité du travail avant que Bernard ne l’examine pour la première fois. Bernard a estimé que ce rapport était de bonne qualité (il a dit qu’il le jugerait à environ 7/10, et qu’il évaluerait la rédaction typique de [d’autres membres de son équipe] à 10/10). Selon Bernard, en ce qui concerne ce rapport particulier, Yudong a démontré qu’il avait la capacité de rédiger efficacement en anglais.

[…]

 

[34] M. Colman a témoigné que le commentaire de M. Doray selon lequel le plaignant avait la capacité de rédiger efficacement en anglais n’était qu’une indication fondée sur un seul rapport et que le sous‑comité cherchait à démontrer de façon constante la capacité de travailler au niveau ENG‑04.

[35] M. Rochon a été nommé directeur de recherche pour la section du plaignant le 1er avril 2018 et n’avait supervisé le plaignant que depuis lors. Il a témoigné qu’il n’avait pris connaissance des compétences du plaignant en anglais que lorsqu’il avait été nommé au poste de directeur de recherche. À la suite de la première réunion du sous‑comité, il a discuté avec Valerie Maier, le superviseur du plaignant et M. Chatterton. Il ne se souvenait pas des détails de ces conversations. Il a témoigné qu’il avait des préoccupations quant aux communications écrites du plaignant dans les courriels.

[36] Après avoir obtenu ces renseignements supplémentaires sur les compétences en communication du plaignant, une autre réunion du sous‑comité a été tenue. Même si M. Rochon a témoigné qu’un autre vote avait eu lieu, M. Colman et Mme Camiré ont témoigné qu’à la suite d’une discussion, les membres du sous‑comité avaient décidé de ne pas tenir un autre vote relativement à cette compétence. Mme Camiré a témoigné que le sous‑comité avait décidé de fournir des renseignements supplémentaires dans son rapport au comité principal, [traduction] « afin qu’il puisse décider ». M. Colman a témoigné que les membres du sous‑comité avaient été invités à fournir des renseignements que chacun jugeait pertinents pour aider la haute direction à prendre sa décision.

[37] Le SCRPP a présenté son rapport au comité principal sur ses recommandations de promotion en juin 2018. Le rapport a été rédigé par Mme Camiré. Elle a témoigné qu’elle avait pris note des discussions du sous‑comité et qu’elle avait rédigé un résumé à l’égard de chaque candidat afin de fournir un [traduction] « aperçu » de ce qui avait été discuté. Elle a témoigné que les résumés visaient également à fournir une rétroaction aux candidats. Même si la page couverture du rapport indiquait une date d’approbation de mai 2018, Mme Camiré a été en mesure de confirmer à l’audience que la dernière date de révision était le 13 juin 2018, après avoir vérifié la date indiquée comme [traduction] « dernière révision » sur la copie électronique du rapport.

[38] Dans son rapport au CGPP, le sous‑comité n’a pas recommandé la promotion du plaignant, fondée sur sa conclusion selon laquelle il ne satisfaisait pas à la compétence à communiquer par écrit. Le rapport contenait l’évaluation suivante à son égard :

[Traduction]

[…]

Le sous‑comité signale que l’évaluation de la promotion de Yudong Fang de passer du niveau ENG‑03 au niveau ENG‑04 a été évaluée par consensus comme un « échec limite ».

Le sous‑comité a reconnu l’expérience et les compétences techniques solides de Yudong, sans trop de discussions. Toutefois, la capacité de Yudong de communiquer efficacement oralement et par écrit a fait l’objet de discussions approfondies. En ce qui concerne la communication orale, tous les membres du sous-comité ont convenu qu’il pouvait communiquer efficacement les renseignements techniques. Une faible majorité des membres du sous‑comité étaient d’avis que Yudong avait la capacité de représenter l’organisation et de présenter efficacement des exposés à la direction. En ce qui a trait à communiquer par écrit, presque tous les membres ont déterminé que les éléments de preuve disponibles n’étayaient pas le fait que Yudong satisfaisait à l’exigence de communiquer efficacement par écrit. Les éléments de preuve présentés consistaient en des exemples anecdotiques de membres du sous‑comité et comprenaient un courriel mal écrit à l’intention de la direction, son superviseur devant lui fournir une aide importante lorsqu’il rédigeait des documents et, dans certains cas, son superviseur devant rédiger de nouveau certains de ses documents. Tous les membres ont voté « Échec limite » en fonction d’une compétence qui n’a pas été satisfaite.

Compétence non satisfaite : Capacité de communiquer efficacement par courriel et de préparer la documentation finale avec un minimum de révisions pour les clients, pour la haute direction ou pour les publications de conférence.

[…]

 

[39] Les commentaires de six membres du sous‑comité figurent sur une page distincte du rapport, que, selon le témoignage du plaignant, il a vu pour la première fois à l’audience.

[40] Les commentaires de M. Colman dans le rapport ont fait ressortir que son évaluation du plaignant a été influencée par la réécriture d’un document que le plaignant a rédigé environ deux ans avant le processus de promotion. Il a également affirmé dans ses commentaires qu’il savait que le plaignant avait [traduction] « travaillé fort » à améliorer son anglais au cours des deux dernières années, et afin d’obtenir une [traduction] « […] réflexion plus à jour de ses compétences actuelles en communication […] », il a discuté avec M. Chatterton et M. Doray. Le résumé de M. Colman de ces conversations est présenté ci‑dessus dans la présente décision.

[41] Les commentaires de M. Rochon dans le rapport se lisent comme suit :

[Traduction]

[…]

Je ne crois pas que Yudong a la capacité de représenter l’organisation et de présenter efficacement des exposés à la direction. Dans les quelques conversations que j’ai eues avec Yudong depuis que je suis devenu son directeur de recherche, j’ai éprouvé beaucoup de difficultés à le comprendre. Je dois souvent lui demander de répéter ce qu’il dit et lui poser des questions pour essayer de clarifier le sens de ce qu’il dit. Il s’agit d’une preuve anecdotique et est fondée sur quelques conversations, mais selon cela, je crois qu’il n’a pas la capacité de communiquer oralement au niveau attendu d’un ENG‑04.

[…]

 

[42] Il a témoigné que ses commentaires ne visaient pas à atténuer ses préoccupations au sujet de la compétence du plaignant à communiquer par écrit.

[43] Les commentaires de Mme Camiré dans le rapport se lisent comme suit :

[Traduction]

[…]

[…] Après avoir entendu de longues discussions entre les membres du sous‑comité et la preuve anecdotique concernant les capacités de communication de ce candidat, je ne suis pas convaincue qu’il a démontré des compétences claires, consistantes et continues à communiquer oralement et par écrit au niveau de compétence que nous attendons d’un ENG‑04.

[…]

 

[44] En contre‑interrogatoire, Mme Camiré a affirmé qu’elle avait vu des exposés présentés par le plaignant, mais qu’elle n’avait vu aucune de ses communications écrites. Elle a témoigné qu’elle s’était fondée sur les rédactions dans le cahier de travail fourni aux fins du processus de nomination, ainsi que sur les observations des autres membres du sous‑comité. Elle a témoigné qu’elle avait mentionné la communication orale dans ses commentaires parce qu’elle avait des préoccupations quant à la compétence du plaignant en communication orale.

[45] M. Wang n’a pas témoigné à l’audience. Il avait été le directeur de recherche du plaignant pendant huit ans avant que M. Rochon n’assume le poste. M. Wang a fourni les commentaires suivants dans le rapport :

[Traduction]

[…]

Je recommande personnellement la promotion de Yudong Fang au niveau ENG‑04 pour les raisons suivantes :

1) Yudong ne satisfait pas à un seul des 32 critères : soit communiquer par écrit. Il s’agissait d’un résultat de vote fondé sur des exemples anecdotiques. Les preuves récentes provenant de Bernard et de Howard (obtenues après le vote) indiquaient que Yudong avait considérablement amélioré sa capacité de communiquer oralement et par écrit.

2) Yudong est le candidat le plus solide en technologies parmi tous les candidats et compte 23 ans d’expérience pertinente, la plus longue parmi les candidats. Il a fait d’importantes contributions aux grands défis du CRC en matière de recherche.

3) Il a rédigé trois documents internationaux en plus de rapports de projet au cours des quatre dernières années, le plus que tout autre candidat. Je le considère comme un exemple modèle pour les personnes qui se plaignent que le CRC n’effectue pas de recherche et qu’il n’a pas le temps de rédiger des documents.

4) Yudong est toujours le plus faible des candidats en ce qui concerne la compétence à communiquer oralement et par écrit, même s’il s’est amélioré considérablement.

 

[46] Francois Lefebvre n’a pas témoigné à l’audience. Il a fourni les commentaires suivants dans le rapport :

[Traduction]

[…]

Yudong Fang a fait l’objet d’un vote « échec » par la majorité du comité. De nouveaux éléments de preuve à l’appui ont été obtenus et présentés au comité après le vote. Ces éléments de preuve auraient changé mon vote en faveur de la promotion de M. Fang. Toutefois, le comité a décidé de maintenir sa décision. Les membres ont été invités à présenter plutôt leurs commentaires par écrit. Au cours de ce processus, nous avons également appris que M. Fang s’est qualifié avec succès pour un bassin ENG‑04 de la RDDC. À mon avis, M. Fang est un candidat technique très solide. Ce résultat du processus du CRC le démotivera et augmentera son intérêt pour d’autres occasions ailleurs. J’estime que cela n’est pas dans l’intérêt du CRC et je recommande que nos critères de promotion et nos méthodes d’évaluation soient examinés aux fins du prochain cycle du programme de perfectionnement ENG.

