Décisions de la CRTESPF

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Date: 20230113

Dossier: 566-02-38219

 

Référence: 2023 CRTESPF 4

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations de

travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

EnTRE

 

Kathleen Rukavina

fonctionnaire s’estimant lésée

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(ministère de la Diversification de l’économie de l’Ouest)

 

défendeur

Répertorié

Rukavina c. Conseil du Trésor (ministère de la Diversification de l’économie de l’Ouest)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant : Augustus Richardson, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée : Abudi Awaysheh, agent aux griefs et à l’arbitrage, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour le défendeur : Adam C. Feldman, avocat

 

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 26 février, le 19 avril et le 24 mai 2022.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Introduction

[1] Kathleen Rukavina, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), était une agente des communications en période de stage (IS-04). Dans une lettre datée du 15 septembre 2017, elle a été renvoyée en cours de stage. Dans cette lettre, produite conformément à l’article 62 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; la « LEFP »), sa gestionnaire a déclaré qu’elle avait conclu ce qui suit : [traduction] « […] en dépit des efforts déployés pour porter votre rendement à un niveau acceptable, vous n’avez pas démontré votre capacité à vous acquitter de façon satisfaisante des fonctions d’une conseillère en communications. »

[2] La fonctionnaire a présenté un grief le 20 octobre 2017, en vertu de l’article 208 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »), dans lequel elle a soutenu que son renvoi [traduction] « […] n’était pas justifié et était dépourvu de motif valable. »

[3] Le présent grief porte ensuite sur la question de la compétence, en particulier sur la difficulté posée par l’application simultanée de l’article 62 de la LEFP, qui permet à l’administrateur général d’une organisation de mettre fin à l’emploi d’un fonctionnaire en période de stage, et de l’alinéa 209(1)b) de la Loi, qui permet à un fonctionnaire de présenter un grief « […] portant sur […] une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire […] ». La difficulté tient au fait que la compétence accordée à un arbitre de grief d’examiner une mesure disciplinaire au titre de l’alinéa 209(1)b) est annulée par l’article 211, lequel prévoit que l’article 209 « […] n’[a] pas pour effet de permettre le renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel portant sur […] tout licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique […] ».

[4] Le Conseil du Trésor (ministère de la Diversification de l’économie de l’Ouest, ci‑après l’« employeur ») a, en temps utile, soulevé une objection en date du 21 juin 2018 à la compétence de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») au motif que le licenciement n’était pas une mesure disciplinaire, mais plutôt ce qu’on appelait autrefois, et qu’on appelle parfois encore, un renvoi en cours de stage et qu’il ne relevait donc pas de la compétence d’un arbitre de grief.

[5] Le 10 décembre 2021, après avoir examiné le dossier, la Commission a invité les parties à faire ce qui suit :

[Traduction]

[…]

La présente affaire porte sur un renvoi en cours de stage. L’employeur a soulevé une objection quant à la compétence de la Commission et l’agent négociateur y a répondu.

La Commission a décidé que la décision relative à l’objection préliminaire soulevée par l’employeur sera rendue sur la base d’arguments écrits. Les parties pourront déposer des arguments écrits supplémentaires au sujet de la compétence de la Commission pour entendre la présente affaire. Les parties sont invitées à présenter des arguments sur la question de savoir si, dans l’hypothèse où les faits allégués par la fonctionnaire et ses arguments sont tenus pour avérés, il existe une cause défendable selon laquelle le renvoi en cours de stage de la fonctionnaire a été imposé de mauvaise foi ou invoquait la Loi sur l’emploi dans la fonction publique de façon factice : voir l’analyse relative à la compétence de la Commission dans Kirlew c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTESPF 28, que les deux parties ont invoquée dans leurs échanges avec la Commission.

Si la Commission arrive à la conclusion que les allégations soulevées par la fonctionnaire n’établissent pas l’existence d’une cause défendable relevant de la compétence de la Commission, le grief peut être rejeté.

[…]

 

[6] La Commission, en se fondant sur les faits qui lui ont été présentés et pour les motifs suivants, est parvenue à la conclusion que les allégations de la fonctionnaire ne démontrent pas une cause défendable relevant de la compétence de la Commission. La Commission rendra donc une ordonnance par laquelle elle déclarera son absence de compétence pour entendre le présent grief.

II. Argumentation des parties

[7] La présente décision est fondée sur les arguments écrits déposés par les parties au cours d’une période prolongée. Celles-ci ont produit des séries de documents (principalement des courriels) et de pièces, ainsi que des résumés des témoignages de la fonctionnaire, de sa gestionnaire et d’un certain nombre de collègues de travail, auxquels sont venus s’ajouter des arguments écrits. Compte tenu de la multiplicité des types de preuves et d’arguments, j’ai décidé de présenter une synthèse plus ou moins chronologique des documents. J’examinerai ensuite les motifs de l’employeur et les faits allégués par la fonctionnaire dans ce contexte.

III. La preuve et les faits sur la base des documents déposés

[8] Le 19 octobre 2016, la fonctionnaire s’est vu offrir une nomination à temps plein pour une durée indéterminée à un poste de conseillère en communications (IS‑04). L’offre a été faite par Donna Kinley, gestionnaire, Consultations, marketing et communications (région de l’Alberta). La lettre d’offre indiquait que, en vertu de l’article 61 de la LEFP, la fonctionnaire serait tenue d’effectuer une période de stage d’une durée de 12 mois.

[9] Au mois de mai 2017 ou vers cette date, Mme Kinley a préparé une évaluation du rendement de la fonctionnaire pour le travail qu’elle avait accompli jusqu’alors. Ses observations sur les capacités générales de la fonctionnaire étaient positives. Aucune remarque négative ni aucun point à améliorer n’a été mentionné. L’évaluation par la fonctionnaire de cette évaluation écrite, dans les termes que voici, en est un résumé exact :

[Traduction]

[…]

Ma réunion d’évaluation du rendement avec Donna a eu lieu à la date limite ou après la date limite de soumission. Je m’attendais à ce que Donna mentionne certains domaines dans lesquels je devais travailler et à ce qu’elle m’indique certains aspects à améliorer. Rien ne m’a été communiqué et rien n’a été indiqué dans mon évaluation finale du rendement. En réalité, celle-ci était très positive. Il y était fait mention de domaines ou de responsabilités supplémentaires que Donna souhaitait me voir assumer au cours de l’année à venir, mais rien de négatif et aucun domaine dans lequel je devais m’améliorer.

[…]

 

[10] Mme Kinley, dans un résumé de son témoignage daté du 4 avril 2022, a expliqué qu’elle procédait toujours de la sorte lorsqu’elle effectuait des évaluations du rendement :

[Traduction]

[…]

[…] toujours été sensible à la manière dont chaque fonctionnaire recevait la rétroaction et j’ai abordé chaque conversation dans le but de m’assurer que celui-ci se sentait valorisé et apprécié, tout en comprenant le travail à accomplir dans les domaines dans lesquels il devait progresser et s’améliorer.

