Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s’estimant lésés ont été nommés agents des services frontaliers à temps plein, pour une période indéterminée et sur une base saisonnière – le lendemain de l’annonce de leur mise en disponibilité saisonnière par l’employeur, ce dernier les a nommés agents des services frontaliers à un autre endroit à temps partiel, pour une période indéterminée et sur une base saisonnière – pendant qu’ils travaillaient à cet autre endroit, l’employeur les a nommés agents des services frontaliers à temps plein, pour une période indéterminée et sans interruption saisonnière – les fonctionnaires ont contesté le fait que l’employeur ne leur a pas versé leur première augmentation de l’échelon de rémunération aux dates applicables – l’employeur s’est opposé à ce que les fonctionnaires invoquent de nouveaux arguments à l’arbitrage – la Commission a conclu que les fonctionnaires étaient autorisés à présenter de nouveaux arguments à l’arbitrage, parce que ces arguments ne modifiaient pas la nature de leurs griefs; voir Burchill c. Procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109 (C.A.), et Delage c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2008 CRTFP 56 – la Commission a conclu que la disposition de la convention collective stipulant que les employés à temps plein et à temps partiel avaient droit à des augmentations d’échelon à la date anniversaire de leur nomination, peu importe le nombre d’heures qu’ils avaient travaillées, ne créait aucun

résultat absurde – enfin, la Commission a conclu que, même si la convention collective prévoyait certaines exceptions pour le versement d’augmentations d’échelon à la date anniversaire de la nomination d’un employé, elle ne contenait aucune exception de ce genre pour les employés nommés sur une base saisonnière.

Objection rejetée.
Griefs accueillis.

Contenu de la décision

Date: 20230731

Dossiers: 566-02-11830 à 11832

 

Référence: 2023 CRTESPF 75

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations de

travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

ENTRE

 

Larry Anderson, Harbir Boparai ET Ronald Broda

fonctionnaires s’estimant lésés

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(Agence des services frontaliers du Canada)

 

employeur

Répertorié

Anderson c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

Devant : Audrey Lizotte, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour les fonctionnaires s’estimant lésés : Geoff Dunlop, avocat

Pour l’employeur : Peter Doherty, avocat

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 19 avril et les 6 et 13 mai 2022.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

[1] Dans la présente affaire, il est question de trois griefs individuels déposés par Larry Anderson, Harbir Boparai et Ronald Broda, les fonctionnaires s’estimant lésés (les « fonctionnaires »), du 26 au 29 mai 2012.

[2] Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique pour remplacer l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique ainsi que l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires contenues dans les articles 366 à 466 de la Loi n2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). Conformément à l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

[3] Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral.

[4] Par souci de clarté, dans la présente décision, le terme « Commission » renvoie à la Commission actuelle et à ses prédécesseurs.

[5] Les fonctionnaires étaient, à toutes les périodes pertinentes, des agents des services frontaliers au groupe et au niveau FB-03 et employés par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC ou l’« employeur »).

[6] Quant au fond, les griefs sont identiques. Dans chacun des griefs, il est allégué que l’employeur a omis d’accorder aux fonctionnaires leur première augmentation d’échelon de rémunération à la date pertinente alors qu’ils étaient employés à temps plein pour une période indéterminée sur une base saisonnière.

[7] La convention collective en litige dans la présente affaire a été conclue le 29 janvier 2009 entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada pour l’unité de négociation du groupe Services frontaliers, et elle a expiré le 20 juin 2011 (la « convention collective »).

[8] Les faits n’étant pas contestés pour la plupart, les parties ont convenu de soumettre des arguments écrits.

[9] Selon les fonctionnaires, le fait que l’employeur n’ait pas accordé à ces derniers leur première augmentation d’échelon à la date anniversaire de leur première nomination contrevient à la convention collective, dans laquelle il est précisé que dans le cas des employés à temps plein et à temps partiel, « [l]a période d’augmentation d’échelon de rémunération pour les employé-e-s aux niveaux FB-1 à FB-8 est la date anniversaire de ladite nomination ».

[10] L’employeur nie avoir enfreint la convention collective. Il soutient que la convention collective ne contient aucune disposition concernant les employés saisonniers et que, par conséquent, il a respecté la Directive sur les conditions d’emploi du Conseil du Trésor (la « Directive ») et la politique ARCHIVÉ - Augmentations d’échelon (articles 27 et 29 à 45 du RCEFP) du Conseil du Trésor (la « Politique sur les augmentations d’échelon de rémunération ») lorsqu’il a déterminé que les fonctionnaires avaient droit à une augmentation d’échelon après une période correspondant à 12 mois de travail effectif dans leur poste respectif.

[11] L’employeur n’a pas soulevé d’objection quant au respect des délais et convient que les griefs ont été renvoyés à l’arbitrage de façon régulière.

[12] Toutefois, l’employeur a soulevé une objection préliminaire au motif que les fonctionnaires ont avancé de nouveaux arguments qui n’avaient pas été présentés au cours de la procédure de règlement des griefs, ce qui, selon lui, est interdit en vertu du principe établi dans Burchill (voir Burchill c. Procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109 (C.A.)).

[13] Dans les arguments qu’ils ont déposés en réponse, les fonctionnaires soutiennent que les griefs demeurent de même nature et que, par conséquent, le principe établi dans Burchill ne s’applique pas.

[14] Pour les motifs exposés dans la présente décision, je conclus que l’objection préliminaire soulevée par l’employeur doit être rejetée et que les griefs doivent être accueillis.

II. Résumé des faits convenus

A. Les premières nominations pour des emplois saisonniers à temps plein pour une durée indéterminée

[15] Les fonctionnaires ont d’abord été nommés à Victoria, en Colombie-Britannique, à titre d’agents des services frontaliers au groupe et au niveau FB-03 (les « postes occupés à Victoria »).

[16] Dans sa lettre de nomination, M. Anderson s’est vu offrir une [traduction] « […] nomination pour un emploi saisonnier à temps plein d’une durée indéterminée […] » à compter du 1er mai 2010. Il y était précisé que M. Anderson devait travailler du 1er mai au 30 septembre de chaque année civile. La lettre indiquait qu’il serait tenu de fournir des services dans n’importe quel bureau ou point de service de l’ASFC du district de la côte Ouest et du Yukon, et que sa première affectation se ferait à Victoria ou à Sidney, en Colombie-Britannique. La lettre précisait qu’il était soumis à une période d’essai de 12 mois, au cours de laquelle aucune période hors service n’était prévue pour les employés saisonniers. Enfin, la lettre indiquait que l’emploi était assujetti à la [traduction] « Politique et directives sur les conditions d’emploi dans la fonction publique ».

[17] M. Anderson a occupé le poste du 1er mai au 30 septembre 2010.

[18] M. Boparai et M. Broda ont tous deux reçu la même lettre de nomination que M. Anderson, à la seule différence que leurs nominations entraient en vigueur un an plus tard, soit le 1er mai 2011.

[19] Les fonctionnaires ont travaillé ensemble aux ports de Victoria et de Sidney dans le district de la côte Ouest et du Yukon de l’ASFC du 1er mai au 30 septembre 2011.

B. Les nominations subséquentes pour des emplois saisonniers à temps partiel pour une durée indéterminée

[20] Le 16 août 2011, certains employés des ports de Sidney et de Victoria de l’ASFC ont reçu un message au sujet des heures saisonnières. Ce message indiquait que le district de Pacific Highway de l’ASFC était susceptible d’offrir des contrats saisonniers distincts durant la période hors saison.

[21] Le 28 septembre 2011, l’employeur a diffusé un lien vers une offre d’emploi pour la nomination d’agents des services frontaliers saisonniers pour une période indéterminée dans son district de Pacific Highway. La zone de sélection était ouverte aux [traduction] « […] employés de l’ASFC qui fournissent des services de protection du public de première ligne (p. ex. agent des services frontaliers) et qui occupent un poste dans le district de la côte Ouest et du Yukon ».

[22] Les trois fonctionnaires ont répondu à l’annonce entre le 27 septembre et le 1er octobre 2011.

[23] Le 12 octobre 2011, chacun des fonctionnaires a reçu une lettre de l’employeur l’informant de sa mise à pied saisonnière et de ses droits pendant la période hors saison. Dans la lettre, on pouvait lire ceci :

[Traduction]

[…]

OBJET : MISE À PIED SAISONNIÈRE

La présente lettre a pour objet de vous informer de vos droits pendant la période hors saison […]

 

Aux fins de la détermination du droit à l’indemnité de départ, aux congés annuels et aux augmentations prévues par la loi, un employé saisonnier est réputé avoir accompli une année d’emploi continu pour chaque année d’emploi saisonnier. Toutefois, le calcul de l’indemnité de départ, des congés annuels et des augmentations prévues par la loi ne tient compte que des périodes au cours desquelles l’employé a été réellement employé ou a été en vacances, en congé de maladie ou en congé compensatoire.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[24] Le 12 octobre 2011, chacun des fonctionnaires a également reçu une offre d’emploi saisonnier à temps partiel pour une durée indéterminée, à compter du 13 octobre 2011. La lettre indiquait que les fonctionnaires seraient tenus de travailler 30 heures par semaine du 1er octobre au 30 avril de chaque année civile. La lettre précisait qu’ils pourraient être appelés à fournir des services à n’importe quel bureau ou point de service du district de Pacific Highway de l’ASFC et que leur affectation initiale se ferait au port de Douglas, à Surrey, en Colombie-Britannique.

[25] Les fonctionnaires ont accepté les offres d’emploi et ont occupé leurs postes saisonniers dans le district de Pacific Highway de l’ASFC à compter du 13 octobre 2011 (les « postes occupés au port de Douglas »).

[26] Le 17 novembre 2011, M. Broda a écrit à l’employeur pour lui demander s’il serait soumis à deux périodes d’essai distinctes étant donné qu’il était lié par deux contrats saisonniers distincts. L’employeur a répondu dans les termes que voici :

[Traduction]

[…]

Votre période d’essai est continue et elle sera considérée comme terminée à partir du mois d’avril 2012 (après un an).

