Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a déposé un grief contre son licenciement que le prédécesseur de la Commission a rejeté dans une décision rendue en 1997 – le plaignant a également présenté une plainte contre la défenderesse, qui est maintenant son ancien agent négociateur, que le prédécesseur de la Commission a rejetée dans une décision rendue en 2001 – le plaignant a présenté la présente plainte contre la défenderesse, alléguant qu’elle avait violé son devoir de représentation équitable sur la base de nouveaux renseignements reçus en 2022 – le plaignant a également demandé la révision d’une décision rendue par la Cour fédérale et de la décision rendue en 1997 – la Commission a jugé qu’elle n’avait pas le pouvoir de modifier la décision de la Cour fédérale – la Commission a rejeté la demande de révision parce que le plaignant a attendu plus de 20 ans pour rectifier une déclaration sans incidence sur l’issue de la décision de 1997 – la Commission a aussi déterminé qu’il n’y avait pas de cause défendable puisque le plaignant tentait de relancer une affaire qui fait l’objet de décisions définitives.

Demande rejetée.
Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date: 20230529

Dossier: 561-02-46577

 

Référence: 2023 CRTESPF 54

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail dans

le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

enTRE

 

Victor Walcott

plaignant

 

et

 

Alliance DE LA FONCTION PubliQUE DU Canada

 

défenderesse

Répertorié

Walcott c. Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire concernant une plainte déposée en vertu de l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant : Marie-Claire Perrault, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant : Lui-même

Pour la défenderesse : Sandra Gaballa, Alliance de la Fonction publique du Canada

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés les
2, 15, 17 et 20 février 2023.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Plainte devant la Commission

[1] Le 31 janvier 2023, Victor Walcott (le « plaignant ») a déposé une plainte auprès de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») contre son ancien agent négociateur, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (la « défenderesse »). Il soutient que la défenderesse a manqué à son devoir de représentation équitable, prévu par l’article 187 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »), qui est ainsi libellé :

Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

187 No employee organization that is certified as the bargaining agent for a bargaining unit, and none of its officers and representatives, shall act in a manner that is arbitrary or discriminatory or that is in bad faith in the representation of any employee in the bargaining unit.

 

[2] La Commission a existé sous différents noms et en vertu de diverses lois depuis 1967. De 1967 à 2005, elle s’appelait la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) et sa loi habilitante était la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.R.C. (1985), ch. P35). En 2005, cette Commission a conservé le nom de Commission des relations de travail dans la fonction publique, puis, en 2014, elle est devenue la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique, et enfin, en 2017, elle a acquis son nom actuel.

[3] Je présente cette évolution historique parce que la plainte est liée à des faits qui sont survenus en 1997, après que le plaignant a été licencié de son emploi à la fonction publique en 1993.

[4] La défenderesse demande à la Commission de rejeter la plainte de façon sommaire, principalement en raison de son caractère périmé.

[5] L’article 22 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365; la « LCRTESPF ») m’autorise à trancher une affaire sans tenir d’audience. Le plaignant a répliqué à la requête de la défenderesse visant à faire rejeter la plainte de façon sommaire. J’estime que j’ai suffisamment de renseignements pour trancher l’affaire. Dans une requête visant à faire rejeter une plainte de façon sommaire, la question à trancher est celle de savoir, en considérant les affirmations du plaignant comme véridiques, s’il existe une cause défendable qui justifie la production d’autres éléments de preuve et d’autres arguments, ou si le cas doit être rejeté parce qu’il n’existe pas de cause défendable. Pour les motifs qui suivent, je conclus qu’il n’existe pas de cause défendable et que la plainte doit être rejetée.

II. Contexte

[6] Le plaignant occupait un poste à ce qui s’appelait à l’époque Emploi et Immigration Canada, et il a été licencié à compter du 30 octobre 1993. Il a présenté un grief contre son licenciement. Le grief a été renvoyé à l’arbitrage. Le vice‑président de la CRTFP qui siégeait comme arbitre de grief a instruit le grief sur une période de 17 jours au cours du printemps et de l’été 1997, et il a rendu une décision le 2 octobre 1997 (Walcott c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 166-02-25590 (19971002), [1997] C.R.T.F.P.C. no 107 (QL)).

