Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s'estimant lésé, un agent des services frontaliers auprès de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), était tenu de subir une évaluation médicale CAT III de Santé Canada dans le cadre de l’initiative de l’ASFC visant à armer les agents des services frontaliers avec des armes de poing – l’examen a révélé que le fonctionnaire s'estimant lésé avait un problème de santé qui pouvait nuire à sa capacité de porter une arme de poing et, par conséquent, il ne pouvait plus travailler à son poste préféré et on lui a plutôt donné le choix d’autres postes qui ne concernaient pas l’application de la loi et comportaient des mesures d’adaptation – par conséquent, le fonctionnaire s'estimant lésé a déposé trois griefs, alléguant que la décision de l’ASFC de le retirer de son poste préféré et de limiter ses possibilités d’heures supplémentaires était discriminatoire, en raison de son âge et de son état de santé – la Commission a conclu que le fonctionnaire s'estimant lésé n’avait pas établi une preuve prima facie de discrimination, car les éléments de preuve ne permettaient pas d’étayer une conclusion selon laquelle il avait subi un effet préjudiciable – le fonctionnaire s'estimant lésé n’a pas déposé des éléments de preuve clairs et convaincants permettant d’établir qu’il était disponible pour des heures supplémentaires et, par conséquent, il n’a subi aucune perte de revenu en raison de son changement de poste – la perte de revenu au titre d’heures supplémentaires alléguée ne pouvait pas être considérée comme un effet préjudiciable pour étayer son allégation de traitement discriminatoire – la Commission a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour établir que la santé du fonctionnaire s'estimant lésé lui aurait permis d’accepter des heures de travail supplémentaires, de sorte qu’il n’était pas facilement disponible, comme il était tenu de l’être – subsidiairement, la Commission a déclaré que, si elle se trompait dans sa conclusion selon laquelle le fonctionnaire s'estimant lésé n’avait pas établi une preuve prima facie de discrimination, elle conclurait alors que la CAT III constituait une exigence professionnelle justifiée – de façon subsidiaire encore une fois, la Commission a déterminé que le fonctionnaire s'estimant lésé n’avait subi aucun préjudice ou très peu de préjudices et que, si elle se trompait dans sa conclusion sur la question de la preuve prima facie de discrimination, elle accorderait un montant nominal de 1 000 $ pour tout préjudice moral que le fonctionnaire s'estimant lésé a subi à la suite de l’acte discriminatoire – la Commission a ordonné la mise sous scellés de certaines pièces qui contenaient des renseignements personnels et de nature délicate au sujet du fonctionnaire s'estimant lésé et de sa famille.

Griefs rejetés.

Contenu de la décision

Date: 20230803

Dossiers: 566 ‑02 ‑12323, 12324 et 42117

 

Référence: 2023 CRTESPF 77

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

Entre

 

Andy Matos

fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

 

Conseil du Trésor

(Agence des services frontaliers du Canada)

 

employeur

Répertorié

Matos c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

Devant : Bryan R. Gray, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Jessica Greenwood et Geoff Dunlop, co‑avocats

Pour l’employeur : Viviane Beauregard, avocate

Affaire entendue par vidéoconférence

du 23 au 25 février et le 18 mars 2021.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Résumé

[1] Andy Matos, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), maintenant à la retraite, a connu une longue et, selon toutes les indications, assez fructueuse carrière qui a commencé en 1981 en tant qu’agent des services frontaliers (ASF), classifié au groupe et au niveau FB‑03, auprès de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) (l’« employeur ») à son district du pont Ambassador à Windsor, en Ontario. Le 5 juin 2014, il a été obligé de subir l’évaluation médicale de catégorie III de Santé Canada (la « CAT III »), qui a été la première étape de la mise en œuvre d’une initiative visant à armer les ASF avec des armes de poing, ce que, selon les éléments de preuve, son agent négociateur, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») avait poursuivi de façon vigoureuse pendant plusieurs années.

[2] Selon le rapport d’examen médical du médecin de famille de 12 ans du fonctionnaire, le médecin en santé au travail de Santé Canada a écrit au sujet du fonctionnaire, indiquant qu’il [traduction] « [n]e satisfait pas aux exigences médicales. Plus particulièrement, il n’est pas apte à la formation en TCD [tactiques de combat et de défense] ou au cours sur les AFS [armes à feu de service]. L’état de santé de M. Matos est peu susceptible de changer dans un avenir prévisible. »

[3] La formation en TCD était une condition préalable qui devait être satisfaite avant de suivre le cours sur les AFS. La Directive sur l’usage des armes à feu de l’Agence et de l’équipement de défense (la « Directive ») de l’ASFC énonçait que les outils de défense d’un ASF devaient être retirés à la découverte d’un état de santé qui pouvait nuire à sa capacité de posséder, de porter ou d’utiliser de l’équipement de défense.

[4] En raison de la santé du fonctionnaire et des résultats de la CAT III et de ce que cela a déclenché dans la Directive, le fonctionnaire ne pouvait plus porter ses outils de défense, ce qui nécessitait alors qu’il n’occupe plus son poste préféré à la ligne d’inspection primaire (LIP). À la place, on lui a donné le choix d’autres postes qui ne concernaient pas l’application de la loi et comportaient des mesures d’adaptation au pont Ambassador. Toutefois, il a demandé d’être plutôt affecté au poste de l’ASFC à l’installation de messagerie UPS‑FedEx, qui faisait partie du même district du pont Ambassador de Windsor. Pendant toute la période pertinente à la présente affaire, le fonctionnaire a continué d’occuper le même poste de groupe et de niveau FB‑03 au même taux de rémunération horaire.

[5] Le fonctionnaire a allégué que le fait d’avoir été tenu de remettre ses outils de défense et d’avoir été retiré de son poste préféré de la LIP d’application de la loi en raison d’une [traduction] « incapacité physique attribuable à l’âge » a fait en sorte qu’il perde des possibilités de gagner une rémunération d’heures supplémentaires, ce qui a entraîné une violation des droits de la personne.

[6] Il a fait valoir que les critères de la CAT III en fonction desquels sa santé a été évaluée étaient viciés et qu’ils ne pouvaient être justifiés comme étant liés à ses fonctions réelles d’ASF et que le port d’outils de défense ne constituait pas une exigence professionnelle justifiée (EPJ).

[7] Il a également fait remarquer qu’il n’était pas tenu de subir une réévaluation de la condition physique médicale et qu’il n’était pas nécessaire d’en exiger une. Il a également invoqué des éléments de preuve selon lesquels au moins deux autres ASF avaient été confrontés à des circonstances semblables, mais qu’on leur avait permis de poursuivre leur travail de première ligne après que leurs outils de défense avaient été retirés. Le fonctionnaire a soutenu que même si la Directive était jugée valide, des mesures d’adaptation appropriées n’avaient pas été prises à son égard, car l’employeur était tenu de demander une évaluation visant à déterminer ses limites fonctionnelles (liées à ses fonctions réelles et non à la Directive) et ensuite avoir pris des mesures d’adaptation à son poste plutôt que de le muter à un nouveau poste.

[8] Même si le fonctionnaire a invoqué son état de santé et ses problèmes de santé en tant que motifs de distinction illicite dans son effort de s’acquitter de son fardeau d’établir une preuve prima facie de discrimination, selon la prépondérance des probabilités, les éléments de preuve n’ont pas étayé une conclusion selon laquelle il a subi un effet préjudiciable.

[9] Je conclus que le retrait de ses outils de défense et le fait de lui demander de choisir une nouvelle affectation à son même poste, grade et taux de rémunération horaire dans le cadre de la même opération de l’ASFC à Windsor n’ont eu aucun effet préjudiciable.

[10] Le fonctionnaire a allégué qu’il avait perdu un revenu au titre d’heures supplémentaires parce qu’il avait été muté à un poste adapté. Les deux griefs qui en découlent sont rejetés, car je conclus qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour établir que sa santé lui aurait permis d’accepter des heures de travail supplémentaires pendant la période pertinente aux présentes affaires, de sorte qu’il n’était pas facilement disponible, comme il était tenu de le faire.

[11] Par conséquent, sans éléments de preuve pour étayer sa disponibilité à accepter d’autres heures supplémentaires, sa perte de revenu au titre d’heures supplémentaires ne peut pas être considérée comme un effet préjudiciable pour étayer son allégation de traitement discriminatoire. Je conclus également qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour étayer l’allégation de discrimination fondée sur un motif de distinction illicite contenue dans le troisième grief (le 14 février 2016) concernant les heures supplémentaires.

[12] Le fonctionnaire devait s’acquitter d’un seuil faible pour établir une preuve prima facie de discrimination, mais elle devait néanmoins être établie au moyen d’une preuve claire et convaincante, laquelle comportait des lacunes.

II. Énoncé conjoint des faits

[13] L’énoncé conjoint des faits (ECF) se lit comme suit :

[Traduction]

1. Ces affaires se rapportent aux trois griefs déposés par Andy Matos :

· Le grief 566‑02‑12324 (ASFC no 14‑116651) concernant l’article 19, Élimination de la discrimination, déposé le 10 septembre 2014 (onglet 1).

· Le grief 566‑02‑12323 (ASFC no 14‑116623) concernant l’article 28, Heures supplémentaires, déposé le 24 septembre 2014 (onglet 2).

· Le grief 566‑02‑42117 (ASFC no 16‑120004) concernant les articles 6, 18 et 19, déposé le 14 février 2016 (onglet 3).

2. Les griefs 566‑02‑12323 et 566‑02‑12324 ont été déposés à la suite de la conclusion selon laquelle M. Matos ne satisfaisait pas aux exigences médicales de l’évaluation médicale de catégorie III de Santé Canada (CAT III).

3. Le 14 février 2016, le fonctionnaire a déposé un troisième grief (dossier de la CRTESPF 566‑02‑42117), alléguant qu’on ne lui avait pas offert de travail supplémentaire de façon équitable, comme l’exige la clause 28.03 de la convention collective.

4. Les dispositions de la convention collective en litige dans les trois affaires sont contenues dans la Convention entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada, groupe : Services frontaliers (tous les employés), qui a expiré le 20 juin 2014 et le 20 juin 2018 (onglets 4 et 5).

[…]

5. Le 9 novembre 1981, M. Matos a commencé à travailler à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC).

6. En 2006, le gouvernement du Canada a annoncé son engagement à renforcer la sécurité frontalière et la sécurité de ses agents en leur fournissant des armes à feu de service et en leur offrant une formation (onglets 7 et 8).

7. En novembre 2009, l’ASFC a instauré l’évaluation médicale de CAT III en tant qu’exigence obligatoire pour tous les employés occupant un poste d’application de la loi afin d’assurer la santé et la sécurité des employés et des voyageurs membres du public (onglets 11 et 14).

8. Le 30 novembre 2009, l’ASFC a commencé à procéder à l’évaluation médicale de CAT III.

9. En juin 2014, le fonctionnaire travaillait à titre d’agent des services frontaliers (ASF) au groupe et au niveau FB‑03 au district du pont Ambassador dans la région du sud de l’Ontario. Jusqu’en juillet 2014, le fonctionnaire exerçait des fonctions d’application de la loi de première ligne.

[…]

10. En juin 2014, le fonctionnaire a été envoyé pour une évaluation médicale de CAT III, qui a été effectuée par son médecin de famille, soit le Dr Paul Lœbach (onglet 17).

11. Le 4 juillet 2014, le Dr Shapiro a signé le rapport d’évaluation de la santé au travail concluant que le fonctionnaire avait échoué l’évaluation médicale de CAT III (onglet 19).

12. Dans une lettre du 15 juillet 2014, le Dr Shapiro a informé le fonctionnaire et l’ASFC que M. Matos avait échoué l’évaluation médicale de CAT III, comme suit :

Il ne satisfait pas aux exigences médicales. Plus particulièrement, il n’est pas apte à la formation en TCD ou au cours sur les AFS. L’état de santé de M. Matos est peu susceptible de changer dans un avenir prévisible. Il satisfait à la norme de vision à l’aide de lentilles correctrices. Compte tenu des renseignements disponibles, il ne satisfait pas à la norme relative à l’ouïe. Le test cutané à la tuberculine n’a pas été effectué. M. Matos a été informé sous pli distinct (onglets 21 et 22).

13. Le 31 juillet 2014, le chef Jeffrey Gilmore (chef des opérations commerciales au pont Ambassador) a retiré les outils de défense du fonctionnaire, étant donné qu’il n’avait pas satisfait aux normes requises par l’évaluation médicale de CAT III. Le chef Jeffrey Gilmore a également informé le fonctionnaire qu’à compter de ce jour‑là, il était affecté à exercer des fonctions ne concernant pas l’application de la loi au kiosque, aux systèmes Échange de données informatisées (EDI) et au traitement primaire dans le secteur commercial (TPSC) (onglet 24).

14. Le 31 juillet 2014, le fonctionnaire a demandé une affectation à UPS et à Fedex (onglet 30).

15. Dans une lettre du 5 août 2014, le Dr Shapiro a fourni des renseignements supplémentaires au fonctionnaire sur ses conclusions. Il a également invité le fonctionnaire à informer son ministère si son état de santé change à l’avenir (onglet 25).

16. Le 7 août 2014, le chef Jeffrey Gilmore a envoyé un courriel au fonctionnaire pour lui expliquer la position de l’ASFC relativement à l’évaluation médicale de CAT III, comme suit :

La CAT III a pour objet d’établir que les employés sont en mesure d’exercer les fonctions liées à l’application de la loi de leur poste (qui comprennent le port d’outils de défense) sans nuire à leur santé et à leur sécurité ou à celles d’autrui. Si un employé ne satisfait pas aux exigences médicales de la CAT III, l’Agence estime qu’il ne peut pas être en mesure d’occuper un poste qui exige une CAT III ou d’exercer des fonctions liées à l’application de la loi qui exigent des outils de défense (agents des services frontaliers (ASF), surintendants, chefs, agents du renseignement, enquêteurs, formateurs sur le recours à la force, gestionnaires régionaux, agents d’exécution de la loi pour services intérieurs et superviseur de l’exécution de la loi pour services intérieurs) (onglet 26).

17. M. Gilmore a ensuite expliqué que l’évaluation médicale de CAT III est effectuée par Santé Canada (onglet 26).

18. Dans un courriel du 21 août 2014, Tamara Allard a répété au fonctionnaire que s’il avait échoué l’évaluation médicale de CAT III, il ne pouvait pas être affecté à travailler aux premières lignes (onglet 27).

19. Le 10 septembre 2014, le fonctionnaire a présenté le grief individuel numéro 14‑116651 (566‑02‑12324), en alléguant qu’il avait été victime de discrimination et de harcèlement de la part de l’ASFC fondés sur des motifs d’une incapacité physique qui pourrait être attribuable à l’âge, en contravention de la clause 19.01 de la convention collective (onglet 1).

20. Le 16 septembre 2014, le fonctionnaire a informé le chef Jeffrey Gilmore qu’il souhaitait être inscrit de nouveau à la liste des heures supplémentaires. Le chef Jeffrey Gilmore a informé le fonctionnaire qu’il serait inscrit à la liste et que des heures supplémentaires lui seraient offertes lorsqu’il y aura un travail qui satisfait à ses mesures d’adaptation (onglet 28).

21. Le 24 septembre 2014, le fonctionnaire a présenté le grief individuel numéro 14‑116623 (566‑02‑12323), en alléguant qu’on ne lui avait pas offert de travail supplémentaire de façon équitable par rapport à ses pairs, en contravention de la clause 28.03a) de la convention collective (onglet 2).

22. En octobre 2014, le fonctionnaire a été muté à l’installation UPS et Fedex.

23. Le 9 octobre 2014, le grief 14‑116651 (566‑02‑12324) a été rejeté au premier palier (onglet 1).

24. Le 20 octobre 2014, le fonctionnaire a envoyé un courriel au Dr Shapiro pour l’informer qu’il avait reçu ses prothèses auditives et lui a demandé s’il devrait subir un autre examen aux fins de l’évaluation médicale de CAT III. Le fonctionnaire a également informé le Dr Shapiro qu’il souffrait toujours d’apnée du sommeil (onglet 29).

25. Le 29 octobre 2014, le grief 14‑116623 (566‑02‑12323) a été rejeté au premier palier (onglet 2).

26. Dans une lettre du 3 novembre 2014, le Dr Shapiro a répondu au fonctionnaire comme suit :

[…] Si vous et votre médecin estimez que vous satisfaites aux exigences, qui comprennent la formation en TCD et le cours sur les armes à feu, veuillez informer votre ministre que vous souhaitez subir une nouvelle évaluation médicale périodique de catégorie III. Votre examen auditif à l’aide de prothèses auditives pourrait alors faire partie de la nouvelle évaluation médicale périodique de catégorie III (onglet 32).

27. Le 8 décembre 2014, les griefs 14‑116623 (566‑02‑12323) et 14‑116651 (566‑02‑12324) ont tous les deux été rejetés au deuxième palier (onglets 1 et 2).

28. Pendant toute la période pertinente, Patricia Wyles, qui était une agente des services frontaliers (ASF), travaillait au poste frontalier de Windsor situé dans un autre district. Mme Wyles et le fonctionnaire relevaient donc de différents gestionnaires.

29. En 2014, Mme Wyles a subi une chirurgie au bras droit trois fois pour traiter le cancer. Par conséquent, Mme Wyles avait échoué sa CAT III et ses outils de défense lui ont été retirés par l’ASFC en mai 2014 (onglet 35).

