Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé un grief demandant 8,5 heures compensatoires et 4,25 heures de congé familial pour la durée de son quart de travail – le grief a été rejeté au premier palier de la procédure de règlement des griefs – le fonctionnaire s’estimant lésé a transmis le grief au deuxième et au dernier paliers, mais l’employeur n’a répondu à aucun des paliers dans les délais prévus dans la convention collective – le fonctionnaire s’estimant lésé a renvoyé le grief à la Commission pour arbitrage – l’employeur s’est opposé à la compétence de la Commission d’entendre le grief au motif que le renvoi à l’arbitrage n’avait pas été fait dans les délais prescrits – la convention collective ne contenait aucune disposition concernant le délai dans lequel un grief peut être renvoyé à l’arbitrage lorsque l’employeur n’a donné aucune réponse au dernier palier – toutefois, la convention collective prévoyait que, lorsqu’un employé présentait un grief jusqu’au dernier palier inclusivement et que son grief ne donnait pas lieu à un règlement satisfaisant, il pouvait le renvoyer à l’arbitrage conformément aux dispositions de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) et du Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (DORS/2005-79) – en vertu de ces dispositions, le fonctionnaire s’estimant lésé disposait de 40 jours après la date à laquelle l’employeur était tenu de fournir sa réponse pour renvoyer le grief à l’arbitrage – le grief a été renvoyé à l’arbitrage après l’expiration du délai, car il a été renvoyé six mois en retard – par conséquent, le grief était hors délai – le fonctionnaire s’estimant lésé a soutenu que l’employeur n’avait pas soulevé son objection concernant le respect des délais dans les délais prescrits – la Commission a conclu que l’objection de l’employeur avait été soulevée le dernier jour où elle aurait pu l’être – par conséquent, l’objection a été soulevée dans les délais prescrits – le fonctionnaire s’estimant lésé a fait valoir que la Commission pouvait exercer son pouvoir discrétionnaire pour proroger le délai de renvoi du grief à l’arbitrage devant elle – le fonctionnaire s’estimant lésé a soutenu que la raison du retard était que le conseiller de l’agent négociateur chargé de renvoyer les griefs à la Commission pour arbitrage avait cessé de travailler et était en congé en raison de problèmes personnels et de santé – la Commission a conclu que la raison justifiant le retard n’était pas claire, logique ou convaincante – le délai pour renvoyer le grief à la Commission était de quatre à six mois avant que le conseiller n’ait quitté son poste – la question de savoir si le conseiller était inapte à exercer les fonctions de son poste pendant cette période n’était pas claire – cela n’expliquait pas non plus pourquoi d’autres griefs avaient été renvoyés à la Commission, mais pas celui du fonctionnaire s’estimant lésé – après le départ en congé du conseiller, deux autres mois entiers se sont écoulés avant que le grief, qui était déjà hors délai pour être renvoyé à la Commission, ne soit enfin renvoyé à la Commission – aucune explication justifiant ce retard n’a été donnée – le retard n’était pas négligeable, car il s’agissait d’un retard de plus de six mois – rien n’indiquait que le fonctionnaire s’estimant lésé avait fait preuve de diligence raisonnable – le grief semblait avoir peu de chances de succès et il était difficile pour la Commission d’évaluer si l’injustice subie par le fonctionnaire s’estimant lésé était plus grande que le préjudice causé à l’employeur alors que le litige portait sur un nombre minime d’heures de congé.

Objection accueillie.
Demande de prorogation du délai rejetée.
Grief rejeté.

Contenu de la décision

Date: 20231110

Dossier: 566-02-44758

 

Référence: 2023 CRTESPF 104

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail dans

le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations de

travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

Entre

 

Bradley Bernatchez

fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(Service correctionnel du Canada)

 

employeur

Répertorié

Bernatchez c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant : John G. Jaworski, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : François Ouellette, Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN

Pour l’employeur : Daniel Trépanier et Erin Saso, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés
le 23 juin et les 7 et 26 juillet 2022.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1] À l’époque pertinente, Bradley Bernatchez, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), était employé par le Conseil du Trésor (l’« employeur ») à titre d’agent correctionnel au Service correctionnel du Canada (SCC), de groupe et de niveau CX-01, et travaillait à l’Établissement de Millhaven à Kingston, en Ontario, dans la région de l’Ontario du SCC.

[2] À l’époque pertinente, les conditions d’emploi du fonctionnaire étaient régies en partie par une convention collective signée le 5 janvier 2021 et expirant le 31 mai 2022 entre le Conseil du Trésor et le Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN (le « syndicat ») pour tous les employés du groupe Services correctionnels (la « convention collective »).

II. Résumé de la preuve

[3] Le 28 mai 2021, le fonctionnaire a déposé un grief qui se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

DÉTAILS DU GRIEF […]

A demandé 8,5 heures de remplacement et 4,25 heures de congé familial pour la durée du quart de travail du 24 mai 2021.

MESURE CORRECTIVE SOLLICITÉE […]

J’aimerais utiliser 8,5 heures de remplacement et 4,25 heures de congé familial pour la durée du quart de travail.