Étant donné que vous êtes en situation de « double emploi », tous vos droits à congé sont distincts pour chaque district. Les congés acquis pendant votre emploi dans le district de la côte Ouest et du Yukon ne peuvent pas être reportés sur la période d’emploi séparée dans le district de Pacific Highway, et vice-versa.

[…]

 

[27] Le 13 janvier 2012, l’employeur a envoyé le courriel suivant à M. Anderson, en réponse à ses interrogations au sujet de sa rémunération :

[Traduction]

[…]

Je vais essayer de tirer les choses au clair, car la situation est confuse. Le « système » ne reconnaît pas votre emploi précédent. Vous êtes employé par le district de Pacific Highway et vos droits sont en fonction de cet emploi; aucun lien avec votre emploi à Victoria n’est fait. Bien que vous soyez employé par la même organisation, vous occupez en quelque sorte deux emplois distincts. Lorsque vous êtes dans le district de Pacific Highway, votre port « d’attache » se situe dans le district de Pacific Highway. Lorsque vous retournez à Victoria, c’est ce port qui est considéré comme votre port d’attache. Les deux emplois sont indépendants l’un de l’autre. Chaque contrat est totalement indépendant de l’autre, notamment en ce qui concerne les augmentations et les crédits de congé.

Cependant, comme vous êtes employé par la même organisation, tout ce qui a trait à la rémunération et aux avantages sociaux relève d’un seul et même bureau. Afin de séparer les « deux emplois », deux CIDP différents ont été utilisés […]

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

C. Les nominations à temps plein pour une durée indéterminée toute l’année

[28] Le 29 février 2012, alors que les fonctionnaires occupaient leur poste au port de Douglas, ils ont reçu, ainsi que d’autres employés, un courriel de David Rizzo, chef des opérations de Sidney/Nord, et de Nina Patel, cheffe des opérations de Victoria, les informant que l’employeur était prêt à faire passer le statut des employés saisonniers travaillant à ce moment-là à Victoria ou à Sidney à celui d’employés à temps plein nommés pour une période indéterminée toute l’année, s’ils le désiraient. Les fonctionnaires ont accepté.

[29] Le 28 mars 2012, les fonctionnaires ont reçu une lettre les informant de la modification de leurs [traduction] « […] heures de travail, lesquelles correspondaient auparavant à un emploi saisonnier de durée indéterminée, pour des heures qui correspondraient dorénavant à un emploi à temps plein de durée indéterminée durant toute l’année […] », et ce, à compter du 1er mai 2012.

[30] Vers le mois d’avril 2012, les fonctionnaires ont démissionné de leur poste au port de Douglas, avec prise d’effet le 30 avril 2012.

[31] Le 1er mai 2012, les fonctionnaires sont retournés travailler à Victoria et à Sidney, mais dorénavant à titre d’agents des services frontaliers à temps plein, pour une période indéterminée et pour toute l’année.

[32] M. Anderson a reçu sa première augmentation d’échelon de rémunération à compter du 27 juin 2012.

[33] M. Boparai et M. Broda ont reçu leur première augmentation d’échelon de rémunération à compter du 27 novembre 2012.

III. Les griefs individuels et la procédure de règlement des griefs

[34] Le libellé des trois griefs, reproduit ci-dessous, est identique; seule la date de nomination diffère d’un grief à l’autre :

[Traduction]

[…]

J’ai été employé de façon continue à l’Agence des services frontaliers du Canada depuis le 1er mai 2011 [le 1er mai 2010 pour M. Anderson] et l’employeur ne m’a pas accordé mon augmentation d’échelon de rémunération. Je déplore que l’employeur ne me rémunère pas conformément à ma convention collective et à toute autre politique ou règlement applicable de l’ASFC et du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada.

[…]

 

[35] Les fonctionnaires ont demandé, à titre de mesure corrective, ce qui suit : [traduction] « Je demande qu’on me verse le salaire et les avantages auxquels j’ai droit et qu’on prenne toute autre mesure corrective indiquée compte tenu des circonstances, et qu’on m’indemnise intégralement. »

[36] Parmi les documents fournis conjointement à la Commission, deux documents intitulés [traduction] « Audience relative aux griefs » exposent les points soulevés lors des réunions relatives à la procédure de règlement des griefs tenues les 7 et 8 juillet 2012. Leur contenu est en grande partie identique; seule la date de nomination de M. Anderson est antérieure d’un an à celles de M. Boparai et de M. Broda. Voici ce que l’on peut lire dans ces documents :

[Traduction]

[…]

Arguments

- La situation des fonctionnaires ne répond pas aux critères du double emploi. La direction prétend que les employés étaient en situation de double emploi. On entend par double emploi le cas des employés nommés pour une période indéterminée qui sont en congé non payé (CNP) approuvé et qui acceptent un emploi pour une période déterminée auprès d’une autre organisation (voir l’annexe 1 - Nominations pour une période déterminée pendant un congé non payé pour une période prolongée (double emploi) - de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP)). Ces employés n’étaient pas en CNP; ils sont mis à pied à la fin de la saison et sont employés par la même organisation. Pour qu’il y ait double emploi, il faut qu’il y ait un poste d’attache et un poste d’accueil distincts (voir annexe 2 - Définitions en vertu de la LRTFP). Les RH ont déclaré que lorsqu’ils sont dans le district de Pacific Highway, leur port d’attache se trouve dans le district de Pacific Highway et que lorsqu’ils retournent à Victoria, c’est là que se trouve leur port d’attache. Comment peut-on avoir deux ports d’attache? Cela va à l’encontre des critères du double emploi. Dans notre cas, le port d’attache devrait être celui de Victoria et le port d’accueil devrait se trouver dans le district de Pacific Highway. Même s’ils sont considérés comme étant en CNP, l’article 9 relatif aux nominations pour une période déterminée précise que les nominations qui ont lieu pendant un CNP sont incluses dans le calcul de l’emploi continu et du service continu (voir annexe 3, article 9 relatif aux nominations pour une période déterminée pendant des périodes prolongées de CNP (double emploi)). En outre, la Politique prévoit également qu’en cas de retour au statut indéterminé du poste d’attache, il est tenu compte des périodes d’emploi survenues pendant le CNP aux fins de l’emploi continu (voir annexe 4 - article 10 relatif aux nominations pour une période déterminée pendant une période prolongée de CNP (double emploi)).

– La période d’essai étant continue, leur service et leur emploi devraient être considérés comme continus […]

Les fonctionnaires ont droit à une augmentation d’échelon à la date anniversaire de leur nomination, conformément à plusieurs politiques : la convention collective du groupe FB (annexe 7), la Politique du Conseil du Trésor (CT) sur l’augmentation d’échelon, partie 4.1 (annexe 8), les définitions du CT (annexe 9) et les Directives du CT sur les conditions d’emploi, partie 5 (annexe 10).

– En tant qu’employés saisonniers nommés pour une période indéterminée, toutes les périodes durant lesquelles les fonctionnaires ont travaillé devraient être incluses dans la période d’augmentation d’échelon de rémunération, conformément à la Politique du CT sur l’augmentation d’échelon de rémunération 4.13 (annexe 11).

Les fonctionnaires aimeraient rappeler les éléments suivants :

– Les fonctionnaires ont été employés de façon continue dans l’administration publique centrale depuis le 1er mai 2011 [ou mai 2010 dans le cas de M. Anderson].

– Ils sont employés par le même organisme, dans la même région, selon la même classification et au même poste. La seule différence est le lieu de travail.

– Ils ne devraient pas avoir deux dates anniversaires distinctes pour cette raison.

– Une seule date anniversaire devrait être retenue, à savoir la date de nomination indiquée dans la lettre d’offre initiale du district de la côte Ouest et du Yukon.

– La période d’essai a été considérée comme continue.

– Diverses politiques indiquent que toutes les périodes d’emploi pendant un congé non payé entrent dans le calcul de l’emploi continu et du service continu.

– La direction affirme que les fonctionnaires occupaient deux postes distincts.

– La partie 4.13 de la Politique sur les augmentations d’échelon de rémunération précise que toutes les périodes pendant lesquelles l’employé a exercé les fonctions de son poste sont incluses dans le calcul de la période d’augmentation d’échelon de rémunération. Par conséquent, il devrait être tenu compte des heures de travail effectuées dans les deux postes aux fins de l’augmentation d’échelon de rémunération et des avantages sociaux pour le service.

– Le syndicat est d’avis que la direction contrevient à l’appendice A de la convention collective et aux politiques suivantes du CT : période d’emploi déterminée pendant un CNP prolongé, Politique sur les augmentations d’échelon de rémunération et la Directive sur les conditions d’emploi du CT.

Mesures correctives

– Nous demandons que les fonctionnaires reçoivent le salaire et les avantages sociaux auxquels ils ont droit, que toute autre mesure corrective indiquée dans les circonstances leur soit accordée, et qu’ils soient indemnisés intégralement au moyen de ce qui suit :

– Que les heures de travail effectuées aux deux points de service soient comprises dans le calcul de l’emploi continu et du service continu.

– Que ces heures soient cumulées et prises en compte aux fins de l’augmentation d’échelon et des autres avantages liés à l’ancienneté de service.

– Qu’ils soient indemnisés sous forme d’arriérés de salaire à compter de la date anniversaire de leur première augmentation d’échelon de rémunération.

– Que tous les congés annuels accumulés dans le district de Pacific Highway soient payés et que tous les congés de maladie accumulés soient transférés au district de la côte Ouest et du Yukon, si cela n’a pas déjà été fait.

[…]

[Je mets en évidence]

 

IV. Résumé de l’argumentation

A. Pour les fonctionnaires

[37] Les fonctionnaires soutiennent que l’employeur a enfreint la convention collective en ne leur accordant pas leurs premières augmentations d’échelon à la date anniversaire de leur première nomination.