[…]

 

[47] Adrian Florea n’a pas témoigné à l’audience. Ses commentaires dans le rapport se lisent comme suit :

[Traduction]

[…]

J’ai convenu et voté avec la majorité des membres du sous‑comité que M. Fang n’a pas démontré qu’il satisfait au critère « communiquer par écrit », tel qu’il est indiqué dans le profil de compétences du programme de recherche et de développement ENG pour le groupe et le niveau ENG‑04. Mon vote n’était pas fondé sur les éléments de preuve présentés par le candidat, mais sur les éléments de preuve anecdotiques présentés par d’autres membres du sous‑comité. D’autres éléments de preuve anecdotiques à cet égard ont par la suite été portés à l’attention du sous‑comité. Toutefois, le sous‑comité a décidé que la question était déjà réglée et qu’aucune autre discussion ou vote n’aurait lieu à cet égard. Si le sous‑comité avait tenu compte des nouveaux éléments de preuve, j’aurais probablement changé mon vote.

[…]

 

[48] M. Colman a témoigné que le plaignant avait une bonne réputation au CRC en ce qui a trait à ses capacités techniques et qu’il était très demandé pour travailler sur des projets. Il a témoigné que M. Lefebvre et M. Florea aimaient l’avoir sur leurs projets et qu’ils ne souhaitaient pas le perdre, car ils auraient perdu, par les mots de M. Colman, [traduction] « un bon employé ». M. Colman était d’avis que certains membres du sous‑comité souhaitaient avoir un « aperçu global » du candidat, tandis que d’autres se concentraient sur le fait que chaque candidat satisfasse à chacune des compétences pour être admissible à une promotion.

[49] Le SCRPP a fourni les commentaires suivants sur les compétences à communiquer oralement et par écrit à l’égard de l’un des candidats recommandés à la promotion (Jiangxin Hu) :

[Traduction]

[…]

[…] Jiangxin a démontré qu’il a la capacité de communiquer efficacement oralement et par écrit. Il est recommandé qu’il continue à chercher des possibilités à améliorer et à utiliser ces compétences. Le sous‑comité était heureux de constater qu’il s’était joint récemment au groupe Toastmaster du CRC et tient à l’encourager de poursuivre cette voie. […]

[…]

 

[50] M. Colman a témoigné qu’il estimait que M. Hu était né en Chine et que sa langue maternelle était le chinois.

[51] Le SCRPP a également formulé les commentaires suivants sur les compétences à communiquer d’un autre candidat (Martin‑Pierre Lussier) :

[Traduction]

[…]

[…] Étant donné la nature réservée de Martin‑Pierre, le sous‑comité a discuté des éléments de preuve de sa capacité à bien communiquer efficacement. Les éléments de preuve présentés par les membres du sous‑comité selon lesquels, lorsqu’il était nécessaire, Martin‑Pierre a démontré qu’il possédait de très bonnes compétences à communiquer. […]

[…]

 

[52] Mme Camiré a témoigné qu’elle avait envoyé le rapport de recommandations au secteur des Ressources humaines du CRC et qu’il avait ensuite été acheminé au comité principal. Elle a témoigné que le comité principal pouvait approuver les recommandations ou annuler les recommandations du sous‑comité. Elle a déclaré qu’il aurait reçu le rapport du sous‑comité, ainsi que les cahiers de travail. Elle a témoigné qu’elle n’avait pas participé à ce processus. L’intimé n’a présenté aucun élément de preuve direct du processus du comité principal, qui a, en 2018, approuvé toutes les recommandations du sous‑comité.

[53] Le comité principal a fourni sa décision quant à la promotion du plaignant au moyen d’une lettre envoyée sous la signature du président du CRC (Jean Luc Bérubé) le 12 juillet 2018. La lettre déclarait que le comité principal [traduction] « […] a[vait] déterminé que vous ne satisfaites pas aux critères obligatoires et, par conséquent, vous n’êtes pas promu au niveau ENG‑04. »

[54] Après avoir reçu la lettre, le plaignant a envoyé une lettre à sa directrice par intérim, Mme Maier, pour demander une discussion sur la décision de promotion. Elle agissait au nom de M. Rochon. Il lui a demandé de confirmer la compétence à l’égard de laquelle il avait échoué. Elle a été informée par Mme Camiré qu’il avait échoué en ce qui concerne la « langue ». Mme Maier a ensuite envoyé un courriel à Mme Camiré, demandant une confirmation écrite de la compétence à laquelle le plaignant n’avait pas satisfait et des éclaircissements sur la façon dont il ne l’avait pas satisfaite. Dans un courriel adressé à Mme Maier et à M. Rochon le 17 juillet 2018, Mme Camiré a déclaré que la compétence échouée était « communiquer oralement ». Mme Maier a acheminé ce courriel au plaignant.

[55] Le plaignant a répondu le 18 juillet 2018. Il a demandé que le sous‑comité fournisse la portée et les mesures utilisées pour évaluer la compétence linguistique orale. Il a déclaré qu’il avait un accent et a ensuite mentionné ce qui suit : [traduction] « […] que j’ai travaillé très fort à éliminer ». Il a fait également référence à son travail de représentant du CRC à des conférences internationales.

[56] Mme Camiré a témoigné qu’elle avait commis une erreur lorsqu’elle a fait référence à la communication orale. Elle a témoigné qu’elle n’avait pas examiné le rapport du sous‑comité avant de répondre et qu’elle s’était fiée à sa mémoire. Elle a témoigné que [traduction] « dans son esprit », le plaignant avait échoué à la compétence à communiquer oralement. Elle a témoigné que dès qu’elle s’est rendue compte de l’erreur, elle en a informé les Ressources humaines.

[57] Le plaignant a témoigné qu’il avait rencontré Stéphane Gagnon, un vice‑président du CRC, après avoir reçu la lettre l’informant qu’il n’avait pas été promu. Il a témoigné que le vice‑président lui avait dit que l’aspect oral de ses compétences linguistiques était bon et qu’il discuterait de la situation avec la haute direction.

[58] M. Rochon a témoigné qu’il était en vacances pour la grande partie du mois de juillet 2018 et qu’il est retourné au bureau le 30 juillet 2018. Le plaignant a demandé une rencontre avec lui à son retour. M. Rochon a témoigné qu’à la date de la réunion, il ne savait pas que la décision de ne pas le promouvoir avait été communiquée au plaignant. Il a également témoigné qu’il ne savait pas que Mme Camiré avait fourni au plaignant des renseignements erronés quant à la raison de la recommandation du sous‑comité de ne pas le promouvoir. Selon son témoignage, il n’avait pas encore examiné ses courriels lors de la première réunion avec le plaignant. Il a témoigné que la discussion était « inconfortable » et qu’au cours de la conversation, il avait tenté de se souvenir de la recommandation du sous‑comité. Il a témoigné que le plaignant avait posé des questions sur sa capacité de communiquer oralement. Il a affirmé qu’il n’avait pas répondu pleinement aux questions parce qu’il ne souhaitait pas créer une confusion supplémentaire.

[59] Le plaignant a témoigné qu’à la réunion, M. Rochon avait imité son accent. En contre‑interrogatoire, le plaignant a défini « imité » comme une répétition de ses mots en utilisant [traduction] « [son] accent ». En contre‑interrogatoire, il n’a pas convenu que M. Rochon fournissait simplement une rétroaction. Le plaignant a également témoigné que M. Rochon avait dit [traduction] « Il s’agit du Canada. Vous devez parler le français ou l’anglais. » Le plaignant a témoigné que ces commentaires l’avaient [traduction] « beaucoup » blessé et qu’il s’était senti insulté. Il estimait également que les commentaires étaient discriminatoires.

[60] M. Rochon a témoigné qu’il avait probablement fourni des commentaires au plaignant sur sa communication orale, étant donné que des améliorations étaient encore nécessaires. M. Rochon ne se souvenait pas des détails de leur conversation. Il a affirmé qu’il n’avait pas nécessairement fait les déclarations que le plaignant avait dit qu’il avait faites. M. Rochon a témoigné qu’il n’avait pas imité l’accent du plaignant. Il a témoigné qu’il n’avait pas compris un mot utilisé par le plaignant et qu’il avait utilisé cette prononciation comme exemple de la façon dont la communication orale du plaignant pouvait être améliorée. Il a témoigné qu’il avait copié la prononciation pour démontrer au plaignant que s’il avait sauté une syllabe dans un mot, cela pouvait avoir une incidence sur son efficacité. M. Rochon a témoigné que son commentaire au sujet du Canada n’était pas tout à fait conforme à la description du plaignant. M. Rochon a déclaré que le plaignant lui avait dit que ni l’anglais ni le français n’étaient sa langue maternelle. M. Rochon lui a ensuite dit qu’ils travaillent pour la fonction publique du Canada et qu’ils avaient [traduction] « une certaine obligation » de communiquer dans une ou les deux langues officielles.

[61] M. Rochon a rencontré le plaignant le 3 août 2018 afin de lui faire part de ses commentaires sur le PPENG. M. Rochon a témoigné que la grande partie de la réunion ne s’était pas bien déroulée et que le plaignant était contrarié. M. Rochon a témoigné qu’il était difficile d’avoir ce qu’il a appelé [traduction] « une conversation constructive » avec le plaignant.

[62] Après la réunion, le plaignant a envoyé un courriel à M. Rochon, réitérant ses préoccupations au sujet du fait qu’il n’ait pas satisfait à la compétence à communiquer oralement. Il a également affirmé que les Ressources humaines l’avaient informé que le SCRPP réexaminerait sa décision au cours de la troisième semaine d’août. M. Rochon a répondu que, puisque certains cadres n’étaient pas au bureau, il n’en discuterait pas avant septembre 2018.

