Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20230623

Dossier: 567‑02‑162

 

Référence: 2023 CRTESPF 65

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

Entre

 

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

agent négociateur

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(ministère de l’Emploi et du Développement social)

 

employeur

Répertorié

Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (ministère de l’Emploi et du Développement social)

Affaire concernant un grief collectif renvoyé à l’arbitrage

Devant : Nancy Rosenberg, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour l’agent négociateur : Zachary Rodgers, avocat

Pour l’employeur : Alexandre Toso, avocat

Décision rendue sur la base d’arguments écrits

déposés le 18 mars et les 3 et 13 mai 2022.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Grief collectif renvoyé à l’arbitrage

[1] Le 15 janvier 2015, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (le « syndicat ») a déposé un grief au nom de 36 fonctionnaires s’estimant lésés (les « fonctionnaires ») employés au Centre de contact de l’assurance‑emploi à Toronto, en Ontario (le « centre d’appels de Toronto »), du ministère de l’Emploi et du Développement social (l’« employeur »). Le centre d’appels de Toronto est le plus grand centre de contact de l’assurance‑emploi au Canada offrant des services d’assurance‑emploi par téléphone aux Canadiens.

[2] Dans le grief, il est allégué que l’employeur n’a pas déployé tous les efforts raisonnables pour offrir des heures supplémentaires de manière équitable aux employés qualifiés qui sont facilement disponibles, conformément à la clause 28.04 de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada, qui est l’agent négociateur du groupe Service des programmes et de l’administration (date d’expiration du 20 juin 2014) (la « convention collective »).

[3] Les agents des services de paiement (ASP) agissent comme des points de contact pour régler les demandes de renseignements des demandeurs de prestations d’assurance‑emploi. Ils ne traitent pas les demandes de prestations d’assurance‑emploi; cette responsabilité incombe au personnel du Traitement des demandes de prestations d’assurance‑emploi qui travaillent à l’extérieur des centres d’appels. La classification des ASP compte deux groupes d’agents, notamment les agents principaux des centres d’appels (« agents principaux ») et les agents de niveau 2XP. Les agents principaux peuvent devenir des agents de niveau 2XP s’ils sont offerts et suivent une formation supplémentaire de trois semaines sur les compétences en calcul nécessaires pour certains des dossiers plus complexes.

[4] Afin de réduire l’arriéré qui a découlé du ralentissement économique de 2008 lorsque de nombreux Canadiens ont demandé à avoir accès à l’assurance‑emploi, l’employeur a lancé une stratégie de réduction de l’inventaire. Il s’agissait d’offrir aux employés un bon nombre d’heures supplémentaires, dont l’objectif était le travail que seuls les agents de niveau 2XP pouvaient faire. Les agents principaux auraient pu faire une partie du travail, mais il était combiné avec la grande partie des tâches supplémentaires qu’ils ne pouvaient pas accomplir. L’employeur ne les a pas inclus dans les demandes d’heures supplémentaires et ils se sont vu refuser la possibilité de travailler les heures supplémentaires offertes.

[5] Je conclus que l’employeur n’a pas déployé tous les efforts raisonnables pour offrir les heures supplémentaires de manière équitable. Il doit s’assurer que les heures supplémentaires sont organisées de manière à ce qu’elles puissent être réparties entre le plus grand nombre d’employés qualifiés pour les travailler, en l’absence d’une raison convaincante selon laquelle elles ne peuvent pas être organisées ainsi.

II. Les éléments de preuve et les arguments de l’agent négociateur

[6] Le poste d’ASP est classifié au groupe et au niveau PM‑01. L’employeur a ensuite divisé les ASP en deux groupes, à savoir les agents principaux et les agents de niveau 2XP. Les agents de niveau 2XP sont un sous‑groupe des agents principaux. Ils ont la même classification et la même description de travail. La possibilité de travailler comme ASP de niveau 2XP a été donnée aux agents principaux qui ont atteint certains seuils de productivité et de qualité des appels.

[7] Les seules exigences prévues dans la convention collective en matière de répartition des heures supplémentaires étaient que les employés soient qualifiés et facilement disponibles. L’employeur est chargé de présenter des demandes à ses employés afin de répartir les heures supplémentaires de manière équitable. En présentant des demandes uniquement aux agents de niveau 2XP, il a imposé des exigences de productivité sur la répartition des heures supplémentaires, en violation de la convention collective.

[8] Le travail affecté aux ASP est réparti par l’intermédiaire du Système national de la charge de travail (SNCT), qui est en grande partie automatisé et qui est rempli d’« éléments de travail » créés lorsque les clients communiquent avec Service Canada au sujet des demandes de prestations d’assurance‑emploi. Les éléments de travail sont classés par complexité, spécialisation des utilisateurs, exigences linguistiques et limites de charge de travail, et le SNCT les affecte au premier agent disponible, quel que soit l’emplacement physique.

[9] Les employés peuvent également s’affecter manuellement les éléments de travail, afin d’assurer une exécution rationnelle et efficace du travail. Par exemple, lorsqu’un ASP traite avec un client ayant plusieurs éléments de travail ouverts, il chercherait d’autres éléments de travail ouverts concernant cette personne, afin de régler la situation de façon complète. Certains des éléments de travail ne font pas l’objet d’une attention immédiate et doivent être traités par les employés plus tard, ce qui crée des arriérés dans le système qui entraînent des retards.

[10] Au cours de l’exercice 2014‑2015, l’employeur a mis en œuvre une stratégie de réduction de l’inventaire, qui était une tentative à grande échelle de réduire les arriérés qui ont exercé une pression sur le système et ont empêché l’employeur de réaliser ses objectifs de rendement. Une fois la stratégie achevée, les représentants de l’employeur de la région de l’Ontario ont préparé une présentation pour se féliciter de son succès. La présentation indique que 288 ASP ont été formés et que d’octobre 2014 à octobre 2016, des heures supplémentaires ont été régulièrement utilisées pour traiter les éléments de travail arriérés. De plus, des heures supplémentaires régulières ont commencé à être réparties dans la région de l’Ontario en juin 2014, concernant des employés des centres d’appels affectés au traitement des éléments de travail arriérés. Aucune heure supplémentaire n’a été répartie aux agents principaux de la région de l’Ontario; elles ont toutes été réparties uniquement à des agents de niveau 2XP.