[7] La défenderesse a refusé d’appuyer la demande de contrôle judiciaire du plaignant, qui a ensuite raté le délai de présentation de la demande. Le plaignant a déposé une demande de prorogation du délai auprès de la Cour fédérale, qui a rejeté cette demande (Walcott c. Canada (Emploi et Immigration), 1998 CanLII 7355 (CF)). Bien que la Cour ait reconnu que le plaignant avait suffisamment expliqué les raisons du retard, elle a rejeté la demande parce que, selon elle, la plainte n’avait aucune chance raisonnable de succès dans le cadre d’une cause défendable. Cette décision a été confirmée à la Cour d’appel fédérale (Walcott c. Canada, 2000 CanLII 15103 (CAF)).

[8] En 2000, le plaignant a déposé une plainte contre la défenderesse, qui a été rejetée (Walcott c. Turmel, 2001 CRTFP 86) parce qu’elle avait été présentée avec un retard déraisonnable, soit environ trois ans après les faits qui y avaient donné lieu. Le plaignant a prétendu avoir pris connaissance seulement peu de temps avant des échanges entre la défenderesse et le cabinet d’avocats qui le représentait à l’audience. La CRTFP a conclu qu’en réalité, le plaignant avait connaissance, au moment de l’audience, de tous les faits au sujet desquels il se plaignait, à savoir que la défenderesse avait décidé de retenir les services d’un avocat novice pour le défendre puisque les honoraires d’un avocat chevronné étaient trop onéreux. La demande de contrôle judiciaire a été rejetée (Walcott c. Canada (Procureur Général), 2003 CAF 113).

III. Résumé de l’argumentation

[9] Comme je l’ai mentionné au début, le plaignant relance sa plainte contre la défenderesse une vingtaine d’années plus tard, en invoquant des éléments de preuve nouvellement découverts comme motif pour rouvrir le cas. Je présenterai la plainte, mais d’abord, je me pencherai brièvement sur une demande présentée en vertu de l’article 43 de la Loi.

A. Demande présentée en vertu de l’article 43 de la Loi

[10] Le paragraphe 43(1) de la Loi prévoit ce qui suit (le paragraphe 43(2) ne s’applique pas dans le présent cas) :

(1) La Commission peut réexaminer, annuler ou modifier ses décisions ou ordonnances ou réentendre toute demande avant de rendre une ordonnance à son sujet.

43 (1) Subject to subsection (2), the Board may review, rescind or amend any of its orders or decisions, or may re-hear any application before making an order in respect of the application.

 

[11] La jurisprudence de la Commission et de ses prédécesseurs établit que certaines conditions doivent être satisfaites pour que la Commission puisse modifier ses ordonnances et décisions. Comme l’indique Chaudhry c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 39 (demande de contrôle judiciaire rejetée, Chaudhry c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 376), au paragraphe 29, un réexamen doit satisfaire aux facteurs suivants :

[…]

· le réexamen ne doit pas remettre en litige le fond de l’affaire;

· il doit être fondé sur un changement important des circonstances;

· il doit tenir compte uniquement des nouveaux éléments de preuve ou arguments qui ne pouvaient être raisonnablement présentés lors de l’audience initiale;

· on doit s’assurer que les nouveaux éléments de preuve ou arguments ont des conséquences importantes et déterminantes sur l’issue de la plainte;

· on doit veiller à ce que le réexamen soit fondé sur un motif impérieux;

· le pouvoir de réexamen doit être exercé de manière « […] judicieuse, avec beaucoup de soin et peu fréquemment » […]

 

 

[12] Le réexamen que le plaignant demande comporte deux volets. Premièrement, il demande une modification de la décision rendue par la Cour fédérale en 1998 (Walcott c. Canada (Emploi et Immigration)). Deuxièmement, le plaignant affirme que la phrase qui apparaît dans Walcott c. Turmel, à la première page sous le titre « Faits », et qui est ainsi rédigée : « M. Goulart était l’avocat qui avait représenté M. Walcott lors de la poursuite au criminel », est inexacte. Le plaignant demande qu’elle soit corrigée. Le raisonnement semble indiquer qu’une erreur factuelle pourrait effectivement signaler d’autres erreurs factuelles.

