Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a présenté une plainte en vertu de l’article 190 de la LRTSPF, alléguant que la défenderesse avait manqué à son devoir de représentation équitable en vertu de l’art. 187 en défendant ses intérêts auprès de son employeur à l’égard de quatre griefs – la défenderesse a renvoyé les quatre griefs à l’arbitrage, mais les a ensuite réglés avec l’employeur – la plaignante a refusé d’accepter le règlement – la défenderesse a retiré ses griefs – pour établir que la défenderesse avait manqué à son devoir de représentation équitable, la plaignante était tenue de démontrer qu’elle avait agi de façon discriminatoire ou arbitraire ou de mauvaise foi – la défenderesse a rendu une décision motivée de régler les griefs avec l’employeur au nom de la plaignante – elle a étudié sérieusement la question avant de décider qu’elle ne pouvait pas appuyer les griefs connexes, car ils n’auraient eu aucune chance de succès devant la Commission – la plaignante a omis d’établir que la défenderesse avait exercé son pouvoir discrétionnaire d’une manière discriminatoire ou arbitraire ou de mauvaise foi.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date: 20230727

Dossier: 561‑02‑41865

 

Référence: 2023 CRTESPF 74

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

Entre

 

Susan Kruse

plaignante

 

et

 

Alliance de la Fonction publique du Canada

 

défenderesse

Répertorié

Kruse c. Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire concernant une plainte présentée en vertu de l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant : Marie‑Claire Perrault, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la plaignante : John King

Pour la défenderesse : Daria A. Strachan, avocate

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 31 août et les 8, 9 et 10 septembre 2020, ainsi que le 17 février et le 24 mars 2023.
(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Plainte devant la Commission

[1] Le 28 mai 2020, Susan Kruse (la « plaignante ») a présenté une plainte auprès de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), alléguant que son agent négociateur, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (la « défenderesse ») avait manqué à son devoir de représentation équitable dans la représentation de ses intérêts auprès de son employeur.

[2] La plaignante travaille en tant qu’agente des services frontaliers à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), une organisation du Conseil du Trésor, qui est son employeur légal. Aux fins de la présente décision, toute référence à l’employeur peut concerner soit le Conseil du Trésor, soit l’ASFC. Le Conseil du Trésor a délégué son pouvoir à l’ASFC pour gérer son lieu de travail et son effectif. Le Conseil du Trésor et la défenderesse sont des parties à une convention collective qui vise les agents des services frontaliers (pour le groupe FB; la « convention collective »).

[3] En 2011, la plaignante a déposé quatre griefs concernant le recouvrement par l’employeur de crédits de congé annuel qui lui avaient été accordés à la suite d’une erreur administrative. Trois griefs concernaient le recouvrement des crédits de congé annuel. Le quatrième (par souci de commodité, le « grief concernant le changement de données ») visait les changements apportés par l’employeur à son dossier qui a modifié sa date de début d’emploi de 1990 à 1995, aux fins du calcul de son droit aux congés annuels, en vue de tenir compte des périodes pendant lesquelles elle a pris un congé non payé. La défenderesse a renvoyé tous les griefs à l’arbitrage.

[4] Le 8 octobre 2019, la défenderesse et l’employeur ont réglé un certain nombre de griefs concernant le recouvrement des crédits de congé annuel, dont les quatre griefs de la plaignante. Elle n’a jamais accepté le règlement. Le 22 mai 2020, la défenderesse a retiré ses quatre griefs.

[5] La présente plainte a été déposée en réponse au retrait. La Commission a d’abord fermé les dossiers, au moment du retrait, puis les a rouverts. Une audience a été tenue et une décision a été rendue rejetant les quatre griefs.

[6] La plaignante soutient que les actes de la défenderesse (le refus de poursuivre les griefs et le fait de les régler) constituent un manquement au devoir de représentation équitable établi à l’art. 187 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »), qui se lit comme suit :

187 Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

187 No employee organization that is certified as the bargaining agent for a bargaining unit, and none of its officers and representatives, shall act in a manner that is arbitrary or discriminatory or that is in bad faith in the representation of any employee in the bargaining unit.

 

[7] Afin d’établir le manquement, la plaignante doit démontrer que l’agent négociateur a agi de manière discriminatoire ou arbitraire ou de mauvaise foi. Étant donné les actes de la défenderesse, je ne peux conclure qu’elle a agi contrairement à l’art. 187 de la Loi. Par conséquent, la plainte est rejetée.

[8] La plaignante a demandé la tenue d’une audience pour instruire l’affaire. J’ai demandé d’autres arguments afin de déterminer si une audience était nécessaire. Elle a fourni d’autres arguments. Je suis convaincue qu’une audience n’est pas nécessaire pour trancher la présente plainte, étant donné que les faits sous‑jacents ne sont pas contestés. La plaignante cherchait à établir la mauvaise foi et le caractère arbitraire de la défenderesse et a affirmé qu’un témoignage serait nécessaire à cette fin.

