Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a présenté une plainte en vertu de l’article 190 de la LRTSPF, alléguant que la défenderesse avait manqué à son devoir de représentation équitable lorsqu’elle a refusé de la représenter relativement à son grief, dans lequel elle avait allégué que ses droits de la personne avaient été violés – la défenderesse a soulevé une objection préliminaire selon laquelle la plainte devrait être rejetée parce qu’elle était hors délai puisqu’elle avait été présentée au-delà du délai de 90 jours prévu au paragraphe 190(2) de la LRTSPF – la Commission n’a pas le pouvoir de proroger le délai – son seul pouvoir discrétionnaire est de déterminer quand un plaignant savait ou aurait dû raisonnablement savoir l’affaire qui a donné lieu à la plainte – la plaignante savait ou aurait dû savoir que la défenderesse ne la représenterait pas dans son grief relatif aux droits de la personne lorsqu’elle lui a écrit en termes clairs et sans équivoque pour l’en informer – elle a présenté sa plainte près de cinq mois plus tard – la Commission a accueilli l’objection de la défenderesse, car elle a conclu que la plainte avait été présentée au-delà du délai prescrit de 90 jours.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date: 20230620

Dossier: 561-02-00829

 

Référence: 2023 CRTESPF 64

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations de

travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

Entre

 

Heather Nash

plaignante

 

et

 

Alliance DE LA FONCTION PUBLIQUE DU Canada

 

défenderesse

Répertorié

Nash c. Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire concernant une plainte présentée en vertu de l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant : Joanne Archibald, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la plaignante : Elle-même

Pour la défenderesse : Leslie Robertson

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 3 janvier, le 21 février et le 16 mars 2017.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Plainte devant la Commission

[1] Le 3 janvier 2017, Heather Nash (la « plaignante ») a déposé une plainte auprès de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») en vertu de l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »), tel qu’elle s’intitulait à l’époque, alléguant que l’Alliance de la Fonction publique du Canada (la « défenderesse ») avait commis une pratique déloyale de travail en contrevenant à son devoir de représentation équitable lorsqu’elle a refusé de la représenter dans un grief concernant une violation de ses droits de la personne.

[2] Le 21 février 2017, la défenderesse a soulevé une objection préliminaire et a demandé à l’ancienne Commission de rejeter la plainte au motif qu’elle était hors délai. Selon la défenderesse, la plaignante a été informée le 8 août 2016 de sa décision de ne pas la représenter dans un grief alléguant une violation de l’article 19 de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et la défenderesse qui régit le groupe Services frontaliers (FB) et qui a expiré le 20 juin 2018 (la « convention collective »). La plainte était hors délai, car elle a été déposée après le délai obligatoire de 90 jours prévu au paragraphe 190(2) de la Loi pour déposer une plainte alléguant une violation du devoir de représentation équitable de l’agent négociateur. À titre subsidiaire, la défenderesse a fait valoir que la plainte ne soulevait pas une cause défendable selon laquelle elle ne s’était pas acquittée de son devoir de représentation équitable.

[3] Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de l’ancienne Commission et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique pour qu’il deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, c. 40, art. 365; LCRTESPF) et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral.

[4] Dans la présente décision, l’ancienne Commission et la Commission actuelle sont toutes deux appelées la « Commission ».

[5] Le 11 janvier 2023, la Commission a publié l’avis d’une audience prévue du 24 au 26 avril 2023. La plaignante a répondu afin de demander une audience par voie d’arguments écrits, et la Commission a accueilli la demande. La Commission a ensuite demandé aux parties de présenter d’autres arguments sur la question préliminaire de savoir si la plainte avait été présentée dans les délais. La défenderesse a déclaré qu’elle n’avait pas l’intention de fournir des renseignements supplémentaires. La plaignante a obtenu une prorogation du délai de réponse, mais n’a fourni aucun autre renseignement.

[6] Conformément à l’article 22 de la LCRTESPF, la Commission peut trancher toute affaire ou question dont elle est saisie sans tenir d’audience.

[7] J’ai examiné attentivement la plainte et les arguments et je suis convaincue que je peux trancher l’objection de la défenderesse concernant le respect des délais en me fondant sur les arguments écrits des parties.