30. Mme Wyles a continué d’exercer des fonctions régulières, y compris la ligne d’inspection préliminaire (LIP) au poste frontalier de Windsor jusqu’en janvier 2016, date à laquelle elle a été affectée à un poste adapté à un bureau à l’autre service d’inspection (unité ASI) (onglets 39 et 40).

31. Avant mai 2014, Mme Wyles travaillait souvent au poste frontalier de Pelee Island, qui est un petit point d’entrée doté habituellement de trois ASF. Après l’échec à la CAT III et le retrait de ses outils de défense, Mme Wyle n’était plus autorisée à travailler au point d’entrée de Pelee Island, en raison de préoccupations en matière de sécurité liées à son incapacité de porter des outils de défense.

32. Pendant toute la période pertinente, Mme Kelly Fry, une ASF, travaillait également au poste frontalier de Windsor situé dans un autre district. Mme Fry et le fonctionnaire relevaient donc de différents gestionnaires.

33. Mme Fry était incapable, sur le plan médical, de suivre avec succès la formation en tactiques de défense contrôlée (TDC) et de porter des outils de défense en raison de préjudices qu’elle a subis à l’extérieur du travail. Par conséquent, Mme Fry n’a pas suivi la formation en TDC et ne portait pas non plus d’outils de défense, à aucun moment de sa carrière à l’ASFC.

34. Mme Fry travaillait à la LIP jusqu’en janvier 2016, date à laquelle elle a également été affectée à un poste dans un bureau à l’autre service d’inspection (unité ASI).

35. Le 1er mars 2016, le grief 14‑116623 (566‑02‑12323) a été rejeté au dernier palier (onglet 1).

36. Le 18 mars 2016, le grief 14‑116651 (566‑02‑12324) a été rejeté au dernier palier (onglet 2).

37. Le 30 mars 2016, le fonctionnaire a renvoyé les griefs numéros 14‑116623 (566‑02‑12323) et 14‑116651 (566‑02‑12324) à l’arbitrage devant la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral.

38. Le 14 février 2016, le fonctionnaire a présenté le grief individuel numéro 16‑120004 (566‑02‑42117), alléguant que les heures supplémentaires n’étaient pas réparties de façon équitable à UPS et Fedex. Selon les allégations du fonctionnaire, il y avait des heures supplémentaires secrètes qui ne lui étaient jamais offertes, malgré le fait que ses supérieurs ont été informés qu’il souhaitait travailler des heures supplémentaires et qu’il s’agissait d’une discrimination fondée sur l’âge et l’incapacité (onglet 3).

39. Le 4 mai 2016, le grief 16‑120004 (566‑02‑42117) a été accueilli en partie au premier palier. La direction a conclu que les heures supplémentaires n’avaient pas été réparties de façon équitable. Toutefois, la direction a refusé d’indemniser le fonctionnaire en se fondant sur le principe « pas de travail, pas de rémunération ». La direction a également conclu que l’inégalité dans la répartition des heures supplémentaires à UPS et Fedex n’était pas fondée sur la discrimination (onglet 3).

40. Le 7 juillet 2016, le grief 16‑120004 (566‑02‑42117) a été accueilli en partie au deuxième palier. La direction a confirmé que les heures supplémentaires n’avaient pas été réparties de façon équitable. La direction a également maintenu son refus d’indemniser le fonctionnaire en se fondant sur le principe « pas de travail, pas de rémunération ». La direction a également soutenu que l’inégalité dans la répartition des heures supplémentaires à UPS et Fedex n’était pas fondée sur la discrimination […]

41. Le 18 août 2016, le grief 16‑120004 (566‑02‑42117) a été accueilli en partie au dernier palier. La direction a confirmé que les heures supplémentaires n’avaient pas été réparties de façon équitable. La direction a également annulé les deux décisions rendues aux paliers précédents en ce qui concerne l’indemnisation. Par conséquent, la direction a indemnisé le fonctionnaire pour 14,50 heures. Toutefois, elle a maintenu la conclusion selon laquelle [traduction] « il n’y avait aucune discrimination » (onglet 3).

42. Le 6 août 2016, le fonctionnaire a pris sa retraite de l’ASFC.

43. Le 25 septembre 2020, le fonctionnaire a renvoyé le grief numéro 16‑120004 (566‑02‑42117) à l’arbitrage devant la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral.

 

III. Dossier de la Commission 566‑02‑12324 : le grief concernant l’élimination de la discrimination

[14] Le fonctionnaire a allégué que l’employeur avait contrevenu à la clause d’élimination de la discrimination (clause 19.01) de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada pour le groupe Services frontaliers qui a expiré le 20 juin 2014 (la « convention collective »). La prochaine convention collective a été signée le 3 juillet 2018. Par conséquent, les conditions de travail régies par la convention collective qui expire le 20 juin 2014, ont été maintenues jusqu’à la signature de la prochaine convention collective.

[15] Il a allégué que ses outils de défense lui avaient été enlevés et qu’il avait été réaffecté, contre son gré, de son poste préféré à la LIP en raison d’une [traduction] « incapacité physique attribuable à l’âge ».

[16] La mesure corrective demandée consistait à mettre fin à la pratique et à lui permettre de mener à bien sa carrière d’une durée indéterminée jusqu’à sa retraite, à une date de son choix, et à ce qu’il fasse l’objet d’une réparation complète et intégrale. Même si le grief comportait une allégation de harcèlement de la part de l’employeur, cette allégation n’a pas été poursuivie par ses avocats à l’audience.

[17] Dans son grief, le fonctionnaire allègue que l’employeur a violé la clause 19.01, intitulée « Élimination de la discrimination » de la convention collective, qui énonce ce qui suit :

19.01 II n’y aura aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire exercée ou appliquée à l’égard d’un employé‑e du fait de son âge, sa race, ses croyances, sa couleur, son origine nationale ou ethnique, sa confession religieuse, son sexe, son orientation sexuelle, sa situation familiale, son incapacité mentale ou physique, son adhésion à l’Alliance ou son activité dans celle‑ci, son état matrimonial ou une ou une condamnation pour laquelle l’employé‑e a été gracié.

19.01 There shall be no discrimination, interference, restriction, coercion, harassment, intimidation, or any disciplinary action exercised or practiced with respect to an employee by reason of age, race, creed, colour, national or ethnic origin, religious affiliation, sex, sexual orientation, family status, mental or physical disability, membership or activity in the Alliance, marital status or a conviction for which a pardon has been granted.

[…]

 

[18] Je fais remarquer que la convention collective ne prévoit aucune définition de « discrimination »; toutefois, l’art. 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H‑6; la « LCDP ») décrit les actes discriminatoires en matière d’emploi comme suit :

7 Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

7 It is a discriminatory practice, directly or indirectly,

a) de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu;

(a) to refuse to employ or continue to employ any individual, or

b) de le défavoriser en cours d’emploi.

(b) in the course of employment, to differentiate adversely in relation to an employee, on a prohibited ground of discrimination.

 

[19] Le paragraphe 226(2) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2), confère à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission », qui dans la présente décision fait également référence à l’un de ses prédécesseurs) le pouvoir législatif d’interpréter et d’appliquer la LCDP aux questions en matière d’emploi comme la présente question, comme suit :

Pouvoirs de l’arbitre de grief et de la Commission

Powers of adjudicator and Board

226 (2) L’arbitre de grief et la Commission peuvent, pour instruire toute affaire dont ils sont saisis :

226 (2) An adjudicator or the Board may, in relation to any matter referred to adjudication,

A) interpréter et appliquer la Loi canadienne sur les droits de la personne, sauf les dispositions de cette loi sur le droit à la parité salariale pour l’exécution de fonctions équivalentes, ainsi que toute autre loi fédérale relative à l’emploi, même si la loi en cause entre en conflit avec une convention collective […]

(a) interpret and apply the Canadian Human Rights Act and any other Act of Parliament relating to employment matters, other than the provisions of the Canadian Human Rights Act that are related to the right to equal pay for work of equal value, whether or not there is a conflict between the act being interpreted and applied and the collective agreement, if any ….

 

A. Le témoignage et l’argumentation du fonctionnaire

[20] Au cours de son témoignage, le fonctionnaire a fait remarquer qu’il avait connu une longue carrière à titre d’ASF et qu’il avait occupé de nombreux postes de l’ASFC à Windsor, y compris le pont Ambassador, le tunnel Detroit‑Windsor et l’installation de messagerie UPS‑FedEx. Habituellement, il était affecté à un poste à la LIP que toutes les deux heures. Il avait travaillé aux postes de la LIP pendant 25 ans sans outils de défense ou d’arme de poing. Selon son témoignage, il était à l’aise avec cette situation, car une aide de secours était toujours à proximité et un autre ASF pouvait toujours intervenir rapidement, au besoin. Il a dit qu’il se sentait toujours « normal » au travail et qu’il s’acquittait pleinement de ses fonctions jusqu’à ce qu’on lui dise qu’il devait remettre ses outils de défense et qu’il a été retiré des postes à la LIP.

[21] Le fonctionnaire a déclaré que, dans le cadre de sa formation en TCD en 2008, il avait subi une blessure à l’épaule dans la partie de combat corps à corps, mais que des mesures d’adaptation avaient été prises à son égard et qu’il avait été autorisé à continuer de travailler dans un poste à la LIP. Il a ensuite subi une évaluation des capacités fonctionnelles et des mesures d’adaptation ont été prises à son égard selon lesquelles il n’était pas tenu d’examiner les gros camions. Il n’a pas suivi une formation en tactiques de défense et a été jugé inapte aux exercices d’entraînement. Il a dit qu’à la fin de 2009, il devait [traduction] « exhorter son médecin » à signer l’approbation afin qu’il puisse suivre sa formation requise en TCD. Il n’était pas tenu d’obtenir l’autorisation médicale avant de suivre le cours d’appoint périodique de 2013 portant sur les TCD, qu’il a terminé avec succès le 29 avril 2013.

[22] Même si ses qualifications en TCD avaient récemment été renouvelées, en 2014, le fonctionnaire a déclaré qu’il avait appris qu’un autre examen était nécessaire et qu’on lui avait présenté des options relatives à un examen médical pour la CAT III. On lui a dit qu’il était nécessaire, car le déploiement d’armes à feu nécessitait une nouvelle formation et la formation en TCD, ce qui, à son tour, nécessitait la CAT III. Il a ajouté que la certification en TCD avait été obtenue pour une période de trois ans et qu’il n’aurait pas dû être tenu de le refaire après seulement environ un an.

[23] Le fonctionnaire a déclaré qu’il avait choisi de consulter son médecin de 12 ans qui a effectué l’examen médical. Il comprenait une évaluation de l’ouïe qui a révélé une déficience auditive. On lui a recommandé d’acquérir des prothèses auditives. Il avait aussi l’apnée du sommeil, mais ne pouvait pas utiliser une machine VPPC (ventilation en pression positive continue) et, par conséquent, il ne dormait pas bien. Il a fait remarquer que le rapport du médecin indiquait qu’il était [traduction] « extrêmement fatigué » et qu’il ne pouvait donc pas travailler [traduction] « des heures supplémentaires ou des jours fériés ». Son épouse était également malade à l’époque, et il prenait soin de sa mère âgée. Il a dit qu’il avait un protège‑dents pour aider à dormir.

[24] Le fonctionnaire a témoigné que son médecin lui avait dit que personne de 50 ans ou plus ne devrait suivre la formation en TCD, car elle comporte un risque de blessure très élevé. Le fonctionnaire a témoigné que, tout en respectant cette opinion, il n’y souscrivait pas. Il estimait qu’il était apte à la formation en TCD, mais son médecin avait refusé d’approuver sa CAT III. Il a dit qu’il envisageait de consulter un autre médecin, pour une deuxième opinion, mais qu’il ne l’avait jamais fait. Il a ajouté que son médecin n’avait mentionné aucun problème médical lié à l’exercice de ses fonctions.

[25] Le fonctionnaire a déclaré qu’il travaillait autant d’heures supplémentaires que possible. Il a dit que la disponibilité des heures supplémentaires n’avait jamais été meilleure puisqu’il est bilingue et que l’employeur attribuait continuellement des heures supplémentaires pour s’assurer que les services de première ligne étaient toujours disponibles dans les deux langues officielles.

[26] Le fonctionnaire a dit qu’on lui avait demandé d’assister à une réunion avec la direction le 31 juillet 2014. Son superviseur, Jeffrey Gilmore, chef des opérations de l’ASFC au pont Ambassador, a été très gentil envers lui lors de la réunion, mais a retiré ses outils de défense et a expliqué que c’était parce qu’il avait échoué la CAT III. On lui a ensuite dit que le retrait des outils signifiait qu’il ne pouvait plus travailler dans un poste d’application de la loi de première ligne à la LIP. On lui a alors demandé sa préférence quant à un poste adapté, qu’il a déclaré être le dépôt UPS‑FedEx. Il a indiqué qu’on ne lui avait pas demandé de faire part d’une mesure d’adaptation détaillée requise. Le fonctionnaire a expliqué qu’il connaissait deux autres ASF dont leurs outils de défense avaient été retirés en raison de problèmes médicaux, mais qui avaient été autorisés à demeurer à leurs postes d’application de la loi à la LIP.

[27] Le fonctionnaire a affirmé qu’il avait déposé un grief à l’encontre de l’obligation de travailler à un poste adapté. Il a soutenu que cela lui avait causé la perte de revenu au titre d’heures supplémentaires. Il a dit qu’il avait posé des questions à maintes reprises à ses gestionnaires, en essayant de déterminer ses options.

[28] Les éléments de preuve ont permis d’établir qu’en même temps, il avait demandé de l’aide par l’intermédiaire de services de counseling, qui l’avaient informé qu’ils n’étaient pas au courant de ses résultats relatifs à la CAT III. Il a communiqué avec Santé Canada pour déterminer si l’obtention d’un dispositif oral et de prothèses auditives signifierait une réussite de la CAT III et lui permettrait d’éviter le poste adapté.

[29] Le fonctionnaire a témoigné qu’en janvier 2016, environ 18 mois plus tard, il était devenu assez contrarié et frustré par ce qu’il considérait comme des heures supplémentaires attribuées de manière inappropriée et de façon secrète par un gestionnaire d’UPS‑FedEx plutôt que par son gestionnaire de l’ASFC.

[30] Le fonctionnaire a témoigné qu’il estimait qu’il était contraire à l’éthique de la part du gestionnaire UPS‑FedEx d’attribuer des heures supplémentaires aux ASF qu’il aimait ou qui collaboraient davantage avec lui. Le fonctionnaire a expliqué à quel point il était contrarié lorsqu’il a vu des heures supplémentaires attribuées directement par les gestionnaires de messagerie UPS‑FedEx plutôt que par la direction de l’ASFC. Il a également témoigné quant à savoir à quel point il était contrarié qu’un gestionnaire de FedEx lui ait dit que s’il était plus coopératif, il pourrait se voir attribuer plus d’heures supplémentaires. Il a témoigné que les actes du gestionnaire de FedEx l’empêchaient de faire son travail correctement.

[31] Le fonctionnaire a ajouté que les actes du gestionnaire FedEx étaient contraires à l’éthique et a ajouté que seule la direction de l’ASFC pouvait attribuer des heures supplémentaires aux ASF. Selon son témoignage, il s’était senti « blessé » par les événements de juillet 2014, mais que l’incident concernant l’UPS‑FedEx l’avait « écrasé », car il ne pouvait pas faire son travail comme il aurait dû le faire.

[32] Le fonctionnaire a témoigné qu’il avait déposé un grief au sujet de cette question relative aux heures supplémentaires en vue d’envoyer un avertissement à la direction afin qu’elle examine l’abus des heures supplémentaires, ce qui l’a frustré, car la présentation du grief signifiait qu’il devait agir comme un dénonciateur.

[33] Il a déclaré qu’il avait demandé des services de counseling pendant cette période, vers le début de 2016, pour gérer sa frustration croissante et sa déconnexion du lieu de travail. La preuve documentaire a permis de confirmer qu’il avait demandé des services de counseling sous forme de quatre séances d’une heure du 8 janvier au 1er février 2016. Le fonctionnaire a témoigné que le problème relatif aux heures supplémentaires avait persisté jusqu’à sa retraite. Il a indiqué qu’il se sentait obligé de prendre une retraite anticipée en raison de ces problèmes.

[34] Les avocats du fonctionnaire ont cité le critère à trois volets permettant à ce dernier d’établir une preuve prima facie de discrimination énoncé dans Moore c. ColombieBritannique (Éducation), 2012 CSC 61. Il incombait d’abord au fonctionnaire d’établir qu’il avait une caractéristique protégée de la discrimination en vertu de la LCDP, qu’il avait subi un effet différentiel et préjudiciable attribuable à l’employeur et que la caractéristique protégée avait été un facteur dans cet effet préjudiciable. Il s’agit d’un seuil faible et, s’il est établi, le fardeau incombe alors à l’employeur, qui peut chercher à établir une contrainte excessive ou une EPJ.

[35] Les avocats ont commencé leurs arguments sur ce point en déclarant qu’il était inconcevable que l’employeur soutienne qu’il n’existait pas une preuve prima facie de discrimination.

[36] Afin de satisfaire au premier volet du critère de l’arrêt Moore, qui exigeait que le fonctionnaire établisse qu’il a une caractéristique protégée contre la discrimination, il a soutenu que son état de santé, comme son médecin l’a indiqué dans le rapport sur la CAT III et confirmé par son témoignage, était tel qu’il avait été jugé inapte à suivre la formation en TCD. Il a fait remarquer que la preuve de son état de santé n’a pas été contestée ni en contre‑interrogatoire ni par d’autres opinions médicales déposées en preuve.