[11] Au centre d’appels de Toronto, le processus d’administration des heures supplémentaires consistait à ce qu’un directeur à la Direction générale du traitement des demandes de prestations d’assurance‑emploi (« Traitement des demandes de prestations d’assurance‑emploi ») envoie un courriel à tous les autres directeurs dont les employés pouvaient aider à effectuer les heures supplémentaires et leur demander de présenter des demandes d’heures supplémentaires pour certains jours. Les courriels énonçaient les paramètres concernant les personnes à solliciter pour les heures supplémentaires, le nombre d’heures prévues chaque jour et une brève description du travail à exécuter par chaque groupe d’employés. Les files d’attente pour les heures supplémentaires ont été remplies pour les employés disponibles en fonction de ces descriptions. Les demandes d’heures supplémentaires et les courriels comportant les directives indiquent que des possibilités de travailler des heures supplémentaires le samedi et trois soirs de la semaine étaient offertes la plupart des semaines du 7 juin 2014 au 30 mars 2015.

[12] L’une des descriptions les plus courantes des éléments de travail pour les agents de niveau 2XP dans les directives sur les heures supplémentaires était une [traduction] « évaluation des demandes de prestations de niveau 1 », soit une catégorie passe‑partout qui comprenait plusieurs types d’éléments de travail, dont certains comportaient des calculs et d’autres non. Elle comprenait des « renouvellements de l’évaluation des demandes de prestations » et d’autres tâches que les agents principaux auraient pu accomplir, mais aucun d’entre eux n’a été inclus dans les demandes d’heures supplémentaires. Les dossiers détaillés indiquent que la grande partie des tâches supplémentaires que les agents de niveau 2XP ont accomplies étaient classées comme des [traduction] « évaluation des demandes » ou des [traduction] « examen des demandes – Nouveau calcul PPNE [“période de prestations non établie”] ».

[13] Les fonctionnaires ont parfois été appelés pendant la journée de travail normale à traiter des éléments de travail indiqués comme [traduction] « accomplis pendant des heures supplémentaires » ou [traduction] « à être accomplis pendant des heures supplémentaires ».

[14] Un agent de niveau 2XP qui a travaillé des heures supplémentaires a fourni une déclaration selon laquelle les agents principaux étaient qualifiés à travailler certaines des heures supplémentaires qu’il avait travaillé, comme les renouvellements de l’évaluation des demandes de prestations.

[15] De novembre à décembre 2014, des courriels de planification des heures supplémentaires ont également été envoyés aux chefs d’équipe de la région de l’Ouest. Ils ont indiqué que dans cette région, des possibilités d’heures supplémentaires étaient offertes à tous les ASP. Des agents principaux ont été affectés aux renouvellements de l’évaluation des demandes de prestations.

[16] En limitant les demandes d’heures supplémentaires seulement aux agents de niveau 2XP dans la région de l’Ontario, l’employeur a effectivement établi une distinction entre les groupes d’employés en fonction de la capacité de respecter les mesures de rendement. Les agents de niveau 2XP sont sélectionnés parmi le groupe d’agents principaux en fonction des mesures de productivité et suivent ensuite une formation supplémentaire leur permettant d’effectuer des calculs et d’autres opérations au téléphone avec les clients. Ils partagent la même classification, la même description de travail et les mêmes fonctions de base avec les agents principaux.

[17] Les éléments de preuve des fonctionnaires, y compris la déclaration de témoin d’un agent de niveau 2XP qui a accompli du travail pendant des heures supplémentaires, ont démontré que les affectations à accomplir pendant des heures supplémentaires comprenaient les renouvellements de l’évaluation des demandes de prestations, ce que les agents principaux pouvaient accomplir. Les éléments de preuve ont également démontré que dans la région de l’Ouest, les tâches liées aux heures supplémentaires étaient regroupées afin de permettre aux agents principaux de traiter les renouvellements de l’évaluation des demandes de prestations tandis que leurs collègues de niveau 2XP accomplissaient les tâches de calcul plus complexes.

[18] Les fonctionnaires étaient qualifiés à exécuter au moins une partie du travail offert pendant des heures supplémentaires de juin 2014 à avril 2015 – au minimum, les renouvellements de l’évaluation des demandes de prestations qui faisaient partie de la catégorie plus générale de l’évaluation des demandes de prestations de niveau 1.

[19] Le système de répartition des heures supplémentaires aux employés à ce lieu de travail est semblable, sinon identique, au système dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (ministère de l’Emploi et du Développement social), 2014 CRTFP 11 (« AFPC 2014 »). L’employeur décide quels employés doivent obtenir une demande, leur présente une demande, puis répartit les heures supplémentaires de manière égale entre ceux qui sont intéressés, disponibles et qualifiés. Cette façon de faire devrait permettre une répartition équitable des heures supplémentaires, à moins que les employés ne soient arbitrairement exclus des demandes. Dans le présent cas, le caractère équitable de la répartition des heures supplémentaires doit être déterminé en examinant les demandes, ainsi que leurs résultats.

[20] La disponibilité des fonctionnaires à travailler des heures supplémentaires doit être supposée, puisqu’ils n’ont pas eu l’occasion de l’indiquer. Le fait qu’ils aient déposé un grief indique qu’ils estiment qu’ils auraient été disponibles pour certaines des heures supplémentaires offertes au cours de l’année.

[21] Il est ressorti des éléments de preuve que les fonctionnaires étaient qualifiés pour une partie du travail disponible, mais pas pour la totalité. On pourrait en dire autant de n’importe quel groupe d’employés. Les employés de niveau 2XP n’étaient pas nécessairement qualifiés pour exercer toutes les fonctions. De plus, les employés classifiés au groupe et au niveau CR‑03 ont probablement effectué un travail différent de ceux classifiés aux groupes et aux niveaux PM‑01 ou PM‑03.

[22] L’employeur utilise un système national automatisé pour affecter le travail. Par conséquent, les renouvellements de l’évaluation des demandes de prestations qui sont affectés aux agents principaux de la région de l’Ouest démontrent que cela aurait pu et aurait dû être fait dans la région de l’Ontario. Le fait de permettre aux agents principaux de la région de l’Ouest de traiter les renouvellements de l’évaluation des demandes de prestations, mais pas à ceux de la région de l’Ontario, était arbitraire et n’avait aucun lien avec une nécessité du service.

[23] La convention collective exige que l’employeur « s’efforce autant que possible » de répartir de manière équitable les fonctions à exercer pendant les heures supplémentaires. Il s’agit notamment d’organiser la répartition des travaux disponibles afin de permettre à tous les employés de travailler des heures supplémentaires et de ne pas limiter les possibilités d’heures supplémentaires aux employés à rendement élevé seulement. L’employeur n’avait qu’à créer des files d’attente de travail qui auraient permis à des agents autres que ceux de niveau 2XP de travailler les heures supplémentaires. Dans le présent cas, l’employeur s’est contenté de laisser les renouvellements dans la pile plus grande des évaluations des demandes de prestations et d’affecter tous les travaux uniquement aux agents de niveau 2XP. En ne déployant aucun effort pour inclure les agents principaux, l’employeur a agi de manière arbitraire et a contrevenu à la convention collective.

