Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a présenté une plainte en vertu des alinéas 190(1)g) et e) de la LRTSPF, alléguant que le défendeur a refusé de déposer un grief ou de fournir une représentation dans une affaire liée à une allégation de harcèlement – le défendeur a soutenu que la plainte devrait être rejetée parce qu’elle était hors délai – le plaignant a convenu qu’elle était hors délai, mais a demandé que le délai pour la déposer soit prolongé – le défendeur a soutenu qu’elle ne devrait pas être prolongée – la Commission a rejeté la plainte en vertu de l’alinéa 190(1)e), car elle n’avait rien à voir avec la négociation d’une convention collective ou la mise en œuvre d’une convention collective ou d’une décision arbitrale – en ce qui concerne la plainte fondée sur l’alinéa 190(1)g), la Commission s’est d’abord demandée si elle avait le pouvoir de proroger le délai en vertu du paragraphe 190(2) – s’écartant de la jurisprudence, la Commission a conclu qu’elle avait effectivement un pouvoir implicite, limité, de pardonner le non-respect du délai s’il existe un motif valable justifiant le retard qui n’aurait pu être ni prévu ni contrôlé – le pouvoir doit être exercé que dans des circonstances exceptionnelles ou inusitées – compte tenu des faits, le plaignant n’a pas satisfait à cette norme très exigeante puisque les circonstances qu’il invoquait n’étaient ni inusitées ni exceptionnelles.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date: 20231102

Dossier: 561-02-47362

 

Référence: 2023 CRTESPF 100

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail dans

le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations de

travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

ENTRE

 

Joshaua Beaulieu

plaignant

 

et

 

Alliance DE LA FONCTION PUBLIQUE DU Canada

 

défenderesse

Répertorié

Beaulieu c. Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire concernant une plainte présentée en vertu de l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant : Ian R. Mackenzie, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant : Lui-même

Pour la défenderesse : Kalapi Roy

 

Décision rendue sur la base d’arguments écrits,
déposés
les 27 et 28 février, le 28 mars, les 18 et 30 mai, et les 3, 5, 8, 14 et 16 juin 2023.

(Traduction de la CRTEPSF)

 


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Plainte devant la Commission

[1] Joshaua Beaulieu (le « plaignant ») a présenté une plainte pour pratique déloyale de travail à l’encontre du Syndicat des employé-e-s des Anciens combattants (le « syndicat »), un élément de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (la « défenderesse »), le 27 février 2023. Il a allégué que la défenderesse avait refusé de déposer un grief ou de le représenter à la suite d’une décision du ministère des Anciens Combattants (le « Ministère ») liée à une allégation de harcèlement. Il a également allégué qu’il avait été exclu du syndicat pour des raisons liées à un handicap.

[2] Le plaignant a présenté sa plainte en vertu des alinéas 190(1)g) et e) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »).

[3] L’alinéa 190(1)e) de la Loi vise les plaintes relatives à des allégations de violation de l’article 117 (Obligation de mettre en application une convention). Dans un courriel adressé au plaignant le 28 mars 2023, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») l’a informé que l’alinéa 190(1)e) concerne l’obligation de mettre en application les dispositions d’une convention collective conclue entre un employeur et un syndicat. Le plaignant a maintenu qu’il entendait présenter une plainte en vertu de cet alinéa ainsi qu’en vertu de l’alinéa 190(1)g), qui vise les pratiques déloyales de travail.

[4] La défenderesse a demandé le rejet sommaire de la plainte au motif qu’elle est hors délai. Le plaignant ne conteste pas le fait que la plainte est hors délai. Il a demandé que le délai soit prorogé. La défenderesse a fait valoir qu’il n’y avait pas lieu d’accorder une prorogation.

[5] La présente décision porte sur la compétence de la Commission à l’égard d’une plainte présentée par un employé alléguant l’absence de mise en application des dispositions d’une convention collective et sur la demande de la défenderesse visant à faire rejeter de façon sommaire la plainte en raison de sa présentation hors délai.

[6] Je suis convaincu que, conformément à l’article 22 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365), il convient de rendre la présente décision sur la base des arguments écrits et de la plainte versée au dossier.

[7] Pour les motifs énoncés dans la présente décision, je suis parvenu à la conclusion que l’alinéa 190(1)e) de la Loi ne s’applique pas à la présente plainte. J’ai également déterminé que la plainte présentée en vertu de l’alinéa 190(1)g) est hors délai et je refuse d’exercer la compétence de la Commission pour proroger le délai.

II. Une personne peut-elle présenter une plainte en vertu de l’alinéa 190(1)e) de la Loi?

[8] Le plaignant a présenté sa plainte en vertu de l’article habituellement invoqué dans le cadre d’une plainte relative au devoir de représentation équitable (alinéa 190(1)g)), mais il a également invoqué l’alinéa 190(1)e), qui porte sur l’obligation de mettre en application les dispositions d’une convention collective.