Et tous les autres droits que je possède en vertu de la convention collective. Ainsi que tous les dommages réels, moraux ou punitifs, à appliquer avec effet rétroactif et intérêts légaux sans préjudice des autres droits acquis.

[…]

 

[4] Le 3 juin 2021, le grief a été rejeté au premier palier de la procédure de règlement des griefs. La réponse rejetant le grief ce jour-là se lisait comme suit :

[Traduction]

La présente fait suite à votre grief déposé le 28/05/2021 dans lequel vous contestez la décision de la direction de déduire des heures de remplacement de plus de 8,5 heures le 24/05/2021 ou aux alentours de cette date. Vous demandez, à titre de mesure corrective, que l’employeur cesse de déduire plus de 8,5 heures de remplacement (vous aimeriez utiliser 8,5 heures de remplacement et 4,25 heures de congé familial pour la durée du quart de travail du 24 mai 2021); que l’on vous crédite de nouveau les heures de remplacement supplémentaires (4,25 heures) déduites au-delà de 8,5 heures; tous les autres droits que je possède en vertu de la convention collective. Ainsi que tous dommages réels, moraux ou punitifs, à appliquer avec effet rétroactif et intérêts légaux, sans préjudice des autres droits acquis.

Conformément à la convention collective en vigueur – Article 34 : horaire de travail modifié –

2. Congé et heures de remplacement : généralités – Lorsque des heures de congé ou de remplacement sont accordées, elles le sont sur une base horaire et les heures débitées pour chaque jour de congé ou de remplacement sont les mêmes que les heures que l’employé aurait normalement dû travailler ce jour-là.

Heures de remplacement pour les jours fériés payés : e. Peu importe le jour férié désigné payé, les employé-e-s doivent épuiser leurs crédits d’heures de remplacement avant d’utiliser le congé payé pour obligations familiales ou le congé de maladie;

Étant donné que le syndicat a accepté cette disposition dans le cadre de votre convention collective actuelle, votre grief et votre mesure corrective sont rejetés.

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[5] Le 4 juin 2021, le fonctionnaire a transmis le grief au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs.

[6] Le 9 août 2021, le fonctionnaire a transmis le grief au troisième palier de la procédure de règlement des griefs.

[7] L’employeur n’a pas répondu au grief au deuxième ou au troisième palier dans les délais fixés par la convention collective. Le 17 mai 2022, le fonctionnaire a renvoyé le grief à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») pour arbitrage.

[8] Par courriel, le mardi 24 mai 2022 à 13 h 18, le greffe de la Commission a écrit aux parties pour accuser réception du renvoi du grief à l’arbitrage de griefs le 17 mai 2022.

[9] Le jeudi 23 juin 2022, l’employeur a écrit à la Commission pour contester la compétence de la Commission à entendre le grief au motif que le renvoi à l’arbitrage n’a pas été fait dans les délais prescrits. L’objection de l’employeur est exposée plus loin dans la présente décision, dans le résumé de l’argumentation, de même que la réponse du fonctionnaire et la réfutation de l’employeur.

A. La convention collective

[10] L’article 20 de la convention collective est intitulé « Procédure de règlement des griefs ». Les parties pertinentes à cette objection se lisent comme suit :

[…]

20.02 Lorsqu’il s’agit de calculer le délai au cours duquel une mesure quelconque doit être prise ainsi qu’il est stipulé dans la présente procédure, les samedis, les dimanches et les jours fériés désignés payés sont exclus.

20.02 In determining the time within which any action is to be taken as prescribed in this procedure, Saturdays, Sundays and designated paid holidays shall be excluded.

[…]

20.05 Sauf indication contraire dans la présente convention, un grief est traité par les paliers suivants :

20.05 Except as otherwise provided in this agreement, a grievance shall be processed by recourse to the following levels :

a. palier 1 – premier (1er) palier de direction;

a. level 1 : first (1st) level of management;

b. palier 2 – palier intermédiaire;

b. level 2 : intermediate level;

c. palier final – l’administratrice générale ou l’administrateur général ou, encore, sa représentante ou son représentant autorisé.

c. final level : deputy head or deputy head’s authorized representative.

[…]

20.11 Au premier (1er) palier de la procédure, un grief de la manière prescrite au paragraphe 20.07 peut être présenté, au plus tard le vingt-cinquième (25e) jour qui suit la date à laquelle il est notifié, oralement ou par écrit, ou prend connaissance, pour la première fois, de l’action ou des circonstances donnant lieu au grief.

20.11 A grievance may be presented at the first (1st) level of the procedure in the manner prescribed in clause 20.07 no later than the twenty-fifth (25th) day after the date on which he or she is notified orally or in writing or on which he or she first becomes aware of the action or circumstances giving rise to the grievance.

20.12 L’employeur répond normalement au grief individuel ou collectif, à tous les paliers de la procédure de règlement des griefs sauf au dernier, dans les dix (10) jours qui suivent la date de présentation du grief audit palier. Si la décision ou le règlement du grief ne donne pas satisfaction à l’auteur du grief, le grief peut être présenté au palier suivant de la procédure dans les dix (10) jours qui suivent la date à laquelle il reçoit la décision ou le règlement par écrit.