[9] Comme je l’ai indiqué, je me suis fondée sur les actes consignés de la défenderesse. Je ne peux constater aucun caractère arbitraire ou mauvaise foi dans le règlement des griefs ou dans le refus d’appuyer un grief qui ne peut être renvoyé à l’arbitrage. Il existait peut-être des tensions entre la plaignante et la défenderesse. Une audience aurait pu éclairer les conflits et les désaccords. Mais, en fin de compte, le devoir de représentation équitable inscrit à l’art. 187 de la Loi porte sur les actes de l’agent négociateur dans le cadre de la représentation des membres de l’unité de négociation. Je suis convaincue qu’en vertu de l’art. 22 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365; LCRTESPF), la présente décision est dûment rendue sur la base des arguments écrits et des documents versés au dossier.

II. Contexte

[10] En 2011, le gouvernement fédéral, en tant qu’employeur, a effectué une vérification des soldes de congés annuels. Grâce à la vérification, des erreurs de crédit de congé annuel ont été relevées. Certains employés avaient reçu plus de crédits par rapport au nombre auquel ils avaient droit.

[11] À la suite de la vérification, l’ASFC a procédé au recouvrement des congés qui n’auraient pas dû être crédités au cours des cinq années précédant la vérification. La plaignante était l’une des employés touchés par cette mesure de recouvrement.

[12] La défenderesse a déposé environ 40 griefs à la fin de 2011 et au début de 2012 au nom de 32 membres de l’unité de négociation, dont la plaignante. Dans son cas, il y avait quatre griefs, qui ont tous été éventuellement renvoyés à l’arbitrage.

[13] Dossier de la Commission 566‑02‑11661 : le grief a été déposé auprès de l’employeur le 15 avril 2011 et se lit comme suit :

[Traduction]

Je dépose un grief contre la décision de mon employeur de recouvrer mes heures de congé annuel en une seule somme forfaitaire le 10 avril 2011, me laissant 27 heures de congé annuel pour l’exercice. Ce recouvrement constitue une mesure déraisonnable prise contre moi puisque l’employeur a commis l’erreur.

 

[14] La mesure corrective demandée était la suivante :

[Traduction]

Je demande à l’employeur d’assumer la responsabilité de son erreur;

Que je ne sois pas tenue de rembourser les 69,875 heures en une seule somme forfaitaire;

Que l’employeur rétablisse toutes les heures recouvrées;

Et la prise de toute autre mesure qui serait jugée indiquée dans les circonstances.

 

[15] L’employeur a répondu que la plaignante avait choisi de faire recouvrer intégralement le congé du solde de 2011‑2012 et qu’il avait agi en conséquence.

[16] Dossier de la Commission 566‑02‑11662 : le grief a été déposé auprès de l’employeur le 19 janvier 2011 et se lit comme suit :

[Traduction]

Je dépose un grief contre la décision de mon employeur, énoncée dans sa lettre d’octobre 2010, de recouvrer les crédits de congé annuel qui avaient été portés à mon crédit dans le passé. Ce recouvrement constitue une mesure déraisonnable prise contre moi puisque je suis victime de discrimination parce que j’ai pris un congé pour des raisons d’ordre familial (situation de famille). Au moment de racheter des années de service, la loi sur la pension [sic] ne fait pas de discrimination en ce qui concerne les années de rachat, mais l’ASFC fait preuve de discrimination jusqu’à l’imputation d’une « fausse » date de début pour récupérer ces crédits de congé annuel.

 

[17] La mesure corrective demandée était la suivante :

[Traduction]

Je demande à l’employeur d’assumer la responsabilité de son erreur;

Que je ne sois pas tenue de rembourser les 69 heures et plus réclamées;

Que l’employeur rétablisse toutes les heures recouvrées et que tous les crédits de congé annuel futurs soient attribués de manière appropriée en ce qui concerne les « années de service » rachetées.

Et la prise de toute autre mesure qui serait jugée indiquée dans les circonstances.

 

[18] L’employeur a répondu que la vérification avait révélé que les crédits de congé annuel de la plaignante avaient été surestimés en raison d’une erreur administrative. Il a répondu en outre aux arguments relatifs à la pension et à la discrimination comme suit :

[Traduction]

[…]

Malheureusement, une vérification des crédits de congé annuel a révélé que vos crédits de congé annuel étaient surestimés en raison d’une erreur administrative. Je fais remarquer que la direction vous a informé des raisons de la surestimation et vous a présenté différentes options visant à réduire au minimum les répercussions du recouvrement du solde surestimé. Je fais également remarquer que le rachat d’années de service aux fins de pension ne correspond pas au rachat de crédits de congé annuel. Les années de service rachetées n’ouvrent pas droit à des crédits de congé annuel. À la suite de mon examen, je suis convaincu que la direction n’a pas fait preuve de discrimination à votre égard fondée sur votre situation de famille ou votre décision de prendre un congé pour des raisons d’ordre familial.

