Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a été embauchée à titre d’employée occasionnelle à temps plein le 26 septembre 2016 – avant l’expiration de son contrat, le 10 novembre 2016, elle a été embauchée pour une deuxième période d’emploi occasionnel à temps plein – le 28 décembre 2016, alors qu’elle était encore une employée occasionnelle, la fonctionnaire s’estimant lésée s’est vu offrir une nomination à temps plein pour une durée indéterminée – la nomination a pris effet le 3 janvier 2017 et, dans le contrat, une période de stage d’un an était précisée – la fonctionnaire s’estimant lésée a accepté l’offre le 28 décembre 2016 et a commencé son stage le 3 janvier 2017 – la fonctionnaire s’estimant lésée s’est acquittée de ses tâches de manière satisfaisante, mais à plusieurs reprises, elle est entrée en conflit avec ses superviseurs et ses collègues – l’employeur craignait qu’elle avait de la difficulté à travailler efficacement avec les autres; il a donc mis fin à son emploi le 14 décembre 2017 – la Commission a jugé que la fonctionnaire s’estimant lésée était en cours de stage, étant donné que l’emploi occasionnel n’est pas assujetti à une période de stage – dans la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13), aucune disposition ne prévoit qu’un employé occasionnel nommé pour une période déterminée puisse être en stage – par conséquent, la période de stage était toujours en vigueur au moment du licenciement – la lettre de renvoi en cours de stage précisait le motif du renvoi, à savoir une incapacité de bien travailler avec d’autres personnes, la poursuite de l’emploi de la fonctionnaire s’estimant lésée n’étant pas appropriée – la Commission s’est livrée à une analyse rigoureuse de la crédibilité des témoignages fournis par la fonctionnaire s’estimant lésée et par les témoins, et a examiné certaines questions relatives à du ouï-dire, notamment concernant une superviseure décédée – la Commission a estimé que la fonctionnaire s’estimant lésée ne s’était pas acquittée du fardeau d’établir que le motif invoqué par l’employeur pour la renvoyer en cours de stage était un subterfuge, un camouflage ou une mesure disciplinaire déguisée – l’employeur n’a pas démontré qu’il était de mauvaise foi dans sa décision de mettre fin à l’emploi de la fonctionnaire s’estimant lésée – la Commission a jugé qu’il était plus probable que la fonctionnaire s’estimant lésée ait reçu un paiement tenant lieu d’avis – par conséquent, la Commission n’avait pas compétence en ce qui concerne le grief.

Ordonnance de fermeture du dossier.

Contenu de la décision

Date: 20230717

Dossier: 566-02-38397

 

Référence: 2023 CRTESPF 72

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations de

travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

Entre

 

bonnie butlin

fonctionnaire s’estimant lésée

 

et

 

Conseil du Trésor

(ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile)

 

employeur

Répertorié

Butlin c. Conseil du Trésor (ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant : James R. Knopp, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée : Elle-même

Pour l’employeur : Kétia Calix, avocate

Affaire entendue par vidéoconférence

du 4 au 8 octobre 2021, du 4 au 8 avril et les 5 et 6 décembre 2022.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1] Bonnie Butlin, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), a été embauchée comme employée occasionnelle à temps plein au Secteur de la gestion des urgences et des programmes de Sécurité publique et Protection civile Canada (l’« employeur ») le 26 septembre 2016. Avant l’expiration de son mandat, soit le 10 novembre 2016, elle a été embauchée pour une deuxième période d’emploi occasionnel à temps plein.

[2] Le 28 décembre 2016, alors qu’elle était encore une employée occasionnelle, la fonctionnaire s’est vu offrir une nomination à temps plein pour une période indéterminée à un poste de conseillère des programmes PM-04. La nomination entrait en vigueur le 3 janvier 2017 et l’entente précisait une période de stage d’un an. Elle a accepté l’offre le 28 décembre 2016 et a commencé sa période de stage le 3 janvier 2017.

[3] La fonctionnaire a exercé ses fonctions de façon satisfaisante, mais à plusieurs reprises, elle a été en conflit avec ses superviseures et ses collègues. Elle était souvent en conflit avec sa superviseure, Susan Howe, qui l’a supervisée de mars 2017 à août 2017, et en juillet 2017, elle a fait part à la direction de son intention de porter plainte pour harcèlement contre cette superviseure, qui a également fait part de son intention d’en déposer une contre la fonctionnaire. La superviseure a finalement quitté le lieu de travail en congé de maladie en août 2017 et n’est pas revenue.

[4] Une deuxième superviseure, Lee-Ann Salmaso, a remplacé à l’occasion Mme Howe et a eu des conflits avec la fonctionnaire qui l’ont parfois fait pleurer. Mme Salmaso a quitté le lieu de travail, invoquant le conflit avec la fonctionnaire comme principale raison pour chercher un emploi ailleurs.

[5] La coordonnatrice nationale de la vérification et directrice des programmes, Anika Boutin, a agi à titre de troisième superviseure de la fonctionnaire à compter d’août 2017 jusqu’au dernier jour d’emploi de cette dernière. La fonctionnaire a également déposé une plainte de harcèlement contre elle.

[6] La fonctionnaire a déposé une plainte pour lieu de travail dangereux en raison des activités d’un collègue dont le bureau était à côté du sien. La sécurité du ministère a déterminé que la plainte n’était pas concluante.

[7] Lors d’une réunion d’évaluation du rendement le 28 septembre 2017, Mme Boutin a exprimé des préoccupations quant à la difficulté de la fonctionnaire à travailler efficacement avec d’autres personnes et que celles-ci se sentaient incompétentes lorsqu’elles interagissaient avec elle. La fonctionnaire a dit à sa superviseure que le stress que ces personnes éprouvaient était probablement dû à leur incapacité de satisfaire les exigences de leurs postes respectifs et que cela n’avait rien à voir avec elle.

[8] L’emploi de la fonctionnaire a pris fin le 14 décembre 2017. La fonctionnaire a déposé son grief le 21 décembre 2017.

[9] Pour les motifs qui suivent, je conclus que l’employeur a mis fin à l’emploi de la fonctionnaire pendant qu’elle était encore en période de stage parce qu’elle n’était pas apte à poursuivre son emploi. Elle était souvent en conflit avec ses superviseures et ses collègues et n’était pas en mesure de travailler efficacement avec les autres. Je n’ai trouvé aucune preuve de subterfuge, de camouflage ou de mesure disciplinaire déguisée de la part de l’employeur. Le licenciement était de nature administrative et non disciplinaire, et la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») n’a pas compétence à son égard.

II. Résumé de la preuve et des témoignages

[10] Tout au long de la période pertinente visée par le grief, Mme Boutin a été la coordonnatrice nationale de la vérification et directrice des programmes de l’employeur et travaillait à son bureau d’Ottawa, en Ontario. Lorsque Lori Goodyear, la directrice générale, a quitté son poste en août 2017, Mme Boutin a agi comme directrice générale.

[11] En sa qualité de directrice générale intérimaire, Mme Boutin supervisait la gestion de l’ensemble du Secteur de la gestion des urgences et des programmes, dont la fonctionnaire faisait partie.

[12] Mme Boutin a déposé en preuve certains documents relatifs à l’embauche de la fonctionnaire. Celle-ci a d’abord été embauchée à un poste d’agente des programmes EC-04 à titre occasionnel au Secteur de la gestion des urgences et des programmes pour une période déterminée du 26 septembre au 30 décembre 2016.

[13] Le 10 novembre 2016, avant l’expiration du mandat pour une période déterminée, la fonctionnaire s’est vu offrir un deuxième mandat à titre d’employée occasionnelle dans le même poste et au même groupe et niveau, du 3 janvier au 10 mai 2017. Avant qu’il ne commence, le 28 décembre 2016, on lui a offert un poste de conseillère en programmes PM-04 pour une période indéterminée, qu’elle a accepté le même jour.

[14] La lettre d’offre indiquait une date de début du 3 janvier 2017 et contenait un paragraphe sur la période de stage, comme suit :

[Traduction]

[…]

Conformément à l’article 61 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, les employés provenant de l’extérieur de la fonction publique sont soumis à une période de stage de 12 mois, à l’exclusion des périodes de congé non payé, de formation linguistique à temps plein ou de congé payé de plus de trente jours consécutifs, ainsi que des périodes de repos dans le cas des employés saisonniers. Votre période de stage se poursuivra lors de toute nomination ou mutation subséquente jusqu’à la fin de la période de stage.

[…]

 

A. Témoignage de Lee-Ann Salmaso

[15] Tout au long de la période visée par le présent grief, Lee-Ann Salmaso était une agente principale des programmes PM-05. À l’occasion, elle a occupé des postes de direction et, à la fin de novembre 2016, elle a remplacé Susan Howe à titre de gestionnaire.

[16] Mme Salmaso a témoigné de sa réticence à assister à l’audience. Selon ses mots, elle a été [traduction] « harcelée » pour y assister et témoigner. Elle a pleuré souvent à la barre des témoins. Elle a déclaré que les interactions avec la fonctionnaire l’avaient traumatisée à un point tel qu’elle [traduction] « n’a même pas pu prononcer le nom de la fonctionnaire pendant environ un an » après son départ en septembre 2017 pour travailler ailleurs. Elle a témoigné que l’une des principales raisons de son départ était le stress causé par ses interactions avec la fonctionnaire.

[17] Mme Salmaso a témoigné d’un incident avec la fonctionnaire le premier jour d’une de ses affectations intérimaires, soit le 28 novembre 2016. La fonctionnaire était une employée occasionnelle à ce moment-là, mais on s’attendait à ce qu’elle soit embauchée pour une période indéterminée. Elle a rencontré Mme Salmaso à son bureau, exigeant sa lettre d’offre d’emploi pour une période indéterminée. Mme Salmaso a participé à la préparation des documents nécessaires pour faire passer la fonctionnaire de son poste d’employée occasionnelle à une nomination pour une période indéterminée.

[18] Mme Salmaso a témoigné que le matin du 28 novembre 2016, elle a expliqué à la fonctionnaire que les processus des ressources humaines (RH) n’étaient pas encore terminés et qu’elle recevrait sa lettre d’offre bientôt.

[19] Mme Salmaso a témoigné qu’à ce moment-là, la fonctionnaire est devenue enragée et l’a interrompue à plusieurs reprises lorsqu’elle tentait de lui expliquer que sa lettre d’offre n’avait pas encore été finalisée. Mme Salmaso a témoigné que la fonctionnaire avait dit que Mme Howe lui avait dit de venir signer sa lettre d’offre. Mme Salmaso a témoigné qu’elle avait tenté d’expliquer à la fonctionnaire qu’il devait y avoir eu un malentendu, parce que la lettre d’offre n’était pas encore prête, mais qu’elle ne pouvait pas terminer ses phrases parce que la fonctionnaire l’interrompait et parlait plus fort qu’elle. Lorsque la fonctionnaire a contesté ce fait soulevé par Mme Salmaso en contre‑interrogatoire, cette dernière a déclaré ceci : [traduction] « Vous étiez très en colère. Vos yeux sortaient de leurs orbites, vous agitiez les mains et vous parliez très fort, d’une voix agressive. »

[20] Après cette confrontation, qui, selon Mme Salmaso, a duré plusieurs minutes, elle s’est rendue au bureau de la directrice générale, Mme Goodyear, pour relater l’incident et lui suggérer de parler avec la fonctionnaire. Environ trois heures plus tard, Mme Salmaso a de nouveau rencontré Mme Goodyear. Elle a témoigné que Mme Goodyear lui avait dit que la fonctionnaire était venue la rencontrer et qu’elle s’était [traduction] « très bien » comportée avec elle. Mme Salmaso a fait part de ses inquiétudes à Mme Goodyear au sujet de l’offre de nomination pour une période indéterminée, compte tenu du comportement de la fonctionnaire. Mme Salmaso a dit que la haute direction lui avait dit de [traduction] « faire en sorte que cela se produise à tout prix » et de voir à ce que la fonctionnaire soit embauchée avant Noël. Mme Salmaso a témoigné avoir écrit une description positive pour la fonctionnaire, contrairement à ce qu’elle pensait. La lettre d’offre a été finalisée le 28 décembre 2016.

[21] Mme Salmaso a témoigné qu’à une autre occasion, soit du 1er au 21 février 2017, elle avait remplacé Mme Howe à titre de superviseure de la fonctionnaire. Durant cette période, Mme Salmaso a tenu des réunions avec l’équipe, qui comprenait la fonctionnaire, pour discuter des progrès réalisés dans le cadre de ses projets. Elle a témoigné que la fonctionnaire était sur la défensive lorsqu’on lui demandait d’expliquer ses progrès et a dit que la fonctionnaire devenait conflictuelle et agressive.

[22] Mme Salmaso a témoigné que plusieurs fois, les confrontations avec la fonctionnaire l’ont fait pleurer. Elle a déclaré qu’elle craignait de demander des mises à jour à la fonctionnaire parce qu’elle ne savait pas si elle répondrait de façon calme ou explosive.

[23] Mme Salmaso s’est décrite comme une personne non conflictuelle et a dit qu’elle [traduction] « n’avait pas les outils pour faire face à cela ». Elle n’a pas déposé de plainte officielle, mais elle a parlé à des collègues, dont Mme Howe et un ancien enseignant de langue française, du conflit qu’elle vivait avec la fonctionnaire et de ses répercussions sur elle. Ni l’enseignant de français ni Mme Howe n’ont témoigné à l’audience.

[24] Mme Salmaso a témoigné qu’elle se sentait, selon ses mots, [traduction] « totalement détruite » parce que ses interactions avec la fonctionnaire [traduction] « échappaient complètement à son contrôle ». Elle a dit que lorsqu’elle a remplacé Mme Howe, ces événements ont ébranlé sa confiance au point qu’elle a commencé à chercher des possibilités d’emploi ailleurs.

[25] Mme Salmaso a quitté le poste intérimaire le 21 février 2017 pour suivre une formation linguistique. À son retour le 9 mai 2017, elle cherchait activement du travail ailleurs.

[26] À la question de savoir si des incidents impliquant la fonctionnaire se sont produits après son retour de la formation linguistique le 9 mai 2017, Mme Salmaso a déclaré ceci : [traduction] « Je pense que oui, mais je les ai complètement bloqués de ma mémoire. » Elle a témoigné qu’elle n’était pas en mesure de donner des détails sur ses interactions avec la fonctionnaire et qu’elle ne pouvait fournir que de vagues généralités, comme un accès de colère de la fonctionnaire à une réunion avec le personnel du Conseil du Trésor (CT). Mme Salmaso a témoigné avoir été tellement traumatisée par ses interactions avec la fonctionnaire qu’elles ont eu un effet psychologique profond sur elle. En conséquence, elle a dit que ses souvenirs de cette période, soit de mai à son départ en septembre 2017, sont très vagues.

[27] Mme Salmaso a témoigné d’un échange incendiaire qui s’est produit lors d’une réunion de groupe le 26 juillet 2017, à laquelle elle-même, la fonctionnaire, Mme Howe et d’autres personnes étaient présentes, mais elle n’a pu fournir aucun détail précis sur la réunion.

[28] Lorsque la fonctionnaire a demandé à Mme Salmaso, en contre-interrogatoire, d’expliquer ce qu’elle entendait par le mot [traduction] « traumatisée », Mme Salmaso a fondu en larmes. Après un bref ajournement, elle a témoigné que la tendance de la fonctionnaire à l’interrompre et à parler plus fort qu’elle, à élever la voix et à être sur la défensive au sujet de son travail et à adopter un ton agressif a fait en sorte que Mme Salmaso a perdu confiance en elle-même. Mme Salmaso a déclaré qu’elle voulait, selon ses mots, [traduction] « désespérément partir de là ».

[29] À quatre reprises lors de l’interrogatoire principal de Mme Salmaso, la fonctionnaire a interrompu son témoignage et a déclaré que Mme Salmaso mentait. La première fois, j’ai ordonné un ajournement à un endroit privé, que la plateforme de vidéoconférence Zoom appelle une salle de répartition. J’ai eu une discussion privée avec la fonctionnaire et l’avocate de l’employeur au cours de laquelle j’ai expliqué à la fonctionnaire qu’elle devait laisser la témoin parler et qu’elle pouvait contre-interroger la témoin en temps voulu et fournir sa version des événements lorsqu’elle se tiendrait à la barre des témoins plus tard au cours de l’audience.

