Décisions de la CRTESPF

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Date: 20230725

Dossiers: 771‑02‑39788 à 39791

 

Référence: 2023 CRTESPF 73

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur l’emploi dans

la fonction publique

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

Maurice Hutlet, BRIAN MARSHALL, KEVIN KIDD et DENNIS WILCOX

plaignants

 

et

 

administrateur général

(ministère de la Défense nationale)

 

intimé

et

AUTRES PARTIES

Répertorié

Hutlet c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale)

Affaire concernant des plaintes d’abus de pouvoir déposées aux termes des alinéas 77(1)a) et b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique

 

Devant : Caroline E. Engmann, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

 

Pour les plaignants : Louis Bisson, Union des employés de la Défense nationale

Pour l’intimé : Calvin Hancock, avocat

Pour la Commission de la fonction publique : Louise Bard, analyste principale

Affaire entendue par vidéoconférence

les 6 et 7 septembre 2022.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Introduction

[1] Le 13 février 2019, Maurice Hutlet, Brian Marshall, Kevin Kidd et Dennis Wilcox (les « plaignants ») ont chacun déposé une plainte auprès de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») en vertu des alinéas 77(1)a) et b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; LEFP). Ils ont allégué que l’administrateur général du ministère de la Défense nationale (l’« intimé ») avait abusé de son pouvoir lorsqu’il a doté le poste de superviseur de la maintenance préventive (également appelé le poste de « chef d’équipe ») classifié au groupe et au niveau GL‑COI‑10 (C3) à la Base des Forces canadiennes (BFC), detachment Shilo, située à l’est de Brandon, au Manitoba (« BFC Shilo »). Le 11 mars 2019, la Commission a regroupé les plaintes.

[2] Les plaignants ont allégué que l’intimé avait abusé de son pouvoir dans le choix d’un processus non annoncé, ainsi que dans l’établissement et l’évaluation du mérite dont le but principal du processus était de nommer la personne nommée, tout en excluant l’un des plaignants. Ils ont allégué que l’intimé avait réduit particulièrement les critères de qualification du poste afin de favoriser la personne nommée. Historiquement, un certificat avec mention Sceau rouge était requis pour le poste de chef d’équipe. Toutefois, dans le présent cas, l’intimé l’a retiré et a ajouté le certificat d’ingénieur en électricité de niveau 4, afin de favoriser la personne nommée.

[3] L’intimé a nié avoir abusé de son pouvoir dans le processus de nomination. En juillet 2018, il a décidé de réorganiser et de stabiliser son programme de Maintenance préventive à la BFC Shilo en dotant plusieurs postes de maintenance préventive à l’interne et, au début, sur une base intérimaire à long terme qui donnerait éventuellement lieu à des nominations pour une période indéterminée. L’un des postes était celui de chef d’équipe. L’intimé a d’abord reçu quatre déclarations d’intérêt à l’égard de ce poste, dont une de M. Hutlet. Une personne a retiré sa candidature et, en fin de compte, M. Hutlet et deux autres candidats ont été évalués. À la fin du processus d’évaluation, il a été déterminé que les trois candidats satisfaisaient aux qualifications essentielles, mais la personne nommée a été choisie comme étant la bonne personne pour le poste.

[4] La Commission de la fonction publique (CFP) n’a pas assisté à l’audience, mais elle a présenté des arguments écrits sur le cadre législatif applicable au processus de nomination, y compris une discussion sur ses politiques et lignes directrices pertinentes. La CFP ne s’est pas prononcée sur le bien‑fondé des plaintes.

[5] La Commission conclut que les plaignants n’ont pas étayé leurs allégations, selon la prépondérance des probabilités. Les plaintes sont rejetées.

II. Les allégations et la réponse de l’administrateur général

[6] Les allégations d’abus de pouvoir peuvent être résumées brièvement comme suit :

· le retrait de la qualification du certificat avec mention Sceau rouge comme étant essentielle et la réduction de la qualification professionnelle au certificat d’ingénieur en électricité de niveau 4;

· la nomination n’était pas fondée sur le mérite parce que la personne nommée n’a pas un certificat avec mention Sceau rouge;

· l’établissement de l’exigence d’un certificat d’ingénieur en électricité au niveau 4 a injustement exclu l’un des plaignants du processus;

· un processus non annoncé a été choisi pour assurer la nomination d’un candidat présélectionné pour des raisons (comme les mesures d’adaptation) autres que celles précisées dans la Formulation de la décision de sélection (FDS);

· l’intimé n’a pas respecté les valeurs de dotation parce que le contenu de la FDS n’était pas exact;

· l’intimé n’a pas correctement évalué les qualifications des plaignants;

· la personne nommée a été favorisée par rapport aux autres candidats en lui offrant une formation particulière, qui n’a pas été offerte aux autres candidats.

 

[7] L’intimé a nié toutes les allégations et a soutenu qu’il n’avait pas abusé de son pouvoir dans le processus de nomination et dans l’application du principe du mérite et qu’il avait respecté toutes les valeurs de dotation pertinentes.

III. Résumé de la preuve

A. Pour les plaignants

[8] Messieurs Hutlet, Marshall et Wilcox ont témoigné en leur propre nom. M. Kidd n’a pas témoigné. De plus, Lawrence Cotter a témoigné au nom de M. Hutlet. À l’heure actuelle, M. Cotter est employé à titre de planificateur de la maintenance préventive classifié au groupe et au niveau GL‑COI‑10 et occupe ce poste depuis environ cinq ans.

[9] Les plaignants occupaient différents postes de métier à l’Unité des opérations immobilières (Ouest) à la BFC Shilo lorsque la nomination en litige dans les présentes plaintes a été faite. Au moment de l’audience, M. Wilcox avait pris sa retraite de la fonction publique.

[10] À l’heure actuelle, M. Hutlet est employé à titre de charpentier classifié au groupe et au niveau GL‑WOW‑09. Il occupe ce poste depuis 2019. Il occupait auparavant le poste de charpentier au groupe et au niveau GL‑MAM‑05. Il possède deux certificats avec mention Sceau rouge de compagnon, un pour la menuiserie et l’autre pour la peinture.

[11] Il souhaite toujours occuper le poste de chef d’équipe. Il a présenté sa candidature pour le poste, mais n’y a pas été nommé, même s’il satisfaisait à toutes les qualifications essentielles. Selon lui, un poste GL‑COI‑10, soit la classification du poste de chef d’équipe, a toujours exigé un certificat avec mention Sceau rouge ou de compagnon, mais dans ce processus, la direction a modifié les qualifications essentielles en supprimant l’exigence du certificat avec mention Sceau rouge et en ajoutant une exigence d’un certificat d’ingénieur en électricité de niveau 4, ce qui est inférieur à un certificat de compagnon. Selon lui, la direction a en fait réduit la qualification essentielle afin de favoriser la personne nommée, qui possède un certificat d’ingénieur en électricité de niveau 4. La direction a favorisé davantage la personne nommée en lui offrant le poste de planificateur de la maintenance préventive pendant un an et demi avant la nomination en litige.

[12] Lorsque M. Hutlet a occupé par intérim le poste de chef d’équipe, il n’a reçu aucune rétroaction de son superviseur direct, Ashley Denbow. Il a travaillé aux côtés de M. Cotter, qui a attesté que M. Hutlet avait occupé le poste avec succès et qu’il était la bonne personne pour le poste.

[13] Un document intitulé [traduction] « Évaluation de M. M. Hutlet pour le poste de superviseur de la maintenance préventive » lui a été présenté. Il a témoigné que ce document ne lui avait jamais été présenté à l’époque pertinente. Il ne souscrivait pas du tout à certaines parties de ce document, plus particulièrement celles indiquant qu’il n’avait pas démontré les compétences en supervision suffisantes requises pour le poste et qu’il n’avait pas réussi à diriger et à surveiller ses subordonnées dans le cadre du travail quotidien et de les tenir responsables des délais. Le comité d’évaluation a attribué cela au fait qu’il [traduction] « n’avait aucune expérience antérieure en supervision ».