[13] La Commission n’a aucun pouvoir à l’égard des procédures et processus de la Cour fédérale. Elle ne peut donc pas exiger que des modifications soient apportées à une décision de la Cour fédérale.

[14] Quant à la deuxième requête, je ne peux pas m’empêcher de souligner que M. Walcott a attendu une vingtaine d’années pour demander la correction de l’énoncé. Plus important encore, cette correction est sans conséquence pour la décision ultimement rendue par la CRTFP. M. Walcott affirme que M. Goulart, l’avocat principal qui a commencé à le représenter devant la CRTFP et qui a ensuite été remplacé par un avocat novice, l’a aidé dans d’autres affaires. On a peut-être compris qu’il s’agissait de la poursuite au criminel dont M. Walcott faisait l’objet à l’époque de son licenciement. La question de savoir si M. Goulart a agi pour le compte de M. Walcott dans une poursuite au criminel n’a eu strictement aucune incidence sur la décision de la CRTFP.

[15] M. Walcott conteste les conclusions de l’arbitre de grief dans la décision rendue en 1997, mais cela n’équivaut pas à relever des erreurs factuelles. L’arbitre de grief a choisi de croire certains éléments de preuve plutôt que d’autres et il a expliqué son raisonnement. La Commission ne peut pas intervenir dans l’appréciation de la preuve que l’arbitre de grief a effectuée.

[16] Par conséquent, la requête présentée en vertu de l’article 43 est rejetée.

B. Plainte

[17] La plainte semble soulever une nouvelle question. Le plaignant soutient que lorsqu’il a été licencié, un autre employé a aussi été touché et a été licencié pour les mêmes motifs. Toutefois, le licenciement de l’autre employé a été converti en démission, et celui‑ci a reçu une somme d’argent en guise de règlement. Le plaignant affirme n’en avoir entendu parler que tout récemment. Il décrit en ces termes les circonstances qui entourent la façon dont il l’a appris :

[Traduction]

[…]

[…] J’ai poursuivi mes efforts pendant des années afin d’établir la vérité et de faire la lumière sur cette injustice fort nébuleuse qui a pesé sur moi et cette dissimulation; j’ai fortement soupçonné qu’un odieux arrangement avait eu lieu et j’ai enquêté continuellement. Mes soupçons n’ont pas suffi pour tirer des conclusions, et j’ai parlé avec un avocat d’un message perturbant que j’ai reçu d’un ami à la fin de novembre 2022. On me disait dans ce message que [nom de l’autre employé] fêtait depuis des années le règlement lucratif qu’il avait obtenu d’Emploi Canada. On m’a conseillé d’obtenir une déclaration ou un affidavit. Je ne lui ai pas parlé de ces renseignements tout récents. [L’autre employé] et d’autres personnes ont inventé des histoires et des éléments de preuve à l’audience, et l’AFPC en a été mise au courant.

[…]

 

[18] En décembre 2022, le plaignant a communiqué avec la défenderesse pour discuter de l’affaire. Celle‑ci a répondu qu’elle ne possédait pas d’autres renseignements que les décisions rendues. Les dossiers concernant l’affaire avaient été détruits depuis lors et, quoiqu’il en fût, quel qu’ait été le règlement que l’autre employé avait pu obtenir, ce règlement était confidentiel.

[19] La défenderesse a dit au plaignant que les décisions rendues à l’égard de son cas (le grief et la plainte de représentation inéquitable) étaient finales. Elle a ajouté qu’il n’y avait aucun moyen de rouvrir l’affaire.

