Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a allégué abus de pouvoir dans le choix du processus et dans l’application du mérite – il a allégué que la personne nommée ne satisfaisait pas à au moins deux critères de mérite : l’« Expérience récente et appréciable de la gestion de personnel ou plusieurs projets » et la capacité « Valeurs et éthique » – il a également affirmé que la séquence des trois nominations intérimaires consécutives de la personne nommée constituait en soi un abus de pouvoir de la part de la direction puisque cela lui procura un avantage que les autres employés ne pouvaient avoir – la Commission a conclu que le plaignant n’avait pas démontré que les nominations intérimaires successives de la personne nommée constituaient, dans la présente affaire, un avantage indu qui aurait mené à un abus de pouvoir – de plus, l’intimé avait expliqué les raisons justifiant le recours à un processus non annoncé comme étant la difficulté à doter le poste, des motifs d’équité en matière d’emploi, des besoins immédiats et la gestion des talents – en ce qui est de l’évaluation de la personne nommée, le plaignant s’était fondé sur trois incidents qui sont survenus ou dénoncés après la nomination de la personne nommée pour conclure que la nomination ne satisfait pas aux critères de mérite – toutefois, la prépondérance de la preuve a indiqué que la personne nommée avait bien été évaluée en regard de l’énoncé des critères de mérite – ainsi, la Commission a conclu que le plaignant n’avait pas démontré, selon la prépondérance de la preuve, qu’il y avait eu abus de pouvoir lors de l’évaluation de la personne nommée et dans le choix du processus de nomination.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date: 20231017

Dossier: 771-02-42815

 

Référence: 2023 CRTESPF 92

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur l'emploi dans la

fonction publique

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

Jocelyn Tremblay

plaignant

 

et

 

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL

(ministère de l’Emploi et du Développement social)

 

intimé

et

AUTRES PARTIES

Répertorié

Tremblay c. Administrateur général (ministère de l'Emploi et du Développement social)

Affaire concernant une plainte d'abus de pouvoir déposée en vertu des alinéas 77(1)a) et 77(1)b) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique

Devant : Guy Grégoire, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant : Lui-même

Pour l’intimé : Laetitia B. Auguste, avocate

Pour la Commission de la fonction publique : Louise Bard, analyste principale

Affaire entendue par vidéoconférence

les 12 et 13 juin 2023.


MOTIFS DE DÉCISION

I. Demande devant la Commission

[1] Le 19 mars 2021, le ministère de l’Emploi et du Développement social (l’« intimé ») a affiché une notification de nomination ou de proposition de nomination de Myra Cree-Bernier (la « personne nommée ») au poste de gestionnaire principale expertise opérationnelle, classifié au groupe et au niveau PM-06, pour une durée indéterminée au sein de la Direction des services stratégiques, par voie du processus de nomination interne non annoncé 2020-CSD-INA-QC-0079988.

[2] Le 6 avril 2021, Jocelyn Tremblay (le « plaignant ») a déposé une plainte à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») en vertu des alinéas 77(1)a) et b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; la « Loi ») à l’encontre de cette nomination. Il alléguait entre autres que la personne nommée ne satisfaisait pas à au moins deux critères de mérite : l’« Expérience récente et appréciable de la gestion de personnel ou plusieurs projets » (« Expérience en gestion »), à laquelle il réfère comme ‘Excellence en gestion’ et la capacité « Valeurs et éthique ». Il alléguait également qu’il y a eu abus de pouvoir dans le choix du processus.

[3] Pour les motifs qui suivent, je conclus que le plaignant n’a pas démontré, sur la prépondérance de la preuve, que l’intimé a contrevenu à la Loi en abusant de son pouvoir lors de l’évaluation de la personne nommée et dans le choix du processus de nomination.

[4] Il est à noter que la Commission de la fonction publique (CFP) n’a pas assisté à l’audience, mais qu’elle a soumis ses arguments écrits, généraux et spécifiques, concernant la politique de nomination.