[…]

 

[19] Dossier de la Commission 566‑02‑11663 : le grief a été déposé auprès de l’employeur le 24 janvier 2011. Il fait référence à la lettre datée du 26 octobre 2010 et demande le remboursement des 69,875 heures réclamées.

[20] Les années de service de la plaignante, aux fins du calcul des congés annuels, ont été modifiées afin de tenir compte des longues périodes de congé non payé qu’elle avait prises. Cela a donné lieu à un quatrième grief, décrit au paragraphe suivant.

[21] Dossier de la Commission 566‑02‑06664 : le grief a été déposé auprès de l’employeur le 15 avril 2011 et se lit comme suit :

[Traduction]

Je dépose un grief contre la décision de mon employeur de manipuler les données du rapport sur mes congés pour les années 2007, 2008, 2009, 2010 et 2011. Les heures de congés annuels ont été manipulées et NE tiennent PAS compte des heures réelles transmises à mon compte à l’origine. Le rapport manipulé indique que j’ai utilisé des heures de congé annuel auxquelles je n’avais pas droit ou qui ont été transmises par l’ASFC et cela NE constitue PAS le compte rendu exact des événements.

 

[22] Dans son grief, la plaignante a demandé les mesures correctives suivantes :

[Traduction]

Je demande à l’employeur d’assumer la responsabilité de son erreur;

Que l’employeur rétablisse les données sur les congés annuels pour les années en question afin d’indiquer les données réelles ou initiales;

Que l’employeur ne soit pas autorisé à manipuler à l’avenir des données ou des renseignements dans mes dossiers personnels qui n’indiquent pas fidèlement ce qui s’est passé.

 


 

[23] Au troisième palier de la procédure de règlement des griefs, l’employeur a répondu comme suit :

[Traduction]

[…]

Après avoir examiné votre historique de crédits de congé annuel, il a été déterminé que votre date de service continu ou discontinu et, par conséquent, les heures de congé annuel portées au crédit de votre compte étaient inexactes, car les périodes antérieures de congé non payé auraient dû être exclues du calcul de vos années de service continu ou discontinu. Une fois l’erreur découverte, l’employeur a commencé à recouvrer vos congés surestimés et a corrigé votre date de service continu ou discontinu et vos dossiers de congé afin de tenir compte du taux et des soldes révisés applicables. La direction avait le pouvoir de corriger toute erreur figurant dans vos dossiers de congés et d’y apporter des modifications pour tenir compte des mesures prises. J’ai également tenu compte de votre position selon laquelle votre période de congé non payé devrait être incluse dans le calcul de votre date de service continu ou discontinu, conformément à la clause 34.03a), qui dispose ce qui suit : « Aux fins du paragraphe 34.02 seulement, toute période de service au sein de la fonction publique, qu’elle soit continue ou discontinue, entrera en ligne de compte dans le calcul des crédits de congé annuel sauf lorsque l’employé‑e reçoit ou a reçu une indemnité de départ en quittant la fonction publique. » Vous devrez toutefois prendre note que ce ne sont pas tous les types de congé non payé qui sont inclus dans le calcul du service continu ou discontinu.

[…]

 

[24] Ce dernier grief a été renvoyé à la Commission le 27 février 2012 et il s’agit du grief concernant le changement de données.

[25] Les trois autres griefs ont été renvoyés à la Commission le 30 octobre 2015, ainsi que les griefs d’autres fonctionnaires s’estimant lésés concernant le même sujet. Des dossiers ont été ouverts pour tous les griefs, mais ils ont été traités en groupe. Ils ont été renvoyés à la Commission en vertu de l’al. 209(1)a) de la Loi, qui porte sur les griefs portant sur l’application et l’interprétation d’une convention collective. Selon l’avis de renvoi, l’article 34 (Congé annuel payé) était en litige.

[26] La Commission a inscrit les griefs collectifs au rôle pour être entendus en octobre 2019. Le cabinet d’avocats retenu par la défenderesse a examiné les griefs et a proposé que les fonctionnaires s’estimant lésés soient divisés en deux groupes : le groupe A et le groupe B. Le premier groupe était composé de fonctionnaires s’estimant lésés qui avaient des crédits de congé suffisants au moment de la vérification pour couvrir la récupération. Le groupe B, qui comprenait la plaignante, était composé de fonctionnaires s’estimant lésés qui n’avaient pas un congé suffisant pour couvrir la récupération et qui devaient rembourser l’ASFC ou renoncer à des crédits de congé annuel futurs.

[27] Le 8 octobre 2019, l’employeur et la défenderesse ont convenu de régler les griefs du groupe B en remboursant le montant du solde négatif dans chaque cas à la suite de la vérification. Dans le cas de la plaignante, l’employeur a accepté de rétablir 66,433 des 69,875 heures en litige dans les griefs. Compte tenu d’une différence de seulement trois heures, la défenderesse était d’avis qu’il s’agissait du meilleur plan d’action et de la meilleure décision que la Commission aurait pu rendre si la défenderesse avait obtenu gain de cause à une audience. Ces renseignements ont été communiqués à la plaignante le même jour. Les 66,433 heures représentaient un congé qu’elle avait déjà pris; les autres 3,442 heures comprenaient un congé qu’elle n’avait pas encore pris, mais qui avait été surestimé dans son solde de crédits. En d’autres termes, le règlement était fondé sur la confiance préjudiciable.