[38] Selon les fonctionnaires, la tâche fondamentale de la Commission lorsqu’elle interprète une convention collective est de vérifier l’intention des parties en examinant avant tout le sens ordinaire du libellé dont elles ont convenu. Les fonctionnaires renvoient à Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 5e édition (« Brown et Beatty »), au paragraphe 4:21, qui est l’ouvrage de référence en matière d’arbitrage de différends du travail.

[39] Les fonctionnaires soutiennent que la Commission a suivi la méthode énoncée dans Brown et Beatty dans d’innombrables cas, notamment ceux portant sur le calcul des périodes d’augmentation d’échelon de rémunération. Ils affirment que les principes d’interprétation applicables ont été bien résumés dans Cruceru c. Conseil du Trésor (ministère de la Justice), 2021 CRTESPF 30.

[40] Selon les fonctionnaires, une lecture croisée du libellé de la convention collective et de documents accessoires tels que la politique interne de l’employeur fait ressortir que ces documents accessoires sont distincts de la convention collective et lui sont subordonnés, à moins qu’ils n’y soient incorporés par renvoi.

[41] Les fonctionnaires soutiennent que le présent cas repose sur l’interprétation des dispositions contenues dans les Notes sur la rémunération de l’appendice A de la convention collective (les « Notes sur la rémunération »), qui s’appliquent aux employés à temps plein et à temps partiel et qui indiquent que « [l]a période d’augmentation d’échelon de rémunération pour les employé-e-s aux niveaux FB-1 à FB-8 est la date anniversaire de ladite nomination ».

[42] Les fonctionnaires soutiennent que, lues dans leur sens ordinaire, les Notes sur la rémunération exigent que les augmentations d’échelon soient accordées aux dates anniversaires des nominations.

[43] Ils soutiennent que la Commission a déjà indiqué que les augmentations d’échelon de rémunération constituent un droit par présomption et un avantage prévu par la convention collective qui ne peut être supprimé que si le libellé de la convention est explicite. Ils affirment que les parties à la convention collective ont établi en termes explicites qu’une augmentation d’échelon de rémunération est accordée à la date anniversaire de la nomination d’un employé. Utilisé dans son sens normal et ordinaire, le terme principal « date anniversaire » de la convention collective renvoie à une seule date précise qui survient une fois par an. Cette interprétation vaut pour toutes les dates anniversaires qui marquent des événements historiques, des étapes importantes d’une relation ou des faits marquants. Elle correspond également à la définition donnée par le dictionnaire Oxford en ligne, qui définit le terme anniversary comme étant [traduction] « la date à laquelle un événement a eu lieu au cours d’une année antérieure ».

[44] Les fonctionnaires soutiennent que, en se fondant sur une simple lecture des Notes sur la rémunération, le fait qu’ils étaient des employés saisonniers ou qu’ils faisaient l’objet de deux nominations distinctes à titre d’employés saisonniers n’est pas du tout pertinent. La convention collective ne fait pas de distinction entre les employés à temps plein et à temps partiel, ni entre les employés qui travaillent comme saisonniers ou toute l’année. Il y a lieu de présumer que les parties à la convention collective ont voulu dire ce qu’elles ont expressément dit, à savoir que tous les employés occupant de tels postes reçoivent des augmentations d’échelon de rémunération à la date anniversaire de leur nomination.

[45] Les fonctionnaires soulignent que les parties à la convention collective ont choisi de modifier cette règle générale dans des circonstances précises, et elles l’ont fait de façon expresse. Par exemple, les dispositions générales sur les congés de la clause 33.02 précisent qu’un congé prolongé non payé accordé à un employé pour des motifs autres que la maladie interrompt une période d’augmentation d’échelon de rémunération. Les clauses 38.01g) et 40.01g) précisent que l’interruption ne s’applique pas aux personnes en congé de maternité ou en congé parental non payé. Ainsi, les parties à la convention collective ont clairement décidé de déterminer quelles périodes devraient ou ne devraient pas entrer dans le calcul de l’augmentation d’échelon de rémunération, et elles ont choisi de ne pas faire de distinction entre les employés qui travaillent toute l’année et les employés saisonniers. Dans le présent cas, aucune des exceptions définies à la règle générale des augmentations d’échelon de rémunération ne s’applique; par conséquent, la période d’augmentation d’échelon de rémunération des fonctionnaires est régie par les Notes sur la rémunération.

[46] Les fonctionnaires soutiennent qu’ils ont tous été nommés à temps plein pour une période indéterminée le 1er mai; par conséquent, la date anniversaire de leur nomination est le 1er mai de l’année suivante.

[47] Quant à la Directive, les fonctionnaires soutiennent que celle-ci s’applique à l’ensemble de l’administration publique centrale, y compris aux employés nommés pour une période déterminée ou indéterminée, aux employés à temps partiel et aux employés saisonniers. La Cour fédérale et la Commission ont toutes deux conclu que la Directive est incorporée par renvoi dans les conventions collectives (voir Broekaert c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 90). Par ailleurs, l’interprétation proposée par les fonctionnaires est tout à fait conforme à la Directive.

[48] Ils soulignent que, selon l’appendice de la Directive, une « [p]ériode d’augmentation d’échelon de rémunération » désigne, « […] à l’égard d’un poste, la période comprise entre chacune des augmentations de traitement pour ce poste, conformément à la convention collective pertinente ou aux conditions d’emploi applicables ». La Directive prévoit une autre méthode de calcul de la période d’augmentation d’échelon de rémunération, mais uniquement « [l]orsque la convention collective pertinente ne précise rien à ce sujet […] ». Dans le présent cas, la convention collective n’est pas muette et indique clairement que la période d’augmentation d’échelon est calculée en fonction de la date anniversaire de la nomination de l’employé; par conséquent, l’autre méthode de calcul de l’augmentation d’échelon de rémunération mentionnée dans la Directive ne s’applique pas.

[49] Les fonctionnaires font valoir que la prétendue justification avancée par l’employeur repose sur une politique désuète. Ils affirment que, outre le fait qu’elle n’a pas été intégrée à la convention collective, la politique de l’employeur sur les augmentations d’échelon de rémunération n’était même pas en vigueur au moment où ils ont été nommés. Ils affirment que la Politique sur les augmentations d’échelon de rémunération constituait un guide du Règlement sur les conditions d’emploi dans la fonction publique (le « Règlement »), qui était en vigueur de 1993 à la date à laquelle la Directive a expressément remplacé le Règlement, soit le 1er avril 2009. Si la Politique sur les augmentations d’échelon de rémunération énonce des règles claires et précises sur les augmentations d’échelon de rémunération applicables aux employés saisonniers, ce n’est pas le cas de la Directive qui a remplacé le Règlement. Au contraire, la Directive adoptée en 2009 définit une période d’augmentation d’échelon de rémunération par renvoi au libellé de la convention collective. Ainsi, l’employeur prétend s’appuyer sur un guide obsolète du Règlement qui a précédé la Directive. La Politique sur les augmentations d’échelon de rémunération ne lie pas les parties et n’est pas applicable dans le présent cas.

[50] Selon les fonctionnaires, Broekaert devrait inspirer la Commission dans sa décision en l’espèce, dans la mesure où les faits dans Broekaert ressemblent fortement à ceux du présent cas. Dans Broekaert, la question était de savoir si les employés occasionnels avaient droit à une augmentation d’échelon de rémunération après 12 mois d’emploi. Comme dans le présent cas, le libellé exécutoire dont il est question dans Broekaert (dans ce cas, il figurait dans la Politique sur les conditions d’emploi) indiquait clairement que « […] la période d’augmentation de traitement sera de 12 mois […] ». Toutefois, l’employeur de M. Broekaert a tenté de s’appuyer sur son manuel L’administration de la paye, dans lequel il était indiqué que les périodes d’augmentation d’échelon devaient être calculées au prorata du nombre réel d’heures travaillées.

[51] Dans Broekaert, la Commission a interprété la Politique sur les conditions d’emploi en se fondant sur son sens ordinaire et n’a trouvé aucune autorité exécutoire susceptible de la supplanter. En particulier, elle a rejeté l’argument de l’employeur de M. Broekaert selon lequel son manuel L’administration de la paye pouvait avoir préséance sur la convention collective en cause. Les fonctionnaires soutiennent que l’analyse faite dans Broekaert s’applique parfaitement à leur cas. Les parties sont liées par la convention collective et la Directive, qui est incorporée à la convention par renvoi. Ces documents définissent clairement une période d’augmentation d’échelon de rémunération, qui doit être appliquée sans qu’il soit tenu compte d’autres documents non exécutoires.

[52] Selon les fonctionnaires, l’employeur a essentiellement adopté la position selon laquelle la période d’augmentation d’échelon de rémunération des fonctionnaires devrait être calculée au prorata, en fonction de la durée de la saison. Si l’employeur a raison de dire que les nominations saisonnières d’été et d’hiver sont assorties de périodes d’augmentation d’échelon distinctes et assujetties à un calcul au prorata, les agents des services frontaliers saisonniers d’été nommés à compter du 1er mai recevraient leur première augmentation d’échelon 26 mois après la date de leur première nomination. Les fonctionnaires soutiennent qu’il est inconcevable que les parties à la convention collective aient envisagé ce résultat lorsqu’elles ont convenu de rattacher la période d’augmentation d’échelon, pour tous les employés à temps plein et à temps partiel, à la « date anniversaire » de leur nomination, comme le précise la convention collective.

[53] Les fonctionnaires soutiennent que la question centrale dans le présent cas se résume à déterminer si l’expression clé « date anniversaire » de la convention collective veut dire ce qu’elle dit. Ils soutiennent qu’il faut l’interpréter dans son sens normal et ordinaire. Dans la mesure où les politiques et les manuels internes de l’employeur sont incompatibles avec ce libellé clair, ils doivent être écartés. Aucune disposition exécutoire ne suggère un autre sens; selon les fonctionnaires, qui ont été nommés le 1er mai, la « date anniversaire de ladite nomination », selon la convention collective, est le 1er mai. Ainsi, la première augmentation d’échelon de rémunération de M. Anderson aurait dû lui être accordée le 1er mai 2011, tandis que celles de M. Boparai et de M. Broda auraient dû leur être accordées le 1er mai 2012.

