Décisions de la CRTESPF

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Date: 20230926

Dossier: 566-02-9371

 

Référence: 2023 CRTESPF 88

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

ROGER KLOUVI

fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL

(ministère de l’Emploi et du Développement social)

 

défendeur

Répertorié

Klouvi c. Administrateur général (ministère de l’Emploi et du Développement social)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage

Devant : Chantal Homier-Nehmé, une formation de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans le secteur public fédéral

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé : Baidy Mbaye, avocat

Pour le défendeur : Geneviève Ruel et Pierre Marc Champagne, avocats

 

Affaire entendue à Montréal (Québec),

les 1er, 3 et 4 août 2017, du 9 au 11 janvier, et les 6 et 7 février 2018.

(Arguments écrits déposés le 23 juin, le 20 août et le 14 septembre 2020.)


MOTIFS DE DÉCISION

I. Demande devant la Commission

[1] Le 18 avril 2013, Roger Klouvi, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a été licencié de son poste d’agent de programmes PM-04, Services aux citoyens, Service Canada (Ressources humaines et développement des compétences Canada) (l’« employeur » ou « Service Canada »), rétroactivement à la date de suspension sans solde pour infraction au Code de valeurs et d’éthique du secteur public (le « Code de valeurs et d’éthique »); furetage dans les bases de données d’assurance-emploi; participation à une fraude de plusieurs centaines de milliers de dollars dans le cadre du programme Nouveaux Horizons pour les aînés (le « programme pour les aînés »).

[2] Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365; LCRTEFP) a été proclamée en vigueur (TR/2014‑84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (CRTEFP) pour remplacer l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) ainsi que l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014‑84). Conformément à l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art.2; LRTFP) avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la LRTFP, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

[3] Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la CRTEFP et le titre de la LCRTEFP, de la LRTFP et du Règlement sur les relations de travail dans la fonction publique pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral, la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral et le Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral.

[4] Dans la lettre de licenciement, l’employeur allègue, entre autres, que le fonctionnaire aurait été impliqué dans la création d’organismes écrans et des projets de subventions, pour lesquels un financement du gouvernement du Canada a été versé, sans que des activités légitimes n’aient été réalisées. Selon Service Canada, les faits recueillis indiquent que le fonctionnaire a été impliqué dans la gestion d’un peu plus de 15 projets de subventions du programme pour les aînés d’avril 2007 à avril 2011, période pendant laquelle les dossiers suspects ont été repérés par l’employeur. L’employeur maintient que le caractère répétitif et prolongé des actions du fonctionnaire justifie le licenciement.

[5] Le fonctionnaire soutient que la décision de l’employeur de le licencier est ultra vires (au-delà des pouvoirs de l’employeur), puisque l’employeur a obtenu la preuve, incluant la liste des témoins, de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Il allègue que l’employeur a abusé de ses pouvoirs et qu’il a fait preuve de partialité dans l’enquête, en violation de ses droits tel qu’il est prévu à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte »). Il demande d’être réintégré dans son poste, de ne subir aucune perte ni d’avantages, et d’être rétabli dans son intégrité.

II. Décision de la Chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec

[6] Au moment de l’audience, le fonctionnaire était visé par les six chefs d’accusations criminelles suivants : trois chefs de fraude, deux chefs de complot et un chef de fraude envers le gouvernement fédéral. Les faits sous-jacents aux accusations criminelles de fraude dans le cadre du programme pour les aînés sont les mêmes qui ont mené au licenciement de son emploi. Le 12 novembre 2019, la Chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec a prononcé oralement la culpabilité du fonctionnaire à tous les chefs d’accusations.

[7] Le 25 mai 2020, l’employeur a fait parvenir à la Commission la décision de la Chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec. Le 27 mai 2020, la Commission a demandé aux parties de fournir leurs positions quant à la portée de cette décision sur l’issue du grief du fonctionnaire. L’employeur a fourni sa position par écrit en date du 23 juin 2020, voulant qu’en l’absence d’une demande de sursis du fonctionnaire de la décision de la Commission, la déclaration de culpabilité du fonctionnaire émise par la Chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec ne devrait pas être remise en question par le biais du présent arbitrage et devrait plutôt confirmer la position de l’employeur concernant les inconduites reprochées au fonctionnaire et ayant mené à son licenciement.

[8] L’employeur m’a renvoyée à la décision Watson c. Canada, 2003 CF 1377, dans laquelle la Cour fédérale du Canada a reconnu et appliqué le principe voulant que les déclarations de culpabilité établies hors de tout doute raisonnable et les conclusions essentielles sur lesquelles elles sont fondées appellent un niveau élevé de déférence et de retenue. Un arbitre de grief placé en semblable circonstances devrait donc juridiquement donner plein effet à la déclaration de culpabilité. Une décision contraire à celle rendue par la Chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec serait de nature à porter atteinte aux principes d’économie, de cohérence, de caractère définitif des instances et d’intégrité de l’administration de la justice, puisque cela reviendrait à dire, contrairement au juge d’instance criminelle, que le fonctionnaire n’a pas commis de fraude, tout en ignorant au passage les principes établis par la Cour suprême du Canada dans Toronto (Ville) c. Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.), section locale 79, 2003 CSC 63.

[9] Le fonctionnaire soutient que la décision de la Chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec n’a aucune portée sur l’issue de son grief. Le fonctionnaire maintient que cette décision doit être ignorée. Il avance que son grief soulève deux points fondamentaux : la question de l’équité procédurale et la contestation des actes qui lui sont reprochés. Le grief et les questions qu’il soulève sont complètement exclus du dossier de la décision de la Chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec et, par conséquent, de l’analyse du juge. Le fonctionnaire avance que le manquement de l’employeur à l’équité procédurale est un vice de fond de nature à invalider le licenciement, indépendamment de la véracité des actes qui lui sont reprochés par son employeur. Selon lui, il s’agit d’une erreur fatale qui entache la validité du licenciement. La Commission doit étudier ce point uniquement à la lumière de la preuve présentée devant elle à ce sujet en tenant compte des contraintes juridiques et factuelles propres au contexte du licenciement.