[28] Le 16 janvier 2020, la plaignante a reçu le document [traduction] « Protocole de règlement » aux fins d’examen et de signature. Elle ne l’a pas signé et, le 26 février 2020, elle a indiqué qu’elle attendait la décision de la Commission sur les griefs du groupe A qui avaient fait l’objet d’une audience. L’avocate de la défenderesse a répondu que la décision de la Commission n’aurait aucune incidence sur le règlement.

[29] La plaignante n’a pas signé l’entente de règlement. Elle a été dûment informée que la défenderesse considérait les quatre griefs comme réglés et qu’elle les retirerait.

[30] Le 3 octobre 2019, le cabinet d’avocats représentant la défenderesse avait fourni une explication claire quant à la raison pour laquelle la défenderesse n’appuierait pas le grief concernant le changement de données à l’arbitrage. Selon cette explication, le grief ne pouvait pas être renvoyé à l’arbitrage puisqu’il ne portait sur aucun des motifs de renvoi de griefs en vertu de l’art. 209 de la Loi. Il ne portait pas sur une modalité de la convention collective, il n’était pas disciplinaire et il ne portait pas sur un licenciement ou une rétrogradation.

[31] La date limite finale pour accepter ou refuser l’entente de règlement, soit au plus tard le 14 mai 2020, a été communiquée à la plaignante. Elle a écrit au président de la défenderesse, faisant valoir que ses droits n’étaient pas respectés. Il a répondu comme suit le 8 mai 2020 :

[Traduction]

[…]

Je vous écris en réponse à votre courriel du 4 mai 2020 concernant la représentation de griefs de Susan Kruse.

Je crois comprendre que les questions et préoccupations soulevées dans votre courriel ont déjà fait l’objet de communications entre vous, Christopher Schulz, et Amanda Montague‑Reinholdt. Je ne vais donc pas répéter l’intégralité de cette communication dans la présente lettre.

En octobre 2019, Mme Montague‑Reinholdt a fourni à Mme Kruse une explication complète concernant le fait que son grief concernant les modifications apportées par l’employeur à son rapport individuel sur les congés ne peut être renvoyé à l’arbitrage. Dans cette même communication, Mme Montague‑Reinholdt a informé Mme Kruse que l’AFPC avait donné des directives de ne pas donner suite à ce grief.

En ce qui a trait au grief concernant la récupération des congés, Mme Montague‑Reinholdt a communiqué avec Mme Kruse à maintes reprises en lui indiquant que le règlement obtenu réglait tous ses griefs. Étant donné ce règlement, il n’y avait aucune raison d’attendre une nouvelle décision de la Commission et il n’y avait aucune possibilité de négocier des modalités différentes ni d’obtenir un résultat différent. De plus, Mme Montague‑Reinholdt a informé Mme Kruse que compte tenu de ce règlement, l’AFPC avait décidé de ne pas donner suite à ses griefs.

Il incombe à Mme Kruse d’accepter ou de refuser l’offre de règlement. Si elle refuse, l’AFPC retirera ses griefs, car, conformément aux raisons qui lui ont été communiquées antérieurement et à maintes reprises, l’AFPC ne donnera pas suite à ces griefs. Par conséquent, il n’y aurait aucune possibilité de se représenter elle‑même.

[…]

 

[32] Le 22 mai 2020, la défenderesse a envoyé à la Commission un avis visant à retirer les quatre griefs. La présente plainte a été déposée six jours plus tard.

[33] La plaignante a fait valoir avec force qu’elle devrait être en mesure de donner suite à ses griefs devant la Commission. Les dossiers ont été rouverts. Le 31 août 2020, la Commission a rejeté les quatre griefs parce que, selon la Commission, ils exigeaient tous l’appui de la défenderesse, ce qu’elle n’avait pas (voir Kruse c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2020 CRTESPF 85 (« Kruse 2020‑85 »)).

III. La plainte

[34] Le 22 mai 2020, la plaignante a réagi comme suit au retrait des griefs par l’agent négociateur :

[Traduction]

[…]

[…] L’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) a contrevenu aux trois principes fondamentaux de l’article 187 [arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi] lorsqu’elle a sciemment refusé de suivre les pratiques standard de représentation équitable lorsqu’elle a arbitrairement retiré quatre griefs de Susan Kruse sans justification raisonnable.

[…]

 

[35] La plaignante a également déclaré que le retrait du grief concernant le changement de données l’empêchait d’obtenir une réponse définitive quant à la compétence de la Commission d’entendre une telle affaire. Il incombait à la Commission de décider de sa compétence, et non à la défenderesse. Le retrait du grief équivalait à tolérer la pratique de l’AFPC consistant à falsifier les dossiers des employés.