[24] Des décennies de jurisprudence de la Commission portant sur l’article 28 de la convention collective ont établi qu’il est interdit de répartir les possibilités d’heures supplémentaires en fonction de la productivité d’un groupe d’employés plutôt que d’un autre. Le critère de contrôle pour déterminer si les heures supplémentaires ont été réparties de manière équitable a été confirmé dans Canada (Procureur général) c. Bucholtz, 2011 CF 1259, soit une décision de la Cour fédérale qui a énoncé trois facteurs à prendre en considération :

1) le caractère équitable de la répartition doit être mesuré sur une période raisonnable;

2) le caractère équitable de la répartition est évalué en comparant les heures assignées au fonctionnaire s’estimant lésé ou aux fonctionnaires s’estimant lésés à celles assignées à des employés se trouvant dans une situation analogue au cours de la période en question;

3) la Commission doit examiner s’il existe d’autres facteurs pouvant expliquer la disparité entre les heures travaillées.

 

[25] AFPC 2014 est une décision plus récente concernant les mêmes parties et des faits semblables. Dans cette décision, la Commission a conclu que lorsque les heures supplémentaires sont réparties entre les employés qui ont reçu une demande et qui ont fait part de leur intérêt, la portée de la demande doit être conforme aux exigences de la convention collective en matière de répartition équitable. Cela signifie que tous les employés disponibles et qualifiés qui peuvent exécuter le travail doivent être inclus dans la demande. Au paragraphe 53, la Commission a expressément conclu que le fait de limiter les heures supplémentaires aux employés qui traitaient de l’assurance‑emploi et qui exécutaient normalement le travail pour lequel des heures supplémentaires étaient requises, tout en excluant les employés d’une autre unité qui étaient en mesure d’exécuter le travail, contrevenait à la convention collective :

53 Il est ressorti de la preuve qu’à plusieurs occasions, l’employeur a limité le travail de traitement de niveau 2 aux employés qui exécutaient normalement ce travail. Ces circonstances sont semblables à celles de Bretzel, Conrad et Johnston. Dans Bretzel, l’arbitre de grief a déterminé que, pour ce faire, la convention collective devrait prévoir que les heures supplémentaires devaient être réparties entre [traduction] « […] les employés facilement disponibles et compétents qui sont normalement affectés à du travail nécessitant de faire des heures supplémentaires […] », et a rejeté cette approche comme étant une interprétation n’étant pas étayée par la convention collective. Les affaires Conrad et Johnston ont ensuite pris appui sur cette décision.

 

[26] Dans Dewit c. Agence du revenu du Canada, 2016 CRTEFP 40, la Commission a conclu que le fait de limiter les offres d’heures supplémentaires aux secteurs de travail habituels des employés et d’exclure les employés qui sont par ailleurs qualifiés pour les exécuter constituait une violation de la convention collective. La Commission s’est appuyée sur le fait que la description de travail et la classification des employés affectés au travail étaient identiques à celles des fonctionnaires s’estimant lésés. Dewit appuie la proposition selon laquelle le fait de limiter les offres d’heures supplémentaires à une unité au sein des activités de l’employeur, sans nécessité du service, sera jugé arbitraire.

[27] La Commission doit déterminer si les fonctionnaires étaient qualifiés et disponibles pour exécuter le travail. S’ils l’étaient et qu’ils n’ont pas eu la possibilité de participer aux heures supplémentaires, l’employeur peut alors fournir des raisons fondées sur la nécessité du service pour expliquer la raison pour laquelle ils n’ont pas été inclus. Si ces raisons sont jugées arbitraires, le grief doit être accueilli. Casper c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CRTFP 27, confirme que lorsqu’un employeur cherche à s’appuyer sur la prestation d’un programme de formation pour soutenir que les fonctionnaires s’estimant lésés n’étaient pas qualifiés, il doit indiquer l’aspect du travail à exécuter pendant des heures supplémentaires qu’ils n’étaient pas en mesure d’exécuter. Il doit également déployer des efforts équitables pour évaluer leurs qualifications par rapport au travail à exécuter.

III. Les éléments de preuve et les arguments de l’employeur

[28] L’employeur a soutenu que le syndicat avait mal interprété les exigences de la convention collective en ce qui a trait à la répartition équitable des heures supplémentaires et qu’il avait tenté d’élargir de façon inadmissible les questions dont la Commission est saisie en faisant référence à la disponibilité de la formation et à de supposés commentaires formulés au cours de la procédure de règlement des griefs. L’employeur a offert des possibilités d’heures supplémentaires de façon équitable aux employés qui étaient disponibles et qualifiés pour exécuter le travail. Le grief doit être rejeté puisque le syndicat n’a pas établi que les fonctionnaires étaient disponibles ou qualifiés pour travailler les heures supplémentaires.

[29] Au moment où le grief collectif a été déposé, tous les fonctionnaires étaient des agents principaux. La formation destinée aux ASP nouvellement embauchés est un programme de neuf semaines en classe axé sur une compréhension générale des lois en matière d’assurance‑emploi et un modèle de service à la clientèle et d’expérience. L’outil de référence commun est présenté aux nouveaux employés. Il contient toutes les procédures et les mises à jour associées aux demandes de prestations et aux prestations d’assurance‑emploi et il est l’un des principaux outils utilisés pendant les appels en direct. Une fois la formation achevée, l’ASP est considéré comme un agent principal. Toutefois, leurs appels et leurs transactions continuent d’être surveillés.

[30] En raison du ralentissement économique de 2008, de nombreux Canadiens ont demandé à avoir accès à l’assurance‑emploi. Cela a créé des arriérés importants en matière de charge de travail, qui ont atteint des niveaux sans précédent. Compte tenu de cette pression relative à la charge de travail, le personnel du Traitement des demandes de prestations d’assurance‑emploi et le centre d’appels de Toronto ont été confrontés à des demandes sans précédent. À titre de réponse stratégique, le programme pilote de niveau 2XP a été lancé dans chaque région, soit à Bathurst, au Nouveau‑Brunswick (région de l’Atlantique); à Regina, en Saskatchewan (région de l’Ouest); à Shawinigan, au Québec (région du Québec); et à Toronto, en Ontario (région de l’Ontario).

[31] Les agents de niveau 2XP ont commencé à travailler au centre d’appels de Toronto en novembre 2010. Ils avaient suivi une formation supplémentaire de trois semaines afin d’améliorer les taux de règlement au premier contact, et ils disposaient d’un niveau de pouvoir plus élevé. Comme les agents principaux, ils travaillent au téléphone et utilisent les procédures de l’outil de référence commun, mais ils ont suivi une formation leur permettant de traiter des demandes de renseignements différentes et plus complexes.