II. Résumé de la preuve

[5] Le plaignant travaille à la Direction des services stratégiques depuis 2010. Le 26 mars 2018, une notification de nomination intérimaire a été publiée pour le poste de gestionnaire principale, expertise opérationnelle, spécifiant le profil linguistique CBC et indiquant le nom de la personne nommée. Cette nomination intérimaire a été renouvelée à deux reprises. Lors du dernier renouvellement survenu le 6 décembre 2019, le profil linguistique a été modifié à la baisse, soit à BBB. Il est à noter que le titre du poste de gestionnaire principal de la première nomination intérimaire ne contenait pas les mots « expertise opérationnelle ». Le plaignant a soutenu que l’exigence linguistique avait été revue à la baisse pour accommoder la personne nommée et que cela créait une anomalie au sein de l’organisation, puisque tous les autres postes bilingues requéraient un profil linguistique CBC. D’autre part, il a affirmé que la séquence des trois nominations intérimaires consécutives de la personne nommée constituait en soi un abus de pouvoir de la part de la direction puisque cela lui procura un avantage que les autres employés ne pouvaient avoir.

[6] Le plaignant a témoigné que la personne nommée ne satisfaisait pas au critère de mérite « Expérience en gestion » puisque trois personnes ayant été nommées à des postes intérimaires les 28 octobre 2021, 3 décembre 2021 et 16 décembre 2021 n’avaient pas obtenu leur rémunération intérimaire dans des délais raisonnables. Il a fait valoir que le retard dans la rémunération de ces personnes découlait de la négligence opérationnelle de la personne nommée et ne pouvait être imputé au système de paye Phénix. Il estime que le cumul de ces trois négligences a démontré que la personne nommée ne possédait pas l’« Expérience en gestion » et que sa nomination constituait un abus de pouvoir.

[7] Il a aussi affirmé que des évaluations du rendement avaient été effectuées par la personne nommée avec un an de retard, et que la sienne avait aussi été faite en retard, soit en mai pour 2019-2020 et en juin pour 2020-2021. Selon lui, ces retards démontrent que la personne nommée ne satisfait pas au critère d’« Expérience en gestion ».

[8] Le plaignant a relaté un événement qui a eu lieu durant la pandémie de la COVID-19. Une réception pour célébrer la naissance prochaine d’un bébé a eu lieu chez l’une des membres de l’équipe. Certains ont assisté à la réception par vidéoconférence, comme c’était le cas du plaignant, et d’autres en personne, comme c’était le cas de la personne nommée. Durant la réception, la personne nommée aurait serré dans ses bras la personne célébrée, allant à l’encontre des consignes sanitaires nouvellement annoncées. Selon le plaignant, cet écart de conduite dans les circonstances constituait une autre démonstration de l’absence d’« Expérience en gestion » et de la capacité « Valeurs et éthique », puisqu’elle a fait fi des consignes sanitaires.

[9] Sébastien Laflamme était directeur exécutif de juillet 2019 à mars 2020 et au moment de la nomination intérimaire de la personne nommée alors que le critère linguistique avait été revu à la baisse à BBB. Il a justifié cette décision par le fait que ce critère reflétait les exigences du poste, à ce moment. Selon lui, la nature temporaire du poste justifiait la baisse de la cote à BBB.

[10] La décision de procéder au moyen d’un processus de nomination non annoncé a été prise par Annie Fa Kazadi, directrice intérimaire de la planification, qui a succédé à Sébastien Laflamme. Le 2 juin 2020, elle a écrit à ce dernier pour qu’il lui fournisse des exemples concrets de projets que la personne nommée avait mis sur pied et qu’il lui parle aussi de son leadership, puisqu’il avait supervisé la personne nommée pour une période significative. M. Laflamme a demandé à recevoir une copie de l’énoncé des critères de mérite avant de fournir les exemples à Mme Fa Kazadi.

[11] Le 11 juin 2020, M. Laflamme a envoyé un courriel de près de trois pages relatant les divers accomplissements de la personne nommée. Même s’il n’était plus le gestionnaire de la personne nommée, il a répondu à la demande parce qu’il l’avait été dans un passé récent. En résumé, il a témoigné que la personne nommée avait évolué d’un projet à un autre, que ses projets avaient progressé rondement justement grâce à son leadership. M. Laflamme a tenu à préciser que les évaluations du rendement avaient été décalées dans le temps à cause de la COVID-19 et qu’il était lui-même responsable de mettre sur pied le programme de Prestation canadienne d’urgence (PCU).