[54] Les fonctionnaires ont également expliqué dans leurs arguments pourquoi d’autres politiques et manuels ne s’appliquaient pas. Toutefois, ces explications ne sont pas reproduites dans la présente décision puisque l’employeur n’a pas invoqué ces documents dans ses propres arguments.

B. Pour l’employeur

1. Objection préliminaire

[55] L’employeur affirme que les fonctionnaires ont soulevé à l’arbitrage de nouveaux arguments qu’il n’a pas eu l’occasion d’aborder lors de la procédure de règlement des griefs. Selon l’employeur, les fonctionnaires ne peuvent pas soulever de nouveaux arguments à l’arbitrage en raison des principes énoncés dans Burchill.

[56] L’employeur souligne que pendant la procédure de règlement des griefs, les fonctionnaires ont fait valoir qu’il aurait fallu tenir compte de leur emploi au port de Douglas dans le calcul de leurs périodes d’augmentation d’échelon de rémunération pour leurs postes occupés à Victoria. L’employeur déclare qu’il a rejeté cet argument à chaque palier de la procédure de règlement des griefs, au motif que chaque fonctionnaire occupait deux postes distincts et qu’en vertu de l’économie de la convention collective, chaque poste était assujetti à sa propre période d’augmentation d’échelon de rémunération.

[57] L’employeur souligne que les fonctionnaires ne contestent plus qu’ils ont occupé deux postes distincts ou qu’il fallait tenir compte de leur emploi au port de Douglas aux fins du calcul des périodes d’augmentation d’échelon de rémunération pour les postes occupés à Victoria. Les fonctionnaires soutiennent plutôt qu’en vertu des Notes sur la rémunération, ils avaient droit à des augmentations d’échelon de rémunération à la date anniversaire de leur nomination aux postes saisonniers occupés à Victoria, qu’ils aient ou non travaillé pendant le congé saisonnier d’hiver. L’employeur soutient qu’il s’agit d’un nouvel argument, qui n’a pas été soulevé auparavant dans le cadre de la procédure de règlement des griefs, et que les fonctionnaires ont changé la nature des griefs. Par conséquent, il soutient que les griefs devraient être rejetés.

2. Le fond des griefs

[58] L’employeur soutient que si la Commission détermine qu’elle a compétence pour rendre une décision sur le fond des griefs, elle a correctement déterminé les dates d’augmentation d’échelon de rémunération des fonctionnaires conformément à l’économie de la convention collective.

[59] L’employeur soutient que les fonctionnaires n’avaient droit à une augmentation d’échelon qu’après un total de 12 mois d’exercice effectif des fonctions liées aux postes occupés à Victoria. Il n’a pas été tenu compte des heures effectuées au cours de la période hors saison à d’autres postes que les postes à Victoria aux fins du calcul de la période de 12 mois pour l’augmentation d’échelon de rémunération.

[60] L’employeur soutient que les fonctionnaires ont mal interprété les Notes sur la rémunération, lesquelles constituent un énoncé général qui ne traite pas du cas particulier des employés saisonniers qui ne travaillent qu’une partie de l’année. Il affirme que ni les Notes sur la rémunération ni aucune autre partie de la convention collective ne font mention des employés saisonniers en ce qui a trait à la détermination des dates d’augmentation d’échelon de rémunération.

[61] L’employeur soutient que lorsque la convention collective ne contient aucune disposition relative à l’administration de la paye, l’employeur peut alors se référer à la Directive. Dans le présent cas, l’article 5.3 de la Directive prévoit expressément la détermination des périodes d’augmentation d’échelon de rémunération dans les cas non prévus par la convention collective. Son libellé est le suivant : « Lorsque la convention collective pertinente ne précise rien à ce sujet, la période d’augmentation d’échelon sera de 12 mois, calculée conformément à la présente annexe. »

[62] L’employeur fait valoir que, contrairement aux Notes sur la rémunération, la Directive fait référence à une « période » d’augmentation et précise qu’elle est d’une durée de « 12 mois ». Il affirme que rien dans le libellé de l’article 5.3 de la Directive n’exige que les 12 mois qui constituent la période d’augmentation d’échelon de rémunération soient consécutifs. La Directive indique également que la période d’augmentation est « calculée ». L’employeur fait valoir que cette mention indique que les augmentations d’échelon de rémunération au titre de cet article sont déterminées par calcul, et non par une date anniversaire qui survient automatiquement à partir de la date de nomination.

[63] L’employeur affirme qu’il a informé les fonctionnaires du mode de calcul de leurs dates d’augmentation d’échelon de rémunération dans les lettres de mise à pied pour leurs postes saisonniers d’été respectifs à Victoria. Les lettres indiquaient ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Aux fins de la détermination du droit à l’indemnité de départ, aux congés annuels et aux augmentations prévues par la loi, un employé saisonnier est réputé avoir accompli une année d’emploi continu pour chaque année d’emploi saisonnier. Toutefois, le calcul de l’indemnité de départ, des congés annuels et des augmentations prévues par la loi ne tient compte que des périodes au cours desquelles l’employé a été réellement employé ou a été en vacances, en congé de maladie ou en congé compensateur.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[64] L’employeur affirme que les lettres de mise à pied indiquaient clairement que la période d’augmentation d’échelon de rémunération de 12 mois pour les employés saisonniers était calculée en fonction du nombre total de périodes au cours desquelles l’employé saisonnier avait réellement travaillé ou avait bénéficié de certains types de congés.

[65] L’employeur soutient que la méthode de calcul des périodes d’augmentation d’échelon de rémunération décrite dans les lettres de mise à pied est conforme à la méthode énoncée dans la Politique sur les augmentations d’échelon de rémunération. L’article 4.13 de la Politique sur les augmentations d’échelon de rémunération indique la méthode de calcul des dates d’augmentation d’échelon de rémunération dans le cas des employés saisonniers :

4.13 Employés saisonniers

Toutes les périodes pendant lesquelles l’employé remplit les fonctions de son poste ou est en congé payé entrent dans le calcul de la période d’augmentation d’échelon.

Sauf indication contraire dans la convention collective, le régime de rémunération ou les conditions d’emploi applicables, les périodes de congé non payé n’ont aucune incidence sur les augmentations d’échelon.

Remarque : Il ne faut pas tenir compte des périodes hors saison lorsqu’on détermine la date d’augmentation d’échelon.

[…]

 

[66] L’employeur soutient que même si la Politique sur les augmentations d’échelon de rémunération est une politique archivée du Conseil du Trésor, elle contient toujours des indications sur les questions d’administration de la paye, tant qu’elle n’a pas été remplacée par une nouvelle politique. L’employeur soutient que l’article 4.13 de la Politique sur les augmentations d’échelon de rémunération, qui porte sur les employés saisonniers, n’a pas été annulé ou remplacé par une autre politique.

[67] L’employeur soutient que le Conseil du Trésor est habilité, en vertu de l’alinéa 11.1(1)c) de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F-11; LGFP), à « […] déterminer et réglementer les traitements auxquels ont droit les personnes employées dans la fonction publique […] ». La Cour d’appel fédérale a reconnu qu’il s’agit d’un pouvoir étendu qui autorise tout employeur fédéral à « […] faire tout ce qui ne lui est pas expressément ou implicitement interdit par une convention collective ou par une loi […] » (voir Canada (Procureur général) c. Association des juristes de Justice, 2016 CAF 92, au par. 24; voir aussi Brescia c. Canada (Conseil du Trésor), 2005 CAF 236, aux par. 50 et 55; Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2017 CAF 208, au par. 14; Cooke c. Conseil du Trésor (ministère de l’Environnement), 2021 CRTESPF 42, au par. 28; et Broekaert, aux par. 37 à 39).

[68] L’employeur fait valoir que dans le présent cas, l’économie de la convention collective, notamment la Directive, comportait une lacune quant à la façon de calculer les périodes d’augmentation d’échelon de rémunération des employés saisonniers. Conformément à l’alinéa 11.1(1)c) de la LGFP, la Politique sur les augmentations d’échelon de rémunération a comblé cette lacune. Par conséquent, l’employeur pouvait se référer à la Politique sur les augmentations d’échelon de rémunération lorsqu’il a calculé les périodes d’augmentation d’échelon de rémunération des fonctionnaires en fonction des heures qu’ils ont réellement travaillées dans leurs postes occupés à Victoria.

[69] Selon l’employeur, les fonctionnaires invoquent à tort Broekaert pour faire valoir que les politiques du Conseil du Trésor, notamment la Politique sur les augmentations d’échelon de rémunération, sont inapplicables. L’employeur soutient que contrairement aux faits observés dans Broekaert, il n’y a pas d’incompatibilité entre l’économie de la convention collective et la politique du Conseil du Trésor dans le présent cas. L’employeur affirme plutôt que la Politique sur les augmentations d’échelon de rémunération appuie directement l’économie de la convention collective, car elle précise le mode de calcul des augmentations d’échelon de rémunération lorsque la convention collective ne contient aucune disposition à ce sujet et que l’article 5.3 de la Directive s’applique.

[70] L’employeur soutient que la référence des fonctionnaires à la Politique sur les augmentations d’échelon de rémunération au cours de la procédure de règlement des griefs démontre qu’au départ, les fonctionnaires partageaient le point de vue de l’employeur selon lequel la Politique sur les augmentations d’échelon de rémunération était à la fois applicable et pertinente et que leurs dates d’augmentation d’échelon de rémunération devaient être établies en fonction de la durée totale pendant laquelle ils avaient effectivement exercé les fonctions liées à leur poste.