[30] De retour dans la salle d’audience, cinq minutes plus tard, la fonctionnaire a fait la même chose. Cette fois, je lui ai répété mes instructions dans la salle d’audience. Elle a ensuite interrompu Mme Salmaso à deux autres reprises pour dire la même chose, et à chaque fois, j’ai répété mes instructions à la fonctionnaire de laisser Mme Salmaso terminer son témoignage.

[31] En contre-interrogatoire, la fonctionnaire a demandé à Mme Salmaso si elle se souvenait du moment où elle avait quitté les réunions en larmes pour se retirer dans son bureau, où la fonctionnaire l’avait suivie pour lui demander si elle en était la cause. Mme Salmaso a dit qu’elle ne s’en souvenait pas.

[32] Toujours en contre-interrogatoire, la fonctionnaire a demandé à Mme Salmaso si son anxiété lors des réunions pouvait être due à un faible taux de glycémie. Mme Salmaso a convenu qu’elle peut être bouleversée et émotive lorsque son taux de glycémie est faible, mais elle a répété son affirmation selon laquelle elle avait réagi à la suite du comportement de la fonctionnaire et que cela l’avait fait pleurer.

[33] Lors de son entrevue de fin d’emploi le 6 septembre 2017, Mme Salmaso a témoigné qu’elle avait dit à Mme Boutin qu’elle attendait avec impatience de travailler dans un nouvel endroit, mais qu’elle voulait que Mme Boutin sache que la principale raison de son départ était le stress et l’anxiété qu’elle éprouvait dans ses interactions avec la fonctionnaire.

[34] Mme Boutin a témoigné au sujet de cette entrevue de fin d’emploi. Ses notes de réunion comprennent ses observations manuscrites, comme suit :

[Traduction]

[…]

· Le-Ann a fait savoir qu’elle est très enthousiaste à l’idée de travailler pour [Transports Canada], car ce poste correspond mieux à ce qu’elle veut faire, mais qu’elle est particulièrement heureuse de ne plus travailler avec Bonnie.

· Elle a dit que lorsqu’elle a agi de façon intérimaire dans le passé, Bonnie lui a fait sentir qu’elle n’était pas compétente. Elle a dit qu’elle n’était pas une experte en sécurité, mais qu’elle avait fait de son mieux. Elle a souligné que Bonnie l’avait fait pleurer à plusieurs reprises et qu’elle ne voulait pas partager tous les renseignements avec elle. Je lui ai demandé pourquoi. Elle a dit qu’elle ne savait pas, qu’elle s’était toujours bien comportée avec elle. J’ai demandé si elle l’avait signalé. Le-Ann a dit qu’elle voulait simplement partir et qu’elle ne voulait pas d’ennuis.

 

[35] La fonctionnaire a déposé en preuve un échange de courriels avec Mme Salmaso, dont le ton était cordial. Mme Salmaso y demandait des renseignements, et la fonctionnaire a témoigné qu’elle les avait fournis immédiatement.

B. Témoignage d’Emanuel Thibault

[36] Emanuel Thibault a parlé d’interactions régulières avec la fonctionnaire, tant aux réunions de l’équipe qu’à l’extérieur. Il est actuellement analyste en sécurité à Affaires mondiales Canada. Il a témoigné qu’en mai ou en juin 2017, il s’est joint à l’équipe de la fonctionnaire auprès de l’employeur. Il a témoigné avoir participé à l’aspect technique des projets de l’équipe.

[37] M. Thibault a témoigné d’une réunion d’équipe en particulier qui a eu lieu à l’été 2017 et à laquelle la fonctionnaire, Mme Salmaso et Mme Howe étaient également présentes. Il a dit qu’il ne se rappelait pas beaucoup ce qui s’était passé ou pourquoi parce qu’il était nouveau dans l’équipe à l’époque, mais il a dit que la fonctionnaire avait élevé la voix lorsqu’elle a discuté de quelque chose avec Mme Howe. Il semblait y avoir des tensions entre elles au sujet d’un document qui devait être produit. M. Thibault a décrit Mme Howe comme étant [traduction] « engagée avec intensité, mais qu’elle n’avait pas nécessairement élevé la voix ». Après que les voix se soient élevées, la fonctionnaire a quitté la réunion.

[38] M. Thibault n’a pas soulevé cette question et n’en a parlé à personne parce qu’il ne savait pas de quoi il s’agissait, étant donné qu’il était nouveau dans l’équipe.

[39] Il a témoigné avoir une bonne relation de travail avec la fonctionnaire, qu’il a qualifiée de bien informée sur les questions de sécurité.

[40] M. Thibault a témoigné qu’il avait pris un congé lié au stress à compter d’août 2017 en raison de la tension qui régnait au bureau par rapport à des questions qui ne le concernaient pas. Lorsqu’on lui a demandé en interrogatoire principal s’il avait discuté avec quelqu’un des raisons pour lesquelles il avait besoin d’un congé, M. Thibault a dit qu’il avait parlé brièvement à Mme Boutin, mais qu’il ne se rappelait pas les détails de la conversation.

[41] Mme Boutin a témoigné que M. Thibault s’était présenté avec une note du médecin peu après la réunion du 26 juillet 2017 au cours de laquelle le ton des voix avait monté. Elle a témoigné qu’il lui avait dit que [traduction] « les voix élevées ne sont pas appropriées » et qu’il avait besoin de s’éloigner de l’environnement stressant. Son congé lié au stress devait expirer le 5 septembre 2017, date à laquelle il devait revenir, mais il a fourni une note du médecin qui l’a prolongée jusqu’au 25 septembre 2017.

[42] Le 15 septembre 2017, avant le retour de M. Thibault, Mme Boutin s’est entretenue avec lui pour discuter de questions liées au lieu de travail. Elle a témoigné avoir pris des notes sur leur discussion, qui comprenaient ce qui suit :

[Traduction]

[…]

· Préoccupation concernant l’environnement toxique avant son départ. Il s’est senti vraiment stressé par l’incident de la réunion. Il a dit qu’il n’est pas habitué à ce genre de comportement sur le lieu de travail.

[…]

· Il a dit qu’il estimait que Bonnie ne faisait pas de distinction entre les déficiences physiques et mentales et qu’elle ne croyait pas qu’il pouvait faire le travail.

· Je lui ai demandé s’il y avait quelque chose de précis que je pourrais faire en termes de mesures d’adaptation. Il a dit non. Il a dit qu’il essaierait d’informer sa collègue (Bonnie) sur son handicap.

[…]

 

[43] M. Thibault a témoigné qu’il ne pouvait pas se souvenir de la discussion avec Mme Boutin, qu’elle avait peut-être eu lieu, mais que sa mémoire était trouble.

[44] Presque immédiatement après son retour au travail, M. Thibault a fait l’objet d’une plainte de la fonctionnaire en matière de sécurité au travail. Mme Boutin a témoigné d’une réunion tenue le 26 septembre 2017 avec la fonctionnaire, au cours de laquelle celle-ci lui a dit que le comportement de M. Thibault avait changé, et la fonctionnaire s’est plainte qu’il avait couru après elle dans le couloir, faisant des sons comme « getcha getcha ».

[45] La fonctionnaire s’est plainte auprès de Mme Boutin de M. Thibault. La fonctionnaire a documenté ses préoccupations dans un résumé qu’elle a fourni à Mme Boutin le 26 septembre 2017, qui comprend les observations suivantes :

[Traduction]

[…]

Il apporte régulièrement au bureau du matériel qui n’est pas lié au travail, dans un ou plusieurs sacs […] Hier, il avait une pièce d’équipement sur son bureau au-dessus de ses papiers […] elle avait la forme d’un pistolet […]

[…]

D’après les conversations que j’ai eues avec lui dans le passé et ses médias sociaux : il peut avoir accès à des armes à feu; il a prétendu avoir un permis d’armes à feu à autorisation restreinte […] et a publié des photos de lui vêtu de treillis, arborant de la peinture faciale de camouflage, et de fausses plaques d’identité […]

[…] à au moins deux reprises, j’ai entendu des bruits forts de coups et de claquage venant de son bureau […]

[…]

Hier, il m’a pourchassée dans le couloir menant à mon bureau en faisant des bruits inhabituels – quelque chose comme « getcha, getcha ». J’ai fermé la porte de mon bureau et je me suis demandé si cela pouvait faire partie de son handicap (dont la nature et l’étendue complète ne me sont pas connues) […]

[…]

 

[46] Dans son témoignage principal, la fonctionnaire a déclaré que le 25 septembre 2017 était le premier jour du retour de M. Thibault au bureau. Elle a dit qu’elle se tenait devant la photocopieuse quand il l’a vue. Elle a témoigné qu’il [traduction] « a baissé les mains, a essayé de m’attraper les fesses, en disant “getcha, getcha, getcha” ».

[47] Dans son témoignage principal, la fonctionnaire a déclaré qu’elle craignait que M. Thibault n’apporte une arme à feu au travail et utilise ce qu’elle a appelé un pyromètre pour détecter les sources de chaleur derrière les murs.

[48] Mme Boutin a témoigné avoir reçu la plainte de la fonctionnaire au sujet de M. Thibault et avoir communiqué avec la sécurité ministérielle le même jour pour faire part des préoccupations de la fonctionnaire. Mme Boutin a témoigné avoir jeté un coup d’œil au bureau de M. Thibault le même jour et n’avoir rien trouvé d’extraordinaire, si ce n’est qu’il était, selon elle, [traduction] « un peu en désordre ». Dans un sac de sport ouvert, Mme Boutin a trouvé un petit aspirateur portatif et des vêtements de rechange. Mme Boutin estimait que M. Thibault était généralement amical et extraverti et qu’il ne représentait une menace pour personne.

[49] Mme Boutin a reçu le rapport des enquêteurs sur la plainte concernant la sécurité au travail le vendredi 29 septembre 2017. Selon elle, les enquêteurs ont dit qu’ils avaient aussi examiné le bureau de M. Thibault et qu’ils n’avaient rien trouvé d’inhabituel et qu’ils avaient fermé leur dossier.

[50] Mme Boutin a témoigné avoir parlé à M. Thibault le lundi suivant, soit le 2 octobre 2017, moment auquel il lui a dit qu’en raison de sa déficience, il mange mal et peut parfois baver ou échapper des miettes, de sorte qu’il garde un petit aspirateur à main et des vêtements de rechange dans son sac de sport. Mme Boutin n’a pas divulgué à M. Thibault l’existence de la plainte de la fonctionnaire en matière de sécurité au travail.

[51] Mme Boutin a informé la fonctionnaire que l’enquête sur la sécurité au travail n’avait pas été concluante et a déclaré que si elle le préférait, la fonctionnaire pouvait travailler de chez elle lorsqu’elle le jugeait nécessaire, ce qu’elle a fait.

[52] M. Thibault a témoigné qu’il avait été très enthousiaste à l’idée de tenter de faire partie de l’équipe canadienne paralympique de tir sur cible qui devait se rendre aux Jeux olympiques de Rio de Janeiro en 2016 et qu’il a probablement fait savoir aux gens qu’il avait récemment tenté de faire partie de l’équipe et qu’il avait utilisé des carabines à air comprimé.

[53] M. Thibault a dit au cours de son témoignage qu’il ne se rappelait pas beaucoup ce qui s’était passé pendant qu’il était au bureau et que la fonctionnaire y était aussi. Il ne s’est pas souvenu d’un incident survenu près de la photocopieuse au cours duquel la fonctionnaire a dit qu’il l’avait approchée en disant « getcha, getcha ».

[54] Le contre-interrogatoire de M. Thibault par la fonctionnaire a été très limité en raison de son manque de souvenirs.

C. Témoignage de Mme Boutin

[55] Mme Boutin a témoigné du poste de Mme Howe en tant que gestionnaire des programmes et superviseure de la fonctionnaire au début de la nomination de la fonctionnaire à un poste de durée indéterminée le 3 janvier 2017. Mme Howe suivait une formation linguistique de temps à autre, c’est pourquoi Mme Salmaso a agi comme gestionnaire intérimaire en février 2017. Mme Howe a repris son rôle de supérieure immédiate de la fonctionnaire de mars au 14 août 2017, lorsqu’elle a quitté le lieu de travail pour prendre un congé de maladie et ne jamais revenir.

[56] Mme Howe n’a pas témoigné à l’audience parce qu’elle est décédée.

[57] Lorsque Mme Howe a quitté le lieu de travail pour congé de maladie le 14 août 2017, Mme Goodyear a repris ses fonctions de superviseure de la fonctionnaire. Lorsque, le 24 août 2017, Mme Goodyear a annoncé son départ, elle a désigné Mme Boutin comme gestionnaire et supérieure immédiate de la fonctionnaire. Mme Boutin est demeurée à ce poste jusqu’au licenciement de la fonctionnaire en décembre 2017.

[58] La fonctionnaire a contesté le pouvoir d’agir de Mme Boutin. Elle a déclaré que Mme Boutin faisait partie de la Division de la vérification et que le travail de l’équipe de la fonctionnaire n’était pas de son ressort.

[59] Mme Boutin a remplacé Mme Goodyear le 26 juillet 2017 parce que cette dernière était absente du bureau. Mme Boutin a témoigné avoir travaillé dans son bureau ce matin-là, qui est situé près de la salle de conférence. Elle entendait des voix fortes venant de là, et peu de temps après, les gens ont commencé à en sortir. Mme Salmaso et Mme Howe sont restées là pendant que la fonctionnaire s’est rendue au bureau de Mme Boutin pour lui dire ce qui s’était passé. Mme Boutin a pris note de ce que la fonctionnaire a dit. La fonctionnaire a semblé très contrariée et a dit qu’elle avait l’intention de porter plainte contre Mme Howe pour harcèlement, qui durait depuis septembre 2016 selon la fonctionnaire. Mme Boutin a autorisé la fonctionnaire à faire du télétravail pendant quelques jours, pour désamorcer la situation et permettre une enquête.

[60] Mme Boutin a rencontré Mme Howe plus tard le même jour, et ses notes manuscrites de la réunion ont également été déposées en preuve. Mme Boutin a témoigné que Mme Howe pleurait en raison de la confrontation avec la fonctionnaire à la réunion du matin. Mme Boutin a témoigné que Mme Howe lui avait dit qu’elle et la fonctionnaire avaient discuté de la mesure à prendre dans un dossier donné et que la fonctionnaire n’était pas d’accord avec Mme Howe et qu’elle avait commencé à argumenter en élevant la voix. Mme Boutin a témoigné que Mme Howe lui avait également dit que la fonctionnaire avait été verbalement agressive envers elle et Mme Salmaso et que la fonctionnaire les avait fait pleurer à la suite de réunions conflictuelles. Mme Boutin a témoigné que Mme Howe lui avait dit qu’elle se sentait harcelée par la fonctionnaire et qu’elle avait l’intention de déposer une plainte officielle.

[61] Les notes manuscrites de Mme Boutin sur ces réunions ont été déposées en preuve. La date indiquée en haut de chaque ensemble de notes est « 2017-07-25 ». Mme Boutin a témoigné qu’elle avait fait une erreur en écrivant cette date et qu’elle avait pris les notes près du moment des réunions, lesquelles se sont déroulées dans l’après‑midi du 26 juillet 2017. Elle a également témoigné que la fonctionnaire avait présenté une demande d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels (AIPRP) visant, entre autres, à obtenir des copies des notes manuscrites. Lorsqu’elle a divulgué les notes conformément à la demande d’AIPRP, elle a remarqué qu’elle avait écrit la date incorrectement, de sorte qu’elle l’a corrigée sur les copies des notes qu’elle a fournies conformément à la demande.

[62] En contre-interrogatoire, la fonctionnaire a accusé Mme Boutin d’avoir délibérément retouché la preuve et d’avoir préparé les notes bien après le fait et non le jour en question. Mme Boutin a nié les accusations et a répété son explication. Elle a déclaré qu’elle avait simplement écrit la date incorrectement le 26 juillet 2017, mais qu’elle l’avait corrigée lorsqu’elle a reçu la demande d’AIPRP. Mme Boutin a admis qu’elle n’aurait probablement pas dû modifier la date, mais qu’elle n’avait eu aucun motif ultérieur.

[63] Deux jours plus tard, soit le 28 juillet 2017, Mme Boutin a téléphoné à la fonctionnaire pour discuter de la situation. Mme Boutin a suggéré d’utiliser le processus informel de règlement des différends, mais la fonctionnaire a dit qu’il était trop tard et qu’elle ne voulait plus avoir aucun rapport avec Mme Howe. Mme Boutin lui a demandé de préparer sa plainte et de la mettre par écrit.