[36] Selon la plaignante, le fait que la défenderesse ne soit pas disposée à traiter de la falsification de dossiers démontre qu’elle ne représente pas ses membres de bonne foi.

[37] La plaignante n’avait pas son mot à dire dans les négociations visant à régler ses griefs. Elle n’a jamais eu l’occasion de rejeter l’offre de règlement et de présenter ses griefs à la Commission elle‑même. Il était injuste de la part de la défenderesse d’exiger qu’elle réponde au règlement alors qu’elle attendait une décision de la Commission relativement au groupe de griefs dont le sien faisait partie à l’origine. Elle a exposé sa position comme suit :

[Traduction]

[…]

Si la représentante avait communiqué avec Susan au début d’une médiation possible ou l’avait invitée à participer à ces discussions ou à discuter des modalités de règlement avec Susan avant que le syndicat n’ait accepté l’offre de règlement définitive de l’employeur, la représentante aurait su que les modalités n’étaient pas acceptables pour la plaignante et que la principale préoccupation de Susan était de faire en sorte que son dossier d’emploi soit exact en indiquant correctement les périodes de congé effectivement prises, et que Susan préférerait que ses griefs soient tranchés par la Commission en même temps que ses collègues visés par le grief collectif, au lieu d’accepter des modalités inacceptables qui n’ont pas permis de régler ou de traiter l’infraction ou les intérêts principaux de cette personne.

[…]

 

[38] La défenderesse a intimidé et fait pression auprès de la plaignante pour qu’elle prenne une décision au sujet d’une offre de règlement insatisfaisante, même si la Commission n’avait pas encore rendu de décision à l’égard de l’autre groupe de griefs. Cela ne peut pas constituer une représentation équitable.

[39] La défenderesse n’a pas travaillé à protéger les droits et les intérêts de la plaignante et a donc agi de mauvaise foi. La défenderesse a permis à l’employeur de falsifier son dossier d’emploi, ce que l’entente de règlement n’avait pas corrigé.

[40] La plaignante demande les réparations suivantes :

[Traduction]

[…]

No 9 – Mesure corrective demandée en vertu du paragraphe 192(1) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral :

i) Que la CRTESPF confirme sa compétence ou l’absence de compétence en ce qui a trait aux infractions connexes, telles qu’elles sont indiquées dans le grief no G11‑3971‑104391 (Dossier : 566‑02‑6664), en précisant toutes les limites qui peuvent lui être imposées en ce qui concerne la compétence relative à :

a) trancher la question de la falsification par l’ASFC du dossier d’emploi de cette employée en tant qu’infraction en vertu de l’art. 398 du Code criminel du Canada;

b) traiter également de la falsification du dossier d’emploi de Mme Kruse (dates utilisées pour déterminer les années de service continu ou discontinu) en fonction de ses conditions de travail, utilisées par l’employeur pour recalculer puis récupérer les crédits de congé annuel qu’elle a acquis et utilisés en vertu de la convention collective.

ii) Que la Commission statue sur le sens de la liberté d’association en vertu de l’article 2 de la Charte des droits et libertés, tel qu’elle doit s’appliquer de manière uniforme à tous les Canadiens et Canadiennes. Nous interprétons le sens de ce droit comme une personne ayant le choix d’être membre d’une association, et non comme une obligation prévue par la loi selon laquelle les personnes doivent être membres d’une association. La décision Rand reconnaît également les droits des Canadiens individuels de chercher du travail et de travailler de manière indépendante d’une association personnelle avec un groupe organisé.

Étant donné qu’aucune loi n’oblige une personne à être membre d’une association, nous demandons à la Commission de reconnaître ce droit de Susan Kruse uniquement en fonction de cet article de la Charte et de la primauté du droit et d’ordonner à l’ASFC de cesser de déduire les cotisations d’associations à la demande de la plaignante Susan Kruse.

Si l’AFPC s’oppose à cette décision, elle peut déposer une plainte ou un appel de la décision de la Commission si elle le souhaite, conformément à l’option qui lui est offerte.

La décision Rand ou toute autre décision n’a jamais eu pour but d’obliger un travailleur à être membre d’une association ou de conférer un tel pouvoir à un syndicat dans lequel les droits fondamentaux et le droit à la réparation des membres pouvaient faire l’objet du véto de l’agent négociateur ou par le syndicat pour protéger et pour aider à protéger un employeur qui commet une violation à l’égard de ses membres.

Nous demandons à la Commission de faire preuve d’impartialité et de ne pas faire valoir les arguments du syndicat lorsqu’elle répond.

Des mesures correctives supplémentaires seront ajoutées à une date ultérieure lorsque la Commission aura déterminé s’il y a lieu d’accepter la présente plainte et de procéder à une audience.

[…]

 

IV. Réponse et objection

[41] La défenderesse conteste qu’elle a contrevenu à l’art. 187 de la Loi. Elle a agi, en tout temps, avec intégrité pour défendre les intérêts de la plaignante.