[32] Les agents de niveau 2XP peuvent verser des paiements, ainsi que mettre au point et régler les demandes de prestations initiales et tous les types de renouvellements de demandes de prestations, y compris les prestations parentales, de maternité et de maladie. Ils peuvent effectuer des examens des demandes de prestations, y compris des recalculs et des recalculs de la PPNE. Ils peuvent traiter de questions relatives aux relevés d’emploi, y compris la détermination d’une raison non contentieuse d’une cessation d’emploi. Ils ont également accès à d’autres systèmes, comme le [traduction] « Système de soutien de l’agent », un programme qui permet aux agents de calculer les demandes de prestations initiales et les recalculs.

[33] La formation de niveau 2XP est une formation de trois semaines supplémentaires pendant lesquelles les stagiaires n’exécutent pas leur travail régulier consistant à répondre aux appels en direct. La formation met l’accent sur le règlement des demandes de prestations et le traitement des transactions. Elle se divise en trois étapes axées sur le calcul des demandes de prestations et les recalculs, le travail indépendant et les prestations spéciales. Les agents principaux suivent une formation en vue de traiter uniquement les renouvellements des prestations ordinaires et de maladie. En outre, ces deux éléments de travail particuliers pourraient être automatisés sans qu’il soit nécessaire d’obtenir des commentaires des ASP, dans certaines circonstances.

[34] Même si, dans un monde idéal, tous les ASP avaient suivi une formation sur les capacités de niveau 2XP, ils devaient d’abord satisfaire aux critères de performance attendus d’un agent principal avant de suivre la formation nécessaire pour devenir un agent de niveau 2XP. Afin que leur formation soit approuvée, les agents principaux devaient faire preuve d’une solide connaissance du programme et des lois en matière d’assurance‑emploi et démontrer leur capacité à trouver des faits, à fournir des renseignements exacts et à jour et à appuyer les demandeurs de prestations d’assurance‑emploi ayant des demandes de renseignements plus complexes.

[35] Cette formation supplémentaire n’a pas été offerte immédiatement à tous les ASP parce que, à l’époque, ils avaient un taux d’attrition annuel pouvant atteindre 25 %. Les facteurs pris en compte pour identifier les candidats de niveau 2XP étaient équitables et transparents et ont été appliqués de la même façon à tous les agents principaux du centre d’appels de Toronto. Ces facteurs ont été discutés dans les ententes de rendement des fonctionnaires.

[36] Au cours de l’exercice 2014‑2015, le Traitement des demandes de prestations d’assurance‑emploi a été confronté à des pressions accrues relatives à la charge de travail en raison de l’inventaire élevé de demandes de prestations d’assurance‑emploi et des pressions relatives aux travaux de révision et de recalcul. Le Traitement des demandes de prestations d’assurance‑emploi a établi une stratégie de réduction de l’inventaire en deux étapes pour une période de 24 mois, soit d’octobre 2014 à septembre 2016.

[37] L’intérêt pour les heures supplémentaires a été sollicité à l’aide de courriels de demandes hebdomadaires. Une fois que l’approbation des heures supplémentaires a été confirmée, le SNCT les a affectées à tous les employés qualifiés et facilement disponibles. Dans le cadre de la stratégie de réduction de l’inventaire, le SNCT a regroupé automatiquement les éléments de travail en fonction de plusieurs facteurs et les a affectés à des ASP ayant des profils correspondants. Tous les employés ont un profil dans le SNCT qui permet de leur attribuer du travail en fonction de la correspondance des profils. Étant donné que les agents principaux du centre d’appels de Toronto n’étaient pas qualifiés pour exécuter les éléments de travail que le Traitement des demandes de prestations d’assurance‑emploi avait indiqué être destinés à des heures supplémentaires, ils n’ont pas été inclus dans l’envoi des demandes.

[38] Dans le cadre de la stratégie de réduction de l’inventaire, le Traitement des demandes de prestations d’assurance‑emploi dans la région de l’Ontario a commencé à solliciter des heures supplémentaires, chaque semaine, auprès des employés du Traitement des demandes de prestations d’assurance‑emploi et du centre d’appels de Toronto. Les courriels comportant les directives sur les heures supplémentaires envoyés entre juin 2014 et mars 2015 indiquent que les secteurs de travail déterminés par le Traitement des demandes de prestations d’assurance‑emploi nécessitaient une formation en calcul. Ils se composaient principalement d’éléments de travail de l’examen des demandes de prestations de niveau 1 – PPNE, de l’examen des demandes de prestations de niveau 1 – Recalcul régulier et de l’évaluation des demandes de prestations de niveau 1. Il n’est pas contesté que tous les secteurs de travail indiqués être destinés à des heures supplémentaires, à l’exception de l’évaluation des demandes de prestations, ont nécessité une formation de niveau 2XP.

[39] Les changements apportés au SNCT qui ont donné lieu au regroupement d’éléments de travail ont eu lieu après avoir consulté les représentants régionaux et les intervenants. Rien dans les éléments de preuve n’indique que des griefs individuels, collectifs ou de principe ont été déposés pour contester les changements. Même si, auparavant, un élément de travail pouvait contenir plusieurs questions ou mesures à prendre dans un dossier, le nouveau système assurait que chaque élément de travail ne contenait qu’une seule question ou une seule mesure à prendre. Toutefois, deux ou plusieurs éléments de travail seraient « regroupés » et affectés au prochain agent disponible ayant un profil correspondant qui était en mesure de traiter tous les éléments de travail en tant que groupe.

[40] Ces changements ont été instaurés pour des raisons opérationnelles. L’affectation de plusieurs éléments de travail du même dossier de client a réduit la nécessité de les réaffecter manuellement à d’autres agents. Il a permis aux agents de traiter les dossiers d’assurance‑emploi plus rapidement et de manière plus efficace et aux clients de l’assurance‑emploi de recevoir des paiements plus rapidement. Même si les éléments de travail destinés à des heures supplémentaires que le Traitement des demandes de prestations d’assurance‑emploi avait indiqué nécessiter des connaissances et une expérience de niveau 2XP, en raison du regroupement des éléments de travail à compter de l’automne 2014, un élément de travail qui relevait des pouvoirs d’un agent principal pouvait parfois être traité pendant les heures supplémentaires par un agent de niveau 2XP. Toutefois, la grande majorité des éléments de travail destinés à des heures supplémentaires relevaient des pouvoirs du niveau 2XP.

[41] Les rapports sur les heures supplémentaires révèlent que presque tous les éléments de travail du centre d’appels de Toronto au cours de l’exercice 2014‑2015 relevaient des catégories de l’examen des demandes de prestations et de l’évaluation des demandes de prestations et qu’ils exigeaient donc une formation de niveau 2XP. Ces rapports ne contiennent aucune indication selon laquelle les heures supplémentaires consistaient en des renouvellements dont les agents principaux pouvaient traiter. Rien dans les éléments de preuve n’indique qu’un inventaire important d’éléments de travail avait été traité pendant les heures supplémentaires et que les agents principaux étaient qualifiés pour les traiter.

