Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

Conformément à l’article 13 de la Loi, le plaignant a allégué que le défendeur n’avait pas mis à effet une décision d’une arbitre de grief concernant la production de deux courriels dans le contexte d’un grief – lorsqu’elle a ordonné la production des courriels, l’arbitre de grief a rejeté l’argument du défendeur selon lequel les courriels étaient protégés par le privilège parlementaire – le défendeur ne les a pas produits à la date limite fixée par l’arbitre de grief, mais il a fait valoir que la plainte était prématurée parce que le Sénat du Canada n’avait pas encore examiné l’ordonnance, car il ne siégeait pas à ce moment-là – selon le défendeur, seul le Sénat peut autoriser la communication de documents à l’égard desquels le privilège parlementaire a été revendiqué – la Commission a conclu que la plainte n’était pas prématurée et que le défendeur n’avait pas mis à effet l’ordonnance de production – il n’était pas garanti que les documents seraient produits et on ignorait la date à laquelle le Sénat aurait pu rendre sa décision en ce qui concerne la production des courriels – en vertu du paragraphe 13(2) de la Loi, le défendeur avait jusqu’au 5 septembre 2023 pour mettre à effet l’ordonnance de production.

Plainte accueillie.

Contenu de la décision

Date : 20230830

Dossier : 461-SC-47953

 

Référence : 2023 CRTESPF 80

 

Loi sur la Commission

des relations de travail et de

l’emploi dans le secteur public

fédéral et Loi sur les relations de

travail au Parlement

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations de

travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

DARSHAN SINGH

 

plaignant

 

et

 

SÉNAT DU CANADA

 

défendeur

Répertorié

Singh c. Sénat du Canada

Affaire concernant une plainte présentée en vertu de l’article 13 de la Loi sur les relations de travail au Parlement

Devant : Edith Bramwell, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant : Paul Champ et Bijon Roy, avocats

Pour le défendeur : George G. Vuicic et Nigel McKechnie, avocats

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés les 2, 14 et 15 août 2023.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Plainte devant la Commission

[1] L’alinéa 13(1)c) de la Loi sur les relations de travail au Parlement (L.R.C. (1985), ch. 33 (2e suppl.); la « Loi ») prévoit que la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle l’employeur ou une personne agissant pour le compte de celui-là n’a pas mis à effet une décision d’un arbitre sur un grief.

[2] Le plaignant, Darshan Singh, a renvoyé un grief à l’arbitrage en vertu de l’article 63 de la Loi. Dans le cadre de l’arbitrage de ce grief, le 5 juillet 2023, le défendeur, le Sénat du Canada, a reçu l’ordre de produire deux courriels au plaignant. Conformément à l’article 66.1 de la Loi, l’arbitre est investi du pouvoir d’obliger, en tout état de cause, toute personne à produire les documents ou pièces qui peuvent être liés à toute question dont il est saisi (voir aussi l’alinéa 20f) de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365)).

[3] Lorsqu’elle a ordonné la production des courriels, la présente formation de la Commission, agissant à titre d’arbitre, a rejeté l’argument du défendeur selon lequel les deux courriels en question sont protégés par le privilège parlementaire. Le défendeur a reçu l’ordre de les remettre au fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire ») au plus tard le 14 juillet 2023. Dans une décision subséquente du 7 juillet 2023, le défendeur a obtenu une prorogation pour produire les courriels au plus tard le 21 juillet 2023.

[4] Le 19 juillet 2023, le défendeur a indiqué qu’il continuait d’affirmer que les courriels sont assujettis au privilège parlementaire et a soutenu que seul l’ensemble du Sénat du Canada pouvait autoriser leur production. Il ne les a pas remis au fonctionnaire au plus tard le 21 juillet 2023.

[5] Le 2 août 2023, le plaignant a présenté la présente plainte, alléguant que le défendeur n’avait pas mis à effet l’ordonnance de production du 5 juillet 2023.

[6] Pour les motifs énoncés ci-après, la plainte est accueillie.

II. Résumé de l’argumentation

[7] Selon le plaignant, il n’est pas contesté que le défendeur n’a pas respecté l’ordonnance du 5 juillet 2023. Dans sa correspondance du 19 juillet 2023, le défendeur a indiqué qu’il n’acceptait pas et ne respecterait pas les décisions et qu’il renvoyait plutôt la question à l’ensemble du Sénat aux fins de décision. Ce n’est pas la procédure appropriée à suivre.