[42] La défenderesse a déposé quatre griefs pour la plaignante. Elle a déposé environ 40 griefs pour environ 32 fonctionnaires s’estimant lésés à l’égard desquels l’employeur avait corrigé les soldes de congés annuels. Ils se trouvaient dans deux scénarios différents : les fonctionnaires s’estimant lésés qui avaient suffisamment de crédits de congé annuel pour couvrir la lacune (groupe A) et les fonctionnaires s’estimant lésés qui n’en avaient pas (groupe B, dont faisait partie la plaignante). La défenderesse a été informée que les griefs du groupe B avaient de meilleures chances de succès que les griefs du groupe A. Un règlement a été conclu avec l’employeur pour les griefs du groupe B.

[43] L’entente de règlement visait les quatre griefs de la plaignante. Avant que l’entente de règlement ne soit conclue, elle a été informée que la défenderesse ne donnerait pas suite au grief concernant le changement de données. L’entente lui aurait remboursé le congé qui lui avait été accordé par erreur, puis récupéré. Elle a été informée de l’entente et en a reçu une version définitive. Elle a choisi de ne pas la signer. Elle attendait la décision de la Commission relative aux griefs du groupe A, mais comme on le lui a expliqué, la décision de la Commission n’aurait aucune incidence sur le règlement.

[44] La défenderesse soutient à titre préliminaire que la plainte, en ce qui concerne le grief concernant le changement de données, est en retard. Le 3 octobre 2019, la plaignante savait que la défenderesse ne donnerait pas suite au grief, mais elle a déposé la plainte huit mois plus tard, et le délai prévu par la loi est de 90 jours.

[45] La défenderesse cite un certain nombre de décisions dans son argumentation. Je reviendrai sur la jurisprudence pertinente dans mon analyse.

[46] Le critère du devoir de représentation équitable consiste à déterminer si l’agent négociateur a pris au sérieux la situation du membre et a agi avec diligence dans sa représentation. L’agent négociateur a le pouvoir discrétionnaire de présenter ou non un grief à l’arbitrage. Ce pouvoir discrétionnaire doit être exercé conformément au devoir décrit à l’art. 187 de la Loi, mais il n’y a aucune obligation de présenter le grief; il n’y a pas non plus d’obligation de suivre la voie préférée du fonctionnaire s’estimant lésé.

[47] Dans le présent cas, la défenderesse a agi avec diligence pour régler les griefs de la plaignante. Le congé auquel elle n’avait pas droit, mais qu’elle avait pris en raison de l’erreur administrative de l’employeur, aurait été remboursé en vertu de l’entente de règlement. Il existait un écart de trois heures parce qu’elle ne les avait pas encore prises; par conséquent, il n’y avait pas de confiance préjudiciable. Elle n’avait pas droit à ces heures, et elle ne les avait pas prises.

[48] La défenderesse avait reçu un avis juridique sur le grief concernant le changement de données selon lequel il ne pouvait pas être renvoyé à l’arbitrage devant la Commission. Par conséquent, elle a considéré l’affaire comme réglée par l’entente de règlement, ainsi que les autres griefs. Cela faisait partie de l’entente visant à régler toutes les affaires liées au recouvrement des crédits de congé annuel.

[49] La plaignante a été informée que si elle ne signait pas l’entente de règlement, ses griefs seraient simplement retirés. En fin de compte, les griefs ont été retirés le 22 mai 2020.

V. La réponse de la plaignante

[50] La plaignante soutient qu’elle devrait avoir le droit de présenter ses arguments elle‑même à la Commission si la défenderesse n’appuie pas ses griefs.

[51] La plaignante fait également valoir que la pratique répréhensible de l’employeur consistant à modifier sa date de début pour justifier le recouvrement des crédits de congé annuel constituait un acte criminel, puisqu’il l’a privée de ses biens légitimes – les crédits de congé annuel – et a modifié un dossier du gouvernement fédéral.

[52] Si la plainte est rejetée, ces questions demeureront alors sans réponse.

[53] La défenderesse a manqué à son devoir de représentation équitable en refusant de remettre en question la méthode de l’employeur consistant à modifier les dossiers des employés, qui, selon la plaignante, équivalait à falsifier des dossiers. Elle n’a pas non plus tenu compte du fait que, lorsqu’elle traitait des griefs concernant les crédits de congé annuel, elle avait droit à la protection de droits acquis en vertu de la convention collective.

[54] La modification de sa date de début d’emploi pour calculer les crédits de congé annuel aura une incidence sur l’indemnité de départ qui sera versée à la plaignante. La défenderesse ne l’a pas représentée à cet égard.

[55] En fin de compte, les griefs n’ont pas été réglés et la plaignante n’a reçu aucune indemnisation. Le règlement n’a jamais traité la falsification de son dossier. En d’autres termes, la défenderesse n’a pas suffisamment pris en compte ses intérêts.