[12] M. Laflamme a confirmé qu’une plainte avait été formulée à l’encontre de la personne nommée à l’égard de son comportement dans la gestion du rendement et que celle-ci émanait du plaignant, car celui-ci était insatisfait de son évaluation du rendement et du délai à produire son évaluation. M. Laflamme considère qu’un gestionnaire doit avoir le courage de bien faire les évaluations du rendement et que, dans ce cas-ci, il avait l’impression que la personne nommée s’était bien comportée. M. Laflamme s’est rappelé que le suivi de l’évaluation de rendement avec le plaignant s’était bien passé et que les mesures proposées, l’avaient été pour s’assurer qu’aucune action opérationnelle ne soit échappée. Il a affirmé qu’à titre de gestionnaire, il encourageait les superviseurs à être près de leurs employés pour encourager le dialogue et à faire des évaluations en continu.

[13] M. Laflamme a témoigné à l’effet que les retards des évaluations de rendement annuelles, dans les circonstances de la COVID-19, ne constituaient pas un manquement grave dans la gestion des ressources humaines et n’auraient pas justifiés de sanctionner un gestionnaire pour un tel retard.

[14] M. Laflamme a reconnu que la personne nommée aurait pu être plus assidu en ce qui concerne le suivi de la rémunération intérimaire des trois individus mentionnés plus haut, mais il considère ces évènements comme anecdotiques puisque les autres actions de gestion reliées aux ressources humaines se sont déroulées normalement. Il a affirmé qu’il est possible que tout ne soit pas parfait, mais que dans l’ensemble, la personne nommée méritait la cote d’évaluation du rendement qu’elle a reçue, soit « réussite + ».

[15] Caroline Harès a témoigné à l’effet qu’elle a occupé le poste de directrice générale du 4 août au 15 novembre 2020, a été brièvement impliquée dans le processus de nomination, mais ne l’a pas complété par manque de temps à la fin de son mandat.

[16] Élaine Chatigny a occupé le poste de directrice générale, Services stratégiques, durant 4 ans, jusqu’en 2019, et elle est aux Services aux citoyens depuis 2022. Entretemps, elle a été affectée au Bureau des passeports.

[17] Elle a expliqué avoir opté pour un processus de nomination non annoncé en réponse à un besoin stratégique puisque l’organisation devait passer de 3 600 employés à 7 000 aujourd’hui, depuis la pandémie. L’organisation devenait un « employeur de choix » et devait combler des postes d’entrée PM-01 et mettre l’accent sur le développement professionnel pour faire cheminer ces nouveaux employés du groupe et niveau PM-01 à PM-03. De plus, elle désirait également offrir à ceux déjà en poste l’opportunité de rehausser leurs compétences, de croître au sein de l’organisme et d’offrir un avenir au sein du ministère. Il y avait une forte crainte de roulement du personnel de son organisation vers d’autres organisations au sein du gouvernement fédéral.

[18] Mme Chatigny a affirmé que le choix du processus de nomination non annoncé était aussi motivé par la reconnaissance de l’expertise et de l’expérience de la personne nommée. Un processus de nomination annoncé aurait mis à risque toutes les initiatives en cours. D’autre part, la personne nommée faisait partie d’un groupe visé par l’équité en matière d’emploi en tant que femme autochtone. Le formulaire « Formulation de la décision de sélection » a été déposé en preuve. On y voit que les cases cochées sont : « Difficulté à doter le poste, équité en matière d’emploi, besoin immédiat et gestion des talents. »

[19] C’est Mme Chatigny qui a signé l’énoncé des critères de mérite et Mme Fa Kazadi et M. Laflamme ont contribué à son élaboration. Elle a expliqué que la candidature de la personne nommée avait été évaluée par rapport à l’énoncé des critères de mérite. L’intimé a déposé en preuve le formulaire « Évaluation des critères de mérite ». Mme Chatigny a confirmé que la personne nommée satisfaisait à tous les critères qui y étaient énoncés.

[20] Elle a reconnu dans son témoignage l’existence d’un bassin de candidats préqualifiés PM-06 duquel elle aurait pu doter le poste. Toutefois, ces personnes n’avaient pas l’envergure d’expérience et de connaissance de la personne nommée. La nomination de la personne nommée donnait plus de crédibilité et de continuité aux projets en cours. Elle a expliqué que l’organisation de la personne nommée gérait des projets à caractère transversal alors que les candidats du bassin émanaient d’organisations qui œuvraient en silo. Finalement, la personne nommée était la meilleure personne pour le poste.