[63] Le 21 août 2018, M. Rochon a informé le plaignant par courriel qu’une erreur avait été commise dans la détermination de la compétence échouée. Il a dit au plaignant que la compétence échouée était celle de communiquer par écrit. Il a fait remarquer que le sous‑comité avait déterminé que ses courriels à la direction [traduction] « […] étaient souvent mal écrits et que dans certains cas, les mauvais mots étaient utilisés, ce qui rendait les phrases très difficiles à comprendre ». Il a également déclaré que le sous‑comité avait déterminé que certains de ses superviseurs, autorités techniques et gestionnaires de projet actuels et anciens [traduction] « […] devaient souvent aider [le plaignant] à rédiger la documentation finale […] », y compris l’obligation de réécrire des parties de la documentation pour lui. Le courriel se poursuit comme suit :

[Traduction]

[…]

Tel que cela est indiqué dans le Guide du Programme de perfectionnement ENG de recherche du CRC, le participant au PPENG « doit avoir démontré clairement, de façon constante et continuellement » la compétence dans le travail quotidien qu’il effectue. En ce qui concerne la compétence susmentionnée, le SCRPP a déterminé que ce n’était pas le cas.

Le Comité de gestion des programmes de perfectionnement (CGPP) et le SCRPP n’ont pas l’intention de réexaminer leur décision.

Nous nous excusons de l’erreur et des désagréments que cela aurait pu occasionner.

[…]

 

[64] Le plaignant a témoigné qu’il avait réussi un processus de nomination pour un poste ENG‑04 au ministère de la Défense nationale (MDN) avant mai 2018 et qu’il avait été inscrit dans un bassin. Il a cessé de travailler pour l’intimé en novembre 2020 et a commencé à travailler pour le MDN au niveau ENG‑04.

[65] Il a témoigné que les actes de l’intimé l’ont amené à avoir une tension artérielle élevée et qu’ils ont touché sa famille.

IV. Résumé de l’argumentation

A. Pour le plaignant

[66] Le plaignant a soutenu que son évaluation du mérite était biaisée et qu’elle avait été faite par erreur. Il a soutenu que le résultat du processus d’évaluation n’était ni raisonnable ni équitable.

[67] Le plaignant a soutenu qu’à l’origine, l’intimé s’est fondé sur le fait qu’il n’avait pas réussi à satisfaire à la compétence à communiquer oralement pour justifier son refus de lui accorder une promotion. Il a soutenu qu’il ne s’agissait pas d’une erreur mineure de la part de l’intimé – la raison invoquée pour ne pas accorder la promotion n’a été modifiée qu’après de multiples courriels et conversations au sujet de la communication orale, et il a fallu plus de six semaines avant que la modification ne soit apportée. Le plaignant a soutenu que la modification de la justification n’a été apportée qu’après avoir eu une conversation avec le vice‑président au sujet de ses compétences linguistiques. Il a soutenu que si l’erreur était si mineure, comme l’intimé l’affirme, elle aurait dû être corrigée plus tôt.

[68] Le plaignant a fait valoir que même s’il avait reçu de mauvais renseignements par erreur, cette erreur, combinée aux méthodes d’évaluation utilisées dans le processus de promotion, équivalait à de la mauvaise foi et à un abus de pouvoir.

[69] Le plaignant a fait valoir que ses compétences étaient examinées de manière beaucoup plus approfondie par rapport à celles des autres. De plus, il a soutenu que les commentaires de son superviseur et de son gestionnaire directs avaient été rejetés. Même si l’administrateur général dispose d’un pouvoir discrétionnaire considérable dans les processus de dotation, il doit être exercé de façon équitable et raisonnable (voir Rochon c. Administrateur général des Pêches et des Océans, 2011 TDFP 7, au par. 72).

[70] Le plaignant a soutenu que les éléments de preuve indiquaient qu’il avait été évalué différemment des autres. Dans son cas, d’autres personnes ont été consultées au sujet de ses qualifications.

[71] Le plaignant a également fait valoir que la décision de ne pas procéder à un deuxième vote sur sa candidature à la promotion démontrait davantage que le processus n’était ni équitable ni raisonnable.

[72] Le plaignant a déclaré que les commentaires sur sa communication orale figuraient dans les recommandations destinées au comité principal et qu’ils visaient à l’influencer, même s’il avait satisfait à cette compétence.

[73] Le plaignant a soutenu que le principe du mérite n’est pas respecté lorsqu’il est appliqué de manière incohérente à différents candidats (voir Huard c. Administrateur général (Bureau de l’infrastructure du Canada), 2023 CRTESPF 9, au par. 90). Il a également soutenu que l’attribution d’un poids égal aux opinions divergentes à son sujet et l’omission de rapprocher ces renseignements avec ceux qui le connaissaient mieux étaient arbitraires et qu’elles entravaient le pouvoir discrétionnaire de l’intimé (voir Ostermann c. Sous‑ministre de Ressources humaines et Développement des compétences Canada, 2012 TDFP 28). Le plaignant a soutenu que le même poids avait été accordé aux opinions de M. Rochon, qui ne l’avait supervisé que pendant une courte période, que celui accordé à celles de son ancien superviseur. Le plaignant a également soutenu que deux autres membres du SCRPP se sont appuyés sur les opinions de M. Rochon.

[74] Le plaignant a soutenu que Mme Camiré avait témoigné que les documents préparés par chaque candidat avaient été examinés, mais qu’elle n’avait pas pu expliquer la raison pour laquelle ils n’avaient pas été inclus à l’étape de divulgation du processus d’évaluation. Il a affirmé que d’autres avaient contredit ces éléments de preuve.

[75] Le plaignant a déclaré que son gestionnaire et son superviseur avaient convenu que ses compétences à communiquer oralement et par écrit étaient suffisamment bonnes. Il a également affirmé que rien dans les critères d’évaluation n’exigeait que la communication soit presque parfaite. Il a également fait remarquer qu’il avait été jugé pleinement qualifié pour un poste équivalent dans un autre ministère.

[76] Le plaignant a fait valoir que la discrimination dont a fait preuve l’intimé fondée sur l’origine ethnique constituait également un abus de pouvoir. Il a invoqué le critère suivant pour la discrimination énoncé dans Moore c. Colombie‑Britannique (Éducation), 2012 CSC 61, au par. 33 :

[33] […] pour établir à première vue l’existence de discrimination, les plaignants doivent démontrer qu’ils possèdent une caractéristique protégée par le Code contre la discrimination, qu’ils ont subi un effet préjudiciable relativement au service concerné et que la caractéristique protégée a constitué un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable. Une fois la discrimination établie à première vue, l’intimé a alors le fardeau de justifier la conduite ou la pratique suivant le régime d’exemptions prévu par les lois sur les droits de la personne. Si la conduite ou pratique ne peut être justifiée, le tribunal conclura à l’existence de la discrimination.

 

[77] Le plaignant a fait remarquer que la jurisprudence avait reconnu qu’il pouvait être difficile d’établir la discrimination par voie d’éléments de preuve directs. Il m’a renvoyé à Premakumar c. Air Canada, 2002 CanLII 23561 (TCDP), en ce qui a trait à l’utilisation de déductions ou de « subtiles odeurs de discrimination » pour établir une preuve prima facie de discrimination (au paragraphe 79).

[78] Le plaignant a soutenu que son accent était lié directement à son origine ethnique. Il a fait remarquer que M. Rochon avait déclaré que son accent était difficile à comprendre et qu’il l’avait imité lors d’une réunion. Il a également allégué que M. Rochon lui avait dit [traduction] « Il s’agit du Canada » et qu’il devait parler le français ou l’anglais. Il a soutenu que M. Rochon avait joué un rôle important dans le refus de sa promotion et que M. Rochon avait utilisé ses croyances discriminatoires pour remettre en question le mérite du plaignant.

[79] Le plaignant a fait valoir que le refus de la promotion pour une raison discriminatoire avait une incidence sur sa santé et sa famille. Il a soutenu qu’il avait subi une perte de revenu en raison du refus et qu’il continue de subir un préjudice en raison de la discrimination dont a fait preuve l’intimé. Il n’a pas précisé les dommages au titre de droits de la personne qu’il demande, mais il a fait remarquer qu’ils devraient être supérieurs aux montants accordés dans Nadeau c. Sous‑ministre de l’Emploi et du Développement social Canada, 2019 CRTESPF 9 (5 000 $), et Spruin c. Sous ministre de l’Emploi et du Développement social, 2019 CRTESPF 33 (4 000 $).

B. Pour l’intimé

[80] L’intimé a soutenu que des faits suffisants n’avaient pas été établis pour étayer une allégation d’abus de pouvoir ou de discrimination. Il a soutenu que la majorité du témoignage du plaignant était argumentative et fondée sur des croyances ou opinions qui, selon lui, devait être prise en considération lors de l’évaluation de sa crédibilité.

[81] L’intimé a fait valoir que M. Rochon avait reconnu qu’il ne connaissait pas bien le plaignant, mais qu’il avait demandé des renseignements supplémentaires auprès des autres membres du comité pour l’aider à prendre une décision. L’intimé a soutenu que les allégations contre M. Rochon sont sérieuses et ne sont que de simples allégations.

[82] L’intimé a soutenu que les membres du SCRPP avaient évalué le cahier de travail de chaque candidat et qu’ils avaient effectué une vérification des références que pour confirmer la cote du plaignant quant à la compétence à communiquer par écrit.

[83] L’intimé a soutenu que la décision du SCRPP sur les compétences n’avait jamais changé, comme l’a allégué le plaignant. Il a soutenu que Mme Camiré avait commis une erreur en lui communiquant les résultats et qu’elle avait fourni une explication crédible de son erreur. Il a affirmé qu’elle avait corrigé son erreur en temps opportun. Il a soutenu que M. Rochon avait rencontré le plaignant rapidement après son retour de vacances. Il a déclaré que M. Rochon devait vérifier les résultats du processus de promotion et qu’avec d’autres personnes absentes du bureau, il n’avait pu les vérifier que le 21 août 2018.

[84] L’intimé a soutenu que M. Rochon avait discuté avec le plaignant de ses compétences générales en communication et qu’il n’avait jamais eu l’intention de faire des commentaires discriminatoires. En outre, il a soutenu que M. Rochon n’avait pas imité l’accent du plaignant. Il a soutenu que le plaignant n’avait pas soulevé ces questions auprès de M. Rochon à l’époque et qu’il n’est pas crédible que le plaignant ait craint des représailles.

