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Dossier de la Commission : 585-02-44668

 

 

 

 

AFFAIRE CONCERNANT UN ARBITRAGE DE DIFFÉRENDS

EN VERTU DE LA LOI SUR LES RELATIONS DE TRAVAIL DANS LE SECTEUR PUBLIC FÉDÉRAL

 

 

 

 

ENTRE :

 

Guilde de la marine marchande du Canada

(la « Guilde »)

-et-



Conseil du Trésor

(l’« employeur »)

 

Devant : William Kaplan, président

JD Sharp, représentant de l’employeur

Joe Herbert, représentant du syndicat

 

 

Comparutions

 

 

Pour la Guilde : Samantha Lamb

Allison Longmore

Jewitt McLuckie & Associates

Avocats

 

 

Pour l’employeur : Lourena Williams, directrice principale

Alain Cousineau – négociateur

Michael Gager – analyste

Giuseppe Di Raimo – conseiller/économiste

Jacques Lauperr – conseiller/analyste

Conseil du Trésor du Canada

Les questions en litige ont donné lieu à une audience tenue à Ottawa le 8 novembre 2023. Le conseil s’est réuni en séance exécutive le 28 novembre 2023

(Traduction de la CRTESPF).


Décision (Traduction de la CRTESPF)

Introduction

[1] La Guilde de la marine marchande du Canada (Guilde) représente environ 1 300 officiers et officières de navires (SO), instructeurs et cadets employés par la Garde côtière canadienne et ceux travaillant sur des navires appartenant au ministère de la Défense nationale au sein de la flotte de navires auxiliaires de la marine canadienne. La Garde côtière, où travaillent 85 % des membres de la Guilde, est chargée de protéger les eaux côtières du Canada, sans oublier les opérations de recherche et de sauvetage, le déglaçage, les patrouilles de pêche, les levés et la recherche, la sûreté et les opérations maritimes. Certains membres de la Guilde travaillent comme instructeurs au Collège de la Garde côtière canadienne à Sydney, en Nouvelle-Écosse. Les navires auxiliaires de la marine – y compris les remorqueurs portuaires, côtiers et de lutte contre les incendies, une grue flottante, des navires de récupération de torpilles, un navire de patrouille sous-marin et des usines flottantes de dégazage et de ravitaillement – fournissent un soutien en mer et au port aux Forces canadiennes et à nos alliés de l’OTAN. Les bases auxiliaires sont situées à Halifax, en Nouvelle-Écosse, à Esquimalt et à Nanoose Bay, en Colombie-Britannique.

[2] Il est juste de dire, que ce soit en poursuivant quatre années d’études au Collège de la Garde côtière canadienne (Collège), ou en gravissant les échelons (et en étudiant), en devenant SO ou en occupant tout autre poste représenté par la Guilde, qu’on ne peut y parvenir que grâce à une formation rigoureuse et à une expérience pratique. La contribution de ces hommes et de ces femmes à notre sécurité est évidente.

[3] L’ancienne convention collective a expiré le 31 mars 2018. La Guilde a donné un avis de négociation en décembre 2020. Les parties ont tenu des rencontres bilatérales en juillet, en octobre et en novembre 2021, puis de nouveau avec l’assistance d’un médiateur en mars 2022. Diverses questions en suspens ont été acceptées à ce moment-là et depuis – et certaines propositions ont été retirées – et nous ordonnons que les éléments acceptés soient inclus dans la convention collective réglée par la présente décision. Les questions contestées ont donné lieu à une audience tenue le 8 novembre 2023. Toute question non réglée de la Guilde ou de l’employeur qui n’est pas directement traitée dans la présente décision est réputée rejetée. Le conseil s’est réuni en séance exécutive le 28 novembre 2023.

Critères

[4] L’article 148 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (LRTSPF) énonce les critères pertinents dont le conseil doit tenir compte pour trancher les questions en litige :

[…]

a) la nécessité d’attirer au sein de la fonction publique des personnes ayant les compétences voulues et de les y maintenir afin de répondre aux besoins des Canadiens;

b) la nécessité d’offrir au sein de la fonction publique une rémunération et d’autres conditions d’emploi comparables à celles des personnes qui occupent des postes analogues dans les secteurs privé et public, notamment les différences d’ordre géographique, industriel et autre qu’il juge importantes;

c) la nécessité de maintenir des rapports convenables, quant à la rémunération et aux autres conditions d’emploi, entre les divers échelons au sein d’une même profession et entre les diverses professions au sein de la fonction publique;

d) la nécessité d’établir une rémunération et d’autres conditions d’emploi justes et raisonnables compte tenu des qualifications requises, du travail accompli, de la responsabilité assumée et de la nature des services rendus;

e) l’état de l’économie canadienne et la situation fiscale de l’État fédéral.

 

Arguments de la Guilde

[5] Selon les arguments de la Guilde, les critères applicables – bien appliqués – ont mené à la conclusion que toutes ses propositions devaient être accordées; elles étaient, pour reprendre les termes de la Guilde, justes et raisonnables, comme l’a démontré l’application des différents critères aux questions en litige.

Recrutement et maintien en poste

[6] La Guilde a commencé par faire observer qu’il existait, et cette situation n’a fait qu’empirer avec le temps, une grave crise de recrutement et de maintien en poste. Dans la dernière décision d’arbitrage de différends entre ces parties – la décision de l’arbitre Baxter du 2 octobre 2018 – l’arbitre a catégoriquement conclu que « la position de la Guilde, selon laquelle ce groupe a des problèmes de longue date en ce qui concerne le recrutement et le maintien en poste, a beaucoup de bien fondé » (par. 58). De plus, l’arbitre Baxter a conclu sans hésitation que les SO représentés par la Guilde accusaient un retard important par rapport à leurs homologues. Par conséquent, le conseil d’arbitrage composé de M. Baxter a accordé un ajustement au marché afin de régler les problèmes de recrutement et de maintien en poste, de répondre aux préoccupations internes en matière de relativité et de rapprocher les salaires de ceux de leurs homologues dans le secteur privé.