[14] Dans le document, le comité d’évaluation a conclu que M. Hutlet n’était pas la bonne personne pour le poste parce que ces compétences en supervision étaient insuffisantes. Il a contesté cette partie de l’évaluation et a témoigné qu’il avait exploité sa propre entreprise de menuiserie avant de se joindre à l’intimé et qu’il avait une expérience en supervision, car il avait exploité avec succès sa propre entreprise.

[15] Il a fait référence à une description de travail pour un poste intitulé [traduction] « Inspecteur de la maintenance préventive (MP) » classifié au groupe et au niveau GL‑COI‑10 pour établir que, dans le passé, les postes au groupe et au niveau GL‑COI‑10 exigeaient un certificat de compagnon. La date d’entrée en vigueur de la description de travail était le 4 octobre 2001. Il a été admis qu’il ne s’agit pas de la description de travail pour le poste en litige. Je fais également remarquer qu’elle indique expressément que le poste ne comporte [traduction] « aucune responsabilité de supervision permanente ».

[16] M. Cotter a travaillé aux côtés de M. Hutlet lorsque ce dernier a occupé par intérim le poste de chef d’équipe pour une période de deux mois. Il n’était pas le superviseur direct de M. Hutlet. Selon lui, M. Hutlet serait excellent au poste de chef d’équipe. Il a témoigné que lors de l’une de ses discussions avec M. Denbow, il a dit à M. Denbow que M. Hutlet serait une bonne personne pour occuper le poste de superviseur et que M. Hutlet était un bon superviseur. En contre‑interrogatoire, il a confirmé qu’il n’avait pas personnellement évalué M. Hutlet et qu’il n’avait pas non plus participé à la décision de la direction de nommer la personne nommée à ce poste.

[17] M. Marshall a témoigné au nom des plaignants. À l’heure actuelle, il travaille comme technicien de portes basculantes classifié au groupe et au niveau GL‑MAM‑06. Il ne possède aucun certificat avec mention Sceau rouge ou de compagnon, mais il possède un certificat d’ingénieur en électricité de niveau 5. Il souhaitait occuper le poste de chef d’équipe. Il a envoyé un courriel à l’adjoint administratif du major Jérémie Dulong, mais il n’a jamais reçu de nouvelles quant à savoir s’il avait été présélectionné ou éliminé du processus. Le major Dulong était le commandant à la BFC Shilo pendant la période pertinente. M. Marshall a déposé une plainte parce qu’il estimait que l’ajout du critère de certificat d’ingénieur en électricité de niveau 4 aux qualifications essentielles constituait une mesure d’adaptation pour la personne nommée. Il estimait que les qualifications historiques, notamment le certificat de compagnon ou avec mention Sceau rouge, auraient dû être maintenues.

[18] À la question de savoir s’il avait des éléments de preuve sur la question des mesures d’adaptation concernant la personne nommée, il a déclaré qu’il répéterait ce que M. Hutlet avait déjà dit à ce sujet. En contre‑interrogatoire, il a admis qu’en raison de son certificat d’ingénieur en électricité de niveau 5, il ne satisfaisait pas aux qualifications essentielles pour le poste de chef d’équipe.

[19] M. Wilcox a témoigné qu’il est à la retraite. Il a travaillé pour l’intimé pendant 14 ans à titre d’électricien compagnon classifié au groupe et au niveau GL‑EIM‑10. Étant donné qu’il était près de prendre sa retraite, il n’a pas participé au processus.

[20] On lui a demandé d’expliquer les désignations et les certifications dans le domaine des métiers. Il a témoigné qu’un certificat de compagnon exige 7 200 heures de formation pratique ou d’apprentissage et la réussite de quatre examens. Il a déclaré que l’équivalent du certificat de compagnon dans le domaine de l’ingénierie en électricité est le certificat d’ingénieur en électricité de niveau 1 et non celui de niveau 4 que l’intimé a utilisé pour le processus. Selon lui, un certificat d’ingénieur en électricité de niveau 4 nécessite 1 200 heures de formation et la réussite d’un examen. Pour les postes GL‑COI‑10, la qualification requise avait toujours été le statut de compagnon pour les gens de métier. Il a fait référence à la description de travail de 2001 pour le poste d’inspecteur de la maintenance préventive, qui comprenait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Compétences

[…]

Un métier de la construction de bâtiments au niveau de compagnon et une expérience suffisante dans d’autres métiers (comme la menuiserie, la plomberie et l’électricité) pour fournir des conseils et une aide techniques aux concepteurs et aux chefs d’équipe, des conseils sur place aux inspecteurs/superviseurs de la maintenance/de la construction et pour effectuer des inspections, superviser des projets de construction et de maintenance et pour vérifier la qualité du travail effectué en ce qui a trait à l’orientation ou au programme de maintenance préventive.

[…]

[Je mets en évidence]

 

[21] Il a reconnu qu’en 2017, le poste d’inspecteur de la maintenance préventive a été divisé en deux postes.

B. Pour l’intimé

[22] M. Denbow et le major Dulong ont témoigné au nom de l’intimé.

[23] M. Denbow est un gestionnaire de la maintenance de la construction à l’Unité des opérations immobilières (Ouest) de la BFC Shilo. Il est chargé de la gestion de sept équipes de construction et de maintenance composées de l’équipe d’ingénierie, de l’équipe de l’eau et des eaux usées, de l’équipe des routes et des terrains, de l’équipe de l’électricité, de l’équipe de la plomberie et du chauffage, de l’équipe de la structure et de l’équipe de la maintenance préventive. Il était le gestionnaire d’embauche chargé du processus. Il a suivi une formation en dotation et a participé à 16 à 24 processus dotation. Le comité d’évaluation était composé de lui, du major Dulong et du commandant sous‑divisionnaire par intérim, Blaine Fraser.

[24] Le programme de maintenance préventive de la BFC Shilo avait été négligé depuis le départ à la retraite du gestionnaire précédent. L’intimé a décidé de relancer et de stabiliser le programme en créant une unité de maintenance préventive dédiée, ce qui signifiait qu’il devait doter une équipe spécialisée d’employés à l’interne. Il a d’abord décidé de doter les postes sur une base intérimaire à long terme en vue de procéder à des nominations pour une période indéterminée à l’avenir. L’approche a été communiquée à l’ensemble de la BFC Shilo dans un courriel daté du 19 juillet 2018, comme suit :

[Traduction]

[…]

Afin d’assurer une plus grande stabilité au programme de maintenance préventive (MP) du detachment et d’accélérer également le processus de dotation, nous avons l’intention de procéder à des processus de dotation internes au cours des deux prochains mois. Tout employé nommé pour une période indéterminée au sein des opérations immobilières du detachment Shilo manifestant un intérêt à l’égard des postes de MP aura la possibilité d’occuper le poste par intérim pendant une certaine période. Ensuite, selon le meilleur rendement, nous affecterons le bon membre du personnel aux postes particuliers par intérim à long terme pendant que le milieu des ressources humaines (RH) rattrape à le retard pris dans la nomination pour une période indéterminée de la personne au poste. Cela finira par mettre fin à la rotation constante du personnel qui entre et qui sort du milieu.

Par conséquent, je demande à toute personne intéressée par les postes suivants d’en informer l’officier d’administration Tannis Bolduc par courriel au plus tard le 3 août 2018. Si plusieurs postes vous intéressent, veuillez l’indiquer.

[…]

– Superviseur de la MP, COI 10, avec allocation de surveillance [chef d’équipe]

[…]

Divulgation complète; l’objectif est d’utiliser le présent courriel dans le cadre de la justification de la meilleure personne pour une nomination interne non annoncée de certaines personnes intéressées aux postes susmentionnés. Nous nous réservons le droit de poursuivre le processus de dotation externe en cours s’il est jugé raisonnable de le faire.