[10] Le fonctionnaire prétend que la décision de la Chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec n’est pas recevable en preuve puisque la preuve du grief devant la Commission est close. À l’appui de sa prétention, le fonctionnaire m’a renvoyée à la décision Fraternité des policiers et policières de Gatineau c. Moro, 2020 QCCS 2272 (CanLII) (« Moro »). Selon lui, le juge de la Cour supérieure du Québec dans cette décision aurait traité et écarté de façon non équivoque le principe de la stabilité des décisions des tribunaux judiciaires et administratifs, la règle de stare decisis et le principe de la cohérence décisionnelle. La Commission doit ignorer la décision de la Chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec en étudiant la question de l’équité procédurale.

[11] En réplique, l’employeur a répondu qu’une simple lecture attentive de la décision citée par le fonctionnaire permet de comprendre que cette décision est plutôt au soutien de la position de l’employeur. Aux paragraphes 58, 61 et 152 de Moro, la Cour supérieure du Québec a reconnu que cette décision constituait un fait juridique que l’arbitre de grief ne pouvait ignorer. Les motifs pour lesquels le Tribunal d’arbitrage dans la décision Moro s’écarte des conclusions retenues par le Comité de déontologie diffèrent grandement de la situation factuelle et juridique qui prévaut dans le présent dossier et ne trouve aucune application au licenciement du fonctionnaire.

[12] À l’audience, dès la présentation de son allocution d’ouverture, le fonctionnaire a indiqué qu’il présenterait une preuve voulant que l’employeur aurait manqué à son obligation d’équité procédurale pendant l’enquête administrative, un vice de fond de nature à invalider le licenciement. J’ai attiré son attention à la décision Tipple c. Canada (Conseil du Trésor), [1985] A.C.F. no. 818 (QL)(C.A.), voulant que de tels vices soient réparés par l’audition de novo devant un arbitre de grief. Le représentant du fonctionnaire a répondu que, bien qu’il soit au courant de ce jugement, il tenait néanmoins à ses représentations à cet égard.

[13] Pour les raisons qui suivent, le grief est rejeté et le licenciement est maintenu. J’ai lu la décision de la Chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec et les arguments des parties attentivement par rapport à sa portée sur l’issue du grief et je conclus que, peu importe les conclusions de la Chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec, la prépondérance de la preuve a établi que le fonctionnaire avait commis les actes reprochés dans la lettre de licenciement. Le fonctionnaire n’a présenté aucune preuve et aucun argument juridique qui viendrait justifier l’intervention de la Commission pour annuler le licenciement ou réduire la mesure disciplinaire.

III. Contexte et faits non contestés

[14] Le programme pour les aînés est un programme de subventions de Service Canada qui a pour mandat d’aider les organismes qui viennent en aide aux aînés. Il comporte deux volets : la participation communautaire et le leadership, et l’aide à l’immobilisation.

[15] La participation communautaire et le leadership vise la mise sur pied de nouvelles activités qui ont pour objectifs d’encourager les aînés à faire profiter la collectivité de leurs compétences, de leur expérience et de leur sagesse, et de réduire le risque d’isolement des aînés en les encourageant à jouer un rôle actif dans la société. Le volet aide à l’immobilisation vise à aider les organismes sans but lucratif à améliorer leurs installations ou remplacer les meubles et l’équipement dont ils ont besoin pour continuer à offrir des activités et des programmes qui s’adressent aux aînés.

[16] Lorsqu’une demande au programme pour les aînés est présentée, un agent de programmes de Service Canada fait la présélection; la demande est analysée et on attribue une note d’évaluation. À la suite de la présélection, la demande est soumise à un comité d’examen pour approbation. Le Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique, ainsi que les règles internes de Service Canada, prévoient que les employés qui connaissent un postulant ne doivent pas se saisir de l’évaluation de cette demande.

[17] Le fonctionnaire a commencé son emploi à Service Canada en octobre 2006. En mars 2007, il a été nommé agent de programmes et il s’occupait du programme pour les aînés jusqu’à son transfert au bureau de l’arrondissement à Anjou, au Québec, en juillet 2007. À cet endroit, il n’était pas responsable d’analyser les demandes du programme pour les aînés. Il a été transféré à Gatineau, au Québec, en juillet 2008 et ensuite à Montréal, au Québec, à la fin décembre 2008. En janvier 2009, il a été nommé au poste de conseiller régional prestation de services au Complexe Guy-Favreau, à Montréal.

[18] Le 5 avril 2012, Denis Boulianne, sous-ministre adjoint, Bureau du cadre dirigeant, Gestion des Services, a informé le fonctionnaire qu’il avait mandaté la Division de la sécurité, enquêtes et mesures d’urgences des services d’intégrité de Service Canada pour la région du Québec de mener une enquête administrative. Le fonctionnaire a été suspendu sans solde en attendant le résultat de l’enquête administrative. À la suite de l’enquête interne et de l’enquête de la GRC, Service Canada a mis fin à l’emploi du fonctionnaire le 18 avril 2013, rétroactivement à la date de la suspension sans solde.

IV. Résumé de la preuve

[19] L’employeur a convoqué Messan Nagode Ayité Zonnon, Nadia Tabiou et Jean De Dieu Randah Koutou pour témoigner de leurs implications dans les demandes de subventions au programme pour les aînés.

[20] M. Zonnon est d’origine togolaise. Il connaît le fonctionnaire par le biais de la communauté togolaise, depuis environ 2003. M. Zonnon participait à des activités de la communauté togolaise avec le fonctionnaire. Il a été président de l’Association Togolaise et il organisait des fêtes et des activités pour la communauté. Le fonctionnaire et sa famille y participaient. Le fonctionnaire et lui s’appréciaient mutuellement et ils avaient une certaine affinité.

[21] Mme Tabiou a rencontré le fonctionnaire à l’École des Hautes Études Commerciales (HEC) à Montréal. Les deux sont d’origine togolaise et sympathisaient ensemble. Ils avaient des cours ensemble, une bonne civilité et des rapports conviviaux. Elle a émigré de la France à Montréal en 2003, où elle a fait la connaissance d’Iya Sowé Kobana et son époux, M. Zonnon. Elle a fait ses études en droit international et s’intéressait aux questions humanitaires en Afrique. Elle voulait aider au développement de l’Afrique.