[85] L’intimé a fait remarquer que le fardeau de la preuve incombe au plaignant dans le cadre d’une plainte relative à la dotation (voir Tibbs c. Sous‑ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8, aux paragraphes 49 et 55).

[86] L’intimé a soutenu qu’il n’y avait eu aucun abus de pouvoir dans ce processus de promotion. Il a fait valoir que les gestionnaires détiennent un pouvoir discrétionnaire considérable dans le cadre d’un processus de nomination (voir Lavigne c. Canada (Justice), 2009 CF 684, aux paragraphes 53 et 57). Il a affirmé que, pour tirer une conclusion d’abus de pouvoir, l’erreur doit être tellement flagrante qu’elle ne peut être considérée comme faisant partie du pouvoir délégué (voir Gulia c. Canada (Procureur général), 2021 CAF 106, au par. 7). Il a soutenu que l’opinion du plaignant sur ce qui était équitable constituait une opinion et non pas un élément de preuve.

[87] L’intimé a soutenu que l’administrateur général détenait le pouvoir d’inclure la communication écrite en tant que qualification essentielle du processus de nomination. Il a également fait valoir que l’administrateur général avait le pouvoir de choisir la méthode d’évaluation de cette qualification. Il a soutenu que la Commission devrait se reporter aux recommandations du sous‑comité, car ses membres peuvent être présumés avoir connu les fonctions du poste ENG‑04 et s’être appuyés sur leurs connaissances personnelles.

[88] L’intimé a également fait valoir que le sous‑comité avait été autorisé à obtenir des renseignements supplémentaires auprès des références lorsqu’il a évalué si le plaignant satisfaisait à cette qualification (voir Visca c. Sous‑ministre de la Justice, 2007 TDFP 24). Il a soutenu que la plupart des évaluations dans les processus de dotation de la fonction publique fédérale sont effectuées en l’absence de connaissances personnelles à l’égard des candidats, ce qui ne signifie pas que les évaluateurs ne sont pas en mesure d’évaluer les candidats.

[89] L’intimé a invoqué le critère d’une preuve prima facie de discrimination énoncé comme suit dans Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal, 2007 CSC 4, aux paragraphes 49 et 50 :

[49] Il en résulte une différence entre discrimination et distinction. Les distinctions ne sont pas toutes discriminatoires. Il ne suffit pas de contester le comportement d’un employeur pour le motif que ce qu’il a fait a eu une incidence négative sur un membre d’un groupe protégé. La seule appartenance à un tel groupe n’est pas suffisante pour garantir l’accès à une réparation fondée sur les droits de la personne. C’est le lien qui existe entre l’appartenance à ce groupe et le caractère arbitraire du critère ou comportement désavantageux – à première vue ou de par son effet – qui suscite la possibilité de réparation. Et ce fardeau de preuve préliminaire incombe au demandeur.

[50] Si l’existence de ce lien est établie, il y a alors preuve prima facie de l’existence de discrimination. C’est à ce stade que le critère de l’arrêt Meiorin s’applique et qu’il appartient alors à l’employeur de justifier le comportement discriminatoire à première vue. Si le comportement est justifié, il n’y a pas de discrimination.

 

[90] L’intimé a également fait référence aux critères énoncés dans Abi‑Mansour c. Président de la Commission de la fonction publique, 2016 CRTEFP 53, aux paragraphes 76 et 77, qui se réfère aux critères exposés dans Shakes v. Rex Pak Ltd., (1981) 3 C.H.R.R. D/1001 (le « critère Shakes »), et Israeli v. Canada (Canadian Human Rights Commission), (1983) 4 C.H.H.R. D/1616 (le « critère Israeli »). Le critère Shakes se lit comme suit :

[…]

· le plaignant était qualifié pour l’emploi en cause;

· le plaignant n’a pas été embauché;

· une personne qui n’était pas plus qualifiée, mais qui n’avait pas le trait distinctif à l’origine de la plainte de discrimination a obtenu le poste.

[…]

 

[91] Le critère Israeli se lit comme suit :

[…]

· le plaignant appartient à l’un des groupes susceptibles d’être victimes de discrimination aux termes de la LCDP, du fait, par exemple, de sa race ou de son origine nationale ou ethnique;

· le plaignant s’est porté candidat à un poste que l’employeur désirait doter et il possédait les qualifications voulues;

· sa candidature a été éliminée en dépit du fait qu’il était qualifié;

· par la suite, l’employeur a continué d’étudier les demandes de candidats possédant les mêmes qualifications que le plaignant.

[…]

 

[92] L’intimé a soutenu que le plaignant n’avait pas satisfait à ces critères puisqu’il n’avait pas établi qu’il était qualifié pour la promotion au poste ENG‑04. Il m’a également renvoyé à Agnaou c. Canada (Procureur général), 2014 CF 850 (appel rejeté dans 2015 CAF 294).

[93] L’intimé a soutenu que la langue n’est pas un motif de distinction illicite en vertu de la LCDP (voir Howard v. 407 ETR Concession, 2011 HRTO 1511, et Fletcher Challenge Canada Ltd. v. British Columbia (Council of Human Rights), 1992 CanLII 1119 (CS C.‑B.)(« Fletcher »)). Il a déclaré qu’aucun lien n’avait été établi entre la langue et l’origine ethnique dans le présent cas. Il a soutenu qu’une exigence de compétence linguistique n’était pas nécessairement discriminatoire et qu’une exigence de maîtrise du langage n’était pas discriminatoire. Il a déclaré que tous les autres candidats avaient été traités de la même façon. Il a fait valoir que des critères objectifs avaient été utilisés dans les évaluations de tous les candidats, ce qui n’était pas discriminatoire.

[94] L’intimé a soutenu qu’il incombait au plaignant de présenter des faits suffisants pour étayer une conclusion selon laquelle la langue était utilisée comme substitut à la discrimination raciale ou ethnique (voir Jack v. Ontario (Community Safety and Correctional Services), 2018 HRTO 144, au par. 34). Il a soutenu qu’il ne s’était pas acquitté pas du fardeau de la preuve. Il m’a également renvoyé à Chau v. Olymel, 2009 HRTO 1386, au par. 35, et à Nash c. Commissaire du Service correctionnel du Canada, 2014 TDFP 10, au par. 54.

[95] Subsidiairement, l’intimé a fait valoir qu’il avait une explication quant à la raison pour laquelle le plaignant n’était pas admissible à la promotion. Il a soutenu que la décision de ne pas le promouvoir ne devrait pas le surprendre, car il savait à l’époque que ses compétences linguistiques devaient être améliorées. Il a fait remarquer qu’il avait admis en contre‑interrogatoire qu’il devait perfectionner ses compétences en anglais.

[96] L’intimé a soutenu que le plaignant ne pouvait se prévaloir d’aucun recours pour la perte de salaire en vertu de la LEFP, car cela constituerait une nomination, ce qui est interdit (voir Spruin, au par. 117). Il a également soutenu qu’il n’y avait aucun élément de preuve portant sur les répercussions sur sa santé. Il a fait valoir que si des dommages sont accordés, ils devraient être au bas de l’échelle, et que des dommages ne devraient pas être accordés pour conduite délibérée ou inconsidérée.

C. La réponse du plaignant

[97] Le plaignant a soutenu qu’il n’y avait aucune raison de remettre en question sa crédibilité.

[98] Le plaignant a affirmé que même si l’administrateur général avait le pouvoir de choisir la méthode d’évaluation, elle devait être utilisée de façon uniforme et aurait dû être consignée. Il a fait remarquer que dans Visca, les candidats ont été informés des différentes méthodes d’évaluation, mais que dans son cas, il n’a pas été informé que des vérifications des références seraient effectuées.

[99] Le plaignant a soutenu que ses allégations de discrimination ne sont pas fondées uniquement sur ses croyances – il y a des éléments de preuve de commentaires discriminatoires, et M. Rochon a témoigné au sujet de leurs conversations.

V. Motifs

[100] Pour les motifs exposés dans la présente section, j’ai conclu que l’intimé a abusé de son pouvoir dans le processus de promotion et a fait preuve de discrimination à l’égard du plaignant.

A. Remarque préliminaire

[101] En 2019, le plaignant a demandé à la Commission de rendre une ordonnance de production de renseignements, dans laquelle il demandait, entre autres, des précisions sur les communications entre les membres du sous‑comité et ses superviseurs à la suite de leur première réunion ayant pour but de discuter de ses qualifications. Il a demandé tout document lié à ces discussions. L’intimé a informé la Commission à ce moment‑là que les documents existants avaient déjà été fournis et qu’il n’existait aucun autre document. Par conséquent, le 20 septembre 2019, la Commission a rejeté la demande de renseignements supplémentaires sur cette question.

[102] Comme je l’ai déjà mentionné, le plaignant a témoigné que les commentaires supplémentaires sur ses compétences à communiquer oralement et par écrit fournis par les membres du sous‑comité et joints au rapport au comité principal ne lui avaient pas été fournis avant l’audience. Comme je l’examinerai plus loin dans la présente décision, ces commentaires sont pertinents aux questions soulevées dans la présente plainte. L’intimé n’a fourni aucune explication de son omission de divulguer ces documents pertinents.

[103] J’accepte que la recommandation du sous‑comité de ne pas promouvoir le plaignant était fondée sur le fait qu’il ne satisfaisait pas à la compétence à communiquer par écrit. En d’autres termes, je n’accepte pas son allégation selon laquelle la raison pour ne pas recommander une promotion a changé de communication orale à communication écrite. Cependant, je comprends sa confusion quant à la raison du refus d’une promotion. Pendant plus d’un mois, le président du sous‑comité et M. Rochon lui ont dit qu’il avait échoué à la compétence à communiquer oralement.