[21] Elle a reconnu avoir reçu une plainte du plaignant au sujet de l’incident survenu lors de la réception pour célébrer une naissance. Elle a enquêté sur le sujet, mais n’a trouvé aucun autre témoin pour l’appuyer. Elle a affirmé que cet incident était survenu 10 jours après l’entrée en vigueur de mesures sanitaires et que ce n’était pas nécessairement un geste malveillant. De plus, il n’y a pas eu d’autre plainte à ce sujet et aucun grief n’a été déposé à la suite de cet incident. Elle a reconnu que le plaignant avait amené cet incident à son attention conformément à ses propres valeurs, en spécifiant qu’il jugeait que la personne nommée ne méritait pas la nomination. Elle a précisé que personne d’autre dans l’organisation n’avait soulevé de question en rapport avec la nomination de la personne nommée.

III. Résumé de l’argumentation

[22] Les mesures correctives demandées par le plaignant sont la révocation de la nomination et toute autre mesure que la Commission jugerait appropriée.

[23] Le plaignant a indiqué ce qui suit dans sa plainte :

[…]

Mes allégations visent notamment de nombreux et sérieux manquements pour au moins deux des critères de mérite, soit l’excellence en gestion et valeurs et éthique par la candidate auprès des membres de son équipe depuis le début de son intérim par PNA [processus non annoncé] et prolongé et maintenant transformé en promotion.

[…]

 

[24] Le plaignant dépose la présente plainte par principe puisqu’il juge qu’il y a eu abus de pouvoir dans le choix du processus de nomination et lors de l’évaluation de la personne nommée.

[25] Il s’est appuyé sur Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8, considérant qu’il y avait plus que de simples erreurs ou omissions et aussi une conduite irrégulière.

[26] Il a cité Rizqy c. Sous-ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 CRTESPF 12 pour soutenir qu’il n’était pas nécessaire que l’abus de pouvoir soit intentionnel (au par. 10). Il a affirmé que l’intimé n’avait pas fait le suivi nécessaire dans le cas de la réception pour célébrer une naissance et qu’il ne s’était appuyé que sur le fait qu’aucun grief n’avait été déposé pour conclure qu’il n’y avait pas eu manquement de la part de la personne nommée, constituant un abus de pouvoir de la part de l’intimé.

[27] Le plaignant a soutenu qu’un processus de nomination non annoncé constituait un abus de pouvoir et que l’évaluation du critère de mérite était abusive, puisqu’elle ne démontrait pas l’expérience en gestion.

[28] L’intimé a répliqué dans son argumentation que l’article 33 de la Loi n’impose pas de préférence entre un processus de nomination annoncé ou non annoncé, et que le simple fait qu’un processus de nomination soit non annoncé ne constitue pas un abus de pouvoir. L’intimé a soutenu que le plaignant doit le prouver. Il a de plus affirmé que je n’avais pas compétence pour considérer le bien-fondé des trois nominations intérimaires antérieures de la personne nommée.

[29] L’intimé a soutenu que le choix du processus était bien justifié, que la nomination s’est faite dans le respect du principe du mérite et que la personne nommée rencontre tous les critères de mérite. De plus, il a affirmé que l’évaluation subjective et personnelle du plaignant de la personne nommée ne suffit pas à établir un abus de pouvoir.

[30] Les parties ont déposé de la jurisprudence à l’appui de leur argumentation. Je n’en ferai pas l’énumération ici, et je référerai à celles que je considère pertinentes pour supporter mes conclusions.

IV. Motifs

[31] Je regroupe ici, pour plus de commodité, les articles de la Loi auxquels ont fait référence les parties durant l’audience ou sur lesquels j’appuie ma décision.

[…]

30(1) Les nominations – internes ou externes – à la fonction publique faites par la Commission sont fondées sur le mérite et sont indépendantes de toute influence politique.

30(1) Appointments by the Commission to or from within the public service shall be made on the basis of merit and must be free from political influence.