[71] En résumé, l’employeur soutient qu’il a correctement appliqué l’article 5.3 de la Directive et l’article 4.13 de la Politique sur les augmentations d’échelon de rémunération pour établir les dates d’augmentation d’échelon de rémunération des fonctionnaires pour leurs postes occupés à Victoria. Par conséquent, l’employeur a déterminé que les dates d’augmentation d’échelon devaient être établies en fonction du nombre total d’heures pendant lesquelles les fonctionnaires ont effectivement exercé les fonctions de leurs postes à Victoria, à l’exclusion de la période hors saison.

[72] L’employeur ajoute que l’interprétation de la convention collective proposée par les fonctionnaires entraînerait deux conséquences déraisonnables.

[73] Premièrement, l’application des Notes sur la rémunération aux employés saisonniers entraînerait des conséquences absurdes et injustes pour les agents des services frontaliers qui travaillent toute l’année. Les agents des services frontaliers saisonniers auraient droit à l’augmentation d’échelon de rémunération à la même date que leurs collègues travaillant toute l’année, même s’ils ne travaillent qu’une partie de l’année. L’employeur fait valoir que cela créerait deux catégories de droits à l’augmentation d’échelon de rémunération : un droit après une année complète de travail, et un droit après une seule saison, quelle que soit la durée de cette saison. L’employeur affirme que les parties à la convention collective ne pouvaient pas avoir eu l’intention de créer une norme double pour les agents des services frontaliers qui travaillent toute l’année et les agents des services frontaliers saisonniers.

[74] Deuxièmement, l’employeur soutient que la prétention des fonctionnaires selon laquelle les augmentations d’échelon de rémunération se produisent automatiquement pour tous les employés à temps plein et à temps partiel à la date anniversaire de leur nomination, peu importe le nombre réel d’heures qu’ils effectuent, va à l’encontre de la lettre et de l’esprit de la clause 33.02 de la convention collective, qui prévoit que « […] le temps consacré à un tel congé d’une durée de plus de trois (3) mois ne compte pas aux fins de l’augmentation d’échelon de rémunération ».

[75] L’employeur soutient que la clause 33.02 de la convention collective démontre que la date d’augmentation d’échelon de rémunération des employés visés par la convention collective n’est pas automatique dans tous les cas. Elle démontre également que les parties à la convention collective n’avaient pas l’intention de faire en sorte que la période d’augmentation d’échelon de rémunération comprenne des périodes prolongées de congé non payé au cours desquelles l’employé ne travaille pas. Il serait donc absurde que les parties à la convention collective aient voulu que la période d’augmentation d’échelon de rémunération des employés saisonniers comprenne des périodes hors saison prolongées pendant lesquelles ils n’exercent pas les fonctions liées à leur poste.

[76] Selon l’employeur, l’argument des fonctionnaires selon lequel les employés saisonniers sont assujettis à des dates d’augmentation d’échelon automatique ne concorde pas avec la convention collective, laquelle doit être lue dans son contexte global et de concert avec d’autres dispositions incorporées relatives à l’administration de la paye, telles que l’article 5.3 de la Directive. L’employeur soutient qu’il a communiqué de façon claire aux fonctionnaires la façon dont les périodes d’augmentation d’échelon de rémunération pour les employés saisonniers seraient calculées, à la fois dans les lettres de mise à pied et dans la Politique sur les augmentations d’échelon de rémunération, cette dernière étant accessible au public. Par conséquent, l’employeur affirme que les fonctionnaires n’ont pas droit à une période d’augmentation d’échelon de rémunération plus courte que celle de leurs collègues agents des services frontaliers travaillant toute l’année.

[77] L’employeur a également joint à ses arguments une réponse aux arguments soulevés par les fonctionnaires au cours de la procédure de règlement des griefs (fondés sur le fait que les deux nominations à des emplois saisonniers équivalent à une période de 12 mois d’emploi continu); toutefois, puisque les fonctionnaires ne s’appuient plus sur ces arguments, il n’est pas nécessaire de les reproduire dans la présente décision.

C. La réponse des fonctionnaires

1. Objection préliminaire

[78] Les fonctionnaires soutiennent que, selon une interprétation fondée sur le sens ordinaire des Notes sur la rémunération, tous les employés, dont eux-mêmes, reçoivent des augmentations d’échelon de rémunération en fonction de la date anniversaire de leur nomination. Ils soutiennent que l’argument de l’employeur selon lequel les fonctionnaires ne pouvaient pas soulever cet argument à l’arbitrage en vertu de l’arrêt Burchill de la Cour d’appel fédérale entraîne une interprétation fondamentalement erronée du principe énoncé dans cet arrêt. Ils affirment que Burchill ne s’applique que lorsqu’une partie soulève à l’arbitrage une allégation qui a [traduction] « […] modifié le grief initial au point d’en changer la nature et de le transformer en un nouveau grief ».

[79] Les fonctionnaires affirment que la seule question en litige au cours de la procédure de règlement des griefs, et à présent à l’arbitrage, était et est la suivante : l’employeur a-t-il enfreint la convention collective en n’accordant pas les augmentations d’échelon de rémunération aux dates indiquées? Ils affirment que la nature des griefs demeure la même et que, par conséquent, le principe établi dans Burchill ne s’applique pas.

[80] Les fonctionnaires affirment que dans Burchill, il était allégué au départ que M. Burchill avait un statut d’emploi indéterminé et qu’il n’aurait pas dû être mis à pied. À l’arbitrage, M. Burchill a affirmé pour la première fois que sa mise à pied était en fait une mesure disciplinaire déguisée. La Cour d’appel fédérale a conclu que l’arbitre de grief n’avait pas compétence pour examiner le nouveau grief, puisqu’il n’avait pas été déposé et traité au cours de la procédure de règlement des griefs, écrivant que [traduction] « […] le demandeur n’avait pas la possibilité […] de renvoyer un grief nouveau ou différent à l’arbitrage ou de transformer le grief ainsi déposé en un grief dénonçant une mesure disciplinaire menant au congédiement […] » (au par. 5).

[81] Selon les fonctionnaires, Burchill empêche un fonctionnaire s’estimant lésé de tenter de déposer un nouveau grief à l’arbitrage. Dans Schofield c. Canada (Procureur général), 2004 CF 622, au paragraphe 16, par exemple, la Cour a empêché un fonctionnaire s’estimant lésé de présenter une allégation selon laquelle il avait été rétrogradé alors que, dans son grief initial, il alléguait qu’il avait été rappelé prématurément d’une affectation à l’étranger. Toutefois, Burchill n’empêche pas la présentation de nouveaux arguments, à condition que le grief ne soit pas changé.

[82] Les fonctionnaires soutiennent que ce point est clairement établi dans Delage c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2008 CRTFP 56. Dans ce cas, M. Delage a allégué que son employeur avait omis d’inclure une période de congé parental dans le calcul d’un paiement rétroactif, en violation de la convention collective, ce qui lui donnait droit à une indemnité. Cette question est restée en suspens lors de l’arbitrage, mais M. Delage a présenté un nouvel argument relatif aux droits de la personne à l’appui de son grief, ce qui a donné lieu à une objection fondée sur le principe établi dans Burchill. La Commission a rejeté l’objection pour les motifs suivants :

[…]

13 Le fonctionnaire s’estimant lésé allègue dans son grief que l’employeur contrevient à la stipulation 18.07c)(vii) de la convention collective en refusant d’inclure la période de congé parental dans le calcul de la rétroactivité qui lui a été payée à la suite de la reclassification du poste qu’il occupe. Il demande que l’employeur corrige la situation en révisant le paiement rétroactif.

14 Le fait que le fonctionnaire s’estimant lésé n’ait pas présenté aux divers paliers de la procédure de règlement des griefs un argument basé sur les droits de la personne et qu’il ne le fasse qu’à l’étape de l’arbitrage ne vient en rien changer la nature du grief. L’énoncé du grief, de même que les mesures correctives demandées, demeurent exactement les mêmes.

15 Que le fonctionnaire s’estimant lésé argumente ou non la discrimination basée sur la situation de famille ne change pas ce qui est en cause. En fait, le grief repose sur l’interprétation qu’on donne à la stipulation 18.07c)(vii) de la convention collective. Selon les documents au dossier, la question que pose le grief serait d’établir si l’expression « rajustement de traitement » inclut une situation de reclassification telle que celle qui s’applique dans la présente affaire. Plusieurs arguments peuvent être avancés pour considérer la reclassification comme un rajustement de traitement. Le contraire peut aussi être argumenté. Rien n’empêche les parties de présenter à l’arbitrage des arguments qui n’ont pas été présentés lors de la procédure interne de griefs.

16 La règle établie dans Burchill n’est pas pertinente pour trancher l’objection formulée par l’employeur. Dans Burchill, la Cour mentionne qu’on ne peut présenter un grief différent à l’arbitrage de celui présenté dans la procédure interne de griefs. La plainte dont on a voulu saisir l’arbitre doit être énoncée dans le grief. Dans la présente affaire, le grief renvoyé à l’arbitrage demeure identique à celui qu’on a déposé à l’interne. Qui plus est, la plainte est clairement énoncée dans le grief.

[…]

21 En somme, le fait de présenter au moment de l’arbitrage un argument basé sur les droits de la personne, même si cet argument n’a pas été présenté à l’employeur à l’intérieur de la procédure interne de griefs, ne constitue aucunement une modification du grief tel qu’on l’entend dans Burchill et dans les autres décisions déposées par l’employeur.

22 Dans le grief déposé au premier palier de la procédure de griefs et, par la suite, renvoyé à l’arbitrage, le fonctionnaire s’estimant lésé était clair dans ce qu’il reprochait à l’employeur et il était aussi clair dans le redressement demandé. Ces éléments demeurent inchangés en acceptant l’argument basé sur les droits de la personne.