[…]

 

[25] L’un des six postes énumérés était celui de chef d’équipe. Selon M. Denbow, un poste d’inspecteur de la maintenance préventive a d’abord été créé dans le cadre de la réorganisation du programme de Maintenance préventive, mais on s’est vite rendu compte que les fonctions et les responsabilités étaient trop lourdes pour une seule personne. Par conséquent, le poste a été divisé en deux : 1) le poste de planificateur de la maintenance préventive et 2) le poste de superviseur de la maintenance préventive ou de chef d’équipe.

[26] Les principales fonctions du chef d’équipe consistent à s’occuper des inspections de maintenance préventive à la BFC Shilo. Le rôle comporte une relation hiérarchique avec sept GL‑MAM‑05 et GL‑MAM‑06. Le rôle principal de l’unité consistait à s’assurer que le plan d’inspection de 52 semaines prévu dans tous les domaines de métiers était exécuté selon les délais.

[27] L’intimé a d’abord reçu quatre déclarations d’intérêt à l’égard du poste de chef d’équipe, dont celle de M. Hutlet. Une personne a retiré sa candidature. En fin de compte, M. Hutlet et deux autres candidats ont été évalués. À la fin de l’évaluation, il a été déterminé que les trois candidats satisfaisaient aux qualifications essentielles, mais la personne nommée a été choisie comme étant la bonne personne pour le poste.

[28] M. Denbow a expliqué qu’il avait choisi l’attestation professionnelle énumérée dans l’énoncé des critères de mérite (ECM) parce que, de façon réaliste, bon nombre des personnes de métier à la BFC Shilo, satisfaisaient aux critères de mérite. Il a ajouté le certificat d’ingénieur en électricité de niveau 4 parce qu’environ 11 employés en avaient un et il souhaitait leur donner accès au poste. Ils représentaient environ 1 sur 6 de tous les employés, et on a estimé qu’il serait injuste de les exclure de la possibilité.

[29] Il a expliqué que les Normes de qualification du Conseil du Trésor ne précise aucune exigence minimale en matière d’études ou d’emploi pour le groupe professionnel Manœuvres et hommes de métier (le « groupe GL »); elle confère plutôt à la direction le pouvoir discrétionnaire de fixer les exigences pour le travail à accomplir. En ce qui concerne le poste de chef d’équipe, il n’a pas inclus l’exigence du certificat avec mention Sceau rouge parce qu’elle n’était pas nécessaire pour le travail à accomplir.

[30] Ce certificat est important lorsque des travaux sont exécutés entre les provinces. Dans le présent cas, le travail à accomplir était dans la province du Manitoba et, par conséquent, cette exigence n’était pas nécessaire. Voici certaines des qualifications essentielles qui étaient énumérées dans l’ECM :

[Traduction]

 

Attestation professionnelle

Être titulaire d’un certificat de compagnon valide dans le domaine de l’électricité, de la plomberie, de la peinture, de la menuiserie, ou d’un certificat d’ingénieur en électricité (niveau 4 au minimum). Le statut de compagnon dans un métier spécifique peut être une exigence pour certaines nominations.

 

Expérience

Expérience dans la maintenance, la réparation et l’inspection de bâtiments et de systèmes de construction.

Expérience de la supervision d’une équipe de maintenance multidisciplinaire.

 

Capacités et compétences

La capacité de produire des estimations de la portée des travaux et des coûts.

La capacité de coordonner, de gérer et d’inspecter des projets de construction.

La capacité de superviser d’autres employés.

 

[31] Il a expliqué que le poste était un rôle de superviseur; par conséquent, il était nécessaire que les candidats aient des compétences en supervision.

[32] Il ne savait pas que M. Marshall avait manifesté un intérêt à l’égard du poste de chef d’équipe, mais il savait qu’en plus de la personne nommée, deux autres candidats avaient manifesté leur intérêt. Les trois candidats ont occupé le poste par intérim pendant deux mois chacun, période au cours de laquelle ils ont été évalués en fonction des critères essentiels décrits dans l’ECM. Il a tenu des réunions de supervision mensuelles avec eux. Une formation sur le Système d’information de la gestion des ressources de la défense (SIGRD) a été offerte à chacun des candidats.

[33] Les trois candidats satisfaisaient aux qualifications essentielles. Le comité d’évaluation a choisi la personne nommée comme étant la bonne personne pour le poste parce qu’elle avait démontré des compétences supérieures en matière de supervision. Même si M. Hutlet satisfaisait aux qualifications essentielles, il n’a pas été choisi en tant que la bonne personne pour le poste. Même s’il a fait preuve d’un bon rendement relativement aux aspects techniques du poste, il n’a pas démontré de solides compétences en supervision. Au cours de la période intérimaire, il n’a pas été en mesure de faire respecter les calendriers et les délais d’inspection par ses équipes; par conséquent, elles ont pris du retard par rapport au calendrier d’inspection. En revanche, le rendement de la personne nommée a été excellent.

[34] Le comité d’évaluation s’est réuni après que les trois candidats aient occupé le poste pendant les périodes intérimaires de deux mois et ses membres ont discuté de leurs observations. Ils ont ensuite décidé que la personne nommée était la bonne personne pour le poste. M. Denbow a témoigné que les deux autres candidats ont été informés verbalement de la décision; ni l’un ni l’autre n’a demandé une discussion informelle ou une rétroaction.

[35] Il a témoigné qu’il n’avait aucune relation avec la personne nommée à l’extérieur du lieu de travail; il n’avait pas non plus de conflit avec elle. De même, il n’avait aucune relation avec les plaignants.

[36] En contre‑interrogatoire, il a expliqué qu’en plus du certificat de compagnon, il avait ajouté le certificat d’ingénieur en électricité de niveau 4 aux qualifications professionnelles afin d’être le plus inclusif possible. Il n’a pas ajouté l’exigence d’un certificat avec mention Sceau rouge, car elle n’était pas nécessaire; tous les travaux pouvaient être exécutés au sein de la province. L’exclusion de cette exigence faisait en sorte qu’un plus grand nombre de candidats pouvaient participer au processus.

[37] À l’heure actuelle, le major Dulong est le commandant adjoint de l’Unité immobilière de l’intimé dans sa région du Pacifique. Lorsqu’il était commandant à la BFC Shilo pendant la période pertinente, environ 100 employés relevaient de son commandement, ainsi que sept relations hiérarchiques. Il a suivi la formation pertinente en matière de dotation et de relations de travail et il disposait du pouvoir délégué de signer les lettres d’offre. Il est titulaire d’un diplôme en sciences et a déjà travaillé à titre de sapeur de combat.

[38] En ce qui concerne le processus de nomination en litige, il a délégué la responsabilité du processus à M. Denbow, mais a conservé le pouvoir de prendre la décision finale. Il a fourni une justification historique du poste qui a été doté. Il s’agissait d’un nouveau poste et il avait été créé afin d’améliorer et d’officialiser le programme de Maintenance préventive de la BFC Shilo. Le chef d’équipe était un poste de supervision générique et il était complémentaire au poste de planificateur de la maintenance préventive. Le courriel visant à obtenir des déclarations d’intérêt a été envoyé à l’ensemble de la BFC Shilo. L’idée était de faire en sorte que les candidats intéressés occupent chacun le poste par intérim pendant environ deux mois dans le cadre de l’évaluation.

[39] En ce qui a trait à la formation requise, tous les candidats avaient suivi une formation sur le SIGRD. La connaissance du « SIRIE » n’était pas pertinente pour le poste de chef d’équipe et, quoi qu’il en soit, tout le monde a suivi une formation sur le SIRIE en 2017. Le SIRIE est un module du SIGRD qui est utilisé pour générer et gérer les commandes de travail d’infrastructure. Il convient de noter que les parties n’ont fourni à la Commission aucune signification de l’acronyme.

[40] Le major Dulong faisait partie du comité d’évaluation. Quatre candidats ont manifesté leur intérêt; l’un d’eux s’est retiré au début du processus. Même s’il n’a pas observé les candidats quotidiennement au cours de leur période intérimaire respective de deux mois, il a tenu des réunions mensuelles avec M. Denbow et a tout examiné au cours de ces périodes. Selon le major Dulong, M. Hutlet a fait preuve d’un changement d’attitude lorsqu’il occupait le poste par intérim, ce qui a déplu à certaines personnes.