[22] M. Zonnon a témoigné que c’est en 2007 que le fonctionnaire lui avait parlé du programme pour les aînés. Le fonctionnaire travaillait pour Service Canada à cette époque, et il a expliqué à M. Zonnon que le programme pour les aînés était un programme de subventions de Service Canada. Le fonctionnaire a expliqué à M. Zonnon que, si une association se qualifie, elle pourrait bénéficier de subventions sans nécessairement faire les activités prévues et ils pourraient se partager l’argent.

[23] M. Zonnon a fondé l’association intitulée Association d’épanouissement et loisir (l’« Association ») pour faire des activités pour la communauté togolaise et pour la promotion de l’épanouissement des aînés. C’était dans cette optique que Mme Tabiou s’était impliquée dans l’Association. Elle faisait du bénévolat pour l’église, et M. Zonnon lui avait demandé si elle voulait être trésorière pour l’Association. M. Zonnon était le président de l’Association et Valère Agbazé en était le vice‑président. Le 19 décembre 2007, M. Zonnon, M. Agbazé et Mme Tabiou ont mis sur pied l’Association. Ensemble, ils ont ouvert un compte bancaire. Une seule signature était suffisante pour faire un retrait bancaire. Le tout a été fait sur les conseils du fonctionnaire.

[24] Le fonctionnaire s’est opposé au dépôt en preuve de la déclaration assermentée par M. Koutou. Ce document a été écrit par Lynn Bisson, enquêtrice à Service Canada, au moment de son entrevue avec François Dussault, enquêteur aux enquêtes internes, mesures d’urgences, Division des enquêtes et de la sécurité, Service Canada. Il a signé le document qui est prévu à l’Annexe 4 du rapport d’enquête. Le fonctionnaire a exigé que M. Koutou soit présent pour être contre-interrogé. J’ai maintenu l’objection du fonctionnaire et j’ai indiqué à l’employeur que, s’il désirait déposer ce document en preuve, il devra permettre le contre-interrogatoire de M. Koutou. À l’audience, j’ai signé une assignation de comparution pour M. Koutou.

A. Projet de subvention no1 – Association d’épanouissement et de loisir no 7260169

[25] Le 6 juin 2008, une première demande de subvention a été faite au nom de l’Association. M. Zonnon a indiqué que c’est le fonctionnaire qui avait fourni les renseignements requis et rempli la demande de subvention. Mme Tabiou a témoigné qu’elle et M. Agbazé n’étaient pas au courant que cette demande avait été présentée.

[26] M. Zonnon a dit qu’il y avait deux lettres d’appui à la demande de subvention : une provenant de l’Association des personnes retraitées des communautés culturelles de Montréal-Est et une autre de Diastode-Canada. M. Zonnon a admis avoir fabriqué la lettre de l’Association des personnes retraitées des communautés culturelles de Montréal-Est avec l’aide du fonctionnaire. La seconde lettre de Diastode-Canada avait été obtenue et signée par Clément Gedu, membre du conseil d’administration. M. Gedu est un ami du fonctionnaire que M. Zonnon connaissait.

[27] Le fonctionnaire a informé M. Zonnon que la demande avait été acceptée. Deux semaines après que le fonctionnaire avait informé M. Zonnon que la demande avait été approuvée, M. Zonnon a reçu une confirmation écrite de Service Canada accompagnée d’un chèque au montant de 18 000 $. Le fonctionnaire a informé M. Zonnon qu’il fallait récompenser les personnes qui avaient appuyé la demande.

[28] Le 20 janvier 2009, M. Zonnon a rencontré M. Agbazé et Mme Tabiou pour leur dire que la demande de subvention avait été acceptée et leur expliquer qu’il fallait récompenser les personnes qui avaient travaillé pour faire avancer la demande de subvention. Mme Tabiou n’était pas d’accord, et elle insistait pour que les activités se tiennent comme prévu, sans récompenser les personnes concernées. Cette version de M. Zonnon est inconsistante avec la version de Mme Tabiou, qui a témoigné qu’elle n’était pas au courant de cette demande de subvention. Mme Tabiou a confirmé que tous les contacts avec Service Canada avaient été faits par M. Zonnon.

[29] M. Zonnon a expliqué au fonctionnaire que Mme Tabiou et M. Agbazé n’étaient pas d’accord. Encore une fois, cette version des faits rapportée par M. Zonnon ne concorde pas avec la version rapportée par Mme Tabiou. Le fonctionnaire n’était pas content de la non-coopération de Mme Tabiou et M. Agbazé. C’est à ce moment que M. Zonnon et le fonctionnaire ont décidé de faire croire à M. Agbazé et Mme Tabiou que la subvention avait été annulée, et que le chèque devait être retourné à Service Canada.

[30] M. Zonnon savait que le fonctionnaire avait demandé à M. Koutou de l’aider à ouvrir un compte bancaire. Entre-temps, le fonctionnaire et M. Zonnon avaient décidé d’ouvrir un deuxième compte bancaire au nom de l’Association pour y déposer le chèque de 18 000 $, à l’insu de Mme Tabiou et M. Agbazé.

[31] M. Zonnon, le fonctionnaire et M. Koutou ont décidé d’ouvrir un troisième compte bancaire à la Banque Scotia. Pour des raisons administratives, la Banque Scotia a refusé d’ouvrir un compte au nom de l’Association.

[32] M. Zonnon a déposé le chèque de 18 000 $ dans le compte bancaire de la Banque Royale du Canada le 12 février 2009, et il a fait un chèque de 5 000 $ à son nom. M. Zonnon a encaissé le chèque et l’a remis au fonctionnaire.

[33] Le 13 février 2009, le fonctionnaire a demandé à M. Zonnon de faire deux chèques au montant de 2 000 $ chacun au nom de M. Gedu et de M. Koutou afin de les remercier pour leur aide.

[34] Vers la fin février 2009, le fonctionnaire a demandé à M. Zonnon de faire deux autres chèques. Le premier pour un montant de 4 000 $, et le deuxième pour un montant de 5 000 $. M. Zonnon a encaissé les chèques en son nom et a remis au fonctionnaire 2 000 $ ou 3 000 $ provenant du premier chèque, et 5 000 $ du deuxième chèque.