[37] Le fonctionnaire a fait valoir que la deuxième étape du critère de l’arrêt Moore, qui exigeait qu’il établisse qu’il avait subi un traitement différentiel et préjudiciable, avait été satisfaite par le fait qu’il avait été muté de poste préféré à la LIP contre son gré et qu’il avait ensuite perdu des revenus, car sa possibilité de gagner un revenu au titre d’heures supplémentaires avait été diminuée par son poste adapté à l’installation de messagerie UPS‑FedEx.

[38] Enfin, en ce qui concerne la troisième étape du critère de l’arrêt Moore, qui exigeait que le fonctionnaire établisse que la caractéristique protégée mentionnée avait été un facteur dans l’effet différentiel et préjudiciable qu’il avait subi, il a soutenu que sans son état de santé et la CAT III connexe et les résultats stratégiques des TCD qui étaient fondés uniquement sur sa santé, aucun des événements visés par les trois griefs ne serait survenu.

[39] Le fonctionnaire a ajouté que même l’employeur avait reconnu qu’il avait été muté à un poste adapté lorsqu’il avait reconnu dans son témoignage et dans la preuve documentaire que ses outils de défense avaient été retirés, ce qui a fait en sorte qu’il soit muté d’un poste d’application de la loi à un poste adapté comportant des fonctions modifiées.

[40] Les arguments du fonctionnaire se sont poursuivis en contestant la validité de la CAT III, car elle n’énonce pas de critères médicaux et de santé objectifs qui pourraient être établis comme étant nécessaires pour exécuter le travail d’un ASF à un poste d’application de la loi. Les TCD ont également été contestées tout comme la nécessité connexe d’outils de défense.

[41] Les éléments de preuve ont également permis d’établir que deux autres ASF dans le district n’étaient pas en mesure de satisfaire à la CAT III. Leurs outils de défense avaient été retirés, mais ils ont été autorisés à continuer d’exercer leurs fonctions d’application de la loi à la LIP. Il a été soutenu que cela établissait le caractère arbitraire du traitement subi par le fonctionnaire et étayait son affirmation selon laquelle l’ASFC ne pouvait pas établir que la CAT III, les TCD et les outils de défense constituaient une EPJ.

[42] Le fonctionnaire a également fait valoir que des erreurs et des omissions graves se sont produites dans le processus de prise de mesures d’adaptation, commençant par la négligence totale à tenter de déterminer ses limitations fonctionnelles ou à tenter de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de son poste jusqu’à la décision de le muter de son poste d’application de la loi préféré.

[43] Le fonctionnaire a fait remarquer que Moore et la décision de la Commission dans Nicol c. Conseil du Trésor (Service Canada), 2014 CRTEFP 3, étaient toutes les deux la proposition selon laquelle l’obligation de prendre des mesures d’adaptation devait d’abord viser à prendre des mesures d’adaptation à l’égard de la personne dans son poste avant d’envisager toute modification de son emploi.

[44] Dans Nicol, la Commission a conclu que l’employeur avait agi de façon inconsidérée lorsqu’il n’avait pas pris des mesures d’adaptation pour le fonctionnaire s’estimant lésé dans ce cas et en lui offrant plutôt des postes rétrogradés et en menaçant de mettre fin à son emploi. En fin de compte, il l’a forcé à prendre sa retraite pour des raisons médicales.

[45] Je souligne l’extrait suivant de cette décision :

[…]

[121] L’obligation de prendre des mesures d’adaptation exige de l’employeur qu’il prenne, dans un premier temps, des mesures d’adaptation raisonnables à l’égard de l’employé dans son poste d’attache avant d’envisager des postes à un niveau inférieur. L’employeur aurait dû faire d’autres tentatives pour accommoder le fonctionnaire dans un poste à son niveau d’attache avant de lui offrir des postes à un niveau de classification et de salaire inférieur. Cependant, l’employeur n’a fait aucun effort en ce sens, malgré les demandes du fonctionnaire et de l’agent négociateur. La seule mesure prise par l’employeur a été d’encourager le fonctionnaire à trouver un autre poste à son niveau d’attache.

[…]

 

[46] Le fonctionnaire a également souligné la décision de la Cour fédérale dans Coupal c. Canada (Procureur général), 2006 CF 255, qui portait sur des faits très semblables d’une ASF qui avait besoin de mesures d’adaptation pour des raisons médicales et à qui des fonctions modifiées avaient été attribuées qui éliminaient l’aspect de l’application de la loi de son poste, mais autrement, elle a continué d’occuper le même poste au même niveau et au même taux de rémunération horaire. Coupal affirme ce qui suit :

[…]

[20] Dans Colombie‑Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. British Columbia Government Services Employees Union, [1999] 3 R.C.S. 3 (Meiorin), la Cour suprême du Canada a établi un critère en trois volets pour décider si la ligne de conduite adoptée par un employeur constitue une EPJ. Au paragraphe 54, Madame la juge Beverly McLachlin (maintenant juge en chef) a défini le critère de la façon suivante :

[…] je propose d’adopter la méthode en trois étapes qui suit pour déterminer si une norme discriminatoire à première vue est une EPJ. L’employeur peut justifier la norme contestée en établissant selon la prépondérance des probabilités :

(1) qu’il a adopté la norme dans un but rationnellement lié à l’exécution du travail en cause;

(2) qu’il a adopté la norme particulière en croyant sincèrement qu’elle était nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail;(2) qu’il a adopté la norme particulière en croyant sincèrement qu’elle était nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail;

(3) que la norme est raisonnablement nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail. Pour prouver que la norme est raisonnablement nécessaire, il faut démontrer qu’il est impossible de composer avec les employés qui ont les mêmes caractéristiques que le demandeur sans que l’employeur subisse une contrainte excessive.

[21] Madame la juge McLachlin a poursuivi en déclarant au paragraphe 55 de ses motifs que, s’il est possible de trouver une solution raisonnable qui léserait moins les membres d’un groupe particulier, cette règle ou norme n’est pas un EPJ. Elle s’est exprimée dans les termes suivants :

[…] Il s’ensuit que la règle ou la norme jugée raisonnablement nécessaire doit composer avec les différences individuelles dans la mesure où cela ne cause aucune contrainte excessive. À moins qu’aucun accommodement ne soit possible sans imposer une contrainte excessive, la norme telle qu’elle existe n’est pas une EPJ, et la preuve prima facie de l’existence de discrimination n’est pas réfutée.

[…]

[36] Dans son rapport, l’enquêteuse a essentiellement énoncé les positions des parties. À l’égard de la norme « raisonnablement nécessaire » du critère Meiorin, elle a considéré comme suffisante l’assertion de l’ADRC suivant laquelle la possibilité d’avoir deux descriptions d’emploi est « opérationnellement infaisable ». Je suis d’accord avec la demanderesse pour dire que l’enquêteuse ne peut simplement accepter les « vagues assertions » de l’ADRC voulant que les autres options soient irréalisables ou « opérationnellement infaisables », sans approfondir son enquête. En outre, à l’audience, le défendeur a reconnu que le rapport du Dre Deakin avait une portée limitée. Il a été révélé qu’on avait seulement demandé au Dre Deakin de livrer une opinion sur la question de savoir si une personne capable de réussir la formation sur l’usage de la force satisfera aux normes d’aptitudes physiques requises pour les emplois d’inspecteur et de surintendant des douanes. On n’a jamais demandé au Dre Deakin d’examiner s’il existait d’autres moyens d’atteindre l’objectif visé tout en réduisant au minimum les effets défavorables sur les employés comme la demanderesse. L’ADRC s’est essentiellement appuyée sur la preuve du Dre Deakin pour établir que la ligne de conduite constitue une EPJ. À mon avis, le rapport du Dre Deakin ne permet à l’ADRC de s’acquitter du fardeau de présentation pour prouver qu’elle ne dispose d’aucune autre option pour répondre aux besoins de la demanderesse et des autres employés sans subir une contrainte excessive.

[37] Le seul accommodement offert aux agents des douanes incapables de réussir la « formation sur l’usage de la force » consiste essentiellement à les affecter à des postes pour lesquels la désignation des pouvoirs d’agent n’est pas requise. À mon avis, cela modifie de façon importante la description de l’emploi d’agent des douanes. L’enquêteuse ne s’est pas penchée sur la question de savoir si cette « nouvelle norme » est raisonnablement nécessaire et s’il existait d’autres options qui auraient pu permettre aux agents des douanes comme la demanderesse de conserver leur emploi avec les mêmes responsabilités sans que l’ADRC subisse une contrainte excessive.

[38] L’enquêteuse a accepté la position de l’ADRC, d’après laquelle les autres options étaient « opérationnellement infaisables », sans vérifier si la preuve corroborait cette conclusion. Si cette preuve était inexistante, il s’ensuit que l’ADRC ne s’est pas acquittée du fardeau relatif au troisième volet du critère Meiorin et que la plainte n’aurait pas dû être rejetée. Si cette preuve existait, l’enquêteuse ne l’a pas analysée ou considérée. Ce faisant, elle a omis de considérer une preuve fondamentale, ce qui indique qu’elle n’a pas enquêté de façon rigoureuse sur l’existence d’une EPJ. En conséquence, la Commission a violé les règles de l’équité procédurale. La décision sera donc annulée et l’affaire sera renvoyée à la Commission pour qu’elle procède à un nouvel examen conformément aux présents motifs.

[…]

 

[47] Le fonctionnaire a également fait remarquer la nécessité d’adopter une approche individualisée pour répondre aux besoins de chaque employé, plutôt que de se fier mécaniquement à une politique et à des normes énoncées dans Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal, 2007 CSC 4 (« McGill »).

[48] Le fonctionnaire a souligné ces déclarations sur la nécessité de mesures d’adaptation individualisées dans le même poste, sur la décision concernant l’incidence des fonctions modifiées et sur ce que doit faire un employeur pour démontrer une EPJ et, enfin, pour justifier une situation de contrainte excessive. Il a fait valoir que, de toute évidence, l’employeur dans le présent cas n’a pas tenu compte de chacun de ces aspects essentiels dans la façon dont il l’a traité.

B. Le témoignage et l’argumentation de l’employeur

[49] Les arguments de l’employeur visaient à contester que le fonctionnaire avait établi une preuve prima facie de discrimination. Il a soutenu que le fonctionnaire ne s’était pas acquitté de son fardeau et que le grief concernant l’élimination de la discrimination devrait être rejeté.

[50] Il n’a pas contesté les éléments de preuve concernant la santé du fonctionnaire ni son rapport médical. Il a plutôt fait valoir que les décisions de retirer ses outils de défense et de le muter à un poste adapté étaient fondées uniquement sur la politique et non sur son état de santé.

[51] L’employeur a cité à témoigner Calvin Christiansen, directeur de la politique sur l’armement et de la mise en œuvre. Il a témoigné au sujet de l’historique du programme d’armement de l’ASFC et de l’appui très ferme de l’agent négociateur à ce programme au fil des ans, ainsi que de son lobbying auprès des députés pour obtenir l’armement des ASF. Il a expliqué que 3 500 ASF ont subi un examen psychologique et l’examen de santé et de condition physique de la CAT III avant de suivre le cours de 3 semaines en TCD, qui est également une condition d’emploi obligatoire. Il a dit que les 3 500 ne pouvaient pas tous suivre la formation en même temps et, par conséquent, de nombreux ASF munis d’une arme de poing ont travaillé pendant une certaine période avec des collègues non munis d’une telle arme. Il a déclaré que la décision de 2007 d’armer les ASF a fait en sorte qu’ils ont été conférés des pouvoirs étendus en matière d’arrestation criminelle.

[52] L’employeur a cité à témoigner Joe McMahon, directeur des opérations du district du pont Ambassador, et anciennement surintendant du tunnel Detroit‑Windsor, où des problèmes sont survenus au sujet de l’autorisation accordée à d’autres ASF de travailler à la LIP après que leurs outils de défense avaient été retirés parce qu’ils avaient échoué la CAT III. Il a affirmé qu’il y avait peu de possibilités de fonctions adaptées au tunnel. Lorsqu’il a été interrogé au sujet des deux autres ASF en litige, il a éprouvé des difficultés à s’en souvenir et ne se rappelait pas avec exactitude des faits figurant à l’ECP.

[53] L’employeur a également cité à témoigner le chef Jeffrey Gilmore. Il a déclaré qu’en 2014 et en 2015, il était le chef des opérations commerciales pour le district et le superviseur du fonctionnaire parce qu’à ce moment‑là, le fonctionnaire était un ASF affecté à la ligne commerciale.

[54] Il a affirmé que Santé Canada détermine les capacités physiques nécessaires pour s’acquitter de façon sécuritaire et appropriée du mandat de l’ASFC en matière d’application de la loi. Il a dit que la CAT III est l’examen médical de Santé Canada qui permet d’évaluer ces capacités physiques et que si un ASF ne peut pas réussir cet examen, il en est informé et il le rencontrera et retirera ses outils de défense, conformément à la Directive. Il a expliqué que les critères de santé et de condition physique visent à améliorer la sécurité non seulement de l’ASF dont la santé est examinée, mais également de tout le personnel de l’ASFC et des clients qu’ils servent.

[55] Il a dit qu’il a dû retirer des outils de défense au moins cinq fois d’ASF du district du pont Ambassador et que le fonctionnaire a été le premier à se faire retirer ses outils de défense pour la raison mentionnée précédemment.

[56] Lorsqu’il a discuté des différentes fonctions que les ASF exercent aux postes d’application de la loi dans son district, il a dit que les arrestations se produisent quotidiennement et que des incidents de recours à la force surviennent chaque mois dans le district. Il peut s’agir d’un ASF qui met une personne dans une serrure de poignet pour la maîtriser, qui vaporise le gaz OC (poivre), qui utilise un bâton, qui applique des menottes et qui vise son arme de poing ou qui la sort de l’étui à pistolet et la place à la position basse et d’état prêt. Il a ajouté que toutes ces situations sont très dynamiques et que l’ASF ou le client peut tomber ou être mis au sol et parfois participé à un combat de corps à corps.

[57] M. Gilmore a décrit l’initiative d’armement et les nombreuses politiques qui ont mené à l’exigence de se soumettre à la CAT III, à la formation en TCD et le cours sur l’AFS et aux exigences connexes en matière de santé, de condition physique et de sécurité du poste d’ASF. Il a dit que la CAT III est obligatoire tous les deux ans pour les agents d’application de la loi âgés de plus de 45 ans.

[58] Il a témoigné qu’avant que ses outils de défense ne soient retirés, le fonctionnaire avait été régulièrement muté à plusieurs postes dans le district du pont Ambassador, y compris ceux auxquels il avait été affecté à l’origine à titre de mesures d’adaptation. Il a également dit que le poste à la LIP de première ligne n’était affecté que pour une période d’une heure à la fois en raison de la forte concentration requise et du risque de fatigue mentale connexe.

[59] Il a décrit la situation du fonctionnaire et a indiqué que tout ce qu’il savait était que le fonctionnaire avait échoué la CAT III, et il a expliqué que les gestionnaires de l’ASFC ne connaissaient aucun renseignement personnel sur la santé, car ses renseignements sont considérés comme privés et que Santé Canada avait simplement indiqué si la CAT III avait été approuvée. Il a dit qu’en raison de l’avis de Santé Canada, il a rencontré le fonctionnaire et lui a dit qu’il avait été informé que sa CAT III n’avait pas été approuvée. De plus, en vertu de la Directive, il devrait prendre les outils de défense du fonctionnaire. Il a déclaré qu’il a également informé le fonctionnaire de son droit d’obtenir une deuxième opinion médicale d’un médecin de son choix au cas où ce dernier approuverait la CAT III.

[60] M. Gilmore a également témoigné qu’une entente concernant les mesures d’adaptation, signée à l’automne 2015, énonçant les renseignements indiqués précédemment dans la présente décision, avait été présentée au fonctionnaire. Il a affirmé qu’on avait offert au fonctionnaire des fonctions modifiées n’exigeant pas d’outils de défense et qu’il les avait acceptées, qu’il avait été affecté à l’installation UPS‑FedEx à compter d’octobre 2014, et que l’entente était temporaire et qu’elle serait révisée et pouvait être modifiée.

[61] Le seul autre témoin que l’employeur a cité à témoigner était Jeremy Adams, gestionnaire intérimaire de la Politique de programme et membre du comité de santé et sécurité au travail de l’ASFC. Il a témoigné au sujet de la création et du lien entre la CAT III et les fonctions des ASF. Il a été interrogé pendant plusieurs heures sur le très long « Guide de santé et sécurité au travail », dont une partie est consacrée à l’application de la loi. Il a affirmé que des normes générales sont créées et que, par la suite, chaque ministère ou organisme crée des normes particulières liées aux tâches de ses postes qui découlent des fonctions propres à ses postes.

[62] M. Adams a témoigné que les normes de santé de la CAT III visent à protéger la santé et le bien‑être de chaque ASF et des autres personnes. Il a témoigné que la CAT III pour les ASF visait à assurer leur capacité d’exécuter les tâches essentielles du poste. Lorsqu’il a été interrogé en contre‑interrogatoire au sujet des exigences particulières en matière de santé et de condition physique pour exercer les fonctions de l’ASF en ce qui concerne les critères comme la pression artérielle et le pouls dans certaines conditions, il a répondu qu’il ne le savait pas.