[41] Le major Dulong a conclu que la personne nommée était plus indépendante et qu’elle était en mesure d’affecter les commandes de travail et de réaliser le travail à temps, comparativement au rendement de M. Hutlet en tant que superviseur. Le comité d’évaluation a déterminé que les compétences en supervision de la personne nommée étaient supérieures dans l’ensemble. Le comité s’est réuni et a discuté du rendement des candidats. Il a conclu que tous les candidats qui satisfaisaient aux qualifications minimales avaient bénéficié d’une période égale pour occuper le poste par intérim et que lorsque la période d’évaluation a pris fin, il a été jugé qu’ils satisfaisaient tous aux critères essentiels requis. Le comité d’évaluation a déterminé que la personne nommée était la bonne personne pour le poste.

[42] Le major Dulong n’avait aucune relation personnelle avec la personne nommée; leur seule interaction a été dans le lieu de travail et lorsqu’il a dû traiter la demande de mesures d’adaptation de la personne nommée. En revanche, il a joué au hockey avec M. Hutlet à l’extérieur du lieu de travail. Il a également témoigné qu’au lieu de travail, il a participé à la tentative de faire nommer M. Hutlet à un poste GL‑COI‑09.

[43] Lorsque le major Dulong est arrivé à la BFC Shilo, un plan de mesure d’adaptation pour la personne nommée était déjà en place, en fonction de sa situation de famille. Pendant son mandat, le plan devait être renouvelé. Le major Dulong en a préparé un nouveau qui a été adapté à la personne nommée dans son poste d’attache.

IV. Résumé de l’argumentation

A. Pour la CFP

[44] La CFP n’a pas assisté à l’audience; elle a plutôt présenté des arguments écrits sur ses politiques et ses lignes directrices. Essentiellement, la CFP a décrit la politique pertinente sur la nomination et les dispositions législatives applicables de la LEFP. Elle ne s’est pas prononcée sur le bien‑fondé des plaintes.

B. Pour les plaignants

[45] Les plaignants m’ont renvoyé aux décisions suivantes : Denny c. Sous‑ministre de la Défense nationale, 2009 TDFP 29, aux paragraphes 121 à 141, Amirault c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2012 TDFP 6, aux paragraphes 50 à 97, Hunter c. Sous‑ministre de l’Industrie, 2019 CRTESPF 83, aux paragraphes 82 à 95, Renaud c. Sous‑ministre de la Défense nationale, 2013 TDFP 26, aux paragraphes 30 à 37, Tibbs c. Canada (Défense nationale), 2006 TDFP 8, aux paragraphes 70 et 71 et Bergey c. Canada (Procureur général), 2017 CAF 30, aux paragraphes 40, 55, 56 et 78.

[46] Les plaignants ont reconnu qu’il leur incombait d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que l’intimé avait abusé de son pouvoir. Ce qui s’est passé dans le présent cas relève carrément de l’une des catégories d’abus de pouvoir décrites dans Tibbs. L’intimé a commis plusieurs erreurs qui, au total, équivalaient à un abus de pouvoir.

[47] L’intimé a abusé de son pouvoir dans l’application du principe du mérite et dans la façon dont il a établi l’ECM pour le processus. Selon l’article 31 de la LEFP, la direction dispose du pouvoir discrétionnaire de fixer des normes de qualification, à condition qu’elles dépassent les exigences minimales précisées dans les Normes de qualification du Conseil du Trésor. Dans le présent cas, la norme ne précise pas un minimum; il faut donc examiner les pratiques historiques et conventionnelles de l’employeur. Historiquement, les postes GL‑COI‑10, en raison de leur nature de supervision, ont nécessité un certificat de compagnon ou un certificat avec mention Sceau rouge. L’intimé a abusé de son pouvoir lorsqu’il a abaissé la qualification professionnelle pour inclure un certificat d’ingénieur en électricité de niveau 4, ce qui était incompatible avec l’article 31 de la LEFP.

[48] Les plaignants ont fait référence au préambule de la LEFP et se sont concentrés sur l’affirmation selon laquelle le gouvernement fédéral s’est engagé, entre autres, à adopter des « pratiques d’emploi transparentes ». Selon les plaignants, la décision de réduire les exigences de qualification manquait de transparence; il en a été de même de la façon dont le changement aux critères de qualification a été communiqué.

[49] L’explication de l’intimé selon laquelle la qualification a été réduite pour permettre la création d’un plus grand bassin de candidats n’était tout simplement pas crédible, car il n’aurait pas pu s’agir d’une simple coïncidence que la personne nommée détienne un certificat d’ingénieur en électricité de niveau 4. Le processus a été organisé de manière à s’assurer que la personne nommée puisse présenter sa candidature et ensuite être choisie comme la bonne personne pour le poste. La réduction des critères de qualification a été effectuée dans un but ultérieur.

[50] En ce qui a trait à l’évaluation, les plaignants ont soutenu que celle de M. Hutlet constituait un abus de pouvoir parce qu’on ne lui avait pas donné le droit de demander une discussion informelle sur les raisons pour lesquelles il n’était pas la bonne personne pour le poste. Plus qu’une simple erreur a été commise parce que son évaluation n’était pas transparente.

[51] En ce qui concerne le choix du processus, les plaignants ont fait valoir que l’intimé avait choisi un processus non annoncé afin de s’assurer qu’un candidat présélectionné soit nommé. Ils ont reconnu que, malgré cela, le processus permettait d’évaluer plus d’une personne.

[52] La FDS a confirmé que la personne nommée avait été favorisée parce qu’une formation de 18 mois relative au poste d’inspecteur de la maintenance préventive lui avait été offerte en tant que mesure d’adaptation avant le processus. Le comité d’évaluation l’a admis lorsqu’il a déclaré ce qui suit dans son courriel du 18 octobre 2018 [Décision relative à la bonne personne pour le poste] :

[Traduction]

[…] [la personne nommée] a été jugée être la bonne personne pour le poste. Il possède plus de connaissances et d’expérience relatives à l’aspect de la maintenance préventive de la gestion des biens immobiliers. Il a acquis ces compétences lorsqu’il a suivi une formation sur SIRIE en tant que gestionnaire de la planification de la maintenance et en occupant le poste d’inspecteur de la maintenance préventive par intérim pendant environ un an et demi […]

 

[53] La FDS a confirmé en outre l’avantage que la personne nommée avait obtenu par rapport aux autres candidats grâce à des occasions intérimaires antérieures.

[54] Selon les plaignants, [traduction] « des mesures d’adaptation ne devraient pas favoriser une personne au cours d’un processus futur ». Même s’ils n’ont pas contesté les qualifications de la personne nommée, ils ont soutenu que l’intimé avait choisi un processus non annoncé et placé la personne nommée dans un emploi afin de s’assurer que ses mesures d’adaptation seraient permanentes, ce qui a créé un abus de pouvoir. Dans ces circonstances, la révocation de la nomination constituerait une mesure corrective appropriée.

[55] Malgré leur position relative aux qualifications de la personne nommée, ils ont soutenu qu’une violation des valeurs de dotation, notamment un manque de transparence qui équivalait à un abus de pouvoir, pourrait toujours justifier la révocation de la nomination (voir Renaud).

[56] Les plaignants ont invoqué Renaud pour faire valoir que la nomination doit être révoquée. Dans Renaud, l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique (le « Tribunal » et un prédécesseur de la Commission) a conclu qu’il y avait eu abus de pouvoir en raison d’une grave erreur qui avait été commise dans l’évaluation des qualifications de la personne nommée. Il a conclu que la personne nommée ne possédait pas les qualifications essentielles et que, par conséquent, sa nomination n’était pas fondée sur le mérite.