[8] Pour les motifs suivants, je conclus que la plainte est hors délai, et elle est donc rejetée. Le délai de dépôt est obligatoire et la Loi ne prévoit aucune disposition qui permette à la Commission de le proroger.

II. Résumé de la preuve

[9] La plaignante était membre du Syndicat des douanes et de l’immigration, un élément de la défenderesse, qui était chargé de lui fournir de l’aide et une représentation dans des questions liées à l’emploi.

[10] La plaignante était employée par l’Agence des services frontaliers du Canada. Le 30 juin 2016, elle a rencontré un de ses représentants pour discuter de trois options pour mettre fin à sa carrière dans la fonction publique : une démission, un licenciement ou une retraite pour raisons médicales. Elle estimait que certains commentaires qui lui avaient été faits au cours de cette réunion constituaient une discrimination en matière de droits de la personne et souhaitait prendre des mesures pour remédier à la situation.

[11] Le 8 août 2016, la défenderesse a écrit à la plaignante au sujet des questions découlant de cette réunion. Ce courriel répondait entre autres aux préoccupations de la plaignante en matière de droits de la personne, et déclarait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Vous n’avez pas dit que vous vouliez déposer un grief pour une violation de l’article 19 de la convention collective – dans ce cas, vous devez obtenir l’approbation du syndicat, ce que vous n’avez pas. Les membres peuvent déposer un grief sans le consentement du syndicat, mais ils ont besoin de l’autorisation du syndicat pour contester l’application ou l’interprétation de la convention collective conformément à l’article 18, qui prévoit ce qui suit : dans les cas où le grief se rattache à l’interprétation ou à l’application de la présente convention collective ou d’une décision arbitrale, l’employé n’a pas le droit de présenter un grief à moins d’avoir obtenu l’approbation de l’Alliance et de se faire représenter par lui.

Je réitérerai que le Syndicat des douanes et de l’immigration vous fournira des conseils, de l’aide et une représentation en ce qui concerne l’intention de l’employeur de mettre fin à votre emploi.

Et si vous avez besoin d’aide pour déposer votre plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne, veuillez me le faire savoir et je pourrai vous mettre en contact avec un agent de représentation à l’Alliance de la Fonction publique du Canada.

[…]

 

[12] Le message fait référence à l’article 19 de la convention collective, qui interdit la discrimination sur le lieu de travail.

[13] Le 11 août 2016, la défenderesse a écrit à la plaignante, réitérant qu’elle l’aiderait en ce qui concerne le dépôt d’un grief lié au choix de la retraite pour des raisons médicales. En ce qui concerne la discrimination en matière de droits de la personne, elle a offert de la mettre en contact avec une personne-ressource pour l’aider à porter plainte devant la Commission canadienne des droits de la personne.

[14] Après avoir reçu l’avis de la plainte alléguant un manquement au devoir de représentation équitable déposée le 3 janvier 2017, la défenderesse a déposé une objection à la compétence de la Commission pour entendre l’affaire. Elle a déclaré que les événements invoqués par la plaignante se sont produits en août 2016. Par conséquent, la plainte du 3 janvier 2017 était hors délai, car elle ne respectait pas le délai de 90 jours prévu au paragraphe 190(2) de la Loi.

[15] La plaignante a répondu qu’à une date qui se situait entre le 5 et le 7 octobre 2016, elle avait rencontré un ami qui lui avait dit qu’il lui semblait que la défenderesse n’agissait pas correctement en refusant de la représenter dans un grief relatif aux droits de la personne. Selon elle, c’est à ce moment-là qu’elle s’est rendu compte pour la première fois de la situation. Elle n’avait pas compris la position de la défenderesse plus tôt, ce qui, selon elle, était attribuable à son invalidité. Aucune preuve médicale n’a été fournie à la Commission pour étayer son affirmation.

[16] L’analyse et la décision qui suivent traitent de l’objection de la défenderesse fondée sur le caractère opportun de la plainte. Elles ne traitent pas du bien-fondé de la plainte.

III. Analyse

[17] Je dois déterminer si la plainte a été déposée dans le délai de 90 jours prévu à l’alinéa 190(1)g) et au paragraphe 190(2) de la Loi, car si la plainte est hors délai, la Commission n’a pas compétence pour la trancher. Ces dispositions énoncent ce qui suit :

190 (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

190 (1) The Board must examine and inquire into any complaint made to it that

[…]

g) l’employeur, l’organisation syndicale ou toute personne s’est livré à une pratique déloyale au sens de l’article 185.