[35] M. Zonnon a admis qu’aucune activité n’avait été organisée. M. Zonnon et le fonctionnaire ont préparé le rapport de finalisation des activités exigé par Service Canada. M. Zonnon a expliqué que les informations prévues au rapport étaient fausses, et que les photos fournies par le fonctionnaire étaient des photos de photographies d’une activité qui n’avait jamais eu lieu. Le recueil de recettes de cuisine multiethniques pour justifier la demande de subvention initiale avait été préparé par le fonctionnaire le 11 août 2009 sur un ordinateur appartenant à l’employeur.

[36] M. Zonnon a confirmé que le reste de l’argent du montant de la subvention de 18 000 $ avait été partagé entre lui-même, le fonctionnaire et leurs conjointes respectives. L’Association n’a tenu aucune des activités prévues au rapport de finalisation.

B. Projet de subvention no 2 – Association d’épanouissement et de loisir no 9152208

[37] M. Zonnon a soumis une deuxième demande de subvention au programme pour les aînés au nom de l’Association en date du 1er septembre 2009. M. Zonnon a témoigné que cette deuxième demande avait été faite à l’aide du fonctionnaire. M. Zonnon a fait la demande initiale, et le fonctionnaire y a apporté les corrections nécessaires avant qu’elle soit soumise à Service Canada.

[38] Cette demande de subvention a été approuvée par Service Canada en date du 31 mars 2010, au montant de 24 000 $. La demande était accompagnée encore une fois par une fausse lettre d’appui. Cette fois, elle était au nom de la Communauté Togolaise au Canada (CTC) – Section Laval, signée par le fonctionnaire et remise à M. Zonnon.

[39] M. Zonnon a dit qu’il avait reçu un chèque de 24 000 $ et que ce montant avait été réparti comme les premiers, soit 18 000 $ aux autres partenaires, à l’insu de Mme Tabiou et M. Agbazé. Étant donné la réticence de Mme Tabiou et M. Agbazé la première fois, le fonctionnaire et sa conjointe avaient demandé à M. Zonnon de créer une autre organisation entre eux. Le chèque pour la demande de l’Association cette fois-ci serait envoyé à l’adresse de M. Agbazé, mais partagé entre M. Zonnon, le fonctionnaire et sa conjointe.

[40] M. Agbazé a reçu le chèque. Il avait des doutes alors il a ouvert l’enveloppe. M. Agbazé a scellé de nouveau l’enveloppe avant de la remettre à M. Zonnon. Lorsque M. Zonnon a ouvert l’enveloppe, il a vu que la demande de subvention avait été approuvée au montant de 24 000 $. Le fonctionnaire a dit à M. Zonnon de dire à M. Agbazé que le montant approuvé était seulement de 12 000 $. M. Agbazé a avoué à M. Zonnon et au fonctionnaire qu’il savait que le chèque était au montant de 24 000 $.

[41] C’est alors que M. Zonnon et le fonctionnaire ont planifié une façon de tromper M. Agbazé et Mme Tabiou. M. Zonnon et le fonctionnaire ont fabriqué une lettre au nom d’une personne fictive, Sophie Desjardins, chargée de suivi des projets, programme pour les aînés, Direction des programmes, Ententes et Partenariats, Service Canada. La lettre provenant de Sophie Desjardins crée un contexte impossible de satisfaire aux exigences de Services Canada et exige que le chèque soit retourné à Service Canada. M. Zonnon a confirmé que c’est le fonctionnaire qui avait signé cette lettre en date du 26 avril 2010, et que celle-ci avait été envoyée à M. Agbazé au nom de l’Association.

[42] Le fonctionnaire s’est opposé au dépôt en preuve de cette lettre car l’employeur l’avait obtenue de la GRC. Selon lui, ceci est un exemple de violation de ses droits en vertu de l’article 7 de la Charte. J’ai permis le dépôt de la lettre en preuve car celle-ci était pertinente aux questions devant la Commission. J’ai indiqué au fonctionnaire que je lui permettrais de présenter des arguments sur le bien-fondé de cette preuve. Je traiterai de l’argument de la violation de l’article 7 de la Charte dans la partie des arguments et de l’analyse.

[43] Selon M. Zonnon, M. Agbazé devenait de plus en plus douteux. Le fonctionnaire et M. Zonnon ont fabriqué une deuxième lettre provenant de la même personne de Service Canada. C’est le fonctionnaire qui a remis la lettre à M. Agbazé. Cette fois, il n’y avait aucun numéro de téléphone pour rejoindre la personne-ressource.

[44] Il y a eu une rencontre entre M. Zonnon, Mme Tabiou et M. Agbazé. Mme Tabiou et M. Agbazé savaient qu’ils se faisaient flouer. Ils n’avaient plus de doute et ils n’ont pas apprécié la situation. Les trois se sont rencontrés chez M. Zonnon un dimanche après-midi. Mme Tabiou insistait que tout l’argent soit retourné à Service Canada. Elle ne voulait pas prendre part à aucune des demandes de subventions et elle insistait pour que tout l’argent soit retourné. M. Zonnon a parlé au fonctionnaire pour lui faire part de la réaction de M. Agbazé et Mme Tabiou. M. Zonnon savait que le fonctionnaire était allé visiter M. Agbazé dans un effort de calmer la situation, mais il ne connaissait pas l’étendue de leur discussion.

[45] Après la tentative du fonctionnaire de rencontrer M. Agbazé, M. Zonnon et le fonctionnaire ont décidé de rencontrer Mme Tabiou chez elle à Gatineau pour la convaincre d’utiliser le chèque de 24 000 $ pour faire des activités. Mme Tabiou a refusé catégoriquement. Elle voulait que le chèque soit retourné immédiatement.

[46] M. Zonnon a écrit à Mme Tabiou car tout cela avait un impact sur elle personnellement et physiquement. Il a écrit ces courriels et il a présenté ses excuses car il l’avait flouée. Il a admis dans cette lettre qu’il avait ouvert le compte à son insu et accepté des chèques aux montants de 18 000 $ et 24 000 $ à son insu. Mme Tabiou avait demandé à M. Zonnon à maintes reprises de retourner tout l’argent.