[…]

(2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

(2) An appointment is made on the basis of merit when

a) selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles – notamment la compétence dans les langues officielles – établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir;

(a) the Commission is satisfied that the person to be appointed meets the essential qualifications for the work to be performed, as established by the deputy head, including official language proficiency; and

b) la Commission prend en compte :

(b) the Commission has regard to

(i) toute qualification supplémentaire que l’administrateur général considère comme un atout pour le travail à accomplir ou pour l’administration, pour le présent ou l‘avenir,

(i) any additional qualifications that the deputy head may consider to be an asset for the work to be performed, or for the organization, currently or in the future,

(ii) toute exigence opérationnelle actuelle ou future de l’administration précisée par l’administrateur général,

(ii) any current or future operational requirements of the organization that may be identified by the deputy head, and

(iii) tout besoin actuel ou futur de l’administration précisé par l’administrateur général.

(iii) any current or future needs of the organization that may be identified by the deputy head.

[…]

(3) Les besoins actuels et futurs de l’administration visés au sous-alinéa (2)b)(iii) peuvent comprendre les besoins actuels et futurs de la fonction publique précisés par l’employeur et que l’administrateur général considère comme pertinents pour l’administration.

(3) The current and future needs of the organization referred to in subparagraph (2)(b)(iii) may include current and future needs of the public service, as identified by the employer, that the deputy head determines to be relevant to the organization.

[…]

(4) La Commission n’est pas tenue de prendre en compte plus d’une personne pour faire une nomination fondée sur le mérite.

(4) The Commission is not required to consider more than one person in order for an appointment to be made on the basis of merit.

[…]

33 La Commission peut, en vue d’une nomination, avoir recours à un processus de nomination annoncé ou à un processus de nomination non annoncé.

33 In making an appointment, the Commission may use an advertised or non-advertised appointment process.

[…]

36 La Commission peut avoir recours à toute méthode d’évaluation – notamment prise en compte des réalisations et du rendement antérieur, examens ou entrevues – qu’elle estime indiquée pour décider si une personne possède les qualifications visées à l’alinéa 30(2)a) et au sous-alinéa 30(2)b)(i).

36 In making an appointment, the Commission may use any assessment method, such as a review of past performance and accomplishments, interviews and examinations, that it considers appropriate to determine whether a person meets the qualifications referred to in paragraph 30(2)(a) and subparagraph 30(2)(b)(i).

[…]

77(1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement de la Commission des relations de travail et de l’emploi, présenter à celle-ci une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

77(1) When the Commission has made or proposed an appointment in an internal appointment process, a person in the area of recourse referred to in subsection (2) may – in the manner and within the period provided by the Board’s regulations – make a complaint to the Board that he or she was not appointed or proposed for appointment by reason of

a) abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l’administrateur général dans l’exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2);

(a) an abuse of authority by the Commission or the deputy head in the exercise of its or his or her authority under subsection 30(2);

b) abus de pouvoir de la part de la Commission du fait qu’elle a choisi un processus de nomination interne annoncé ou non annoncé, selon le cas;

(b) an abuse of authority by the Commission in choosing between an advertised and a non-advertised internal appointment process; or

[…]

 

[32] La Loi, aux alinéas 77(1)a) et 77(1)b), permet aux personnes dans la zone de recours de déposer une plainte alléguant un abus de pouvoir de la part de l’administrateur général dans l’exercice de ses attributions respectives au titre du paragraphe 30(2), et un abus de pouvoir dans le choix du processus de nomination.

[33] C’est en vertu des deux premiers paragraphes de l’article 77 de la Loi que le plaignant a déposé sa plainte à l’encontre de la nomination de la personne nommée. La jurisprudence a établi de longue date qu’il appartient au plaignant de démontrer, sur la prépondérance de la preuve, que l’administrateur général a abusé de son pouvoir. C’est au plaignant qu’il incombe de s’acquitter du fardeau de la preuve.

[34] Tibbs a statué qu’il incombe au plaignant de prouver qu’il y a eu abus de pouvoir. De plus, la Loi dans son ensemble et son préambule font ressortir clairement qu’il faut plus que de simples erreurs ou omissions pour constituer un abus de pouvoir. « L’abus de pouvoir constitue plus qu’une simple erreur ou omission » et il comprendra toujours une conduite irrégulière (aux par. 65 et 66).