[…]

 

[11] Le 15 septembre 2017, Mme Kinley a remis à la fonctionnaire une lettre l’informant de son renvoi en cours de stage. Les deux premiers paragraphes de cette lettre sont importants. Les voici :

[Traduction]

[…]

Comme il était indiqué dans votre lettre d’offre, votre nomination initiale à un poste au sein de la fonction publique, le 24 octobre 2016, était assujettie à une période de stage de 12 mois, conformément au règlement du Conseil du Trésor. J’ai conclu que, malgré les efforts déployés pour porter votre rendement à un niveau acceptable, vous n’avez pas démontré votre capacité à exercer de façon satisfaisante les fonctions d’une conseillère en communications.

Par conséquent, conformément au pouvoir qui m’a été délégué par le sous-ministre et en vertu de l’article 62 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, vous êtes renvoyée en cours de stage de votre poste de conseillère en communications, en raison de votre rendement insatisfaisant. En particulier, votre capacité à faire preuve d’excellentes compétences en matière de rédaction et de révision, avec cohérence et précision, n’atteint pas le niveau requis (IS-04).

[…]

 

[12] Dans le résumé de son témoignage, Mme Kinley a indiqué ce qui suit en ce qui concerne le rendement de la fonctionnaire :

[Traduction]

[…]

[…] Plusieurs exemples attestent que c’est le travail de Kathleen, et non celui d’autres personnes, qui a nécessité des rectifications. Il s’agit notamment de produits conçus pour un guide de voyage qui comportaient un nom de ministère erroné, des montants de financement de projet incorrects, des dates de visite erronées. Il y a des exemples de communiqués de presse où des consignes ont été données quant aux messages clés à y faire figurer et Kathleen a malgré cela rendu un travail qui n’était pas acceptable. Les guides de voyage et les communiqués de presse sont des exemples de documents qui nécessitent un degré élevé d’exactitude, d’exhaustivité et de pertinence des messages lorsqu’ils sont remis à des élus.

[…]

 

[13] La fonctionnaire a été relevée de ses fonctions à compter du 15 septembre 2017, mais a été payée jusqu’au 23 octobre 2017, conformément au paragraphe 62(2) de la LEFP.

[14] La fonctionnaire a présenté un grief le 20 octobre 2017, formulé dans les termes que voici :

[Traduction]

[…]

Je présente un grief concernant la lettre de renvoi datée du 15 septembre 2017 et signée par Donna Kinley (gestionnaire, Consultations, marketing et communications), car j’estime que ladite lettre n’était pas justifiée et qu’elle [était] sans motif valable. À ce titre, je demande une consultation avec mon agent des relations de travail au sujet de ce grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs.

[…]

 

[15] La fonctionnaire a demandé, à titre de mesure corrective, ce qui suit : [traduction] « Je demande que la lettre susmentionnée soit immédiatement retirée. Je demande également que toutes les copies relatives à cette affaire soient détruites en ma présence. En outre, je demande à être réintégrée dans mon poste sans perte de salaire et d’avantages sociaux, et à être indemnisée intégralement. »

[16] L’audience du grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs a eu lieu le 25 janvier 2018. Étaient présents le sous-ministre adjoint (SMA) Jim Saunderson, André Gareau, Ressources humaines, la fonctionnaire et Raymond Brossard, agent des relations de travail, Syndicat des employées et employés nationaux.

[17] Après les présentations, M. Brossard a présenté un ensemble de documents, dont l’offre d’emploi de la fonctionnaire, la description de travail du poste de groupe et de niveau IS-04, l’examen de gestion du rendement de la fonctionnaire datant de mai 2017, ainsi que des arguments écrits portant le titre [traduction] « Dernier palier – Présentation du grief : 25 janvier 2018 ».

[18] L’essentiel des arguments écrits relatifs au grief soutenaient que le rendement de la fonctionnaire avait été bon, voire exemplaire, qu’elle avait reçu peu d’encadrement ou de rétroaction, et qu’elle n’avait jamais été informée de lacunes au chapitre de son rendement. Tello c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 134, a été invoquée pour justifier la compétence des arbitres de grief à l’égard des renvois en cours de stage si la décision de mettre fin à l’emploi a été prise de façon arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. Bergeron c. Service canadien du renseignement de sécurité, 2011 CRTFP 103, dans laquelle l’arbitre de grief a annulé un renvoi en cours de stage compte tenu du fait que l’employé n’avait pas été avisé à l’avance des lacunes de son rendement, a été invoquée. Dyson c. Administrateur général (ministère des Pêches et des Océans), 2015 CRTFP 58, a également été invoquée. Dans cette décision, l’arbitre de grief a conclu qu’une décision prise sans aucune preuve légitime à l’appui d’une insatisfaction de bonne foi à l’égard de l’aptitude du fonctionnaire s’estimant lésé avait été prise de mauvaise foi.

[19] Dans ses conclusions, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« agent négociateur » ou AFPC) a saisi l’essence du point de vue de la fonctionnaire :

[Traduction]

[…]

[…] En conclusion, le Syndicat des employées et employés nationaux (AFPC) et la fonctionnaire estiment que la gestionnaire (Mme Kinley) n’a pas réussi à démontrer pourquoi Mme Rukavina ne satisfaisait pas aux exigences du ministère en ce qui concerne ses fonctions de conseillère en communications. On pourrait se demander comment une conseillère en communications expérimentée et chevronnée (et ancienne attachée de presse) ayant travaillé au sein du cabinet du premier ministre et pour celui-ci (elle examinait alors toutes les communications du gouvernement avant qu’elles ne soient rendues publiques) ne serait pas en mesure de répondre aux besoins de ce ministère.

Kathleen admettra qu’il y a parfois eu des erreurs, ce qui n’est pas rare dans ce domaine, et que, pour l’essentiel, les erreurs soulevées par la gestionnaire étaient très mineures. On pourrait se demander si ce renvoi est fondé sur des motifs objectifs et tangibles La réponse est très simple : il ne l’est pas. On pourrait également se demander si le renvoi en cours de stage n’était pas une forme de représailles.

[…] Nous pensons qu’on ne peut pas raisonnablement attendre d’un gestionnaire qu’il soit en mesure d’évaluer l’ensemble des capacités et le potentiel d’un candidat à l’emploi en se fondant sur un bref entretien, un formulaire de candidature ou un curriculum vitae, des références et autres éléments de ce type. Par conséquent, l’intention et l’esprit de la loi veulent que les périodes de stage servent à évaluer le rendement et la conduite d’un employé après une nomination à un poste en dehors de la fonction publique […] et non pas des réclamations pour des erreurs administratives mineures.

Comme nous l’avons indiqué dans la partie du formulaire de grief consacrée aux mesures correctives, nous estimons que ce renvoi a été effectué sans motif valable.