[47] Dans son échange de courriels avec Mme Tabiou, M. Zonnon s’était engagé de remettre le chèque de 24 000 $ à Service Canada. M. Agbazé ne faisait plus confiance à M. Zonnon. M. Zonnon et M. Agbazé se sont présentés à Service Canada pour retourner le chèque. Ils ont rencontré un agent de Service Canada. M. Zonnon et M. Agbazé ont expliqué qu’ils ne pouvaient plus faire d’activités, car Mme Tabiou s’était désistée de l’Association. Ils ont écrit une lettre pour expliquer la raison pour laquelle ils ne pouvaient plus faire les activités. Un superviseur de Service Canada leur a dit qu’il ne pouvait pas reprendre le chèque et que, s’ils pouvaient trouver une troisième personne, ils pourraient faire les activités proposées. C’est ce qu’ils ont tenté de faire, mais sans succès.

[48] Mme Tabiou a expliqué qu’il y avait beaucoup de disputes entre M. Zonnon et M. Agbazé. À cause de ces disputes, elle les avaient menacés de démissionner de son poste de trésorière. M. Agbazé voulait des preuves et l’accès au courrier de Service Canada. Mme Tabiou était enceinte à cette époque et elle ne voulait plus être impliquée. Cependant, elle voulait que les activités planifiées aient lieu. M. Agbazé devait faire les premiers contacts pour les activités. M. Zonnon a informé Mme Tabiou que M. Agbazé n’avait pas fait les contacts. Pour donner suite à la démission de Mme Tabiou, ils avaient convenu de changer l’adresse de l’Association.

[49] Mme Tabiou voulait une copie des statuts de l’Association. M. Zonnon a refusé, en disant qu’il avait déchiré les documents. Mme Tabiou voulait faire les changements à la banque pour retirer son nom du compte en tant que trésorière, mais M. Zonnon refusait. C’est à ce moment que Mme Tabiou s’est présentée à la banque pour obtenir l’historique du compte. Mme Tabiou a fait une recherche, et elle a vu que l’Association avait reçu deux subventions, une de 18 000 $ et une de 24 000 $. Elle était au courant de celle au montant de 24 000 $, mais pas de celle au montant de 18 000 $. Elle s’est présentée à la banque pour obtenir les états de compte. En s’y présentant, Mme Tabiou a dit qu’elle voulait faire le bilan de l’Association en tant que trésorière, et que le président avait détruit les documents. La conseillère de la banque a imprimé pour elle toute la documentation. Elle a obtenu une copie du chèque de 18 000 $ au compte de l’Association qui avait été encaissé à son insu. Elle est partie pour Montréal le lendemain.

[50] Mme Tabiou a confronté M. Zonnon et M. Agbazé lors d’une rencontre entre les trois. M. Zonnon a dit qu’il ne savait pas ce qu’il lui avait pris. Mme Tabiou a dit qu’en tant que trésorière, elle trouvait que cela était de la fraude et elle ne voulait pas être impliquée. Elle a demandé à M. Zonnon de faire une assermentation, une lettre pour la décharger, et M. Agbazé en a demandé une aussi. Avec ces informations, Mme Tabiou a demandé à M. Zonnon de retourner le chèque de 24 000 $ à Service Canada et de communiquer avec un avocat et de faire ce qui est était le mieux pour lui. Comme M. Zonnon allait avouer son crime à Service Canada, elle a attendu de voir la réponse de Service Canada avant de communiquer avec la GRC. Après cette réunion, elle est rentrée chez elle. Mme Tabiou a téléphoné à la conjointe de M. Zonnon qui n’était au courant de rien. La conjointe de M. Zonnon niait l’amitié entre M. Zonnon et le fonctionnaire.

[51] Peu de temps après cette rencontre, le fonctionnaire a téléphoné à Mme Tabiou. Tous ces événements l’ont rendue malade. Le fonctionnaire voulait rencontrer Mme Tabiou pour lui fournir des explications et faciliter la discussion entre M. Zonnon, M. Agbazé et Mme Tabiou. Le fonctionnaire tentait encore de convaincre Mme Tabiou de poursuivre ses activités avec l’Association. Mme Tabiou était intransigeante, elle ne voulait pas faire comme le suggérait le fonctionnaire. Mme Tabiou a insisté pour que le chèque de 24 000 $ soit retourné. Mme Tabiou a dit au fonctionnaire qu’il était en conflit d’intérêts avec son employeur et qu’il devrait en aviser son employeur et se retirer. Avant cette rencontre, elle ne connaissait pas très bien le fonctionnaire. Mme Tabiou était partagée dans ses convictions; elle estimait que cela était de la fraude et pouvait avoir un impact sur sa vie.

[52] Mme Tabiou a donné sa démission de l’Association. Le fonctionnaire, Mme Tabiou, M. Zonnon et M. Agbazé se sont entendus de remettre le chèque de 24 000 $ à Service Canada. Le fonctionnaire a envoyé un courriel à Mme Tabiou pour la remercier et lui confirmer qu’ils allaient retourner le chèque. Elle a demandé qu’on lui confirme que le chèque avait été retourné. Mme Tabiou a su par la suite que M. Zonnon et M. Agbazé n’avaient pas remis le chèque. Mme Tabiou a communiqué avec Service Canada pour les informer de cela. Une agente de Service Canada a refusé de lui parler. M. Zonnon et M. Agbazé avaient informé une agente de Service Canada que Mme Tabiou causait des problèmes pour l’Association. Mme Tabiou a laissé un message pour informer l’agente que l’Association n’avait pas les capacités de faire les activités prévues et que les activités n’auraient pas lieu. L’agente de Service Canada lui a finalement demandé de lui envoyer un récapitulatif de la raison pour laquelle les activités n’auraient pas lieu.

[53] M. Zonnon, le fonctionnaire et un autre individu ont tenté de s’entendre, mais cela n’a pas fonctionné. Ils ont donc séparé les 24 000 $. Pour cette demande de subvention et toute autre activité financière, Mme Tabiou n’a participé à aucune activité financière ou légale de l’Association. Il a signé une déclaration sous serment à cet effet en date du 23 juillet 2010.