[…]

[Je mets en évidence]

 

[83] Les fonctionnaires soutiennent que l’analyse faite dans Delage s’applique directement à l’objection fondée sur le principe établi dans Burchill soulevée par l’employeur dans le présent cas. Dans chaque grief, il est allégué que les fonctionnaires ont été employés de façon continue pendant plus d’un an sans recevoir d’augmentation d’échelon de rémunération, que l’employeur n’a pas indemnisé les fonctionnaires conformément à la convention collective et que les fonctionnaires devraient être indemnisés pour le salaire et les avantages auxquels ils ont droit. Comme dans Delage, les fonctionnaires énoncent clairement ce qu’ils reprochent à l’employeur d’avoir fait, ainsi que les mesures correctives demandées; la nature des griefs reste exactement la même. Les fonctionnaires soutiennent que la question était, et demeure, de savoir si l’employeur a enfreint la convention collective en n’accordant pas les augmentations d’échelon de rémunération aux dates indiquées. Ils soutiennent qu’ils sont libres de reformuler leurs arguments et d’en déposer de nouveaux à l’appui de leur position.

[84] Les fonctionnaires demandent à la Commission de rejeter l’objection de l’employeur.

2. Le fond des griefs

[85] Selon les fonctionnaires, le cœur de la position de l’employeur sur le bien-fondé des griefs est le suivant : la convention collective ne contient aucune disposition sur la date à laquelle les fonctionnaires devraient recevoir leurs augmentations d’échelon de rémunération. Tous les arguments de l’employeur, et le libellé sur lequel il s’appuie, reposent sur cette prémisse centrale. Les fonctionnaires soutiennent que la position de l’employeur est fondamentalement incompatible avec le libellé clair des Notes sur la rémunération, qui définissent la période d’augmentation d’échelon de rémunération en fonction de la date anniversaire de la première nomination.

[86] Les fonctionnaires soutiennent que, compte tenu de ce libellé clair, l’employeur ne peut pas prétendre que la convention collective ne dit rien sur la question des augmentations d’échelon de rémunération ou que [traduction] « l’économie de la convention collective comporte une lacune » en ce qui a trait aux employés saisonniers. Les fonctionnaires se sont tous vu offrir une « […] nomination pour un emploi saisonnier à temps plein d’une durée indéterminée […] » dans leur lettre de nomination, et les Notes sur la rémunération s’appliquent de toute évidence aux employés à temps plein. Aucune disposition de la convention collective ne fixe des règles d’augmentation d’échelon de rémunération différentes pour les employés saisonniers.

[87] Les fonctionnaires affirment que l’employeur a raison de considérer que les Notes sur la rémunération constituent un énoncé général. Cependant, ils soutiennent que cela démontre que les Notes sur la rémunération devaient s’appliquer également à tous les agents des services frontaliers à temps plein et à temps partiel, y compris les employés saisonniers à temps plein nommés pour une période indéterminée. Si les parties à la convention collective avaient voulu exclure les employés saisonniers de cette partie des Notes sur la rémunération, elles l’auraient fait, comme elles l’ont fait à la clause 33.02, qui établit un calcul différent en ce qui concerne les droits aux congés des employés en congé non payé approuvé.

[88] Les fonctionnaires soutiennent qu’étant donné que les Notes sur la rémunération définissent expressément la période d’augmentation d’échelon de rémunération des agents des services frontaliers, les autres arguments de l’employeur doivent être rejetés.

[89] Les fonctionnaires soulignent que l’employeur invoque la Directive, mais que celle-ci énonce clairement qu’une période d’augmentation d’échelon de rémunération est « […] la période comprise entre chacune des augmentations de traitement pour ce poste, conformément à la convention collective pertinente ou aux conditions d’emploi applicables ». La Directive contient ensuite, à l’article 5.3, une méthode de calcul des augmentations d’échelon de rémunération qui ne s’applique que si la convention collective ne contient aucune disposition à ce sujet. À ce titre, ils soutiennent que la méthode de calcul de l’article 5.3 ne s’applique pas dans le présent cas.

[90] Les fonctionnaires soutiennent également que l’employeur s’appuie sur sa Politique sur les augmentations d’échelon de rémunération, qui était fondée sur un document qui a été remplacé par la Directive.

[91] Quant aux lettres envoyées aux fonctionnaires pour les informer de leurs droits alors qu’ils étaient en période hors saison, les fonctionnaires soutiennent que ces lettres ne sont pas pertinentes dans la mesure où elles sont incompatibles avec les Notes sur la rémunération.

[92] Les fonctionnaires font également valoir que l’employeur a fourni une citation inexacte des Notes sur la rémunération dans ses arguments en omettant l’expression « période d’augmentation d’échelon de rémunération ». L’employeur a déclaré ceci : [traduction] « À la différence des Notes sur la rémunération, la Directive fait référence à une ‘‘période’’ d’augmentation. » Les fonctionnaires soulignent qu’il semble s’agir d’une erreur de la part de l’employeur, puisque les Notes sur la rémunération et la Directive font toutes deux référence à des « périodes d’augmentation d’échelon de rémunération ».

[93] Quant à l’argument de l’employeur selon lequel les parties à la convention collective ne pouvaient pas avoir eu l’intention que les agents des services frontaliers travaillant une partie de l’année reçoivent les mêmes augmentations d’échelon de rémunération que leurs collègues travaillant toute l’année, les fonctionnaires soutiennent que l’employeur pourrait faire valoir le même argument en ce qui concerne les employés à temps partiel, qui travaillent également moins d’heures que leurs collègues à temps plein. Cependant, les fonctionnaires soulignent qu’en vertu des Notes sur la rémunération, tous les employés reçoivent leurs augmentations d’échelon de rémunération à la date anniversaire de leur première nomination, peu importe le nombre d’heures travaillées. Ils soutiennent qu’il ne s’agit pas d’un résultat absurde ou injuste, mais plutôt de ce dont les parties à la convention collective ont expressément convenu lorsqu’elles ont défini la période d’augmentation d’échelon de rémunération par renvoi à la « date anniversaire », plutôt qu’aux « 12 mois d’emploi à l’année ».

V. Analyse et motifs

A. Objection préliminaire

[94] Les fonctionnaires ont soutenu pour la première fois à l’arbitrage qu’ils avaient droit à une augmentation d’échelon de rémunération à la date anniversaire de leur première nomination pour une période indéterminée, en se fondant uniquement sur une lecture simple des Notes sur la rémunération. L’employeur soutient que cela est contraire à ce que les fonctionnaires ont fait valoir dans leurs griefs individuels et au cours de la procédure de règlement des griefs, dans lesquels ils ont soutenu qu’ils auraient dû recevoir leurs augmentations d’échelon de rémunération parce qu’ils avaient été employés de façon continue pendant une période de 12 mois.

[95] L’employeur s’oppose à la présentation de ce [traduction] « nouvel » argument par les fonctionnaires et, s’appuyant sur Burchill, soutient que les griefs devraient être rejetés au motif que les fonctionnaires ont changé la nature des griefs.

[96] Pour les motifs qui suivent, je ne suis pas d’accord.

[97] Il est utile de reproduire à nouveau le libellé des griefs. Voici ce qui y est indiqué :

[Traduction]

[…]

J’ai été employé de façon continue à l’Agence des services frontaliers du Canada depuis le 1er mai 2011 [le 1er mai 2010 pour M. Anderson] et l’employeur ne m’a pas accordé mon augmentation d’échelon de rémunération. Je déplore que l’employeur ne me rémunère pas conformément à ma convention collective et à toute autre politique ou règlement applicable de l’ASFC et du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada.

[…]

 

[98] Les fonctionnaires demandent, à titre de mesure corrective, ce qui suit : [traduction] « Je demande qu’on me verse le salaire et les avantages auxquels j’ai droit et qu’on prenne toute autre mesure corrective indiquée compte tenu des circonstances, et qu’on m’indemnise intégralement. »

[99] En se fondant sur les deux documents intitulés [traduction] « Audience relative aux griefs » (reproduits plus haut dans la présente décision), lesquels visent à exposer les points soulevés lors des réunions de la procédure de règlement des griefs tenues les 7 et 8 juillet 2012, les fonctionnaires ont fait valoir qu’ils [traduction] « […] ne devraient pas avoir deux dates anniversaires distinctes […] » et [traduction] « qu’une seule date anniversaire devrait être retenue, à savoir la date de nomination indiquée dans la lettre d’offre initiale du district de la côte Ouest et du Yukon ». À titre de mesure corrective, ils ont demandé à être [traduction] « […] indemnisés sous forme d’arriérés de salaire à compter de la date d’anniversaire de leur première augmentation d’échelon de rémunération ».

[100] Comme il a été conclu dans Delage, Burchill ne peut pas être interprétée comme une décision de portée générale empêchant les fonctionnaires de soulever de nouveaux arguments à l’arbitrage à l’appui de leurs cas. En effet, les fonctionnaires sont libres de soulever de nouveaux arguments à l’arbitrage pour appuyer leurs positions, pourvu que ces arguments ne modifient pas la nature du litige dont les parties ont discuté au cours de la procédure de règlement des griefs.

[101] Dans le présent cas, le [traduction] « nouvel » argument auquel s’oppose l’employeur ne change en rien la nature des griefs. Les parties ont contesté et continuent de contester la date à laquelle les fonctionnaires ont eu droit à leur première augmentation d’échelon de rémunération et les conséquences sur le plan de la rémunération et des avantages sociaux qui s’y rattachent. C’est, et cela a toujours été, la question fondamentale entre les parties, et la nature de leur litige n’a pas changé du fait qu’un [traduction] « nouvel » argument a été présenté pour défendre ce point à l’arbitrage.

[102] Que les fonctionnaires soutiennent qu’ils auraient dû recevoir leur augmentation d’échelon de rémunération à la date anniversaire de leur première nomination parce qu’ils ont été employés de façon continue, ou qu’ils soutiennent qu’ils auraient dû recevoir leur augmentation d’échelon de rémunération à cette même date en se fondant uniquement sur une lecture simple des Notes sur la rémunération, il n’en demeure pas moins que le litige est le même : ils affirment qu’ils auraient dû recevoir une augmentation d’échelon de rémunération à la date anniversaire de leur première nomination. En tout temps, l’employeur savait que les dates exactes des augmentations d’échelon de rémunération étaient en cause, et il ne peut pas véritablement prétendre avoir été pris par surprise quant à la nature du litige soumis à l’arbitrage.