[104] Les deux omissions de l’intimé indiquent une négligence à l’égard du processus de nomination et de son incidence sur les employés. Les administrateurs généraux devraient prendre au sérieux le processus de dotation et de plainte. Le document qui n’a pas été divulgué n’a pas été difficile à trouver – il était joint au rapport qui avait été envoyé au comité principal. De même, à l’audience, Mme Camiré a pu récupérer rapidement le rapport comportant des recommandations, mais elle a décidé de répondre à la question de savoir quelle compétence le plaignant avait échouée au moment où il avait demandé pour la première fois [traduction] « sur‑le‑champ ». Cette attitude négligente de l’intimé a causé beaucoup d’angoisse au plaignant. J’aborderai les conséquences de cette négligence lorsque j’évaluerai les dommages appropriés à accorder. Toutefois, ce comportement aurait été répréhensible même si la plainte n’avait pas été accueillie.

B. Abus de pouvoir

[105] Toute personne dans la zone de sélection d’un processus de nomination interne non annoncé peut présenter une plainte auprès de la Commission si elle n’a pas été nommée ou si sa nomination n’a pas été proposée en raison d’un abus de pouvoir (voir l’art. 77 de la LEFP). La LEFP ne prévoit aucune définition de « abus de pouvoir », même si elle précise qu’il comprend la mauvaise foi et le favoritisme personnel; voir le par. 2(4). Un abus de pouvoir peut comprendre un acte, une omission ou une erreur que le législateur n’aurait pas pu envisager dans le cadre de la discrétion accordée aux personnes avec pouvoirs délégués de dotation (voir Tibbs, aux paragraphes 66 à 71). Un abus de pouvoir est une question de degré – pour qu’une telle conclusion soit faite, l’erreur ou l’omission doit être si énorme qu’elle ne peut faire partie de la discrétion accordée au gestionnaire délégué; voir Portree c. Administrateur général de Service Canada, 2006 TDFP 14.

[106] Il n’est pas nécessaire qu’une action d’un administrateur général soit intentionnelle pour conclure qu’il y a eu abus de pouvoir (voir Tibbs, aux paragraphes 73 et 74).

[107] Les allégations d’abus de pouvoir dans la présente plainte portent sur l’évaluation des compétences en communication par le sous‑comité, tant par écrit que par voie orale. Au moyen d’un vote majoritaire, il a convenu que le plaignant satisfaisait à la compétence à communiquer oralement. Également au moyen d’un vote majoritaire, il a déterminé qu’il ne satisfaisait pas à la compétence à communiquer par écrit. Toutefois, les avis divergeaient sur ces compétences qui se manifestaient à la fois dans le rapport de recommandations à l’intention du comité principal et dans les interactions avec deux de ses membres après que le comité principal eut pris sa décision en matière de promotion. J’aborderai d’abord l’évaluation de la compétence à communiquer par écrit avant d’examiner les répercussions des commentaires du sous‑comité sur la communication orale.

[108] Les critères de compétence à communiquer par écrit se rapportent à la communication par courriel et à la rédaction de rapports. Un candidat reçu devait démontrer sa capacité à communiquer « efficacement » dans les courriels. De plus, un candidat reçu devait démontrer sa capacité à rédiger les documents définitifs à l’intention des clients, de la haute direction ou des conférences comportant [traduction] « des révisions minimales ».

[109] La recommandation figurant dans le rapport du sous‑comité est trompeuse. Elle déclare que tous ses membres ont voté en faveur d’un [traduction] « Échec limite » selon lequel le plaignant n’a pas satisfait à la compétence de rédaction. La conclusion a été unanime seulement parce que le sous‑comité a décidé de ne pas tenir un autre vote. D’après les commentaires supplémentaires de M. Wang, de M. Lefebvre et de M. Florea, il est clair que la recommandation n’était pas unanime. Toutefois, la majorité des membres du sous‑comité ne recommandaient pas la promotion. Cette description erronée de la recommandation du sous‑comité ne constitue pas un abus de pouvoir.

[110] Lorsqu’il a conclu à l’échec du plaignant en ce qui a trait à la compétence à communiquer par écrit, le sous‑comité s’est appuyé sur : 1) des exemples anecdotiques; 2) des courriels mal écrits; 3) le superviseur a fourni une vaste aide à la rédaction des documents, y compris la réécriture d’une partie de ces documents.

[111] M. Wang était le seul membre du sous‑comité ayant une expérience et une connaissance directes des capacités de rédaction du plaignant. Il a recommandé la promotion du plaignant et a estimé que le plaignant satisfaisait aux exigences en matière de compétence à communiquer par écrit. Les autres membres qui ont voté que le plaignant n’avait pas satisfait à la compétence s’étaient appuyés sur des éléments de preuve anecdotiques ou une expérience limitée de sa communication écrite.

[112] Les renseignements obtenus par M. Colman après le premier vote ont été considérés différemment par différents membres du sous‑comité. M. Chatterton a déclaré que les courriels du plaignant contenaient des erreurs, mais qu’on pouvait les comprendre et a dit à M. Colman qu’il n’avait aucun élément de preuve des compétences en rédaction officielle du plaignant, même s’il avait dû travailler avec le plaignant pour améliorer la qualité de la rédaction de sa demande de promotion. M. Doray a dit à M. Colman que l’exemple le plus récent de la rédaction du rapport du plaignant démontrait qu’il avait la capacité de rédiger efficacement en anglais. M. Doray a également fait référence à des rapports antérieurs, pour lesquels des révisions importantes étaient nécessaires. L’intimé n’a pas appelé M. Doray à la barre des témoins pour expliquer ses commentaires. Toutefois, à première vue, les commentaires indiquent que le plaignant avait alors satisfait à la compétence dans le cadre de la rédaction de son rapport. M. Colman a témoigné qu’il ne s’agissait que d’un seul rapport et que le sous‑comité cherchait à obtenir de l’uniformité. M. Wang a interprété ce nouvel élément de preuve différemment; il a dit qu’il démontrait que le plaignant avait amélioré considérablement ses compétences à communiquer. M. Lefebvre et M. Florea étaient du même avis que M. Wang.

[113] M. Rochon a également parlé à d’autres personnes au sujet des compétences du plaignant à communiquer oralement et par écrit. Toutefois, il ne se souvenait pas de ces conversations et, dans ses commentaires joints au rapport du sous‑comité, il n’a rien mentionné au sujet des compétences du plaignant à communiquer oralement.

[114] L’article 36 de la LEFP confère à l’intimé une grande latitude dans l’évaluation des candidats. L’administrateur général peut avoir recours à « […] toute méthode d’évaluation – notamment prise en compte des réalisations et du rendement antérieur […] qu’[il] estime indiquée pour décider si une personne possède les qualifications […] » du poste. Toutefois, ce pouvoir discrétionnaire n’est pas absolu et une personne qui n’a pas été nommée peut se plaindre qu’il y a eu abus de pouvoir dans la sélection et l’utilisation d’une méthode d’évaluation (voir Jolin c. Administrateur général de Service Canada, 2007 TDFP 11, aux paragraphes 26 à 28).

[115] Il n’est pas contesté que les connaissances personnelles d’un membre du jury de sélection constituent une méthode d’évaluation acceptée et qu’elles peuvent être traitées comme une vérification des références (voir Visca, au par. 53). Toutefois, une conclusion d’abus de pouvoir peut être rendue si le plaignant peut prouver que les méthodes utilisées étaient déraisonnables ou ne permettaient pas l’évaluation des qualifications énoncées dans l’énoncé des critères de mérite (voir Jogarajah c. Administrateur en chef de la santé publique de l’Agence de la santé publique du Canada, 2008 TDFP 15). Un outil d’évaluation doit également évaluer véritablement ce qui doit être évalué – si l’outil est lacunaire, le résultat ne peut pas être considéré comme raisonnable ou juste; voir Chiasson c. Sous‑ministre de Patrimoine canadien, 2008 TDFP 27.

[116] La méthode d’évaluation utilisée pour évaluer la communication écrite dans le cadre de ce processus de nomination pour tous les candidats s’appuyait sur les éléments suivants : leurs cahiers de travail (essentiellement leurs demandes) et les connaissances personnelles des membres du sous‑comité. Même si Mme Camiré estimait que des échantillons de rédaction étaient nécessaires, je conclus qu’ils n’ont pas été obtenus auprès des candidats. Les autres témoins de l’intimé ne se rappelaient pas avoir examiné des échantillons écrits et les documents que l’intimé a communiqués ne contenaient aucun échantillon écrit.

[117] Le rapport de recommandations du sous‑comité ne faisait pas référence aux connaissances directes de M. Wang, l’ancien directeur de recherche du plaignant, mais était plutôt fondé sur des exemples anecdotiques de membres du sous‑comité, y compris des courriels mal écrits. M. Colman a reconnu que son évaluation préliminaire du plaignant était fondée sur des renseignements désuets, mais il semblait maintenir son évaluation désuète même lorsqu’on lui avait fourni de nouveaux renseignements qui laissaient entendre une amélioration dans la communication écrite du plaignant. Les commentaires de M. Rochon dans le rapport du sous‑comité ne font pas référence à une communication écrite, mais il a témoigné qu’il n’avait reçu que quelques courriels du plaignant au moment de l’évaluation. Mme Camiré a témoigné qu’elle n’avait aucune connaissance directe de la communication écrite du plaignant et qu’elle s’est appuyée sur les observations d’autres membres du sous‑comité. M. Florea a également déclaré qu’il s’était appuyé sur les observations d’autres membres du sous‑comité lors de la première discussion sur la compétence à communiquer par écrit.

[118] La méthode d’évaluation utilisée pour évaluer la compétence à communiquer par écrit était viciée. Il n’incombe pas à la Commission de déterminer la méthode d’évaluation parfaite ou idéale. Toutefois, si cette méthode d’évaluation ne permet pas d’évaluer la qualification ou la compétence déclarée, elle sera jugée viciée et constituera un abus de pouvoir. La compétence à communiquer par écrit exigeait qu’un candidat démontre sa capacité à rédiger les documents définitifs, avec des révisions minimales. Le seul membre du sous‑comité ayant des connaissances directes du travail du plaignant, M. Wang, était d’avis que le plaignant avait satisfait à cette exigence en matière de compétences. M. Colman a fondé son opinion sur cette partie de l’exigence en matière de compétences sur son expérience d’environ deux ans auparavant. Rien dans les éléments de preuve n’indique que d’autres membres du sous‑comité possédaient des connaissances au sujet des compétences du plaignant en matière de rédaction de documents.