[…]

 

[20] M. Saunderson et M. Gareau ont échangé leurs points de vue sur les raisons du renvoi en cours de stage de la fonctionnaire, qui se résumaient essentiellement à un manque d’attention aux détails, comme suit :

  • 1)M. Saunderson a pris connaissance d’une lettre rédigée par la fonctionnaire qui nécessitait d’importantes corrections;

  • 2)les renseignements qu’on avait demandé à la fonctionnaire de préparer en vue d’une visite de la secrétaire parlementaire Kate Young comportaient de nombreuses erreurs;

  • 3)une lettre de salutation que la fonctionnaire a rédigée pour l’inauguration de l’incubateur d’innovation en santé TEC Edmonton/UHF Merck Health a dû être révisée à la demande du SMA;

  • 4)les produits élaborés par la fonctionnaire pour le Programme de soutien au secteur des plaques de plâtre n’avaient pas respecté les normes ministérielles en matière de messages à diffuser, même si des indications clés avaient été données à l’avance;

  • 5)la fonctionnaire n’a pas rédigé un récit relatif à la réussite du programme Trade Winds for Successes, malgré les rappels à ce sujet.

 

[21] La fonctionnaire a reconnu qu’elle avait quelques fois commis, selon ses propres termes, des [traduction] « erreurs mineures », mais elle a rejeté la faute sur la pression du travail, l’implication d’autres personnes et l’absence d’encadrement et de rétroaction. Elle a allégué que Mme Kinley avait un comportement de type [traduction] « passif-agressif » et a suggéré que le renvoi en cours de stage était une mesure de représailles parce qu’elle avait parlé au SMA du fait que Mme Kinley lui avait demandé si elle avait fourni des renseignements confidentiels à des tiers ne faisant pas partie de l’employeur.

[22] La réponse au grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, datée du 7 février 2017, a été rédigée par le M. Saunderson. Ce dernier a examiné les arguments de la fonctionnaire et de son représentant syndical lors de l’audience du grief le 25 janvier 2018, ainsi que les documents déposés à ce moment-là et les documents fournis par Mme Kinley.

[23] Le SMA a indiqué qu’il avait enquêté sur l’allégation de la fonctionnaire selon laquelle sa gestionnaire l’avait intimidée. Il a indiqué qu’il n’avait trouvé aucune preuve à l’appui de cette allégation ni aucune autre preuve qui l’amènerait à croire que le renvoi de la fonctionnaire en cours de stage avait été effectué de mauvaise foi. Il était également convaincu que la gestionnaire de la fonctionnaire avait fourni suffisamment de rétroactions au cours de sa période de stage et que les motifs étaient suffisants pour justifier le renvoi. Il a rejeté le grief.

[24] Le 12 avril 2018, l’AFPC a déposé un formulaire 21, intitulé « Avis de renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel ». L’avis a été déposé en vertu de l’alinéa 209(1)b) et du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la Loi. La première disposition concerne les mesures disciplinaires entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire. La seconde concerne le licenciement d’un employé en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F-11) pour rendement insatisfaisant ou en vertu de l’alinéa 12(1)e) pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite.

[25] Le 21 juin 2018, Asira Shukuru, analyste, Représentation patronale en recours au Conseil du Trésor, a écrit à la Commission pour soulever une objection à l’égard du renvoi à l’arbitrage. Elle a fait valoir que la Commission n’avait pas compétence pour plusieurs motifs. Le motif dont je suis saisi concerne la question de la compétence de la Commission dans le cas d’un renvoi en cours de stage. Elle a fait valoir que [traduction] « il s’agit d’un cas de renvoi valide en cours de stage et conforme à l’arrêt de la Cour fédérale Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi [2001 CFPI 529] ». Elle a également invoqué Canada (Procureur général) c. Penner, [1989] 3 CF 429 (C.A.); Tello et Kirlew c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTESPF 28.

[26] Le 29 juin 2018, Lindsay Cheong, agente aux griefs et à l’arbitrage de l’AFPC, a écrit à la Commission pour répondre à l’objection de Mme Shukuru. Elle a fait valoir que Kirlew soutenait pleinement la demande de l’agent négociateur [traduction] « […] d’être entendu par la Commission afin de faire valoir notre point de vue sur le renvoi en cours de stage [...] Les fonctionnaires s’estimant lésés peuvent présenter leurs arguments devant un arbitre de grief afin d’établir la compétence de la Commission […] ».

IV. Résumé de l’argumentation

A. Pour la fonctionnaire (le 26 février 2022)

[27] Les arguments déposés au nom de l’agent négociateur le 26 février 2022 consistaient principalement en un [traduction] « exposé chronologique des événements survenus à DEO » (l’« exposé chronologique ») que la fonctionnaire avait préparé le 20 décembre 2021. Il s’agit d’un document de 9,5 pages à simple interligne comprenant 76 paragraphes. La fonctionnaire a fourni une description détaillée de son expérience et de ses antécédents de travail avant d’être embauchée par l’employeur. Elle a décrit les entretiens qu’elle a eus avec Mme Kinley au sujet du poste, en indiquant ce qui suit : [traduction] « Bien que les responsabilités du poste aient été plus modestes que celles que j’avais assumées auparavant, j’étais enthousiaste à l’idée de pouvoir aider [Mme Kinley] à atteindre ses objectifs. » Elle a reconnu que son rendement dans le cadre d’un projet – ce qu’elle a appelé le [traduction] « guide de voyage » – en septembre 2017 avait peut-être laissé à désirer, mais elle a rejeté toute la responsabilité des lacunes sur d’autres personnes, suggérant que [traduction] « […] soit les renseignements [qu’elle aurait dû intégrer dans le guide] lui ont été cachés pour rendre [sa] tâche plus difficile, soit il y a eu un grave problème de tenue des dossiers ».

[28] La fonctionnaire a formulé la remarque plus générale suivante :

[Traduction]

[…]

[…] si un gestionnaire s’inquiétait de mon manque d’expérience dans un projet comme celui-ci [le guide de voyage] et cherchait à m’aider à réussir, il aurait donné des consignes claires, un format à suivre, un protocole d’approbation à respecter et aurait désigné une personne pour m’encadrer […]

[…]

 

[29] La fonctionnaire s’est souvenue que sa gestionnaire n’avait pas été satisfaite de son travail. Cependant, elle a déclaré qu’elle ne se souvenait que d’une seule erreur qui a consisté à saisir un nom incorrect à plusieurs reprises au cours d’une séance d’information, et qu’il [traduction] « […] s’agissait donc d’une erreur de bonne foi que le vérificateur d’orthographe n’a évidemment pas relevée ».

[30] Abudi Awaysheh, agent aux griefs et à l’arbitrage, a d’abord exposé les objections initiales de l’employeur et la réponse de l’agent négociateur à la question de la compétence d’un arbitre de grief, le cas échéant, à l’égard d’un « renvoi en cours de stage ». Il a ensuite cité des parties significatives des faits que la fonctionnaire a énoncés dans son exposé chronologique. Il a également fait référence aux politiques de l’employeur concernant le renvoi en cours de stage, à la description de travail et à la correspondance électronique qui avait été divulguée à la fonctionnaire en avril 2018.

[31] M. Awaysheh a invoqué des résumés de Kirlew; Yeo c. Administrateur général (ministère de l’Emploi et du Développement social), 2019 CRTESPF 119; Dhaliwal c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), 2004 CRTFP 109 et Alexis c. Administrateur général (Gendarmerie royale du Canada), 2020 CRTESPF 9 (« Alexis ») (confirmé dans Canada (Procureur général) c. Alexis, 2021 CAF 216 (« Alexis de la CAF »)).

[32] Il a ensuite présenté plusieurs arguments.