[103] Par conséquent, l’objection préliminaire de l’employeur est rejetée.

B. Le fond des griefs

[104] La question à trancher est celle de savoir à quelle date les fonctionnaires sont devenus admissibles à leur première augmentation d’échelon de rémunération.

[105] Les faits essentiels ne sont pas contestés. Les fonctionnaires ont tous fait l’objet d’une nomination au groupe et au niveau FB-03 [traduction] « […] pour un emploi saisonnier à temps plein d’une durée indéterminée […] » à Victoria, à compter du 1er mai 2010 dans le cas de M. Anderson, et à compter du 1er mai 2011 dans le cas de M. Boparai et de M. Broda. Ils étaient tenus de travailler du 1er mai au 30 septembre de chaque année civile et étaient placés en [traduction] « mise à pied saisonnière » du 1er octobre au 30 avril de chaque année.

[106] En mars 2012, les fonctionnaires ont été informés d’une modification de leurs [traduction] « heures de travail » qui devait entrer en vigueur le 1er mai 2012, date à laquelle ils sont retournés à leur poste de Victoria en tant qu’employés à temps plein pour une période indéterminée, et ce, toute l’année.

[107] M. Anderson a reçu sa première augmentation d’échelon de rémunération à compter du 27 juin 2012, soit environ 26 mois après sa première nomination. M. Boparai et M. Broda ont reçu leur première augmentation d’échelon de rémunération le 27 novembre 2012, soit environ 19 mois après leur première nomination. Ces dates correspondent aux dates auxquelles les fonctionnaires ont accompli une période équivalente à 12 mois de travail réel à leur poste à Victoria.

[108] Les fonctionnaires soutiennent qu’ils auraient dû recevoir leur première augmentation d’échelon de rémunération à la date anniversaire de leur première nomination, soit le 1er mai 2011 pour M. Anderson et le 1er mai 2012 pour M. Boparai et M. Broda.

[109] Les fonctionnaires fondent leur argumentation sur une lecture simple et ordinaire du libellé de la convention collective.

[110] L’article 62 de la convention collective contient les dispositions relatives à l’administration de la paye. Les articles pertinents se lisent comme suit :

ARTICLE 62

ARTICLE 62

ADMINISTRATION DE LA PAYE

PAY ADMINISTRATION

62.01 Sauf selon qu’il est stipulé dans le présent article, les conditions régissant l’application de la rémunération aux employé-e-s ne sont pas modifiées par la présente convention.

62.01 Except as provided in this Article, the terms and conditions governing the application of pay to employees are not affected by this Agreement.

62.02 L’employé-e a droit, pour la prestation de ses services :

62.02 An employee is entitled to be paid for services rendered at :

a) à la rémunération indiquée à l’appendice A pour la classification du poste auquel l’employé-e est nommé, si cette classification concorde avec celle qu’indique son certificat de nomination […]

(a) the pay specified in Appendix A for the classification of the position to which the employee is appointed, if the classification coincides with that prescribed in the employee’s certificate of appointment ….

62.03 a) Les taux de rémunération indiqués à l’appendice A entrent en vigueur aux dates précisées.

62.03 (a) The rates of pay set forth in Appendix A shall become effective on the dates specified.

[…]

[Je mets en évidence]

 

[111] En termes simples, selon la clause 62.01, les conditions du Conseil du Trésor régissant l’administration de la paye s’appliquent, sauf lorsque l’article 62 en dispose autrement. En l’espèce, c’est le cas.

[112] La clause 62.02a) précise qu’un employé a le droit d’être rémunéré selon les taux de rémunération précisés à l’appendice A. Il n’est pas contesté que les trois fonctionnaires étaient des employés et qu’à ce titre, en vertu de la clause 62.02a), ils avaient droit à la rémunération prévue à l’appendice A. De plus, la clause 62.03a) confirme que les taux de l’appendice A entrent en vigueur aux dates précisées dans ledit appendice.

[113] L’appendice A présente, sous forme de grille, les taux de rémunération annuels applicables à chaque classification du groupe Services frontaliers (FB). L’appendice A comprend également les Notes sur la rémunération qui font l’objet du présent litige. Les Notes définissent, entre autres, la période d’augmentation d’échelon de rémunération. Elles indiquent ce qui suit :

FB – GROUPE : SERVICES FRONTALIERS, TAUX DE RÉMUNÉRATION ANNUELS

FB - BORDER SERVICES GROUP ANNUAL RATES OF PAY

[…]

NOTES SUR LA RÉMUNÉRATION

PAY NOTES

AUGMENTATION D’ÉCHELON DE RÉMUNÉRATION POUR LES EMPLOYÉ-E-S À TEMPS PLEIN ET À TEMPS PARTIEL

PAY INCREMENT FOR FULL-TIME AND PART-TIME EMPLOYEES

1. La période d’augmentation d’échelon de rémunération pour les employé-e-s aux niveaux FB-1 à FB-8 est la date anniversaire de ladite nomination. L’augmentation d’échelon de rémunération sera au taux suivant de l’échelle de taux.

1. The pay increment period for employees at levels FB-1 to FB-8 is the anniversary date of such appointment. A pay increment shall be to the next rate in the scale of rates.

[…]

[Je mets en évidence]

 

[114] De l’avis des fonctionnaires, le libellé des Notes sur la rémunération est clair. Il prévoit que pour les employés à temps plein et à temps partiel, la période d’augmentation d’échelon de rémunération est la date anniversaire de la nomination. Par conséquent, ils estiment que le fait qu’ils aient été embauchés comme saisonniers n’est pas pertinent pour déterminer la date de leur première augmentation d’échelon de rémunération.

[115] L’employeur, quant à lui, croit que la convention collective ne contient aucune disposition concernant les employés saisonniers. Par conséquent, il soutient qu’il est nécessaire de se référer à la Directive et à la Politique sur les augmentations d’échelon de rémunération pour déterminer la période d’augmentation d’échelon de rémunération applicable.

[116] Je ne peux pas souscrire à l’argument de l’employeur. Une lecture simple des Notes sur la rémunération de la convention collective révèle clairement que la convention collective contient des dispositions à ce sujet. Il y est explicitement indiqué que la période d’augmentation d’échelon de rémunération des employés à temps plein et à temps partiel est date anniversaire de leur nomination.

[117] Comme l’ont fait remarquer les fonctionnaires, les règles d’interprétation ont été récemment revues et résumées comme suit dans Cruceru :

[…]

[84] Comme le soulignent des sources faisant autorité telles que Brown et Beatty, au paragraphe 4:2100, et comme le reconnaît la jurisprudence de la Commission, des canons d’interprétation tels que les suivants guident cette analyse : 1) les parties sont réputées vouloir dire ce qu’elles ont dit; 2) le sens d’une disposition de la convention collective doit être cherché dans ses dispositions expresses; 3) libellé de la convention collective doit être interprété selon son sens grammatical et ordinaire; 4) le libellé doit être interprété dans son contexte intégral, en conformité avec l’économie de la convention collective; 5) lorsque les mêmes mots réapparaissent, il faut leur donner la même interprétation.

[…]

 

[118] Selon une lecture simple et ordinaire des Notes sur la rémunération, la période d’augmentation d’échelon de rémunération est la « date anniversaire » de la nomination d’un employé. Je crois que l’expression « date anniversaire » est explicite et qu’elle ne laisse pas de place au débat. Elle veut dire ce qu’elle dit : c’est une date qui, une fois fixée, revient chaque année.

[119] En outre, selon une lecture simple et ordinaire des Notes sur la rémunération, seuls deux critères doivent être remplis pour qu’un employé soit admissible à une augmentation d’échelon de rémunération à la date anniversaire de sa nomination : il doit 1) être un employé à temps plein ou à temps partiel, et 2) avoir fait l’objet d’une nomination à un poste de groupe et de niveau FB-1 à FB-8. Aucun autre critère n’est défini. Il n’est pas mentionné qu’un employé doit effectivement exercer les fonctions liées à son poste de manière continue tout au long de l’année, sans interruption, et aucune exception n’est expressément prévue pour les employés à temps plein ou à temps partiel nommés pour une durée indéterminée qui sont embauchés à titre d’employés saisonniers.

[120] À ce titre, j’estime que le libellé de la convention collective est clair en ce qui a trait à la période d’augmentation d’échelon de rémunération. Toutefois, lorsqu’on cherche à déterminer l’intention des parties concernant des dispositions précises de la convention collective, l’analyse ne s’arrête pas là. Comme cela est indiqué dans Brown et Beatty, au paragraphe 4:21, les arbitres de grief doivent également s’assurer que l’interprétation des dispositions spécifiques d’une convention collective est conforme à celle du reste de la convention et qu’elle n’aboutit pas à des résultats absurdes ou incohérents. Ce paragraphe se lit comme suit :

[Traduction]

Lorsqu’ils tentent de déterminer l’intention des parties à l’égard d’une disposition particulière de la convention, les arbitres partent généralement du principe que les termes utilisés doivent être interprétés dans leur sens normal ou ordinaire, à moins que cela n’entraîne une absurdité ou une incohérence par rapport au reste de la convention collective, ou que le contexte ne révèle que les termes ont été utilisés dans un autre sens […]

 

[121] L’employeur soutient que l’exception soulignée dans Brown et Beatty s’applique dans le présent cas. Il soutient que l’application des Notes sur la rémunération aux employés saisonniers mènerait à un résultat absurde et injuste pour les agents des services frontaliers qui travaillent toute l’année.

[122] L’employeur soutient que les agents des services frontaliers saisonniers auraient droit à l’augmentation d’échelon de rémunération à la même date que leurs collègues travaillant toute l’année, même s’ils ne travaillent qu’une partie de l’année. Il soutient que les parties à la convention collective ne pouvaient pas avoir eu l’intention de créer une norme double pour les agents des services frontaliers qui travaillent toute l’année et les agents des services frontaliers saisonniers.