[63] M. Adams a confirmé que, lorsque le médecin du fonctionnaire a refusé d’approuver sa CAT III, aucun renseignement sur sa santé ou son état de santé n’aurait été mis à la disposition de l’ASFC. Il a également confirmé, tant en interrogatoire principal qu’en contre‑interrogatoire, qu’habituellement, une évaluation de l’aptitude au travail est effectuée dans une situation concernant une mesure d’adaptation pour des raisons médicales, suivie d’une recherche de fonctions adaptées conformes aux limitations fonctionnelles de l’employé. Il a également admis en contre‑interrogatoire que les mesures d’adaptation doivent être un processus individualisé et qu’une évaluation individuelle de l’aptitude au travail devrait être effectuée dans le cadre d’un processus de prise de mesures d’adaptation.

[64] Lorsqu’il a été interrogé en contre‑interrogatoire afin de répondre au sujet des renseignements sur le rapport médical du fonctionnaire et de ses limitations fonctionnelles liées aux fonctions d’application de la loi des ASF, M. Adams a répondu que l’ASFC n’avait pas de renseignements détaillés sur la santé du fonctionnaire, sauf que Santé Canada lui avait dit qu’il avait échoué sa CAT III. Il a ajouté qu’il savait que l’état de santé du fonctionnaire, qui l’empêchait de participer à la formation requise, ne devait pas changer à l’avenir.

[65] Les arguments de clôture de l’employeur au sujet de ce grief portaient sur son argument selon lequel le fonctionnaire n’a pas établi de preuve prima facie de discrimination. Il a souligné les témoignages non contredits de M. Adams et de M. Gilmore selon lesquels ils n’avaient aucune connaissance de l’état de santé du fonctionnaire et ne savaient qu’il avait échoué sa CAT III que parce que Santé Canada leur en avait fait part. Il a ensuite fait valoir que, selon la Directive, le fonctionnaire ne se conformait pas aux exigences de ses fonctions d’ASF, notamment le port d’outils de défense dans un poste d’application de la loi. Par conséquent, il a soutenu que la non‑conformité à la Directive était la raison pour laquelle des fonctions modifiées avaient été attribuées au fonctionnaire.

[66] L’employeur a également invoqué l’appendice G de la convention collective lorsqu’il a fait valoir que les parties avaient prévu la situation du fonctionnaire et qu’il s’était conformé au recours convenu pour lui trouver d’autres tâches. L’employeur a déclaré que l’appendice avait été négocié et signé dans le cadre de la préparation du déploiement des armes de poing pour les ASF. Il énonce ce qui suit :

[…]

Si l’employé‑e ne répond pas aux critères de formation sur les armes à feu et de certification, l’Employeur fera tout effort raisonnable pour lui trouver une possibilité de placement au sein de la fonction publique, s’il s’agit d’un employé‑e embauché avant le 31 août 2007 et si cet employé‑e est apte à la formation et mobile.

If the employee fails to meet the criteria for firearm training and certification, the Employer will make every reasonable effort to find them a placement opportunity within the public service for employees hired prior to August 31, 2007, if the employee is trainable and mobile.

Les parties conviennent d’établir un comité mixte de consultation pour discuter de la stratégie pour le placement des employé‑e‑s embauchés avant le 31 août 2007 qui n’ont pas réussis la formation sur les armes à feu.

The parties agree to establish a joint consultation committee to discuss the strategy for the placement of employees hired prior to August 31, 2007, who are unsuccessful on the firearm training.

[…]

 

[67] L’employeur a ensuite fait remarquer que les mesures qu’il a prises pour s’assurer que le fonctionnaire avait des fonctions adaptées étaient conformes non seulement à l’appendice G de la convention collective, mais également entièrement à la décision de la Cour suprême du Canada dans Hydro‑Québec c. Syndicat des employé‑e‑s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro‑Québec, section locale 2000 (SCFP‑FTQ), 2008 CSC 43, qui énonce ce qui suit :

[…]

[14] Comme le dit la juge L’Heureux‑Dubé, les mesures d’accommodement ont pour but de permettre à l’employé capable de travailler de le faire. En pratique, ceci signifie que l’employeur doit offrir des mesures d’accommodement qui, tout en n’imposant pas à ce dernier de contrainte excessive, permettront à l’employé concerné de fournir sa prestation de travail. L’obligation d’accommodement a pour objet d’empêcher que des personnes par ailleurs aptes ne soient injustement exclues, alors que les conditions de travail pourraient être adaptées sans créer de contrainte excessive.

[…]

 

[68] L’employeur a également fait remarquer que des mesures d’adaptation avaient été prises à l’égard du fonctionnaire relativement au même poste et que ce dernier comportait la plupart de ses mêmes fonctions et, qu’au moins à l’origine, dans plusieurs des mêmes postes au pont Ambassador, à Windsor, où il travaillait avant que ses outils de défense ne soient retirés.

[69] L’employeur a souligné les témoignages du fonctionnaire et de M. Gilmore, qui ont expliqué qu’un ASF travaille à la LIP seulement une heure à la fois, que les ASF occupent régulièrement une série d’autres postes par rotation à l’opération du pont Ambassador, et qu’après une période de plusieurs semaines de ce travail, le fonctionnaire a demandé à être affecté à l’installation de messagerie UPS‑FedEx.

[70] L’employeur a également fait remarquer qu’il jouit des droits de la direction énoncés dans la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F‑11; « LGFP ») prévus aux articles 7 et 11 qui lui permettent d’affecter des employés à des postes et à des tâches qui comprennent la mutation du fonctionnaire d’un poste à un autre dans son lieu de travail.

[71] Dans ses arguments, l’employeur a mis l’accent sur la décision de la Cour suprême du Canada dans Stewart c. Elk Valley Coal Corp., 2017 CSC 30 (« Elk Valley »). L’employeur a affirmé que dans Elk Valley, la Cour a confirmé le licenciement d’un employé qui avait été jugé non conforme à une politique sur les médicaments en milieu de travail. De même, dans le présent cas, il a soutenu qu’il avait retiré les outils de défense du fonctionnaire et l’avait affecté à des fonctions modifiées au sein du même poste en raison de son échec de la CAT III, ce qui avait fait en sorte qu’il soit, selon la Directive, en situation de non‑conformité en ce qui concerne les fonctions d’application de la loi. L’employeur a dit que les mesures qu’il a prises étaient fondées sur la Directive et non la santé du fonctionnaire, telle qu’elle est décrite par l’échec de la CAT III. Cela signifie que la troisième étape du critère de l’arrêt Moore n’est pas satisfaite, ce qui a obligé le fonctionnaire à démontrer que son état de santé ou son incapacité a joué un rôle dans le traitement différentiel et préjudiciable qu’il aurait subi de la part de l’employeur.

[72] L’employeur a également exhorté la Commission à conclure que le fonctionnaire n’avait subi aucun effet préjudiciable du fait qu’il avait retiré ses outils de défense parce qu’il avait dit qu’il avait été traité avec respect et qu’il occupait toujours le même poste au même groupe et au même niveau FB‑03 au même taux de rémunération horaire. Il a également souligné que la perte alléguée d’heures supplémentaires était contestée. Dans ses arguments portant sur la mesure corrective, il a soutenu que le fonctionnaire n’avait subi aucun effet préjudiciable et qu’il ne devrait pas être indemnisé même si la Commission conclut que le processus de prise de mesures d’adaptation est vicié.

[73] En défendant son recours à la CAT III, l’employeur a fait remarquer qu’il avait déjà défendu avec succès la CAT III dans un cas devant la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP), que la Cour fédérale a confirmée dans le cadre d’un contrôle judiciaire portant sur une autre question, dans Lessard‑Gauvin c. Canada (Procureur général), 2018 CF 809. Dans son contrôle de cette affaire, la Cour a examiné une enquête de la CCDP et une décision concernant une personne qui a été rejetée en tant que candidat de l’ASFC en raison de l’échec de la CAT III et a allégué qu’il s’était vu refuser injustement un emploi en raison d’une déficience. La Cour a déclaré ce qui suit :

[…]

[12] D’autre part, l’enquêtrice a examiné la plainte contre l’ASFC sous l’égide de l’article 7 de la LCDP visant le refus de considérer la candidature du demandeur pour des motifs discriminatoires. Elle conclut que l’employeur savait que le demandeur avait échoué l’évaluation médicale de Santé Canada en raison d’une condition médicale. Le motif de rejet était donc discriminatoire à première vue. Toutefois, le refus d’emploi était ancré dans une norme : faire subir aux candidats une évaluation médicale, tel que prescrit par la Norme d’évaluation de santé professionnelle du Secrétariat du Conseil du Trésor [NESP]. C’est Santé Canada qui effectue l’évaluation, conformément aux critères de l’Évaluation médicale de catégorie III, élaborée spécifiquement pour les employés de l’ASFC. Celle‑ci se plie simplement au résultat. L’enquêtrice a conclu que l’ASFC a adopté cette évaluation dans le cadre du processus d’embauche pour des motifs reliés à l’emploi. En raison de la nature de leur poste, les agents de l’ASFC doivent être en bonne condition physique et mentale. Rien n’a été évoqué dans l’enquête laissant croire que cette pratique n’ait pas été adoptée en croyant sincèrement et de bonne foi qu’elle était nécessaire pour atteindre l’objectif lié au travail. Cette évaluation est raisonnablement nécessaire pour assurer l’atteinte de l’objectif. L’ASFC tient d’ailleurs compte des demandes d’accommodement des candidats, mais n’en a reçu aucune du demandeur.

[…]

[15] Dans le cas de Santé Canada, cette norme est d’indiquer qu’un candidat n’a pas rempli les exigences médicales si une condition médicale instable l’empêche d’être évalué. Pour l’ASFC, il s’agit plutôt de ne pas retenir les candidats n’ayant pas obtenu un résultat satisfaisant à l’évaluation médicale. L’enquêtrice a finalement conclu que, dans le cas des deux institutions, l’usage de cette « norme » était justifié selon les trois critères de l’arrêt Meiorin (au para 54), c’est‑à‑dire que la norme a été adoptée dans un but rationnellement lié à l’exécution du travail en cause; que la norme a été adoptée en croyant sincèrement qu’elle était nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail; et enfin que la norme est raisonnablement nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail. Ces conclusions sous chaque élément sont justifiées par un raisonnement approfondi.

[…]

[Je mets en évidence]

 

[74] L’employeur a fait remarquer que la Cour fédérale a fourni particulièrement une analyse détaillée à l’examen du Tribunal canadien des droits de la personne (TCDP) de l’acceptation de la CAT III en tant qu’EPJ, comparée au critère énoncé par la Cour suprême du Canada dans Colombie‑Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3 (« Meiorin »).

[75] Enfin, l’employeur a fait valoir qu’il est essentiel dans le présent cas de souligner qu’en tout temps, le fonctionnaire est demeuré au même groupe et au même niveau FB‑03, qu’il recevait le même taux de rémunération horaire et qu’en fait, des mesures d’adaptation ont été prises à son égard concernant son poste aux postes où il avait régulièrement travaillé au pont Ambassador avant que ses outils de défense ne soient retirés.

[76] Il a fait remarquer que ce n’est que lorsque le fonctionnaire a demandé qu’il soit muté au poste d’UPS‑FedEx plusieurs semaines plus tard qu’il a accepté de quitter le pont Ambassador. Il a soutenu que tout cela était entièrement conforme à ce que la décision Coupal exigeait de lui, décision invoquée par le fonctionnaire.

[77] L’employeur a également souligné les nombreuses autres mesures d’adaptation présentées à la Commission à l’audience qui devraient être distinguées pour traiter avec les employés qui avaient perdu leur emploi et leur revenu ou s’étaient vu refuser un emploi, ce qui, selon lui, n’était pas le cas dans la présente affaire.

C. Réfutation du fonctionnaire

[78] Dans sa réfutation, le fonctionnaire a soutenu que l’appendice G, cité par l’employeur, ne le libérait pas de son obligation de prendre des mesures d’adaptation, conformément à la définition fournie dans les arrêts de la Cour suprême du Canada cités dans la présente décision. Il a fait valoir qu’il est bien établi en droit que les droits de la personne en droit canadien sont quasi constitutionnels et qu’un contrat ne peut pas y porter atteinte.

[79] Le fonctionnaire a également soutenu qu’Elk Valley peut être distinguée en fonction des faits comme traitant d’un sujet très différent, notamment un fonctionnaire s’estimant lésé qui a été jugé capable de se conformer à la politique de la société, mais qui a choisi de ne pas le faire et qui fait l’objet d’une mesure disciplinaire en conséquence.

[80] Le fonctionnaire a également contesté l’allégation de l’employeur selon laquelle il n’avait aucune connaissance de son état de santé. Il a fait valoir que la CAT III échouée donnait en soi à l’employeur des renseignements médicaux à son égard, ce qui constituait manifestement un facteur dans son supposé traitement différentiel et préjudiciable.

[81] Le fonctionnaire a ensuite laissé entendre que le rapport du médecin relatif à la CAT III ne portait que sur la santé et la condition physique du fonctionnaire concernant la formation et qu’il ne traitait pas de sa santé et de sa condition physique concernant ses fonctions d’application de la loi à titre d’ASF.

[82] Le fonctionnaire a ensuite contesté l’argument de l’employeur selon lequel il n’a pas établi de preuve prima facie de discrimination et a dit que si, en fait, il n’existe aucune preuve prima facie de discrimination, alors pourquoi l’employeur a‑t‑il déclaré dans sa preuve documentaire et sa preuve par témoignage qu’il avait pris des mesures d’adaptation à son égard? Il a fait remarquer que l’employeur ne contestait pas s’il avait pris ou non des mesures d’adaptation à son égard.

[83] Le fonctionnaire a de nouveau parlé de la nécessité d’une enquête individualisée sur les limitations, puis sur les mesures d’adaptation, comme il est indiqué dans Meiorin, au par. 65. Il a également déclaré que l’employeur n’avait même pas abordé, ni dans ses éléments de preuve ni dans son argumentation, la question de la contrainte excessive. Il a également soutenu que l’employeur n’avait pas établi que les exigences de santé et de condition physique de la CAT III étaient véritablement requises pour lui permettre d’exercer ses fonctions d’application de la loi à titre d’ASF.

[84] Il a indiqué que l’employeur n’avait pas alors établi, à l’aide d’éléments de preuve, la façon dont les données communiquées par le médecin sur l’indice de masse corporelle (IMC) du fonctionnaire et l’état d’obésité connexe du fonctionnaire étaient liées à une exigence pour la bonne exécution de ses fonctions d’application de la loi à titre d’ASF. Il a dit que tout cela était nécessaire pour appliquer les faits dans le présent cas aux exigences de critères individualisés énoncées au paragraphe 65 de Meiorin.

D. Analyse et motifs

[85] Le fonctionnaire a présenté un recueil très bien préparé de jurisprudence en matière de droits de la personne. Toutefois, dans ces arguments, il n’a guère prêté attention à l’application des faits en litige à la question du fardeau du fonctionnaire d’établir une preuve prima facie de discrimination. Après la conclusion des arguments du fonctionnaire, j’ai demandé à ses avocats de préciser les effets préjudiciables du traitement différentiel dont le fonctionnaire a subi. Les avocats ont répondu que [traduction] « c’était clair et évident » et a réitéré la perte alléguée d’outils de défense, de postes préférés et de possibilités d’heures supplémentaires.

[86] Je prends note du fait que la Commission examine régulièrement de près un fonctionnaire s’estimant lésé qui établit à l’aide d’éléments de preuve qu’il y a subi un effet préjudiciable en raison d’un traitement différentiel lié à un motif de distinction illicite. (Voir, par exemple, Gueye c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2022 CRTESPF 41, au par. 86; McNeil c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2021 CRTESPF 89, au par. 318; Cheung c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2014 CRTEFP 1; Eady c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2019 CRTESPF 71, au par. 10.).

[87] Le fonctionnaire a invoqué plusieurs décisions qui constituent la pierre angulaire des droits de la personne liés à l’emploi au Canada. La plupart d’entre elles visent des employés qui ont perdu leur emploi à la suite d’actes discriminatoires. La perte d’un emploi et de moyens de revenu constitue des conséquences évidentes et considérablement préjudiciables (voir Moore, Meiorin, McGill et Nicol). Toutefois, ce n’est pas le cas dans la présente affaire. Le cas invoqué par le fonctionnaire comportant les faits les plus pertinents à la présente affaire était Coupal.

[88] La décision Coupal traitait de presque les mêmes faits qu’un ASF se voyant attribuer des fonctions modifiées en raison d’un état de santé. Toutefois, Coupal n’a pas abordé directement les mêmes questions que celles dans l’affaire devant moi. Il s’agissait plutôt d’un contrôle judiciaire d’une enquête menée par la CCDP et d’une décision de ne pas renvoyer une plainte au TCDP. La Cour de révision a conclu que les conclusions de cette enquête n’étaient pas étayées par des éléments de preuve. Dans la présente affaire, le fonctionnaire a souligné l’importance de la conclusion de la Cour comme suit :

[…]

[37] Le seul accommodement offert aux agents des douanes incapables de réussir la « formation sur l’usage de la force » consiste essentiellement à les affecter à des postes pour lesquels la désignation des pouvoirs d’agent n’est pas requise. À mon avis, cela modifie de façon importante la description de l’emploi d’agent des douanes. L’enquêteuse ne s’est pas penchée sur la question de savoir si cette « nouvelle norme » est raisonnablement nécessaire et s’il existait d’autres options qui auraient pu permettre aux agents des douanes comme la demanderesse de conserver leur emploi avec les mêmes responsabilités sans que l’ADRC subisse une contrainte excessive.