[33] Tout d’abord, il a insisté sur le fait qu’il n’existait aucune preuve documentaire indiquant que Mme Kinley avait déjà parlé au SMA du rendement de la fonctionnaire ou que les lacunes alléguées avaient déjà été portées à son attention. Il a également fait remarquer que la fonctionnaire n’avait pas non plus reçu de formation adéquate, comme suit :

[Traduction]

[…]

44. Il n’existe pas un seul élément de preuve indiquant ce qui suit :

1. le syndicat était conscient à tout moment (y compris au moment du renvoi) de l’existence de problèmes liés au rendement de la fonctionnaire;

2. l’employeur a informé la fonctionnaire par écrit que son travail posait problème;

3. l’existence d’un document écrit rédigé à l’époque, qui validerait les allégations de Mme Kinley selon lesquelles elle a parlé à la fonctionnaire de son rendement au travail le 27 juin, le 25 juillet ou le 25 août 2018;

4. l’existence d’un document écrit démontrant qu’il a été « envisagé […] de mettre fin à la période de stage en raison du rendement […] dès mai 2017 », comme le prétend l’employeur.

[…]

 

[34] Il a ajouté que l’employeur avait agi de la manière que voici :

[Traduction]

[…]

[…] n’a pas respecté les lignes directrices du Conseil du Trésor (pièce 8) relatives au renvoi d’un fonctionnaire en cours de stage, qui exigent que le fonctionnaire en cours de stage :

1. connaisse les fonctions et les exigences spécifiques du poste;

2. connaisse les normes de rendement requises et la conduite appropriée;

3. reçoive une rétroaction lorsque son rendement ou son comportement doit être amélioré;

4. reçoive la formation nécessaire pour le poste.

[…]

 

[35] Il a soutenu que l’absence du moindre document écrit à l’appui de la préoccupation déclarée de l’employeur concernant le rendement de la fonctionnaire était fatale pour l’employeur. La fonctionnaire n’a jamais été informée de ses lacunes, n’a jamais reçu d’énoncé des fonctions et n’a jamais été encadrée. Son évaluation de rendement écrite n’a soulevé aucune préoccupation.

[36] Il a fait valoir que Mme Kinley, [traduction] « pour quelque raison que ce soit, n’aimait pas » la fonctionnaire, et a laissé entendre que la raison de cette inimitié résidait dans le fait que la fonctionnaire n’avait pas proposé la candidature de Mme Kinley pour un prix décerné à un fonctionnaire à l’interne en avril 2017.

[37] Il a demandé à la Commission, à titre de réparation, de réintégrer la fonctionnaire ou de permettre au grief de se poursuivre pour que soit tenue une audience complète [traduction] « […] afin que la fonctionnaire puisse avoir l’occasion de démontrer que l’employeur a mis fin à son emploi pour des motifs qui n’étaient pas de bonne foi ».

B. Pour l’employeur (le 19 avril 2022)

[38] L’avocat de l’employeur a déposé 188 pages d’arguments, en deux volumes. Trente et une (31) pages portent sur les faits. Le reste est constitué d’un grand nombre de courriels, de résumés de témoignages d’autres fonctionnaires et d’une comparaison détaillée des déclarations contenues dans l’exposé chronologique de la fonctionnaire avec ces éléments de preuve.

[39] L’avocat de l’employeur a fait valoir que le résumé du témoignage de Mme Kinley révélait clairement qu’elle avait discuté avec la fonctionnaire de ses préoccupations au sujet de son rendement. Les allégations contraires de la fonctionnaire étaient sans fondement et visaient à détourner l’attention de ses lacunes. Il a fait remarquer que la fonctionnaire avait reconnu certaines erreurs, mais qu’elle prétendait que celles-ci devaient provenir d’ailleurs – en l’occurrence, que son travail avait été saboté par une mauvaise gestion des données ou par quelqu’un d’autre. L’avocat de l’employeur a fait valoir que le fait que la fonctionnaire n’ait pas assumé la responsabilité de ses erreurs était en soi la preuve d’un mauvais rendement.

[40] L’avocat de l’employeur a également présenté une ventilation détaillée qui comparait les observations formulées par la fonctionnaire dans son exposé chronologique avec les déclarations de Mme Kinley et de certains collègues de travail. Il a ensuite invoqué Tello, Kirlew, Leonarduzzi, Kagimbi c. Canada (Procureur général), 2014 CF 400, et Alexis. En résumé, il suffit à l’employeur d’invoquer un motif lié à l’emploi permettant le renvoi d’un fonctionnaire en cours de stage pour qu’il soit conclu à l’absence de compétence de l’arbitre de grief. Le fait que la fonctionnaire n’ait peut-être pas reçu beaucoup d’avis au sujet de ces questions ne constitue pas un motif pour conclure le contraire. Par conséquent, l’avocat a soutenu que la Commission devrait rejeter le grief pour absence de compétence.

C. Arguments déposés en réponse par la fonctionnaire (le 24 mai 2022)

[41] Le représentant de l’agent négociateur a déposé, en réponse, 40 pages d’arguments.

[42] Il a fait valoir que la remise en cause par l’employeur de la crédibilité de la fonctionnaire exacerbait les faiblesses de la position de l’employeur et rendait la tenue d’une audience d’autant plus nécessaire. Il a indiqué ce qui suit aux paragraphes 5 et 7 de ses arguments :

[Traduction]

5. L’agent négociateur s’offusque des observations faites par l’employeur à la page 19 en réponse à une déclaration faite par la fonctionnaire au paragraphe 74 de ses arguments. L’employeur écrit : « Cette allégation futile est fausse et constitue un motif potentiel de diffamation ». La fonctionnaire est une journaliste et l’employeur, le gouvernement du Canada, s’en prend à sa crédibilité, ce qui est le plus important pour une journaliste. L’agent négociateur soutient que la tenue d’une audience formelle s’impose dès maintenant afin de réfuter l’accusation de l’employeur au sujet de la crédibilité de la fonctionnaire, accusation qui a une incidence sur son emploi en tant que professionnelle des relations avec les médias et des communications.

[…]

7. En outre, nous soutenons que cette affaire démontre [que] le racisme systémique, les préjugés et d’autres formes de discrimination se produiront contre des personnes en raison de motifs de distinction illicite au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne (notamment leurs convictions politiques) si un employeur est autorisé à renvoyer un fonctionnaire en cours de stage en raison de son rendement dans l’une ou l’autre des situations suivantes (chacune d’elles s’étant produite dans la présente situation) :

1. Ne pas organiser de réunions sur le lieu de travail pour l’informer des préoccupations en matière de rendement.

2. Refuser de fournir un plan d’action visant à assurer sa réussite et à améliorer son rendement.

3. Refuser de dispenser une formation pour remédier aux lacunes alléguées en matière de rendement.

 

[43] Je tiens à faire remarquer qu’il s’agit là de la première fois que l’on suggérait que le [traduction] « […] racisme systémique, les préjugés et d’autres formes de discrimination [qui] se produisent à l’encontre de personnes en raison de motifs de distinction illicite […] » étaient la cause du renvoi en cours de stage. Je constate également que rien dans les documents n’indique que ces allégations sont étayées ou qu’elles représentent plus qu’une tentative de dernière minute pour brouiller les pistes.