[8] L’article 13 de la Loi prévoit que la Commission doit déterminer si une personne n’a pas mis à effet une décision d’un arbitre et rendre une ordonnance lui ordonnant de le faire dans un tel cas. Lorsque cette ordonnance n’est pas respectée, aux termes de l’article 14 de la Loi, la Commission doit alors faire déposer une copie de son ordonnance et un rapport circonstancié devant chaque chambre du Parlement.

[9] En réponse, le défendeur soutient que l’affirmation du plaignant selon laquelle il n’a pas accepté et n’a pas respecté l’ordonnance de production est incorrecte et que la plainte est donc prématurée. Il fait plutôt valoir que l’ensemble du Sénat n’a pas encore examiné l’ordonnance. La présidente du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration du Sénat s’est engagée à renvoyer la question à l’ensemble du Sénat aux fins d’examen. Toutefois, étant donné que l’ensemble du Sénat ne siège pas à l’heure actuelle, il n’a pas encore eu l’occasion d’examiner l’ordonnance.

[10] Le défendeur ajoute que seul l’ensemble du Sénat peut autoriser la communication des documents à l’égard desquels le privilège parlementaire a été revendiqué. Tant que l’ensemble du Sénat n’aura pas examiné la question, les courriels demeurent soumis à sa revendication du privilège parlementaire. L’ensemble du Sénat pourrait très bien mettre à effet l’ordonnance de production, ce qui rendrait la plainte sans objet. Dans le cas contraire, ce n’est qu’à ce moment-là que les procédures prévues à l’article 14 de la Loi s’appliqueront. Par conséquent, le défendeur demande une ordonnance pour que cette plainte soit maintenue en suspens en attendant que l’ensemble du Sénat rende une décision sur l’ordonnance de production.

III. Analyse

[11] Dans l’ordonnance de production et la prorogation subséquente, on exigeait du défendeur qu’il produise deux courriels d’ici le 21 juillet 2023. Ces courriels n’ont toujours pas été produits. La production n’a toujours pas été effectuée.

[12] L’audition du grief de licenciement du plaignant doit avoir lieu du 5 au 8 septembre 2023, et les dates de continuation sont fixées du 14 au 17 novembre, ainsi que les 29 et 30 novembre 2023. Le prochain jour de séance de l’ensemble du Sénat est le 19 septembre 2023. Selon le défendeur, il s’attend à ce que l’ensemble du Sénat tranche la question de l’ordonnance de production avant la date d’audience du grief en novembre, date à laquelle les témoignages de ses témoins seront remis; ces témoins ont connaissance des courriels.

[13] La thèse du défendeur confirme effectivement que les courriels en question ne seront pas produits à temps pour la première partie de l’audience sur le grief. En outre, il n’est pas garanti que les documents seront produits et on ignore la date à laquelle l’ensemble du Sénat pourrait rendre sa décision en ce qui concerne la production des courriels. Comme le plaignant l’a indiqué dans ses arguments, d’ici à ce que l’ensemble du Sénat ait l’occasion d’examiner l’ordonnance de production, les dates d’audience de novembre approcheront à grands pas. Il serait alors difficile de déclencher efficacement le processus de traitement des plaintes en vertu de la Loi le cas échéant.

[14] Pour ces motifs, la Commission conclut que la plainte en vertu de l’article 13 de la Loi n’est pas prématurée et que le défendeur n’a pas mis à effet l’ordonnance de production du 5 juillet 2023.

[15] Conformément au paragraphe 13(2) de la Loi, lorsque la Commission détermine qu’une personne n’a pas mis à effet à une décision, elle peut rendre une ordonnance enjoignant à cette personne de remédier à son manquement dans le délai qu’elle juge approprié. Compte tenu du temps qui s’est écoulé depuis l’ordonnance de production initiale et compte tenu de l’incertitude quant à la question de savoir si le défendeur respectera l’ordonnance, le défendeur aura jusqu’au 5 septembre 2023 pour mettre à effet l’ordonnance.

[16] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


IV. Ordonnance

[17] La plainte est accueillie.

[18] Le défendeur mettra à effet l’ordonnance de production du 5 juillet 2023 et produira et mettra à la disposition du plaignant, au plus tard le 5 septembre 2023, les documents suivants :

· le courriel envoyé par le sénateur David Wells au sénateur Leo Housakos, daté du 30 novembre 2015, à 11 h 17;

 

· le courriel envoyé par le sénateur George J. Furey au sénateur Leo Housakos, daté du 30 novembre 2015, à 13 h 55.

 

[19] Le défendeur indiquera par écrit à la Commission qu’il a respecté l’ordonnance.

Le 30 août 2023.

(Traduction de la CRTESPF)

Edith Bramwell,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

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