(g) the employer, an employee organization or any person has committed an unfair labour practice within the meaning of section 185.

(2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu — ou, selon la Commission, aurait dû avoir — connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu.

(2) Subject to subsections (3) and (4), a complaint under subsection (1) must be made to the Board not later than 90 days after the date on which the complainant knew, or in the Board’s opinion ought to have known, of the action or circumstances giving rise to the complaint.

 

[18] Aux fins de la présente décision, la partie pertinente de cet extrait est le délai défini pour déposer une plainte en vertu de l’article 190. Comme il est indiqué au paragraphe 190(2), « […] les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu — ou, selon la Commission, aurait dû avoir — connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu ». Ce délai est obligatoire. Les paragraphes 190(3) et (4), auxquels le paragraphe 190(2) fait référence, ne s’appliquent pas à la présente plainte. Ils portent sur l’expulsion, la suspension ou la prise de mesures disciplinaires par un agent négociateur à l’égard d’un membre d’une unité de négociation.

[19] La Commission a toujours soutenu qu’elle n’a pas le pouvoir de proroger le délai (voir, par exemple, Esam c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Syndicat des employées et employés nationaux), 2014 CRTFP 90, Castonguay c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 78, au par. 55, Paquette c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2018 CRTESPF 20, et MacDonald c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2022 CRTESPF 96).

[20] Le seul pouvoir discrétionnaire dont dispose la Commission est de déterminer quand le plaignant a eu connaissance ou aurait dû raisonnablement avoir connaissance de l’affaire ayant donné lieu à la plainte (voir Boshra c. Association canadienne des employés professionnels, 2009 CRTFP 100).

[21] Selon les arguments de la défenderesse, les « mesures ou circonstances » sous-jacentes à la plainte sont survenues le 8 août 2016, lorsqu’elle a informé la plaignante par écrit qu’elle ne la représenterait pas dans le cadre d’un grief alléguant une violation de l’article 19 de la convention collective.

[22] La plainte a été déposée le 3 janvier 2017, soit près de 5 mois plus tard et bien au-delà du délai de 90 jours prescrit au paragraphe 190(2). À première vue, la plainte dépassait considérablement le délai prévu. Toutefois, la plaignante a fait valoir que le délai devrait être calculé à partir de la date à laquelle elle a rencontré un ami, qui se situait entre le 5 et le 7 octobre 2016. Selon elle, cette personne a attiré son attention sur le fait que la défenderesse avait refusé de fournir une représentation pour un grief portant sur l’article 19 de la convention collective. Elle est d’avis que c’est à ce moment-là qu’elle a eu connaissance de la position de la défenderesse.

[23] J’ai examiné l’affirmation de la plaignante selon laquelle elle souffre d’une déficience qui l’a empêchée de comprendre le sens du courriel du 8 août 2016 de la défenderesse avant le 7 octobre 2016. Cependant, aucune preuve médicale n’a été présentée pour étayer cette affirmation.

[24] Je conclus que le courriel du 8 août 2016 était clair et sans équivoque. La plaignante savait alors ou aurait dû savoir qu’elle ne serait pas représentée si elle souhaitait présenter un grief alléguant une violation de l’article 19.

[25] Par conséquent, à mon avis, le 8 août 2016 est la date de la violation présumée du devoir de représentation équitable. Le délai de 90 jours défini au paragraphe 190(2) de la Loi a commencé à s’écouler à compter de cette date. Au moment où la plaignante a déposé sa plainte auprès de la Commission, le délai de 90 jours était écoulé. La Commission n’a pas le pouvoir de proroger ce délai. Étant donné que la plainte est hors délai, je n’ai pas à me pencher sur l’autre argument de la défenderesse selon lequel la plainte ne soulève pas une cause défendable.

[26] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


IV. Ordonnance

[27] L’objection relative au respect du délai de dépôt de la plainte est accueillie.

[28] La plainte est rejetée.

Le 20 juin 2023.

Traduction de la CRTESPF

Joanne Archibald,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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