[7] Depuis la décision Baxter, la crise du recrutement et du maintien en poste s’est poursuivie, la Guilde a demandé, comme les besoins l’ont attesté, malgré l’ajustement du marché par l’arbitre Baxter à compter de 2017, d’importantes hausses salariales générales à l’échelle de l’entreprise ainsi qu’un autre ajustement du marché, entre autres propositions économiques avancées par la Guilde. De l’avis de la Guilde, toute proposition inférieure n’encouragerait pas le recrutement, ne favoriserait pas le maintien en poste, ne réglerait pas un problème de compression – dont il est question ci-dessous – et ne tiendrait pas compte adéquatement les comparaisons du secteur privé.

[8] À l’appui de ces arguments, la Guilde a concentré son attention sur un document interne de la Garde côtière intitulé [traduction] Risques pour le personnel de la flotte de la région de l’Ouest (juin 2023) (Région de l’Ouest), qui décrit les défis actuels et futurs en matière de recrutement et de maintien en poste, ainsi que leur incidence réelle et prévue sur les opérations. La Guilde a examiné ce document en détail. Le document Région de l’Ouest a établi que les SO de la côte ouest étaient sous‑payés et qu’ils n’étaient pas suffisamment nombreux, ce qui entraînait des déficits opérationnels démontrables et documentés. Cette situation ne ferait que s’aggraver en raison d’une pénurie mondiale d’OS, et cette pénurie de personnel très qualifié ne devrait pas se résorber à court, moyen ou long terme. En effet, on s’attend à ce que la situation s’aggrave considérablement compte tenu de la démographie et des retraites massives prévues.

[9] Au moment de l’audience, la Guilde a fait observer qu’il y avait des concours en cours pour pratiquement tous les niveaux de SO au pays (situation qui allait inévitablement s’aggraver avec l’ajout de navires à la flotte de la Garde côtière). Les SO étaient de plus en plus incapables d’obtenir des vacances et à d’autres congés (et on leur ordonnait parfois de retourner au travail pendant qu’ils étaient en congé). Les employés actuels étaient régulièrement incités à quitter leur emploi pour des postes plus lucratifs ailleurs. Cela a été démontré par le document Région de l’Ouest, qui a non seulement fait état des tarifs plus élevés pratiqués par BC Ferries – un comparateur externe clé – mais aussi de toutes les autres offres qu’elle et d’autres concurrents avaient proposées aux SO pour les inciter à rejoindre leurs rangs, notamment en leur remboursant toutes les sommes qu’elles devaient au Collège pour être partis avant la fin de la période de service imposée à ses diplômés. Les employés à la retraite étaient invités à retourner au travail, certaines interdictions étant levées compte tenu du besoin pressant. En fin de compte, à moins que des mesures ne soient mises en place pour encourager le recrutement et décourager le départ, le mandat principal de la Garde côtière était menacé.

Comparabilité externe

[10] Il ne s’agissait pas d’un cas normal avec une application normale des critères législatifs. Et la raison en était simple : il n’y avait pas de SO au sein de l’administration publique centrale et, par conséquent, aucun comparateur direct. Les équipages de navires (SC) étaient quelque peu comparables; ils avaient des qualifications, des fonctions et des responsabilités complètement différentes de celles des SO, mais leurs lieux de travail et leurs systèmes d’horaire étaient les mêmes (et il y avait, comme il a été mentionné précédemment, également des problèmes de compression dont il est question plus en détail ci-après justifiant des augmentations de la rémunération des SO). Il y avait d’autres comparateurs gouvernementaux comme BC Ferries, plus de nombreux exploitants du secteur privé dans les Grands Lacs et sur les côtes Est et Ouest, et lorsque ces comparateurs ont été examinés attentivement, la conclusion selon laquelle les SO étaient sous-payés était incontestable.

[11] La Guilde a invoqué ses conventions collectives avec tous ces comparateurs – de nombreuses conventions collectives de la Guilde ont été déposées en preuve – à l’appui de ses propositions. La Guilde avait négocié ces conventions collectives. Elle connaissait les taux et les classifications des emplois. Elle était la mieux placée pour comparer des pommes avec des pommes et cet exercice a fait ressortir le fait que les SO recevaient des taux considérablement inférieurs à ceux du marché (et cela, a fait remarquer la Guilde, contrastait nettement avec les données sur lesquelles s’appuyait l’employeur, qui étaient limitées, anecdotiques et méthodologiquement suspectes).

[12] Quand les conventions collectives de la Guilde dans les secteurs privé et public ont été examinées, il était parfaitement clair que des augmentations importantes de la rémunération étaient nécessaires en vue du recrutement et du maintien en poste : le gouvernement fédéral doit être en mesure de concurrencer les taux de rémunération qui étaient à la fois omniprésents et normatifs dans d’autres milieux de travail. De nombreux exemples – énoncés dans le mémoire de la Guilde et discutés à l’audience – ont été avancés à l’appui de cette proposition.

Relativité interne

[13] La Guilde a fait observer que les SO commandaient non seulement les navires, mais qu’ils supervisaient les SC représentés par l’AFPC. La hiérarchie était importante dans la plupart des lieux de travail, mais surtout, pour des raisons évidentes, à bord d’un navire. Il y avait un besoin incontestable d’écarts significatifs dans les taux de rémunération. Tout système de rémunération doit prévoir une rémunération relative appropriée qui tient compte des différences fondamentales entre les catégories de travail qui ne sont pas égales. En raison de la différence de rémunération accordée au cours des dernières années entre les SO et les SC, l’écart salarial entre les deux avait diminué au point où les SC étaient peu motivés à envisager de devenir des SO.