C. La réplique de la défenderesse et la requête en rejet de la plainte

[20] La défenderesse fait valoir que l’article 21 de la LCRTESPF autorise la Commission à « […] rejeter de façon sommaire toute affaire qu’elle estime futile, frivole, vexatoire ou entachée de mauvaise foi ». Elle soutient que le seuil est atteint dans le présent cas.

[21] Selon l’article 187 de la Loi, le devoir de représentation équitable est dû aux membres de l’unité de négociation. Le plaignant n’en est plus un membre depuis une trentaine d’années. De plus, il tente de remettre en cause des affaires qui ont déjà été tranchées de façon définitive.

[22] L’essentiel de la plainte déposée par le plaignant indique que celui‑ci n’accepte pas la décision rendue sur son grief de licenciement et qu’il en rejette le blâme sur la représentation déficiente que la défenderesse a fournie à l’époque. La CRTFP et les cours fédérales ont traité ces questions. Elles ne peuvent plus être en litige.

[23] La défenderesse demande à la Commission de rejeter la plainte de façon sommaire.

D. La réplique du plaignant

[24] Dans sa réplique, le plaignant revient sur la représentation déficiente qu’il a reçue de l’avocat novice. Il n’était pas d’accord avec la stratégie que l’avocat novice avait adoptée. Il n’est pas d’accord avec un bon nombre des affirmations concernant les procédures qui ont mené aux différentes décisions dans son cas. Il ajoute qu’il a été suspendu par la défenderesse en 1992, ce qui pourrait expliquer le comportement entaché de mauvaise foi de cette dernière.

IV. Analyse

[25] Le plaignant n’a jamais accepté le fait que son grief de licenciement ait été rejeté. Il soulève maintenant le fait qu’un autre employé, placé dans une situation similaire, a été traité différemment.

[26] Cependant, ce fait était connu lorsque l’arbitre de grief a instruit le grief de licenciement en 1997. Une phrase qui apparaît à la page 24 (décision Walcott c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada) de la CRTFP) indique que l’autre employé, qui a témoigné à l’audience, a été licencié de son emploi à Emploi et Immigration Canada en 1993. L’arbitre de grief ajoute ensuite que cet employé a démissionné de la fonction publique en janvier 1994. Il n’est pas clair si le licenciement est devenu une démission, mais il semble peu probable que l’autre employé ait été réembauché seulement pour démissionner peu de temps après. Quoi qu’il en soit, cela dénote un dénouement différent du licenciement.

[27] Le plaignant aurait pu s’enquérir du traitement différent à l’époque. Il ne l’a pas fait. Le plaignant ne peut pas invoquer maintenant des renseignements qui étaient à sa disposition il y a 25 ans.

[28] La suspension alléguée en 1992 n’a aucune incidence sur la présente affaire. En 1997, la défenderesse a embauché un avocat pour défendre le plaignant à l’audience. Le fait que celui‑ci ait été insatisfait de l’avocat et de l’issue de l’audience n’est pas le critère pour déterminer si la défenderesse s’est acquittée de son devoir de représentation équitable.

[29] Le plaignant tente de relancer une affaire qui a été réglée il y a longtemps. Il soulève des points concernant ce qu’il prétend avoir constitué une représentation déficiente, qui ont été soulevés devant la CRTFP et les cours fédérales. La Commission ne peut pas annuler les décisions finales et exécutoires qui ont été rendues par la CRTFP et les cours fédérales. Aucun élément de la plainte ne satisfait à la norme de la cause défendable, puisqu’il ne reste rien à faire valoir.

[30] Par conséquent, le présent cas est rejeté de façon sommaire.

[31] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[32] La demande présentée en vertu de l’article 43 de la Loi est rejetée.

[33] La plainte est rejetée.

Le 29 mai 2023.

Traduction de la CRTESPF

Marie-Claire Perrault,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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