C. Projet de subvention no 3 – Club Social de développement no 8989055

[54] Le fonctionnaire, M. Zonnon et leurs conjointes ont créé le Club Social de développement. M. Zonnon rédigeait les demandes de subventions sous la supervision du fonctionnaire. Ils ont décidé de créer ce nouvel organisme étant donné la réticence de Mme Tabiou. C’était l’idée du fonctionnaire de créer une nouvelle association. Ce sont les conjointes qui ont créé le compte bancaire et chacune d’elle avait une carte bancaire. Le fonctionnaire ne se souvenait pas si cela nécessitait une ou deux signatures.

[55] Selon M. Zonnon, la communication entre M. Zonnon et le fonctionnaire se faisait par l’entremise de l’adresse courriel de la conjointe du fonctionnaire. Il a fabriqué une lettre d’appui à la demande de subvention au nom de M. Agbazé en date du 20 août 2009. Le 8 février 2010, la demande a été acceptée et le chèque de Service Canada au montant de 22 175 $ en date du 12 mars 2010 a été envoyé à l’adresse postale de M. Zonnon.

[56] M. Zonnon a rempli le rapport final en appui de la subvention et il a détaillé les activités qu’ils avaient prétendument accomplies. Il a préparé le document seul en se basant sur les autres documents préparés pour l’Association de loisir et d’épanouissement. Aucune activité n’a eu lieu; le fonctionnaire, M. Zonnon et leurs conjointes se sont partagé le chèque également.

D. Projet de subvention no 4 — Club Social de développement no 9097296

[57] M. Zonnon a préparé cette demande sans aide. Il s’est basé sur les demandes faites antérieurement avec le fonctionnaire. Il a préparé les lettres fictives selon les instructions qu’il avait reçues du fonctionnaire. La demande de subvention a été approuvée et acceptée au montant de 22 950 $. L’argent a été séparé également entre M. Zonnon, le fonctionnaire et leurs conjointes. M. Zonnon a rempli le rapport final et sa conjointe l’a signé. La demande était pour un financement pour de l’aide à l’immobilisation. En réalité, la demande n’était pour aucune rénovation. Il ne se souvenait pas si cette demande avait été faite avec l’aide du fonctionnaire.

E. Projet de subvention no 5 – Regroupement des aînés pour le développement social no 010319622

[58] M. Zonnon a créé le Regroupement des aînés pour le développement social avec un collègue de travail. Il a créé cette nouvelle association car M. Agbazé lui disait que le fonctionnaire avait plusieurs autres associés. Il a eu beaucoup de problèmes avec l’Association, en particulier avec Mme Tabiou et M. Agbazé. Le fonctionnaire n’était pas toujours visible selon M. Zonnon, mais il était toujours là. Pour cette demande, M. Zonnon a préparé la lettre d’appui en date du 14 août 2010 de Diastode-Canada, une autre fausse organisation.

[59] En contre-interrogatoire, M. Zonnon a indiqué qu’il se pouvait qu’il se trompe d’une année ou deux pour la création de l’organisation. Il a ajouté qu’il était aussi possible qu’il s’était trompé de 1 000 $ ou 2 000 $ pour le montant du chèque. Toutefois, le fonctionnaire demeurait le maître d’œuvre de l’organisme. Il se peut qu’il se trompe des dates aussi, mais cela ne change pas le fait que les événements décrits ont eu lieu. M. Zonnon a confirmé avoir remis l’argent de la subvention en mains propres. Il a indiqué que ce n’est pas parce qu’il se trompe de date qu’il se trompe pour ce qui s’est passé. Le fonctionnaire connaissait très bien le système d’approbation des demandes de subventions. M. Zonnon a plaidé coupable à des accusations de fraude en cour criminel. Ce n’est pas lui qui a rédigé la déclaration aux enquêteurs du gouvernement du Canada. Ce sont les enquêteurs qui l’ont rédigée, il a lu ce qu’ils avaient écrit et il a signé le document. Il a confirmé que le fonctionnaire avait reçu de l’argent même s’il ne pouvait pas donner de chiffre exact. M. Zonnon a confirmé que, pour la première subvention, le fonctionnaire avait reçu approximativement 40 à 50 % du montant. Le fonctionnaire était convaincu que le gouvernement du Canada ne prendrait jamais le temps d’enquêter. Toutes les demandes de subventions pour lesquelles le fonctionnaire avait participé ont été approuvées. Les deux autres qu’il avait créées avec ces informations n’ont pas été approuvées.

F. Enquête administrative

[60] Le 18 septembre 2012, M. Zonnon a rencontré des enquêteurs de Service Canada. Il a eu au moins deux, si non trois rencontres avec eux. Il a signé une déclaration. Sa conjointe a aussi signé cette déclaration. Le jour de la perquisition chez lui par la police, les enquêteurs de Service Canada sont revenus chez lui pour lui demander comment tout cela avait fonctionné. Sa conjointe et lui ont mis leur déclaration par écrit. Il y a eu arrestation et M. Zonnon a plaidé coupable. Il a fait un an de prison à domicile et un an de probation. Il a remboursé 14 000 $ de ce qu’il avait reçu. M. Zonnon a arrêté d’être en contact avec le fonctionnaire.

[61] L’employeur a convoqué Joël Hobeila, agent principal interne, Intégrité et Sécurité à Service Canada. Il a occupé plusieurs postes chez Service Canada. Il a occupé le poste d’agent de prestations à l’assurance-emploi, d’agent de programmes, d’agent de sécurité et d’enquête aux mesures d’urgences, d’agent junior et d’agent interne à l’intégrité et la sécurité. M. Hobeila a aussi été agent de programmes dans le programme pour les aînés. Il se rapportait à Serge Luc Bédard, directeur intérimaire, Direction des programmes du marché de travail et de développement social.

[62] M. Hobeila a expliqué comment les demandes de subventions étaient évaluées et cotées pour approbation. C’est en avril 2011 qu’il a découvert des irrégularités dans certaines demandes de subventions. Il en a été informé par Didier Guillemette, agent de programmes, programme pour les aînés. C’est M. Bédard qui a autorisé M. Guillemette à l’informer des irrégularités. M. Guillemette lui a expliqué qu’il y avait quatre demandes de subventions qui présentaient des similarités surprenantes au niveau des adresses des administrateurs, des numéros de téléphone et du libellé des demandes. M. Bédard lui a demandé de se joindre à M. Guillemette pour faire des recherches et documenter leurs observations.