20.12 The Employer shall normally reply to an individual or group grievance, at any level in the grievance procedure, except the final level, within ten (10) days after the date the grievance is presented at that level. Where such decision or settlement is not satisfactory to the grievor, the grievance may be referred to the next higher level in the grievance procedure within ten (10) days after that decision or settlement has been conveyed to him or her in writing.

20.13 À défaut d’une réponse de l’employeur dans les quinze (15) jours qui suivent la date de présentation d’un grief, à tous les paliers sauf au dernier, l’auteur du grief peut, dans les dix (10) jours qui suivent, présenter un grief au palier suivant de la procédure de règlement des griefs.

20.13 If the Employer does not reply within fifteen (15) days from the date that a grievance is presented at any level, except the final level, the grievor may, within the next ten (10) days, submit the grievance at the next higher level of the grievance procedure.

20.14 L’employeur répond normalement au grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs dans les trente (30) jours qui suivent la date de la présentation du grief à ce palier.

20.14 The Employer shall normally reply to a grievance at the final level of the grievance procedure within thirty (30) days after the grievance is presented at that level.

[…]

20.16 La décision rendue par l’employeur au dernier palier de la procédure de règlement des griefs est définitive et exécutoire pour l’auteur du grief, à moins qu’il ne s’agisse d’un type de grief qui peut être renvoyé à l’arbitrage.

20.16 The decision given by the Employer at the final level in the grievance procedure shall be final and binding upon the grievor unless the grievance is a class of grievance that may be referred to adjudication.

20.17 Les délais stipulés dans la présente procédure peuvent être prolongés d’un commun accord entre l’employeur et l’auteur du grief et, s’il y a lieu, le représentant du syndicat.

20.17 The time limits stipulated in this procedure may be extended by mutual agreement between the Employer and the grievor and, where appropriate, the Union representative.

[…]

20.23 Lorsque l’employé-e a présenté un grief jusque et y compris le dernier palier de la procédure de règlement des griefs au sujet de :

20.23 Where an employee has presented a grievance up to and including the final level in the grievance procedure with respect to :

a. l’interprétation ou de l’application, à son égard, d’une disposition de la présente convention ou d’une décision arbitrale s’y rattachant, ou

a. the interpretation or application in respect of him or her of a provision of this agreement or a related arbitral award, or

b. une mesure disciplinaire entraînant une suspension ou une sanction pécuniaire, ou

b. disciplinary action resulting in suspension or a financial penalty, or

c. un licenciement ou une rétrogradation aux termes des alinéas 12(1)c), d) ou e) de la Loi sur la gestion des finances publiques

c. termination of employment or demotion pursuant to paragraph 12(1)(c), (d) or (e) of the Financial Administration Act,

et que son grief n’a pas été réglé à sa satisfaction, il peut le présenter à l’arbitrage selon les dispositions de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral et de son règlement d’exécution.

and the employee’s grievance has not been dealt with to his or her satisfaction, he or she may refer the grievance to adjudication in accordance with the provisions of the Federal Public Sector Labour Relations Act and Regulations.

[…]

**Article 34 : horaire de travail modifié

**Article 34 : modified hours of work

À compter du 1er janvier 2014, toutes les références et les droits en lien avec les jours fériés désignés payés ne s’appliqueront plus aux employé-e-s qui travaillent par quarts conformément au paragraphe 21.02 de cette convention.

Effective January 1, 2014, all references and entitlements related to designated paid holidays no longer apply to employees working shifts in accordance with clause 21.02 of this agreement.

[…]

Heures de congé en remplacement de jours fériés désignés payés

Lieu hours in lieu of designated paid holidays

a. L’employé-e est admissible aux heures de remplacement mais n’est pas admissible aux jours fériés désignés payés. L’employé-e acquiert plutôt des heures de remplacement calculées au taux de huit virgule cinq (8,5) heures pour chaque jour férié désigné payé mentionné au paragraphe 26.01. L’employé e absent en congé non payé pour la journée entière le jour de travail qui précède ainsi que le jour de travail qui suit immédiatement le jour férié désigné payé, n’a pas droit à huit virgule cinq (8,5) heures de remplacement pour le jour férié, sauf s’il bénéficie d’un congé non payé en vertu de l’article 14 : congé payé ou non payé pour les affaires du syndicat;

a. An employee is entitled to lieu hours and is not entitled to designated paid holidays. This employee shall instead earn lieu hours at the rate of eight decimal five (8.5) hours per designated paid holiday as defined in clause 26.01. An employee absent without pay on both his or her full working day immediately preceding and his or her full working day immediately following a designated holiday is not entitled to eight decimal five (8.5) lieu hours for the holiday, except in the case of an employee who is granted leave without pay under the provisions of Article 14 : leave with or without pay for Union business.