A. Est-ce qu’il y a eu abus de pouvoir dans le choix du processus?

[35] L’article 33 de la Loi énonce clairement et sans équivoque que l’intimé peut avoir recours à un processus de nomination annoncé ou non annoncé. Ainsi, le plaignant ne peut pas tout simplement alléguer qu’il y a eu abus de pouvoir à cause que l’intimé a choisi un processus non annoncé. Il doit prouver que la décision de l’intimé de choisir un tel processus constitue un abus de pouvoir.

[36] Le plaignant a fait valoir que la personne nommée avait bénéficié de trois nominations intérimaires et que celles-ci lui conféraient un avantage duquel aurait découlé un abus de pouvoir. Il ressort de la preuve qu’aucune plainte n’a été déposée contre ces nominations. Le fait de choisir un processus de nomination non annoncé ne constitue pas en soi un abus de pouvoir. Lors de son témoignage, la directrice n’a pas indiqué pourquoi la personne nommée avait été nommée à trois reprise. Elle a toutefois témoigné qu’elle mettait l’accent sur le développement professionnel de ses employés.

[37] Il ne fait aucun doute que la personne nommée a acquis de nouvelles expériences et compétences durant ses nominations intérimaires. Cependant, ses nominations n’ont jamais fait l’objet d’une plainte et il ne m’appartient pas ici d’établir leurs légitimités. Cela étant, la personne nommée a-t-elle bénéficié d’un avantage au détriment du plaignant qui aurait mené à un abus de pouvoir?

[38] Le paragraphe 30(4) de la Loi stipule que dans le cas d’un processus de nomination non annoncé, la direction n’est pas tenue de considérer ou d’évaluer d’autres personnes que la personne nommée. Ainsi, il n’y avait aucun besoin d’effectuer une évaluation comparative entre le plaignant et la personne nommée. De plus, le plaignant n’a pas démontré que les nominations intérimaires successives de la personne nommée constituent, en l’espèce, un avantage indu qui aurait mené à un abus de pouvoir.

[39] La directrice a expliqué que le choix du processus de nomination répondait à un besoin stratégique vu les besoins de l’organisation et la croissance importante et rapide du nombre d’employés prévus. Elle a aussi mentionné les risques organisationnels auxquels l’organisation s’exposait si elle procédait au moyen d’un processus de nomination annoncé. D’autre part, l’intimé a déposé en preuve un document intitulé « Formulation de la décision de sélection », qui précise les raisons justifiant le recours à un processus de nomination non annoncé. On y précise la difficulté à doter le poste, des motifs d’équité en matière d’emploi, des besoins immédiats et la gestion des talents comme justificatifs. De ces éléments, je conclus que le choix du processus de nomination non annoncé est le fruit d’une réflexion sensée, basée sur les besoins organisationnels du moment et non une décision gratuite ou arbitraire. Dans les circonstances, le plaignant n’a pas démontré, sur la prépondérance de la preuve, qu’il y a eu abus de pouvoir dans le choix du processus de nomination non annoncé.

B. Est-ce qu’il y a eu abus de pouvoir dans l’application du mérite?

[40] J’ai cité plus haut un extrait de la plainte du plaignant concernant les nombreux et sérieux manquements pour au moins deux critères de mérite, que je reprends ici :

[…]

Mes allégations visent notamment de nombreux et sérieux manquements pour au moins deux des critères de mérite, soit l’excellence en gestion et valeurs et éthique par la candidate auprès des membres de son équipe depuis le début de son intérim par PNA [processus non annoncé] et prolongé et maintenant transformé en promotion.

[…]

 

[41] À l’appui de son allégation, le plaignant a référé à des retards dans le traitement de la rémunération de trois collègues occupant des postes intérimaires. Il a aussi mentionné le retard de plus d’un an dans le traitement de son évaluation du rendement. Il a aussi témoigné qu’au moins un employé s’était plaint du traitement de son évaluation du rendement; il s’est avéré que c’était le plaignant lui-même, détail qu’il avait omis de mentionner. Finalement, il a relaté un incident au cours duquel la personne nommée aurait serré dans ses bras une autre personne en contravention des règles sanitaires mises en place à cause de la pandémie de la COVID-19. Il a prétendu que ces éléments suffisent à démontrer que la personne nommée ne satisfait pas aux critères d’ « Expérience en gestion » et « Valeurs et éthique ».