[64] Le 10 août 2017, Mme Boutin a envoyé le courriel suivant à la fonctionnaire :

[Traduction]

Bonjour Bonnie,

Demain est mon dernier jour de remplacement et, à ce titre, je veux faire un suivi. Le 26 juillet, à la suite d’une réunion d’équipe, vous avez formulé de sérieuses allégations contre votre gestionnaire. Étant donné que vous sembliez contrariée et compte tenu de la nature de l’allégation que vous m’avez présentée, je vous ai donné l’occasion de travailler à la maison pour le reste de la semaine. J’ai pensé que cela vous donnerait du temps et de la distance pour discuter avec votre syndicat, comme vous m’avez dit en avoir l’intention.

J’ai offert de vous rencontrer ainsi que le syndicat pour discuter de vos allégations, mais vous avez refusé. Afin de m’assurer que j’ai bien compris vos allégations, pour pouvoir prendre les mesures appropriées, j’ai également demandé que vous indiquiez vos allégations par écrit. À ce jour, je n’ai rien reçu de votre part concernant cette question. À ce stade, étant donné le manque de renseignements concernant votre allégation, je devrai considérer cette situation comme close et aucune autre mesure ne sera prise.

Lundi prochain, le 14 août 2017, Lori sera de retour de vacances. S’il devait y avoir des développements ou d’autres incidents, je vous encourage à en discuter avec elle.

[…]

 

[65] La fonctionnaire a répondu le même jour par courriel, comme suit : [traduction] « Veuillez noter que je n’ai pas abandonné les questions, l’affaire est toujours en cours par l’intermédiaire de la représentation syndicale pour le moment. »

[66] Mme Boutin a témoigné qu’à sa connaissance, aucune réunion conjointe dans le cadre du processus informel de règlement des différends n’a jamais eu lieu et que Mme Howe n’a jamais déposé de plainte officielle de harcèlement. La fonctionnaire en a déposé une contre Mme Howe après son licenciement, soit le 4 janvier 2018. Elle en a également déposé une contre Mme Boutin en même temps.

[67] Après le départ de Mme Goodyear, Mme Boutin est devenue la superviseure de la fonctionnaire et a commencé à préparer une évaluation du rendement en septembre 2017. Elle a témoigné des deux parties distinctes de l’évaluation, dont la première consiste en des objectifs de travail se rapportant à la façon dont les buts sont fixés et le travail est exécuté. La deuxième partie décrit les compétences et les comportements attendus.

[68] Mme Boutin a témoigné qu’il n’y avait pas de problème quant à la capacité technique de la fonctionnaire d’atteindre ses objectifs de travail. Elle travaillait à son niveau et son travail était satisfaisant. Mme Boutin avait de sérieuses préoccupations au sujet de la capacité de la fonctionnaire de travailler avec d’autres personnes, étant donné les conflits avec Mme Howe, Mme Salmaso et M. Thibault.

[69] En vue de la réunion, le 6 septembre 2017, Mme Boutin a envoyé un courriel à Bobby Matheson, directeur général, pour lui dire ceci :

[Traduction]

[…]

Je me prépare actuellement à faire l’évaluation de Bonnie. Il me reste quelques notes de Lori G et Susan H sur lesquelles je fonderai mes commentaires et mon évaluation.

J’espère la faire vers la fin de la semaine prochaine. Je voulais simplement vous prévenir, car il est probable que ce soit une discussion difficile qui aura des répercussions, car elle ne répond pas actuellement à certains des objectifs et à certaines des compétences.

 

[70] La fonctionnaire et Mme Boutin se sont rencontrées lors d’une réunion de gestion du rendement le 29 septembre 2017. Elles ont discuté de l’entente de gestion du rendement (EGR) qui a été déposée en preuve. Mme Boutin a témoigné qu’elle avait ouvert l’EGR que Mme Howe avait utilisée le 28 avril 2017 comme base de l’EGR de septembre avec la fonctionnaire.

[71] À la réunion, Mme Boutin a abordé les préoccupations de la fonctionnaire concernant sa sécurité en milieu de travail. Mme Boutin lui a ensuite dit qu’il n’y avait pas de problèmes avec ses capacités techniques. Elle était capable et très passionnée par son travail. Mme Boutin a ensuite dit à la fonctionnaire qu’elle semblait avoir de la difficulté à travailler avec d’autres personnes et à créer un milieu de travail positif.

[72] Mme Boutin a témoigné que la fonctionnaire ne l’avait pas bien pris. La fonctionnaire n’était pas d’accord avec elle et lui a dit qu’elle n’était pas le problème et qu’elle n’était pas responsable du dysfonctionnement du milieu de travail. Elle a dit à Mme Boutin qu’elle n’avait pas de problèmes de communication. La fonctionnaire estimait que ses collègues ne possédaient pas le même degré d’expérience et de compétence et que, selon ses mots, elle [traduction] « portait la charge pour l’ensemble de l’équipe ».

[73] Mme Boutin a témoigné que la fonctionnaire avait refusé de reconnaître qu’elle ne s’entendait pas avec ses collègues. Mme Boutin a témoigné que la fonctionnaire lui avait dit, à la réunion du 29 septembre 2017, qu’elle estimait que les critiques à son égard étaient une farce, que ce n’était pas sa faute si sa gestionnaire était incompétente et qu’elle ne devrait pas en payer le prix.

[74] Dans son témoignage, la fonctionnaire a nié avoir jamais qualifié quiconque d’incompétent.

[75] Mme Boutin a souligné les problèmes survenus avec ses collègues, notamment le fait que M. Thibault a pris un congé lié au stress après la réunion d’équipe du 26 juillet 2017, et que Mme Salmaso et M. Thibault ont informé Mme Boutin qu’ils se sentaient incompétents lorsqu’ils interagissaient avec la fonctionnaire. Mme Boutin a soulevé le fait que Mme Salmaso et Mme Howe lui ont dit qu’elles avaient pleuré après des rencontres stressantes avec la fonctionnaire.

[76] Mme Boutin a suggéré que la fonctionnaire suive un cours d’écoute active, puisqu’elle estimait que cela aiderait la fonctionnaire à régler les problèmes avec ses collègues de travail. Elle a témoigné que la réaction de la fonctionnaire a été de demander si elle subirait des conséquences si elle ne le suivait pas. Mme Boutin a répondu qu’elle pouvait suivre un autre cours tant que l’objectif était atteint. La fonctionnaire a refusé.

[77] Mme Boutin a témoigné que, dans un premier temps, il s’agissait d’une réunion calme, mais après que la question de ses collègues a été soulevée, la fonctionnaire a commencé à argumenter et à l’interrompre et elle ne la laissait pas finir ses phrases. La fonctionnaire a commencé à parler plus fort. Elle était plus conflictuelle que coopérative, et elle a augmenté son agression verbale contre ses collègues. Mme Boutin a témoigné qu’après 90 minutes, elle a estimé que la réunion n’était plus productive parce que la fonctionnaire ne la laissait pas parler. Elle y a donc simplement mis fin et a dit qu’elle pourrait reprendre une fois que la fonctionnaire se serait calmée.

[78] Mme Boutin a préparé un résumé écrit de la réunion, qui a été déposé en preuve.

[79] La fonctionnaire n’a pas suivi le cours d’écoute active, mais s’est inscrite à un cours de deux ans par l’entremise de l’Université Georgetown, qui, selon elle, comportait un volet de communication. Elle a témoigné qu’elle estimait que c’était suffisant.

[80] La fonctionnaire a discuté de la réunion sur l’EGR avec des représentants de son agent négociateur et, le 2 octobre 2017, elle a envoyé à Mme Boutin le courriel suivant :

[Traduction]

Bonjour Anika,

À la suite d’une discussion avec les représentants de mon ministère et de mon syndicat national, je vous demande de tenir une deuxième réunion pour conclure la discussion sur vos commentaires sur mon EGR, étant donné qu’une grande partie du contenu n’a pas été discutée lors de la première réunion. Après avoir terminé la discussion du contenu avec vous à mon retour de vacances le 19 octobre, je pourrais alors la signer conformément à la convention collective.

[…]

 

[81] Mme Boutin a répondu le lendemain, comme suit :

[Traduction]

Bonjour Bonnie,

J’organiserai une discussion de suivi sur l’EGR à votre retour de vacances, car je conviens que nous n’avons pas eu la chance de terminer la discussion. Lorsque j’ai mis fin à la réunion, vous aviez l’air contrarié et votre attitude et votre ton n’étaient ni appropriés ni acceptables. Je comprends que ce n’était pas une conversation facile pour vous et que vous pourriez avoir besoin de temps pour l’assimiler, d’où la raison pour laquelle j’ai proposé de la reprendre plus tard. Je voudrais également vous rappeler que vous pouvez accéder au PAE à tout moment.

Il est vraiment important pour moi de maintenir un lieu de travail positif et respectueux et, à ce titre, je m’attends à un échange respectueux et constructif lors de notre prochaine réunion. Je serai à Victoria quand vous reviendrez de vacances, mais je prévoirai à l’horaire une heure le 23 octobre. Je tiens à ce que vous sachiez que je demeure déterminée à travailler avec vous pour obtenir un résultat positif en ce qui concerne votre EGR de fin d’année.

[…]

 

[82] Mme Boutin a préparé une deuxième EGR de milieu d’année dont elle voulait discuter avec la fonctionnaire lorsqu’elle l’a rencontrée à nouveau. Cependant, elles ne se sont pas rencontrées. Immédiatement avant la réunion, qui était prévue pour le 25 octobre 2017, la fonctionnaire a connu une urgence familiale malheureuse et a été obligée de prendre un congé.

[83] Mme Boutin a témoigné qu’il y avait eu des tentatives infructueuses de planifier la réunion sur l’EGR, mais la fonctionnaire a témoigné qu’une réunion subséquente avait eu lieu. Quoi qu’il en soit, la fonctionnaire n’a jamais signé son EGR.

[84] Le 15 octobre 2017, Mme Boutin a envoyé un courriel à Mme Howe pour lui demander des renseignements sur ses interactions avec la fonctionnaire. Le 16 octobre 2017, elle a reçu la réponse suivante du mari de Mme Howe :

[Traduction]

[…]

Je suis le mari de Susan Howe et elle m’a parlé de votre demande de soutien par courriel pour l’évaluation d’une employée.

Tout d’abord, je suis surpris que vous envoyiez une demande d’assistance alors que Susan est en congé de maladie.

Deuxièmement, et surtout, puisque l’employée conteste votre évaluation, il est juste de supposer qu’elle contestera toute contribution de quiconque. Par conséquent, le fait de demander à Susan de répondre à ce moment-ci, alors qu’elle est en congé de maladie, est une invitation à continuer à assumer la responsabilité de sa participation à cette question administrative.

Bien que je reconnaisse que vous êtes dans une situation difficile, veuillez comprendre que l’une des raisons pour lesquelles Susan est en congé de maladie est le stress lié au travail, en grande partie dû à la situation avec cette employée.

Je vous demanderais de respecter son congé de maladie et d’attendre son retour au travail pour traiter cette affaire.

[…]

 

[85] Mme Boutin a témoigné avoir signalé la situation avec la fonctionnaire à l’unité des relations de travail. Le 4 décembre 2017, elle a envoyé un courriel à Mme Goodyear, en précisant, en partie, ce qui suit : [traduction] « Compte tenu de la détérioration de la situation entre Bonnie et d’autres membres de son équipe, nous avons décidé de passer au renvoi en cours de stage. »

D. Témoignage de Patrick Tanguay

[86] Au moment des événements qui ont donné lieu au présent grief, Patrick Tanguay était sous-ministre adjoint, Secteur de la gestion des urgences et des programmes, chez l’employeur. Il était le titulaire du pouvoir délégué pour le processus de cessation d’emploi et il a signé la lettre de licenciement pendant la période de stage (la « lettre de licenciement »).

[87] M. Tanguay a témoigné avoir rencontré Mme Boutin et M. Matheson, directeur général, Programmes, pour discuter des problèmes de la fonctionnaire avec ses collègues et superviseures. M. Tanguay a témoigné que M. Matheson lui avait parlé des difficultés de Mme Howe à gérer la fonctionnaire et du stress que Mme Howe a ressenti par la suite. M. Tanguay a appris de M. Matheson que c’était l’une des principales raisons pour lesquelles Mme Howe avait pris un congé de maladie.

[88] M. Matheson n’a pas témoigné à l’audience.

[89] M. Tanguay a témoigné avoir eu un certain nombre de discussions au sujet de la fonctionnaire avec le personnel des relations de travail.

[90] M. Tanguay a déposé en preuve un rapport qui résumait les résultats des enquêtes sur les relations de la fonctionnaire avec ses superviseures et ses collègues.

[91] M. Tanguay a conclu que l’emploi de la fonctionnaire devait prendre fin avant que sa période de stage ne soit terminée. Il lui a envoyé la lettre de licenciement, datée du 14 décembre 2017 et rédigée en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

Comme il est indiqué dans votre lettre d’offre, votre nomination à la fonction publique le 3 janvier 2017 était assujettie à une période de stage de douze (12) mois.

Vous avez obtenu des conseils à plusieurs reprises au cours de votre emploi à Sécurité publique Canada au sujet des normes de rendement et de conduite appropriées et, en particulier, vous avez été informée que le fait de ne pas démontrer l’aptitude à l’emploi et/ou de ne pas satisfaire aux exigences de votre poste pourrait entraîner la cessation de votre emploi pendant votre période de stage. On vous a offert diverses mesures pour améliorer la compétence de base qu’est le fait de travailler efficacement avec d’autres, comme l’encadrement, la formation, les outils et la rétroaction pour accomplir votre travail avec succès, que vous avez refusés. Malheureusement, il n’y a pas eu un degré suffisant d’amélioration dans vos interactions avec vos collègues et les gestionnaires. Plus précisément, j’ai trouvé que vous n’avez pas les qualités nécessaires en raison de votre incapacité à bien travailler avec les autres, y compris la direction et les collègues.

Par conséquent, conformément aux pouvoirs que m’a délégués le sous-ministre et conformément au paragraphe 62(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP), vous êtes par les présentes avisé de ma décision de mettre fin à votre emploi pendant la période de stage. À compter de maintenant, vous êtes relevée de toutes vos fonctions, vous devez quitter votre unité de travail et vous ne devez plus vous présenter au bureau à partir de maintenant. Conformément au paragraphe 62(2) de la LEFP, vous serez payée pour un mois à compter de la date de remise du présent avis.

Vous êtes tenue de retourner immédiatement votre carte d’identité d’employée, les cartes d’accès de sécurité et tout bien appartenant à Sécurité publique Canada.

Bien qu’il soit regrettable que cette action doive être entreprise, je vous souhaite la meilleure des chances dans vos futurs projets d’emploi.

En vertu de l’article 208 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, vous avez le droit de contester cette décision si vous estimez que la mesure prise est injustifiée. Une copie de cette lettre sera versée à votre dossier personnel.

Je profite de l’occasion pour vous rappeler que le Programme d’aide aux employés continuera de vous être offert pendant trois (3) mois après la fin de votre emploi dans la fonction publique. Il s’agit d’un service confidentiel disponible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et peut être joint sans frais […]

[…]

 

[92] La fonctionnaire a fourni plusieurs documents à M. Tanguay sur la structure et la composition de son unité. Il a reconnu qu’une restructuration était en cours à l’époque, ce qui impliquait le déplacement de certains postes. Il a déclaré que le renvoi en cours de stage de la fonctionnaire avait tout à voir avec son incapacité de travailler avec d’autres personnes et n’avait rien à voir avec la restructuration.

E. Le témoignage de la fonctionnaire

[93] Tout au long de l’audience, la fonctionnaire a tenté de déposer des documents en preuve qui n’avaient aucune incidence sur l’affaire. Ses nombreuses demandes d’AIPRP ont donné lieu à d’innombrables pages de documents, numérotées par dizaines de milliers. Son argument en faveur de leur dépôt en preuve visait à démontrer la mauvaise foi de l’employeur dans le processus d’AIPRP.

[94] Les objections soulevées au sujet de la pertinence ont été maintenues, et il a été expliqué à plusieurs reprises à la fonctionnaire que son mécontentement à l’égard des obligations de l’employeur relativement aux demandes d’AIPRP n’était pas pertinent dans le cadre de la procédure. Malgré les explications répétées, elle a continuellement tenté de déposer les documents d’AIPRP en preuve.

[95] La fonctionnaire a témoigné qu’elle n’était pas en période de stage lorsque son emploi a pris fin le 14 décembre 2017, parce que sa date de début chez l’employeur était en septembre 2016. Elle a dit qu’elle avait été promue au poste de durée indéterminée.