VI. Analyse

[56] En ce qui concerne la question préliminaire concernant le retard, je n’estime pas que l’objection soit fondée. La plaignante avait connaissance ou aurait dû avoir connaissance du fait que la défenderesse n’appuyait pas son grief concernant le changement de données en octobre 2019. Toutefois, la plainte visait le retrait des griefs, qui a eu lieu six jours avant que la plaignante ne dépose sa plainte. Le fait de ne pas appuyer son grief et le fait de retirer ses griefs sont deux choses différentes.

[57] Dans le présent cas, il s’agit de savoir si la défenderesse a manqué à son devoir de représentation équitable en ce qui a trait aux quatre griefs de la plaignante.

[58] Le devoir de représentation équitable est garanti par l’art. 187 de la Loi, que je reproduirai de nouveau pour en faciliter la lecture. Il se lit comme suit :

187 Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

187 No employee organization that is certified as the bargaining agent for a bargaining unit, and none of its officers and representatives, shall act in a manner that is arbitrary or discriminatory or that is in bad faith in the representation of any employee in the bargaining unit.

 

[59] Dans Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon, [1984] 1 R.C.S. 509, une décision fondamentale, la Cour suprême du Canada a défini le devoir de représentation équitable. Les paramètres généraux du devoir énoncés dans cette décision à la page 527 s’appliquent encore aujourd’hui. Ces paramètres se lisent comme suit :

De la jurisprudence et de la doctrine consultées se dégagent les principes suivants, en ce qui touche le devoir de représentation d’un syndicat relativement à un grief :

1. Le pouvoir exclusif reconnu à un syndicat d’agir à titre de porte‑parole des employés faisant partie d’une unité de négociation comporte en contrepartie l’obligation de la part du syndicat d’une juste représentation de tous les salariés compris dans l’unité.

2. Lorsque, comme en l’espèce et comme c’est généralement le cas, le droit de porter un grief à l’arbitrage est réservé au syndicat, le salarié n’a pas un droit absolu à l’arbitrage et le syndicat jouit d’une discrétion appréciable.

3. Cette discrétion doit être exercée de bonne foi, de façon objective et honnête, après une étude sérieuse du grief et du dossier, tout en tenant compte de l’importance du grief et des conséquences pour le salarié, d’une part, et des intérêts légitimes du syndicat d’autre part.

4. La décision du syndicat ne doit pas être arbitraire, capricieuse, discriminatoire, ni abusive.

5. La représentation par le syndicat doit être juste, réelle et non pas seulement apparente, faite avec intégrité et compétence, sans négligence grave ou majeure, et sans hostilité envers le salarié.

 

[60] Il existe un devoir, mais il existe également un vaste pouvoir discrétionnaire. Ce pouvoir discrétionnaire est limité par l’obligation d’être diligent lors de l’examen de la situation d’un fonctionnaire s’estimant lésé tout en tenant compte des intérêts légitimes du syndicat.

[61] Dans sa jurisprudence, la Commission et ses prédécesseurs ont toujours défini le devoir de représentation équitable comme étant celui d’une analyse diligente et sérieuse, conformément à ce qui est indiqué comme suit dans Cousineau c. Walker, 2013 CRTFP 68, au par. 32 : « […] les défenderesses ont établi que les circonstances du cas de la plaignante avaient été dûment étudiées, que leur bien‑fondé avait été dûment soupesé, et qu’une décision motivée avait été prise quant à la pertinence de donner suite à son grief pour son compte. »

[62] Cette analyse sérieuse signifie que les griefs ne seront pas tous renvoyés à l’arbitrage pour le compte des membres de l’unité de négociation. La décision de ne pas procéder ou, dans le présent cas, de régler une affaire avec l’employeur, fait partie de la responsabilité de l’agent négociateur. Comme l’énonce la décision Judd v. Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada, Local 2000, 2003 CanLII 62912 (CRT de la C.‑B.) au par. 42 :

[Traduction]

Lorsqu’un syndicat décide de ne pas poursuivre un grief pour des considérations pertinentes concernant le lieu de travail – par exemple, vu son interprétation de la convention collective, vu l’effet sur d’autres fonctionnaires ou vu son évaluation selon laquelle le fondement du grief n’est pas suffisant – il accomplit son travail consistant à représenter les fonctionnaires. Le fonctionnaire en cause, dont le grief a été abandonné, peut estimer que le syndicat ne le « représente » pas. Toutefois, décider de ne pas poursuivre un grief en se basant sur ces genres de facteurs est une partie essentielle du travail syndical consistant à représenter les fonctionnaires dans leur ensemble. Quand un syndicat agit en se fondant sur des considérations se rapportant au lieu de travail ou à son travail de représentation des fonctionnaires, il est libre de déterminer la meilleure voie à suivre, et une telle décision n’équivaut pas à une violation de l’article 12.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[63] L’agent négociateur n’est pas tenu de suivre le raisonnement du fonctionnaire s’estimant lésé, comme il est indiqué dans le passage suivant tiré de la décision Bahniuk c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 13, au par. 69 :

[…] le devoir de représentation équitable n’exige pas que l’agent négociateur agisse sous la direction de membres individuels quand il détermine quels griefs poursuivre, quand négocier des prolongations de délai et quels griefs régler. Enfin, un membre individuel d’un agent négociateur a le droit à une représentation, mais ce n’est pas un droit absolu ou illimité. Cela ne signifie pas, par exemple, que le membre peut insister que l’agent négociateur lui assure un représentant chaque fois qu’il le veut. Pourvu que l’agent négociateur n’agisse pas de façon arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi quand il exerce son jugement à cet égard, il est en droit de distribuer les ressources limitées de l’organisation d’une manière raisonnée.