[42] Au cours de l’exercice 2014‑2015, aucun des domaines d’intérêt aux fins des heures supplémentaires que le Traitement des demandes de prestations d’assurance‑emploi avait indiqués ne pouvait être traité par les agents principaux du centre d’appels de Toronto. Le syndicat s’est fondé sur la directive du 14 novembre 2014 concernant les heures supplémentaires pour étayer la proposition selon laquelle les examens des demandes de prestations effectués le 15 novembre 2014 comprenaient des renouvellements et, par conséquent, auraient relevé des pouvoirs des agents principaux. Toutefois, les directives relatives aux heures supplémentaires font référence aux renouvellements des [traduction] « demandes spécialisées », qui sont traitées exclusivement par des agents de niveau 2XP dans la région de l’Ouest. Aucun autre courriel comportant des directives relatives aux heures supplémentaires n’indique les renouvellements en tant que domaine d’intérêt des évaluations des demandes de prestations. De plus, les agents principaux pourraient traiter uniquement certains types de renouvellements, dont une partie était automatisée sans aucun commentaire des ASP.

[43] L’employeur a soutenu que la jurisprudence sur la répartition des heures supplémentaires a toujours conclu qu’il incombe au syndicat d’établir une allégation de répartition inéquitable. La difficulté d’établir ses arguments ne réduit ni n’inverse le fardeau de la preuve et, dans le présent cas, le syndicat ne s’est pas acquitté de son fardeau. Le syndicat n’a pas démontré que les fonctionnaires étaient qualifiés pour exécuter le travail pendant les heures supplémentaires. Ils n’étaient pas qualifiés parce qu’aucun d’entre eux, à l’époque, n’avait suivi la formation en calcul de niveau 2XP nécessaire pour exécuter le travail pendant les heures supplémentaires que le Traitement des demandes de prestations d’assurance‑emploi avait indiqué. Les agents de niveau 2XP suivent une formation supplémentaire pour être en mesure de traiter les éléments de travail dont les agents principaux ne sont pas qualifiés à traiter, comme les évaluations des demandes de prestations initiales, les examens des demandes de prestations et tous les types de prestations spéciales. Leurs documents de formation portent sur des sujets qui ne sont pas traités dans les documents de formation des agents principaux, comme :

1) le calcul des demandes de prestations initiales, y compris la façon de calculer la date de début de la période de prestations, et l’établissement de l’assurabilité;

2) le recalcul des demandes de prestations et le règlement de l’antériorité;

3) le calcul des prestations spéciales, y compris les prestations parentales, de maladie et de maternité.

 

[44] La clause 28.04 de la convention collective n’oblige pas l’employeur à offrir une formation à un employé pour qu’il exécute un travail offert pendant des heures supplémentaires ou qu’il l’informe des possibilités d’heures supplémentaires. Il exige que l’employeur, selon une lecture simple, déploie tous les efforts raisonnables pour offrir des heures supplémentaires aux employés qui sont déjà qualifiés pour le faire. L’accent mis par le syndicat sur la question de savoir si les fonctionnaires auraient dû avoir suivi une formation de niveau 2XP constitue une tentative de contourner le fait qu’ils n’étaient pas qualifiés pour effectuer les heures supplémentaires au sens de la clause 28.04.

[45] La convention collective ne porte pas sur la disponibilité de la formation. Par conséquent, les heures supplémentaires relèvent des droits résiduels de la direction, à l’égard desquels la Commission n’a pas compétence. La Commission ne peut pas interpréter la convention collective de manière à prévoir effectivement une obligation pour l’employeur d’offrir une formation rétroactive à certains employés. La détermination de l’apprentissage, de la formation et du perfectionnement des employés relève de la compétence exclusive de l’employeur (voir l’al. 12(1)a) de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F‑11)).

[46] Même si la Commission devait tenir compte de la disponibilité de la formation, le syndicat n’a pas établi une iniquité à l’égard des agents principaux. L’employeur a établi des attentes claires et a surveillé ses employés individuellement pour en sélectionner certains aux fins de la formation de niveau 2XP. Il avait le droit de le faire avant de consacrer des ressources à une formation supplémentaire de trois semaines et de perdre trois semaines pendant lesquelles un agent n’exécute pas son travail régulier, surtout compte tenu du taux d’attrition élevé des agents principaux à l’époque.

[47] De plus, le fait de procéder ainsi fait en sorte que les employés réussissent en tant qu’agents de niveau 2XP, puisque les employés sélectionnés auraient démontré leur compétence à appliquer les lois en matière d’assurance‑emploi en tant qu’agents principaux avant que des concepts supplémentaires en matière d’assurance‑emploi leur soient présentés. L’employeur a également déployé tous les efforts raisonnables pour offrir un soutien aux employés qui avaient pour objectif de se joindre au programme de niveau 2XP, et bon nombre des fonctionnaires ont fini par suivre la formation et devenir des agents de niveau 2XP.

[48] Le syndicat s’est appuyé sur une déclaration d’un témoin pour étayer la proposition selon laquelle les agents de niveau 2XP ont effectué des renouvellements pendant les heures supplémentaires. Cette déclaration n’a pas été assermentée et ne donne aucune indication de la fréquence, de la quantité ou des dates auxquelles le témoin a traité des renouvellements. La déclaration ne fournit aucun détail sur le type de renouvellements concernés. Le syndicat n’a pas établi que les renouvellements qui pouvaient être traités par des agents principaux étaient plus qu’occasionnels. La preuve documentaire versée au dossier est conforme au caractère occasionnel de ce type de travail, puisque les éléments de travail pouvant être traités par les agents principaux, notamment le renouvellement des prestations ordinaires ou des prestations de maladie, ont été automatisés dans certaines circonstances.

[49] De plus, les changements apportés au SNCT et la stratégie de réduction de l’inventaire ont instauré une nécessité du service qui explique la raison pour laquelle ces éléments de travail auraient pu être parfois affectés à un agent de niveau 2XP pendant les heures supplémentaires. Le SNCT a regroupé des éléments de travail afin que les éléments en suspens puissent être traités par le même agent, afin que les demandes de prestations d’assurance‑emploi soient traitées de manière plus efficace. Ces changements, jumelés à la formation supplémentaire des agents de niveau 2XP, ont réduit au minimum la possibilité qu’un élément de travail soit réaffecté manuellement et ainsi raccourci le temps de traitement.