[14] En même temps, cette compression décourageait clairement les candidatures au programme collégial, qui dure quatre ans. En revanche, pour devenir SC, il suffisait de quelques semaines de formation avant de commencer à travailler. Le système actuel était délabré : la compression avait érodé cette nécessaire relativité interne et la Guilde a fourni la preuve qui l’établissait. C’était une autre raison pour soutenir les demandes de rémunération de la Guilde. En termes simples, sans un ajustement substantiel du marché, l’écart entre les SO et les SC continuerait de s’amenuiser pendant toute la durée de la convention collective, ce qui rendrait encore plus insoutenable une mauvaise situation.

Rémunération juste et raisonnable

[15] La rémunération des SO devait tenir compte des études, de la formation et de l’expérience requises pour faire le travail, sans compter la responsabilité qui l’accompagnait dans chaque classification du système SO. Les SO travaillaient normalement selon un cycle de 28 jours de travail et de 28 jours de congé, souvent dans des endroits éloignés. Ils étaient responsables des navires ainsi que des hommes et des femmes qui composaient les équipages. Les SO occupaient des emplois très importants et responsables et ils devraient recevoir une rémunération qui en tient compte.

L’économie canadienne et la situation fiscale du Canada

[16] La convention collective qui a été réglée par cette décision était quelque peu inhabituelle, car sa durée commence le 1ᵉʳ avril 2018 et se termine le 31 mars 2026. Que l’on s’attarde à la partie de la durée qui précède la Covid, à la partie de la durée qui concerne la pandémie, ou à la période qui a suivi, il n’y avait pas de circonstance économique, selon la Guilde, qui pouvait objectivement servir d’obstacle à ses propositions justes et raisonnables; propositions amplement justifiées par l’application des autres critères.

[17] La preuve économique a établi qu’au lieu d’une récession, une reprise solide était en cours et que, par conséquent, elle soutenait pleinement toutes les propositions que la Guilde a présentées. Parallèlement, l’inflation a monté en flèche à compter de 2022 et se poursuit à ce jour, les SO subissant des répercussions réelles et tangibles sur le pouvoir d’achat. Même si l’inflation commence à s’atténuer – et jusqu’à maintenant, la Guilde a fait remarquer qu’il y avait peu d’éléments de preuve convaincants à cet égard – les augmentations inflationnistes sont maintenant intégrées aux prix et ne changeront vraisemblablement pas quoi qu’il arrive. Il y avait notamment une foule de règlements et de décisions qui avaient commencé à tenir compte de façon importante de l’inflation – et la Guilde y a fait référence et s’est fondée sur ces règlements pour en arriver aux résultats salariaux proposés – des résultats salariaux qui devraient être accordés ici.

Propositions de la Guilde

[18] Les augmentations de salaire proposées par la Guilde (et celles offertes par l’employeur) sont les suivantes :

 

Proposition de la Guilde

Proposition de l’employeur

Augmentations salariales générales :

 

1er avril 2018

3 %

2,8 %

1er avril 2019

3 %

2,2 %

1er avril 2020

3 %

1,35 % (plus 0,15 % pour les défis particuliers au groupe, soit les allocations)

1er avril 2021

3 %

1,5 %

1er avril 2022

7,5 %

3,5 % (ajustement salarial de 1,25 %)

1er avril 2023

5 % plus ajustement au marché de 8 %

3 % (ajustement de la paie 0,5 %)

1er avril 2024

4,5 %

2 % (ajustement salarial de 0,25 %)

1er avril 2025

4 % plus réouverture de l’ACV si l’IPC se terminant le 31 janvier 2025 est supérieur à 4 %

 

 

2 %

[19] La Guilde a également proposé – avant l’application de toute augmentation salariale générale – d’ajouter trois échelons aux échelles salariales existantes de sorte que dans tous les cas, il y aurait sept échelons au lieu des quatre actuels pour atteindre le taux de l’emploi, (à l’exception des instructeurs de collège dont il sera question ci‑dessous). Les nouveaux échelons permettraient de maintenir l’écart existant de 3,5 % entre les échelons. L’ajout des mesures supplémentaires permettrait de régler de façon significative les graves problèmes de recrutement et de maintien en poste et de corriger la compression actuelle des SO et SC (exacerbée par l’ajustement de 4 % du marché reçu par les SC en 2023).

[20] En ce qui concerne les augmentations salariales générales demandées, la Guilde demandait des augmentations de 3 % au cours des quatre premières années de la convention collective, suivies d’augmentations plus élevées au cours des quatre dernières années, ainsi qu’un ajustement de 8 % du marché en avril 2023, toujours pour tenir compte du recrutement, du maintien en poste et de la compression et, il va sans dire, de l’inflation qui, selon la Guilde, est devenue une question grave à compter de 2022. Pour s’assurer que les SO ne prennent pas de retard à l’avenir, on a également demandé une clause de réouverture de l’OCV en 2025 si l’IPC se terminant le 31 janvier 2025 dépassait l’augmentation salariale générale de 4 % demandée. La Guilde a fait valoir qu’une clause de réouverture de l’OCV était tout à fait appropriée puisqu’il était impossible de déterminer actuellement ce que prévoiraient les règlements en 2025‑2026. Il était vrai qu’un petit nombre de groupes avaient négocié des ententes avec le gouvernement fédéral pour cette année, mais aucun de ces résultats ne s’appliquait, car aucun d’eux ne tenait compte des défis de recrutement et de maintien en poste, des compressions et des préoccupations de comparabilité interne et externe qui sont présentes ici. Il y avait aussi trop peu de règlements pour établir une tendance.