b. Le 1er janvier de chaque année, un-e employé-e a droit à des crédits de congé équivalant au nombre de crédits prévus pour l’année calendrier en cours totalisant quatre-vingt-treize virgule cinq (93,5) heures de congé en remplacement (« heures de remplacement ») de jours fériés désignés payés. Dans le cas où un congé national est proclamé selon l’alinéa 26.0l), ces crédits sont majorés de huit virgule cinq (8,5) heures;

b. On January 1 of each year an employee shall receive an advance of credits equivalent to the anticipated credits that may be earned for the calendar year in the amount of ninety-three decimal five (93.5) hours in lieu (« lieu hours ») of designated paid holidays. In the event that an additional national holiday is proclaimed as per paragraph 26.01(l), this amount shall be increased by eight decimal five (8.5) hours;

c. Un employé-e dont les heures de travail sont mises à l’horaire après le 1er janvier a droit à des crédits d’heures (« heures de remplacement ») équivalant au nombre de jours fériés désignés payés restant qui peuvent être gagnés dans l’année calendrier en cours multiplié par huit virgule cinq (8,5);

c. An employee whose hours of work are scheduled after January 1 shall receive an advance of credits of hours in lieu (« lieu hours ») of designated paid holiday credits equivalent to the remaining number of designated paid holidays that may be earned in the remainder of the calendar year multiplied by eight decimal five (8.5);

d. Sous réserve des nécessités du service, l’employeur fait tout effort raisonnable pour accorder des heures de remplacement au moment choisi par l’employé-e si celui-ci donne un préavis d’au moins quarante-huit (48) heures;

d. Subject to operational requirements, the Employer shall make every reasonable effort to grant lieu hours at times desired by the employee provided the employee provides forty-eight (48) hours’ advance notice;

e. Peu importe le jour férié désigné payé, les employé-e-s doivent épuiser leurs crédits d’heures de remplacement avant d’utiliser le congé payé pour obligations familiales ou le congé de maladie;

e. On any given designated paid holiday, employees must exhaust their lieu hour credits prior to using leave with pay for family-related responsibilities or sick leave;

f. Au 31 décembre, le solde des heures de congé en remplacement est remboursé à l’employé-e au taux d’un virgule cinq (1,5) multiplié par le taux de rémunération horaire à tarif normal du poste d’attache de l’employé-e en vigueur le 31 décembre;

f. An employee’s remaining lieu hours on December 31 shall be paid at one decimal five (1.5) multiplied by the employee’s straight-time hourly rate of pay of the substantive position on December 31;

g. Toute heure de remplacement non acquise utilisée ou payée en vertu des dispositions du présent paragraphe fera l’objet d’un recouvrement.

g. Any unearned lieu hours used or paid under the provisions of this clause shall be subject to recovery.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[11] La clause 21.02 de la convention collective traite du travail par quarts.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

[12] L’employeur soutient que la Commission n’a pas compétence pour entendre l’affaire puisque le grief lui a été renvoyé pour arbitrage en dehors des délais fixés par la clause 20.14 de la convention collective et le paragraphe 90(2) du Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (DORS/2005-79; le « Règlement »).

[13] Le fonctionnaire a déposé son grief le 28 mai 2021 et l’a présenté au dernier palier de la procédure de règlement des griefs le 9 août 2021. L’employeur avait jusqu’au 22 septembre 2021 pour répondre au dernier palier.

[14] Le paragraphe 90(2) du Règlement se lit comme suit :

(2) Si la personne dont la décision constitue le dernier palier de la procédure applicable au grief n’a pas remis de décision à l’expiration du délai dans lequel elle était tenue de le faire selon la présente partie ou, le cas échéant, selon la convention collective, le renvoi du grief à l’arbitrage peut se faire au plus tard quarante jours après l’expiration de ce délai.

(2) If no decision at the final level of the applicable grievance process was received, a grievance may be referred to adjudication no later than 40 days after the expiry of the period within which the decision was required under this Part or, if there is another period set out in a collective agreement, under the collective agreement.

 

[15] Puisqu’aucune réponse n’a été émise au dernier palier, le fonctionnaire et le syndicat avaient jusqu’au 1er novembre 2021 pour renvoyer le grief à l’arbitrage. Le grief a été renvoyé à l’arbitrage le 17 mai 2022, soit avec plus de six mois de retard.

[16] L’employeur soutient que le grief est hors délai.

B. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

[17] Le fonctionnaire soutient que l’employeur n’a pas soulevé son objection relative au respect des délais dans les délais établis. La Commission a déjà eu l’occasion de se prononcer sur cette question, notamment dans Lafrance c. Conseil du Trésor (Statistique Canada), 2006 CRTFP 56; Sidhu c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2007 CRTFP 76; McWilliams c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2007 CRTFP 58; Pannu c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2020 CRTESPF 4. Le fonctionnaire soutient que les décisions invoquées sont toutes unanimes et qu’elles établissent que l’employeur ne peut soulever une objection concernant le respect des délais que si le grief a été rejeté pour ce motif à la première étape possible et à toutes les étapes subséquentes de la procédure de règlement des griefs.

[18] Le fonctionnaire soutient également qu’en vertu de l’article 95 du Règlement, l’employeur est tenu de soulever son objection relative au respect des délais dans les 30 jours suivant la réception du renvoi à l’arbitrage. Le grief a été renvoyé à l’arbitrage le 17 mai 2022, et l’employeur n’a pas soulevé son objection dans les délais prévus à l’article 95.