C. Pour l’intimé

[57] L’intimé m’a renvoyé aux décisions suivantes : Committee for Justice and Liberty c. L’Office national de l’énergie, [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 372, Canada (Procureur général) c. Cameron, 2009 CF 618, aux paragraphes 16 à 18, 24 à 27, 29, 30 et 34 à 36, Lavigne c. Canada (Justice), 2009 CF 684, aux paragraphes 60 à 62 et 86, Clout c. Sous‑ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, 2008 TDFP 22, aux paragraphes 32, 38, 41 et 42, Glasgow c. Sous‑ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2008 TDFP 7, aux paragraphes 36 à 41, Robbins c. Administrateur général de Service Canada, 2006 TDFP 17, aux paragraphes 35 et 36, Tibbs, aux paragraphes 49 à 73, Visca c. Sous‑ministre de la Justice, 2007 TDFP 24, aux paragraphes 34, 42 et 51 à 57, Dhalla c. Commissaire du Service correctionnel du Canada, 2018 CRTESPF 12, aux paragraphes 41, 50 et 51 et Thompson c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada, 2017 CRTEFP 22, aux paragraphes 71 et 72.

[58] L’intimé a informé l’ensemble de la BFC Shilo de son intention de procéder à des nominations dans le cadre d’un processus non annoncé et a communiqué avec tous les employés pour leur demander de manifester leur intérêt à l’égard du poste. Le comité d’évaluation s’est réuni pour évaluer les trois candidats et a déterminé qu’ils satisfaisaient tous aux critères essentiels, mais que la personne nommée était la bonne personne pour le poste. Un niveau élevé de compétences en supervision était requis et les compétences de la personne nommée étaient supérieures.

[59] Il incombait aux plaignants d’étayer leurs arguments, selon la prépondérance des probabilités; ils ne se sont pas acquittés de ce fardeau (voir Tibbs). Il faut plus que de simples erreurs ou omissions pour conclure à la présence d’un comportement inapproprié et le principe de mauvaise foi exige un élément d’intention (voir Lavigne).

[60] L’employeur dispose d’un vaste pouvoir discrétionnaire pour fixer et établir les qualifications. Selon les Normes de qualification du Conseil du Trésor sur la dotation du poste, il n’y avait aucune exigence minimale concernant les études ou la profession. M. Denbow a expliqué la raison pour laquelle il avait élargi les critères de qualification en vue d’inclure un certificat d’ingénieur en électricité de niveau 4. Il ne souhaitait pas limiter injustement le bassin de candidats potentiels, puisqu’environ 1 sur 6 de l’effectif était composé d’ingénieurs en électricité de niveau 4 ou supérieur. Les plaignants n’ont présenté aucun élément de preuve pour contredire ce témoignage.

[61] M. Denbow a également reconnu que, historiquement, plusieurs postes GL‑COI‑10 exigeaient un certificat de compagnon. Il a décidé qu’un certificat d’ingénieur en électricité de niveau 4 en tant que minimum était approprié, parce qu’il fallait un an de formation et un an de travail dans une centrale thermique à vapeur en plus de réussir un examen écrit pour obtenir ce certificat. Chaque candidat a obtenu une nomination intérimaire de deux mois au poste, après quoi chacun a été évalué. Il n’y a pas eu de présélection.

[62] En ce qui concerne le choix d’un processus non annoncé, l’intimé a le pouvoir discrétionnaire de choisir le type de processus et n’est pas tenu de prendre en considération plus d’une personne pour un poste (voir Robbins, aux par. 35 et 36). L’intimé a fait preuve de transparence quant à son intention d’utiliser un processus non annoncé en envoyant un courriel à l’ensemble de la BFC Shilo. Aucun élément de preuve convaincant n’a été présenté pour étayer l’allégation selon laquelle un processus non annoncé avait été choisi pour fausser le processus.

[63] En ce qui a trait au processus d’évaluation, ni l’un ni l’autre des témoins de l’intimé ne se souvenait que M. Marshall avait exprimé un quelconque intérêt à l’égard du poste. En outre, l’intimé a soutenu que, par souci d’équité procédurale, cette allégation n’a jamais été soulevée avant l’audience. Si elle avait été soulevée dans les allégations, l’intimé aurait pu faire les enquêtes nécessaires auprès du destinataire présumé du courriel de M. Marshall pour déterminer ce qui s’était passé. Quoi qu’il en soit, cette allégation ne change rien ou presque puisque, en contre‑interrogatoire, M. Marshall a admis qu’il ne satisfaisait pas aux critères de qualification. La conclusion appropriée à tirer de cette allégation est que la candidature de M. Marshall a été éliminée à la première étape.

[64] Chaque candidat qui satisfaisait aux critères a occupé le poste par intérim pendant une période de deux mois, au cours de laquelle M. Denbow les a observés et évalués. En outre, chaque candidat a suivi une formation sur le SIGRD; par conséquent, il n’y a eu aucun avantage injuste. L’argument des plaignants selon lequel la personne nommée a suivi une formation sur SIRIE, ce qui lui a donné un avantage par rapport aux autres, n’est pas fondé parce que cette formation n’est pas pertinente au poste.

[65] À titre de gestionnaire, M. Denbow a effectué une vérification périodique auprès de chaque candidat au cours du processus d’évaluation. Dans l’ensemble, il a estimé que la personne nommée avait excellé dans le rôle. M. Hutlet est un excellent homme de métier, mais il a éprouvé des difficultés à l’égard des aspects de supervision du poste. Un poids limité, le cas échéant, devrait être accordé à l’opinion de M. Cotter selon laquelle M. Hutlet aurait bien exercé le rôle.

[66] Selon les témoignages incontestés du major Dulong et de M. Denbow, ni l’un ni l’autre n’avait un conflit personnel avec M. Hutlet ni une relation personnelle avec la personne nommée qui permettrait d’étayer une allégation de favoritisme personnel (voir Glasgow).

[67] L’intimé a demandé que les plaintes soient rejetées.

V. Questions en litige

[68] Les allégations des plaignants peuvent être résumées en trois principales questions, comme suit :

1) Y a‑t‑il eu abus de pouvoir lors du choix du processus de nomination?

2) Y a‑t‑il eu abus de pouvoir lors de l’établissement des qualifications essentielles?

3) Y a‑t‑il eu abus de pouvoir dans l’évaluation du principe du mérite?

 

VI. Motifs

A. Le cadre législatif

[69] Les articles pertinents de la LEFP sont les articles 2, 30, 31, 33, 77 et 81.

[70] Selon la définition prévue au paragraphe 2(4) de la LEFP, un abus de pouvoir comprend la mauvaise foi et le favoritisme personnel. Cette définition n’est pas exhaustive, et la jurisprudence a fermement établi que le législateur n’avait pas l’intention d’adopter un concept d’abus de pouvoir statique (voir Canada (Procureur général) c. Lahlali, 2012 CF 601, aux par. 21 et 33 à 35).

[71] Même si l’intention n’est pas requise pour établir un abus de pouvoir, toute action ou inaction sous‑jacente à une allégation d’abus de pouvoir doit être assez sérieuse et répréhensible, de sorte qu’une personne raisonnable conclurait que le législateur n’aurait pas envisagé que le délégué fasse preuve du comportement contesté (voir Tibbs, au par. 74 et Rizqy c. Sous‑ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 CRTESPF 12, au par. 10).

[72] L’article 30 de la LEFP exige que toutes les nominations soient fondées sur le mérite et qu’elles soient exemptes de toute influence politique. Une nomination est fondée sur le mérite lorsque la CFP est convaincue que la personne proposée satisfait aux qualifications essentielles que l’administrateur général a fixées pour le travail à accomplir, ainsi qu’à toute autre exigence particulière en matière d’atout ou exigence organisationnelle.