[63] Ensemble, M. Hobeila et M. Guillemette ont comparé les demandes et ont créé un tableau de corrélations qu’ils ont documenté dans un courriel et un tableau détaillé. Ils ont découvert que les organismes qui appuyaient les demandes n’existaient pas. Dans le cas des demandes de projets d’immobilisation, les propriétaires déclarés dans les baux étaient impossibles à retracer. Pour donner suite à ces découvertes, ils ont continué à documenter la situation. Tout projet qui pouvait jeter un doute sur la proposition soumise était assujetti à une analyse plus approfondie. Ils ont noté chaque demande de subvention avec le statut, les informations obtenues du Registre des entreprises du Québec, les registres publics, les traits particuliers des demandes et leurs conclusions. Ils ont découvert le lien avec le fonctionnaire et sa conjointe, car son nom est apparu avec le rôle de la propriété financière. De plus, le nom du fonctionnaire est apparu comme administrateur de l’Association Canadienne Togolaise. Il y avait dans ce cas apparence de conflit d’intérêts, même si c’est un organisme communautaire. Le nom du fonctionnaire apparaissait sur la demande de subvention alors qu’il était un employé de Service Canada. Toutes ces informations ont été communiquées à M. Bédard et, ultimement, à la GRC pour enquête. Au niveau de son implication avec la GRC, M. Hobeila a expliqué le résultat de son enquête interne à la GRC.

[64] Le fonctionnaire s’est opposé à la présentation de la preuve de M. Hobeila et de ses échanges avec la GRC. J’ai rejeté l’objection et j’ai admis la preuve, car celle-ci était pertinente aux questions devant la Commission.

[65] M. Hobeila a eu une rencontre initiale avec la GRC en octobre 2011. En décembre 2011, il a rencontré de nouveau l’enquêteur et l’analyste principal de la GRC. Il a accompagné les enquêteurs lors de la perquisition pour identifier des documents qui avaient pu provenir de Service Canada. En avril 2012, la perquisition a eu lieu chez M. Zonnon. M. Hobeila n’avait aucun rôle dans l’enquête interne de l’intégrité et de la sécurité et mesures d’urgences. Son travail était strictement pour documenter la portion liée au programme et portait sur l’intégrité du programme pour les aînés. Il n’a joué aucun rôle au niveau du processus disciplinaire.

[66] En contre-interrogatoire, M. Hobeila a expliqué le processus de révision des demandes de subventions en général. Il a expliqué qu’il avait découvert le nom de la conjointe du fonctionnaire et le nom du fonctionnaire en tant qu’administrateur de l’Association Canadienne Togolaise dans le Registre des entreprises du Québec. Les informations et les tableaux que lui-même et M. Guillemette avaient faits pour Service Canada ont été remis à l’enquêteur de la GRC. Le fonctionnaire a demandé à M. Hobeila s’il croyait qu’il était coupable dès le départ. L’employeur s’est opposé à ce que M. Hobeila donne son opinion quant à la culpabilité du fonctionnaire. J’ai soutenu l’objection et je n’ai pas permis à M. Hobeila de répondre à la question. M. Hobeila n’était pas qualifié en tant que témoin expert. Le témoin ordinaire doit répondre aux questions qui lui sont posées. Son rôle était de relater les faits tels qu’il en avait la connaissance personnelle. Son rôle n’est pas de donner son opinion quant à la culpabilité du fonctionnaire.

[67] M. Hobeila a confirmé que la décision ultime d’accorder le financement d’un projet de subvention appartenait à l’agent de programmes. Il avait la charge d’analyser les demandes de subventions seulement.

[68] En tant que directeur, M. Bédard était responsable du programme pour les aînés. Il gérait le programme et était délégué financier. Il autorisait les paiements et il avait la délégation de pouvoir pour émettre des chèques de subventions. En 2011, il avait la charge de la livraison des programmes. Il gérait une équipe de gestion pour le territoire Ouest du Québec, Laval, Montréal, les Laurentides, l’Outaouais et l’Abitibi. Cent quarante employés travaillaient sur la livraison du programme pour les aînés. Cela incluait les programmes d’emploi d’été, la Communication des compétences des fonds d’intégration pour les personnes handicapées et la stratégie de partenariat pour la lutte contre l’itinérance. En avril 2011, il relevait directement de Marie Germain, qui a ensuite été remplacée par Patrick Lefort, directeur exécutif intérimaire, Direction de l’expertise opérationnelle, Services aux citoyens et programmes. Il avait trois gestionnaires de niveau PM-05 sous sa supervision.

[69] Dès sa deuxième journée en fonction, le 5 avril 2011, il a entendu parler du programme pour les aînés. M. Guillemette est venu le voir avec deux projets de subventions provenant du même organisme pour lequel il y avait eu deux traitements différents. Dans un des cas, l’agente de programmes avait rejeté la demande à la pré-sélection. Elle a trouvé que les lettres d’appui n’étaient pas véridiques et qu’elles n’avaient pas satisfait aux exigences du Ministère. Pour le même organisme, dans une autre demande de subvention, la même documentation avait été soumise. L’agent n’a pas regardé la valeur des documents et avait tout simplement passé le dossier à la prochaine étape. Dans un cas, l’évaluation avait été favorable mais dans un autre, la demande avait été refusée. C’est pourquoi il a demandé à M. Guillemette de faire un examen approfondi avec l’aide de M. Hobeila. Il voulait savoir s’il y avait d’autres situations similaires et s’il y avait d’autres organismes qui avaient vu leurs demandes traitées de façon différente. M. Guillemette et M. Hobeila se sont vite aperçus qu’il y avait des irrégularités dans certains dossiers dans les cas où les lettres d’appui apparaissaient fausses ou que les informations soumises étaient incomplètes. Il y avait des administrateurs communs dans différents organismes qui avaient tous fait des demandes de subventions pour des projets de nature similaire.

[70] M. Bédard a fait référence au courriel de M. Guillemette en date du 11 avril 2011 concernant le tableau de corrélations des cas douteux. Il s’agissait d’une première analyse faite par écrit. Sa préoccupation était la conformité dans le traitement des dossiers. Il voulait savoir s’il y avait un problème avec l’agent de programmes. Il en avait avisé le supérieur en cas de possibilité de fraude.