[38] L’enquêteuse a accepté la position de l’ADRC, d’après laquelle les autres options étaient « opérationnellement infaisables », sans vérifier si la preuve corroborait cette conclusion. Si cette preuve était inexistante, il s’ensuit que l’ADRC ne s’est pas acquittée du fardeau relatif au troisième volet du critère Meiorin et que la plainte n’aurait pas dû être rejetée. Si cette preuve existait, l’enquêteuse ne l’a pas analysée ou considérée. Ce faisant, elle a omis de considérer une preuve fondamentale, ce qui indique qu’elle n’a pas enquêté de façon rigoureuse sur l’existence d’une EPJ. En conséquence, la Commission a violé les règles de l’équité procédurale. La décision sera donc annulée et l’affaire sera renvoyée à la Commission pour qu’elle procède à un nouvel examen conformément aux présents motifs.

[…]

[Je mets en évidence]

 

[89] Même si les avocats du fonctionnaire n’ont pas abordé la question, il aurait été raisonnable de soutenir que les conclusions de la Cour, indiquées en caractères gras, supposent et sous‑entendent avoir conclu que Mme Coupal avait subi un effet défavorable. Toutefois, je constate qu’une conclusion d’un effet défavorable n’a pas été soumise à la Cour dans le cadre du contrôle judiciaire qui a plutôt conclu à une violation de l’équité procédurale.

[90] M. Gilmore a témoigné que le fonctionnaire aurait été affecté pendant au plus une heure à la fois à son poste à la LIP préféré au pont Ambassador. Il a expliqué qu’en raison de l’importance particulière que les agents doivent accorder à ce poste, ils sont mutés par rotation tout au long de leurs quarts pour occuper les divers autres postes en service au poste frontalier afin d’atténuer le risque de fatigue mentale qui pourrait nuire à leur concentration à la LIP.

[91] Il est entendu que je ne suis pas lié par l’opinion de l’enquêteur en matière de droits de la personne mentionnée dans Coupal, qui a déclaré que le fait d’être muté à un nouveau poste d’application de la loi non de première ligne modifie de façon importante la description de travail de l’agent des douanes, et je n’y souscris pas non plus. Autrement, selon les faits dont je suis saisi, il y aurait atteinte, comme l’a fait valoir l’employeur, au droit prévu par la LGFP de gérer le lieu de travail, tout cela pour une situation qui n’a aucune incidence importante sur le fait que le fonctionnaire soit affecté à un poste au même niveau et au même taux de rémunération horaire, où il avait travaillé auparavant pendant la rotation quotidienne expliquée par M. Gilmore. Je fais remarquer que le fonctionnaire a demandé la mutation à l’installation de messagerie qui était à l’extérieur du pont Ambassador où ses autres rotations régulières de postes ont eu lieu.

[92] L’employeur a invoqué Elk Valley en tant qu’autorité pour affirmer que le fonctionnaire a été retiré de son poste préféré en vertu de la politique sur le milieu de travail, et non en raison d’un acte potentiellement discriminatoire liée à un motif illicite.

[93] Malgré le fait que la décision majoritaire rendue dans Elk Valley constitue un triomphe juridique en matière de santé et de sécurité au travail dans ce pays, le fonctionnaire a répondu qu’Elk Valley n’est pas une autorité pertinente dans la présente affaire, car elle peut être distinguée en fonction de ses faits et je souscris à cette réponse.

[94] Ce cas visait un fonctionnaire s’estimant lésé qui avait été jugé avoir la capacité de choisir de se conformer à la politique sur le milieu de travail, ce qui lui a coûté son emploi.

[95] Dans les faits devant moi, le fonctionnaire a tout simplement été jugé inapte à participer à sa formation en milieu de travail parce que son médecin a refusé d’approuver sa CAT III. Par conséquent, le fonctionnaire était automatiquement non conforme à la Directive une fois qu’il a échoué la CAT III. Il n’aurait pas pu choisir de se conformer à la politique sur le milieu de travail, contrairement à l’élément déterminant de la décision majoritaire dans Elk Valley.

[96] À ce stade, je fais remarquer que les éléments de preuve ont clairement établi que, à plusieurs reprises, M. Gilmore, ainsi que le Dr Gary Shapiro de Santé Canada, avaient dit au fonctionnaire que, ce dont il devait être pleinement conscient, il aurait pu demander une deuxième opinion d’un autre médecin pour obtenir l’approbation de sa CAT III. Toutefois, pour des raisons qui n’ont pas été examinées en contre‑interrogatoire, il a choisi de ne pas poursuivre cette option facilement disponible et de réussir éventuellement sa CAT III.

[97] Le fonctionnaire a répondu qu’il avait été muté de son poste de travail préféré uniquement en raison de son âge et de sa santé et qu’il avait subi un stress et une souffrance morale en raison de cette mutation. Il a également soutenu qu’il avait perdu des possibilités d’accomplir des heures supplémentaires. Les deux résultats allégués ont été invoqués en tant qu’effets préjudiciables du fait qu’il avait été traité différemment en raison de son âge et de son état de santé.

[98] Le fonctionnaire a souligné les pièces formées de courriels et de notes de service de l’employeur, y compris le courriel de M. Gilmore du 5 août 2014, dans lequel il a cherché à confirmer avec un collègue que le fonctionnaire ne ferait l’objet d’aucune autre mesure d’adaptation au poste à la LIP. Un courriel qu’il a envoyé deux jours plus tard indiquait également ce qui suit : [traduction] « Conformément au processus concernant tout cas concernant l’OPMA [obligation de prendre des mesures d’adaptation], une entente de mesure d’adaptation décrivant les fonctions modifiées exercées par l’employé devrait être mise en place […]. »

[99] Le témoignage du fonctionnaire portant sur ses 33 années de service exemplaires à titre d’ASF n’a pas été contredit. Il a déclaré qu’il avait été affecté à d’autres postes dans la région de Windsor, y compris le tunnel Detroit‑Windsor, la barge, l’aéroport et l’importante installation de messagerie UPS‑FedEx située à proximité. Je souligne que l’employeur a choisi de ne pas demander si le fonctionnaire a demandé ces nombreux autres postes de travail ou si la direction l’a affecté à ces postes.

[100] Je n’estime pas que la question concernant les communications de l’employeur faisant état de mesures d’adaptation ou de la nécessité d’une entente de mesure d’adaptation permet de déterminer si le fonctionnaire a subi un effet préjudiciable. Il s’agit de questions distinctes.

[101] Encore une fois, pour donner davantage de précisions, les effets préjudiciables subis par les fonctionnaires s’estimant lésés visés par les nombreux cas paradigmatiques en matière de droits de la personne liés à l’emploi au Canada comprennent la perte d’emploi ou le refus d’emploi en raison de la discrimination fondée sur un motif illicite (par exemple, Elk Valley; McGill; British Columbia (Public Service Employee Relations Commission) v. B.C.G.E.U. (Meiorin), 1996 CanLII 20258 (BC LA); Hydro‑Québec).

[102] Dans le présent cas, le fonctionnaire a été muté à un nouveau poste de travail à un lieu au sein du même district du pont Ambassador aux mêmes groupe, niveau et poste et au même taux de rémunération horaire. Il s’est dit déçu lorsque ses outils ont été retirés et a allégué une perte de possibilité de revenu au titre d’heures supplémentaires, ce que je conclus plus loin dans la présente décision, n’est pas étayée par les éléments de preuve déposés à l’audience. Aucune allégation n’a été formulée selon laquelle le fonctionnaire a été humilié ou qu’il a par ailleurs été victime d’un mauvais traitement. En fait, les éléments de preuve établissent que l’ASFC l’a traité avec respect et discrétion pour éviter qu’il ne soit humilié ou embarrassé devant d’autres employés.

[103] Compte tenu de ces conclusions fondées sur les éléments de preuve et de mes conclusions plus loin dans la présente décision, à savoir que le fonctionnaire n’a pas déposé des éléments de preuve clairs et convaincants qui permettent d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était disponible pour des heures supplémentaires et qu’il n’a donc pas subi de perte de revenu en raison de la mutation du poste à la LIP, je conclus qu’il n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, l’existence d’une preuve prima facie de discrimination. Par conséquent, le grief concernant la discrimination est rejeté.

[104] Compte tenu de cette conclusion, les nombreux autres aspects des arguments du fonctionnaire concernant ce grief sont sans objet. Toutefois, par souci de transparence et d’exhaustivité, les aspects les plus pertinents sont abordés brièvement plus loin dans la présente décision pour aborder les conclusions de rechange à celles qui viennent d’être formulées.

IV. Les deux griefs concernant les heures supplémentaires

A. Le grief de septembre 2014

[105] Le grief dans le dossier de la Commission 566‑02‑12323 est daté du 24 septembre 2014. Le fonctionnaire a allégué qu’on ne lui offrait pas d’heures supplémentaires de façon équitable par rapport à ses pairs parce qu’il figurait sur une liste distincte et qu’il était discriminatoire pour l’employeur de remplacer les agents visés par des mesures d’adaptation par d’autres employés lorsque le travail était disponible et qu’il satisfaisait aux mesures d’adaptation des agents.

[106] La valeur de la possibilité présumée de travail supplémentaire et de revenu du fonctionnaire a été bifurquée et doit être laissée aux arguments des parties si le fonctionnaire obtient gain de cause dans l’un de ses griefs concernant les heures supplémentaires ou dans les deux. Toute mention dans la présente décision des heures dues est faite à titre indicatif et n’a pas pour objet de rendre une décision sur les heures dues à titre de mesure corrective.

1. Le témoignage et l’argumentation du fonctionnaire

[107] Le fonctionnaire a souligné ses fonctions modifiées et postes adaptés au pont et plus tard à l’installation UPS‑FedEx et a soutenu qu’il n’avait bénéficié d’aucune possibilité d’heures supplémentaires continue. Dans son témoignage, il a fait une remarque particulière sur ce qu’il a prétendu être ses tentatives répétées et infructueuses de voir les données sur le nombre d’heures supplémentaires travaillées et par qui.

[108] Dans les deux griefs concernant les heures supplémentaires, le fonctionnaire a allégué avoir été victime de discrimination. Toutefois, aucune allégation distincte ni aucun élément de preuve de discrimination n’ont été poursuivis dans l’argumentation portant sur ces deux questions, sauf son allégation manifeste selon laquelle il a été affecté à des fonctions modifiées, ce qui a fait en sorte qu’il perde la possibilité d’heures supplémentaires.

[109] Le 16 septembre 2014, le fonctionnaire a envoyé un courriel à son superviseur, M. Gilmore, et l’a informé qu’en raison de l’amélioration de la santé de son épouse, il pouvait maintenant [traduction] « être inscrit sur une liste des heures supplémentaires » si une telle liste était disponible à son égard. Il a ajouté qu’ils n’avaient pas discuté des heures supplémentaires. M. Gilmore a répondu le même jour, en indiquant qu’il ajouterait le fonctionnaire à la liste des heures supplémentaires, puis ce qui suit : [traduction] « Toutefois, des heures supplémentaires ne vous seront offertes que si le travail offert satisfait à vos mesures d’adaptation […] »

[110] Le fonctionnaire a témoigné qu’après une période de difficultés personnelles importantes liées à un membre de la famille proche gravement malade, les choses se sont améliorées en septembre 2014 et qu’en 2015, il s’est senti beaucoup mieux. Comme je l’ai déjà mentionné, le fonctionnaire a déclaré qu’il avait obtenu un dispositif oral conçu pour améliorer l’effet néfaste de son apnée du sommeil afin de l’aider à dormir. Il a également témoigné qu’il avait manifesté son intérêt pour davantage d’heures supplémentaires en le faisant connaître à son superviseur.

2. Le témoignage et l’argumentation de l’employeur

[111] L’employeur a répondu que le fonctionnaire n’était pas disponible pour les heures supplémentaires à son ancien poste à la LIP, car il n’était plus qualifié pour ce travail. Il a invoqué la clause 28.03a) de la convention collective lorsqu’il a contesté le fait que le fonctionnaire était un employé qualifié et facilement disponible.

[112] Il a fait référence à la clause 28.03a) de la convention collective, qui énonce ce qui suit :

28.03 Attribution du travail supplémentaire

28.03 Assignment of Overtime Work

a) Sous réserve des nécessités du service, l’Employeur s’efforce autant que possible de ne pas prescrire un nombre excessif d’heures supplémentaires et d’offrir le travail supplémentaire de façon équitable entre les employé‑e‑s qualifiés qui sont facilement disponibles.

(a) Subject to operational requirements, the Employer shall make every reasonable effort to avoid excessive overtime and to offer overtime work on an equitable basis among readily available qualified employees.

[…]

[Je souligne]

 

[113] L’employeur a également fait remarquer que les heures supplémentaires pour les employés visés par des mesures d’adaptation doivent satisfaire à leurs limitations fonctionnelles et que cela était impossible à l’égard du fonctionnaire afin de lui permettre de travailler les heures à la LIP, puisqu’il n’avait pas son habilitation médicale CAT III pour les outils de défense.

[114] L’employeur a invoqué la décision de la Commission dans Turcotte c. Conseil du Trésor (ministère de l’Emploi et du Développement social), 2020 CRTESPF 93, qui a déterminé que l’employeur dans cette affaire pouvait invoquer le libellé d’une convention collective semblable en ce qui a trait à la nécessité d’être disponible et qualifié pour un poste afin de chercher une répartition équitable des heures supplémentaires.

[115] L’employeur a également mis l’accent sur la décision de la Commission dans Barbour c. Conseil du Trésor (ministère des Transports), 2018 CRTESPF 80 et a soutenu que le fonctionnaire ne pouvait pas demander le recouvrement d’une possibilité perdue pour laquelle il n’avait pas établi au moyen d’éléments de preuve qu’il avait été facilement disponible pour se présenter et travailler des heures supplémentaires. Barbour a examiné principalement la même clause portant sur les heures supplémentaires que celle figurant à la clause 28.03 de la convention collective, qui énonce que l’employeur s’efforcera autant que possible de répartir les heures supplémentaires de façon équitable entre les employés qualifiés et qui sont facilement disponibles. Voici un extrait de la décision :

[…]

138 En outre, sans renseignements plus précis concernant le type d’heures supplémentaires et où et à quel moment elles étaient disponibles, je ne peux pas accepter une suggestion générale selon laquelle tous les fonctionnaires étaient toujours disponibles. Je n’ai aucune idée si l’un d’entre eux était en congé quelconque ni pendant combien de temps ni à quel moment, pour une raison ou une autre, ils étaient ou n’étaient pas en mesure de faire des heures supplémentaires.

[…]

148 La répartition des heures supplémentaires sur une base équitable ne signifie pas que tout le monde reçoit exactement le même nombre d’heures supplémentaires. Ce qui suit est une description de certains employés :

·ils ont une plus grande capacité de faire des heures supplémentaires que d’autres;

·ils souhaitent faire plus d’heures supplémentaires;

·ils sont toujours disposés à faire des heures supplémentaires;

·ils sont prêts à faire quelques heures supplémentaires, mais pas autant que les autres;

·ils ne souhaitent peut‑être pas faire des heures supplémentaires;

·ils peuvent faire des heures supplémentaires seulement au besoin.

149 En outre, selon l’employé et lorsque les possibilités de faire des heures supplémentaires se produisent, certains employés peuvent avoir plus de possibilités de faire des heures supplémentaires.

150 Je n’ai pratiquement entendu aucun témoignage au sujet des fonctionnaires et de leur disponibilité, à l’exception de M. Hann qui a indiqué qu’ils étaient tous prêts, disposés et aptes à faire des heures supplémentaires. Cependant, selon le peu d’éléments de preuve dont je suis saisi, cela peut être vrai ou non. Étant donné l’absence d’éléments de preuve, il était manifeste qu’ils avaient des problèmes qu’il fallait expliquer.

[…]

[Je souligne]

 

3. Analyse et motifs

[116] Le fonctionnaire s’est présenté à l’audience comme un témoin franc et en tout temps honorable. Toutefois, comme cela sera examiné plus en détail plus loin dans la présente décision, je conclus qu’il est plus probable qu’il ait cru sincèrement, mais à tort, à son état de santé et à sa condition physique excessivement optimistes. Cela était indubitablement motivé par son dévouement sincère et son plaisir à son travail.

[117] Le fonctionnaire a témoigné qu’en juin 2014, son médecin était tellement préoccupé par l’extrême fatigue causée par l’un de ses troubles médicaux qu’il a déclaré que le fonctionnaire ne devait pas travailler d’heures supplémentaires ou les fins de semaine. Le médecin a écrit, dans le rapport sur la CAT III du fonctionnaire, que le fonctionnaire avait un état de santé qui l’avait mené à être [traduction] « extrêmement fatigué ».

[118] Dans la section des commentaires sommaires de cette même pièce et page, le médecin décrit en détail ce qui suit, en date du 18 juin 2014 :

[Traduction]

[…]

M. Andrew Matos est mon patient depuis douze ans. Il a reçu un diagnostic de l’apnée du sommeil en 2001 et a reçu un traitement de VPPC, mais il n’a pas pu tolérer le traitement – il a subi de nombreux ballonnements de GI et d’inconforts et n’a tout simplement pas pu le gérer. Par la suite, il demeure extrêmement fatiguéil m’a montré ses dossiers qui révèlent qu’il a pris 49 « heures de vacances » pour quitter le travail tôt, en raison de la fatigue, au cours de la dernière année. Il a refusé de travailler des heures supplémentaires ou des jours fériés en raison de sa fatigue… Il est incapable d’exercer beaucoup d’activités à la maison lorsqu’il ne travaille pas, il dort plutôt ou se repose beaucoup lorsqu’il ne travaille pas. Par conséquent, il est en surpoids (IMC 33) et a une mauvaise forme physique et se fatigue facilement lors d’une activité minimale… Les analyses sanguines récentes étaient normales. Selon mon avis médical, M. Andrew Matos N’est PAS apte à participer à la formation en armes à feu ou en application de la loi pour les raisons médicales susmentionnées. Je fais remarquer qu’il a 57 ans et qu’il affirme qu’il ne lui reste que deux à trois ans de travail avant de prendre sa retraite. Je N’estime PAS qu’il puisse gérer cette formation.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[119] Le fonctionnaire a reconnu franchement les conclusions de son médecin lorsqu’il a témoigné que son médecin lui avait dit qu’en raison de son extrême fatigue, il n’était pas seulement inapte à participer à sa formation, mais qu’il était également incapable de travailler des heures supplémentaires ou des jours fériés.