[119] De toute évidence, le sous‑comité avait des préoccupations au sujet des compétences du plaignant à communiquer oralement et par écrit et a décidé de ne recourir qu’à une autre méthode d’évaluation uniquement pour lui, soit la vérification des références, qui a démontré qu’il n’existait aucune préoccupation quant à sa capacité de communiquer efficacement par courriel. La vérification des références auprès du superviseur a indiqué que le dernier rapport rédigé par le plaignant démontrait qu’il avait la capacité de rédiger efficacement en anglais. Les commentaires de M. Doray, tels qu’ils ont été résumés par M. Colman, font référence aux frustrations passées dans l’examen de la rédaction du plaignant, mais ne donnent aucune indication du moment où ces frustrations ont été ressenties. M. Doray a également fait référence à l’aide apportée au plaignant pour remplir le cahier de travail. Le sous‑comité n’a pas évalué le niveau d’aide requis pour les autres candidats dans la préparation de leurs cahiers de travail.

[120] Le sous‑comité s’est appuyé sur des documents inadéquats dans son évaluation du plaignant. Tel que cela a été indiqué dans Tibbs, au par. 73, faire ainsi peut équivaloir à un abus de pouvoir. Je conclus que, dans le présent cas, le recours à des documents inadéquats pour évaluer la compétence du plaignant à communiquer par écrit constituait un abus de pouvoir.

[121] Si une évaluation est clairement contraire à la logique et aux renseignements disponibles, elle peut également constituer un abus de pouvoir (voir Tibbs, au par. 74). La conclusion du sous‑comité sur la compétence à communiquer par écrit ne découlait pas logiquement des conclusions du processus d’évaluation. Les éléments de preuve anecdotiques sur lesquels le sous‑comité s’est appuyé pour évaluer la rédaction des documents finaux, avant de demander des références externes, consistaient en la mémoire de M. Colman. Il a admis que son expérience relative à la rédaction du plaignant était désuète. L’élément de preuve d’un courriel anecdotique n’est pas précisé dans le rapport du sous‑comité, mais M. Rochon a témoigné qu’il avait vu quelques courriels du plaignant. Après avoir reçu des références du mentor et du superviseur du plaignant, le sous‑comité a appris que ses courriels contenaient des erreurs, mais qu’ils pouvaient être compris. Les renseignements à jour sur les documents définitifs comprenaient une évaluation selon laquelle dans son dernier rapport, il a démontré la capacité de rédiger efficacement en anglais. Les renseignements négatifs sur sa rédaction comprenaient un commentaire de son mentor selon lequel il avait aidé le plaignant à rédiger son cahier de travail et de son superviseur selon lequel il avait dû réécrire des documents pour le plaignant dans le passé.

[122] Le sous‑comité n’a pas tenu compte des connaissances de M. Wang, l’ancien directeur de recherche du plaignant, qui avait conclu que le plaignant avait satisfait à cette exigence en matière de compétence à communiquer par écrit. Il n’a pas tenu compte des commentaires du mentor du plaignant selon lesquels les courriels du plaignant pouvaient être compris. Il n’a pas non plus tenu compte des commentaires de son superviseur selon lesquels la rédaction de son dernier rapport démontrait qu’il avait la capacité de rédiger efficacement en anglais. Il s’est appuyé sur les éléments de preuve selon lesquels il avait reçu de l’aide pour rédiger son cahier de travail, sans faire la même enquête à l’égard des autres candidats. Il a mis l’accent sur les commentaires de son superviseur qui faisaient référence à des expériences passées sans les comparer à des éléments de preuve plus récente selon lesquels sa rédaction avait atteint un niveau acceptable qui satisfaisait aux exigences en matière de compétences.

[123] M. Colman a témoigné que le sous‑comité cherchait des résultats uniformes, pas seulement un rapport. Toutefois, il a été établi que le plaignant était au niveau de compétence requis au moment de l’évaluation de promotion. Le sous‑comité n’a pas tenu compte de la recommandation de l’ancien directeur de recherche du plaignant (qui possédait des connaissances directes de la compétence du plaignant) et des derniers éléments de preuve selon lesquels sa communication écrite satisfaisait aux exigences en matière de compétences. Selon la prépondérance des probabilités, je conclus que la méthode d’évaluation utilisée pour évaluer les communications écrites était viciée et qu’elle ne permettait pas d’évaluer la compétence. Le sous‑comité n’a pas non plus tenu compte des éléments de preuve à l’appui d’une conclusion selon laquelle le plaignant satisfaisait à l’exigence en matière de compétence. En ne tenant pas compte de ces éléments de preuve, le sous‑comité a abusé de son pouvoir.

[124] Selon le témoignage des témoins de l’intimé, le processus de promotion était un processus à deux étapes. Le sous‑comité considérait que son rôle consistait à formuler une recommandation au comité principal et à fournir des renseignements supplémentaires afin de permettre au comité principal de décider si le plaignant devait être promu. L’intimé n’a fourni aucun élément de preuve au sujet des délibérations du comité principal. Mme Camiré a témoigné que le comité principal avait reçu les cahiers de travail des candidats et le rapport du sous‑comité. Son rôle était l’approbation finale des promotions. Par conséquent, j’ai supposé qu’il a examiné le rapport du sous‑comité sur les recommandations et les cahiers de travail des candidats dans sa détermination de la promotion des candidats.

[125] Même si le sous‑comité a déterminé que le plaignant satisfaisait à la compétence à communiquer oralement, il a inclus dans son rapport et dans les commentaires joints des commentaires négatifs sur ses compétences à communiquer oralement qui étaient non seulement inexacts, mais également très préjudiciables. Dans Rizqy c. Sous‑ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 CRTESPF 12, la Commission a conclu qu’il s’agissait d’un abus de pouvoir de ne pas réexaminer une évaluation lorsque le plaignant avait soulevé des doutes suffisants au sujet d’une évaluation par les répondants. La Commission a fait remarquer que, en « […] l’absence d’une correction d’un processus qui paraissait hautement préjudiciable à la plaignante, malgré un dossier qui contredisait les propos de ses répondants […] » il y a eu conclusion d’un abus de pouvoir.

[126] Je conclus qu’il s’agissait d’un abus de pouvoir d’inclure des renseignements négatifs au sujet du plaignant qui n’étaient pas liés à une compétence non satisfaite. Le rôle déclaré du sous‑comité consistait à formuler des recommandations en matière de promotion – et non pas de fournir une évaluation du rendement. Les commentaires négatifs au sujet d’une compétence qu’il a jugée avoir été satisfaite n’auraient pas aidé le comité principal à déterminer si, à son avis, il avait satisfait à la compétence à communiquer par écrit. En fait, ces commentaires négatifs au sujet d’une compétence satisfaite étaient non seulement hors de propos, mais également très préjudiciables.

[127] Je conclus que les commentaires détaillés figurant dans le rapport du sous‑comité au sujet des compétences du plaignant à communiquer oralement visaient à influencer le comité principal dans ses délibérations sur la question de savoir si une promotion devait lui être accordée. Mme Camiré a témoigné que l’objectif du sous‑comité, lorsqu’il a fourni les commentaires supplémentaires de ses membres individuels visant uniquement le plaignant, était d’aider le comité principal à prendre une décision quant à savoir s’il devrait recommander sa promotion. Les commentaires sur la compétence à communiquer oralement n’auraient donc pu avoir pour but que d’influencer le comité principal dans son examen de la recommandation concernant la compétence à communiquer par écrit. Le fait de se fier à des renseignements non pertinents dans l’évaluation d’un candidat, surtout lorsque ces renseignements sont très préjudiciables, constitue un abus de pouvoir.

[128] En conclusion, l’allégation d’abus de pouvoir dans ce processus de promotion est fondée.

C. Discrimination

1. Introduction

[129] Le plaignant a allégué une discrimination fondée sur l’origine ethnique. En particulier, il a allégué une discrimination fondée sur les opinions des membres du sous‑comité en ce qui concerne ses compétences linguistiques et son accent.

[130] L’article 80 de la LEFP prévoit que, lorsque la Commission détermine si une plainte est fondée sur l’art. 77, elle peut interpréter et appliquer la LCDP. L’article 7 de la LCDP prévoit qu’il est discriminatoire, dans le cadre d’un emploi, de faire une distinction défavorable à l’égard d’un employé, pour un motif de distinction illicite. L’article 3 de la LCDP énumère les motifs de discrimination illicites, y compris l’origine ethnique.

[131] Les parties ont reconnu qu’un plaignant doit d’abord établir une preuve prima facie de discrimination. Dans Moore, la Cour suprême du Canada a énoncé les éléments auxquels un plaignant doit satisfaire pour établir une preuve prima facie de discrimination comme suit (au paragraphe 33) :

· il ou elle possède une caractéristique protégée contre la discrimination;

· il ou elle a subi un effet préjudiciable;

· la caractéristique protégée a constitué un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable.

 

[132] Une fois la preuve prima facie établie, l’intimé a alors le fardeau de justifier la conduite ou la pratique suivant le régime d’exemptions prévu par la LCDP. Si la conduite ne peut être justifiée, on conclura qu’une discrimination a eu lieu.

2. Preuve prima facie

[133] La langue n’est pas un motif de distinction illicite. Toutefois, il peut s’agir d’une caractéristique déterminante d’un lieu d’origine, d’une origine ethnique ou d’une ascendance, qui sont tous des motifs protégés en vertu de la LCDP (voir Tahmourpour c. Gendarmerie royale du Canada, 2008 TCDP 10).