[73] Afin qu’une nomination soit fondée sur le mérite, la CFP n’est pas tenue de prendre en considération plus d’une personne. En d’autres termes, une nomination peut être fondée sur le mérite si un seul candidat est pris en considération. Le Tribunal a expliqué le principe du mérite dans Rinn c. Sous‑ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités, 2007 TDFP 44, aux paragraphes 34 et 35, comme suit :

[34] Au paragraphe 44 de la décision Visca c. le Sous‑ministre de la Justice et al., [2007] TDFP 0024, le Tribunal a expliqué dans quelle mesure le mérite a changé dans la LEFP par rapport à l’ancienne LEFP :

En vertu de l’ancienne LEFP, il y avait motif d’appel lorsque le mérite relatif n’était pas réalisé. Le processus était normatif, le classement était obligatoire et tout écart par rapport au processus risquait de se traduire par un appel accueilli. Aujourd’hui, en vertu du paragraphe 30(2) de la LEFP, le gestionnaire dispose d’un pouvoir discrétionnaire considérable pour choisir, parmi les postulants qui répondent aux qualifications essentielles, la personne qui, selon son jugement, est la bonne personne pour occuper le poste.

[35] Le mérite est maintenant lié au mérite individuel; pour être nommée, la personne doit répondre aux qualifications essentielles se rapportant au travail à effectuer. Il existe une latitude considérable pour choisir la personne qui fera l’objet d’une nomination. Cependant, l’exigence fondamentale pour nommer une personne sur la base du mérite est que la personne doit être qualifiée pour le poste.

[Je mets en évidence et les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[74] L’article 31 de la LEFP prévoit que l’employeur peut établir les normes de qualification qu’il juge nécessaires ou souhaitables, du fait de la nature du travail à accomplir et des besoins actuels et futurs de la fonction publique. Les normes de qualification visent l’instruction, les connaissances, l’expérience, l’attestation professionnelle ou de langue et toute autre qualification. Lorsqu’il établit les critères essentiels d’un processus de nomination pour un poste donné, l’administrateur général doit satisfaire ou dépasser, sans toutefois s’y soustraire, les normes de qualification précisées par l’employeur pour ce groupe professionnel ou cette classification (voir Rinn, aux par. 40 et 41).

[75] L’article 33 de la LEFP confère à l’intimé le pouvoir discrétionnaire de choisir entre un processus de nomination annoncé ou non annoncé. La LEFP n’exige aucune préférence et ne précise pas non plus les facteurs qui peuvent être pris en considération dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire. Même si ce pouvoir discrétionnaire semble assez vaste, il n’est pas absolu. Le choix d’un processus par rapport à l’autre ne doit pas être entaché par un abus de pouvoir. Dans Beyak c. Sous-ministre de Ressources naturelles Canada, 2009 TDFP 7, aux paragraphes 119 à 121, le Tribunal s’est penché sur la question de savoir si le choix d’un processus non annoncé constituait un abus de pouvoir. Il a expliqué que, même si le pouvoir discrétionnaire est écrit de manière générale, ses paramètres sont limités par l’esprit de la loi, comme suit :

[119] Comme il est mentionné dans la jurisprudence du Tribunal, le préambule de la LEFP fait partie intégrante de la Loi; il met d’emblée en évidence son objectif législatif. Les articles suivants du préambule sont tout particulièrement dignes de mention :

qu’il demeure avantageux pour le Canada de pouvoir compter sur une fonction publique non partisane et axée sur le mérite […];

le pouvoir de dotation devrait être délégué […] pour que les gestionnaires disposent de la marge de manœuvre dont ils ont besoin pour effectuer la dotation, et pour gérer et diriger leur personnel de manière à obtenir des résultats pour les Canadiens.

le gouvernement du Canada souscrit au principe d’une fonction publique qui incarne la dualité linguistique et qui se distingue par ses pratiques d’emploi équitables et transparentes, le respect de ses employés, sa volonté réelle de dialogue et ses mécanismes de recours destinés à résoudre les questions touchant les nominations.

[120] […] Les gestionnaires disposent d’un pouvoir discrétionnaire considérable en matière de dotation, mais ils doivent l’exercer conformément à des pratiques d’emploi équitables et transparentes et avec respect envers les employés […]

[121] La LEFP, le Règlement du TDFP, le REFP et les lignes directrices de la CFP font référence à des pratiques d’emploi équitables et transparentes et au respect envers les employés. Par exemple, il est mentionné dans l’article 48 de la LEFP que l’on doit informer les personnes de la zone de sélection lorsqu’une personne est retenue en vue d’une nomination ou lorsqu’une nomination est effectuée ou proposée. Dans le cas d’un processus annoncé, cette notification doit être donnée aux employés qui ont pris part au processus de nomination. De même, lorsque la candidature d’une personne est éliminée dans le cadre d’un processus de nomination, il est possible de tenir une discussion informelle.

[Je mets en évidence]

 

[76] Les alinéas 77(1)a) et b) de la LEFP prévoient que les personnes dans la zone de recours d’une nomination ou d’une nomination proposée peuvent déposer une plainte auprès de la Commission selon laquelle un abus de pouvoir a eu lieu dans le processus de nomination, que ce soit dans le choix du processus de nomination ou dans l’évaluation du principe du mérite.

[77] L’article 81 de la LEFP définit la portée du pouvoir de réparation de la Commission lorsqu’une plainte d’abus de pouvoir est fondée. La Commission peut ordonner à la CFP de révoquer une nomination ou de s’abstenir de faire une nomination et de prendre les mesures correctives qu’elle estime indiquées.

VII. Analyse

A. Choix du processus

[78] L’intimé dispose du pouvoir discrétionnaire de choisir entre un processus de nomination annoncé ou non annoncé lorsqu’il fait une nomination. Même si la loi ne précise pas quand ou comment un choix doit être fait entre un processus annoncé ou non annoncé, la jurisprudence laisse entendre qu’un plaignant doit présenter des éléments de preuve pour démontrer un motif illégitime, une mauvaise foi ou un favoritisme, par exemple, pour établir un abus de pouvoir fondé sur le choix du processus (voir Clout, au par. 34 et D’Almeida c. Gendarmerie royale du Canada, 2020 CRTESPF 23, au par. 55).

[79] Les faits dans le présent cas reflètent ceux dans De Santis c. Commissaire du Service correctionnel du Canada, 2016 CRTEFP 34, dans laquelle le défendeur a décrit son processus comme étant non annoncé, mais qui comportait les caractéristiques d’un processus annoncé (voir les par. 21 à 30). Dans le présent cas, il semble y avoir eu une certaine confusion en ce qui concerne la sémantique, comme dans le cas d’un processus annoncé par rapport à un processus non annoncé. Je n’ai reçu aucun élément de preuve quant à la définition de ces termes. Toutefois, dans De Santis, le prédécesseur de la Commission a fait référence à un bulletin interne qui expliquait ou définissait les termes « annoncé » et « non annoncé » comme suit :

[Traduction]

[…]

21 […]

Processus de nomination annoncé : Un processus de nomination dans le cadre duquel les personnes comprises dans la zone de sélection sont informées d’une occasion d’emploi à laquelle elles peuvent postuler et démontrer leurs aptitudes par rapport aux critères de mérite.

Processus de nomination non annoncé : Un processus de nomination qui ne répond pas aux critères relatifs à un processus de nomination annoncé.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[80] Dans le présent cas, l’intimé a envoyé un courriel daté du 19 juillet 2018 à tous les employés de la BFC Shilo, les invitant à manifester leur intérêt pour l’un des six postes de l’unité de maintenance préventive. Le courriel expliquait la justification de la demande de déclarations d’intérêt et décrivait la méthode d’évaluation qui serait utilisée. Le courriel indiquait également ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Divulgation complète; l’objectif est d’utiliser le présent courriel dans le cadre de la justification de la meilleure personne pour une nomination interne non annoncée de certaines personnes intéressées aux postes susmentionnés. Nous réservons le droit de poursuivre le processus de dotation externe en cours s’il est jugé raisonnable de le faire.

[…]

 

[81] Quatre personnes, dont M. Hutlet, ont manifesté leur intérêt relativement au poste de chef d’équipe. Une personne s’est retirée et les trois autres ont été évaluées conformément aux outils décrits dans le courriel. Chaque candidat a été autorisé à occuper le poste par intérim pendant une période de deux mois. Par conséquent, il semble que la référence à un processus non annoncé n’était qu’en forme, puisque, essentiellement, l’intimé a mené un processus interne annoncé.