[19] Le fonctionnaire soutient que la Commission peut exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’article 61 du Règlement et proroger le délai de renvoi du grief à l’arbitrage de griefs. À cet égard, le fonctionnaire me renvoie à Schenkman c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2004 CRTFP 1.

[20] Le fonctionnaire soutient que le conseiller syndical chargé de renvoyer à l’arbitrage les griefs auprès de la Commission a cessé de travailler et s’est absenté du travail en raison de problèmes de santé mentale et de problèmes personnels à compter du 18 mars 2022. Le fonctionnaire soutient également que les problèmes de santé et les problèmes personnels du conseiller remontent à plusieurs mois avant qu’il ne s’absente du travail en mars 2022.

[21] Le fonctionnaire affirme que les difficultés de santé du conseiller syndical ont malheureusement fait en sorte que certains dossiers n’ont pas été traités dans les délais prescrits et que cette situation échappait au contrôle du syndicat, de sorte qu’il ne devrait pas perdre son droit à un recours.

[22] Le fonctionnaire soutient que, si la Commission ne rejette pas l’objection de l’employeur, elle devrait se retenir de se prononcer à ce sujet et la traiter en même temps que le grief sur le fond, afin de lui permettre, ainsi qu’au syndicat, de fournir une preuve plus complète sur la question.

C. La réponse de l’employeur

[23] En réponse à l’argument du syndicat selon lequel l’employeur n’a pas soulevé son objection relative au respect des délais dans les délais fixés, l’employeur soutient qu’il a respecté les délais prévus au paragraphe 95(1) du Règlement, qui énonce qu’une partie dispose de 30 jours pour soulever une objection fondée sur le respect des délais après avoir reçu une copie de l’avis de renvoi à l’arbitrage de griefs. L’employeur a reçu l’avis de renvoi à l’arbitrage de la Commission le 24 mai 2022 et a formulé son objection le 23 juin 2022, soit le 30e jour, soit dans le délai imparti.

[24] En ce qui concerne les observations du syndicat sur la prorogation du délai, l’employeur fait valoir que Schenkman fixe les critères de base permettant de déterminer s’il convient d’exercer un pouvoir discrétionnaire et d’accorder une prorogation du délai. Ces critères sont les suivants :

• des raisons claires, logiques et convaincantes pour justifier le retard;

• la durée du retard;

• la diligence raisonnable du fonctionnaire s’estimant lésé;

• l’équilibre entre l’injustice causée à l’employé et le préjudice que subit l’employeur si la prorogation est accordée;

• les chances de succès du grief.

 

[25] Le syndicat soutient que le renvoi hors délai du grief est dû à des circonstances indépendantes de sa volonté, à savoir la santé mentale et les problèmes personnels d’un conseiller syndical responsable du dossier. Il précise que ce conseiller était aux prises avec ces problèmes plusieurs mois avant le 18 mars 2022.

[26] L’employeur ne peut confirmer ou contester l’allégation relative à la situation personnelle du conseiller syndical; il soutient toutefois que le conseiller en question avait renvoyé d’autres dossiers à l’arbitrage avant et pendant la période en question. L’employeur indique ensuite six numéros de dossiers précis de la Commission et précise que les griefs qui s’y rapportent ont été renvoyés à l’arbitrage par le conseiller en question en septembre et en décembre 2021 ainsi qu’en mars 2022.

[27] Par ailleurs, l’employeur soutient que le personnel de soutien administratif du conseiller a également effectué des renvois à la Commission pour arbitrage en son nom et a indiqué deux numéros de dossier précis de la Commission, précisant que les griefs relatifs à ces questions ont été renvoyés à la Commission pour arbitrage par l’adjoint administratif du conseiller en janvier 2022.

[28] Pour ces motifs, l’employeur soutient que l’explication du syndicat n’établit pas une raison claire, logique et convaincante pour le retard. La preuve est claire que le conseiller syndical en question était en mesure d’effectuer la même tâche à d’autres occasions au cours de la période pertinente.

[29] Étant donné que le conseiller syndical en question ainsi que l’assistant administratif ont renvoyé d’autres griefs à l’arbitrage pendant la période pertinente, l’employeur conclut que le retard est dû à un oubli administratif. À cet égard, l’employeur me renvoie au paragraphe 27 de Copp c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires étrangères et du Commerce international), 2013 CRTFP 33, qui se lit comme suit :

27 La demanderesse ne m’a pas convaincu qu’elle avait un motif clair, logique et convaincant justifiant le retard de 80 jours dans le renvoi de son grief à l’arbitrage. En fait, le retard est entièrement attribuable à une erreur administrative de la part du syndicat. Ni la demanderesse ni son syndicat n’ont été empêchés de renvoyer les griefs à l’arbitrage. Ils n’y ont tout simplement pas procédé dans le délai réglementaire.

 

[30] Quant à l’équilibre entre l’injustice subie par l’employé et le préjudice causé à l’employeur par l’octroi d’une prorogation, c’est au fonctionnaire qu’il incombe d’établir l’injustice, s’il y en a une. Le différend en question porte sur la gestion des congés et se limite à une période infiniment courte de 4,25 heures. Bien que le fonctionnaire et le syndicat puissent contester l’importance de la question, l’employeur soutient que si la question était de la plus haute importance pour le fonctionnaire, il aurait fait preuve de plus de diligence pour assurer un renvoi dans les délais, notamment en s’informant de l’état d’avancement du grief.