[96] La fonctionnaire a soutenu que des irrégularités dans les nominations intérimaires de Mme Boutin signifiaient qu’elle n’avait pas de pouvoir de gestion. Elle a ajouté que Mme Boutin avait tort lorsqu’elle a dit qu’il n’y avait pas eu de réunion de suivi sur l’EGR, parce qu’une telle réunion s’est tenue le 25 octobre 2017. La fonctionnaire a témoigné avoir vu plusieurs versions différentes de l’EGR et avoir eu l’impression que certaines d’entre elles avaient été falsifiées. Elle a posé ces questions à Mme Boutin en contre‑interrogatoire, laquelle a dit qu’elle avait effectivement consulté le dossier électronique à plusieurs reprises et qu’à chaque fois qu’elle l’avait ouvert, une nouvelle version électronique avait été créée, ce qui explique pourquoi tant de versions différentes étaient apparentes.

[97] La fonctionnaire a témoigné que Mme Salmaso n’avait pas été sincère dans son témoignage, parce que la fonctionnaire n’a jamais élevé la voix ni perdu son sang-froid dans le lieu de travail. Elle a déclaré qu’il n’y avait pas de conflit avec Mme Salmaso et que la raison pour laquelle celle-ci avait été bouleversée était qu’elle n’était pas à l’aise dans son rôle de gestionnaire intérimaire, puisqu’elle n’avait pas la formation ou l’expérience requises. La fonctionnaire a déclaré que Mme Salmaso [traduction] « était une profane occupant un poste PM-06 ». La fonctionnaire a témoigné avoir vu Mme Salmaso tremblante et émotionnelle, mais elle a déclaré que c’était probablement dû à sa glycémie.

[98] La fonctionnaire a témoigné d’un environnement tendu dans le lieu de travail en raison du roulement du personnel et des changements, ce qui a perturbé la continuité et a été très stressant. Des postes ont été éliminés et n’ont pas été pourvus, ce qui a mis une pression supplémentaire sur l’équipe.

[99] En ce qui a trait à la réunion d’équipe du 26 juillet 2017, la fonctionnaire a témoigné qu’elle portait sur un projet de M. Thibault concernant les lignes directrices sur la gestion de la continuité des opérations. Le but de la réunion était de trouver un moyen de terminer rapidement le projet. La fonctionnaire a témoigné de son impression que Mme Howe semblait perturbée par l’état du document et a insinué que c’était la faute de la fonctionnaire s’il était en si mauvais état. La fonctionnaire a témoigné que Mme Howe a haussé la voix et que la fonctionnaire est partie.

[100] La fonctionnaire a témoigné que Mme Howe l’a toujours poussée très fort dans les projets et qu’une fois, elle s’est tenue au bureau de la fonctionnaire et lui a crié dessus. C’est pourquoi, le 9 juin 2017, la fonctionnaire a demandé qu’elle soit retirée de la supervision de Mme Howe.

[101] La fonctionnaire a témoigné que M. Thibault se tenait debout et la regardait pendant qu’elle travaillait, puis retournait à son bureau et claquait la porte.

[102] La fonctionnaire a produit un courriel que Mme Howe a envoyé aux RH le 10 août 2017, afin de demander la date de début de la période de stage de la fonctionnaire . La fonctionnaire a témoigné que la curiosité de Mme Howe au sujet de sa période de stage a coïncidé avec son refus de retirer la plainte de harcèlement contre Mme Howe.

[103] La fonctionnaire a témoigné avoir été choquée à la réunion sur l’EGR du 29 septembre 2017 lorsque Mme Boutin lui a dit qu’elle ne satisfaisait pas aux compétences de base, en particulier [traduction] « Travailler efficacement avec les autres » et [traduction] « Contribuer activement au bien-être en milieu de travail ». C’était la première fois que quelqu’un lui donnait cette rétroaction.

[104] La fonctionnaire a témoigné qu’elle ne s’était pas comportée de façon irrespectueuse ou non professionnelle à la réunion du 29 septembre 2017 sur l’EGR.

[105] La fonctionnaire a témoigné avoir reçu, par l’entremise des demandes d’AIPRP, plusieurs versions différentes de son évaluation et plusieurs documents qui avaient été transmis à M. Tanguay, qui en fin de compte a été celui qui a décidé de mettre fin à son emploi. Elle a été contrariée de ne pas avoir eu l’occasion de réfuter le contenu des documents. Si des documents positifs avaient été fournis, comme les récits de Mme Goodyear et de Mme Salmaso, ils auraient compensé les commentaires négatifs de Mme Boutin.

[106] La fonctionnaire a témoigné de sa conviction selon laquelle une partie de la justification de son licenciement était un manque apparent de participation à un exercice de renforcement de l’esprit d’équipe alors qu’elle avait été autorisée à travailler à son domicile le jour où il s’est tenu.

[107] Elle a également témoigné de sa conviction selon laquelle une partie de l’animosité envers elle était due à la perception qu’elle était absente du lieu de travail sans autorisation. Elle a produit des documents sur des congés pour des rendez-vous médicaux courants, des congés pour raisons familiales ou des congés approuvés pour participer à des conférences professionnelles.

[108] La fonctionnaire a témoigné avec émotion au sujet de la réunion de licenciement du 15 décembre 2017, et à un moment donné, elle a fondu en larmes. Ce fut le pire jour de sa vie, comme il n’était que dix jours avant Noël. Elle a témoigné de son impact professionnel et financier profond sur elle.

[109] La fonctionnaire a témoigné qu’elle n’avait pas reçu d’avis ou de paiement tenant lieu d’avis, mais elle a par la suite admis qu’elle avait reçu un paiement après sa date de licenciement qui, selon ses mots, avait été [traduction] « récupéré ». Le paiement est devenu inextricablement lié à ses autres problèmes de rémunération, dont certains étaient dus au mauvais fonctionnement du système de paye de Phénix. Au moment de l’audience, elle était toujours en conflit avec l’employeur au sujet des sommes qui lui étaient dues.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

[110] L’employeur a soutenu que la fonctionnaire avait été embauchée comme travailleuse occasionnelle le 26 septembre 2016. L’offre d’emploi pour une période indéterminée a été acceptée le 28 décembre 2016 et précisait une période de stage d’un an, à compter du 3 janvier 2017. Par conséquent, sa période de stage devait se terminer le 2 janvier 2018, mais elle a été licenciée avant cette date, soit le 14 décembre 2017.

[111] L’employeur a fait référence à l’article 50 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; LEFP), qui traite de l’emploi occasionnel. Les dispositions de la LEFP ne s’appliquent pas aux travailleurs occasionnels. Les travailleurs occasionnels ne sont pas soumis à une période de stage.

[112] L’employeur a renvoyé à Morin c. Conseil du Trésor (Pêches et Océans Canada), 2004 CRTFP 168, en ce qui a trait aux erreurs dans la lettre d’offre. Même si une lettre d’offre comporte des erreurs, cela n’aura pas d’effet sur la période de stage.

[113] L’employeur a soutenu que le Règlement fixant la période de stage et le délai de préavis en cas de renvoi au cours de la période de stage (DORS/2005-375) précise une période de stage d’un an, qui est indiquée dans la lettre d’offre.

[114] L’employeur a fait valoir que la fonctionnaire a été renvoyée en cours de stage pour une raison liée à l’emploi, soit parce qu’elle ne pouvait pas travailler efficacement avec les autres. La preuve a clairement démontré des conflits répétés avec Mme Howe, Mme Salmaso, M. Thibault et Mme Boutin

[115] L’employeur a cité Jacmain c. Procureur général (Canada), [1978] 2 R.C.S. 15, pour soutenir la proposition selon laquelle le droit de l’employeur de renvoyer un employé en cours de stage est très large. La Commission n’a pas compétence pour entendre les questions de renvoi en cours de stage, à moins que les motifs de renvoi de l’employeur ne soient entachés de mauvaise foi.

[116] La Cour d’appel fédérale dans Canada (Procureur général) c. Penner, [1989] 3 CF 429 (C.A.), renforce les conclusions de Jacmain comme suit :

[…] Comme l’a dit le juge Heald [1977] 1 C.F. 91 (C.A.), sous l’intitulé Procureur général du Canada c. Commission des relations de travail dans la Fonction publique, à la page 100], dont les propos ont été approuvés par le juge de Grandpré dans ses motifs de l’arrêt Jacmain (à la page 37), « l’article 28 vise entièrement à permettre à l’employeur d’apprécier l’aptitude d’un employé à occuper un emploi. Si l’employeur conclut durant cette période que l’employé ne présente pas les qualités requises, il peut alors le renvoyer sans que celui-ci ait la possibilité de recourir à l’arbitrage. Soutenir qu’un employé stagiaire est investi du droit à un arbitrage au cours de son stage équivaut à ignorer complètement le sens évident de l’expression utilisée à l’article 28 de la Loi sur l’emploi dans la Fonction publique et à l’article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique ». Ni l’objet d’une période de stage, ni l’économie des dispositions légales en cause ne sont conciliables avec la proposition qu’un congédiement pour des motifs disciplinaires et un renvoi motivé ne sont pas des concepts mutuellement exclusifs. Le premier est la sanction ultime imposée par l’administration à la suite d’un grave écart de conduite, tandis que l’autre est une terminaison d’emploi faisant suite à une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant aux aptitudes de l’employé. […] S’il est possible que cette appréciation négative de l’aptitude de l’employé ait été faite à la suite d’une inconduite ou d’un écart de comportement, cette circonstance n’atténue en rien la réalité ou la légitimité de l’insatisfaction éprouvée, et elle ne nous justifie pas de confondre le renvoi en cause avec une sanction disciplinaire.

[…]

 

[117] L’employeur a fait valoir que Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi, 2001 CFPI 529, indique clairement que le fardeau incombe au fonctionnaire d’établir un subterfuge ou un camouflage. Au paragraphe 45, la Cour fédérale a statué ce qui suit :

[45] Toutefois, selon moi l’arbitre a tout simplement demandé que l’employeur démontre que le licenciement avait été décidé pour un motif lié à l’emploi, savoir une insatisfaction à l’égard de l’aptitude du fonctionnaire et, comme tel, qu’il agissait en vertu des dispositions de la LEFP. Il déclare ceci, à la page 11 :

Pour résumer, j’estime qu’il incombe à l’employeur de démontrer que l’article 28 de la LEFP s’applique à un renvoi en cours de stage pour un motif déterminé. Cela fait, il revient ensuite au fonctionnaire de démontrer que les actions de l’employeur sont effectivement un trompe-l’œil ou du camouflage et qu’elles sont par conséquent contraires à l’article 28 de la LEFP. Ce n’est que si le fonctionnaire réussit à se décharger de ce fardeau que l’arbitre peut se déclarer compétent pour se saisir de l’affaire en vertu de l’article 92 de la LRTFP, et examiner le grief sur le fond.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[118] L’employeur a invoqué Tello c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 134, afin de renforcer la question de compétence ainsi que le fardeau de la preuve. Il s’est notamment référé au paragraphe 112, qui est rédigé comme suit :

112 Comme j’ai conclu plus tôt dans la présente décision, les dispositions de la nouvelle LEFP ont modifié le fardeau de la preuve pour les cas de licenciement des employés en stage probatoire. L’administrateur général n’est plus tenu de prouver l’existence d’un motif légitime lié à l’emploi pour le licenciement, si ce n’est qu’il doit fournir la lettre de licenciement qui expose le motif de sa décision. Il incombe au fonctionnaire d’établir que l’administrateur général s’est appuyé de façon factice sur la nouvelle LEFP ou que le renvoi en cours de stage constituait un subterfuge ou un camouflage. Un licenciement qui ne repose pas sur une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant aux aptitudes de l’employé (ni sur un motif lié à l’emploi légitime) s’appuierait artificiellement sur la nouvelle LEFP, ou constituerait un subterfuge ou un camouflage.

 

[119] Warman c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 103, fournit un renforcement similaire de ces points aux paragraphes 58 et 59.

[120] L’employeur a soutenu que la preuve n’a révélé aucun élément de mauvaise foi, subterfuge ou camouflage et qu’elle a révélé que le motif du renvoi de la fonctionnaire en cours de stage était entièrement lié au travail parce qu’il portait sur une compétence de base, à savoir la capacité de travailler efficacement avec d’autres personnes. Les conflits répétés de la fonctionnaire avec ses collègues, comme l’ont souligné les témoignages de M. Thibault, de Mme Boutin et de Mme Salmaso, ont amplement démontré que la fonctionnaire ne satisfaisait pas à cette compétence de base. Elle a toujours refusé d’accepter le pouvoir de Mme Boutin de la superviser. Elle était souvent en conflit avec Mme Salmaso lorsque cette dernière a agi comme superviseure. L’employeur a soutenu qu’il existe de nombreux éléments de preuve de l’incapacité de la fonctionnaire de travailler efficacement avec d’autres personnes, ce qui est la raison pour laquelle il a été mis fin à sa période de stage.

[121] Selon l’employeur, la mesure disciplinaire n’a jamais été une considération dans la présente affaire. Même si les actions de la fonctionnaire justifiaient la mesure disciplinaire, la doctrine de la mesure disciplinaire déguisée n’a pas été déclenchée. D’Aoust c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2015 CRTEFP 94, énonce ce qui suit au paragraphe 133 :

[133] Je conclus, sur le fondement des propres déclarations écrites du fonctionnaire et de son témoignage, que l’employeur avait des motifs justifiant la prise de mesures disciplinaires contre le fonctionnaire, mais qu’il a décidé de ne pas les prendre. Cela ne permet pas pour autant de conclure que le renvoi du fonctionnaire en cours de stage était une mesure disciplinaire déguisée, ni d’établir que l’employeur a agi de mauvaise foi (Ricard c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2014 CRTFP 72). Même si un employé peut faire l’objet de mesures disciplinaires en raison d’un comportement fautif, l’employeur peut tout de même décider de renvoyer cet employé en cours de stage, plutôt que d’imposer une mesure disciplinaire.

 

[122] L’employeur a renvoyé aux observations répétées de la fonctionnaire à la barre des témoins et à ses observations selon lesquelles elle n’a jamais reçu d’avis de ses lacunes perçues ou une possibilité raisonnable de les corriger. Au contraire, l’employeur a soutenu que Mme Boutin avait clairement porté ces questions à l’attention de la fonctionnaire à la réunion sur l’EGR du 29 septembre 2017. Même si aucun avis n’a été donné, la Cour fédérale, dans Kagimbi c. Procureur général du Canada (Administrateur général – Service correctionnel du Canada), 2014 CF 400, a précisé que même si les employés ne sont pas informés de leurs lacunes, ils peuvent toujours être renvoyés en cours de stage tant que les motifs sont légitimes. Cette décision énonce ce qui suit aux paragraphes 30 à 33 :

[30] En l’espèce, la preuve devant l’arbitre démontrait clairement que l’employeur avait des motifs pour le renvoi lié à l’emploi de la demanderesse. La lettre de renvoi en cours de stage énumérait des lacunes au niveau de la maîtrise de l’équipement sécuritaire, des postes sécuritaires, de la capacité d’apprentissage ainsi que des lacunes dans la capacité de réaction à un incident critique. Plusieurs fonctionnaires ont témoigné devant l’arbitre faisant état de ces lacunes.

[31] À la lumière de cette preuve, l’arbitre ne pouvait que conclure que l’employeur s’était déchargé de son fardeau de preuve. La demanderesse a tenté par la suite de démontrer la mauvaise foi de l’employeur en invoquant le traitement inéquitable dont elle fut l’objet puisque l’employeur et ses représentants ne l’ont pas confrontée, ne lui ont pas fait part des lacunes dans son travail avant le jour de son renvoi.

[32] À cet égard, l’arbitre a déterminé que « [son] rôle n’est pas de décider si l’employeur a agi de façon équitable envers Mme Kagimbi dans la gestion de ses prétendues lacunes au travail ou si les pratiques de gestion des surveillants correctionnels étaient adéquates. »

[33] Certes, l’employeur aurait pu montrer les rapports à la demanderesse afin de lui permettre d’améliorer ses faiblesses, mais cela n’est pas un critère requis pour le renvoi d’un employé en cours de stage. Comme l’indique, à bon droit l’arbitre dans sa décision au par 77 :

[…] dans le cas d’un renvoi en cours stage, l’employeur doit être de bonne foi dans sa prise de décision de mettre fin à l’emploi en cours de stage. Il ne peut utiliser le renvoi en cours de stage pour camoufler une autre forme de renvoi. Cependant, cela ne veut pas dire que l’employeur est tenu d’être transparent avec l’employé au cours de son stage et de l’informer de ses lacunes au travail afin de lui donner la chance de se corriger. Le gros bon sens et les bonnes pratiques de gestion le voudraient mais le droit ne l’exige pas.