[9] Voici le libellé de l’article 117 quant à l’obligation de mettre en application les dispositions d’une convention collective :

117 Sous réserve de l’affectation par le Parlement, ou sous son autorité, des crédits dont l’employeur peut avoir besoin à cette fin, les parties à une convention collective commencent à appliquer celle-ci :

117 Subject to the appropriation by or under the authority of Parliament of money that may be required by the employer, the parties must implement the provisions of a collective agreement

a) au cours du délai éventuellement prévu à cette fin dans la convention;

(a) within the period specified in the collective agreement for that purpose; or

(b) en l’absence de délai de mise en application, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date de la signature de la convention ou dans le délai plus long dont peuvent convenir les parties ou que fixe la Commission sur demande de l’une ou l’autre des parties.

(b) if no such period is specified in the collective agreement, within 90 days after the date it is signed or any longer period that the parties may agree to or that the Board, on application by either party, may set.

 

[10] Le plaignant a allégué que l’omission de déposer un grief constituait un manquement à l’obligation de mettre en application une disposition de la convention collective. Or, l’article 117 porte sur la mise en application d’une nouvelle convention collective ou d’une décision arbitrale, et non sur l’application des dispositions d’une convention collective existante (voir Halfacree c. A.F.P.C., 2010 CRTFP 64, au par. 15).

[11] Étant donné que la présente plainte ne porte aucunement sur la négociation d’une convention collective ou sur la mise en application d’une convention collective ou d’une décision arbitrale par un employeur ou un syndicat, le plaignant ne pouvait pas invoquer cet article à l’appui de sa plainte.

[12] Par conséquent, la partie de la plainte fondée sur la violation de l’alinéa 190(1)e) est rejetée.

III. Le caractère opportun de la plainte et la possibilité pour la Commission d’accorder une prorogation de délai

[13] Le paragraphe 190(1) de la Loi exige que la Commission instruise toute plainte selon laquelle une organisation syndicale s’est livrée à une pratique déloyale au sens de l’article 185. Aux termes de l’article 185, une pratique déloyale s’entend notamment de toute pratique interdite par les articles 187 ou 188.

[14] L’article 187 de la Loi énonce le devoir de représentation équitable de l’agent négociateur dans les termes que voici :

187 Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

187 No employee organization that is certified as the bargaining agent for a bargaining unit, and none of its officers and representatives, shall act in a manner that is arbitrary or discriminatory or that is in bad faith in the representation of any employee in the bargaining unit.

 

[15] Voici une partie du libellé de l’article 188 de la Loi :

188 Il est interdit à l’organisation syndicale, à ses dirigeants ou représentants ainsi qu’aux autres personnes agissant pour son compte :

188 No employee organization and no officer or representative of an employee organization or other person acting on behalf of an employee organization shall

[…]

b) d’expulser un fonctionnaire de l’organisation syndicale ou de le suspendre, ou de lui refuser l’adhésion, en appliquant d’une manière discriminatoire les règles de l’organisation syndicale relatives à l’adhésion;

(b) expel or suspend an employee from membership in the employee organization or deny an employee membership in the employee organization by applying its membership rules to the employee in a discriminatory manner…

 

[16] Le paragraphe 190(2) de la Loi prévoit que les plaintes prévues au paragraphe (1) « […] doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu — ou, selon la Commission, aurait dû avoir – connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu ».

[17] Dans sa plainte, le plaignant a indiqué que la date à laquelle il [traduction] « […] a eu connaissance de la mesure, de l’omission ou de toute autre circonstance ayant donné lieu à la plainte […] » était le 2 mai 2018. Dans la mesure où la plainte n’a été présentée que le 27 février 2023, la défenderesse a fait valoir que la plainte était hors délai et qu’elle devait être rejetée pour ce motif. Le plaignant a convenu que la plainte avait été déposée hors délai et a fait valoir qu’il y avait lieu de proroger le délai. La défenderesse s’est opposée à la prorogation du délai.

[18] Je conviens que la plainte est hors délai. Par conséquent, la question préliminaire à trancher est de savoir si la Commission a le pouvoir de proroger le délai de présentation d’une plainte en vertu de l’article 190 de la Loi ou si elle a le pouvoir de remédier au non-respect du délai par le plaignant.