 

[64] En parvenant à une entente visant à régler les griefs, l’agent négociateur agit pour ses membres et doit prendre une décision motivée pour régler les questions en leur nom.

[65] Dans le présent cas, la défenderesse a choisi de régler les griefs, comme elle avait le droit de le faire pour le compte de la plaignante, non seulement dans son intérêt, mais également dans l’intérêt des autres fonctionnaires s’estimant lésés concernés. La plaignante soutient qu’en retirant ses griefs, la défenderesse l’a empêchée de présenter ses arguments à la Commission.

[66] En fin de compte, la plaignante a présenté ses griefs à la Commission. Ils ont été rejetés (voir Kruse 2020‑85).

[67] La plaignante fait également valoir qu’en raison des actes de la défenderesse, elle s’est vu refuser une indemnité pour les crédits de congé annuel qui ont été récupérés. Elle a choisi de ne pas accepter le règlement qui aurait entraîné le remboursement d’environ 66 des 69 heures qui lui étaient dues.

[68] La plaignante estimait qu’il était erroné de la part de la défenderesse de proposer d’accepter le règlement (encore une fois, il aurait permis de rembourser la grande partie des crédits de congé annuel récupérés) parce qu’il aurait été préférable qu’elle soit incluse dans le groupe A des fonctionnaires s’estimant lésés dont les griefs ont fait l’objet d’une audience devant la Commission. En fin de compte, ces griefs ont été rejetés (voir Doucet c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2020 CRTESPF 81).

[69] La plaignante demanderait à la Commission de trancher la question de la « falsification », selon ses mots, de ses dossiers d’emploi. Dans Kruse 2020‑85, la Commission a examiné le grief concernant le changement de données, mais elle a refusé d’en assumer la compétence. Il ne pouvait pas être renvoyé à l’arbitrage à moins qu’il ne soit considéré comme une question concernant la convention collective, mais il n’était pas appuyé par la défenderesse. La Commission a également expressément refusé de se prononcer sur les actes criminels commis par l’employeur. Rien dans les lois habilitantes de la Commission (soit la Loi ou la LCRTESPF) ne lui confère la compétence de se prononcer sur des infractions présumées en vertu du Code criminel (L.R.C. (1985), ch. C‑46).

[70] La décision de la défenderesse de ne pas appuyer le grief concernant le changement de données était fondée sur un avis juridique selon lequel il avait peu de chances de succès devant la Commission. En se référant à la jurisprudence déjà citée, la Commission ne remettra pas en question une décision de représentation prise par un agent négociateur après avoir étudié sérieusement la question.

[71] L’employeur a expliqué le changement de la date de début comme moyen de comptabiliser les périodes de congé non payé que la plaignante a prises, aux fins du calcul du droit aux congés annuels. La Commission n’a tout simplement pas compétence à ce sujet. L’article 209 de la Loi prévoit le renvoi à l’arbitrage d’un grief concernant l’interprétation d’une convention collective, une mesure disciplinaire, un licenciement ou une rétrogradation. La Commission ne peut pas se prononcer sur la comptabilité de l’employeur, à moins qu’elle ne contrevienne à une disposition de la convention collective. La plaignante n’a produit aucune clause applicable de la convention collective.

[72] Je ne vois rien de discriminatoire, d’arbitraire ou de mauvaise foi dans les mesures prises par la défenderesse pour régler les griefs au profit des fonctionnaires s’estimant lésés concernés et dans le refus d’appuyer un grief qui n’avait aucune chance de succès devant la Commission. Les actes de la défenderesse étaient éclairés par un avis juridique à chaque étape; elle a cherché la meilleure résolution possible pour les enjeux auxquels elle pouvait donner suite.

[73] En ce qui concerne la demande de la plaignante d’être libérée de son obligation de verser des cotisations obligatoires à son agent négociateur, conformément à l’al. 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés (Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, adoptée en tant qu’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.‑U.); la « Charte »), la Cour suprême du Canada a déjà réglé cette question, dans Lavigne c. Syndicat des employés de la fonction publique de l’Ontario, [1991] 2 R.C.S. 211. Les cotisations obligatoires dans un milieu syndiqué ne contreviennent pas à la Charte.

[74] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VII. Ordonnance

[75] La plainte est rejetée.

Le 27 juillet 2023.

Traduction de la CRTESPF

Marie‑Claire Perrault,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

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