[21] Exprimée quelque peu différemment, la Guilde n’a pas contesté le fait que sa demande générale d’augmentation salariale était supérieure à la tendance du gouvernement fédéral pendant une bonne partie de la période – 2,8 % en 2018; 2,2 % en 2019; 1,5 % en 2020; 1,5 % en 2021; 3,5 % et 1,25 % en 2022; 3 % plus les ajustements minimaux de 0,5 % pour certains groupes en 2023; 2 % plus 0,25 % en 2024 (et un montant forfaitaire unique de 2 500 $ ouvrant droit à pension en 2023) – mais soutenait que sa demande était justifiée en raison du recrutement et du maintien en poste, de la compression salariale et de la comparaison avec le secteur privé et l’inflation.

[22] La Guilde n’a pas nié le fait que la reproduction était essentielle, mais elle a fait valoir que l’employeur cherchait à obtenir un dédoublement – un dédoublement d’un ensemble de règlements qui n’avait rien à voir avec l’application appropriée de critères dans le présent cas et un dédoublement de résultats complètement dissociés de la réalité de ce milieu de travail. La véritable reproduction signifiait donner effet aux propositions justes et raisonnables de la Guilde qui tenaient compte de la crise du recrutement et du maintien en poste, rapprochaient les salaires des comparateurs externes normatifs – et la Guilde a attiré l’attention sur les conventions collectives, ses conventions collectives, qui montraient exactement ce qu’elles étaient – et abordaient correctement la question de la compression entre les SO et les SC.

[23] On a également fait valoir qu’il était incorrect et erroné de la part de l’employeur de rejeter son propre rapport – Région de l’Ouest – qui décrivait en détail la crise de recrutement et de maintien en poste à laquelle la Garde côtière est actuellement confrontée. Il était inconcevable que la Garde côtière prépare et fasse circuler un rapport inexact ou trompeur. Elle savait de quoi il parlait, une situation qui correspondait à la réalité vécue rapportée par les membres de la Guilde. Il était également important de souligner le fait que l’employeur ne s’est jamais opposé à un fait fondamental : il y avait une pénurie mondiale d’officiers et d’officières de navire, et chaque service d’expédition, que ce soit dans le secteur public ou privé, était en concurrence pour embaucher à partir d’un même petit bassin de personnel certifié, situation qui ne devait, selon l’opinion générale, que s’aggraver pour diverses raisons, dont les ajouts à la flotte, la demande croissante et la démographie.

[24] En plus des augmentations de salaire des SO qu’elle proposait, la Guilde a également demandé une réduction du nombre d’échelons pour les taux de rémunération des instructeurs de collège (ainsi que les mêmes augmentations générales de salaire et ajustement du marché). Il s’agissait également d’une crise de recrutement et de maintien en poste, qui devrait nécessiter une attention immédiate afin que le Collège puisse remplir son rôle d’éducation des générations futures de SO. À cela s’ajoutait une proposition de la Guilde visant à améliorer les allocations mensuelles (formation et en mer) versées aux cadets.

[25] À titre d’exemple, les cadets acceptés au Collège recevaient une allocation de 375 $ par mois, avec de légères augmentations au cours des années successives atteignant un sommet de 581 $ par mois au cours de la quatrième année du programme. Ces montants n’ont pas été augmentés depuis un peu plus d’une décennie. La Guilde proposait 800 $ par mois à chaque année (compte tenu du salaire minimum fédéral) pour la formation au Collège et 1 551,81 $ pour la formation en mer dans la première partie du programme et 2 205,85 $ dans la deuxième partie (augmentations de 424,81 $ et de 603,85 $ respectivement). En revanche, les officiers stagiaires du programme des Services de communication et de trafic maritimes du Collège reçoivent environ le double du montant reçu par les SO stagiaires, même après les déductions pour les repas et l’hébergement.

[26] La Guilde a également demandé des améliorations à l’indemnité de responsabilités supplémentaires – en reconnaissance des fonctions supplémentaires qui sont exécutées et payées aux commandants et aux ingénieurs en chef affectés à certaines catégories de navires – des classifications qui ne sont pas admissibles à d’autres droits prévus dans la convention collective, comme les heures supplémentaires (un jour de repos est prévu), le rappel au travail, l’indemnité de présence, le temps de déplacement et la rémunération de la fonction de sécurité. La Guilde a proposé d’augmenter le montant et d’ajouter à la liste des navires où le capitaine/commandant ou l’ingénieur en chef aurait droit à la prime. La Guilde a également demandé des augmentations de l’indemnité de vacances – qui n’a pas été augmentée depuis 2010 – l’ajout de la Journée de la vérité et de la réconciliation à la liste des jours fériés désignés, l’amélioration du temps de déplacement payé pendant les congés de deuil et l’intégration de la pratique actuelle des périodes de repas payées dans la convention collective, entre autres exigences.

Arguments de l’employeur

Introduction

[27] L’employeur a commencé ses arguments en faisant remarquer que le groupe des SO était le seul qui n’avait pas conclu de règlement au cours de la ronde de négociation collective 2018-2021. Dans l’ensemble, 26 conventions collectives sur 27 ont été finalisées dans l’administration publique centrale, soit 99,4 % de la population salariée représentée. De plus, 100 % des organismes distincts ont terminé leurs négociations pour la ronde de 2018. L’offre de l’employeur pour les quatre premières années de la durée étant réglée par cette décision s’harmonisait avec la tendance et la reproduction établies, donc dictant effectivement qu’elle soit suivie. Bien que l’employeur ait convenu que les SO étaient uniques dans la fonction publique, le fait est qu’il y avait d’autres groupes spécialisés et qu’ils avaient reproduit la tendance. Par conséquent, il n’y avait aucune raison pour que les SO ne le fassent pas également.