[31] En ce qui concerne les chances de succès du grief à l’arbitrage, l’employeur soutient que le grief a peu de chances de succès, compte tenu de son objet. Il affirme que l’objet du grief est la contestation par le fonctionnaire de la décision de déduire 12,25 heures de remplacement pour son quart de travail le jour de la fête de Victoria, plutôt que 8,5 heures de remplacement et 4,25 heures de congé pour obligations familiales. La convention collective est explicite et sans équivoque : « Peu importe le jour férié désigné payé, les employé-e-s doivent épuiser leurs crédits d’heures de remplacement avant d’utiliser le congé payé pour obligations familiales ou le congé de maladie […] ».

[32] L’employeur réitère sa demande de rejet du grief au motif qu’il est hors délai et demande en outre le rejet de la demande de prorogation du délai.

IV. Motifs

A. Le respect des délais dans le cadre du renvoi du grief à l’arbitrage

[33] La procédure de règlement des griefs dans la fonction publique fédérale est régie par la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »), le Règlement et toute convention collective propre à un groupe qui peut être conclue entre un agent négociateur autorisé et l’employeur à l’égard des employés d’une unité de négociation donnée.

[34] Les parties ont convenu, à l’article 20 de la convention collective, de certaines modalités régissant la procédure de règlement des griefs. Comme le prévoit cette convention, la procédure comporte trois paliers. Si un fonctionnaire s’estimant lésé n’est pas satisfait de la réponse de l’employeur au dernier palier, il peut renvoyer le grief à l’arbitrage (s’il s’agit d’un grief qui relèverait autrement de la compétence de la Commission).

[35] Lorsqu’un grief a été déposé au premier palier, l’employeur doit y répondre dans un délai de 10 jours, le calcul de ce délai ne comprenant pas les samedis, dimanches et jours fériés (clause 20.16 de la convention collective). Si l’employeur n’a pas répondu au grief à un palier donné, sauf au dernier, dans les 15 jours suivant la date à laquelle le grief a été reçu à ce palier, le fonctionnaire s’estimant lésé peut le transmettre au palier suivant dans les 10 jours suivant cette date. La clause 20.17 prévoit que les parties peuvent, d’un commun accord, proroger les délais pour prendre les mesures prévues à l’article 20.

[36] L’article 63 du Règlement se trouve sous le titre « Griefs », le sous-titre « Dispositions générales » et la note marginale « Rejet pour non-respect d’un délai » :

Griefs

Griefs

Dispositions générales

Dispositions générales

[…]

Rejet pour non-respect d’un délai

Rejet pour non-respect d’un délai

63 Le grief ne peut être rejeté pour non-respect du délai de présentation à un palier inférieur que s’il a été rejeté au palier inférieur pour cette raison.

63 A grievance may be rejected for the reason that the time limit prescribed in this Part for the presentation of the grievance at a lower level has not been met, only if the grievance was rejected at the lower level for that reason.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[37] L’article 90 du Règlement définit la procédure de renvoi d’un grief à l’arbitrage de la Commission et se lit comme suit :

Délai pour le renvoi d’un grief à l’arbitrage

Deadline for reference to adjudication

90 (1) Sous réserve du paragraphe (2), le renvoi d’un grief à l’arbitrage peut se faire au plus tard quarante jours après le jour où la personne qui a présenté le grief a reçu la décision rendue au dernier palier de la procédure applicable au grief

90 (1) Subject to subsection (2), a grievance may be referred to adjudication no later than 40 days after the day on which the person who presented the grievance received a decision at the final level of the applicable grievance process.

Exception

Exception

(2) Si la personne dont la décision constitue le dernier palier de la procédure applicable au grief n’a pas remis de décision à l’expiration du délai dans lequel elle était tenue de le faire selon la présente partie ou, le cas échéant, selon la convention collective, le renvoi du grief à l’arbitrage peut se faire au plus tard quarante jours après l’expiration de ce délai.

(2) If no decision at the final level of the applicable grievance process was received, a grievance may be referred to adjudication no later than 40 days after the expiry of the period within which the decision was required under this Part or, if there is another period set out in a collective agreement, under the collective agreement.

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[38] L’article 10 du Règlement prévoit que si un délai prévu par le Règlement pour le dépôt d’un document expire un samedi ou un jour férié, le document peut être déposé le jour suivant qui n’est ni un samedi ni un jour férié.

[39] Le terme « jour férié » n’est pas défini dans le Règlement ni dans la Loi. Il est défini à l’article 35 de la Loi d’interprétation (L.R.C. (1985), ch. I-21) et s’entend notamment du dimanche.

[40] L’employeur ne laisse pas entendre que le grief initial a été déposé hors délai ou que le fonctionnaire n’a pas transmis le grief aux paliers de la procédure de règlement des griefs dans les délais prescrits. L’objection de l’employeur porte uniquement sur le fait que le fonctionnaire n’a pas renvoyé le grief à l’arbitrage dans les délais fixés par le Règlement.