Il a donc conclu que la décision de renvoyer la demanderesse est une décision de bonne foi, c’est-à-dire, qu’elle est fondée sur une insatisfaction quant aux capacités de l’employée de faire le travail en question.

[34] À mon avis, cette conclusion est raisonnable. La jurisprudence démontre que la loi est rédigée telle que l’employeur jouit de beaucoup de flexibilité pendant la période de stage, justement pour qu’il puisse évaluer les compétences d’un employé potentiel.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[123] L’employeur a ensuite mentionné certaines divergences entre le témoignage de la fonctionnaire et les témoignages des témoins de l’employeur sur la question de savoir si elle était en conflit avec ses collègues. Le critère de crédibilité du témoin décrit dans Faryna v. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354 (CA C.-B.), a été souligné. L’employeur a fait valoir que lorsque Mme Boutin et Mme Salmaso ont témoigné, la fonctionnaire les a interrompues, a parlé en même temps qu’elles, ne leur a pas permis de parler et a élevé la voix. Il est difficile d’ignorer qu’il s’agit du même comportement que les témoins avaient remarqué dans le lieu de travail. Les témoignages de Mme Salmaso et de Mme Boutin, selon l’employeur, étaient cohérents et en harmonie non seulement l’un avec l’autre, mais aussi avec la preuve documentaire.

[124] L’employeur a soutenu que le témoignage de la fonctionnaire au sujet de son approche des conflits avec M. Thibault, Mme Boutin, Mme Howe et Mme Salmaso a renforcé la crédibilité de ces témoins et a sapé la crédibilité de la fonctionnaire. L’employeur a souligné que le témoignage de la fonctionnaire, selon lequel tout malaise ou toute insécurité que M. Thibault et Mme Salmaso ont éprouvé était attribuable à leur incapacité à répondre aux exigences de leurs postes respectifs, illustre l’incapacité de la fonctionnaire à travailler efficacement avec d’autres personnes.

[125] L’employeur a également soutenu que la contestation continue de la fonctionnaire de l’autorité de Mme Salmaso et de Mme Boutin d’agir à titre de superviseure constituait une preuve supplémentaire de l’incapacité de la fonctionnaire à travailler efficacement avec d’autres personnes.

[126] L’employeur a répondu à l’affirmation de la fonctionnaire selon laquelle l’élimination des postes dans le lieu de travail appuie la théorie selon laquelle son congédiement n’était qu’un subterfuge ou un camouflage. Sa théorie semble être qu’il s’agissait d’un moyen pratique de supprimer un poste. L’employeur a soutenu que le témoignage de M. Tanguay indiquait clairement que des discussions ont eu lieu au sujet de la réduction de la charge de travail, mais pas au sujet de la suppression de postes. Les ressources sont constamment réaffectées. Selon l’employeur, il n’existe aucune preuve d’un subterfuge ou d’un camouflage pour justifier la suppression de postes.

[127] En résumé, l’employeur a soutenu que la preuve démontrait clairement que, pendant sa période de stage, la fonctionnaire ne pouvait pas travailler efficacement avec d’autres personnes, ce qui est un motif de licenciement strictement lié à l’emploi. La mesure était administrative et la Commission n’a pas compétence à son égard.

B. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

[128] La fonctionnaire a confirmé qu’elle avait été embauchée à titre d’employée occasionnelle à un poste de durée déterminée le 16 septembre 2016, qu’un deuxième mandat de durée déterminée à titre d’employée occasionnelle avait été accepté, mais qu’avant l’expiration du deuxième mandat, elle avait été embauchée pour une période indéterminée. La fonctionnaire a prétendu qu’il s’agissait d’une promotion.

[129] La fonctionnaire a soutenu qu’elle avait été convertie d’une employée de classe 5 à une employée de classe 6 selon le tableau du CT. La classe 5 a trait aux « [f]onctionnaires nommés pour une période d’un an ou moins ». La classe 6 a trait aux « [f]onctionnaires recrutés non visés aux articles 1 à 4 et nommés pour une période de plus d’un an ».

[130] La fonctionnaire a soutenu qu’elle avait été promue à son poste de durée indéterminée, ce qui sous-entendait qu’il s’agissait d’une continuation de son embauche initiale. De la même façon que le service continu est calculé, sa période de stage doit être considérée comme ayant commencé à la date de son embauche, soit le 16 septembre 2016. Elle a soutenu qu’elle n’était pas en période de stage lorsqu’elle a été licenciée le 14 décembre 2017.

[131] La fonctionnaire a soutenu que les notes de Mme Boutin, que l’employeur a déposées en preuve, ont été fabriquées bien après les faits. Selon la fonctionnaire, le fait que Mme Boutin ait modifié les dates de l’ensemble des notes censées documenter la réunion de septembre 2017 sur l’EGR prouve clairement qu’elles n’ont pas été prises en même temps que la réunion mais bien après les faits, pour appuyer le cas de licenciement. La fonctionnaire a également soutenu que Mme Boutin n’avait pas le pouvoir approprié d’agir en qualité de superviseure.

[132] La fonctionnaire estime que Mme Boutin était derrière son licenciement. Mme Boutin ne l’aimait pas et voulait se débarrasser d’elle, alors elle était prête à faire tout ce qu’il fallait pour donner l’impression que la fonctionnaire ne convenait pas. Au contraire, a soutenu la fonctionnaire, son expérience et ses titres de compétence étaient un atout pour l’unité.

[133] La fonctionnaire a soutenu que la démarche visant à la renvoyer a commencé sérieusement lorsqu’elle a refusé de retirer sa plainte de harcèlement contre Mme Howe. Elle a fait référence à plusieurs documents pour montrer la probabilité que sa théorie soit vraie. À 15 h 39, le 10 août 2017, elle a écrit ceci à Mme Boutin : [traduction] « Veuillez noter que je n’ai pas abandonné les questions […] ». Dans la demi-heure qui a suivi, des questions ont été soulevées au sujet de la date de début de sa période de stage.

[134] La fonctionnaire a prétendu que Mme Boutin avait fourni de faux renseignements sur la santé mentale de la fonctionnaire, ce qui a été pris en compte dans la décision de mettre fin à sa période de stage.

[135] La fonctionnaire a renvoyé aux organigrammes montrant les changements de personnel qui ont eu lieu sous la direction de M. Tanguay et a affirmé que son licenciement n’était, en réalité, qu’une façon pratique d’éliminer un poste.

[136] La fonctionnaire a insisté sur le fait qu’elle n’avait jamais crié au bureau. Elle a renvoyé aux courriels qu’elle avait envoyés pour demander un changement dans la structure hiérarchique en raison du harcèlement qu’elle subissait de la part de Mme Howe.

[137] La fonctionnaire a fait référence aux nombreuses versions différentes du résumé chronologique de ses interactions avec les superviseures qui ont été remises à M. Tanguay, affirmant que les diverses inexactitudes qu’elles contenaient avaient été délibérément conçues pour la dépeindre sous un jour négatif. Une approche plus équilibrée aurait consisté à soumettre également à M. Tanguay l’évaluation narrative fournie par Mme Salmaso un an plus tôt, lorsque la fonctionnaire a été embauchée pour une période indéterminée, ainsi que la lettre de recommandation fournie par Mme Goodyear. Rien de positif, seulement du négatif, n’a été soumis à M. Tanguay. Il a également été incorrectement informé que le CT avait été consulté sur la décision de mettre fin à sa période de stage.

[138] Selon la fonctionnaire, l’ensemble de cette désinformation était injuste et indiquait clairement de la mauvaise foi dans le processus qui a conduit à son licenciement.

[139] La fonctionnaire a réitéré ses convictions au sujet de la plainte concernant la sécurité au travail visant M. Thibault et a prétendu que Mme Boutin avait sapé sa légitimité. Elle s’est demandé si une forme quelconque d’enquête avait effectivement eu lieu.

[140] La fonctionnaire a remis en question la véracité de chaque témoin de l’employeur et a soutenu que Mme Salmaso et Mme Boutin avaient toutes les deux menti lorsqu’elles ont déclaré que la fonctionnaire avait crié dans le lieu de travail.

[141] Les incohérences dans le témoignage de Mme Salmaso, selon la fonctionnaire, en raison de son incapacité à se rappeler les détails de ses interactions, ont affaibli la crédibilité de Mme Salmaso au point qu’on ne devrait pas du tout se fier à son témoignage.

[142] La fonctionnaire a soutenu qu’elle n’a jamais été conseillée sur sa capacité de travailler efficacement avec d’autres personnes, sauf lors de la réunion du 29 septembre 2017 sur l’EGR avec Mme Boutin. Elle n’a pas eu l’occasion d’améliorer cet aspect de son rendement; par conséquent, le licenciement a été fait de mauvaise foi.

[143] La fonctionnaire a maintenu sa conviction selon laquelle toute mauvaise volonté que d’autres auraient pu ressentir à son égard au travail avait plus à voir avec leurs insécurités qu’autre chose. Elle n’a jamais reçu l’ordre de suivre un cours de formation sur la communication efficace, mais elle a estimé qu’elle n’en avait pas besoin, parce que le cours de l’Université de Georgetown auquel elle était inscrite comportait un volet de communication, ce qui était suffisant.

[144] La fonctionnaire a soutenu qu’elle n’avait pas reçu d’avis de licenciement ou de paiement tenant lieu d’avis.

[145] La fonctionnaire a invoqué de nombreux cas concernant la question du cadre d’analyse des renvois en cours de stage, y compris D’Aoust, Jacmain et Tello, auxquels l’employeur a renvoyé, ainsi que Kot c. Administrateur général (Gendarmerie royale du Canada), 2020 CRTESPF 29.

[146] La fonctionnaire a renvoyé à Dhaliwal c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada - Services correctionnels), 2004 CRTFP 109, sur la question du congé pour obligations familiales. Aux paragraphes 91 et 92, la Commission a indiqué ce qui suit :

[91] Dans le cas qui nous occupe, la compétence, les aptitudes et le comportement du fonctionnaire s’estimant lésé n’ont pas été remis en question. Il était classé deuxième après avoir terminé sa formation CORE et a été choisi pour prononcer le discours d’adieu, ce qui indique que ses pairs avaient une haute opinion de lui. L’employeur n’a pas allégué d’insubordination, d’impolitesse ou d’inconduite. Le seul motif de renvoi en cours de stage était l’usage de ses congés de maladie et de ses congés pour obligations familiales.

[92] Avant de prononcer et de rendre une décision, le décideur doit s’informer et prendre connaissance des faits. Je crois que le directeur de l’établissement a fondé sa décision sur une intention honnête; toutefois, il ne s’est pas appuyé sur tous les faits pertinents.

 

[147] La fonctionnaire a estimé que Dhaliwal est semblable à sa situation, parce qu’une perception erronée s’est manifestée quant à son utilisation du congé pour raisons familiales en octobre 2017, lorsqu’elle a dû accompagner son conjoint à l’hôpital. Elle a soutenu que M. Tanguay n’a pas fondé sa décision de mettre fin à son emploi sur tous les faits pertinents.

[148] La fonctionnaire a estimé que Yeo c. Administrateur général (ministère de l’Emploi et du Développement social), 2019 CRTESPF 119, était instructive sur la question de la réadaptation. Le paragraphe 82 énonce ce qui suit :

[82] […] La rapidité avec laquelle les lettres d’avertissement ont été remises à la fonctionnaire était punitive et décourageante. Comment pouvait-elle s’en remettre et faire preuve d’amélioration alors que deux semaines plus tard, elle a reçu une autre lettre d’avertissement? Il était clair que, dès le début, l’employeur avait l’intention de la licencier […]

 

[149] La fonctionnaire a répété qu’on ne lui avait pas donné le temps de corriger les lacunes perçues dans la compétence de base qui a été invoquée comme motif de son licenciement : la capacité de travailler efficacement avec les autres. Ainsi, soutient-elle, son licenciement a été fait de mauvaise foi. Yeo indique ceci au paragraphe 89 :

[89] La mauvaise foi doit être établie en fonction des faits du cas (voir Hamilton Public Library c. CUPE, Local 932 (2013), 238 L.A.C. (4e) 116). Il incombe au fonctionnaire s’estimant lésé de démontrer que l’employeur était motivé par l’hostilité, la malveillance, la mauvaise volonté ou la malhonnêteté ou qu’il avait une motivation inappropriée. L’essence de la mauvaise foi est la malhonnêteté de l’intention.

 

[150] La fonctionnaire a renvoyé à Jacmain pour affirmer que les motifs de licenciement de l’employeur [traduction] « ne peuvent pas être frivoles ». De nombreuses références ont été faites à des facteurs frivoles et sans conséquence dans les témoignages des témoins de l’employeur, y compris la façon dont la fonctionnaire s’asseyait pendant les réunions ou le fait qu’elle gardait sa porte fermée. Selon la fonctionnaire, il s’agissait de motifs frivoles et ne pouvaient servir de fondement au licenciement.

[151] La fonctionnaire a soutenu que Mme Boutin est intervenue de mauvaise foi dans ses évaluations de rendement en y apportant des dizaines de changements. Elle a renvoyé au paragraphe 223 de Kubinski c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2014 CRTFP 87, pour cette citation : « À mon avis, si une décision n’a pas été prise de bonne foi à l’aide des lignes directrices contenues dans la politique du Conseil du Trésor, le résultat est une décision rendue de mauvaise foi. »

[152] La fonctionnaire a cité Raymond c. Conseil du Trésor, 2010 CRTFP 23, au paragraphe 131, qui a conclu que, lorsqu’il s’agit de déterminer si un employeur a agi raisonnablement lorsqu’il a décidé de licencier un employé, l’un des facteurs est de savoir si le superviseur qui a évalué le rendement de l’employé s’est livré à un exercice empreint de mauvaise foi. La fonctionnaire a soutenu que Mme Boutin avait fabriqué ses notes manuscrites, acheminé des renseignements inexacts à M. Tanguay et qu’elle n’avait pas fait preuve d’objectivité en préférant les versions des événements qui lui ont été données par Mme Salmaso, M. Thibault et Mme Howe, lesquels avaient tous fait preuve d’une détermination sans réserve pour se débarrasser de la fonctionnaire à tout prix. La fonctionnaire a soutenu que c’était là une preuve évidente de mauvaise foi.

[153] À l’appui de ses arguments en matière de rapports de mauvaise foi, la fonctionnaire a également invoqué les cas suivants :

· Leonarduzzi;

· Sved c. Administrateur général (Commission nationale des libérations conditionnelles), 2012 CRTFP 16, aux paragraphes 100, 107, 108 et 124, pour la proposition selon laquelle un licenciement ne peut être une ruse ou un camouflage. La fonctionnaire a fait valoir qu’elle a été licenciée pour avoir déposé des plaintes de harcèlement et de violence au travail, qui ne sont pas des motifs de licenciement liés au travail;

· Bergeron c. Service canadien du renseignement de sécurité, 2014 CRTFP 81, au paragraphe 93;

· Sousa-Dias c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2017 CRTEFP 62, au paragraphe 128;

· Premakanthan c. Administrateur général (Conseil du Trésor), 2012 CRTFP 67, au paragraphe 48, pour la proposition selon laquelle un employeur peut se fier aux observations et aux évaluations dont il n’était pas l’auteur, ce que Mme Boutin avait fait selon la fonctionnaire;

· Rahman c. Administrateur général (ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2013 CRTFP 6, au paragraphe 64, pour l’affirmation selon laquelle les allégations graves doivent être étayées par une preuve claire, logique et convaincante;

· Rinaldi c. Conseil du Trésor (Agence spatiale canadienne), dossiers 166‑02-26927, 26928, et 27383 de la CRTFP (19981005) à la p. 46, sur la question de l’atteinte à la réputation d’un employé licencié.

 

IV. Décision et motifs

[154] J’ai lu tous les cas que les parties ont soumis et je les ai examinés pour déterminer s’ils étaient pertinents aux questions soulevées à l’audience. Bon nombre des cas de la fonctionnaire se rapportaient à des plaintes de représailles après un refus de travailler en vertu du Code canadien du travail (L.R.C. (1985), ch. L-2) et ne sont pas pertinents dans le cadre de la présente procédure, sauf dans la mesure où ils mentionnent les rapports de mauvaise foi de l’employeur, ce qui semble être la pierre angulaire de ses arguments. Beaucoup des cas ont répété le même point. Je ne ferai référence qu’aux cas qui appuient mon raisonnement.