[19] La Commission et ses prédécesseurs ont longtemps considéré que le délai de 90 jours prévu à cet article est obligatoire et ne peut donc pas être prorogé. La première décision à tirer cette conclusion a été Castonguay c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 78, dans laquelle la Commission des relations de travail dans la fonction publique a interprété une disposition législative identique de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP). La Commission a abordé le délai fixé au paragraphe 190(2) dans les termes suivants :

55 Le libellé de cette disposition revêt manifestement un caractère obligatoire en raison des mots « […] doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours […] ». Aucune autre disposition de la nouvelle LRTFP n’habilite la Commission à proroger le délai prescrit par le paragraphe 190(2). Par conséquent, le paragraphe 190(2) de la nouvelle LRTFP fixe une limite de temps, limitant ainsi le pouvoir de la Commission d’examiner et d’instruire toute plainte voulant qu’une organisation syndicale s’est livrée à une pratique déloyale de travail, au sens de l’article 185 (lequel est mentionné à l’alinéa 190(1)g) de la nouvelle LRTFP), et cela vaut pour les actions ou circonstances dont le plaignant avait connaissance ou, de l’avis de la Commission, aurait dû avoir connaissance, dans les 90 jours précédant la date de la plainte.

 

[20] La décision Castonguay a fait jurisprudence, notamment dans Paquette c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2018 CRTESPF 20; Nemish c. King, 2020 CRTESPF 76; Burns c. Section locale n° 2182 d’Unifor, 2020 CRTESPF 119; Marcil c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2022 CRTESPF 65; et Tremblay c. Association canadienne des employés professionnels, 2023 CRTESPF 69.

[21] La Cour d’appel fédérale a établi que cette interprétation du pouvoir de la Commission est raisonnable; voir Roberts c. Syndicat des agents correctionnels du Canada, 2014 CAF 42, aux paragraphes 9 à 11. Toutefois, la conclusion d’une cour supérieure selon laquelle une interprétation d’une loi est raisonnable ne signifie pas qu’une interprétation différente ne pourrait pas l’être également.

[22] Dans Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2019 CAF 41, au paragraphe 44, une décision qui portait également sur l’article 190, la Cour d’appel fédérale a déclaré qu’il « […] appartient à la Commission, et non à la Cour, de déterminer comment on favorise l’adoption de politiques judicieuses en matière de relations de travail par l’interprétation […] de la LRTSPF ».

[23] Pour répondre à la question concernant le pouvoir de la Commission de proroger les délais au titre du paragraphe 190(2), il convient de se livrer à un exercice d’interprétation de la loi. Toutefois, la démarche moderne d’interprétation des lois exige que je tienne compte non seulement du sens ordinaire du libellé employé, mais également de l’objet et du contexte de la disposition en question. La Cour suprême du Canada a succinctement exposé ce principe moderne d’interprétation des lois dans Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, au paragraphe 10 :

10 Il est depuis longtemps établi en matière d’interprétation des lois qu’« il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » : voir 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 804, par. 50. L’interprétation d’une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi dans son ensemble. Lorsque le libellé d’une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation. Par contre, lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d’un sens raisonnable, leur sens ordinaire joue un rôle moins important. L’incidence relative du sens ordinaire, du contexte et de l’objet sur le processus d’interprétation peut varier, mais les tribunaux doivent, dans tous les cas, chercher à interpréter les dispositions d’une loi comme formant un tout harmonieux.

 

[24] Dans Canada (Sécurité publique et Protection civile) c. Huang, 2014 CAF 228, au paragraphe 43, la Cour d’appel fédérale a indiqué dans les termes suivants que le sens grammatical et ordinaire d’une disposition législative ne clôt pas le processus d’interprétation :

[43] On comprend bien qu’il découle intrinsèquement de la méthode contextuelle d’interprétation législative que le sens ordinaire et grammatical d’une disposition n’est pas déterminant quant à son sens. Il faut tenir compte du contexte global de la disposition à interpréter, « même si, à première vue, le sens de son libellé peut paraître évident » (ATCO Gas & Pipelines Ltd. c. Alberta (Energy & Utilities Board), 2006 CSC 4, [2006] 1 R.C.S. 140, au paragraphe 48). La Cour vise, à la lumière du libellé et du contexte plus large, à déterminer l’intention du législateur, qui est « [l] » élément le plus important de cette analyse » (R. c. Monney, [1999] 1 R.C.S. 652, 1999 CanLII 678 (C.S.C.), au paragraphe 26).