[41] Le fonctionnaire a transmis le grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs le 9 août 2021. Selon les délais prévus à la clause 20.14 de la convention collective, l’employeur avait 30 jours pour répondre, compte non tenu des samedis, des dimanches et des jours fériés (comme le prévoit la clause 20.02). Le dernier jour de réponse de l’employeur aurait donc été le mardi 21 septembre 2021.

[42] La convention collective ne contient aucune disposition quant au délai dans lequel un grief peut être renvoyé à l’arbitrage lorsque l’employeur ne donne pas de réponse. Toutefois, la clause 20.23 de la convention collective prévoit que lorsqu’un employé a présenté un grief jusqu’au dernier palier de la procédure de règlement des griefs inclusivement et que son grief n’a pas donné lieu à un règlement satisfaisant, il peut renvoyer le grief à l’arbitrage conformément aux dispositions de la Loi et du Règlement. Par défaut, en vertu du paragraphe 90(2) du Règlement, le fonctionnaire disposait de 40 jours après la date à laquelle l’employeur était tenu de fournir sa réponse. Le délai de 40 jours à compter du 21 septembre 2021 aurait expiré le 31 octobre 2021. Comme le 31 octobre 2021 était un dimanche, le délai court jusqu’au premier jour suivant qui n’est pas un jour férié; dans le présent cas, il s’agit du lundi 1er novembre 2021, en vertu de l’article 10 du Règlement, qui prévoit qu’un délai en vertu du Règlement est calculé en tenant compte de tous les jours civils, puisqu’il n’y a pas d’équivalent à la clause 20.02 de la convention collective, qui exclut les samedis, les dimanches et les jours fériés.

[43] Le fonctionnaire a transmis son grief à la Commission le 17 mai 2022, soit plus de six mois après la date limite. Par conséquent, il est hors délai. Toutefois, il n’est hors délai que si l’employeur formule une objection quant au respect du délai du renvoi à l’arbitrage dans les 30 jours suivant la date à laquelle il a reçu l’avis de renvoi à l’arbitrage. C’est ce que prévoit l’alinéa 95(1)b), du Règlement, comme suit :

95 (1) Toute partie peut, au plus tard trente jours après avoir reçu copie de l’avis de renvoi du grief à l’arbitrage :

95 (1) A party may, no later than 30 days after being provided with a copy of the notice of the reference to adjudication,

[…]

b) soulever une objection au motif que le délai prévu par la présente partie ou par une convention collective pour le renvoi du grief à l’arbitrage n’a pas été respecté.

(b) raise an objection on the grounds that the time limit prescribed in this Part or provided for in a collective agreement for the reference to adjudication has not been met.

 

[44] L’employeur a reçu un courriel du greffe de la Commission le 24 mai 2022 l’informant du renvoi à l’arbitrage du grief. Par conséquent, l’employeur devait soulever son objection dans les 30 jours suivant cette date. Il a transmis son objection à la Commission par courriel le 23 juin 2022, soit le 30e jour après le 24 mai 2022 et, par conséquent, le dernier jour où il aurait pu soulever son objection en vertu de l’alinéa 95(1)b) du Règlement.

[45] Étant donné que seul le renvoi à l’arbitrage du fonctionnaire n’a pas été effectué dans les délais, la seule objection possible que l’employeur aurait pu soulever au sujet du respect des délais concernait le renvoi, et c’est ce qu’il a fait; il n’a donc pas enfreint le Règlement. Par conséquent, je conclus que le grief est hors délai.

B. Demande de prorogation du délai

[46] Le fonctionnaire a fait valoir que la Commission peut exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’article 61 du Règlement et proroger le délai de renvoi du grief à la Commission pour arbitrage. À cet égard, il a invoqué Schenkman. Les critères de prorogation du délai en vertu de l’article 61 du Règlement ont été bien établis dans Schenkman, qui se lisent comme suit :

• des raisons claires, logiques et convaincantes pour justifier le retard;

• la durée du retard;

• la diligence raisonnable du fonctionnaire s’estimant lésé;

• l’équilibre entre l’injustice causée à l’employé et le préjudice que subit l’employeur si la prorogation est accordée;

• les chances de succès du grief.

 

[47] Le fonctionnaire a fait valoir que la raison du retard était que le conseiller syndical responsable du renvoi des griefs à l’arbitrage auprès de la Commission avait cessé de travailler et s’était absenté du travail en raison de problèmes de santé mentale et de problèmes personnels à compter du 18 mars 2022. Il a ajouté que les problèmes de santé et les problèmes personnels du conseiller remontaient à plusieurs mois avant son départ du travail en mars 2022. Le fonctionnaire a également affirmé que la situation du conseiller syndical avait fait en sorte que certains dossiers n’avaient pas été traités dans les délais prescrits et que cette situation échappait au contrôle du syndicat.