[28] Des arguments semblables ont été faits au sujet des résultats obtenus après 2021 : douze conventions collectives ont été conclues dans l’administration publique centrale, ce qui représente 67,8 % des employés représentés et, encore une fois, une tendance établie. Ici aussi, l’employeur a fait valoir que cette reproduction exigeait que ces résultats soient suivis. D’autres caractéristiques communes de cet ensemble de règlements devraient également, a-t-il insisté, être appliquées. Rien de ce qui a été avancé par la Guilde, selon l’employeur, ne pouvait amener à conclure raisonnablement que le groupe SO devrait bénéficier d’un arrangement plus favorable que le modèle établi dans 26 des 27 conventions pour la période 2018-2021, ni les 12 conventions sur 27 au sein de l’administration publique centrale pour la période 2022-2026. Cette conclusion a été renforcée par l’application appropriée des critères applicables.

Recrutement et maintien en poste

[29] L’employeur a soutenu qu’il n’y avait aucun problème – aucun – dans le recrutement et le maintien en poste des SO. Au contraire, les éléments de preuve ont permis de conclure que c’était exactement le contraire qui était vrai : les données étaient claires et convaincantes. Le nombre de SO – déduction faite des séparations – était en augmentation. Une baisse ponctuelle des taux d’embauche en 2020-2021 n’était qu’un phénomène ponctuel. Lorsqu’il a cherché à recruter, l’employeur a attiré beaucoup plus de candidats qualifiés qu’il n’en avait besoin. Dans l’ensemble, les séparations étaient en baisse. Les SO ne quittaient pas la Garde côtière pour un emploi à l’extérieur. Dans ces circonstances, on ne pouvait pas prétendre à juste titre qu’il y avait un problème de maintien en poste qu’il fallait régler.

[30] Comme je l’ai mentionné, l’employeur a contesté le fait que la Guilde s’était fondée sur le document Région de l’Ouest : il s’agissait d’un document de travail, sa portée était limitée et s’appliquait à une partie du pays et il n’avait jamais été officiellement approuvé. Dans la mesure où elle a laissé entendre qu’il y avait un écart salarial entre les SO et les postes comparables chez BC Ferries, elle a utilisé une méthode peu fiable pour arriver à ce résultat (incorrect) (pour les raisons exposées par l’employeur dans ses arguments écrits). L’employeur a rejeté l’affirmation selon laquelle des opérations étaient retardées ou annulées en raison du manque de personnel. Le tableau invoqué par le syndicat ne faisait pas de distinction entre les classifications. L’examen de ces données ne permettait absolument pas de conclure que l’insuffisance des SO était la cause de la réduction des opérations (même en supposant, pour les fins de la discussion, que les réductions des opérations atteignaient le niveau revendiqué par la Guilde, proposition que l’employeur a rejetée).

[31] Le fait était que les données sur lesquelles s’appuyait la Guilde comportaient de graves lacunes (un problème qui s’étendait malheureusement au taux de rémunération de la Guilde et à d’autres données); elle n’indiquait pas non plus combien de temps les opérations étaient retardées, annulées ou réduites. Selon l’employeur, il ne s’agissait pas du genre de preuve qui pouvait soutenir des demandes salariales bien supérieures à ce qui est convenu ou imposé n’importe où dans la fonction publique fédérale et qui s’applique à des centaines de milliers d’employés du gouvernement. La Garde côtière s’était fixé comme objectif de ne pas compromettre plus de 3 % des opérations en raison de problèmes d’équipage et d’opérations, et elle a réussi à atteindre cet objectif.

[32] D’ailleurs, il était exact de dire qu’il y avait des postes vacants pour divers postes, mais cette situation n’établissait pas vraiment la vérité : les affectations étaient un fait de la vie de la dotation, et elles n’indiquaient pas nécessairement qu’il y avait une crise de recrutement et de maintien en poste nécessitant une réaction salariale non normale. Les affichages non comblés n’ont pas permis d’établir un déficit de recrutement : certains postes ont été délibérément maintenus vacants afin d’offrir à la direction une marge de manœuvre en matière de dotation. La Garde côtière n’avait pas l’intention de pourvoir tous les postes ouverts; elle a pourvu les postes sur la base des besoins actuels et prévus et a toujours été en mesure de le faire (les navires mis hors service pour rénovation ou autre n’étaient manifestement pas pourvus en personnel). Il est certain que l’employeur aimerait avoir plus d’espace au Collège, et plus de SO pour pouvoir répondre à toutes les demandes de congé (de plus en plus nombreuses), mais ces souhaits n’ont pas établi de crise de recrutement et de maintien en poste justifiant les augmentations salariales demandées par la Guilde (augmentations salariales qui dépassaient manifestement une tendance établie). Et dans la mesure où l’ensemble des demandes de rémunération de la Guilde reposaient presque entièrement sur un rapport qui ne disait pas ce que la Guilde prétendait, il ne pouvait tout simplement pas servir de fondement à des augmentations de salaire sans tendance ou à des ajustements spéciaux injustifiés.

Comparabilité externe

[33] Ici aussi, l’employeur a attiré l’attention sur les données et la preuve comparant les taux extérieurs avec les taux des SO (secteur privé et secteur public). L’employeur s’est fondé sur une étude préparée par Mercer Canada LLC, et il a établi que les salaires globaux des SO étaient soit concurrentiels, soit supérieurs au marché pour chaque poste, sauf celui de commandant (un résultat particulièrement bon, étant donné que les résultats de l’étude comparaient les taux des SO en vigueur le 1ᵉʳ avril 2017 aux taux du marché du 1ᵉʳ août 2021). Si l’offre salariale de l’employeur était accordée, tous les postes de SO se situeraient dans la fourchette cible ou au-dessus. Selon la conclusion incontournable, les propositions salariales de la Guilde ne pouvaient se justifier en fonction de ce critère.