[44] La fonctionnaire a ensuite présenté une réponse détaillée (ainsi que des objections) au contenu des résumés des témoignages de trois collègues de travail et de Mme Kinley. Le représentant de l’agent négociateur a ensuite passé en revue les décisions que l’avocat de l’employeur avait invoquées. Il a ensuite critiqué sévèrement ce qu’il considérait comme des lacunes dans la gestion exercée par Mme Kinley, comme suit :

[Traduction]

[…]

29. L’employeur affirme avoir traité de bonne foi avec la fonctionnaire. Tous les renseignements ci-dessous correspondent au niveau auquel un excellent gestionnaire comme Mme Kinsley devrait se situer (en l’occurrence, la mention « Réussi plus » ), selon l’employeur, lorsqu’il s’agit de traiter avec un fonctionnaire en cours de stage.

1. Dire à la fonctionnaire, dans le cadre d’une entente de rendement de la fonction publique, qu’elle satisfait aux exigences du poste après plus de six mois en poste, mais ne pas conclure une autre entente de rendement, qui fait état des préoccupations de l’employeur à l’égard du manque de rendement de la fonctionnaire après l’entente.

2. Ne pas organiser de réunion individuelle avec la fonctionnaire sur le lieu de travail pour l’informer de ses préoccupations en matière de rendement.

3. « Prendre un café » lors de discussions importantes qui peuvent entraîner la cessation du revenu continu pour une mère nouvellement divorcée qui était le seul soutien de famille dans sa nouvelle unité familiale est approprié.

4. Relever, comme l’a fait Mme Calderon, gestionnaire par intérim, les lacunes de la fonctionnaire, sans les communiquer à la fonctionnaire, mais en les communiquant à sa gestionnaire principale.

5. Demander à la gestionnaire principale de parler à la gestionnaire par intérim du rendement de la fonctionnaire, mais ne pas faire en sorte que la gestionnaire principale transmette à la fonctionnaire les préoccupations relatives au rendement.

6. Ne pas fournir de plan d’action pour repérer les faiblesses de la fonctionnaire afin qu’elle prenne conscience de ses lacunes.

7. Déterminer qu’une formation supplémentaire ne serait d’aucune utilité pour permettre à la fonctionnaire de remédier à ses lacunes en matière de rendement.

8. Refuser de prolonger la période de stage afin que la fonctionnaire puisse réussir.

9. Ne pas prendre de notes lors des réunions afin de consigner les questions importantes qui y ont été abordées.

10. Ne pas assurer un suivi par écrit pour informer la fonctionnaire des points importants qui auront une incidence sur son emploi.

11. Déléguer, en tant que sous-ministre, à un subordonné la décision de renvoyer une personne en cours de stage, ce qui revient à s’appuyer sur les ouï-dire de ce subordonné pour prendre cette décision.

12. Ne pas informer la fonctionnaire, qui allait se marier, de son rendement, parce qu’on craignait ses réactions.

13. Ne pas aider une personne que l’on a jugée « sensible à la critique ».

14. S’attendre à ce que le rendement de la fonctionnaire change miraculeusement et soit « remis à niveau » après son retour sur le lieu de travail à la suite de son mariage.

15. Rappeler à quelqu’un qu’en raison de ses convictions politiques, on pourrait présumer qu’il agit contre l’employeur.

[…]

 

[45] Le représentant de l’agent négociateur a conclu en affirmant qu’aucun de ces éléments ne témoignait de la bonne foi de l’employeur.

V. Analyse et décision

[46] Avant de poursuivre, je crois qu’il convient de faire l’observation générale suivante au sujet des griefs du type dont je suis saisi.

[47] Premièrement, la discussion autour de la compétence d’un arbitre de grief dans les cas de renvois de fonctionnaires en cours de stage a commencé il y a plus de 40 ans au moins, dans l’arrêt Jacmain c. Procureur général (Canada), [1978] 2 R.C.S. 15 de la Cour suprême du Canada. Néanmoins, à cette époque, les procédures d’arbitrage des griefs et de contentieux se déroulaient à la vitesse de l’éclair, ce qui n’est pas du tout le cas aujourd’hui. Dans Jacmain, il ne s’est écoulé qu’environ trois ans et demi entre l’avis de renvoi pour motif valable et sa confirmation effective par la Cour suprême du Canada. À titre de comparaison, aujourd’hui, ce délai permet à peine d’arriver à l’étape de l’audience sur la compétence.

[48] Deuxièmement, il ressort clairement de la décision de la majorité dans Jacmain que le fait que le motif invoqué par l’employeur pour justifier le licenciement aurait également pu justifier une mesure disciplinaire était sans importance (voir Penner, qui va dans le même sens). Il n’est pas déraisonnable d’aboutir à la même conclusion sur le plan des relations de travail. Un fonctionnaire qui ne répond pas aux attentes, qui est continuellement en retard, qui fait preuve d’insubordination ou qui est impoli et irrespectueux peut faire l’objet de mesures disciplinaires. Tous ces comportements sont des motifs justifiant des mesures disciplinaires. Dans le cas d’un fonctionnaire en période de stage, un tel comportement est également un motif suffisant pour permettre à l’employeur de conclure que l’intéressé ne répond pas aux exigences du poste et qu’il convient de mettre fin à sa période de stage moyennant un préavis.

[49] Troisièmement, la nécessité de distinguer les deux cas de figure a parfois conduit à la tenue d’audiences qu’il était difficile de distinguer d’audiences disciplinaires à part entière en termes de temps, de nombre de témoins, de documents et d’arguments déposés; voir, par exemple, Alexis, concernant une lettre de licenciement datée du 5 juin 2015 et une audience sur la compétence qui a duré cinq jours en août et en septembre 2019. La demande d’annulation de la décision qui en a résulté a été rejetée le 9 novembre 2021; voir Alexis de la CAF. Dans Tello, le fonctionnaire s’estimant lésé a été renvoyé en cours de stage le 29 juillet 2009, et une audience de quatre jours sur la compétence s’est tenue en août 2010. Il peut s’agir d’une conséquence inévitable du fardeau qui incombe au fonctionnaire s’estimant lésé de démontrer que la décision a été prise de mauvaise foi ou qu’elle était arbitraire ou discriminatoire. Étant donné que de telles allégations sont rarement fondées sur des preuves claires, il faut parfois passer beaucoup de temps à chercher – ou à essayer d’établir – le véritable motif de la décision de l’employeur.

[50] L’employeur n’est pas tenu d’établir l’existence d’un motif valable. Il lui suffit de démontrer l’existence d’un motif lié à l’emploi; voir Leonarduzzi, aux paragraphes 39 et 40; et Penner, à la page 438. L’arbitre de grief n’a pas le droit de juger l’employeur quant à la suffisance de ce motif. L’employeur, et non l’arbitre de grief, est le mieux placé, et même le seul, pour déterminer si l’« attitude » d’un fonctionnaire en cours de stage conviendrait au poste; voir, par exemple, Jacmain; Alford v. Government of Yukon, 2006 YKSC 31, au paragraphe 42; et Bell c. Personnel des fonds non publics, Forces canadiennes, 2020 CRTESPF 14, au paragraphe 108. Par ailleurs, le bon sens et les bonnes pratiques de gestion voudraient qu’un gestionnaire informe le fonctionnaire en cours de stage de ses lacunes, afin de lui donner une chance de s’améliorer, mais il ne s’agit pas là d’une exigence de la loi; voir Bell, au paragraphe 109, citant Kagimbi, au paragraphe 33.