 

[25] Concernant l’interprétation de la Loi, j’aborderai d’abord la question du libellé du paragraphe 190(2). Dans Castonguay, la prédécesseure de la Commission a établi que le libellé du paragraphe 190(2) « revêt manifestement un caractère obligatoire », compte tenu de l’emploi du mot « doivent » (au par. 55). Il ne fait aucun doute que l’emploi du mot « doivent » dans une loi revêt un caractère obligatoire, en ce sens qu’une personne qui « doit » faire quelque chose n’a pas la possibilité de s’y dérober (Ruth Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes, 7e éd. Sullivan »), 4.05, « Interpretation Acts and Recurring Legislative Terminology, “Shall”/“must” » (version électronique)). Lorsqu’il est établi qu’une disposition a un caractère obligatoire, la question suivante doit alors être posée : quelles sont les conséquences du non-respect de la disposition en question? En d’autres termes, l’observance de la disposition est-elle réellement « obligatoire » (ce qui signifie que le non-respect de la disposition ne peut être corrigé) ou celle-ci revêt-elle simplement un caractère « directif » (ce qui signifie que le non-respect de la disposition peut être corrigé)?

[26] Dans Bande indienne de la rivière Blueberry c. Canada (Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1995] 4 R.C.S. 344, au paragraphe 42, la Cour suprême a expliqué que les facteurs prépondérants permettant de trancher cette question sont les objets de la loi en question et l’effet d’une décision dans un sens ou dans l’autre. Si le fait de conclure qu’une disposition revêt réellement un caractère obligatoire entraînerait des difficultés et ne servirait pas l’objet poursuivi par le législateur, le fait de considérer que le mot « doit » revêt un caractère directif permet au décideur d’obtenir un résultat juste et raisonnable (voir Sullivan, p. 4.05, « Consequences of finding an imperative provision to be directory »).

[27] Les objets de la Loi sont énoncés dans son préambule dans les termes suivants :

Attendu :

Recognizing that

que le régime de relations patronales-syndicales de la fonction publique doit s’appliquer dans un environnement où la protection de l’intérêt public revêt une importance primordiale;

the public service labour-management regime must operate in a context where protection of the public interest is paramount;

que des relations patronales-syndicales fructueuses sont à la base d’une saine gestion des ressources humaines, et que la collaboration, grâce à des communications et à un dialogue soutenu, accroît les capacités de la fonction publique de bien servir et de bien protéger l’intérêt public;

effective labour-management relations represent a cornerstone of good human resource management and that collaborative efforts between the parties, through communication and sustained dialogue, improve the ability of the public service to serve and protect the public interest;

que la négociation collective assure l’expression de divers points de vue dans l’établissement des conditions d’emploi;

collective bargaining ensures the expression of diverse views for the purpose of establishing terms and conditions of employment;

que le gouvernement du Canada s’engage à résoudre de façon juste, crédible et efficace les problèmes liés aux conditions d’emploi;

the Government of Canada is committed to fair, credible and efficient resolution of matters arising in respect of terms and conditions of employment;

que le gouvernement du Canada reconnaît que les agents négociateurs de la fonction publique représentent les intérêts des fonctionnaires lors des négociations collectives, et qu’ils ont un rôle à jouer dans la résolution des problèmes en milieu de travail et des conflits de droits;

the Government of Canada recognizes that public service bargaining agents represent the interests of employees in collective bargaining and participate in the resolution of workplace issues and rights disputes;

que l’engagement de l’employeur et des agents négociateurs à l’égard du respect mutuel et de l’établissement de relations harmonieuses est un élément indispensable pour ériger une fonction publique performante et productive,

commitment from the employer and bargaining agents to mutual respect and harmonious labour-management relations is essential to a productive and effective public service…

[…]

 

[28] La décision rendue dans Castonguay selon laquelle le délai fixé à l’article 190 « revêt manifestement un caractère obligatoire » peut, dans certaines circonstances, entraîner des difficultés qui ne serviraient pas l’objet prévu par la loi, à savoir « résoudre de façon juste, crédible et efficace » les différends, ou contribuer à l’établissement de « relations harmonieuses » entre « l’employeur et [l]es agents négociateurs ». Une décision selon laquelle l’imposition d’un délai est une mesure directive et non une obligation permet un règlement « juste et crédible » et favorise l’établissement de relations de travail « harmonieuses » dans les cas où un délai n’a pas été respecté en raison de circonstances indépendantes de la volonté du plaignant.

[29] Si l’on s’en tient à l’interprétation du paragraphe 190(2) de la Loi énoncée dans Castonguay, les parties sont privées de la possibilité de soumettre leur différend à un arbitrage si le retard dans la présentation de leur plainte n’était pas de leur fait. La fixation d’un délai ferme et inflexible présente l’avantage de la finalité et de la clarté, là où le délai de 90 jours est gravé dans le marbre. Après évaluation des deux interprétations, celle qui prévoit de libérer le plaignant des conséquences du non‑respect d’un délai sans qu’il y ait faute de sa part répond mieux à l’objet de la Loi. Une personne raisonnable ne penserait pas qu’il soit juste ou crédible de refuser à une personne la possibilité d’un arbitrage si le délai n’a pas été respecté en raison de circonstances imprévues dont le plaignant n’est pas responsable. Par exemple, si une personne est hospitalisée ou si sa communauté fait l’objet d’un ordre d’évacuation en raison d’incendies de forêt, le fait de libérer le plaignant des conséquences du non‑respect du délai de présentation de la plainte contribuerait au règlement « juste et crédible » de la plainte et contribuerait également à l’établissement de relations de travail « harmonieuses ».