[155] En vertu de l’article 211 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; LRTSPF), la Commission n’a pas compétence pour entendre un grief concernant un renvoi en cours de stage. Toutefois, la Commission peut examiner les circonstances de l’affaire afin de s’assurer que le licenciement ne constitue pas une ruse, un subterfuge, un camouflage ou une mesure disciplinaire déguisée. En ce qui a trait au renvoi en cours de stage, la Commission a toujours appliqué l’analyse présentée dans Tello. L’employeur a le fardeau initial d’établir ce qui suit :

· la fonctionnaire était en stage;

· la période de stage était toujours en vigueur au moment du licenciement;

· la lettre de licenciement expose les motifs de la décision de mettre fin à l’emploi;

· un avis ou un paiement tenant lieu d’avis a été remis.

 

A. La fonctionnaire était-elle en stage lorsque son emploi a pris fin?

[156] La question de savoir si la fonctionnaire était en stage au moment de son licenciement est la question fondamentale en l’espèce et, comme nous le verrons, beaucoup de choses dépendent de la réponse à cette question. Il n’est pas contesté qu’elle a été initialement embauchée comme employée occasionnelle le 26 septembre 2016, pour une période déterminée allant jusqu’au 30 décembre 2016.

[157] Le 10 novembre 2016, avant l’expiration de la période déterminée, la fonctionnaire s’est vu offrir un deuxième mandat d’employée occasionnelle pour une période déterminée, au même groupe et niveau, du 3 janvier au 10 mai 2017. Avant de commencer, le 28 décembre 2016, on lui a offert un poste de conseillère en programmes PM-04 pour une période indéterminée, qu’elle a accepté ce jour-là. Sa lettre d’offre stipulait clairement une période de stage de 12 mois.

[158] Le paragraphe 50(3) de la LEFP énonce ce qui suit : « Les dispositions de la présente loi, à l’exception du présent article, ne s’appliquent pas aux employés occasionnels. » Aucune période de stage ne s’applique à un emploi occasionnel.

[159] La fonctionnaire a soutenu que sa période de stage avait commencé le 16 septembre 2016 et non le 3 janvier 2017. Elle a fait référence aux lignes directrices du CT sur les stages, qui confirment que sa période de stage était de 12 mois.

[160] Je conclus qu’elle n’a pas été, comme elle le soutient, [traduction] « convertie » d’une employée de classe 5 à une employée de classe 6. Son emploi occasionnel n’était soumis à aucune période de stage. La LEFP ne prévoit pas qu’un employé occasionnel nommé pour une période déterminée puisse être en stage.

[161] Indépendamment de ce que le « Formulaire de demande d’intervention de paye » de la fonctionnaire indique, elle n’a pas été promue d’un poste de durée indéterminée à un autre dans la fonction publique. Cela ne veut pas dire qu’elle n’a pas reçu d’augmentation de salaire ou d’élargissement de son rôle et de ses responsabilités lorsqu’elle est passée d’un emploi occasionnel à un emploi pour une période indéterminée, parce que c’est probablement ce qui est arrivé, mais la lettre d’offre d’emploi pour une période indéterminée constituait une nomination de l’extérieur de la fonction publique.

[162] La fonctionnaire a renvoyé au document « Questions et réponses » du CT, qui a sapé son argument. Il contient, entre autres, les passages suivants :

· « La durée du stage […] est déterminée en fonction du poste auquel la personne est nommée par nomination externe (à l’extérieur de la fonction publique) » [le passage en évidence l’est dans l’original].

· « Le paragraphe 61(1) de la LEFP impose un stage uniquement aux personnes nommées par nomination externe, à l’extérieur de la fonction publique. Ces dernières ne doivent subir qu’une période de stage » [le passage en évidence l’est dans l’original].

· « La nouvelle LEFP établit clairement que la période de stage s’applique uniquement aux nominations de l’extérieur, y compris les personnes qui ne sont pas nommées en vertu de la LEFP (par exemple, les personnes nommées comme employés occasionnels). »

 

[163] La fonctionnaire a produit un document du CT intitulé « Directive sur les conditions d’emploi » (la « directive ») qui, entre autres choses, définit le service continu et l’emploi continu et porte sur ces sujets. Toutefois, la directive est muette sur les stages. Dans ses arguments, la fonctionnaire a affirmé qu’elle s’applique également à la période de stage et qu’une fois nommée, elle avait le droit de [traduction] « revenir », comme elle l’a dit, et d’extrapoler une période de stage qui a commencé le 16 septembre 2016. Je ne suis pas d’accord. Elle n’a produit aucune autorité pour appuyer cette proposition. J’ai déjà mentionné que la LEFP ne prévoit pas l’établissement d’une période de stage pour une période de travail occasionnel. Si les périodes de stage pouvaient être extrapolées de cette façon, ce fait important aurait certainement mérité une mention spéciale dans la directive ou la LEFP.

[164] En ce qui concerne le début de la période de stage de la fonctionnaire, je n’accorde aucun poids à l’inscription erronée de Mme Howe sur l’EGR de la fonctionnaire du 28 avril 2017. Le 10 août 2017, Mme Howe a demandé et reçu des éclaircissements à ce sujet et a reçu la réponse suivante des RH : [traduction] « Comme nous l’avons mentionné, la période de stage ne comprend pas les périodes pendant lesquelles les personnes travaillent comme employés occasionnels. Par conséquent, sa période de stage aurait commencé le 4 janvier [2017] une fois qu’elle a été nommée pour une période indéterminée. »

[165] Je conclus qu’en fait la période de stage de la fonctionnaire allait du 3 janvier 2017 au 2 janvier 2018. Sa lettre de licenciement était datée du 14 décembre 2017 et elle lui a été remise lors d’une réunion de licenciement tenue le 15 décembre 2017.

[166] La raison pour laquelle il s’agit d’un seuil si important est qu’il modifie l’analyse des circonstances du licenciement de la fonctionnaire. Les employés nommés pour une durée indéterminée ne peuvent être licenciés que pour un motif suffisant. Les employés en période de stage peuvent être licenciés pour cause d’inaptitude à l’emploi continu. Une fois la période de stage terminée, le licenciement de l’employé devient beaucoup plus difficile et compliqué, et c’est pourquoi des périodes de stage sont imposées. Les périodes de stage sont un mécanisme essentiel pour une gestion efficace des ressources.

B. La période de stage était-elle toujours en vigueur au moment du licenciement?

[167] Pour les raisons que j’ai mentionnées, je conclus que la période de stage de la fonctionnaire était toujours en vigueur au moment de son licenciement.

C. La lettre de licenciement exposait-elle les motifs de la décision de mettre fin à l’emploi?

[168] La fonctionnaire a reçu une lettre de licenciement expliquant les raisons de la décision de mettre fin à son emploi. La lettre de licenciement de la fonctionnaire contient la phrase suivante :

[Traduction]

[…]

Vous avez obtenu des conseils à plusieurs reprises au cours de votre emploi à Sécurité publique Canada au sujet des normes de rendement et de conduite appropriées et, en particulier, vous avez été informée que le fait de ne pas démontrer l’aptitude à l’emploi et/ou de ne pas satisfaire aux exigences de votre poste pourrait entraîner la cessation de votre emploi pendant votre période de stage […]

[…]

 

[169] À la réunion du 29 septembre 2017 sur l’EGR, Mme Boutin a averti la fonctionnaire que le fait de ne pas satisfaire à la compétence professionnelle de travailler efficacement avec d’autres personnes pendant qu’elle était en stage pourrait avoir de graves conséquences. Dans un courriel envoyé à la fonctionnaire le 3 octobre 2017, elle a déclaré ce qui suit : [traduction] « Il est vraiment important pour moi de maintenir un milieu de travail positif et respectueux, à ce titre, je m’attends à un échange respectueux et constructif lors de notre prochaine réunion. » Plus tard, le 24 octobre 2017, Mme Boutin a répété ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Je voudrais également vous rappeler que les discussions sur l’EGR sont un échange honnête entre un employé et son gestionnaire qui implique l’ouverture à l’apprentissage, la confiance et une rétroaction constructive […]

[…] tout comportement irrespectueux envers moi ou un membre du personnel pendant ou après notre réunion de suivi pourrait mener à des mesures disciplinaires […]

[…]

 

[170] Je conclus que la fonctionnaire a été conseillée plus d’une fois, mais je ne suis pas sûr que cela compte comme un counseling à [traduction] « plusieurs » occasions, comme il est indiqué dans la lettre de licenciement.

[171] La lettre de licenciement indique ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] On vous a offert diverses mesures pour améliorer la compétence de base qu’est le fait de travailler efficacement avec d’autres, comme l’encadrement, la formation, les outils et la rétroaction pour accomplir votre travail avec succès, que vous avez refusés. Malheureusement, il n’y a pas eu un degré suffisant d’amélioration dans vos interactions avec vos collègues et gestionnaires. Plus précisément, j’ai trouvé que vous n’avez pas les qualités nécessaires en raison de votre incapacité à bien travailler avec les autres, y compris la direction et les collègues.

[…]

 

[172] Lors de la réunion du 29 septembre 2017 sur l’EGR, Mme Boutin a offert à la fonctionnaire un programme de séances de rétroaction régulières ainsi qu’un cours sur les compétences d’écoute. Elle a indiqué que la fonctionnaire lui avait répondu, lorsqu’elle a soulevé la question de l’incapacité de travailler efficacement avec les autres, qu’elle ne devrait pas être obligée de payer pour l’incompétence des autres. La fonctionnaire a témoigné de sa conviction selon laquelle les personnes qui éprouvaient de l’anxiété dans leurs rapports avec elle souffraient en fait d’insécurité en raison de leur incapacité à s’acquitter de leurs responsabilités avec compétence.

[173] La lettre de licenciement tente de donner l’impression que des conseils et des stratégies d’amélioration poussés ont été employés pour aider la fonctionnaire. Cela aurait été difficile, étant donné que la situation avec ses collègues n’est apparue à Mme Boutin qu’en août 2017. Mme Boutin a porté la situation à l’attention de la fonctionnaire dans son EGR à la fin de septembre 2017.

[174] À juste titre, la fonctionnaire a renvoyé à des cas de licenciement d’employés nommés pour une période indéterminée qui ont nécessité jusqu’à 18 mois pour s’améliorer et avoir un milieu de travail plus harmonieux. La fonctionnaire a ouvertement demandé comment cela aurait pu se produire dans son cas en seulement quelques semaines.

[175] On ne peut pas s’attendre à ce que les comportements des employés se corrigent d’eux-mêmes en seulement quelques semaines, surtout si les lacunes sont graves. Il est donc important de prévoir une période d’amélioration pour les employés nommés pour une période indéterminée. Pour les employés en période de stage, cela n’est pas nécessaire.

[176] Aucune question n’a été soulevée quant au rendement, aux qualifications, à l’expérience ou à l’expertise de la fonctionnaire. La seule compétence de base qui lui manquait selon l’employeur était la capacité de travailler efficacement avec les autres. L’employeur avait de bonnes raisons de remettre en question sa capacité à cet égard. Le signal d’alarme semble avoir été donné en juillet et en août 2017, et lors de la réunion sur l’EGR du 29 septembre 2017, l’employeur n’avait aucun doute quant à l’incapacité de la fonctionnaire de travailler efficacement avec les autres. L’employeur avait des motifs de mettre fin à sa période de stage en août ou septembre 2017, mais les choses ont continué à mal aller pendant plusieurs mois de plus.

[177] La fonctionnaire a soutenu que la décision de l’employeur de mettre fin à son emploi avait été prise de mauvaise foi. Je conclus que l’employeur n’a pas fait preuve de mauvaise foi dans sa décision de mettre fin à l’emploi de la fonctionnaire. Toutefois, je conclus qu’il a été trop prudent dans son approche des circonstances dans lesquelles un employé en période de stage pouvait être licencié. Il semble que Mme Boutin et les RH se sont renvoyé la balle plusieurs fois sur la bonne façon de traiter un employé en période de stage. Mme Boutin, pour des raisons qui ne me sont toujours pas claires, a modifié plus de 20 fois le document de l’EGR pour changer certaines de ses inscriptions, en prévision d’une deuxième discussion en profondeur avec la fonctionnaire au sujet de ses problèmes de rendement. La chronologie des interactions entre la fonctionnaire et la direction a été écrite et réécrite, tout comme le script de Mme Boutin pour la réunion de licenciement du 15 décembre 2017. Tout cela m’indique que l’employeur n’était pas vraiment certain de la façon de licencier une employée dont il était certain qu’il voulait mettre fin à ses fonctions.

[178] L’incertitude de l’employeur n’est pas révélateur d’une mauvaise foi, mais de mauvais conseils, peut-être, concernant le licenciement des employés en période de stage.

[179] Mes conclusions de fait dépendent de la crédibilité des témoins. Les deux parties ont correctement fait référence à Faryna. La Cour a énoncé le critère suivant à la page 357 :

[Traduction]

[…]

La crédibilité des témoins intéressés ne peut être évaluée, surtout en cas de contradiction des dépositions, en fonction du seul critère consistant à se demander si le comportement du témoin permet de penser qu’il dit la vérité. Le critère applicable consiste plutôt à examiner si son récit est compatible avec les probabilités qui caractérisent les faits de l’espèce. En résumé, le véritable critère de la véracité de la version du témoin dans un tel cas doit être sa compatibilité avec la prépondérance des probabilités qu’une personne pratique et informée reconnaîtrait facilement comme raisonnables en pareil cas et dans ces conditions […]

 

[180] Les parties n’ont pas fait référence à deux autres cas que je juge utiles pour évaluer la crédibilité des témoins. Le premier est Wallace v. Davis, [1926] 31 O.W.N. 202 (H.C. Ont.); [1926] O.J. No 212 (QL), qui stipule ce qui suit à la page 203 :

[Traduction]

[…] la crédibilité d’un témoin au sens propre ne dépend pas seulement de son honnêteté à exprimer ses opinions. Cela dépend aussi de sa possibilité d’observation exacte, de sa capacité d’observer avec précision, de la fermeté de sa mémoire pour porter dans son esprit les faits tels que ceux observés […] de sa capacité de résister à l’influence, souvent inconsciente, de l’intérêt de modifier son souvenir, de sa capacité de reproduire à la barre des témoins les faits observés, de sa capacité d’exprimer clairement ce qui est dans son esprit – tous ces éléments doivent être pris en considération pour déterminer l’effet à donner à la preuve de tout témoin.

 

[181] Le deuxième cas est MacDermid v. Rice, (1939), 45 Rev. de Jur. 208; [1939] C.C.S. No. 941 (QL), qui stipule ce qui suit à la page 210 :

[Traduction]

Lorsque la preuve d’un fait important est contradictoire, la Cour doit évaluer les motifs des témoins, leur relation ou amitié avec les parties, leur attitude et leur comportement à la barre des témoins, la façon dont ils fournissent la preuve, la probabilité des faits assermentés, et en arriver à une conclusion concernant la version qui devrait être considérée comme la vraie […]

 

[182] J’ai renvoyé les parties à l’affaire de la Cour suprême du Canada, F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53, sur la question de la crédibilité des témoins. Au paragraphe 86, on peut lire ceci :

[86] […] au civil, lorsque les témoignages sont contradictoires, le juge est appelé à se prononcer sur la véracité du fait allégué selon la prépondérance des probabilités. S’il tient compte de tous les éléments de preuve, sa conclusion que le témoignage d’une partie est crédible peut fort bien être décisive, ce témoignage étant incompatible avec celui de l’autre partie. Aussi, croire une partie suppose explicitement ou non que l’on ne croit pas l’autre sur le point important en litige. C’est particulièrement le cas lorsque, comme en l’espèce, le demandeur formule des allégations que le défendeur nie en bloc […]

 

[183] Au paragraphe 100, on peut lire ceci :

[100] La partie qui n’a pas gain de cause peut juger insuffisants les motifs du juge du procès, surtout s’il ne l’a pas crue. Il faut reconnaître qu’il peut être très difficile au juge appelé à tirer des conclusions sur la crédibilité des témoins de préciser le raisonnement qui est à l’origine de sa décision (voir l’arrêt Gagnon). Ses motifs ne sont pas insuffisants pour autant. Dans l’arrêt R. c. R.E.M., [2008] 3 R.C.S. 3, 2008 CSC 51, rendu concurremment avec la présente décision, la juge en chef McLachlin explique que les conclusions relatives à la crédibilité peuvent faire intervenir des éléments difficiles à exprimer :

Bien qu’il soit utile que le juge tente d’exposer clairement les motifs qui l’ont amené à croire un témoin plutôt qu’un autre, en général ou sur un point en particulier, il demeure que cet exercice n’est pas nécessairement purement intellectuel et peut impliquer des facteurs difficiles à énoncer. De plus, pour expliquer en détail pourquoi un témoignage a été écarté, il se peut que le juge doive tenir des propos peu flatteurs sur le témoin. Or, le juge voudra peutêtre épargner à laccusé, qui a témoigné pour nier le crime, la honte de subir des commentaires négatifs sur son comportement, en plus de celle de voir son témoignage écarté et d’être déclaré coupable. Bref, l’appréciation de la crédibilité est un exercice difficile et délicat qui ne se prête pas toujours à une énonciation complète et précise […]

De même, les motifs ne sont pas insuffisants parce que, avec le recul, on peut dire qu’ils ne sont pas aussi clairs et exhaustifs qu’ils auraient pu l’être.