[51] Il n’est pas surprenant qu’il en soit ainsi. Comme l’a fait remarquer le juge Tremblay-Lamer dans Kagimbi, au paragraphe 34, « [l]a jurisprudence démontre que la loi est rédigée telle que l’employeur jouit de beaucoup de flexibilité pendant la période de stage, justement pour qu’il puisse évaluer les compétences d’un employé potentiel ». Dès l’arrêt Jacmain de la Cour suprême du Canada, il a été reconnu que le statut d’un employé en période de stage est totalement différent de celui d’un employé qui, en vertu d’une convention collective ou d’une loi, ne peut faire l’objet d’une mesure disciplinaire que pour un motif valable. Dans les derniers paragraphes de l’arrêt rendu au nom de la majorité, le juge de Grandpré s’est penché sur la distinction entre les employés permanents et les employés en cours de stage. Il a cité, à la page 38, le passage suivant de United Electrical Workers v. Square D Co., Ltd. (1955), 6 L.A.C. 289 :

[Traduction]

[…]

Il est clair qu’un employé « en stage » jouit de moins de sécurité d’emploi qu’un employé qui jouit du statut d’employé permanent. L’un est soumis à une période d’essai, de démonstration ou d’examen de ses qualifications et de son aptitude à occuper un emploi régulier en tant qu’employé permanent, alors que l’autre a satisfait à l’essai. Les normes établies par l’entreprise ne sont pas nécessairement limitées à la qualité et au rendement; elles peuvent s’étendre au caractère de l’employé, à sa capacité de travailler en harmonie avec d’autres, à ses possibilités d’avancement et à son aptitude générale à rester dans l’entreprise. Bien qu’évidemment tout employé régi par la convention puisse être congédié pour motif valable n’importe quand, on peut mettre fin à l’emploi d’un stagiaire si, avant la fin du stage, l’entreprise juge que celui-ci ne répond pas aux normes établies par elle et qu’elle n’est pas satisfaite.

[…]

 

[52] Le juge de Grandpré a poursuivi en déclarant qu’il ne voyait [traduction] « aucun fondement » permettant d’établir une distinction sur ce point entre le secteur public et le secteur privé, comme suit : [traduction] « Je pense que, dans le secteur public comme dans le secteur privé, l’employé qui veut améliorer son sort doit quand même prendre certains risques. »

[53] Cela signifie également qu’un fonctionnaire en cours de stage dont le rendement est bon, voire exemplaire, peut être renvoyé en cours de stage en raison de ce que l’arbitre de grief Weatherill, dans Jacmain, a appelé l’« attitude ». Les gestionnaires dirigent des services composés d’un grand nombre de fonctionnaires qui doivent s’entendre pour que les activités se déroulent sans heurts et de manière productive. Il est possible de parvenir au constat qu’un fonctionnaire, par ailleurs pleinement qualifié et dont le rendement est élevé, ne satisfait pas aux exigences fixées en cours de stage parce qu’il n’arrive pas à s’entendre avec ses collègues de travail.

[54] Cela signifie également que la question n’est pas de savoir si le gestionnaire en question est compétent ou non. Il ne s’agit pas non plus de savoir si la cause pourrait résister à un examen minutieux dans le cadre d’un grief portant sur une mesure disciplinaire fondée sur un motif valable. Il suffit que la décision du gestionnaire soit prise de bonne foi, qu’elle ne soit pas arbitraire et qu’elle ne soit pas discriminatoire. En d’autres termes, on ne saurait conclure que la décision repose sur un motif valable si elle a été prise parce que le fonctionnaire en période de stage a les yeux bleus, qu’il est d’une religion particulière ou qu’il a refusé des avances sexuelles; en revanche, on peut arriver à cette conclusion si le fonctionnaire ne s’entend pas avec son gestionnaire ou ses collègues, ou parce qu’il ne répond pas aux normes de rendement liées à son poste.

[55] Cela étant dit, je fais également remarquer que le droit et les modifications apportées à la loi en ce qui concerne la question de la compétence ont évolué au point que, dans de telles circonstances, il incombe tout d’abord à l’employeur d’établir les quatre éléments suivants :

1) l’employé était en période de stage;

2) la période de stage était toujours en vigueur au moment du renvoi;

3) un préavis, ou une indemnité qui en tient lieu, a été donné;

4) la décision de renvoyer l’employé en période de stage était fondée sur un motif lié à l’emploi (voir Tello, au par. 111).

 

[56] Quant au dernier point, l’employeur devra généralement produire comme pièce la lettre de renvoi, qui devrait normalement indiquer le motif dudit renvoi. La lettre peut être produite dans le cadre d’un accord ou par l’intermédiaire d’un témoin que l’employeur appelle à témoigner. Le fardeau qui pèse sur l’employeur n’est toutefois pas très lourd.

[57] Une fois ces quatre exigences remplies, il incombe au fonctionnaire s’estimant lésé de démontrer qu’il existe des faits qui, s’ils sont tenus pour avérés, permettent d’affirmer que le motif du renvoi n’était qu’un subterfuge ou un camouflage, ou qu’il a été invoqué de mauvaise foi (ce qui revient essentiellement à dire que le renvoi a été effectué pour un motif non lié à l’emploi). Il n’est pas facile de s’acquitter de ce fardeau. La mauvaise foi ne se présume pas; elle doit être prouvée (voir Dargis c. Agence du revenu du Canada, 2022 CRTESPF 20, au par. 227). Il ne suffit pas non plus de démontrer que l’employeur a commis des erreurs dans son évaluation du rendement ou qu’il n’a pas donné la chance au fonctionnaire s’estimant lésé d’améliorer son rendement ou de répondre aux allégations de lacunes dans ce rendement. Le fait que le fonctionnaire soit en désaccord avec l’évaluation de son rendement par l’employeur est sans importance; voir Boiko c. Conseil national de recherches du Canada, 2018 CRTESPF 11, aux paragraphes 541 à 543. Toutefois, si le fonctionnaire fait ce qui suit (voir Tello, au par. 111) :

[…] établit qu’il n’y avait pas de « motifs liés à l’emploi » légitimes justifiant le licenciement (autrement dit, si la décision ne reposait pas sur une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant aux aptitudes de l’employé : Penner, à la page 438), le fonctionnaire se sera acquitté de son fardeau de la preuve. […]

 

[58] Que doit donc établir la fonctionnaire pour faire rejeter l’objection de compétence de l’employeur, et comment doit-elle le faire? Dans de tels cas, la Commission a quelquefois indiqué que sa démarche consistait à déterminer si les allégations, si elles sont tenues pour avérées, permettent d’établir l’existence d’une cause défendable. Dans l’affirmative, l’affaire doit faire l’objet d’une audience complète. Dans la négative, l’objection est accueillie et le grief est rejeté ou la plainte est rejetée; voir, par exemple, Beniey c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2020 CRTESPF 32, au paragraphe 57; Fry c. Agence Parcs Canada, 2021 CRTESPF 88, au paragraphe 33; Burns c. Section locale no 2182 d’Unifor, 2020 CRTESPF 119, au paragraphe 9; Gabon c. ministère de l’Environnement, 2022 CRTESPF 6, au paragraphe 4; et Osman c. Alliance de la fonction publique du Canada, 2021 CAF 227, au paragraphe 9.