Relativité interne

[34] Lorsqu’on les compare à l’administration publique centrale – la comparaison nécessaire en raison de l’absence de comparaisons internes directes – il est très clair que les SO de la période 2018-2021 ont obtenu des résultats bénéfiques, voire supérieurs. De même, tous les postes de SO étaient mieux rémunérés que les SC : la preuve a établi que, dans tous les cas, les SO étaient mieux rémunérés que les SC. Par conséquent, l’employeur a soutenu que les demandes salariales de la Guilde n’étaient pas justifiées par l’application de ce critère. En clair, il n’y avait pas de problème de compression maintenant et il n’y en aurait définitivement pas si la proposition salariale de l’employeur était adoptée.

L’économie canadienne et la situation fiscale du Canada

[35] Enfin, le Canada se remettait bien des dommages économiques causés par la pandémie, mais la situation économique était turbulente, avec de graves problèmes, y compris la possibilité d’une récession qu’il fallait prendre en compte. En plus des documents présentés dans son mémoire, l’employeur a fourni une Mise à jour de la situation économique et fiscale. En résumé, les perspectives étaient décourageantes. La croissance économique a ralenti, en raison de la hausse des taux d’intérêt, du resserrement des conditions de crédit, de la réduction des exportations, des événements internationaux, de la baisse de la confiance des consommateurs et des entreprises, des taux d’intérêt élevés et de l’inflation persistante. Le PIB ralentissait. Le chômage augmentait. De plus en plus de Canadiens et Canadiennes vivaient dans des ménages aux prises avec des difficultés financières. La dette publique était en hausse (situation aggravée par les taux d’intérêt élevés, ce qui rendait le service de cette dette encore plus coûteux).

[36] Le directeur parlementaire du budget a publié ses Perspectives économiques et financières en octobre 2023, prévoyant un déficit de 6,4 milliards de dollars de plus pour 2023-2024 que dans le budget de 2023. L’annonce de cibles de dépenses du gouvernement fédéral faisait partie de la solution, une solution qui nécessitait également des restrictions salariales, ce qui était tout à fait justifiable dans des circonstances où cet employeur a assuré la stabilité économique et la sécurité des employés de la fonction publique fédérale, ainsi qu’un régime de pension et d’avantages sociaux qui ferait l’envie de la plupart des Canadiens et Canadiennes. Accorder des augmentations salariales supérieures à la tendance établie ne serait pas juste et raisonnable dans ces circonstances. Pas une seule unité de négociation n’avait reçu de disposition sur l’ACV, et rien ne justifiait une telle disposition. Ce qui serait juste et raisonnable, c’est le règlement type proposé par l’employeur, qui était sur la table et qui prévoyait des augmentations de plus de 22 % composées sur la durée. À l’opposé, l’employeur a établi le coût des propositions économiques de la Guilde à 32,48 % (non composé).

Propositions de l’employeur

[37] En plus de ses propositions économiques – accompagnées de ses arguments sur les raisons pour lesquelles les demandes économiques de la Guilde, y compris toute augmentation des allocations aux cadets et des augmentations de l’indemnité de responsabilités supplémentaires, étaient complètement contraires à tous les critères et à l’application du principe de réplication – l’employeur a proposé un certain nombre d’autres modifications à la convention collective, y compris à l’article 14 concernant la mise à disposition de la convention collective aux employés. En résumé, le changement permettrait aux employés d’avoir accès à la convention collective par voie électronique, mais si cela était impossible, une copie imprimée serait fournie sur demande. L’employeur a également demandé un protocole d’entente modifié concernant les délais de mise en œuvre des conventions collectives.

Discussion

[38] Nous commençons par l’observation selon laquelle les SO sont uniques : il n’y a pas, comme les deux parties en conviennent, de comparateurs de classification dans l’administration publique centrale. Beaucoup de SO sont des premiers intervenants qui s’aventurent en mer pour aider les navires en détresse et protéger nos côtes. Ils rendent des services incroyables aux Canadiens et Canadiennes, souvent dans les conditions physiques les plus difficiles. La Garde côtière et les SO qui travaillent à bord des navires de la Garde côtière protègent notre souveraineté et servent nos collectivités sur les trois côtes. Leur travail est difficile, complexe et souvent dangereux. Les Canadiens et Canadiennes sont redevables aux SO et aux SC qui se mettent en danger pour secourir et aider les autres en mer et pour assurer notre sécurité. Il est essentiel que la Garde côtière et les navires auxiliaires soient dotés d’un personnel adéquat et qu’ils reçoivent une rémunération adéquate pour pouvoir s’acquitter de ces fonctions publiques essentielles.