[30] La deuxième question d’interprétation que je vais aborder concerne les fondements des pouvoirs de la Commission en vertu de la Loi. Bien que la jurisprudence indique clairement que les mesures prises par un décideur administratif doivent être fondées sur la loi, il est tout aussi clair que ces pouvoirs ne se limitent pas à ceux qui sont expressément énoncés. Dans Bell Canada c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes), [1989] 1 R.C.S. 1722, p. 1756, la Cour suprême du Canada a déclaré que les pouvoirs d’un tribunal administratif peuvent « […] également découler implicitement du texte de la loi, de son économie et de son objet ». La Cour suprême a mis en garde contre la volonté de « trop élargir » des pouvoirs au moyen d’une législation judiciaire, mais a également précisé que les tribunaux doivent « […] éviter de les rendre stériles en interprétant les lois habilitantes de façon trop formaliste ». Dans ATCO Gas & Pipelines Ltd. c. Alberta (Energy & Utilities Board), 2006 CSC 4, la Cour a indiqué que la « doctrine de la compétence par déduction nécessaire » prévoyait que les pouvoirs conférés par une loi habilitante pouvaient être considérés comme incluant « […] par déduction, tous ceux qui sont de fait nécessaires à la réalisation de l’objectif du régime législatif […] » (au par. 51).

[31] Dans Tipple c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 158, la Cour d’appel fédérale a également précisé que les décideurs judiciaires ont le « pouvoir inhérent de contrôler leur propre procédure et de remédier à un abus de celleci » (au par. 29).

[32] Pour déterminer si la Commission a le pouvoir implicite de proroger les délais de présentation des plaintes fondées sur l’article 190 de la Loi, il est nécessaire d’examiner à nouveau les objets de la Loi et de déterminer si ledit pouvoir implicite est nécessaire à la réalisation de ces objets.

[33] L’article 12 de la Loi énonce en ces termes les pouvoirs de la Commission en ce qui concerne la mise en œuvre de la Loi :

12 La Commission met en œuvre la présente loi et exerce les attributions que celle-ci lui confère ou qu’implique la réalisation de ses objets, notamment en rendant des ordonnances qui en exigent l’observation, celle des règlements pris sous son régime ou des décisions qu’elle rend sur les questions dont elle est saisie.

12 The Board administers this Act and it may exercise the powers and perform the duties and functions that are conferred or imposed on it by this Act, or as are incidental to the attainment of the objects of this Act, including the making of orders requiring compliance with this Act, with regulations made under it or with decisions made in respect of a matter coming before the Board.

[Je mets en évidence]

 

[34] En ce qui concerne l’interprétation des pouvoirs de la Commission dans le présent cas, les objets pertinents sont, comme je l’ai déjà indiqué, les suivants : « résoudre de façon juste, crédible et efficace » les différends et l’« établissement de relations harmonieuses » entre l’employeur et les agents négociateurs.

[35] L’existence d’un pouvoir implicite permettant de libérer une personne des conséquences du non-respect d’un délai fixé par la loi est également étayée par la jurisprudence.

[36] La Cour d’appel fédérale a procédé à une analyse détaillée du pouvoir de la Commission de libérer un plaignant des conséquences du non-respect du délai fixé par la loi dans Canada (Procureur général) c. A.F.P.C., [1989] 3 CF 585 (AFPC). Dans cette décision, la Cour a estimé qu’une commission antérieure, la Commission des relations de travail dans la fonction publique, disposait de la « compétence implicite mais très restreinte » de libérer une partie des conséquences de son « manquement » (le non-respect d’un délai) « […] si elle est convaincue par les motifs du retard dans ce qui serait vraisemblablement des circonstances très inusitées ou extraordinaires ». Dans ce cas, l’employeur n’avait pas déposé la liste des fonctionnaires désignés à la Commission dans le délai imparti, et la loi ne prévoyait pas de prorogation des délais. La Cour a fait l’observation suivante :

[…]