[59] Le libellé du critère et son application me posent problème pour plusieurs raisons.

[60] Le critère a été conçu dans un autre contexte, soit celui des tribunaux de common law, qui sont régis par d’autres règles et d’autres pratiques. Dans ces tribunaux, le critère de la cause défendable repose sur les actes de procédure, qu’il s’agisse des déclarations ou de la défense. Les actes de procédure visent à obtenir des réparations reposant sur des allégations détaillées d’actes que la partie affirme vouloir prouver et qui, une fois prouvés, justifieront l’octroi de la réparation demandée. Parfois, une partie adverse affirmera que les faits sur lesquels une partie s’appuie pour prouver ses déclarations ou sa défense, même s’ils sont avérés, ne justifieront pas d’accueillir sa demande ou d’accepter sa défense. Si cette affirmation est vraie, il ne servirait à rien de soumettre la demande ou la défense à la procédure complexe, longue et coûteuse de la divulgation, de la communication préalable et du procès. La partie adverse présentera alors une requête au tribunal en vue d’obtenir une ordonnance rejetant la demande ou la défense au motif que les faits invoqués, à supposer qu’ils soient vrais, ne permettent pas d’établir la demande ou la défense. Aucune preuve des faits que la partie affirme vouloir prouver n’est présentée au tribunal dans le cadre de ces requêtes. Les actes de procédure et les faits qui y sont allégués font foi.

[61] Cette approche et ce critère donnent de bons résultats dans les tribunaux, parce qu’ils sont fondés sur des allégations détaillées de faits dans un acte de procédure qui, selon une partie, viendront renforcer, voire justifier ou établir, sa demande ou sa défense. Or, les griefs en matière de travail ne sont pas des actes de procédure. Ils contiennent rarement, voire jamais, plus de quelques phrases. En général, on y trouve des allégations sous forme de conclusions, par exemple, que l’employeur a agi de mauvaise foi ou de manière arbitraire, plutôt que des faits précis qui, s’ils étaient prouvés, permettraient d’établir ces allégations. Un tel caractère général et l’absence de détails signifient que, si le critère de la cause défendable exigeait que de telles allégations soient considérées comme vraies, tous les griefs découlant d’un renvoi en cours de stage feraient l’objet d’une audience.

[62] Ce n’est toutefois pas ce qui semble se produire lorsque l’employeur s’oppose à un grief concernant un renvoi en cours de stage pour des motifs de compétence. La Commission est plutôt intéressée par des faits qui, s’ils sont acceptés, pourraient établir l’une des exceptions interdites au droit de l’employeur de renvoyer un fonctionnaire en cours de stage. Dans Holowaty c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2022 CRTESPF 44, au paragraphe 13, il est indiqué que la Commission exige du fonctionnaire s’estimant lésé qu’il présente des allégations étayées par des faits qui, s’ils étaient prouvés, permettraient d’établir le bien-fondé du grief. Dans une affaire touchant à la compétence, les allégations ne suffisent pas; il faut des preuves : voir, par exemple, Alexander c. Procureur général du Canada (Administrateur général, Agence de la santé publique du Canada), 2016 CAF 132.

[63] Il convient de préciser que, lorsque la Commission cherche des faits à l’appui des allégations, elle ne fait en réalité qu’examiner et apprécier les éléments de preuve afin de décider si les allégations faites par un fonctionnaire s’estimant lésé ou un plaignant peuvent permettre de conclure à l’existence d’une cause défendable, auquel cas la tenue d’une audience sera décidée : voir, par exemple, Beniey. En d’autres termes, la Commission a renoncé à une application stricte du critère de la cause défendable au profit d’une autre pratique des tribunaux de common law, à savoir le jugement sommaire sur la base de la preuve. Les tribunaux recourent souvent au jugement sommaire lorsque les droits en cause dépendent de faits relativement simples qui, s’ils étaient acceptés, permettraient l’octroi de la réparation demandée. Ainsi, par exemple, dans le cas d’une demande fondée sur un prêt, le demandeur soumettra des preuves par affidavit pour démontrer que l’argent a été prêté, que le paiement était exigible à une certaine date et qu’il est aujourd’hui dû. Il incombe ensuite au défendeur de fournir des preuves de faits susceptibles de constituer une défense à la demande. Le tribunal examine et évalue ensuite les preuves. Si les preuves fournies par le défendeur peuvent constituer une défense, la requête est rejetée; dans le cas contraire, la demande est acceptée. En résumé, les tribunaux ont reconnu que, dans certains cas, un juge peut apprécier pleinement les preuves et les questions – et donc être en mesure de rendre une décision définitive – sans qu’il soit nécessaire de tenir un procès complet : voir l’analyse effectuée dans Hryniak c. Mauldin, 2014 CSC 7, aux paragraphes 1 à 7 et 23 à 33.

[64] La compétence de la Commission pour entendre et pondérer des éléments de preuve, et pour prendre des décisions fondées sur ces éléments de preuve sans tenir d’audience complète, est clairement établie. L’article 22 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) prévoit que la Commission « […] peut trancher toute affaire ou question dont elle est saisie sans tenir d’audience. » Il n’existe donc pas de droit inhérent à une audience complète. La Commission peut également « accepter des éléments de preuve, qu’ils soient admissibles ou non en justice […] », (alinéa 20e)). À mon avis, la compétence de la Commission en vertu de l’article 22 ne se limite pas, en effet, à décider si une partie a établi l’existence d’une cause défendable. Au titre de cette compétence, la Commission peut aussi statuer sur le bien-fondé de la requête, du moins lorsqu’il existe suffisamment d’éléments non contestés pour lui permettre de prendre une décision appropriée. L’équité procédurale et la justice naturelle n’exigent pas que chaque litige soit tranché au moyen d’une audience complète, avec la présentation de témoignages verbaux et la conduite d’un contre-interrogatoire. Il est possible de satisfaire à l’équité procédurale si les parties ont la possibilité de connaître le cas qui les oppose et de présenter leurs propres arguments : voir en général McRaeJackson c. Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA-Canada), 2004 CCRI 290, aux paragraphes 1, 2, 13 et 50; Sganos c. Association canadienne des agents financiers, 2022 CRTESPF 30, aux paragraphes 71 à 73; et International Brotherhood of Electrical Workers Local 1739 v. International Brotherhood of Electrical Workers, 2007 CanLII 65617 (ON SCDC). Cette compétence permet à la Commission d’accepter et d’évaluer des éléments de preuve tels que des courriels, des textes, des déclarations écrites des parties et des témoins (sous serment ou non) et de prendre une décision sur la base de ces éléments. En d’autres termes, il s’agit du type de preuves présentées par les parties dans l’affaire dont je suis saisi.