[39] Tous les critères prévus par la loi sont pertinents, mais il est juste de dire que la Guilde a insisté sur les défis de recrutement et de maintien en poste comme facteur clé de ses demandes économiques. Il ne fait aucun doute qu’il y a une pénurie mondiale d’équipages de navires. En réponse directe – pour ne donner qu’un exemple – les gouvernements du Canada et des Philippines, selon un reportage de la CBC publié en avril 2023, ont signé une entente visant à faciliter le travail des marins philippins qualifiés à bord de navires canadiens (aux côtés de marins originaires de l’Australie, de la France, de la Norvège, de l’Ukraine, de la Géorgie et du Royaume-Uni, où des arrangements similaires sont déjà en vigueur). En juin 2023, Drewry Press a rapporté que le déficit d’approvisionnement des navigants avait atteint un niveau record, l’écart de disponibilité des officiers s’étant élargi pour atteindre un déficit d’environ 9 % (en hausse par rapport à 5 % l’année précédente). Dans sa réponse du 12 septembre 2023 à une plainte de pratique déloyale de travail déposée par la Guilde, l’employeur a indiqué que [traduction] « malgré les efforts de recrutement, il y a une pénurie importante d’ingénieurs depuis au moins le début de 2021 » dans la région de l’Ouest de la Garde côtière, un thème élaboré comme il est indiqué ci-dessus dans le document Région de l’Ouest. La réponse de l’employeur à la pratique déloyale de travail décrit en détail les défis auxquels il a dû faire face pour maintenir les stations de bateau de sauvetage en exploitation, y compris l’accélération du processus d’embauche des employés pour qu’ils deviennent des officiers d’ingénierie et des membres de la Guilde. Dans ces circonstances, on peut facilement conclure que les problèmes de dotation désignés dans la décision Baxter perdurent. Cependant, il faut dire que les conclusions des décisions antérieures sur les différends ne sont évidemment pas exécutoires puisqu’elles sont fondées sur des renseignements, des éléments de preuve et des arguments à un moment précis dans le temps.

[40] D’autres indices de difficultés de recrutement et de maintien en poste sont des affectations continues à des postes de SO partout au pays (et certains pourraient simplement être des titulaires comme l’indique l’employeur), et certaines interruptions de service, bien que les raisons, le nombre et la durée soient contestés. La Guilde insiste sur le fait que les interruptions de service sont attribuables à un manque de SO; l’employeur n’est pas du tout d’accord. Le fait est qu’il est difficile pour les SO d’avoir accès à des vacances et à d’autres congés et que les SO sont régulièrement appelés à faire deux rondes consécutives à bord des navires. Les SO à la retraite reprennent du service. Les projections du marché du travail prévoient d’importantes retraites dans les années à venir, ce qui entraînera inévitablement des pressions supplémentaires dans le système.

[41] Le document Personnel de l’Ouest – même s’il se concentre sur la Colombie‑Britannique – indique que le nombre de départs d’employés nommés pour une période indéterminée a augmenté en 2022 par rapport à 2019, que d’avril à décembre 2022, 748 jours d’opérations ont été touchés par des retards, des annulations ou une réduction de la capacité à bord des navires de la Garde côtière en raison du personnel, et qu’entre mai 2022 et juin 2023, les stations d’embarcations de sauvetage dans la région de l’Ouest ont été touchées par des problèmes de personnel – c’est-à-dire l’insuffisance de personnel (voir ci-dessus et voir aussi les arguments en réplique de la Guilde et de l’employeur). D’autres données indiquent que des employés ayant un niveau d’expérience relativement faible sont envoyés à l’extérieur; il s’agit d’une situation qui est évidemment préoccupante compte tenu des tâches que les SO sont appelés à effectuer. La Guilde a présenté des éléments de preuve établissant que le secteur privé, par exemple Algoma avec son Programme de recrutement des officiers, Canada Steamship Lines, et d’autres, sont prêts à payer des incitatifs substantiels pour recommander, recruter et maintenir en poste (la question de savoir s’ils réussissent à attirer des SO est une autre question).

[42] Pour être juste, il y a des problèmes évidents avec Personnel de l’Ouest. Il ne fait pas de distinction entre les SO et les SC. Avec d’autres données, il montre que les départs pour une période indéterminée sont à la hausse, une question sérieuse à n’en pas douter, et que les opérations ont été touchées, cependant, sans indiquer combien de temps durent réellement ces perturbations et quelles en sont les conséquences (autres que les ingénieurs et les postes d’embarcations de sauvetage) et si elles se situent, comme le soutient avec insistance l’employeur, dans les paramètres opérationnels établis. Personnel de l’Ouest se limite à la Colombie-Britannique et ses conclusions ne peuvent pas nécessairement être transposées de manière crédible à l’ensemble du système.

[43] En même temps, les données globales de l’employeur sont tout à fait à l’opposé de celles avancées par la Guilde, qui conteste vivement la proposition selon laquelle le recrutement et le maintien en poste exigent quelque attention que ce soit. La preuve de l’employeur ne démontre aucune difficulté à pourvoir les cours au Collège. Du point de vue de l’employeur, rien ne permet de croire que les activités sont sérieusement compromises. Il n’y avait pas non plus – l’employeur l’a souligné – de preuve que les SC ne se prévalaient pas de la possibilité de devenir SO à cause de la compression – un état de fait qu’il rejette, de toute façon – et l’employeur souligne en outre qu’il n’y avait que des preuves anecdotiques et très peu convaincantes que les SO quittaient leur emploi pour de meilleures possibilités ailleurs.

[44] Ces versions contradictoires doivent être prises en compte et équilibrées, et nous concluons ensuite qu’il y a certainement un problème de recrutement et de maintien en poste qui doit être pris en compte, quoique plus modestement que ce que demande la Guilde (compte tenu de sa portée réelle). Il est clair qu’il y a des problèmes sur la côte ouest : le document de la Garde côtière lui-même le montre clairement (et nous n’acceptons pas l’idée qu’il s’agit d’une sorte de document de travail de bas niveau qui ne peut pas être pris au sérieux). Il y a les affectations, le défaut d’accorder des congés, des quarts de travail consécutifs, des incitatifs du secteur privé et d’autres facteurs dont il a été question précédemment qui établissent que le recrutement et le maintien en poste sont des problèmes graves qui exigent de l’attention.