[50] Par conséquent, même si le Traitement des demandes de prestations d’assurance‑emploi a déterminé des éléments de travail qui exigeaient une formation en calcul en tant qu’objectif des heures supplémentaires, un agent de niveau 2XP peut parfois avoir achevé le traitement des éléments de travail regroupés qui ne faisaient pas l’objet des heures supplémentaires. Les éléments de travail qui ont été traités dans ces circonstances n’auraient pas été exécutés pendant des heures supplémentaires s’ils n’avaient pas été regroupés avec un autre élément de travail nécessitant une formation de niveau 2XP. Rien dans les éléments de preuve n’indique un inventaire important d’éléments de travail que les agents de niveau 2XP ont traité pendant des heures supplémentaires que les agents principaux auraient pu traiter. Les domaines d’intérêt désignés aux fins des heures supplémentaires nécessitaient une formation en calcul, que les agents principaux n’avaient pas suivi.

[51] Les agents de niveau 2XP ne peuvent pas être considérés comme des employés se trouvant dans la même situation en vertu du critère énoncé dans Bucholtz. La question quant au caractère équitable en vertu de ce critère ne se pose pas, et le grief doit être rejeté, car le syndicat n’a pas identifié d’employés se trouvant dans la même situation, mais plutôt des employés de niveau 2XP ayant suivi une formation que les agents principaux n’ont pas suivi.

[52] Le fait que les employés de niveau 2XP avaient la même classification et la même description de travail n’est pas déterminant parce que, contrairement à Dewit, les agents principaux n’avaient jamais exercé auparavant les fonctions de calcul des agents de niveau 2XP. L’employeur a fourni des éléments de preuve suffisants de la formation spécialisée requise avant qu’un agent principal puisse exécuter les fonctions de calcul de niveau 2XP.

[53] Les arguments du syndicat reposaient sur le fait que tous les fonctionnaires auraient été disponibles pour travailler toutes les heures supplémentaires au cours de l’exercice 2014‑2015. Toutefois, le syndicat n’a pas démontré que l’un ou l’autre des fonctionnaires était facilement disponible pour travailler des heures supplémentaires à l’une des dates auxquelles des heures supplémentaires avaient été offertes. Le seul fait qu’ils aient déposé un grief est insuffisant pour établir qu’ils étaient facilement disponibles.

IV. La réponse du syndicat

[54] Sans preuve, l’employeur a déclaré qu’aucun des domaines d’intérêt que le Traitement des demandes de prestations d’assurance‑emploi avait identifiés pour les heures supplémentaires n’aurait pu être traité par les agents principaux du centre d’appels de Toronto. Il n’a pas nié que des éléments de travail avaient été traités pendant les heures supplémentaires que les agents principaux auraient pu traiter, mais les a décrits comme « occasionnels », sans preuve de la quantité réelle des renouvellements qui ont été inclus dans les tâches d’évaluation des demandes de prestations.

[55] L’employeur n’a pas abordé un élément clé des éléments de preuve du syndicat, qui démontrait que dans d’autres parties de ses activités, l’employeur était en mesure d’organiser les heures supplémentaires du Traitement des demandes de prestations d’assurance‑emploi en vue d’inclure les agents principaux dans la répartition des heures supplémentaires.

[56] En ce qui concerne l’automatisation de certains renouvellements de demandes de prestations, même si cela était possible, elle était relativement nouvelle et loin d’être courante au moment du dépôt du grief. Cela a été démontré par l’admission de l’employeur selon laquelle les agents de niveau 2XP se voyaient attribuer ces tâches et par son affirmation selon laquelle leur regroupement avec d’autres créait des gains d’efficience.

[57] L’employeur propose qu’un fonctionnaire s’estimant lésé doit démontrer qu’il n’a pas bénéficié d’un nombre [traduction] « important » d’heures supplémentaires. Cela ne fait pas partie du critère que la Cour fédérale a accepté dans Bucholtz; en fait, la Commission a accordé des réparations à des fonctionnaires s’estimant lésés qui avaient été injustement exclus d’un seul quart d’heures supplémentaires (voir Casper, au par. 21).

[58] L’argument de l’employeur selon lequel les fonctionnaires ne se trouvaient pas dans la même situation que les agents de niveau 2XP est simplement le différend au sujet des qualifications des fonctionnaires formulé différemment. La véritable question consiste à savoir si l’exigence de la convention collective selon laquelle l’employeur doit déployer tous les efforts raisonnables pour répartir de manière équitable les heures supplémentaires s’applique au moment où l’employeur organise les tâches qui seront affectées comme des heures supplémentaires. Dans l’affirmative, les fonctionnaires se trouvaient donc dans une situation semblable à celle de leurs collègues de niveau 2XP.

V. Allégation de pratique déloyale de travail – Les arguments des parties

[59] Le syndicat a allégué qu’à l’audience du grief au premier palier, le gestionnaire Steven Halfyard avait laissé entendre que si le grief était poursuivi, il était possible que des heures supplémentaires cessent d’être affectées au centre d’appels de Toronto. Lors d’une réunion ultérieure, la directrice Indira Persaud a reconnu ce commentaire, a indiqué qu’il était inapproprié et a assuré les fonctionnaires qu’il n’y aurait aucune mesure de représailles pour avoir poursuivi le grief. Le syndicat a présenté plusieurs déclarations assermentées à cet effet de la part de personnes qui étaient présentes lorsque l’une ou l’autre de ces déclarations ont été faites.

[60] Le syndicat a soutenu que la menace de M. Halfyard équivalait à un aveu que l’employeur tient compte d’éléments non pertinents (comme le fait qu’un groupe d’employés ait présenté un grief au sujet d’une affectation d’heures supplémentaires) lorsqu’il prend des décisions relatives aux heures supplémentaires. Si l’employeur avait donné suite à ce commentaire, il aurait clairement fait preuve de mauvaise foi. Le commentaire selon lequel le dépôt d’un grief pourrait avoir une incidence sur les affectations d’heures supplémentaires a amené les fonctionnaires à se demander si d’autres considérations inappropriées, comme les normes de productivité, avaient été prises en considération dans le processus décisionnel de l’employeur. La volonté manifeste de l’employeur de tenir en otage les heures supplémentaires afin d’exercer une pression sur les fonctionnaires pour qu’ils retirent leur grief devrait amener la Commission à remettre en question les justifications de l’employeur de les exclure du travail affecté en heures supplémentaires.

[61] L’employeur a déclaré que si M. Halfyard avait l’occasion de témoigner, il nierait avoir dit que si le grief était poursuivi, les heures supplémentaires pourraient cesser d’être affectées au centre d’appels de Toronto. M. Halfyard n’a pas le pouvoir de prendre ce genre de décision et, quoi qu’il en soit, l’allégation n’était pas pertinente au présent cas. Afin que la Commission l’examine, un grief en vertu de la clause 18.06 de la convention collective ou une plainte de pratique déloyale de travail en vertu de l’alinéa 190(1)g) et du paragraphe 186(2) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) aurait dû être déposé. L’employeur a soutenu en outre que, même si cela pouvait être considéré comme faisant partie du présent grief, le syndicat a admis que la supérieure de M. Halfyard, Mme Persaud, avait fourni l’assurance selon laquelle aucune mesure de représailles ne serait prise pour avoir poursuivi le grief.