[…] Bien que la loi en cause, contrairement à plusieurs autres qui traitent des délais, ne mentionne pas la possibilité de l’existence de certaines circonstances et d’une raison valable, et bien que de façon générale on doive prendre au sérieux les délais fixés, je ne crois pas que ce soit porter atteinte à l’interprétation de la loi ni à l’intention du Parlement que de reconnaître que ces délais puissent être considérés comme ayant été légalement respectés lorsqu’un événement ou une circonstance qui s’apparente à un accident ou à la force majeure est intervenu pour en empêcher le respect littéral. Dans la complexité du monde contemporain, il est facile d’imaginer des circonstances qui, sans qu’il y ait faute ni manquement de l’employeur, retarderaient le dépôt de la liste des fonctionnaires désignés […] Évidemment, on ne peut généraliser car chaque cas dépend, parmi d’autres facteurs, de la loi en cause et des mots utilisés […]

[…]

 

[37] Dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Personnel des fonds non publics, Forces canadiennes, 2009 CRTFP 123, le président de l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique a invoqué la décision de la Cour d’appel fédérale dans AFPC pour permettre à l’agent négociateur de déposer une demande d’arbitrage après la date limite prévue par la Loi (au par. 5). Le président a fait les observations suivantes aux paragraphes 6 et 7 :

6 De plus, le préambule de la nouvelle Loi préconise des relations patronales-syndicales efficaces, encourage les efforts de collaboration des employeurs et des agents négociateurs, confirme l’engagement du gouvernement du Canada à résoudre de manière juste, crédible et efficace les problèmes liés aux conditions d’emploi, et reconnaît que l’engagement des employeurs et des agents négociateurs à l’égard du respect mutuel et de l’établissement de relations harmonieuses est un élément indispensable pour ériger une fonction publique performante et productive. À l’article 241, la nouvelle Loi stipule également que les procédures ne sont pas susceptibles d’invalidation pour un simple vice de procédure.

7 Ayant pris en considération la jurisprudence soulevée plus tôt et l’intention expressément formulée par le législateur dans la nouvelle Loi, je déclare que le président jouit, dans des circonstances exceptionnelles, du pouvoir de dégager une partie des conséquences de son manquement à respecter le délai fixé au paragraphe 136(5) de la nouvelle Loi.

 

[38] La contradiction apparente entre l’octroi d’un pouvoir explicite de proroger les délais fixés dans certains articles de la Loi (mais pas celui de l’article 190) et d’un pouvoir implicite de libérer une partie des conséquences du non-respect du délai de 90 jours pour les plaintes déposées au titre de l’article 190 se résout facilement. Le pouvoir implicite, comme l’a expliqué la Cour d’appel fédérale dans AFPC, est très restreint et n’implique pas de concilier l’équité et le préjudice. Ce pouvoir implicite ne doit être utilisé que dans des cas tout à fait exceptionnels ou inusités. La Cour d’appel fédérale a employé les mots « accident » ou « force majeure ». Le sens de ces mots est clair : le retard doit résulter d’un événement extraordinaire indépendant de la volonté de la partie qui n’a pas respecté le délai. Chaque cas doit être tranché sur la base des circonstances qui lui sont propres, mais il sera rare qu’une partie soit libérée de son obligation de respecter un délai fixé par la loi en vertu de ce pouvoir implicite, et elle ne pourra demander à ce qu’il soit exercé que dans des circonstances exceptionnelles ou inusitées. Je partage l’avis de la Cour d’appel fédérale selon lequel il n’y a aucune atteinte à l’interprétation de la loi ou à l’intention du législateur de libérer une partie des conséquences du non-respect d’un délai dans des circonstances exceptionnelles lorsque, « sans qu’il y ait faute ni manquement » de la part du plaignant, le dépôt de la plainte s’est fait hors délai.

[39] La Cour d’appel fédérale, dans AFPC, a employé les termes « accident » et « force majeure ». Le plaignant pourrait être libéré des conséquences du non-respect d’un délai en raison d’un accident ou d’une maladie grave, par exemple. À mon avis, « Act of God » [dans la version anglaise] est une expression archaïque que la définition de « force majeure » (voir Black’s Law Dictionary, 8e éd.) résume bien : [traduction] « Un événement ou un effet qui ne peut être ni anticipé ni contrôlé […] ». Il peut s’agir, par exemple, de catastrophes naturelles ou de défaillances d’infrastructures (incendies, inondations, pannes d’électricité, etc.). Cette liste n’est pas exhaustive.

[40] L’interprétation de la Cour d’appel fédérale dans AFPC est également renforcée par l’ajout ultérieur du préambule de la Loi, dans lequel il est expressément fait mention de l’équité (« résoudre de façon juste [et] crédible » les différends). L’octroi d’une mesure corrective plus large (semblable aux critères Schenkman) n’est toutefois pas étayé par la Loi. Le législateur a établi une distinction claire entre les cas dans lesquels il attendait de la Commission qu’elle exerce son pouvoir discrétionnaire de proroger les délais (lorsque cela était justifié) et les plaintes déposées en vertu de l’article 190, pour lesquelles aucun pouvoir discrétionnaire de ce type n’a été accordé à la Commission. Il s’agit d’un choix législatif que la Commission doit respecter.