[82] Les plaignants ont fait valoir que le choix d’un processus non annoncé découlait d’une mauvaise foi et d’un abus de pouvoir, parce qu’il avait été utilisé pour nommer la personne nommée au poste et pour exclure l’un des plaignants. Ils ont soutenu en outre que la FDS ne respectait pas les valeurs de dotation, car elle contenait des éléments inexacts. Ils n’ont pas été en mesure d’indiquer les inexactitudes alléguées dans la FDS.

[83] Les plaignants ont fait valoir que le processus d’établissement de l’ECM était entouré de secret et que l’ECM n’était pas joint au courriel du 19 juillet 2018 qui annonçait le poste. L’intimé a expliqué qu’il n’y avait pas de pièces jointes parce qu’il énumérait six postes et qu’il aurait été difficile de joindre six ECM. Je fais remarquer que les employés intéressés ont eu environ deux semaines pour manifester leur intérêt, ce qui était suffisamment de temps pour obtenir les ECM ou en prendre connaissance. En fait, aucun des plaignants n’a témoigné ne pas avoir été au courant des critères de mérite pendant la période pertinente.

[84] L’ECM pour le poste de chef d’équipe est daté du 11 avril 2018, ce qui précède la publication de l’offre d’emploi qui a été communiquée en juillet 2018. Les plaignants n’ont fourni aucun élément de preuve qui laisse entendre que des modifications ont été apportées après la diffusion de l’annonce.

[85] Je conclus que les plaignants n’ont pas établi qu’il y avait eu erreur ou omission, ou qu’il y avait quelque chose de néfaste au sujet du choix du processus.

B. La détermination des qualifications essentielles

[86] En vertu du paragraphe 31(1) de la LEFP, l’employeur fixe les normes de qualification en matière d’instruction, de connaissances, d’expérience, d’attestation professionnelle ou de langue et toute autre qualification jugée nécessaire ou souhaitable, du fait de la nature du travail à accomplir et des besoins actuels et futurs de la fonction publique.

[87] Dans le cadre d’un processus de nomination, l’administrateur général établit les qualifications essentielles pour le travail à accomplir (voir l’al. 30(2)a) de la LEFP) qui doivent satisfaire ou dépasser les normes de qualification que l’employeur a précisées pour le groupe professionnel ou la classification du poste. En d’autres termes, les normes de qualification de l’employeur sont reconnues comme étant les exigences minimales.

[88] Dans Rinn, le Tribunal a expliqué que les qualifications essentielles établies par l’administrateur général pour le poste à doter « doivent respecter ou dépasser » les normes de qualifications de l’employeur pour le groupe professionnel. Le Tribunal a également conclu qu’il avait compétence pour entendre une plainte voulant que l’administrateur général ait abusé de son pouvoir en établissant des qualifications essentielles ou supplémentaires constituant un atout qui ne répondaient pas ou ne dépassaient pas les normes de qualification applicables établies par l’employeur (voir Rinn, aux par. 40 et 41).

[89] Les plaignants ont fait valoir que l’intimé avait abusé de son pouvoir lorsqu’il a établi les qualifications essentielles pour le poste de chef d’équipe de deux façons. En premier lieu, il a réduit les critères établis historiquement pour les postes GL‑COI‑10 en ajoutant le certificat d’ingénieur en électricité de niveau 4 en tant qu’exigence. Selon les plaignants, cela était incompatible avec l’article 31 de la LEFP, parce que ce certificat n’est pas équivalent aux qualifications établies historiquement pour le poste. En deuxième lieu, la suppression du certificat avec mention Sceau rouge à titre de qualification essentielle a été faite pour un motif ultérieur et, par conséquent, constituait un abus de pouvoir.

[90] Les parties ont déposé en preuve les normes de qualification de l’employeur pour l’administration publique centrale par groupe professionnel ou classification. Le poste de chef d’équipe fait partie du groupe GL. Le document déclare ce qui suit :

[…]

Aucune norme de qualification n’est prescrite pour le groupe Services opérationnels, mais le gestionnaire peut établir les qualifications qu’il juge nécessaires à une nomination ou à une mutation.

Le tableau Ellis (un tableau comparatif des programmes de formation en apprentissage à l’échelle du Canada) peut aider les gestionnaires à établir les qualités requises en matière d’études et (ou) d’attestation professionnelle pour les postes pour lesquels ils estiment que la formation dans le métier est nécessaire. e tableau donne un aperçu interprovincial des 13 régimes d’apprentissage du pays et représente un produit clé fournissant aux gouvernements, à l’industrie et aux établissements d’enseignement, des données sur les métiers désignés, surtout sur la formation, l’accréditation, les exigences en matière d’études, les conditions d’admission, ainsi que le processus d’évaluation de l’apprentissage antérieur et d’accréditation. Le tableau est produit par Emploi et Développement social Canada (EDSC) en collaboration avec le Conseil canadien des directeurs de l’apprentissage (CCDA), ce qui constitue un partenariat entre les gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[91] Aucune norme de qualification n’est prescrite pour le groupe GL. La norme de qualification de l’employeur stipule que les gestionnaires peuvent établir les qualifications qu’ils jugent nécessaires pour effectuer des nominations ou des mutations. Les gestionnaires peuvent utiliser le « tableau Ellis » (un tableau comparatif des programmes de formation d’apprentissage au Canada) pour les aider à établir les qualifications requises en matière d’études et d’attestation professionnelle pour le groupe professionnel pour le poste de chef d’équipe du groupe GL.

[92] Le poste de chef d’équipe est classifié au groupe et au niveau GL‑COI‑10 avec une allocation de surveillance de niveau 3 (« COI‑10 »). Les plaignants ont témoigné qu’un certificat avec mention Sceau rouge ou un certificat de compagnon dans les métiers précisés ont toujours été requis pour les postes COI‑10. Ils ne m’ont pas orienté vers un ECM historique ou vers une politique ou une ligne directrice internes pour étayer leur affirmation. Ils m’ont renvoyé à une description de travail de 2001 du poste d’inspecteur de le maintenance préventive classifié au groupe et au niveau GL‑COI‑10 qui énumère, entre autres, les compétences requises comme suit et ils l’ont invoqué :

[Traduction]

[…]

Compétences

[…]

Un métier de la construction de bâtiments au niveau de compagnon et une expérience suffisante dans d’autres métiers (comme la menuiserie, la plomberie et l’électricité) pour fournir des conseils et une aide techniques aux concepteurs et aux chefs d’équipe, des conseils sur place aux inspecteurs/superviseurs de la maintenance/de la construction et pour effectuer des inspections, superviser des projets de construction et de maintenance et pour vérifier la qualité du travail effectué en ce qui a trait à l’orientation ou au programme de maintenance préventive.

[…]

[Je mets en évidence]

 

[93] Les parties ont convenu que cette description de travail n’est pas la même que celle du poste de chef d’équipe. J’estime que ce document n’a qu’une pertinence très limitée, voire inexistante. Je fais expressément remarquer que ce poste ne comportait aucune responsabilité de supervision, contrairement au poste de chef d’équipe.

[94] L’intimé n’a pas contesté le témoignage du plaignant selon lequel les postes COI‑10 ont toujours exigé un certificat de compagnon. Par conséquent, j’estime que, historiquement, les qualifications professionnelles pour les postes GL‑COI‑10 incluaient des certificats de compagnon dans les métiers précisés pertinents.