[134] Dans une première affaire portant sur l’accent et la discrimination (Fletcher), la Cour suprême de la Colombie‑Britannique a déclaré (aux paragraphes 32 à 38), que même si la langue n’est pas incluse dans les motifs de distinction illicites, il peut y avoir des situations où, [traduction] « lorsqu’elle est examinée », la discrimination fondée sur la langue peut constituer une discrimination fondée sur un motif de distinction illicite. La Cour a indiqué que la discrimination [traduction] « […] peut et prend généralement des formes plus subtiles ». Selon les faits dans ce cas, la Cour a déclaré qu’un refus d’embaucher une personne en raison d’une déficience linguistique, lorsque la capacité n’est pas nécessaire pour exécuter le travail [traduction] « […] constituerait évidemment une tentative voilée de discrimination fondée sur la race, la couleur, l’ascendance ou le lieu d’origine ».

[135] Dans Macasiab v. Cypress Railing and Gates Ltd., 2022 BCHRT 69, aux paragraphes 60 et 61, le Tribunal des droits de la personne de la Colombie‑Britannique (le « Tribunal ») a fait remarquer qu’une exigence selon laquelle un employé a un certain niveau de compétences linguistiques n’est pas intrinsèquement discriminatoire – un plaignant doit démontrer que l’exigence, ou la façon dont ses compétences linguistiques sont perçues, est liée à son lieu d’origine. Le Tribunal a fourni les trois exemples suivants de la façon dont ce lien pourrait être démontré :

[Traduction]

 

1) l’exigence n’est pas nécessaire pour exécuter le travail;

2) le point de vue de l’intimé sur les compétences linguistiques n’est ni exact ni équitable, mais il a perçu le plaignant comme moins compétent qu’il ne l’est réellement;

3) si l’accent du plaignant est critiqué de façon péjorative.

 

[136] Dans Kennedy v. British Columbia (Ministry of Energy & Mines) (No. 4), 2000 BCHRT 60, le Tribunal a fait observer que la discrimination fondée sur la capacité linguistique pourrait nuire à ceux qui, en raison de leur ascendance, ne parlent pas l’anglais comme langue maternelle, en déclarant : [traduction] « Les commentaires relatifs à la race, à la couleur ou à l’ascendance d’une personne pourraient constituer une discrimination s’ils créent un environnement hostile ou sont liés à d’autres conséquences négatives pour l’emploi » (au paragraphe 71).

[137] En Ontario, le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (TDPO) a fait remarquer que même si la langue ne constitue pas un motif de distinction illicite en vertu du Code des droits de la personne de l’Ontario (L.R.O. 1990, c. H.19), il peut s’agir d’une caractéristique déterminante d’un lieu d’origine, d’une origine ethnique ou d’une ascendance, qui sont tous des motifs protégés en vertu de cette loi. Il incombe à un plaignant d’établir le lien entre l’action de l’intimé et un motif de distinction illicite – la perception de discrimination par le plaignant est insuffisante (voir, par exemple, Liu v. Everlink Services Inc., 2014 HRTO 202, au par. 9).

[138] L’intimé a convenu que le plaignant possédait les compétences linguistiques orales nécessaires pour satisfaire à l’exigence en matière de compétences pour un poste ENG‑04. Il ne s’agit pas d’un employé qui n’est pas promu parce qu’il doit maîtriser la langue. Le point de vue de l’intimé sur ses compétences linguistiques orales, tel qu’il est exprimé dans le rapport du sous‑comité, est manifestement inexact et injuste, dans le cadre d’un processus de promotion, puisque le sous‑comité a accepté qu’il satisfaisait à la compétence à communiquer oralement. Les commentaires de M. Rochon et de Mme Camiré indiquent une perception selon laquelle il était moins compétent qu’il ne l’était.

[139] Selon Mme Camiré, les commentaires supplémentaires des membres du sous‑comité ont été conçus pour aider le comité principal à décider s’il accepte la recommandation de ne pas promouvoir le plaignant. Les commentaires de Mme Camiré et de M. Rochon sur la communication orale du plaignant n’étaient pas nécessaires aux délibérations du comité principal puisque le plaignant avait déjà été jugé satisfaire à cette compétence. Les commentaires de M. Rochon, dans lesquels il n’a pas du tout fait référence à des questions de communication écrite, sont particulièrement préoccupants.

[140] En outre, M. Rochon a critiqué l’accent du plaignant de façon péjorative. Il a non seulement copié l’accent du plaignant, mais il a aussi mentionné la façon dont les gens communiquent au Canada. Le fait de copier l’accent d’une personne ne constitue pas une rétroaction, comme l’a proposé M. Rochon. Il se moquait de la capacité d’une personne de parler en anglais lorsque l’intimé avait jugé suffisantes ses compétences linguistiques orales aux fins d’une promotion. De même, il est clair que le commentaire selon lequel [traduction] « Il s’agit du Canada. Vous devez parler le français ou l’anglais. » était blessante. Il ne s’agissait pas d’une situation dans laquelle le plaignant parlait le mandarin à des collègues de travail en milieu de travail – il s’agissait d’un commentaire direct sur les compétences du plaignant en anglais.

[141] Comme j’ai déjà décidé, dans l’évaluation des compétences du plaignant à communiquer par écrit, le sous‑comité a évalué le plaignant différemment, notamment en effectuant des vérifications des références et en se fondant sur des éléments de preuve selon lesquels il avait reçu une certaine aide pour rédiger son cahier de travail, sans en faire la même enquête à l’égard des autres candidats. Le sous‑comité s’est également appuyé sur des documents inadéquats et sur une méthode d’évaluation viciée pour évaluer les compétences du plaignant à communiquer par écrit. Le point de vue de l’intimé sur les compétences linguistiques écrites du plaignant n’est ni exact ni équitable et, encore une fois, il a perçu le plaignant comme moins compétent qu’il ne l’était.

[142] Les commentaires sur la communication orale du plaignant n’étaient pas nécessaires. Le point de vue de l’intimé sur les compétences linguistiques orales et écrites du plaignant n’est ni exact ni équitable et il a perçu le plaignant comme moins compétent qu’il ne l’était. Enfin l’accent du plaignant a été critiqué de façon péjorative. Par conséquent, je conclus que les commentaires au sujet des compétences du plaignant à communiquer oralement étaient liés à son origine ethnique. Il a établi qu’il existait un lien entre les commentaires relatifs à ses compétences linguistiques en anglais et à son origine ethnique.

[143] Le plaignant a également subi un effet préjudiciable – le refus d’une promotion après avoir participé à un programme de perfectionnement.

[144] J’examine maintenant la question de savoir si l’origine ethnique du plaignant constituait un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable découlant du fait de ne pas être promu. Ces cinq propositions sont pertinentes à la présente plainte et elles ont été établies depuis longtemps dans la jurisprudence en matière de droits de la personne (voir Peel Law Association v. Pieters, 2013 ONCA 396, aux paragraphes 111 à 114) :

[Traduction]

[111] […]

a) Il n’est pas nécessaire que le ou les motifs de distinction illicite soient le seul ou l’important facteur donnant lieu à la conduite discriminatoire; il suffit qu’ils soient un facteur;

b) Il n’est pas nécessaire d’établir une intention ou une motivation de discrimination; l’enquête porte sur l’effet des actes de l’intimé sur le plaignant;

c) Il n’est pas nécessaire que le ou les motifs de distinction illicite soient la cause de la conduite discriminatoire de l’intimé; il suffit qu’ils soient un facteur ou un élément opérationnel;

d) Il n’y a pas lieu de fournir des éléments de preuves directs de discrimination; la discrimination sera plus souvent établie par des éléments de preuve circonstanciels et des inférences;

e) Les stéréotypes raciaux découlent généralement de croyances inconscientes subtiles et de préjugés.

 

[145] L’origine ethnique du plaignant, liée à sa capacité de communiquer en anglais, a constitué un facteur dans le processus de nomination. Le rapport du sous‑comité comprenait des références à sa capacité de communiquer oralement dans le seul but d’aider le comité principal à prendre sa décision quant à savoir si une promotion devrait lui être accordée. Je n’accepte pas l’autre justification invoquée par Mme Camiré selon laquelle elle fournissait des commentaires aux candidats. Cela est démontré par le fait que l’intimé n’a pas fourni les commentaires joints au rapport au plaignant jusqu’à l’audition de sa plainte.

[146] Aucun élément de preuve au sujet des délibérations du comité principal n’a été présenté. Toutefois, une preuve directe de discrimination n’est pas nécessaire et, dans les cas de discrimination fondée sur l’origine ethnique, souvent, les seuls éléments de preuve disponibles sont des éléments de preuve circonstanciels ou indirects. Dans le présent cas, on peut déduire que l’origine ethnique du plaignant a été un facteur dans la décision du comité principal de ne pas le promouvoir. Le sous‑comité a attiré l’attention du comité principal sur la communication orale du plaignant pour l’aider dans ses délibérations, même s’il avait déjà déterminé qu’il satisfaisait à cette compétence. L’intimé n’a établi aucun lien entre les compétences à communiquer oralement et par écrit qui justifierait de s’appuyer sur les compétences à communiquer oralement pour évaluer les compétences à communiquer par écrit. En même temps, j’ai conclu que le plaignant avait été traité différemment des autres candidats dans l’évaluation de ses compétences à communiquer par écrit et que l’évaluation qui en a résulté était inadéquate et viciée, y compris le fait que le sous‑comité n’avait pas tenu compte des éléments de preuve qui étayaient la conclusion selon laquelle le plaignant satisfaisait à l’exigence en matière de compétences écrite. À cela s’ajoutent les actes de Mme Camiré et de M. Rochon à la suite du refus de la promotion, y compris l’omission de consulter ou de fournir le rapport du sous‑comité, soulignant l’échec du plaignant fondé sur ses compétences à communiquer oralement et critiquant l’accent du plaignant de façon péjorative. En ce qui concerne ce dernier point, l’intimé a soutenu que M. Rochon n’avait pas l’intention de se livrer à une conduite discriminatoire. Toutefois, il n’est pas nécessaire d’établir l’intention ou la motivation de la part de l’intimé. Par conséquent, l’inférence est que les actes du sous‑comité étaient liés à l’origine ethnique du plaignant et qu’ils ont constitué un facteur dans le refus d’une promotion pour le plaignant.