[41] Je définirais comme suit le critère à appliquer lorsqu’il est question de libérer un plaignant des conséquences du non-respect du délai de 90 jours prévu à l’article 190 de la Loi : la Commission peut envisager de libérer une partie des conséquences du non-respect du délai de 90 jours pour déposer une plainte s’il existe un motif valable pour le retard qui n’aurait pu être ni prévu ni contrôlé. Comme il a été indiqué, ce pouvoir implicite ne doit être exercé que dans des circonstances exceptionnelles ou inusitées.

[42] Cette interprétation du pouvoir de la Commission de libérer un plaignant des conséquences du non-respect d’un délai répond à l’objet de la Loi, à savoir la résolution « juste [et] crédible » des différends. Il n’est ni juste ni crédible qu’un plaignant soit privé des droits que lui confère la Loi si des circonstances totalement indépendantes de sa volonté l’empêchent de déposer sa plainte en temps voulu. En outre, le fait de permettre une telle libération dans ces circonstances étroites contribue à l’« établissement de relations harmonieuses » entre l’employeur et les agents négociateurs.

[43] Dans Roberts, la Cour d’appel fédérale a déclaré (au par. 11) qu’« [a]ucun principe de droit ou d’equity n’éclipse l’intention du législateur […] » selon laquelle une plainte présentée au titre de l’article 190 de la Loi doit l’être dans un délai de 90 jours. Toutefois, cette décision ne comprend que 13 paragraphes et ne contient aucune analyse détaillée quant au fondement d’une telle conclusion.

[44] Par conséquent, j’estime que la Commission a le pouvoir implicite de libérer un plaignant des conséquences du non-respect du délai de 90 jours pour déposer une plainte en vertu de l’article 190 de la Loi, dans des circonstances exceptionnelles ou inusitées.

IV. Le plaignant devrait-il être libéré des conséquences du non-respect du délai de présentation de la présente plainte?

[45] Les circonstances entourant la présentation de la plainte ne sont pas contestées sur le fond. Je me suis appuyé sur les allégations formulées dans la plainte, sur l’énoncé des faits contenu dans la réponse de la défenderesse que le plaignant n’a pas contesté, ainsi que sur une décision de la Cour fédérale rendue publique (voir Beaulieu c. Canada (Procureur général), 2022 CF 1671), soit un contrôle judiciaire d’une décision de la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) de rejeter sa plainte de discrimination fondée sur la déficience.

[46] Les allégations formulées dans la plainte concernent la représentation par la défenderesse du plaignant dans le cadre d’une ou de plusieurs plaintes de harcèlement interne qu’il a déposées en mars 2018. Le plaignant a également allégué qu’on lui avait retiré son statut de membre du syndicat. Cela semble s’être produit en juin 2017, lorsqu’il a pris un congé non payé. Les statuts de la défenderesse exigent que les membres qui ne paient pas de cotisations (par exemple, les membres en congé non payé) fassent une demande auprès de la défenderesse pour demeurer membres en règle. Par conséquent, je conclus que le plaignant était au courant ou aurait dû être au courant de cette allégation à un moment donné en 2017. Par conséquent, les manquements allégués au devoir de représentation équitable remontent tous à plus de trois ans.

[47] En mars 2019, l’organisme d’assurance invalidité du ministère a déterminé que le plaignant était atteint d’une [traduction] « invalidité totale et permanente», et sa demande de prestations d’assurance invalidité a été approuvée. Son emploi a pris fin le 22 mai 2019.

[48] Le plaignant a présenté une plainte pour atteinte aux droits de la personne à la CCDP le 10 décembre 2018. Le 2 décembre 2019, la CCDP l’a informé qu’elle enquêterait sur sa plainte. Le 2 décembre 2021, l’enquêteur a recommandé que la plainte soit rejetée. Le plaignant a présenté des arguments à la CCDP en réponse à la recommandation.

[49] La CCDP a rejeté la plainte dans une décision datée du 23 février 2022. Dans sa décision, elle a déclaré ce qui suit : [traduction] « Le plaignant attend manifestement une audience sur certains des griefs qui ont été renvoyés à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique fédérale [sic]. Il aura d’autres occasions de faire valoir son point de vue. »

[50] Le plaignant a déposé un avis de demande de contrôle judiciaire de la décision de la CCDP le 1er avril 2022. Il a déposé un affidavit à l’appui de sa demande le 12 mai 2022. Il a également préparé un deuxième affidavit et a demandé l’autorisation du tribunal de le déposer, ainsi que certains documents connexes, au début du mois d’août 2022. L’audience de la demande de contrôle judiciaire a eu lieu le 23 novembre 2022.