 

[184] À plusieurs reprises, alors que Mme Boutin et Mme Salmaso étaient à la barre des témoins, la fonctionnaire les a accusées de fabriquer des éléments de preuve, ce qui était une accusation très grave. Par conséquent, je vais procéder à une analyse rigoureuse de la façon dont les témoignages fournis par la fonctionnaire et ces deux témoins différaient, afin de me prononcer sur la question de la crédibilité.

[185] Tout d’abord, la fonctionnaire a témoigné et maintenu dans ses arguments qu’elle n’avait jamais élevé la voix sur le lieu de travail, ce qui était contraire aux témoignages de Mme Salmaso, Mme Boutin et M. Thibault.

[186] Je commencerai par M. Thibault, qui a témoigné que lors de ce qui ne pouvait être que la réunion du 26 juillet 2017, la fonctionnaire avait élevé la voix lorsqu’elle a discuté de quelque chose avec Mme Howe. Il a témoigné qu’il semblait y avoir des tensions au sujet d’un document qui devait être produit. Il a décrit Mme Howe comme étant [traduction] « engagée avec intensité, mais qu’elle n’avait pas nécessairement élevé la voix ». M. Thibault a clairement établi une distinction entre le comportement de Mme Howe et celui de la fonctionnaire.

[187] Dans mon expérience en tant que décideur, M. Thibault a été un témoin unique. Il souffre d’un handicap, et l’une des manifestations de cette condition, dans son cas, est un trouble d’élocution et une tendance à produire beaucoup de salive quand il parle, ce qui a fait qu’il m’a été impossible de le comprendre à certains moments. C’est devenu évident dès qu’il a commencé à témoigner. Le format de vidéoconférence a aggravé la situation. J’ai convoqué une séance privée avec les parties pour discuter des approches possibles pour accepter le témoignage de M. Thibault dans le cadre du dossier. Comme nous étions en vidéoconférence, avec l’aide de l’animateur Zoom, des ajustements ont été apportés aux paramètres audio de M. Thibault, mais ces ajustements n’ont pas amélioré de manière significative ma capacité à le comprendre.

[188] J’ai convoqué un autre caucus privé avec les parties, au cours duquel celles-ci ont accepté ma suggestion que j’avise M. Thibault que je recevrais une phrase ou deux de sa part, puis j’interromprais l’audience pour résumer ce que je croyais qu’il avait dit. Il pourrait alors confirmer que j’ai bien compris ou répéter aussi souvent qu’il était nécessaire pour s’assurer qu’il s’était bien fait comprendre.

[189] De retour à la salle d’audience, M. Thibault a semblé vraiment satisfait de ma suggestion. Il a dit que les gens se sentent souvent mal à l’aise à cause de sa condition et qu’ils feront semblant de le comprendre quand vraiment, ils ne comprennent pas ce qu’il a dit. Je suis convaincu que j’ai pu ainsi recevoir avec précision son témoignage.

[190] M. Thibault n’était manifestement pas à l’aise de témoigner au sujet des activités d’une ancienne collègue. Il a affirmé que son souvenir de nombreux événements n’était pas clair. Cependant, il a été clair sur le niveau de détresse que le milieu de travail lui avait causé. Il trouve que le fait d’élever la voix sur le lieu de travail n’est pas acceptable, c’est pourquoi il a pris un congé de maladie prolongé après la réunion du 26 juillet 2017.

[191] La réaction de M. Thibault à la réunion du 26 juillet 2017 est consignée dans un courriel que Mme Boutin a envoyé à son directeur à 17 h 13 ce jour-là, qui est rédigé comme suit :

[Traduction]

J’ai rencontré Susan. Elle pleurait. D’après ce que je peux voir, ce ne sera pas une solution facile pour ce cas. Susan envisage aussi de parler à son syndicat. Emmanuel est aussi assez contrarié par toute cette situation, comme il était au bureau de Susan quand je suis revenu de la réunion des CSRGU.

[…]

 

[192] Mme Boutin s’est entretenue avec M. Thibault quelques semaines avant son retour au travail afin d’essayer d’en apprendre davantage sur lui et elle a pris des notes de leur discussion.

[193] En temps opportun, j’aborderai l’affirmation générale de la fonctionnaire selon laquelle les notes de Mme Boutin étaient toutes fabriquées et que les réunions qu’elle a tenues avec M. Thibault, Mme Howe et Mme Salmaso n’ont jamais eu lieu.

[194] Les notes de Mme Boutin remplissent les blancs laissés par M. Thibault, qui a témoigné ne pas se souvenir de la réunion. Elle a noté les phrases [traduction] « Préoccupation pour l’environnement toxique avant son départ », et [traduction] « Se sentait vraiment stressé par l’incident de la réunion. Il a dit qu’il n’est pas habitué à ce genre de comportement sur le lieu de travail ». Elle a écrit [traduction] « Il a dit qu’il avait l’impression que Bonnie ne faisait pas de distinction entre les déficiences physiques et mentales ou qu’elle ne croyait pas qu’il pouvait faire le travail ».

[195] Le contenu des notes de Mme Boutin est conforme à l’essentiel du témoignage de M. Thibault. Je conclus que, compte tenu de l’attitude franche de M. Thibault à la barre ainsi que de la concordance de ses souvenirs partiels avec les notes que Mme Boutin a prises au sujet de sa discussion avec lui, il était un témoin crédible sur ce point. J’accorde plus d’importance à son témoignage qu’à celui de la fonctionnaire sur la question de savoir si elle avait déjà élevé la voix au travail.

[196] Pour ce qui est de Mme Salmaso, en ce qui concerne la question de savoir si la fonctionnaire avait déjà élevé la voix sur le lieu de travail, je dois d’abord reconnaître qu’il n’y a jamais eu de doute quant à l’inconfort de Mme Salmaso à se présenter à la barre des témoins pour témoigner contre son ancienne collègue. Elle a dit qu’elle ne voulait pas être là et qu’elle a refusé à plusieurs reprises d’accepter une convocation pour témoigner. Elle a dit qu’elle avait été [traduction] « harcelée » pour témoigner.

[197] La fonctionnaire a demandé que l’ensemble du témoignage de Mme Salmaso soit écarté pour cette raison. Au contraire, j’ai apprécié la franchise et l’honnêteté de Mme Salmaso lorsqu’elle a dit qu’elle ne voulait pas revivre le traumatisme des événements de 2017. Elle n’était manifestement pas contente d’être à la barre des témoins et a fondu en larmes plusieurs fois. Je peux comprendre à quel point cela a dû être difficile pour elle.

[198] Mme Salmaso a brièvement agi à titre de superviseure de la fonctionnaire. Avant que la fonctionnaire ne soit embauchée pour une période indéterminée à la fin de novembre 2016, alors que Mme Salmaso préparait la documentation nécessaire à l’appui de l’embauche de la fonctionnaire, une réunion a eu lieu le 28 novembre 2016, que Mme Salmaso a dit avoir été le premier jour de son affectation intérimaire. La fonctionnaire s’est présentée à sa porte, à la première heure le matin, et s’est enquise de façon très exigeante de sa lettre d’offre. Le témoignage de Mme Salmaso était très clair au sujet de la colère de la fonctionnaire et du fait qu’elle avait élevé la voix.

[199] La fonctionnaire a témoigné que Mme Salmaso avait menti au sujet de cet événement et qu’un tel échange n’avait jamais eu lieu. Elle a soutenu qu’il n’aurait pas pu se produire, parce que les échanges de courriels du vendredi 25 novembre 2016, qui font référence à la lettre d’offre comme étant un travail en cours, rendent très improbable qu’elle ait soulevé la question le lundi matin, parce que, pour la paraphraser, [traduction] « Comment pourrait-il être possible de terminer la lettre au cours de la fin de semaine? ». Le problème n’est pas là. La question est de savoir si elle a élevé la voix lors de l’échange avec Mme Salmaso, ce qu’elle a fait selon moi.

[200] Mme Salmaso a dit qu’elle était tellement bouleversée après leur échange qu’elle est allée voir Mme Goodyear. La fonctionnaire a dit que cela n’aurait pas pu se produire parce que, pour la paraphraser encore une fois, [traduction] « Lori Goodyear n’accepte pas les visites à l’improviste ». Je comprends l’horaire chargé d’un directeur général, mais je ne trouve pas l’argument de la fonctionnaire concluant.

[201] Je conclus, en fait, compte tenu du témoignage de Mme Salmaso, que la fonctionnaire a élevé la voix à l’occasion sur le lieu de travail.

[202] L’échange du 28 novembre 2016 a eu lieu avant la période de stage de la fonctionnaire et je n’en tiens pas compte dans le cadre de l’évaluation de l’employeur pendant la période de stage. Toutefois, son importance réside dans le fait qu’elle a jeté les bases d’une période très désagréable en février 2017, lorsque Mme Salmaso s’est retrouvée à remplacer une fois de plus Mme Howe et à superviser la fonctionnaire. Cet échange ajoute de la crédibilité à ce qui allait se produire plus tard en 2017.

[203] En ce qui a trait à la question de savoir si la fonctionnaire a déjà élevé la voix sur le lieu de travail, Mme Boutin a témoigné en détail de la réunion sur l’EGR du 29 septembre 2017 au cours de laquelle la fonctionnaire a élevé la voix et a commencé à argumenter avec Mme Boutin lorsque la question a été soulevée au sujet de son incapacité perçue de travailler efficacement avec les autres.

[204] Le témoignage de Mme Boutin était très clair. La fonctionnaire l’a interrompue, a commencé à parler en même temps qu’elle et, selon ses mots, [traduction] « ne la laissait pas placer un mot ». Mme Boutin a également indiqué très clairement que la fonctionnaire avait élevé la voix à leur réunion.

[205] Mme Boutin a pris des notes de la réunion sur l’EGR, notamment cette phrase : [traduction] « Comme Bonnie ne me laissait pas parler, m’interrompait constamment et élevait la voix […] ».

[206] Le poids de trois témoins contre un sur cette question de savoir si la fonctionnaire a élevé la voix n’est pas déterminant. Il ne s’agit pas d’un jeu de chiffres; chaque témoin doit être évalué individuellement. Toutefois, dans chaque cas, sur cette question de la voix élevée, j’accorde plus de poids aux témoignages des témoins de l’employeur qu’à celui de la fonctionnaire.

[207] En ce qui a trait à l’échange avec Mme Salmaso le 28 novembre 2016, la fonctionnaire a souligné à juste titre que les incidents qui se sont produits en dehors de la période de stage ne pouvaient pas constituer le motif du renvoi en cours de stage (ce qui semblait contraire à son argument selon lequel elle avait été en période de stage d’un an à compter de septembre 2016). J’accepte cet argument, mais je tiens à préciser que je ne prends pas en considération l’incident du 28 novembre 2016 pour une raison autre que celle d’évaluer la crédibilité des témoins. Je conclus que les événements du matin du 28 novembre 2016 se sont produits comme Mme Salmaso les a décrits dans son témoignage et, surtout, contrairement à l’affirmation de la fonctionnaire selon laquelle Mme Salmaso avait menti au sujet du fait que la fonctionnaire avait élevé la voix.

[208] La crédibilité de la fonctionnaire a grandement souffert des propos vitrioliques incessants qu’elle a lancés à l’employeur à presque chaque occasion qui s’est présentée. Elle a manqué de respect envers les témoins et s’est opposée à la comparution de Mme Salmaso à l’audience au motif que la mémoire de Mme Salmaso était tellement altérée que son témoignage serait inutile. La fonctionnaire a tenté de présenter des photographies obtenues sur les médias sociaux de l’intérieur de la résidence de Mme Boutin comme preuve de favoritisme personnel dans le cadre d’un processus d’embauche, ce qui a été un argument répété que j’ai rejeté à plusieurs reprises comme n’étant pas pertinent à la procédure. Elle a interrompu Mme Salmaso à plusieurs reprises à la barre des témoins, l’accusant de mentir, malgré mes avertissements répétés à laisser la témoin parler et à attendre son tour.

[209] La fonctionnaire a gardé ses attaques les plus cinglantes pour Mme Boutin, l’accusant d’obstruction à la justice, de falsification et d’avoir menti à la barre des témoins. Elle a continué d’affirmer jusqu’au dernier jour de l’audience que Mme Boutin n’avait pas le pouvoir de la gérer ou d’agir comme superviseure. Elle a accusé Mme Boutin d’avoir menti en disant avoir rencontré M. Thibault, Mme Howe et Mme Salmaso et d’avoir fabriqué une série de notes manuscrites bien après le fait pour donner une fausse impression que les réunions avaient réellement eu lieu.

[210] Encore une fois, ces accusations sont aussi graves que celles que l’on peut porter devant un tribunal administratif ou une cour. J’accepte l’explication de Mme Boutin concernant l’erreur de date sur les notes de la réunion du 26 juillet 2017.

[211] Les notes sont un aide-mémoire, un résumé des souvenirs de Mme Boutin. Après que la fonctionnaire a commencé à présenter des demandes d’AIPRP et que Mme Boutin a remarqué que la date « 2017-07-25 » était erronée, elle l’a corrigée. À son crédit, elle a admis à la barre des témoins que, rétrospectivement, ce n’était peut-être pas la bonne chose à faire, mais [traduction] « ce qui est fait est fait », comme elle l’a déclaré dans son témoignage.

[212] Je conclus que Mme Boutin a été honnête et franche à la barre des témoins. Elle n’a pas, comme le prétend la fonctionnaire, fabriqué des notes manuscrites pour donner une fausse impression que des réunions avec M. Thibault, Mme Howe et Mme Salmaso ont eu lieu. Je conclus, sur la base des témoignages de Mme Salmaso, de Mme Boutin et de M. Thibault, que les réunions ont bien eu lieu, et que les notes sont le souvenir de Mme Boutin de ce que chacune de ces personnes a dit dans leurs rencontres respectives avec elle.

[213] Mme Salmaso a témoigné d’une réunion avec Mme Boutin au sujet de ses raisons de quitter l’employeur. Les notes que Mme Boutin a prises de la réunion correspondent au témoignage de Mme Salmaso. Les notes ne sont même pas nécessaires, parce que le témoignage de Mme Boutin est un véritable reflet du témoignage de Mme Salmaso selon lequel la principale raison pour laquelle cette dernière a quitté le lieu de travail était le stress qu’elle éprouvait en interagissant avec la fonctionnaire.

[214] Cela m’amène à l’aspect suivant du témoignage sur lequel les explications de la fonctionnaire divergent de celles des témoins de l’employeur, à savoir si elle travaillait efficacement avec d’autres personnes.

[215] La fonctionnaire a présenté des exemples de commentaires élogieux pour sa capacité de travailler avec d’autres personnes et de fournir facilement des mises à jour à la direction sur l’état d’avancement de ses projets. Je fais référence à l’évaluation narrative que Mme Salmaso a préparée, selon ses mots, [traduction] « contrairement à ce qu’elle pensait ». Je me réfère également à la note de renvoi.

[216] Mme Salmaso a fondu en larmes à la barre des témoins lorsqu’elle s’est rappelé les moments où elle avait pleuré après avoir rencontré la fonctionnaire au sujet de sa réticence à coopérer pour fournir des mises à jour sur son travail. Mme Salmaso a témoigné avoir cherché du réconfort dans le bureau de Mme Howe à certains moments et auprès d’un enseignant avec qui elle était en bons termes, car elle se sentait complètement inadéquate en tant que superviseure lorsqu’elle interagissait avec la fonctionnaire. Mme Salmaso a témoigné que les réunions avec la fonctionnaire atteignaient des proportions incontrôlables, ce qui a ébranlé sa confiance.

[217] Dans une autre démonstration de manque de respect à l’égard de ce témoin, la fonctionnaire a laissé entendre que la raison pour laquelle Mme Salmaso était bouleversée après leurs rencontres était qu’elle n’était vraiment pas qualifiée, d’où son sentiment d’inadéquation.