[120] Ma conclusion quant à la croyance sincère, mais erronée du fonctionnaire à l’égard de son aptitude au travail est étayée par le témoignage du fonctionnaire susmentionné selon lequel il [traduction] « […] a travaillé autant d’heures supplémentaires qu’il le pouvait » et qu’il y avait toujours des heures supplémentaires disponibles après son quart puisqu’il était bilingue et qu’il y avait toujours un besoin d’agents bilingues en service au poste à la LIP. Cette affirmation selon laquelle il travaillait autant qu’il le pouvait et travaillait implicitement beaucoup d’heures supplémentaires a été contredite par le rapport écrit de son propre médecin.

[121] Malgré la rédaction par son médecin d’un rapport médical qui expliquait en détail la mesure dans laquelle le fonctionnaire était tellement malade qu’il a eu du mal à accomplir un quart normal et qu’il était peu probable que son état de santé s’améliore dans un avenir prévisible, le fonctionnaire a écrit des courriels lui demandant s’il pouvait obtenir des prothèses auditives pour aider à combler son déficit auditif s’il lui permettait de reprendre ses fonctions d’application de la loi avec ses outils de défense. Plus tard, il s’est de nouveau renseigné à ce sujet après avoir obtenu une thérapie pour améliorer son apnée du sommeil.

[122] Je fais remarquer en mettant l’accent sur la conclusion du médecin du fonctionnaire de 12 ans, qui a écrit le 18 juin 2014, [traduction] « […] il demeure extrêmement fatiguéil m’a montré ses dossiers qui révèlent qu’il a pris 49 “heures de vacances” pour quitter le travail tôt, en raison de la fatigue, au cours de la dernière année. Il a refusé de travailler des heures supplémentaires ou des jours fériés en raison de sa fatigue » [je mets en évidence et les passages en évidence le sont dans l’original].

[123] Le 16 septembre 2014, le fonctionnaire a envoyé un courriel à son superviseur, M. Gilmore, et l’a informé qu’en raison de l’amélioration de la santé de son épouse et de sa demande de traitement de son apnée du sommeil pendant cette même période, il était maintenant en mesure [traduction] « d’être inscrit sur une liste des heures supplémentaires » si une était disponible à son égard.

[124] Même s’il est possible que le fonctionnaire ait effectivement connu un rétablissement transformationnel au cours d’une période relativement courte d’environ 13 semaines, je suis enclin à être plus convaincu par la puissante déclaration de son propre médecin qui n’aurait pas pu être plus sans équivoque non seulement au sujet de la santé et de l’aptitude du fonctionnaire à travailler des heures supplémentaires ou des jours fériés, mais également que cet état ne devait pas s’améliorer dans un avenir prévisible.

[125] Le premier grief du fonctionnaire concernant les heures supplémentaires date du 24 septembre 2014. Conformément aux conclusions de son propre médecin que je viens de citer, je conclus, pour les mêmes motifs que ceux exposés par la Commission dans Barbour, que la preuve claire et convaincante dont je suis saisi démontre qu’il est plus probable que non que la santé du fonctionnaire a fait en sorte qu’il était incapable de travailler des heures supplémentaires pendant la période en litige dans le présent grief.

B. Le grief concernant les heures supplémentaires de 2016

[126] Le deuxième grief concernant les heures supplémentaires est traité dans l’ECF, que les parties ont présenté conjointement et utilement à l’audience. Il énonce ce qui suit :

[Traduction]

[…]

38. Le 14 février 2016, le fonctionnaire a présenté le grief individuel numéro 16‑120004 (566‑02‑42117), alléguant que les heures supplémentaires n’étaient pas réparties de façon équitable à UPS et Fedex. Selon les allégations du fonctionnaire, il y avait des heures supplémentaires secrètes qui ne lui étaient jamais offertes, malgré le fait que ses supérieurs ont été informés qu’il souhaitait travailler des heures supplémentaires et qu’il s’agissait d’une discrimination fondée sur l’âge et l’incapacité (onglet 3).

39. Le 4 mai 2016, le grief 16‑120004 (566‑02‑42117) a été accueilli en partie au premier palier. La direction a conclu que les heures supplémentaires n’avaient pas été réparties de façon équitable. Toutefois, la direction a refusé d’indemniser le fonctionnaire en se fondant sur le principe « pas de travail, pas de rémunération ». La direction a également conclu que l’inégalité dans la répartition des heures supplémentaires à UPS et Fedex n’était pas fondée sur la discrimination (onglet 3).

40. Le 7 juillet 2016, le grief 16‑120004 (566‑02‑42117) a été accueilli en partie au deuxième palier. La direction a confirmé que les heures supplémentaires n’avaient pas été réparties de façon équitable. La direction a également maintenu son refus d’indemniser le fonctionnaire en se fondant sur le principe « pas de travail, pas de rémunération ». La direction a également soutenu que l’inégalité dans la répartition des heures supplémentaires à UPS et Fedex n’était pas fondée sur la discrimination (onglet 3).

41. Le 18 août 2016, le grief 16‑120004 (566‑02‑42117) a été accueilli en partie au dernier palier. La direction a confirmé que les heures supplémentaires n’avaient pas été réparties de façon équitable. La direction a également annulé les deux décisions rendues aux paliers précédents en ce qui concerne l’indemnisation. Par conséquent, la direction a indemnisé le fonctionnaire pour 14,50 heures. Toutefois, elle a maintenu la conclusion selon laquelle [traduction] « il n’y avait aucune discrimination » (onglet 3).

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[127] Je fais remarquer que le troisième grief ne comporte aucune allégation de violation de l’article 28 (heures supplémentaires) de la convention collective, mais il comporte plutôt une allégation de violations de l’article 6 (responsabilités de la direction), de l’article 18 (procédure de règlement des griefs) et de l’article 19 (élimination de la discrimination). Dans son grief, il affirme que la situation relative aux heures supplémentaires démontre une discrimination à son égard fondée sur l’âge et l’incapacité.

[128] Malgré le fait le troisième grief est fondé sur ces articles de la convention collective, ses arguments et la réponse de l’employeur à ceux‑ci étaient axés sur les heures contestées qui manquaient, selon le fonctionnaire, de ce que le fonctionnaire affirmait être sa part équitable des heures supplémentaires qui aurait dû lui être offerte. Je fais remarquer, par souci de clarté, que, dans le présent grief, le fonctionnaire n’allègue pas une violation de l’article de la convention collective portant sur les heures supplémentaires.

[129] Lors de la conférence préparatoire à l’audience des parties, dans les arguments écrits et comme il a été confirmé dans les plaidoiries, les avocats du fonctionnaire ont affirmé que le fonctionnaire avait été rémunéré pour 14,5 heures supplémentaires qui auraient dû lui être offertes conformément à la convention collective. Toutefois, il a soutenu que cela n’indique pas exactement une répartition équitable des heures supplémentaires. Il a ajouté qu’il y avait trois postes de l’ASFC au bureau UPS‑FedEx et que pendant les périodes en litige, deux employés en occupaient un de ceux‑ci. Lorsqu’il a calculé la répartition équitable des heures supplémentaires, le fonctionnaire a fait valoir qu’il semble que l’employeur incluait tous les quatre employés au lieu d’examiner le partage entre les trois postes.

[130] Le fonctionnaire a invoqué son témoignage sur la façon dont il avait été en mesure de travailler des heures supplémentaires régulièrement puisqu’il était bilingue, et les ASF bilingues étaient en forte demande à presque chaque quart avant que ses fonctions d’application de la loi ne lui soient retirées. Il a également souligné le fait figurant dans l’ECF que l’ASFC avait accueilli en partie le grief au dossier no 566‑02‑42117, qu’elle avait convenu que [traduction] « les heures supplémentaires n’avaient pas été réparties de façon équitable » et qu’elle lui avait versé une rémunération pour 14,5 heures à titre d’« indemnisation » qui aurait dû lui être offerte conformément à la convention collective.

[131] L’ASFC n’a pas admis l’aspect discriminatoire allégué de ce grief, et le nombre d’heures dues en vertu de celui‑ci est demeuré en litige à l’audience.

[132] Le fonctionnaire a également soutenu que l’employeur n’avait pas tenu compte des possibilités de travailler les jours fériés prévus par la loi, qui attirent les heures supplémentaires. D’après les dossiers fournis, la différence estimée relativement aux heures supplémentaires était inférieure à cinq heures. De plus, 16 jours fériés ont été travaillés, ce qui représente une moyenne de 5,33 jours par employé. Le fonctionnaire n’a travaillé que deux, ce qui signifie que 3,33 jours lui sont dus.

[133] Les avocats de l’employeur ont fait valoir le même objet du grief que le fonctionnaire et n’ont soulevé aucune objection fondée sur le fond du grief.

[134] Le fonctionnaire a invoqué des éléments de preuve sous la forme d’une série de courriels provenant d’Eric Ballermann qui s’est terminée le 18 octobre 2016. Ses courriels indiquent qu’il était le surintendant de la direction générale des opérations de l’ASFC. L’employeur a présenté les courriels en tant que pièce. Le fonctionnaire ne s’y est pas opposé.

[135] M. Ballermann n’a pas été cité à ne témoigner par aucune des parties. La série de courriels comprend des mots de M. Ballermann au fonctionnaire et rend compte des heures supplémentaires attribuées au fonctionnaire et à deux autres ASF. La comptabilité indique que le fonctionnaire a travaillé six heures supplémentaires et 15 heures pendant des jours fériés du 1er octobre 2014 au 31 mars 2016, ce qui représente moins que ce que les deux autres ASF ont travaillé et un peu moins que ce qu’un troisième ASF a travaillé. Tous leurs noms ont été caviardés de la pièce avant l’audience. Le fonctionnaire ne s’y est pas opposé.

[136] Le message de M. Ballermann précise que la comptabilité ne contient pas d’autres renseignements importants, y compris les heures qui ont été offertes, mais qui n’ont obtenu aucune réponse ou qui ont été refusées. Il ajoute par la suite que d’autres dossiers, vraisemblablement liés aux heures supplémentaires du fonctionnaire, ont été « purgés » et n’ont pas été mis à sa disposition.

[137] Cependant, le courriel indique ce qui suit : [traduction] « […] 26.5 heures semblent être en question […] » et, [traduction] « Il s’agit d’heures supplémentaires que je crois que vous travailliez également et disponibles pour travailler. Ces heures auraient dû être offertes et attribuées de façon équitable conformément au contrat et sont remises en question. » Il a ajouté ceci : [traduction] « J’ai aussi rédigé un rapport sur les heures supplémentaires du système d’horaires d’heures supplémentaires de l’ASFC pour toute la période qui indique que des quarts de travail complets vous ont été attribués et que vous les avez refusés. »

[138] M. Ballermann conclut son courriel de comptabilisation en affirmant qu’un fonctionnaire de l’ASFC non désigné est conscient de la nécessité de communiquer avec un surintendant de l’ASFC lorsqu’il attribue des heures supplémentaires. Il affirme qu’il espère avoir une réponse au grief au premier prête la prochaine fois que leurs horaires s’harmoniseront.

[139] Son dernier commentaire anticipe peut‑être le fait (comme on m’a informé) que l’employeur a accueilli l’un des griefs concernant les heures supplémentaires, bien que le fonctionnaire continue de contester le montant du paiement.

[140] À l’appui, le fonctionnaire a invoqué sa déclaration selon laquelle, à cette époque, il avait obtenu des prothèses auditives et un dispositif pour atténuer les effets néfastes de son apnée du sommeil. Il a également témoigné que ses difficultés familiales s’étaient améliorées et qu’ensemble, cela lui a permis l’amélioration de sa santé, ce qui lui a donc permis de travailler des heures supplémentaires en 2015.

[141] Le fonctionnaire a également invoqué le courriel de M. Ballermann, qui énonce ce qui suit : [traduction] « Il s’agit d’heures supplémentaires que je crois que vous travailliez également et disponibles pour travailler. Ces heures auraient dû être offertes et attribuées de façon équitable conformément au contrat et sont remises en question. »

[142] Le 15 juillet 2014, un médecin en santé au travail de Santé Canada a écrit au fonctionnaire et l’a informé qu’il n’avait pas été qualifié en vertu des conditions de la CAT III.

[143] Je prends note des courriels déposés en tant que pièces, qui indiquent que le fonctionnaire a écrit à Santé Canada après que son médecin a refusé d’approuver sa CAT III.

[144] Le 31 juillet 2014, le fonctionnaire a envoyé à Santé Canada le courriel suivant :

[Traduction]

[…] Vous avez déterminé que j’AI ÉCHOUÉ à la partie de ma CAT III concernant l’ouïe. Voici ma question. Si je subis un examen par un audiologiste et que j’obtiens des prothèses auditives, ferais‑je partie de la catégorie « réussite »? Ai‑je échoué uniquement en raison de ma déficience auditive, ou d’autres facteurs également? Je dois savoir ces choses parce qu’ils m’ont retiré mes outils d’application de la loi,

Et maintenant je ne peux plus travailler à une ligne. Veuillez m’en faire part, c’est urgent. Merci de votre courtoisie […]

 

[145] Le Dr Shapiro a répondu au fonctionnaire le 5 août 2014 et a affirmé ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] Dans votre cas, le Dr Paul Loebach a déclaré que vous aviez reçu un diagnostic d’apnée du sommeil en 2001, mais que vous ne pouviez pas tolérer la thérapie VPPC. Par conséquent, vous étiez extrêmement fatigué. Il a également déclaré que vous étiez en surpoids et en mauvaise forme physique. Selon l’avis médical du Dr Loebach, vous n’étiez pas apte à participer à la formation en armes à feu et en application de la loi pour les raisons médicales susmentionnées. Selon le dernier commentaire du Dr Loebach, il n’estimait pas que vous pouviez gérer la formation requise.

À la suite de mes commentaires concernant votre perte auditive, mentionnée dans ma lettre du 15 juillet 2014, j’estime que je pourrais dire sans hésiter que vous auriez probablement satisfait à la norme auditive à l’aide d’examens supplémentaires et éventuellement des prothèses auditives. Par conséquent, la raison pour laquelle vous n’avez pas satisfait aux exigences médicales pour le poste [ASF] était les commentaires du Dr Loebach concernant la formation en armes à feu et en application de la loi et non votre perte auditive.

[…]

 

[146] Le fonctionnaire a ensuite écrit à Santé Canada à nouveau dans une série de courriels en septembre et en octobre 2014. Il l’a informé qu’il avait reçu ses prothèses auditives. Il a également déclaré qu’il souffrait toujours d’apnée du sommeil et qu’il discutait avec son médecin des options pour la gérer. Il a ensuite demandé des directives sur la question de savoir s’il devrait être réévalué en fonction des normes auditives et a demandé les [traduction] « prochaines mesures » qu’il pourrait prendre pour satisfaire aux normes de santé de la CAT III.

[147] Je prends note en particulier du témoignage du fonctionnaire sur l’important point qu’il avait subi son examen physique de la CAT III au bureau de son médecin, conformément aux exigences de la CAT III. Il a témoigné que son médecin lui avait dit qu’aucune personne de plus de 50 ans ne devrait jamais être soumise au stress physique et au risque de préjudice découlant du cours de formation portant sur les TCD. Il a témoigné que son médecin lui avait rappelé une blessure à l’épaule survenue plus tôt à la suite d’une formation antérieure en TCD qui avait été très lente à guérir. Et, enfin, son médecin a dit que le fonctionnaire n’était pas apte à participer à la formation en TCD et qu’il ne signerait pas l’approbation de la CAT III, ce qui était requis.

[148] Le fonctionnaire a ensuite témoigné avec un regard très sombre et résigné sur son visage qu’après que son médecin eut lu les commentaires finaux qui accompagnaient le refus d’approuver sa CAT III, il quitta le bureau [traduction] « se sentant un peu ébloui, ne sachant pas ce qui l’attendait ».

[149] Le fonctionnaire a ajouté qu’il ne souscrivait pas à la conclusion de son médecin de refuser d’approuver son CAT III et à la déclaration de son médecin selon laquelle il n’était pas apte à suivre le cours de formation en TCD, mais qu’il respectait son médecin. Il a ajouté qu’il envisageait de consulter un autre médecin, qui n’aurait pas connu son passé d’avoir été blessé lors du cours de formation en TCD, puis sa voix s’est arrêtée sans conclusion quant à sa décision de ne pas demander le deuxième avis malgré les éléments de preuve qui ont démontré que sa direction et Santé Canada lui avaient dit qu’un deuxième avis et la possibilité connexe de réussir une évaluation de CAT III étaient à sa disposition.

[150] Comme je l’ai déjà mentionné, ce témoignage et le dossier de preuve des pièces, que le fonctionnaire a confirmés de nouveau dans sa preuve de vive voix, m’indiquent qu’il comprenait très sincèrement, mais à tort son bien‑être et son incidence sur sa capacité de travailler.