[95] L’attestation professionnelle dans l’ECM et les conditions d’emploi pour le poste de chef d’équipe de la maintenance préventive, en date du 11 avril 2018, précisaient ce qui suit :

Attestation professionnelle

 

Être titulaire d’un certificat de compagnon valide dans le domaine de l’électricité, de la plomberie, de la peinture de la menuiserie ou d’ingénieur en électricité. Le statut de compagnon dans un métier spécifique peut être une exigence pour certaines nominations

Occupational Certification

 

Possession of a valid Journeyperson certification in the electrical, plumbing, painting or carpentry trade or a power engineer ticket (min class 4). Journeyperson status in a specific trade may be a requirement for certain appointments

 

[96] L’intimé a expliqué qu’il n’avait pas inclus l’exigence du certificat avec mention Sceau rouge dans l’ECM parce que le travail à accomplir n’était pas interprovincial et que, par conséquent, une telle attestation n’était pas nécessaire. Les plaignants n’ont pas contesté l’affirmation de l’intimé selon laquelle le travail à accomplir n’était pas interprovincial.

[97] Il incombait aux plaignants d’établir que l’intimé avait abusé de son pouvoir lorsqu’il a établi les critères de mérite (voir Tibbs). Ils ont allégué que l’intimé avait abusé de son pouvoir lorsqu’il a éliminé l’exigence d’un certificat avec mention Sceau rouge. L’intimé a expliqué que puisque le travail à accomplir était exclusivement dans la province, un certificat avec mention Sceau rouge n’était pas requis.

[98] L’intimé a expliqué qu’un changement organisationnel avait été effectué pour réorganiser son programme de Maintenance préventive et assurer la stabilité de la dotation. Par conséquent, il a ajouté le certificat d’ingénieur en électricité de niveau 4 pour attirer un plus grand bassin de candidats. Les plaignants ont répliqué en soutenant que cette explication n’était pas crédible. Toutefois, ils n’ont présenté aucun élément de preuve pour étayer leur argument.

[99] J’accepte l’explication de l’intimé concernant le choix du certificat d’ingénieur en électricité de niveau 4. Contrairement aux certificats avec mention Sceau rouge et de compagnon, il n’y avait aucun élément de preuve concret indiquant que le certificat d’ingénieur en électricité de niveau 1 était historiquement requis pour les postes GL‑COI‑10. M. Wilcox a témoigné qu’un certificat de compagnon exige 7 200 heures de formation et la réussite de quatre examens écrits. Il a supposé que l’équivalent d’un certificat de compagnon dans le système des ingénieurs en électricité serait un niveau 1. Je n’ai reçu aucun élément de preuve concret sur les équivalences. J’ai entendu des témoignages selon lesquels l’obtention d’un certificat d’ingénieur en électricité de niveau 4 nécessite une formation d’un an et un stage d’un an dans une centrale thermique à vapeur. Étant donné que l’employeur n’a pas précisé d’exigences professionnelles minimales, l’allégation que je dois trancher est celle de savoir si l’intimé a abusé de son pouvoir lorsqu’il a ajouté le certificat d’ingénieur en électricité de niveau 4 aux critères essentiels. Il ne m’appartient pas d’évaluer les équivalences entre les deux normes de qualifications.

[100] Les Normes de qualification précisent que « […] le gestionnaire peut établir les qualifications qu’il juge nécessaires à une nomination ou à une mutation ». Dans le présent cas, les plaignants n’ont pas établi que l’ajout du certificat d’ingénieur en électricité de niveau 4 à l’ECM ne respectait pas ce qui était nécessaire pour le poste de chef d’équipe ou que la modification apportée à la norme de qualification a été faite pour un motif ultérieur.

[101] Les plaignants ont fait référence à Renaud, dans laquelle le Tribunal a conclu que l’intimé avait contrevenu à la valeur de la transparence lorsqu’il avait secrètement rouvert un processus de nomination pour un seul candidat. Dans le présent cas, aucun élément de preuve ne permet de conclure que l’ajout du critère d’ingénieur en électricité de niveau 4 était entouré de secret ou qu’il a été ajouté après coup.

[102] Dans l’ensemble, les plaignants n’ont pas établi que l’intimé avait commis une erreur ou une omission ou avait agi de mauvaise foi lorsqu’il a ouvert le bassin de candidats en ajoutant le certificat d’ingénieur en électricité de niveau 4 en tant que critère de mérite à l’ECM et en excluant le certificat avec mention Sceau rouge.

C. L’évaluation et l’application du mérite

[103] J’ai déterminé que les détails concernant les demandes de mesures d’adaptation de la personne nommée ne sont pas pertinents au processus.

[104] Selon les plaignants, l’intimé a préparé la personne nommée au moment où il a occupé son poste d’inspecteur de la maintenance préventive par intérim en prévision de la création du nouveau poste de chef d’équipe.

[105] Les trois candidats qui ont manifesté leur intérêt à l’égard du poste de chef d’équipe ont eu la même occasion d’occuper le poste par intérim pendant deux mois.

[106] Je n’accepte pas l’argument des plaignants selon lequel le rôle d’inspecteur de la maintenance préventive par intérim de la personne nommée lui a donné un avantage injuste dans le cadre du processus de nomination. Il n’existe aucun élément de preuve qui étaye l’allégation selon laquelle l’intimé a effectivement préparé la personne nommée pour le poste.

[107] Je suis parvenue à cette conclusion pour deux motifs. En premier lieu, selon les éléments de preuve incontestés de l’intimé, il souhaitait réorganiser et stabiliser son programme de Maintenance préventive à la BFC Shilo en créant une unité de gestion préventive stable et spécialisée, et le nouveau poste de chef d’équipe a été créé dans le cadre de cet effort. En deuxième lieu, les deux témoins de l’intimé ont témoigné qu’ils n’avaient aucune relation avec la personne nommée autre que dans le contexte du lieu de travail. Ces témoignages n’ont pas été contestés.

[108] Les plaignants ont fait référence à Denny et à Amirault pour étayer leur argument à ce sujet. Je conclus que les faits de ces deux cas peuvent être clairement distingués du présent cas. Denny et Amirault avaient toutes les deux des éléments de preuve clairs d’un conflit antérieur entre un candidat et un membre du comité d’évaluation. Dans le présent cas, aucun élément de preuve ne permet de conclure qu’il existait un conflit antérieur entre M. Hutlet et un membre du comité d’évaluation.

[109] M. Hutlet n’a pas souscrit à l’évaluation écrite présentée à l’audience, mais il n’a fourni aucun élément de preuve positif ou convaincant selon lequel l’évaluation était incorrecte, en particulier en ce qui concerne les préoccupations relatives au respect des délais de ses inspections et au respect du calendrier de maintenance. Par exemple, il aurait pu produire une preuve documentaire indiquant que les inspections avaient été effectuées à temps ou il aurait pu demander aux employés de témoigner directement à cet effet. M. Hutlet soutient en outre qu’il y a eu abus de pouvoir parce qu’on ne lui a pas donné le droit de demander une discussion informelle sur les raisons pour lesquelles il n’était pas la bonne personne pour le poste. Encore une fois, aucun élément de preuve ou explication n’a été fourni à cet égard pour comprendre la façon dont M. Hutlet a été empêché de demander une discussion informelle.

[110] Je conclus que le témoignage de M. Cotter au sujet de l’aptitude de M. Hutlet au poste était motivé par ses propres intérêts et je ne lui accorde aucun poids. M. Cotter n’était pas un membre du comité d’évaluation; il n’a pas non plus occupé un poste de supervision ou d’évaluation dans le cadre du processus d’évaluation.

[111] Je ne suis pas convaincue qu’il a eu erreur ou omission dans l’évaluation de M. Hutlet quant à la qualité de ses compétences en supervision et à sa capacité à occuper le poste de chef d’équipe.

VIII. Conclusion

[112] Les plaignants ont allégué que l’intimé avait commis plusieurs erreurs qui, au total, équivalaient à un abus de pouvoir. Comme je l’ai expliqué dans l’analyse précédente, je conclus que les plaignants n’ont pas établi que de telles erreurs avaient été commises dans le choix du processus de nomination, dans l’établissement des qualifications essentielles ou dans l’évaluation du mérite. Il s’ensuit que les plaignants n’ont pas établi que l’intimé avait abusé de son pouvoir.

[113] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


IX. Ordonnance

[114] Les plaintes sont rejetées.

Le 25 juillet 2023.

Traduction de la CRTESPF

Caroline E. Engmann,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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