[45] Nous estimons également qu’il est important d’assurer une compression appropriée entre les taux des SO et des SC et, par conséquent, nous accordons, sur cette base et en fonction du recrutement et du maintien en poste, un ajustement du marché de 4 % à la date d’entrée en vigueur de la décision (les SC ont reçu des ajustements du marché en 2016 et en 2023, et les SO seulement en 2017). Cet ajustement du marché permettra de s’assurer qu’il n’y aura pas de détérioration par compression qui se produirait autrement. À part cela, nous sommes d’avis que le modèle général de règlement – sauf pour 2025, car il est trop tôt pour conclure qu’il existe encore un modèle – devrait être suivi pour des raisons évidentes, plus particulièrement le fait qu’il s’agit d’un modèle normatif dans l’ensemble de la fonction publique fédérale et devrait être reproduit, sauf dans des circonstances exceptionnelles qui ne sont pas présentes ici.

[46] En d’autres termes, nous estimons qu’il devrait y avoir un ajustement modeste pour tenir compte de la compression et du recrutement et du maintien en poste (en reproduisant l’ajustement spécial que les SC ont reçu), mais à part cela, les augmentations salariales générales proposées par l’employeur devraient être accordées – encore une fois, sauf pour 2025 – puisque ce modèle de règlement établit de façon claire et convaincante ce sur quoi les parties se seraient entendues si la négociation collective avait permis d’en arriver à sa conclusion naturelle. Après tout, ces taux s’appliquent à 350 000 fonctionnaires et ont été atteints pour au moins la moitié de ce nombre à la suite de longues grèves. Pour s’écarter de ce résultat normatif, il faudrait plus d’éléments de preuve que ce qui est énoncé dans Personnel de l’Ouest et les autres documents invoqués par la Guilde. Dans toutes ces circonstances, nous accordons le règlement type, généralement tel que proposé par l’employeur – à l’exception de 2020 (même total, configuration différente) et de 2025 – y compris 2 500 $ ainsi qu’un ajustement au marché de 4 % à la date d’entrée en vigueur de la décision (et identique à celle reçue par les SC).

[47] Nous concluons que la question des allocations aux cadets doit être abordée. De toute façon, ils sont nettement insuffisants, ce qui n’est pas surprenant, étant donné qu’ils n’ont pas été augmentés depuis plus d’une décennie. En même temps, la proposition de convention collective électronique de l’employeur devrait être accordée, tout comme l’indemnité pour responsabilités supplémentaires proposée par la Guilde. Les taux n’ont pas augmenté depuis une décennie, et nous demandons également que l’indemnité de responsabilité supplémentaire soit étendue aux grands remorqueurs navals, tous les deux à la date d’entrée en vigueur de la décision.

[48] En ce qui concerne le protocole d’entente proposé par l’employeur relativement à la mise en œuvre de la convention collective, nous ne pouvons tout simplement pas convenir d’une disposition qui pourrait retarder les paiements rétroactifs – datant de 2018 – jusqu’à 460 jours après l’émission de la décision. Bien que nous soyons loin d’être indifférents aux défis continus de la mise en œuvre de la rémunération, cela ne pourrait jamais être le résultat de la libre négociation collective et serait, dans la présente affaire, compte tenu de la durée, et même en supposant qu’elle ait pris la moitié de la durée, complètement injuste (et non pas dans un sens arbitraire ou théorique quelconque, mais parce que les SO de cette unité de négociation n’ont eu aucune augmentation salariale depuis plus de cinq ans et les montants forfaitaires pour non‑conformité après plus de 181 jours proposés dans le protocole d’entente ne compenseraient pas adéquatement les délais excessifs).

Décision

Salaires

1er avril 2018 : 2,8 %

1er avril 2019 : 2,2 %

1er avril 2020 : 1,5 %

1er avril 2021 : 1,5 %

1er avril 2022 : 3,5 % + ajustement salarial de 1,25 %*

1er avril 2023 : 3 %

Date de la décision : Ajustement au marché de 4 %*

Indemnité non récurrente liée à l’exercice des fonctions habituelles : 2 500 $. Cette indemnité unique sera versée aux titulaires de postes au sein du groupe SO à la date d’émission de la décision pour l’exécution des tâches et responsabilités régulières associées à leur poste.

1ᵉʳ avril 2024 : 2 % + ajustement salarial de 0,25 %*

1ᵉʳ avril 2025 : Remise aux parties et le conseil demeure saisi.

* Les ajustements salariaux et au marché sont composés

Indemnités de formation des cadets et de formation en mer

[49] Les propositions de la Guilde prévoyaient la date d’entrée en vigueur de la décision.

La Journée de la vérité et de la réconciliation

[50] Comme l’ont convenu les parties.

Clause 14.01

[51] Proposition de l’employeur accordée :

[Traduction]

 

14.01 L’accès à la version électronique de la présente convention sera accordé aux officiers de l’unité de négociation. Lorsque l’accès électronique à la convention collective n’est pas disponible ou pas pratique, ou sur demande, le fonctionnaire recevra un exemplaire imprimé de la convention collective.

 

Indemnité de responsabilités supplémentaires

[52] Augmentation de 25 % à compter de la date d’entrée en vigueur de la décision.

[53] Étendre aux grands remorqueurs navals à compter de la date d’entrée en vigueur de la décision.

Deuil

[54] Proposition de l’employeur accordée.

Période des repas

[55] Maintien des politiques existantes.

Conclusion

[56] À la demande des parties, nous demeurons saisis de la mise en œuvre de la présente décision.

 

 

FAIT À Toronto le 21 décembre 2023.

« William Kaplan »

William Kaplan, président

Je suis d’accord.

JD Sharp, représentant de l’employeur

 

Je suis d’accord.

Joe Herbert, représentant du syndicat

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