[42] Ces trois incidents, tels que relatés par le plaignant, sont des évènements survenus ou dénoncés après la nomination de la personne nommée. C’est à partir de ceux-ci que le plaignant base son évaluation pour conclure que la nomination ne satisfait pas aux critères de mérite. M. Laflamme a expliqué que les retards des évaluations de rendement annuelles, dans les circonstances de la COVID-19, ne constituaient pas un manquement grave dans la gestion des ressources humaines et n’auraient pas justifiés de sanctionner un gestionnaire pour un tel retard. Ainsi, cet élément n’a pas constitué un élément négatif dans l’évaluation de la personne nommée.

[43] Le plaignant a cité Rizqy dans laquelle la Commission discute du critère de mérite « Valeurs et éthique ». Toutefois, cette affaire est différente du présent cas. La Commission était saisie d’une allégation contestant le traitement des références reçues des répondants où la plaignante avait soulevé des doutes quant à la véracité de celles-ci. Il y avait également une allégation de partialité à l’égard du cadre supérieure qui avait fait valider les observations des répondants.

[44] La question en litige en l’espèce est de déterminer si l’intimé a abusé de son pouvoir lors de l’évaluation de la personne nommée. L’intimé a fait témoigner deux anciens directeurs, soit M. Laflamme, qui a produit l’information relative à la performance de la personne nommée, et Mme Chatigny, qui a évalué la candidature de la personne nommée et déterminé qu’elle satisfaisait aux critères de mérite au moment de sa nomination.

[45] La preuve démontre que M. Laflamme a fait parvenir un courriel à la demande de Mme Chatigny. Ce courriel de trois pages relatait les accomplissements de la personne nommée. M. Laflamme a aussi été éloquent à l’égard de la personne nommée dans son témoignage, qualifiant d’anecdotiques les évènements mentionnés par le plaignant et ajoutant que la personne nommée avait accompli beaucoup dans le cadre de son poste. Mme Chatigny a utilisé le courriel pour évaluer la candidature de la personne nommée par rapport à l’énoncé des critères de mérite. Elle a aussi commenté l’incident de la réception pour célébrer une naissance en expliquant qu’il n’y avait pas lieu d’y donner suite.

[46] L’intimé a déposé en preuve l’« Évaluation des critères de mérite ». Il s’agit d’un tableau comportant trois colonnes et une rangée par critère de mérite. La première colonne est intitulée « Critères de mérite », la seconde « Justification de l’évaluation » et la troisième « Informations complémentaires (le cas échéant) ». Toutes les colonnes sont remplies en précisant, pour chaque critère de mérite, la façon dont a été observée l’évaluation et un long justificatif à l’appui de l’évaluation.

[47] Plus spécifiquement, en ce qui concerne les critères des capacités « Valeurs et éthique » et « Expérience en gestion », on peut lire que ces critères ont été évalués et démontrés au moyen de l’application de gestion du rendement de la fonction publique lors de l’exercice financier 2018-2019 telle que fournie par son directeur, M. Laflamme.

[48] En matière d’évaluation de candidature, il ne m’appartient pas de réévaluer la personne nommée, mais plutôt de déterminer s’il y a eu abus de pouvoir dans le processus de nomination.

[49] En l’espèce, la prépondérance de la preuve indique clairement que la candidature a bel et bien été évaluée au regard de l’énoncé des critères de mérite. Il ressort aussi que cette évaluation m’a semblé objective et honnête. Je n’y perçois pas le moindre soupçon d’abus de pouvoir. Au contraire, lorsque le plaignant a invoqué qu’une plainte avait été déposée à son directeur en rapport à une évaluation de rendement à l’égard de la personne nommée après sa nomination, il a omis de spécifier qu’elle émanait de lui. Cette omission a quelque peu entaché la crédibilité de son témoignage. Quoi qu’il en soit, le plaignant n’a pas réussi à prouver, selon la prépondérance de la preuve, qu’il y a eu abus de pouvoir lors de l’évaluation de la personne nommée.

[50] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[51] La plainte est rejetée.

Le 17 octobre 2023.

Guy Grégoire,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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