[151] Je fais également remarquer que la preuve documentaire a permis d’établir clairement que le fonctionnaire connaissait les politiques de l’employeur en ce qui a trait à l’exigence selon laquelle il devait réussir une CAT III avant de pouvoir suivre le cours de formation en TCD, ce qui constituait une condition préalable à sa formation en armes à feu. Le fonctionnaire n’a fourni aucun témoignage selon lequel il ignorait ou ne comprenait pas ces politiques.

[152] Étant donné la description du fonctionnaire de la façon dont il a laissé sa CAT III échouée à son médecin, de la façon dont, dans les semaines qui ont suivi, il a posé des questions à son employeur et à Santé Canada au sujet de l’obtention de prothèses auditives, et de la façon dont il a cherché des options pour obtenir une CAT III approuvée, je dois conclure qu’il comprenait bien sa situation difficile et les conséquences du retrait de ses outils de défense et d’être ensuite muté de son poste préféré. Mais il avait aussi une croyance très sincère, mais erronée, qui était peut‑être un faux sentiment d’optimisme auquel il s’accrochait dans l’espoir d’éviter l’inévitable.

[153] Compte tenu de tous les éléments de preuve dont je suis saisi, je conclus qu’il est plus probable que non que le fonctionnaire a également éprouvé un sentiment d’optimisme tout aussi erroné quant à son bien‑être et à sa disponibilité aux fins des heures supplémentaires.

[154] Je conclus de même que si, comme il l’a témoigné, sa santé s’était améliorée considérablement de 2014 à 2016, il aurait subi une deuxième évaluation médicale de la CAT III de son propre médecin ou d’un autre, ce qui est très probable, il aurait pu revenir à son poste préféré à la LIP après avoir été recertifié, et il aurait pu suivre les cours de formation requis pour récupérer ses outils de défense et recevoir son arme.

[155] Le fonctionnaire a invoqué le courriel provenant de M. Ballermann. Toutefois, je conclus qu’il s’agit d’une norme de preuve moins claire et moins convaincante qu’il n’est nécessaire pour tirer une conclusion de fait.

[156] Le courriel contient des mises en garde indiquant que l’auteur n’a pas accès à tous les dossiers pertinents. Il n’y a pas de renseignements en fonction desquels évaluer sa déclaration suivante : [traduction] « Il s’agit d’heures supplémentaires que je crois que vous travailliez également et disponibles pour travailler. »

[157] Il convient également de noter que le courriel de M. Ballermann énumère les heures comparatives travaillées et indique qu’au cours de la période du 1er octobre 2014 au 31 mars 2016, le fonctionnaire a travaillé un total de six heures supplémentaires (deux heures le 21 décembre et quatre heures le 23 décembre 2015) et qu’il a travaillé deux jours fériés, 7,5 heures chaque fois (le 6 avril et le 11 novembre 2015). Toutefois, aucun autre renseignement n’a été présenté à l’audience quant à la façon dont M. Ballermann savait que le fonctionnaire était disponible pendant la période en litige.

[158] Cela était contraire aux éléments de preuve très clairs et convaincants du médecin du fonctionnaire figurant dans le courriel de juin 2014 qui indiquait que le fonctionnaire était extrêmement fatigué et qu’il ne pouvait pas travailler des heures supplémentaires ou les fins de semaine. Comme je l’ai déjà mentionné, le médecin du fonctionnaire a écrit ce qui suit : [traduction] « […] il est en surpoids (IMC 33) et a une mauvaise forme physique et se fatigue facilement lors d’une activité minimale […] ».

[159] Même si le fonctionnaire a affirmé que l’employeur avait accueilli le deuxième grief concernant les heures supplémentaires au cours de la procédure de règlement des griefs interne, je ne m’appuie pas sur cela en tant que preuve de sa disponibilité dans la présente affaire, étant donné le fait établi en preuve que l’employeur n’avait aucun renseignement sur les détails de la mauvaise santé et de l’aptitude au travail du fonctionnaire.

[160] L’employeur a également répondu à ces griefs dans son argumentation, en affirmant que le fonctionnaire n’était plus qualifié pour travailler à son poste préféré à la LIP, qui avait au moins été utilisé, à l’origine, comme point de repère pour évaluer ce qu’il alléguait être sa possibilité perdue de travailler des heures supplémentaires.

[161] Au contraire, son témoignage et ses pièces m’ont fourni des éléments de preuve clairs et convaincants me permettant de conclure, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’était pas disponible pour travailler des heures supplémentaires au‑delà des quelques heures consignées dans l’ECF figurant dans la réponse de l’employeur au grief de 2016 concernant les heures supplémentaires, étant donné sa mauvaise santé pendant les périodes pertinentes aux présentes affaires.

[162] Je trouve que le fait que le fonctionnaire était malade au début des événements en litige est problématique pour le grief. Il était tellement malade qu’en fait, son médecin a écrit qu’il ne pouvait pas terminer un quart de travail normal de 7,5 heures certains jours et qu’il utilisait des heures de vacances pour quitter le travail tôt. De plus, le médecin ne voyait aucune perspective d’amélioration de sa santé dans un avenir prévisible. Et pourtant, 12 semaines plus tard, le fonctionnaire a demandé à être inscrit de nouveau à la liste d’appel des heures supplémentaires, et très peu de temps après, il a déposé un grief alléguant qu’il ne recevait pas sa part équitable des heures supplémentaires.

[163] Il est possible qu’ensemble, les améliorations du bien‑être du fonctionnaire suffisent à lui permettre de retrouver son énergie, sa vitalité et un meilleur sens de sa condition physique, comme l’a écrit son médecin en juin 2014, que l’IMC du fonctionnaire était si élevé qu’il se qualifiait d’obèse.

[164] Mais au risque de sous‑estimer l’affaire, l’argument du fonctionnaire concernant le fait qu’il s’est vu refuser la possibilité égale de travailler des heures supplémentaires aurait été beaucoup plus solide s’il avait présenté une preuve objective pour réfuter le rapport médical rédigé en termes très énergétiques par son médecin, surtout compte tenu de la réponse de l’employeur au grief à l’arbitrage, à savoir qu’il n’était pas disponible pour d’autres heures supplémentaires.

[165] Les avocats du fonctionnaire ont réfuté cette allégation dans leur argumentation en soulignant l’aveu de l’employeur au dernier palier de la procédure de règlement des griefs qui a confirmé en partie le grief et a reconnu qu’une part équitable des heures supplémentaires liées à son grief de 2016 ne lui avait pas été offerte. L’employeur a continué de contester que la présente affaire n’était pas entachée de discrimination.

[166] Malgré l’absence de questions sur la santé et la disponibilité au travail du fonctionnaire, l’employeur a reconnu cette question en citant la décision de la Commission dans Barbour, lorsqu’il a soutenu que le fonctionnaire ne pouvait pas demander le rétablissement d’une possibilité perdue pour laquelle il n’avait pas établi à l’aide d’éléments de preuve qu’il avait été disponible.

[167] Barbour a examiné principalement la même clause portant sur les heures supplémentaires que celle figurant à la clause 28.03 de la convention collective, qui énonce que l’employeur s’efforcera autant que possible de répartir les heures supplémentaires de façon équitable entre les employés qualifiés et qui sont facilement disponibles. Voici un extrait de la décision :

[…]

138 En outre, sans renseignements plus précis concernant le type d’heures supplémentaires et où et à quel moment elles étaient disponibles, je ne peux pas accepter une suggestion générale selon laquelle tous les fonctionnaires étaient toujours disponibles. Je n’ai aucune idée si l’un d’entre eux était en congé quelconque ni pendant combien de temps ni à quel moment, pour une raison ou une autre, ils étaient ou n’étaient pas en mesure de faire des heures supplémentaires.

[…]

148 La répartition des heures supplémentaires sur une base équitable ne signifie pas que tout le monde reçoit exactement le même nombre d’heures supplémentaires. Ce qui suit est une description de certains employés :

· ils ont une plus grande capacité de faire des heures supplémentaires que d’autres;

· ils souhaitent faire plus d’heures supplémentaires;

· ils sont toujours disposés à faire des heures supplémentaires;

· ils sont prêts à faire quelques heures supplémentaires, mais pas autant que les autres;

· ils ne souhaitent peut‑être pas faire des heures supplémentaires;

· ils peuvent faire des heures supplémentaires seulement au besoin.

149 En outre, selon l’employé et lorsque les possibilités de faire des heures supplémentaires se produisent, certains employés peuvent avoir plus de possibilités de faire des heures supplémentaires.

150 Je n’ai pratiquement entendu aucun témoignage au sujet des fonctionnaires et de leur disponibilité, à l’exception de M. Hann qui a indiqué qu’ils étaient tous prêts, disposés et aptes à faire des heures supplémentaires. Cependant, selon le peu d’éléments de preuve dont je suis saisi, cela peut être vrai ou non. Étant donné l’absence d’éléments de preuve, il était manifeste qu’ils avaient des problèmes qu’il fallait expliquer.

[…]

[Je mets en évidence]

 

[168] Afin de parvenir à cette conclusion, j’accorde une importance à la preuve non contredite que l’ASFC n’avait pas accès aux nombreux renseignements convaincants sur la santé du fonctionnaire tels qu’ils ont été rédigés par son médecin et qu’elle ne connaissait pas ces nombreux détails convaincants.

[169] Le médecin n’aurait pas pu être plus clair ou plus catégorique que le fonctionnaire n’était pas en mesure de travailler et, qu’en fait, ne devrait pas travailler d’heures supplémentaires ou de jours fériés et qu’en fait, en juin 2014, il avait au moins du mal à travailler un quart régulier en raison de sa mauvaise santé. Même si le fonctionnaire a dit qu’il se sentait mieux à l’automne 2014, que la maladie grave de son épouse s’était améliorée et qu’à un moment donné, il avait obtenu une thérapie pour améliorer son apnée du sommeil, je trouve troublant que, malgré son sentiment de bien‑être déclaré, il n’a pas procédé à l’obtention d’un nouvel avis médical, qui aurait très bien pu le voir réussir sa CAT III et obtenir la formation nécessaire pour revenir à son poste d’application de la loi préféré à la LIP.

[170] Le médecin est allé plus loin et a déclaré que, pour les raisons exposées dans le rapport, le fonctionnaire n’avait pas été en mesure de travailler des heures supplémentaires ou des vacances en raison de son extrême fatigue. De plus, le rapport du médecin indiquait que le fonctionnaire lui avait dit qu’il avait utilisé 49 heures de congé annuel au cours de la dernière année afin de pouvoir quitter le travail tôt parce qu’il était trop fatigué pour terminer ses quarts normaux.

[171] Le fonctionnaire a confirmé tous ces points dans son témoignage, dans lequel il a franchement abordé la même conclusion que son médecin et a dit que son médecin avait dit qu’il ne pouvait pas travailler d’heures supplémentaires ou de jours fériés de façon prospective. De plus, le fait cité précédemment que son médecin a conclu que l’état de santé ne changerait probablement pas dans un avenir prévisible.

[172] Cela m’amène à conclure qu’il est plus probable que non que la santé du fonctionnaire continue de le limiter quant au nombre d’heures et de jours de repos pendant lesquels il pouvait accepter des affectations supplémentaires, mais que l’employeur ne le savait pas. Cela l’a amenée à payer les 14,5 heures simplement en fonction de comparaisons avec d’autres ASF.

[173] Étant donné que la preuve non contredite indiquait que l’ASFC et ses gestionnaires ne connaissaient pas et n’auraient pas pu connaître les détails de l’évaluation médicale du fonctionnaire et de la CAT III qui en a découlée, j’accepte le fait que le choix de l’employeur de faire droit au grief concernant les heures supplémentaires de 2016 est déterminant de l’affaire dont je suis saisi.

[174] L’employeur a choisi de faire droit au grief de 2016 concernant les heures supplémentaires et de payer au fonctionnaire 14,50 heures supplémentaires en fonction de ce qu’il a convenu constituer une affectation inéquitable des heures supplémentaires. La preuve dans le présent cas exige que je conclue que, selon la prépondérance des probabilités, l’employeur n’était pas au courant des problèmes de santé du fonctionnaire.

[175] Et pourtant, il a contesté son retrait de son poste à la LIP et a demandé à titre de mesure corrective que le retrait cesse et qu’il soit autorisé à réaliser pleinement sa carrière d’une durée indéterminée. Après avoir indiqué à quel point il voulait revenir à son poste d’application de la loi à la LIP, où il préfère travailler, et déclaré qu’il avait le choix d’effectuer des heures supplémentaires presque quotidiennement, il n’a rien fait pour obtenir un nouveau rapport médical qui aurait pu lui permettre de suivre la formation en TCD, de reprendre ses outils de défense et de retourner à ses fonctions régulières. À l’audience, je n’ai entendu aucun témoignage du fonctionnaire qui a précisé cette réduction apparente de ses objectifs et qui a décidé de se contenter de régler quelques heures supplémentaires au lieu de l’UPS‑FedEx.

[176] Je reconnais la preuve tirée du courriel de M. Ballermann selon laquelle le fonctionnaire a travaillé six heures supplémentaires plus deux jours fériés de 7,5 heures. Toutefois, cela n’influe pas sur ma conclusion parce que, comme je viens de l’expliquer, si le fonctionnaire avait vraiment retrouvé sa santé et son énergie, il me semble qu’il aurait probablement cherché à obtenir un nouvel avis médical dans l’espoir de réussir sa CAT III et de reprendre son travail d’application de la loi à la LIP tant recherché plutôt que d’accepter des heures supplémentaires à l’établissement de messagerie UPS‑FedEx.

[177] Je fais également remarquer que, d’après les éléments de preuve, je ne peux conclure que l’allégation du fonctionnaire de discrimination fondée sur un motif illicite a eu une incidence quelconque sur la répartition des heures supplémentaires à l’installation UPS‑FedEx. Au contraire, son témoignage a clairement établi qu’un comportement contraire à l’éthique qui n’a été exploré par aucune des parties dans le cadre de son interrogatoire a fait en sorte qu’il perde la faveur du gestionnaire de l’installation. Il a témoigné qu’on lui avait dit que s’il coopérait davantage avec le gestionnaire d’UPS‑FedEx non désigné, on lui attribuerait plus d’heures supplémentaires. Cela l’a beaucoup préoccupé, à tel point qu’il a cherché des services de counseling.

[178] Tout cela s’est produit à l’hiver 2016, environ 1,5 an après l’échec de sa CAT III et le retrait de ses outils de défense. Même s’il semble clair qu’il était justifié de faire appel à ses gestionnaires de l’ASFC à remplir leurs fonctions appropriées pour attribuer les heures supplémentaires aux ASF, aucune de ces mesures ne déclenche un motif de distinction illicite.

[179] Compte tenu de ce que j’ai consigné comme de sérieux doutes quant à l’amélioration de la santé et de la condition physique du fonctionnaire, ce qui a rendu plus improbable qu’il était disponible pour plus d’heures supplémentaires qu’on lui avait attribué et qu’il avait travaillé, et l’absence d’éléments de preuve permettant d’établir un lien entre ses préoccupations concernant la répartition inéquitable des heures supplémentaires, je conclus que le fonctionnaire ne s’est pas acquitté de son fardeau de la preuve dans son grief concernant les heures supplémentaires de 2016.

V. À titre subsidiaire

[180] Si je me trompe dans ma conclusion selon laquelle le fonctionnaire n’a pas établi une preuve prima facie de discrimination, j’invoquerais alors les conclusions de la CCDP pour maintenir le contrôle judiciaire de la Cour fédérale dans Lessard‑Gauvin et je conclurais que la CAT III satisfaisait aux exigences énoncées par la Cour suprême du Canada dans Meiorin et qu’il s’agit d’une EPJ. Comme je l’ai mentionné plus tôt dans Coupal, le présent cas n’a pas abordé directement la question à l’étude, mais, contrairement à Coupal, je souscris à la conclusion de l’enquêteur en matière de droits de la personne dans Lessard‑Gauvin.

[181] Le témoignage non contredit de M. Gilmore, qui s’est penché sur la fréquence des incidents et des arrestations impliquant des contacts et un recours à la force, fournit une preuve claire et convaincante de la nécessité pour les agents de première ligne de posséder un niveau de condition physique et de capacité à protéger leur propre bien‑être et celui de leurs clients pendant ces incidents difficiles. Il a dit que des arrestations ont lieu quotidiennement et que les incidents de recours à la force surviennent tous les mois dans le district. Il peut s’agir d’un ASF qui met une personne dans une serrure de poignet pour la maîtriser, qui vaporise le gaz OC (poivre), qui utilise un bâton, qui applique des menottes et qui vise son arme de poing ou qui la sort de l’étui à pistolet et la place à la position basse et d’état prêt. Il a ajouté que toutes ces situations sont très dynamiques et que l’ASF ou le client peut tomber ou être mis au sol et parfois participé à un combat de corps à corps.

[182] Je préfère ce témoignage, car il indique plus fidèlement la nécessité d’une aptitude au travail et des outils de défense plutôt que le point de vue du fonctionnaire exprimé dans son témoignage selon lequel il n’avait jamais utilisé ses outils de défense et n’estimait pas qu’il était nécessaire de les utiliser.

[183] Toutefois, comme le fonctionnaire a soutenu en réfutation, l’argument de l’employeur échouerait parce qu’il a négligé de présenter des éléments de preuve devant moi pour établir ses arguments relatifs à la contrainte excessive pour surmonter la raison pour laquelle il a refusé de procéder à une évaluation individualisée des limitations fonctionnelles du fonctionnaire et pour chercher des mesures d’adaptation à son égard plutôt que d’appliquer simplement et automatiquement une politique et de le muter à un poste adapté.