VI. Motifs de décision

[62] La clause 28.04 de la convention collective exige ce qui suit :

a) Sous réserve des nécessités du service, l’Employeur s’efforce autant que possible de ne pas prescrire un nombre excessif d’heures supplémentaires et d’offrir le travail supplémentaire de façon équitable entre les employé‑e‑s qualifiés qui sont facilement disponibles.

(a) Subject to operational requirements, the Employer shall make every reasonable effort to avoid excessive overtime and to offer overtime work on an equitable basis among readily available qualified employees.

[…]

 

A. Des exigences de productivité ont‑elles été imposées à l’affectation des heures supplémentaires en violation de la convention collective?

[63] Le syndicat a fait valoir qu’en utilisant des exigences de productivité comme fondement pour offrir aux agents principaux une formation de niveau 2XP et en affectant les tâches d’heures supplémentaires uniquement aux agents de niveau 2XP, l’employeur a effectivement imposé des exigences de productivité à l’affectation des heures supplémentaires. Je n’accepte pas cet argument. Même si l’employeur a fait de la productivité une exigence pour la formation de niveau 2XP, rien dans les éléments de preuve n’indique qu’il a affecté les heures supplémentaires en fonction de la productivité. Il ressort des éléments de preuve que l’employeur a affecté les heures supplémentaires en fonction de ce qu’il a estimé être le travail à exécuter. Le présent cas ne concerne que l’affectation des heures supplémentaires. Il ne concerne pas la façon dont l’employeur a créé la catégorie des ASP de niveau 2XP ou la façon dont il a sélectionné les employés aux fins de la formation pour devenir des agents de niveau 2XP.

B. L’obligation de l’employeur d’organiser le travail afin d’assurer une répartition équitable des heures supplémentaires.

[64] Le syndicat a fait valoir que certains travaux ont été affectés à titre d’heures supplémentaires alors que les fonctionnaires étaient qualifiés pour les exécuter, que l’employeur n’a déployé aucun effort pour leur présenter des demandes relatives aux affectations d’heures supplémentaires malgré l’avoir fait dans la région de l’Ouest, et que les fonctionnaires n’ont exécuté aucun travail pendant des heures supplémentaires au cours de la période pertinente, tandis que leurs collègues de niveau 2XP ont eu de nombreuses possibilités de travailler des heures supplémentaires.

[65] Il n’est pas contesté que les agents principaux n’avaient pas suivi la formation que les agents de niveau 2XP avaient suivie, et qu’ils n’étaient donc pas qualifiés pour exécuter une grande partie du travail qui faisait l’objet des heures supplémentaires pendant la période pertinente. Toutefois, il n’est pas contesté non plus que les fonctionnaires (tous les agents principaux) étaient qualifiés pour faire certains des travaux à exécuter pendant les heures supplémentaires.

[66] La question consiste à savoir si l’exigence de la convention collective selon laquelle l’employeur doit déployer tous les efforts raisonnables pour répartir de manière équitable les heures supplémentaires s’applique au moment où il organise les tâches qui seront affectées comme des heures supplémentaires. Je crois que oui. En l’absence d’une raison convaincante de ne pas procéder ainsi, la clause 28.04 de la convention collective exigeait que l’employeur déploie tous les efforts raisonnables pour organiser ses heures supplémentaires de manière à ce que tous les ASP (agents principaux et agents de niveau 2XP) puissent être inclus dans sa répartition.

[67] L’employeur a reconnu, dans son argumentation, que les fonctionnaires étaient qualifiés pour exécuter une partie du travail. Toutefois, il a souligné que ce travail n’était pas [traduction] l’« objectif » des affectations d’heures supplémentaires, qu’il ne représentait qu’une petite partie du travail et qu’il n’était inclus que parce qu’il était automatiquement regroupé au travail qui était l’objectif des heures supplémentaires :

[Traduction]

[…]

39. […] en raison du regroupement des éléments de travail à compter de l’automne 2014, un élément de travail qui relevait des pouvoirs d’un agent principal peut avoir été parfois traité pendant les heures supplémentaires par un agent de niveau 2XP. Toutefois, la grande majorité des éléments de travail traité pendant les heures supplémentaires par des agents de niveau 2XP était au niveau des pouvoirs du niveau 2XP.

40. […] Rien dans les éléments de preuve n’indique qu’un inventaire important d’éléments de travail a été traité pendant les heures supplémentaires à l’égard duquel les agents principaux étaient qualifiés pour les traiter […]

[…]

53. […] Il n’est pas contesté que tous les secteurs de travail indiqué être destinés à des heures supplémentaires, à l’exception de l’évaluation des demandes de prestations, ont nécessité une formation de niveau 2XP.

[…]

55. De plus, les changements apportés au SNCT et la SRI ont instauré une nécessité du service qui explique la raison pour laquelle ces éléments de travail auraient pu être parfois affectés à un agent de niveau 2XP pendant les heures supplémentaires. Le SNCT a regroupé des éléments de travail afin que les éléments en suspens puissent être traités par le même agent, afin que les demandes de prestations d’assurance‑emploi soient traitées de manière plus efficace […] Par conséquent, même si le Traitement des demandes de prestations d’assurance‑emploi a déterminé des éléments de travail qui exigeaient une formation en calcul en tant qu’objectif des heures supplémentaires, un agent de niveau 2XP peut parfois avoir achevé le traitement des éléments de travail regroupés qui ne faisaient pas l’objet des heures supplémentaires. Les éléments de travail qui ont été traités dans ces circonstances n’auraient pas été exécutés pendant des heures supplémentaires s’ils n’avaient pas été regroupés avec un autre élément de travail nécessitant une formation de niveau 2XP.

[…]

[Je mets en évidence]

 

[68] Il n’est pas contesté que le travail pour lequel les fonctionnaires étaient qualifiés représentait une petite partie du travail à exécuter pendant les heures supplémentaires. Les éléments de preuve ne permettent pas de savoir clairement s’il était aussi minime que l’employeur l’a décrit. Toutefois, même si c’était le cas, cela ne permettrait pas de trancher la question (voir Casper). L’exigence énoncée à la clause 28.04 ne se limite pas aux scénarios où une quantité importante d’heures supplémentaires doit être offerte.

[69] L’employeur n’a fourni aucune une raison convaincante pour laquelle les agents principaux n’auraient pas pu être inclus dans les demandes d’heures supplémentaires pour exécuter du travail pendant des heures supplémentaires à l’égard duquel ils étaient qualifiés. Il n’a pas nié qu’ils avaient été inclus dans les demandes dans la région de l’Ouest et il n’a pas expliqué la raison pour laquelle, étant donné cela, ils ne pouvaient pas être inclus dans les demandes dans la région de l’Ontario.