[218] La fonctionnaire, dans son contre-interrogatoire de Mme Salmaso, a tenté de lui rappeler un incident où Mme Salmaso avait quitté une réunion en larmes et s’était retirée dans son bureau. La fonctionnaire lui a demandé si elle se rappelait que la fonctionnaire l’avait suivie dans son bureau pour lui demander si elle était responsable. Selon elle, Mme Salmaso lui avait dit qu’elle n’était pas à blâmer. Lorsqu’elle a interrogé Mme Salmaso à ce sujet, cette dernière a déclaré qu’elle ne s’en souvenait pas.

[219] Par conséquent, la fonctionnaire a confirmé d’elle-même l’allégation de Mme Salmaso selon laquelle cette dernière avait quitté les réunions en larmes. Mme Salmaso a prétendu que la fonctionnaire était la cause de ses pleurs. La fonctionnaire a une opinion différente.

[220] Mme Salmaso ne s’est pas souvenue de beaucoup de choses, et elle a prévenu dès le début de son témoignage que ce serait le cas. Après son départ pour sa période de formation linguistique au printemps 2017, elle a commencé à chercher un emploi ailleurs, parce qu’interagir avec la fonctionnaire avait un effet profondément négatif sur elle. Elle a témoigné qu’en fait, les trois mois suivants environ (juin, juillet et août) étaient flous. Elle a déclaré avoir tenté activement d’étouffer le souvenir de ses interactions avec la fonctionnaire après son retour de la formation linguistique en mai 2017.

[221] Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles les témoins ne se souviennent pas clairement des événements. Le passage du temps en est une, et je reconnais que ces événements se sont produits cinq ans avant que Mme Salmaso ne soit appelée à témoigner à leur sujet. Je connais aussi très bien le comportement des témoins qui sont appelés à témoigner au sujet d’un événement qu’ils ont trouvé très désagréable. Les détails sont souvent flous. L’incapacité de Mme Salmaso à se rappeler de détails précis des événements impliquant la fonctionnaire, y compris les événements de la réunion du 26 juillet 2017, n’a pas porté atteinte à sa crédibilité.

[222] À un moment donné, Mme Salmaso a déclaré qu’elle n’avait même pas pu prononcer le nom de la fonctionnaire pendant environ un an parce qu’elle était encore trop bouleversée. Pour contrer cette affirmation, la fonctionnaire a produit un courriel que Mme Salmaso lui avait envoyé peu après son départ, qui était cordial. Lorsque la fonctionnaire a interrogé Mme Salmaso au sujet du courriel, elle a dit qu’elle avait été gentille. On lui avait demandé d’écrire le courriel.

[223] La fonctionnaire a soutenu que le courriel nuit à la crédibilité de Mme Salmaso et qu’elles étaient en fait en bons termes. Je ne crois pas que la crédibilité de Mme Salmaso ait souffert de l’interaction par courriel à distance sécuritaire de la fonctionnaire le 28 septembre 2017, soit moins d’un mois après le départ de Mme Salmaso.

[224] Mme Salmaso a témoigné avoir dit à Mme Howe qu’elle éprouvait des difficultés avec la fonctionnaire. Mme Boutin a témoigné d’une réunion avec Mme Howe au cours de laquelle cette dernière a confirmé cet aspect du témoignage de Mme Salmaso.

[225] Je reconnais la difficulté associée aux preuves par ouï-dire. Cela dit, la Commission a le pouvoir d’accepter tout élément de preuve, qu’il soit admissible ou non en justice, conformément à l’alinéa 20e) de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365).

[226] La règle du ouï-dire dans R. c. Khan, [1990] 2 R.C.S. 531 et R. c. Smith, [1992] 2 R.C.S. 915 exige que l’on réponde à deux questions, soit celle de savoir si la réception de la preuve par ouï-dire est raisonnablement nécessaire et si le témoignage est fiable.

[227] Mme Salmaso s’adressant à Mme Howe qui, à son tour, parle à Mme Boutin est un exemple de double ouï-dire, mais la nécessité exige de recevoir la preuve puisque Mme Howe est décédée et ne pouvait pas témoigner. Malgré le double ouï-dire, je conclus en fait que Mme Salmaso a parlé à Mme Howe de ses difficultés avec la fonctionnaire et que Mme Howe a raconté la discussion à Mme Boutin. Je conclus également que l’information est fiable, étant donné qu’elle est confirmée par Mme Salmaso et Mme Boutin, qui selon moi étaient des témoins crédibles. Il y a une certaine corroboration.

[228] Il existe une question similaire de double ouï-dire au sujet du courriel de M. Howe à Mme Boutin. M. Howe est le conjoint de Mme Howe et il a déclaré dans son courriel qu’une des raisons du congé de maladie de Mme Howe pour cause de stress lié au travail était [traduction] « lié […] en grande partie à la situation avec [la fonctionnaire] ». M. Howe n’a pas témoigné et il n’a donc pas pu être contre-interrogé sur ce qu’il a écrit. Par conséquent, je ne peux accorder qu’un poids minimal au contenu de son courriel.

[229] Les notes de Mme Boutin et son témoignage sur ce que Mme Howe lui a dit, à savoir que la fonctionnaire avait souvent fait pleurer ces deux personnes (Mme Howe et Mme Salmaso), appuient le fait que j’accorde plus de poids au témoignage de Mme Salmaso et aux commentaires de Mme Howe qu’au témoignage de la fonctionnaire. Je trouve raisonnable l’affirmation de l’employeur selon laquelle la fonctionnaire ne pouvait pas travailler efficacement avec Mme Salmaso et Mme Howe.

[230] La fonctionnaire a constamment contesté le pouvoir de Mme Boutin d’agir comme gestionnaire ou superviseure. La fonctionnaire a soutenu à plusieurs reprises que Mme Boutin, puisqu’elle venait de la Division de la vérification, n’avait pas l’expérience suffisante pour lui permettre de superviser le travail de la fonctionnaire. Ce manque de respect est une autre preuve de son incapacité à travailler efficacement avec les autres.

[231] La fonctionnaire a soutenu qu’elle avait agi de façon professionnelle et appropriée lors de la réunion du 29 septembre 2017 et qu’elle l’avait dit dans un courriel qu’elle avait écrit le 4 octobre 2017, à 10 h 15. Mme Boutin a dit le contraire dans son témoignage et ses courriels au sujet de la réunion.

[232] Je dois de nouveau évaluer la crédibilité de Mme Boutin et de la fonctionnaire pour tirer une conclusion de fait sur le ton et le contenu de leur discussion du 29 septembre 2017. Le témoignage franc de Mme Boutin a été étayé par la documentation qu’elle a fournie de la réunion dans ses communications avec d’autres personnes. Si la fonctionnaire s’était vraiment [traduction] « conduite de façon professionnelle et respectueuse en tout temps », Mme Boutin n’aurait eu aucune raison de dire, dans son courriel du 24 octobre 2017, dont les destinataires comprenaient le directeur général et la fonctionnaire, ce qui suit : [traduction] « […] tout comportement irrespectueux envers moi ou un membre du personnel pendant ou après notre réunion de suivi pourrait mener à des mesures disciplinaires. Je m’attends à ce que notre échange soit calme, productif et professionnel. » Je conclus que Mme Boutin a écrit ceci parce que la réunion du 29 septembre 2017 sur l’EGR n’a pas été calme, productive et professionnelle, comme le prétendait la fonctionnaire.

[233] J’accorde plus d’importance au témoignage de Mme Boutin sur ce point et je conclus que la réunion du 29 septembre 2017 sur l’EGR s’est déroulée comme elle l’a décrite. Je conclus que la fonctionnaire a élevé la voix et a remis en question la compétence de ses collègues à la réunion, ce qui illustre une incapacité de travailler efficacement avec les autres. La perception de Mme Boutin était correcte.

[234] M. Thibault a soutenu ne pas se souvenir d’une grande partie de ce qui s’est passé lorsque la fonctionnaire faisait partie de son équipe, mais sa présence à titre de témoin à la présente procédure était importante pour établir si elle était en mesure de travailler efficacement avec lui. Le témoin qui se souvient le plus clairement de ce qui s’est réellement passé à la fatidique réunion d’équipe du 26 juillet 2017 est la fonctionnaire elle-même.

[235] La fonctionnaire s’est plainte du comportement de M. Thibault au bureau, ayant déposé une plainte pour milieu de travail dangereux. Le [traduction] « Résumé des préoccupations en matière de sécurité physique discutées – 26 septembre 2017 » de la fonctionnaire comprend cette phrase : [traduction] « Hier, il m’a pourchassée dans le couloir menant à mon bureau en faisant des bruits inhabituels – quelque chose comme “getcha-getcha”. J’ai fermé la porte de mon bureau et je me suis demandé si cela pouvait faire partie de son handicap […] » Cependant, à la barre des témoins, la fonctionnaire a déclaré que M. Thibault avait saisi ses fesses près de la photocopieuse. Je trouve surprenant qu’elle n’ait pas mentionné cela dans son résumé, qu’elle a écrit presque en même temps que les événements, parce qu’il s’agit d’une allégation beaucoup plus sérieuse. Cela m’amène à me demander si l’incident d’attouchement s’est réellement produit.

[236] Je tire cette conclusion de fait dans le seul but d’évaluer la crédibilité des témoins. J’accorde plus d’importance au témoignage de M. Thibault qu’à celui de la fonctionnaire.

[237] Mme Boutin a témoigné de la conclusion de la sécurité du ministère selon laquelle la plainte de la fonctionnaire en matière de sécurité au travail n’était pas fondée. Il ne m’incombe pas de me prononcer sur la validité de la plainte de la fonctionnaire en matière de sécurité.

[238] De même, il ne m’appartient pas de me prononcer sur la validité des plaintes de harcèlement de la fonctionnaire contre Mme Howe ou Mme Boutin.

[239] La fonctionnaire a laissé entendre que l’allégation de l’employeur selon laquelle elle n’était pas en mesure de travailler efficacement avec d’autres personnes avait été fabriquée et que le renvoi en cours de stage était un subterfuge et un camouflage pour un exercice de restructuration du ministère. Elle a présenté des éléments de preuve documentaires indiquant qu’une restructuration et une réduction importante du budget de l’unité avaient eu lieu après son départ. M. Tanguay a déclaré qu’une restructuration avait eu lieu, mais qu’il n’y a eu aucune réduction pendant qu’il était aux commandes. Des exercices de restructuration ont lieu tout le temps dans la fonction publique. Je ne trouve pas de preuve suffisante de l’argument de la fonctionnaire et je ne lui accorde aucun poids.

[240] La fonctionnaire n’a pas directement accusé M. Tanguay d’avoir orchestré un subterfuge ou un camouflage pour dissimuler la véritable raison de son renvoi. S’il s’agissait vraiment d’un élément important des arguments de la fonctionnaire, je me serais attendu à ce qu’on pose au moins une question directe à M. Tanguay à ce sujet en contre-interrogatoire, mais cela n’a pas été le cas.

[241] La fonctionnaire a prétendu que M. Tanguay avait fondé sa décision de mettre fin à son emploi en fonction de renseignements erronés ou de détails non pertinents. Au contraire, je conclus qu’il a rendu une décision éclairée sur la base des renseignements qui lui ont été fournis et qu’il a clairement exposé dans la lettre de renvoi les motifs de son renvoi en cours de stage. Dans l’une des affaires citées par la fonctionnaire, soit Sved, aux paragraphes 128 et 129, l’arbitre de grief a formulé les commentaires suivants sur cette même question :

[128] Ce qui plus est, l’employeur n’a pas fait ce que la fonctionnaire allègue qu’il ait fait. En fournissant des exemples concrets de ses lacunes dans les trois domaines énoncés dans la lettre de licenciement, l’employeur n’a rien fait de plus que ce qui était exigé à cet égard. S’il fallait accepter l’argument de la fonctionnaire, la preuve de l’employeur devrait alors se limiter au simple récit des trois raisons fondant le renvoi en cours de stage, sans donner d’exemples concrets. n présentant sa cause, l’employeur n’a pas exposé quelque nouveau motif; il n’a fait qu’étayer les motifs évoqués sur lesquels il fondait sa décision de renvoyer la fonctionnaire en cours de stage. La fonctionnaire a soutenu que la preuve de l’employeur venait contredire les motifs fournis pour la licencier. Je conclus que les exemples fournis par l’employeur constituaient des exemples concrets du comportement de la fonctionnaire et servaient à étayer les motifs fournis pour justifier son licenciement.

[129] Je suis également d’avis que, contrairement à ce qu’a soutenu la fonctionnaire, le gestionnaire qui signe la lettre de licenciement n’est pas tenu d’avoir personnellement été témoin des incidents ou des comportements ayant mené au licenciement de la fonctionnaire. Il est requis du gestionnaire qu’il prenne une décision éclairée, énonçant les raisons justifiant le licenciement, qu’il s’agisse de ses propres observations ou de celles d’autres personnes. Le fait pour le gestionnaire d’avoir tenu compte de documents dont il n’était pas l’auteur ne saurait constituer du ouï‑dire. Il est courant qu’un stagiaire relève de plus d’un superviseur. S’il fallait conclure à un traitement inéquitable ou à la mauvaise foi de la part de l’employeur envers un stagiaire du simple fait que la personne ayant signé la lettre de licenciement n’avait pas une connaissance personnelle des lacunes au plan des aptitudes ou du comportement du stagiaire, cela serait à la fois déraisonnable et irréaliste. En l’instance, l’employeur a présenté des preuves substantielles, par l’entremise des deux superviseurs de la fonctionnaire, des motifs justifiant son licenciement […]

 

[242] La fonctionnaire a également qualifié son licenciement de mesure disciplinaire déguisée. Je ne trouve aucune indication à ce sujet dans la preuve présentée. Son comportement envers ses superviseures et ses collègues n’a fait l’objet d’aucune mesure disciplinaire. Ce comportement a plutôt été qualifié d’incapacité à travailler efficacement avec d’autres, ce qui a rendu la fonctionnaire inapte à poursuivre son emploi.

D. La fonctionnaire a-t-elle reçu un avis ou un paiement tenant lieu d’avis?

[243] La lettre de licenciement est rédigée comme suit : [traduction] « Conformément au paragraphe 62(2) de la LEFP, vous serez payée pour un mois à compter de la date de remise du présent avis ». M. Tanguay a témoigné qu’il savait que ce paiement avait eu lieu.

[244] La fonctionnaire a témoigné qu’elle avait effectivement reçu un paiement après la date de son licenciement, mais qu’il avait été, selon ses mots, [traduction] « récupéré » et s’était retrouvé inextricablement lié à ses autres questions de rémunération, dont certaines étaient attribuables au mauvais fonctionnement du système de paye de Phénix. Elle est toujours en conflit avec l’employeur au sujet des sommes qui lui étaient dues après son licenciement.

[245] L’employeur et la fonctionnaire ont convenu que la question du paiement tenant lieu d’avis faisait l’objet d’un grief différent, lequel a été retiré.

[246] La fonctionnaire a fait référence à un relevé d’emploi, qui indique une date de fin de période de paie finale du 27 décembre 2017. Rien ne prouve qu’elle n’a pas été payée. Au contraire, le propre témoignage de la fonctionnaire mentionne que le paiement tenant lieu d’avis a été effectué, mais qu’il a ensuite été récupéré parce qu’il était inextricablement lié aux problèmes du système de paye de Phénix. Je conclus donc qu’il est plus probable que la fonctionnaire ait reçu un paiement tenant lieu d’avis.

V. Conclusion

[247] Compte tenu de l’ensemble de la preuve, je conclus que la fonctionnaire était en stage et que la période de stage était toujours en vigueur au moment du licenciement. Un paiement tenant lieu d’avis a été versé. La lettre de renvoi en cours de stage exposait la raison du renvoi, à savoir l’incapacité de bien travailler avec les autres. C’est la raison pour laquelle l’employeur a jugé que la fonctionnaire n’était pas apte à poursuivre son emploi. La fonctionnaire ne s’est pas acquittée du fardeau de prouver que la raison invoquée par l’employeur pour la renvoyer en cours de stage était un subterfuge, un camouflage ou une mesure disciplinaire déguisée. Par conséquent, je n’ai pas compétence à l’égard du grief.

[248] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[249] Je déclare que la Commission n’a pas compétence pour entendre ce grief.

[250] J’ordonne la fermeture de ce dossier.

Le 17 juillet 2023.

Traduction de la CRTESPF

James R. Knopp,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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