[184] L’employeur estimait qu’il pouvait invoquer l’appendice G de la convention collective, qu’il négociait de bonne foi avec l’agent négociateur pour accompagner la mise en œuvre de l’initiative d’armement. Toutefois, j’accepterais sa réfutation selon laquelle la jurisprudence a clairement établi qu’on ne peut déroger des droits de la personne en vertu d’un contrat.

[185] En ce qui a trait à l’octroi de dommages‑intérêts pour violation de la clause d’élimination de la discrimination de la convention collective, encore une fois, subsidiairement à mes conclusions, le fonctionnaire a soutenu qu’il avait subi un préjudice à sa dignité et a fait remarquer qu’il avait assisté à des séances de counseling pour chercher à résoudre sa frustration et d’être très contrarié par sa situation à la fin de 2015 et qu’il estimait qu’il a été obligé de prendre sa retraite anticipée. Il a demandé une indemnité maximale de 20 000 $ en vertu de chacun des deux chefs d’indemnisation en vertu de la LCDP.

[186] Le fonctionnaire a souligné la décision de la Commission dans Nicol, qui a conclu comme suit :

[…]

[153] Quant à l’alinéa 53(2)e) de la LCDP, la jurisprudence sur laquelle se sont appuyées les parties a démontré que la preuve dans chaque cas mène à une variété d’indemnités pécuniaires. Chaque cas est différent en ce qui a trait aux montants octroyés en raison de la capacité du plaignant d’aller de l’avant, mais le fonctionnaire dans la présente affaire a perdu cette possibilité en raison de son départ à la retraite pour des raisons médicales. Il devrait recevoir l’indemnité pécuniaire maximale en raison des répercussions à long terme pour lui. Les circonstances font en sorte qu’il est impossible de remédier à la situation autrement que financièrement.

[154] Au fil des ans, les médecins ont indiqué que le fait de retarder continuellement la prise de mesures d’adaptation à l’égard du fonctionnaire accroîtrait la gravité de sa maladie, qui s’est accrue au point de causer un trouble de stress posttraumatique. Si l’employeur l’avait autorisé à retourner au travail en prenant des mesures d’adaptation, le fonctionnaire aurait pu avoir accès à des prestations du régime d’assurance‑invalidité de longue durée, qui sont plus élevées que les prestations de retraite pour raisons médicales. Il aurait pu continuer à être un employé productif pendant de nombreuses années, comme le laisse supposer la preuve. Au lieu de cela, il a passé près de quatre ans, sans revenu ou soutien, à tenter de faire en sorte que son employeur élimine les obstacles en milieu de travail pour lui permettre d’effectuer un retour au travail. La preuve présentée par le fonctionnaire, son père et ses médecins a établi qu’il a considérablement souffert pendant cette période. Son état de santé s’est détérioré au point de causer un trouble de stress posttraumatique. « Désespérée » est le seul adjectif qui convient pour décrire sa situation financière; il a emprunté de l’argent à sa famille, a augmenté le solde de sa carte de crédit et il a offert sa maison en garantie pour un emprunt. Il a envisagé de se suicider. Il est devenu de plus en plus dysfonctionnel dans un environnement social.

[155] J’accorde une somme de 20 000 $ pour le préjudice moral, attribuable à la discrimination et aux préjudices psychologiques et physiques qu’a soufferts le fonctionnaire et qu’il continuera à souffrir en raison de la négligence de l’employeur et de son incapacité à corriger la situation pendant ce qui aurait dû être ses années normales de préretraite.

[…]

 

[187] Le fonctionnaire a également cité Johnstone c. l’Agence des services frontaliers du Canada, 2010 TCDP 20 (contrôle judiciaire accueilli en partie – concernant les recours, confirmé en partie dans Canada (Procureur général) c. Johnstone, 2013 CF 113; le TCDP a conclu ce qui suit :

[…]

[10] Mme Johnstone soutient que les politiques de l’ASFC l’ont forcée à accepter un statut à temps partiel à son retour au travail après un congé de maternité pour chacun de ses deux enfants, l’obligeant ainsi à travailler moins que le nombre d’heures qu’elle pouvait et voulait travailler, entraînant ainsi une perte d’avantages qui sont offerts aux employés à temps plein, y compris des avantages prévus par sa convention collective et son droit à pension en vertu de la Loi sur la pension de la fonction publique.

[…]

[376] Le témoignage de Mme Johnstone a clairement montré qu’elle a subi un préjudice sur les plans de sa personne, de sa confiance personnelle et professionnelle et de sa réputation professionnelle, découlant de la discrimination qui a entraîné la présente plainte.

[377] Mme Johnstone a témoigné qu’elle se sentait embarrassée par le fait qu’on la qualifiait de dossier [Traduction] de droits de la personne et qu’elle a été bouleversée par la façon arbitraire dont on l’a traitée malgré tous les efforts qu’elle a déployés pour trouver une façon de créer un équilibre fonctionnel entre le travail qu’elle dit vraiment aimer et ses jeunes enfants.

[378] J’accorde à Mme Johnstone 15 000 $ sous cette rubrique, conformément à l’alinéa 53(2)e) de la LCDP.

[…]

[380] Le Tribunal conclut que l’ASFC, en ne tenant pas compte des nombreux efforts externes et internes visant à apporter un changement à ces politiques quant aux mesures d’accommodement pour la situation de famille, a délibérément refusé la protection à ceux qui en avaient besoin.

[381] Le manque d’effort et de souci de l’ASFC et de ses prédécesseurs a pris plusieurs formes au cours des années, y compris : le fait qu’elle n’a pas tenu compte de la décision Brown après avoir écrit la lettre d’excuses; le fait d’avoir élaboré une ébauche de politique et de l’avoir fait disparaître (certains gestionnaires étaient au courant, d’autres pas); l’application des politiques arbitraires non écrites et appliquées de façon non uniforme; le manque de formation en matière de droits de la personne, même au niveau de la haute direction; la présentation de l’argument de l’avalanche des demandes cinq ans après le dépôt de la plainte, en plus du fait que l’intimée n’a pas donné suffisamment de temps et de données à son expert pour lui permettre de présenter un avis d’expert utile; le fait que personne n’a tenté de demander à Mme Johnstone quelle était sa situation particulière ou de l’aviser des options qui lui permettraient de combler ses besoins.

[382] Compte tenu de toutes les circonstances en l’espèce, le Tribunal accorde à Mme Johnstone 20 000 $ sous cette rubrique. Le comportement de l’ASFC a été délibéré et inconsidéré, ne tenant pas compte de la situation de Mme Johnstone et refusant d’admettre que l’ASFC avait une obligation d’accommodement pour la situation de famille découlant des responsabilités parentales comme celles de Mme Johnstone.

[…]

 

[188] Le fonctionnaire a ajouté que, à la lumière de Johnstone, Brown c. Canada (ministère du Revenu national), 1993 CanLII 683 (TCDP) (tel que cité dans Johnstone), puis Coupal, la présente affaire permet d’établir que l’ASFC a un mépris délibéré et inconsidéré relativement aux droits de la personne de ses employés et doit être reprochée à cet égard.

[189] J’estime que la décision citée par les parties ont citée qui ressemble le plus aux faits du présent cas a été déposée par l’employeur, soit Besner c. Sous‑minitre de Ressources humaines et Développement des compétences, 2014 TDFP 2, qui, selon l’employeur, ressemblait beaucoup aux faits du présent cas, en ce sens qu’elle décrit un montant très modeste pour le préjudice subi par la fonctionnaire s’estimant lésée. La décision énonce ce qui suit :

[…]

72 Bien que l’article 53(2)e) de la LCDP confère au Tribunal le pouvoir discrétionnaire d’accorder cette réparation lorsqu’une plainte est accueillie, son pouvoir discrétionnaire doit être exercé de façon judicieuse et à la lumière de tous les éléments de preuve dont le Tribunal est saisi. Voir la décision Commission canadienne des droits de la personne c. Dumont, 2002 CFPI 1280 (CanLII), para. 14. En l’espèce, la plaignante n’a fourni aucun élément de preuve détaillé pour appuyer la demande d’indemnisation qu’elle a présenté en vertu de l’article 53(2)e) de la LCDP, outre qu’elle a affirmé de façon générale qu’elle se sentait stressée et frustrée d’avoir été mise en disponibilité; elle n’a pas expliqué davantage en quoi consistait le préjudice moral qu’elle a subi. La plaignante est partie en congé de maladie prolongé après la tenue du processus de SMPMD. Bien que le stress ait pu être un facteur ayant contribué à son état de santé après le processus, le Tribunal ne dispose pas de suffisamment d’éléments de preuve pour tirer cette conclusion.

[…]

 

[190] De même, le fonctionnaire dans la présente affaire a témoigné avoir éprouvé une souffrance morale et une frustration à l’égard de son retrait de son poste préféré à la LIP. Les éléments de preuve indiquent qu’il a assisté à une séance de counseling très tard en 2015, puis à quatre autres au début de 2016. Il a témoigné que toute l’affaire lui a causé une telle frustration et une telle perte de jouissance de sa carrière qu’il se sentait obligé de prendre sa retraite anticipée. Il n’a subi aucune perte de son revenu régulier et a toujours été traité avec respect.

[191] Aucun élément de preuve n’a été déposé à l’audience qui laisserait entendre des maladies à plus long terme au‑delà de ce qui a été indiqué, sauf lui qui a témoigné qu’il avait été forcé de prendre sa retraite anticipée en raison du stress et de la déception que ces questions lui causaient.

[192] Toutefois, l’employeur a répondu à cet argument et a souligné son rapport médical sur la CAT III de juin 2014, dans lequel son médecin a écrit ce qui suit : « qu’il a 57 ans et qu’il affirme qu’il ne lui reste que deux à trois ans de travail avant de prendre sa retraite. Je N’estime PAS qu’il puisse gérer cette formation. »

[193] Je ne peux attribuer à un employé qui a connu une carrière relativement complète entre 1981 et 2016 un préjudice important lié à la souffrance relativement à une retraite anticipée, tel qu’énoncé sous la rubrique d’indemnisation de la LCDP.

[194] Encore une fois, je fais remarquer les nombreux problèmes de santé détaillés auxquels le fonctionnaire a été confronté, y compris sa « fatigue extrême », que son médecin a indiquée en 2014, comme remettant en question le nombre d’années supplémentaires qu’il aurait effectivement travaillé si aucun des événements qui ont fait l’objet de l’audience n’avait eu lieu.

[195] J’accepte les arguments de l’employeur selon lesquels le fonctionnaire n’a subi aucun préjudice, ou au pire très peu de préjudices, et, à titre subsidiaire, si je me trompe dans ma conclusion sur la question de la preuve prima facie de discrimination, j’accorde un montant nominal de 1 000 $ en vertu de l’al. 53(2)e) de la LCDP pour tout préjudice moral qu’il a subi à la suite de l’acte discriminatoire.

[196] Je distingue Nicol en fonction de ses faits, car le fonctionnaire a subi un préjudice beaucoup plus grave pendant une période plus longue par rapport aux éléments de preuve déposés dans le présent cas.

[197] Je distingue également Johnstone en fonction de ses faits, comme l’affaire dont la CCDP a été saisie, à l’égard d’une fonctionnaire s’estimant lésée qui a été jugée vivre une situation familiale très difficile avec de jeunes enfants et des parents qui travaillaient, malgré ses efforts pour organiser ses quarts de travail d’une manière qui lui aurait permis de bénéficier de mesures d’adaptation fondées sur sa situation familiale. Les faits dans le présent cas diffèrent, car le fonctionnaire n’a subi aucune perte de statut à temps plein et de son taux de rémunération horaire régulier et n’a allégué aucune perturbation de sa vie autre qu’une perte présumée de possibilités d’heures supplémentaires, ce que j’ai constaté n’a pas été étayée par ses éléments de preuve, car il n’a pas démontré qu’il était disponible pendant les périodes pertinentes.

[198] Lorsque j’ai demandé à l’avocate du fonctionnaire de formuler des commentaires son argument selon lequel le fonctionnaire était dû une indemnité de 40 000 $ en vertu de la LCDP, j’ai rappelé à l’avocate que cela serait égal à ce que Mme Doro a reçu après avoir subi un harcèlement sexuel terrible de la part de son superviseur au travail et après les heures de travail, comme il l’a suivie chez elle.

[199] Mme Doro a été obligée de cesser de travailler pendant environ 18 mois et de prendre un congé de maladie pour raisons de stress et d’anxiété, car elle craignait pour sa sécurité en raison du harcèlement quotidien au travail, même après avoir déposé une plainte officielle auprès de la haute direction. L’avocat de la fonctionnaire s’estimant lésée a judicieusement soutenu que Mme Doro méritait beaucoup plus.

[200] Je rejette la demande d’indemnisation spéciale en vertu du par. 53(3) de la LCDP parce que l’employeur se serait livré à une pratique discriminatoire de façon délibérée et inconsidérée en vertu de la LCDP, étant donné que rien n’était délibéré, inconsidéré ou intentionnel quant à la façon dont il abordait l’ensemble de la situation concernant le fonctionnaire. Il a plutôt déployé des efforts en vue de prendre des mesures d’adaptation avec lui et son agent négociateur. De plus, il estimait qu’il pouvait invoquer les dispositions connexes de l’appendice G de la convention collective, qui avaient été négociées de bonne foi avec l’agent négociateur.

[201] Fait important, je fais également remarquer qu’en ce qui concerne les deux en‑têtes de la LCDP concernant les dommages‑intérêts, que j’ai conclu qu’en tout temps, le fonctionnaire a été traité avec respect et qu’on a pris soin de préserver sa dignité et d’éviter de lui faire honte par des conversations ou des avis imprudents donnés devant d’autres membres du personnel. Tel que je l’ai déjà mentionné, le fonctionnaire a écrit à son superviseur pour le remercier de l’avoir bien traité tout au long du processus de réunion en l’informant qu’il avait échoué la CAT III et qu’il devait être affecté à un poste comportant des fonctions modifiées.

VI. Ordonnance de mise sous scellé

[202] Le fonctionnaire a demandé que les documents suivants fassent l’objet d’une ordonnance de mise sous scellés : L’employeur ne s’est pas opposé à sa demande :

· Recueil conjoint de documents – Volume I : onglets 17, 25, 28, 30, 32 et 47;

· Recueil de documents supplémentaires pour l’agent négociateur : onglets 1, 2, 3, 4, 6, 7 et 10.

 

[203] Tous ces documents contiennent des renseignements personnels et de nature délicate. Un est lié à la famille du fonctionnaire. Les autres contiennent des renseignements très détaillés et personnels à l’égard du fonctionnaire.

[204] J’accepte la demande incontestée du fonctionnaire et j’ordonne la mise sous scellés des pièces énumérées.

[205] Après la conclusion de l’audience dans le présent cas, la Cour suprême du Canada a rendu Sherman (Succession) c. Donovan, 2021 CSC 25, dans laquelle le critère relatif au principe de la publicité des débats judiciaires a été reformulé. Au paragraphe 38, la Cour suprême du Canada a établi le critère comme suit :

[38] […] Pour obtenir gain de cause, la personne qui demande au tribunal d’exercer son pouvoir discrétionnaire de façon à limiter la présomption de publicité doit établir que :

1) la publicité des débats judiciaires pose un risque sérieux pour un intérêt public important;

2) l’ordonnance sollicitée est nécessaire pour écarter ce risque sérieux pour l’intérêt mis en évidence, car d’autres mesures raisonnables ne permettront pas d’écarter ce risque; et

3) du point de vue de la proportionnalité, les avantages de l’ordonnance l’emportent sur ses effets négatifs.

[…]

 

[206] Dans Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41, la Cour suprême du Canada a énoncé au par. 36 que le lien entre la publicité des débats et la liberté d’expression a été fermement établi. La Commission a reconnu par sa jurisprudence que le droit à la liberté d’expression comprend l’intérêt public important dans les procédures ouvertes de la Commission.

[207] Dans certains cas, il convient de limiter la publicité des débats des procédures de la Commission afin d’assurer la confidentialité des éléments de preuve afin de protéger la vie privée d’une personne. La protection des renseignements personnels peut constituer une exception au principe de la publicité des débats aux fins du critère, à savoir la protection de renseignements personnels de nature très délicate qui touchent la base biographique d’une personne et entraîneraient non seulement un malaise ou un embarras, mais également un affront à la dignité de la personne touchée.

[208] Les questions médicales et d’autres questions personnelles ayant trait à l’audience et à la compréhension de la présente décision ont été décrites dans les pages de la présente décision. En règle générale, la Commission est extrêmement prudente pour ne pas divulguer de renseignements personnels comme des renseignements médicaux détaillés. Toutefois, certaines parties de la présente décision reposent en grande partie sur ces mêmes détails, et une bonne administration de la justice exige la transparence pour rendre la présente décision.

[209] Autrement, le maintien de la publicité des débats relativement aux autres renseignements personnels de nature délicate dans les documents que le fonctionnaire a demandé d’être mis sous scellés n’est pas nécessaire pour une bonne administration de la justice et constitue un risque sérieux pour sa vie privée. L’importance de protéger ces autres renseignements personnels de nature très délicate l’emporte sur le droit à la liberté d’expression et l’intérêt public important dans les procédures judiciaires publiques.

[210] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VII. Ordonnance

[211] J’ordonne que les trois griefs soient rejetés.

[212] J’ordonne la mise sous scellés de la pièce E‑1, onglets 17, 25, 28, 30, 32 et 47, et de la pièce BA‑1, onglets 1, 2, 3, 4, 6, 7 et 10.

Le 3 août 2023.

Traduction de la CRTESPF

Bryan R. Gray,

une formation de la Commission des relations de

travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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