[123] Cependant, comme le font remarquer les fonctionnaires, cette prétendue norme double existe déjà puisque les employés à temps plein et à temps partiel bénéficient d’une augmentation d’échelon de rémunération à la date anniversaire de leur nomination, même s’ils ne travaillent pas le même nombre d’heures au cours d’une année. J’observe également qu’il est tout à fait possible qu’un employé saisonnier travaille le même nombre d’heures qu’un employé à temps partiel au cours d’une année, la seule différence étant la manière dont l’employeur a attribué les heures effectuées. À ce titre, je ne peux pas convenir que l’application du libellé clair de la convention collective à la situation des fonctionnaires aboutirait à un résultat absurde, comme le soutient l’employeur.

[124] L’employeur invoque également la clause 33.02 de la convention collective et soutient que l’interprétation des fonctionnaires va à l’encontre de ladite clause et mènerait à une autre absurdité ou incohérence avec la convention collective. La clause 33.02 se trouve dans la partie de la convention collective portant sur les congés généraux et se lit comme suit :

33.02 Sauf disposition contraire dans la présente convention :

33.02 Except as otherwise specified in this Agreement :

a) lorsqu’un congé non payé est accordé à un employé-e pour une période de plus de trois (3) mois pour un motif autre que la maladie, la période totale du congé accordé est déduite de la période d’« emploi continu » servant à calculer l’indemnité de départ et de la période de « service » servant à calculer les congés annuels;

(a) where leave without pay for a period in excess of three (3) months is granted to an employee for reasons other than illness, the total period of leave granted shall be deducted from « continuous employment » for the purpose of calculating severance pay and from « service » for the purpose of calculating vacation leave;

b) le temps consacré à un tel congé d’une durée de plus de trois (3) mois ne compte pas aux fins de l’augmentation d’échelon de rémunération.

(b) time spent on such leave which is for a period of more than three (3) months shall not be counted for pay increment purposes.

 

[125] L’employeur fait valoir que ces éléments démontrent que la date d’augmentation d’échelon de rémunération n’est pas automatique dans tous les cas et que les parties à la convention collective n’avaient pas eu l’intention de faire en sorte que la période d’augmentation d’échelon de rémunération comprenne des périodes prolongées de congé non payé au cours desquelles l’employé ne travaille pas.

[126] Je suis d’accord avec l’employeur pour dire que la clause 33.02 crée une exception à la règle générale énoncée dans les Notes sur la rémunération. En effet, si l’on examine l’ensemble de l’économie de la convention collective, il est clair que les parties à la convention collective ont décidé de créer une exception à l’augmentation d’échelon de rémunération à la date anniversaire de la nomination de l’employé. Cette exception est explicitement énoncée à la clause 33.02 et exclut du calcul d’une période d’augmentation d’échelon de rémunération le temps accordé à un employé pour un congé non payé de plus de trois mois, autre qu’un congé de maladie (ou un congé de maternité ou parental non payé accordé en vertu des clauses 38.01g) et 40.01g)). Cependant, étant donné que les fonctionnaires ont techniquement fait l’objet d’une mise à pied saisonnière dans le cadre de leurs postes occupés à Victoria, cette exception ne s’applique pas à eux.

[127] Les parties à la convention collective auraient pu étendre l’exception prévue à la clause 33.02 aux périodes de mise à pied saisonnière, mais elles ne l’ont pas fait. Le fait qu’elles aient choisi de limiter l’exception aux augmentations d’échelon de rémunération à la date anniversaire à certaines périodes de congé non payé de plus de trois mois ne semble pas absurde, étant donné que ces périodes de congé non payé sont accordées à la demande de l’employé. Cette situation est tout à fait différente de celle des périodes de mise à pied imposées unilatéralement par l’employeur.

[128] Là encore, je ne crois pas que l’application du libellé clair de la convention collective à la situation des fonctionnaires aboutirait à un résultat absurde ou à une application incohérente de la convention collective, comme l’a suggéré l’employeur en ce qui concerne la clause 33.02. Au contraire, la position de l’employeur entraînerait la nécessité de lire dans la convention collective une exception qui n’existe pas. En tant que décideur, je ne possède pas ce pouvoir.

[129] L’étendue du pouvoir d’un décideur dans un cas comme celui dont je suis saisi a été bien résumée dans Chafe c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112, où la Commission a déclaré ce qui suit au paragraphe 50 :

50 Je commencerai par une observation banale mais juste, à savoir que mon pouvoir à titre d’arbitre de grief est limité aux modalités prévues expressément dans la convention collective. Je peux seulement interpréter et appliquer la convention collective. Je ne peux pas modifier les modalités qui sont claires et je ne peux pas non plus en établir de nouvelles. Le fait qu’une disposition particulière puisse sembler injuste n’est pas une raison pour que j’en fasse abstraction, si la disposition est clairement formulée […]

 

[130] Dans le présent cas, les Notes sur la rémunération sont très claires. Elles prévoient que pour les employés à temps plein et à temps partiel des groupes et niveaux FB-1 à FB-8, la période d’augmentation d’échelon de rémunération est la date anniversaire de la nomination. La convention collective prévoit une seule exception à la période d’augmentation d’échelon de rémunération à la date anniversaire de la nomination d’un employé. Il s’agit de la clause 33.02. Elle exclut du calcul de la période d’augmentation d’échelon de rémunération tout congé non payé accordé à un employé pour une période de plus de trois mois, autre qu’un congé de maladie (ou un congé de maternité ou un congé parental en vertu des clauses 38.01g) et 40.01g)).

[131] À mon avis, rien ne s’oppose à ce que les dispositions de la convention collective relatives à la période d’augmentation d’échelon de rémunération soient appliquées comme je viens de l’indiquer.

[132] Les fonctionnaires ont tous été embauchés à titre d’employés au groupe et au niveau FB-03 dans le cadre de [traduction] « nominations pour des emplois saisonniers à temps plein pour une durée indéterminée ». Le fait qu’ils aient été employés comme saisonniers ne change rien au fait qu’ils ont été nommés à titre d’employés à temps plein. Si l’employeur n’avait pas voulu qu’ils bénéficient des droits des employés à temps plein, il aurait pu les embaucher selon d’autres conditions. Il ne l’a pas fait.

[133] Puisque les fonctionnaires ont été embauchés à titre d’employés à temps plein, le libellé clair des Notes sur la rémunération qui s’applique aux employés à temps plein et à temps partiel s’applique également à eux. De plus, l’exception prévue à la clause 33.02 ne s’applique pas à eux puisqu’ils n’ont pas bénéficié d’un congé non payé pendant la période hors saison lorsqu’ils occupaient leur poste à Victoria.

[134] Je conclus que les fonctionnaires avaient droit à des augmentations d’échelon de rémunération aux dates anniversaires de leurs nominations respectives aux postes occupés à Victoria, soit le 1er mai 2010 pour M. Anderson et le 1er mai 2011 pour M. Boparai et M. Broda. Par conséquent, M. Anderson avait droit à sa première augmentation d’échelon de rémunération le 1er mai 2011, et M. Boparai et M. Broda avaient tous deux droit à leur première augmentation d’échelon de rémunération le 1er mai 2012.

[135] Étant donné que le libellé des Notes sur la rémunération est clair et fondé sur l’application des clauses 62.01, 62.02a) et 62.03a), le fait de se fier à des directives ou à des manuels externes entraînerait une violation de la convention collective. Sur ce point, j’estime que Broekaert est tout à fait distincte puisque le libellé de la convention collective dans ce cas ne disait rien, ce qui obligeait à se référer à des documents externes pour prendre une décision. Ce n’est pas le cas en l’espèce.

[136] Toutefois, si j’étais parvenu à la conclusion que la convention collective ne contenait aucune disposition applicable aux fonctionnaires, le résultat aurait été le même, puisque l’article 5.3 de la Directive prévoit que « [l]orsque la convention collective pertinente ne précise rien à ce sujet, la période d’augmentation d’échelon sera de 12 mois, calculée conformément à la présente annexe ». Puisque l’appendice de la Directive ne traite pas de la méthode de calcul de la période d’augmentation d’échelon de rémunération pour les employés à temps plein embauchés comme saisonniers, les fonctionnaires auraient eu droit à une augmentation d’échelon de rémunération 12 mois après leurs premières nominations. La Politique sur les augmentations d’échelon de rémunération n’aurait été d’aucune utilité puisqu’elle vise à appliquer et à interpréter le Règlement qui a été explicitement remplacé par la Directive à compter du 1er avril 2009. Par conséquent, il va de soi que la Politique sur les augmentations d’échelon de rémunération a également été remplacée par la Directive.

[137] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI. Ordonnance

[138] L’objection de l’employeur fondée sur le principe établi dans Burchill est rejetée.

[139] Les griefs sont accueillis.

[140] J’ordonne au Conseil du Trésor de calculer à nouveau le salaire de M. Anderson, ainsi que tout avantage connexe, en fonction de sa première augmentation d’échelon de rémunération survenue le 1er mai 2011.

[141] J’ordonne au Conseil du Trésor de calculer à nouveau le salaire de M. Boparai et de M. Broda, ainsi que tout avantage connexe, en fonction de leur première augmentation d’échelon de rémunération survenue le 1er mai 2012.

[142] J’ordonne au Conseil du Trésor de verser aux fonctionnaires la somme correspondant à la différence entre les montants calculés de nouveau conformément aux paragraphes 140 et 141 de la présente décision et les montants qui leur ont été versés avant ces calculs, moins les déductions habituelles, dans les 60 jours suivant la date de la présente décision.

[143] La Commission demeurera saisie, pendant une période de 90 jours à compter de la date de la présente décision, de toute question relative au calcul des montants visés aux paragraphes 140, 141 ou 142 de la présente décision.

Le 31 juillet 2023.

Traduction de la CRTESPF.

Audrey Lizotte,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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