[48] Dans sa réponse, l’employeur a soutenu que, dans les faits, le syndicat avait renvoyé plusieurs dossiers à l’arbitrage de la Commission avant et après la date à laquelle le présent grief aurait dû être renvoyé à l’arbitrage et au cours des mois précédant le départ du conseiller en question. J’ai eu l’occasion d’examiner ces dossiers de la Commission et de vérifier qu’effectivement, ils ont été renvoyés à l’arbitrage soit par le conseiller syndical en question, soit par le bureau de l’Ontario dont il était responsable.

[49] La raison de ce retard n’est ni claire, ni logique, ni convaincante. Même en admettant le fait que le conseiller syndical responsable du renvoi du grief à l’arbitrage souffrait de problèmes de santé et de problèmes personnels à un moment donné avant le renvoi à l’arbitrage, cet argument demeure très sommaire et n’est pas suffisamment détaillé pour satisfaire au critère de la clarté, de la logique et du caractère convaincant.

[50] Le fonctionnaire a déclaré que le conseiller syndical était parti en congé de maladie le 18 mars 2022 et qu’il avait été malade ou avait eu des problèmes personnels pendant plusieurs mois avant son départ. Or, le délai de renvoi du grief à la Commission, qui courait entre le 22 septembre et le 1er novembre 2021, était de quatre à six mois avant que le conseiller ne quitte son poste. Le conseiller syndical était-il inapte à exercer les fonctions de son poste en septembre et octobre 2021? Cela n’explique pas non plus pourquoi, au cours de cette même période, d’autres griefs ont été renvoyés à la Commission, alors que celui du fonctionnaire ne l’a pas été. Enfin, toujours en tenant compte du départ du conseiller syndical le 18 mars 2022, il s’est écoulé deux mois complets avant que le grief, déjà hors délai pour être renvoyé à la Commission, ne soit finalement renvoyé, le 17 mai 2022; aucune explication n’est fournie à ce sujet.

[51] Le retard n’est pas négligeable. Il ne s’agit pas d’un jour, de quelques jours, d’une semaine ou de quelques semaines. Il est de plus de six mois.

[52] Rien n’indique que le fonctionnaire a agi en faisant preuve de diligence raisonnable.

[53] Les deux derniers critères établis dans Schenkman consistent à équilibrer l’injustice subie par le fonctionnaire et le préjudice causé à l’employeur, ainsi qu’à évaluer les chances de succès du grief. Ces deux critères vont en quelque sorte de pair. Il est difficile d’évaluer l’injustice faite au fonctionnaire puisque la question est de savoir si l’employeur pouvait lui refuser l’utilisation des 4,25 heures de congé payé pour obligations familiales au moyen d’heures de remplacement, et qu’il existe une clause particulière dans la convention collective qui établit que c’est en fait ce que le syndicat et l’employeur ont convenu de faire.

[54] Les faits du présent cas semblent correspondre exactement à la situation prévue dans la clause 34e) de la convention collective. Le grief indique que le fonctionnaire voulait utiliser 8,5 heures de remplacement et 4,25 heures de congé pour obligations familiales pour son quart de travail du 24 mai 2021. L’article 34 traite de l’utilisation d’heures de congé en remplacement des jours fériés désignés payés. Il prévoit que les employés régis par la convention collective reçoivent un crédit de 93,5 heures pour tous les congés payés au début de l’exercice et que ces heures de remplacement doivent être utilisées le jour férié payé désigné. La clause 34e) précise que pour tout jour férié payé, les employés doivent épuiser leur crédit d’heures de remplacement avant d’utiliser un congé payé pour obligations familiales ou un congé de maladie.

[55] Le critère établi dans Schenkman n’exige pas que la Commission se prononce sur le grief au fond; il suffit que la Commission évalue, à la lumière des renseignements disponibles, s’ils sont disponibles, les chances de succès du grief. À ce stade, d’après les renseignements fournis, le grief semble avoir peu de chances de succès, étant donné que les allégations semblent être expressément envisagées dans la convention collective et que l’employeur semble avoir respecté la convention collective.

[56] En outre, il est difficile d’évaluer si l’injustice pour le fonctionnaire est plus grande que le préjudice pour l’employeur lorsqu’il s’agit d’heures aussi peu importantes de congé; les deux types de congés sont des congés payés et le fonctionnaire a reçu des congés payés pour toute la période demandée.

[57] Enfin, dans ses arguments, le fonctionnaire a proposé qu’au cas où la Commission ne rejette pas l’objection de l’employeur, celle-ci se retienne de se prononcer à ce sujet et l’examine en même temps que le grief sur le fond, afin de permettre au fonctionnaire et au syndicat de fournir une preuve plus complète.

[58] Le syndicat et l’employeur sont des parties aguerries en matière de comparution devant la Commission. Il leur incombe, lorsqu’ils soulèvent l’un ou l’autre une objection à la compétence, de faire valoir leurs meilleurs arguments en se fondant sur tous les faits dont ils ont connaissance. La Commission n’est pas tenue de reporter à une audience le traitement d’une question qui aurait dû être abordée par une partie dans ses arguments.

[59] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[60] L’objection est accueillie.

[61] La demande de prorogation du délai est rejetée.

[62] Le grief dans le dossier de la Commission 566-02-44758 est rejeté.

Le 10 novembre 2023.

Traduction de la CRTESPF

John G. Jaworski,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

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