[147] Je conclus que le plaignant a établi une preuve prima facie de discrimination fondée sur l’origine ethnique.

3. La justification de la conduite discriminatoire

[148] Après avoir établi une preuve prima facie, l’intimé doit justifier la conduite ou la pratique suivant le régime d’exemptions prévu par la LCDP.

[149] L’intimé n’a soulevé aucune exception en vertu de l’art. 15 de la LCDP. Autrement, l’intimé n’a fourni aucune justification réelle de la conduite discriminatoire. Il a soutenu seulement que la décision de ne pas promouvoir le plaignant ne devrait pas le surprendre, car il savait que ses compétences linguistiques devaient être améliorées. Il ne s’agit pas d’une justification valable de la conduite discriminatoire et ne fait rien pour répondre à la preuve prima facie de discrimination présentée par le plaignant. Même si le plaignant a convenu que ses compétences linguistiques devaient être améliorées, le sous‑comité a clairement conclu que sa communication orale était adéquate pour un poste au niveau ENG‑04. Les éléments de preuve ont également indiqué que l’évaluation par le sous‑comité des compétences du plaignant à communiquer par écrit était fondée sur des renseignements anecdotiques, désuets et inadéquats, et que, d’après les éléments de preuve qui n’ont pas été pris en considération, ses compétences à communiquer par écrit s’étaient améliorées au point que certains membres souhaitaient modifier leur vote.

[150] Par conséquent, je conclus que le plaignant a fait l’objet d’une discrimination fondée sur l’origine ethnique.

D. Réparation

[151] Le plaignant a demandé des dommages pour perte de salaire. Même si je suis sensible à cette demande, cette réparation aurait le même effet qu’une ordonnance visant à ce qu’il soit nommé au niveau ENG‑04, ce que je ne suis manifestement pas autorisé à faire en vertu de l’art. 82 de la LEFP (voir également Spruin, au par. 117).

[152] La LEFP permet à la Commission de rendre des ordonnances pour une plainte fondée en vertu de l’al. 53(2)e) et du par. 53(3) de la LCDP. L’alinéa 53(2)e) permet de rendre une ordonnance d’indemnisation jusqu’à concurrence de 20 000 $ pour un préjudice moral subi en raison dune pratique discriminatoire. Le paragraphe 53(3) autorise une ordonnance d’indemnisation maximale de 20 000 $, si lon vient à la conclusion que l’acte de l’intimé a été délibéré ou inconsidéré.

[153] Le plaignant a seulement précisé que les dommages accordés devraient être supérieurs à 5 000 $, tandis que l’intimé a soutenu que les dommages devraient être au bas de l’échelle.

E. Dommages pour préjudice moral

[154] Il doit exister des éléments de preuve d’un préjudice moral pour justifier des dommages en vertu de l’al. 53(2)e) de la LCDP. Dans le présent cas, le fait que l’intimé s’est concentré d’abord sur l’accent du plaignant et ses compétences à communiquer oralement l’a contrarié. J’accepte son témoignage selon lequel il a trouvé humiliant les interactions avec l’intimé concernant son accent. L’accent mis sur ses compétences à communiquer oralement dans le rapport du sous‑comité, même s’il n’était pas au courant de l’ampleur complète de ces commentaires à l’époque l’a également contrarié, car ils n’étaient aucunement pertinents aux critères objectifs d’une promotion. Il n’a pris connaissance de l’ampleur complète de ces commentaires négatifs qu’à l’audition de sa plainte et j’accepte que les commentaires supplémentaires l’aient contrarié.

[155] Le plaignant a témoigné que les actes de l’intimé ont eu une incidence sur sa santé et sa famille. Toutefois, aucun élément de preuve n’a été présenté qui permettrait d’étayer des constatations relatives à sa santé ou à l’incidence sur sa famille.

[156] Même si je conclus que le plaignant a subi un préjudice moral, je ne conclus pas qu’il a établi qu’il était important. Dans Spruin, la Commission a ordonné des dommages de 2 000 $ pour préjudice moral causé par l’omission de prendre des mesures d’adaptation à l’égard d’un plaignant dans le cadre d’un processus de dotation. Dans Nadeau, des dommages de 5 000 $ ont été accordés pour préjudice moral. Dans cette décision, la Commission a examiné l’humiliation et le stress vécus par le plaignant. Dans la présente décision, j’ai conclu qu’en plus du fait que l’origine ethnique était un facteur dans l’évaluation du plaignant, son superviseur s’est moqué de son accent et qu’il avait été induit en erreur quant à la raison pour laquelle il n’avait pas été promu. Dans ces circonstances, je conclus qu’une somme de 5 000 $ constitue une indemnité appropriée pour préjudice moral.

F. Dommages spéciaux

[157] Dans Canada (Procureur général) c. Johnstone, 2013 CF 113, au par. 155, la Cour fédérale a indiqué que le par. 53(3) de la LCDP est une disposition punitive « […] visant à dissuader ou à décourager ceux qui se livrent de façon délibérée à des actes discriminatoires ». La Cour a conclu que le caractère « délibéré » exigeait que la discrimination soit intentionnelle. La Cour a affirmé qu’« [o]n entend par “acte inconsidéré” celui qui témoigne d’un mépris ou d’une indifférence quant aux conséquences et d’une manière d’agir téméraire ou insouciante ». La Cour d’appel du Canada dans Canada (Procureur général) c. Douglas, 2021 CAF 89, au par. 8, a affirmé qu’elle souscrit à cette qualification de l’expression « acte inconsidéré ».

[158] Je conclus qu’il n’existe aucun élément de preuve d’une discrimination intentionnelle de la part de l’intimé. La question à trancher dans la présente plainte consiste à savoir si ses actes étaient inconsidérés.

[159] Dans Douglas, la Cour d’appel fédéral a conclu que la Commission n’avait pas établi le caractère inconsidéré parce que l’employeur avait agi rapidement en tentant de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de la fonctionnaire s’estimant lésée. Dans ce cas, l’employeur a agi pour remédier à la discrimination dans les deux semaines suivant le dépôt d’un grief par la fonctionnaire s’estimant lésée. La Cour a affirmé que les actes de l’employeur démontraient qu’il était « […] réceptif aux besoins de la [fonctionnaire s’estimant lésée] et qu’il a fait preuve de diligence en tentant de prendre des mesures d’adaptation à son égard » (au paragraphe 13). Par conséquent, la Cour n’a trouvé aucun fondement pour étayer une conclusion d’acte inconsidéré qui justifierait l’octroi de tels dommages punitifs.

[160] Dans Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Seeley, 2013 CF 117, la Cour fédérale a confirmé l’octroi d’une indemnisation spéciale au motif que l’intimé avait « constamment ignoré » le fondement de la demande d’accommodement de la plaignante. En appel de cette décision (2014 CAF 111), la Cour d’appel fédérale était du même avis et a ajouté que l’omission de la défenderesse de fournir à la plaignante des renseignements importants qui auraient pu l’aider à déterminer ses besoins en matière de garde d’enfants constituait une forme de conduite inconsidérée (au paragraphe 68).

[161] Dans Kirby c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2015 CRTEFP 41, une indemnité spéciale a été accordée en reconnaissance du mépris délibéré et inconsidéré par l’employeur de ses obligations en matière de droits de la personne et pour ne pas avoir tout fait pour prendre des mesures d’adaptation appropriées à l’égard du fonctionnaire s’estimant lésé. Toutefois, la somme accordée était au bas de l’échelle des dommages (2 500 $) en fonction des tentatives subséquentes de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation qui ont atténué son comportement (au paragraphe 151).

[162] Dans le cas devant, l’intimé a fait preuve de négligence lorsqu’il devait informer le plaignant de la raison pour laquelle il ne l’avait pas promu. Malgré le fait qu’il avait facilement accès au rapport du sous‑comité comportant les recommandations (comme en témoigne sa facilité à le trouver sur son ordinateur pendant l’audience), Mme Camiré a fourni au plaignant des renseignements inexacts selon lesquels il avait échoué à la compétence à communiquer oralement. Cette simple erreur n’a pas été corrigée pendant plus de quatre semaines. Il a eu des discussions avec M. Rochon fondées sur ces renseignements erronés, au cours desquelles les commentaires désobligeants ont été formulés au sujet de son accent, et sans que M. Rochon confirme ce qu’il aurait dû déjà savoir, puisqu’il était un membre du sous‑comité. Je conclus que ce comportement de la part de l’intimé était inconsidéré, qu’il perpétuait la discrimination et qu’il faisait preuve de mépris à l’égard du plaignant. Toutefois, l’intimé a corrigé les faux renseignements dans un délai d’un mois, de sorte que son comportement inconsidéré a été atténué. Dans les circonstances, je conclus qu’une indemnité spéciale de 2 500 $ est appropriée pour l’acte inconsidéré de l’intimé.

[163] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


 

VI. Ordonnance

[164] Le grief est rejeté.

[165] La plainte est fondée.

[166] La Commission déclare qu’un abus de pouvoir a eu lieu dans l’application du mérite et que l’intimé a fait preuve de discrimination contre le plaignant dans le cadre du processus de nomination en litige.

[167] Des dommages de 5 000 $ sont accordés au plaignant pour préjudice moral en vertu de l’al. 53(2)e) de la LCDP.

[168] Des dommages de 2 500 $ sont accordés au plaignant au titre d’indemnité spéciale en vertu du par. 53(3) de la LCDP.

[169] Les paiements pour préjudice moral et de l’indemnité spéciale doivent être versés au plaignant dans les 60 jours suivant la présente décision.

Le 23 mai 2023.

Traduction de la CRTESPF

Ian R. Mackenzie,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

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