[65] Pour revenir à ma préoccupation initiale, le fait est que ce qui est en cause dans une demande visant à faire rejeter un grief pour absence de compétence, ce ne sont pas les allégations faites par un fonctionnaire s’estimant lésé ou, en l’occurrence, par l’employeur. C’est la preuve qui est censée établir les faits permettant d’établir le bien-fondé d’un grief ou d’une plainte – ou qui permettront, du moins, de décider que l’affaire doit faire l’objet d’une audience complète.

[66] Cette nouvelle formulation de l’analyse tient compte du fait qu’un grand nombre de griefs et de plaintes dont la Commission est saisie ne portent pas sur des litiges relatifs à des faits concrets. La plupart portent plutôt sur les conclusions à tirer de ces faits ou sur les conséquences juridiques de ces faits. Ils reposent également sur un dossier établi par les parties et constitué de correspondance, de courriels, de textes et de messages publiés sur les médias sociaux de l’époque pertinente. Ce dossier contient ce que les parties ont dit ou fait avant le litige ou au moment où il est survenu. Ces preuves peuvent ne pas avoir été produites sous serment, mais il n’y a guère de raison, dans la plupart des cas, de douter de leur authenticité. Il est rare que la crédibilité des éléments contenus dans un tel dossier soit mise en cause. En effet, le dossier constitue souvent l’essentiel des preuves documentaires présentées à la Commission lors d’une audience complète et, dans un tel cas, la Commission a clairement compétence pour se prononcer sur les conclusions et les conséquences tirées, sans qu’il soit nécessaire de tenir une audience complète.

[67] Pour en revenir aux faits et aux arguments des parties, je suis d’abord convaincu que l’employeur a établi qu’au moment de l’envoi de la lettre de renvoi, la fonctionnaire était en cours de stage, que la lettre a été envoyée pendant la période de stage et qu’un préavis suffisant ou une indemnité tenant lieu de préavis a été donné.

[68] J’ai également été convaincu que la gestionnaire de la fonctionnaire avait établi qu’elle avait fondé sa décision sur un motif lié à l’emploi, du moins à première vue. Les fonctions et responsabilités de la fonctionnaire consistaient à produire des documents destinés à la représentation publique des ministres du gouvernement et de leurs ministères. De toute évidence, l’exactitude et la rapidité dans la création de tels documents étaient essentielles pour réussir dans ce poste. La fonctionnaire a rejeté ou minimisé les préoccupations de sa gestionnaire concernant les erreurs typographiques ou le contenu manquant dans les rapports et les déclarations qu’elle préparait, les considérant comme mineures ou comme un point au sujet duquel elle aurait dû être avertie. Or, les préoccupations de sa gestionnaire portaient sur des éléments dont toute personne occupant le poste de la fonctionnaire aurait su ou aurait dû savoir qu’ils étaient au cœur de ses fonctions et responsabilités de conseillère en communications. Il n’était pas nécessaire de lui dire que ces éléments étaient importants. Pour le dire autrement, le fait qu’une fonctionnaire ne comprenne pas l’importance de ses responsabilités essentielles est en soi un motif de préoccupation lié à l’emploi dans le cas d’un employé qui est en période de stage.

[69] Je tiens à souligner à cet égard que la fonctionnaire a accordé un certain poids aux préoccupations de la gestionnaire, dans la mesure où elle a reconnu dans son exposé chronologique que, compte tenu de son travail et de son expérience passés comme agente des affaires publiques pour le gouvernement de l’Alberta, [traduction] « […] les responsabilités du poste [qui lui a été offert par Mme Kinley] étaient plus modestes que celles qu’[elle] avait assumées auparavant […] ». Elle aurait pu, comme elle l’a dit, être [traduction] « […] enthousiaste à l’idée d’aider [sa gestionnaire] à atteindre ses objectifs », mais il est également vrai que le fait d’assumer des fonctions qui ne correspondent pas à l’expérience et aux attentes d’une personne ne conduit pas toujours à un rendement acceptable.

[70] Quoi qu’il en soit, je suis convaincu que Mme Kinley avait un motif raisonnable lié à l’emploi pour justifier sa décision de renvoyer la fonctionnaire en cours de stage. Ce motif n’aurait peut-être pas constitué un motif valable, mais ce n’est pas le fardeau dont l’employeur devait s’acquitter.

[71] Compte tenu de cette conclusion, il incombait alors à la fonctionnaire de démontrer ce qui suit (voir Tello, au par. 111) :

[…] le licenciement reposait artificiellement sur la nouvelle LEFP, un subterfuge ou un camouflage. Si le fonctionnaire établit qu’il n’y avait pas de « motifs liés à l’emploi » légitimes justifiant le licenciement (autrement dit, si la décision ne reposait pas sur une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant aux aptitudes de l’employé : Penner, à la page 438), le fonctionnaire se sera acquitté de son fardeau de la preuve […]

 

[72] Je considère que la fonctionnaire ne s’est pas acquittée de ce fardeau, malgré la quantité de documents qu’elle et son représentant ont déposés auprès de la Commission. L’essentiel de ses arguments, tels qu’ils sont exposés dans son exposé chronologique, est qu’elle n’était pas toujours d’accord avec sa gestionnaire, que celle-ci a agi de façon déraisonnable et, par conséquent, n’a pas pu agir de bonne foi, ou que la gestionnaire a été contrariée par le fait que la fonctionnaire a accompli certaines tâches sans l’avoir consultée au préalable. Toutefois, le fait de ne pas être d’accord avec les décisions d’une gestionnaire n’est pas un fait qui établit l’existence d’une cause défendable attestant d’une conduite arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi de la part de cette dernière.

[73] La fonctionnaire a particulièrement insisté sur la bonne évaluation du rendement qu’elle a reçue de la gestionnaire en mai 2017, sur le fait que son rendement n’a pas été à la hauteur que dans quelques cas mineurs (à son avis) et sur le fait que sa gestionnaire ne lui a fait part de ses préoccupations qu’à de rares occasions. Toutefois, comme je l’ai déjà indiqué, le fait qu’une supérieure hiérarchique n’ait pas été aussi franche au sujet des lacunes dans le rendement d’une fonctionnaire en période de stage, comme le voudraient de bonnes relations de travail, ne suffit pas à établir la mauvaise foi ou l’absence de motif lié à l’emploi de la part de la supérieure hiérarchique pour justifier le renvoi.

[74] Par conséquent, sur la base des preuves, des faits et des documents produits par les parties, je suis convaincu que l’employeur a établi qu’il avait un motif légitime lié à l’emploi pour justifier sa décision de renvoyer la fonctionnaire en cours de stage. La fonctionnaire n’a pas fourni de preuves de faits qui établiraient que l’employeur a agi de manière discriminatoire ou arbitraire ou de mauvaise foi. Je déclare donc que je n’ai pas compétence pour entendre le présent grief.

[75] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI. Ordonnance

[76] Pour les motifs énoncés plus haut et sur la base des faits exposés, je déclare que la Commission n’est pas compétente pour entendre le présent grief et j’ordonne la fermeture du dossier.

Le 13 janvier 2023.

Traduction de la CRTESPF

Augustus Richardson,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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