[70] Il était peut‑être plus facile et plus rapide de laisser le SNCT automatisé regrouper les tâches et affecter le travail à exécuter pendant les heures supplémentaires en conséquence, mais ce faisant, on ne peut pas dire que l’employeur a déployé tous les efforts raisonnables pour répartir les heures supplémentaires de manière équitable. Il semble plutôt qu’aucun effort n’ait été déployé pour affecter des heures supplémentaires de manière à ce que les agents principaux puissent être inclus, comme ils l’ont été dans la région de l’Ouest. Cela ne répond pas à la norme imposée par la convention collective.

[71] Le syndicat s’est acquitté de son fardeau de la preuve. Il a établi que l’employeur avait affecté des heures supplémentaires à l’égard desquelles les fonctionnaires étaient qualifiés sans les inclure dans ses demandes ou offres d’heures supplémentaires. Il n’était pas loisible à l’employeur de simplement regrouper le travail à l’égard duquel les agents principaux étaient qualifiés avec le travail qu’ils ne pouvaient pas exécuter, puis de les exclure des demandes d’heures supplémentaires parce qu’ils n’étaient pas qualifiés. Cela va à l’encontre de la lettre et de l’esprit de la disposition de la convention collective, qui exige une répartition équitable des heures supplémentaires.

C. Les fonctionnaires étaient‑ils facilement disponibles?

[72] L’employeur a soutenu que le syndicat n’avait pas démontré que l’un ou l’autre des fonctionnaires était facilement disponible pour travailler des heures supplémentaires à l’une des dates auxquelles les heures supplémentaires étaient offertes et que le simple fait de déposer un grief ne suffisait pas à établir leur disponibilité. Le syndicat a fait remarquer que la question relative à la disponibilité a été tranchée dans AFPC 2014 en fonction de faits identiques, comme suit :

[…]

49 En ce qui concerne la disponibilité des employés pour faire des heures supplémentaires, la pratique de l’employeur était de demander des volontaires, par la voie de sollicitations. […] comme l’employeur avait exclu les fonctionnaires de certaines sollicitations pour effectuer du traitement de niveau 2 en heures supplémentaires, même s’ils avaient les compétences nécessaires pour faire ce travail […] Par conséquent, le seul moyen pour eux de manifester leur intérêt et de signifier leur disponibilité était de déposer des griefs, ce qu’ils ont fait. Je constate que l’employeur n’a pas produit de preuve montrant que les fonctionnaires n’étaient pas « facilement disponibles » pour travailler ou qu’ils n’avaient pas réellement l’intention d’effectuer des heures supplémentaires si elles leur avaient été offertes.

[…]

 

[73] Le syndicat a fait valoir que, dans le contexte d’un grief collectif concernant 36 fonctionnaires qui soutiennent qu’ils se sont vu refuser l’accès à plus de 130 heures supplémentaires en raison d’une décision stratégique de l’employeur, la Commission ne devrait pas exiger de preuve directe de chaque fonctionnaire quant à ce qu’il a fait au lieu de travailler des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été offertes. L’approche décrite dans AFPC 2014 est tout à fait appropriée pour ce type de grief. Par contre, la décision que l’employeur a invoquée pour affirmer qu’il faut fournir des éléments de preuve directs portait sur une seule possibilité d’heures supplémentaires qui n’avait pas été offerte.

[74] Je suis d’accord avec l’argument du syndicat à cet égard et j’adopte l’approche adoptée dans AFPC 2014. Dans le présent cas également, l’employeur n’a présenté aucun élément de preuve selon lequel les fonctionnaires n’étaient pas facilement disponibles. Il a organisé ses heures supplémentaires de manière à ce que les fonctionnaires, même s’ils étaient qualifiés pour une partie du travail, étaient exclus. Il ne pouvait donc pas soutenir qu’ils devraient être tenus de prouver leur disponibilité pour des heures supplémentaires pour lesquelles ils n’ont reçu aucune demande.

D. Allégation de pratique déloyale de travail

[75] Face à plusieurs déclarations assermentées de témoins qui étaient présents lors du commentaire de M. Halfyard ou lorsque Mme Persaud a reconnu ce commentaire, l’employeur a simplement déclaré que si M. Halfyard avait eu l’occasion de témoigner, il aurait nié l’avoir prononcé. Je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que M. Halfyard a prononcé un commentaire indiquant que le centre d’appels de Toronto pourrait cesser de recevoir des offres d’heures supplémentaires si le grief était poursuivi. Le fait qu’il ne disposait pas du pouvoir pour prendre de telles décisions, comme l’a fait valoir l’employeur, n’est pas pertinent. Il était gestionnaire et le fait de prononcer une telle déclaration ne pouvait qu’être interprété comme un avertissement.

[76] Le syndicat a laissé entendre que ce commentaire démontrait que l’employeur avait pris en compte des questions non pertinentes lorsqu’il prenait des décisions concernant les heures supplémentaires et que, s’il avait donné suite à ce commentaire, il aurait fait preuve de mauvaise foi. Il a également fait valoir que la volonté manifeste de l’employeur de tenir en otage les heures supplémentaires afin d’exercer une pression sur les fonctionnaires pour qu’ils retirent leur grief devrait amener la Commission à aborder avec méfiance les justifications de l’employeur.

[77] Sans avoir entendu le témoignage, je ne peux pas tirer de telles conclusions. Rien ne prouve que M. Halfyard parlait au nom de l’employeur, et la réponse de Mme Persaud indique qu’il ne parlait pas au nom de l’employeur. Je suis d’accord avec l’employeur pour dire que cette question aurait pu faire l’objet d’une plainte de pratique déloyale de travail ou d’un grief distinct, ce qui n’a pas été le cas. Par conséquent, cette question n’est pas pertinente au présent grief et je constate simplement qu’une déclaration de ce genre, prononcée par un gestionnaire au premier palier de la procédure de règlement des griefs, constitue un exemple très regrettable de mauvaise pratique en matière de relations de travail.

[78] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VII. Ordonnance

[79] Je déclare que l’employeur a enfreint la clause 28.04 de la convention collective.

[80] J’ordonne que les fonctionnaires soient indemnisés pour la perte de la possibilité d’exécuter du travail pendant des heures supplémentaires à l’égard duquel ils étaient qualifiés pendant la période de juin 2014 à avril 2015.

[81] Je renvoie l’affaire aux parties afin qu’elles déterminent conjointement la meilleure façon de calculer la somme de l’indemnité due.

[82] Je demeurerai saisie pour une période de 180 jours à compter de la date de la présente décision dans l’éventualité où les parties éprouvent des difficultés à mettre en œuvre la présente ordonnance.

Le 23 juin 2023.

Traduction de la CRTESPF

Nancy Rosenberg,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.