[51] Le plaignant a fait valoir que le délai devrait être prorogé pour les raisons suivantes :

1) Il a été jugé totalement invalide et n’a pas été en mesure de déposer une plainte.

2) Le délai doit être revu de manière à constituer une mesure d’adaptation à une déficience, comme l’exigent les lois sur les droits de la personne et la Loi canadienne sur l’accessibilité (L.C. 2019, ch. 10).

3) Bien qu’il ait déposé une plainte relative aux droits de la personne, il ne s’est pas rendu compte qu’il pouvait également déposer une plainte auprès de la Commission avant l’expiration du délai.

4) Ses capacités limitées l’ont empêché d’entreprendre simultanément les démarches auprès de la CCDP et de la Commission.

5) Il a fait l’objet d’intimidation et de cyberharcèlement de la part de la défenderesse.

 

[52] La défenderesse a fait remarquer que la participation du plaignant à la procédure engagée auprès de la CCDP ainsi qu’au contrôle judiciaire de sa décision était possible sans prorogation des délais.

[53] J’estime que les raisons invoquées par le plaignant pour justifier le manquement à l’obligation de déposer une plainte dans les 90 jours suivant les violations présumées de la Loi ne suffisent pas à justifier l’exercice de ma compétence en vue de libérer le plaignant des conséquences d’un tel manquement. Les circonstances invoquées par le plaignant ne sont ni inusitées ni exceptionnelles. En outre, aucune cause extérieure ne l’a empêché de déposer une plainte. En d’autres termes, le retard dans la présentation de sa plainte était sous son contrôle et aurait pu être anticipé.

[54] Bien qu’un assureur tiers l’ait déclaré totalement invalide, cette décision ne visait qu’à déterminer son droit à des prestations au titre du régime d’assurance invalidité et ne visait rien d’autre. Le fait que l’assureur l’ait déclaré totalement invalide n’a pas empêché le plaignant de porter plainte auprès de la CCDP et de demander un contrôle judiciaire de la décision de cette dernière. En d’autres termes, il n’était pas frappé d’une incapacité telle qu’il ne pouvait pas entamer des démarches judiciaires, telles qu’une plainte auprès de la Commission.

[55] Le plaignant a également déclaré que ses capacités limitées ne lui permettaient pas de présenter simultanément une plainte pour violation des droits de la personne et une plainte devant la Commission. Les plaintes sont souvent mises en suspens en attendant la résolution d’autres processus judiciaires, et rien ne l’empêchait de présenter sa plainte auprès de la Commission et de demander ensuite qu’elle soit mise en suspens en attendant la résolution de la procédure portée devant la CCDP.

[56] Le fait de ne pas avoir connaissance de l’existence d’un recours juridique ne répond pas non plus à la norme de circonstances exceptionnelles ou inusitées. Je constate également qu’au moins en février 2022 (un an avant de déposer sa plainte), le plaignant était au courant de l’existence de la Commission lorsque la CCDP a fait référence aux griefs qu’il avait portés devant elle.

[57] Le plaignant n’a fourni aucun détail sur l’intimidation et le cyberharcèlement prétendument exercés par la défenderesse. Bien que l’intimidation et le harcèlement puissent, sur la base de faits suffisants, constituer des circonstances exceptionnelles ou inusitées qui justifieraient la prorogation du délai, ce n’est pas le cas en l’espèce.

[58] La Loi canadienne sur l’accessibilité constitue une « […] approche proactive et systémique visant à reconnaître et à éliminer les obstacles ainsi qu’à prévenir de nouveaux obstacles […] » (extrait du préambule) et ne s’applique pas à la présente plainte. L’obligation générale de prendre des mesures d’adaptation prévue par les dispositions législatives relatives aux droits de la personne peut être prise en considération lors de la vérification de l’existence de circonstances exceptionnelles ou inusitées. Toutefois, dans le présent cas, le plaignant a été en mesure de participer pleinement à d’autres instances judiciaires. Cela démontre qu’il n’était pas dans l’incapacité de déposer une plainte auprès de la Commission.

[59] Par conséquent, la plainte est rejetée pour cause de non-respect du délai de présentation, et je refuse d’exercer la compétence limitée de la Commission pour libérer le plaignant des conséquences du non-respect du délai de 90 jours.

[60] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[61] La plainte présentée en vertu de l’alinéa 190(1)e) de la Loi est rejetée.

[62] La demande visant à libérer le plaignant du non-respect du délai de présentation de la plainte au titre de l’alinéa 190(1)g) de la Loi est rejetée.

[63] La plainte présentée en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi est rejetée.

Le 2 novembre 2023.

Traduction de la CRTESPF

Ian R. Mackenzie,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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