[71] M. Guillemette avait examiné quatre organismes dans son courriel et il avait fait état de ses trouvailles. Il a constaté que l’approche était semblable pour 10 projets de subventions. Mme Tabiou, qui était une coadministratrice d’un de ces organismes, avait déclaré à une agente de programmes qu’elle craignait qu’il y eût eu fraude car aucune activité n’avait eu lieu depuis la fondation deux ans plus tôt malgré la réception d’une subvention de 18 000 $. Il y avait un projet en cours d’évaluation et quatre en instance de paiement. Le chèque n’était pas encore sorti, mais sur le point de faire un paiement. M. Bédard a demandé que le dossier demeure en instance de paiement sans émettre de chèque.

[72] M. Bédard avait des discussions chaque jour avec M. Lefort et M. Boulianne, le sous-ministre adjoint, qui demandait des suivis pour informer la sous-ministre Johanne Lamothe et Mary Gardiner, qui agissait à titre intérimaire pour Mme Lamothe. Le 13 avril 2011, M. Bédard a écrit un courriel à Mme Germain. C’était la première fois qu’il lui parlait des anomalies qu’il avait identifiées dans les quatre dossiers sensibles. Dans son courriel, M. Bédard a souligné que l’une des adresses des demandes de subventions correspondait à l’adresse du fonctionnaire. En effet, il s’agissait de l’adresse de la conjointe du fonctionnaire, qui était l’administratrice de l’organisme et auteure de la demande de subvention. M. Bédard se souvenait du fonctionnaire, car il avait travaillé pour lui en 2007 et en 2008. L’adresse de l’organisme faisant la demande de subvention était le premier lien avec le fonctionnaire. Le fonctionnaire aurait fait la présélection du dossier de sa conjointe. La conjointe du fonctionnaire était l’administratrice de l’organisme qui faisait la demande de subvention. Selon le Code de valeurs et d’éthique, pour éviter une apparence de conflit d’intérêts, Service Canada demande aux employés de ne pas interférer dans des dossiers où il pourrait y avoir apparence de conflit, même si en soi le geste est correct.

[73] Le 15 avril 2011, M. Hobeila et M. Guillemette ont compilé les informations dans un tableau Excel et l’ont envoyé à M. Bédard par courriel. M. Bédard a transmis ce tableau dans un courriel à Mme Germain. Il a identifié un projet de subvention provenant de l’Association de loisir et d’épanouissement. En apparence, il y avait conflit d’intérêts impliquant le fonctionnaire, étant donné la lettre d’appui provenant du président de la Communauté Togolaise. Cela exigeait une certaine vérification même si c’était possible qu’il n’y eût pas de conflit d’intérêts.

[74] Les enquêtes pour fraude à Service Canada dans le cadre d’un programme en particulier se fait à l’interne. C’est la Section de la sécurité et des mesures d’urgences qui s’occupe des enquêtes à l’interne. M. Bédard a communiqué avec M. Lefort et Marie‑Danielle Colas, Service d’intégrité, pour enquête pour fraude potentielle. M. Bédard a envoyé les tableaux préparés par M. Hobeila et M. Guillemette. C’est l’équipe de Carole Addison-Roy, directrice responsable de la Sécurité et des mesures d’urgences, et M. Dussault qui ont indiqué que les pouvoirs en matière de fraude relevaient de la GRC. Au début du mois d’août, M. Bédard a envoyé une lettre pour demander une collaboration. Il a expliqué qu’il y avait d’autres cas de fraude dans la région de l’Ontario et que la GRC était déjà impliquée. M. Hobeila et M. Guillemette ont continué de noter leurs observations.

[75] Le 14 juin 2011, M. Bédard a écrit à M. Lefort pour l’informer que M. Hobeila et M. Guillemette continuaient de faire des découvertes et qu’il devenait de plus en plus évident qu’ils faisaient face à un réseau. Il a identifié en détail les projets suspects qui liaient M. Zonnon, sa conjointe et le fonctionnaire. La conjointe de M. Zonnon et le fonctionnaire avaient travaillé ensemble à Service Canada. M. Bédard a repéré leurs dossiers d’employés et il a comparé les signatures qui apparaissaient sur les demandes de subventions. Il a conclu que les signatures étaient les mêmes. Ces signatures apparaissaient sur les lettres d’offres de 2007. M. Zonnon et le fonctionnaire étaient tous les deux ses employés.

[76] Le 5 juillet 2011, M. Bédard a informé M. Lefort par courriel qu’il y avait soupçon de fraude potentielle. Une employée est venue voir M. Bédard pour l’informer que le fonctionnaire lui avait posé des questions par rapport aux statuts des demandes des organismes togolais et leurs dossiers au programme pour les aînés. Selon M. Bédard, très peu de gens étaient au courant du fait qu’il y avait des chèques non émis.

[77] Le 2 août 2011, M. Bédard a envoyé un courriel à M. Lefort et à Mme Addison‑Roy contenant les documents qu’il avait envoyés à la GRC par courrier recommandé. Une lettre adressée à Steve Foster, commissaire, GRC, était également jointe au courriel. M. Bédard a écrit à M. Foster que deux agents de programmes de Service Canada (M. Hobeila et M. Guillemette) avaient découvert que des organismes de la région du Québec avaient recours à des mécanismes douteux pour obtenir des fonds du gouvernement du Canada. Ce stratagème aurait débuté il y a quelques années, et pouvait représenter une somme de 400 000 $ en fonds obtenus illégalement. M. Bédard a exprimé sa préoccupation que ce processus pouvait s’étendre à d’autres organismes et à d’autres programmes de subventions et contributions si aucune action significative n’était entreprise. Finalement, M. Bédard a indiqué que certains éléments au dossier leurs laissaient croire que des employés de la fonction publique du Canada pouvaient être impliqués dans cette fraude. En annexe à cette lettre, un constat des informations recueillies lors de l’enquête administrative indiquait que la collecte des faits avait été exécutée pour donner suite à la partie D des demandes de subventions, qui stipule que les demandeurs déclarent que les renseignements fournis dans la demande et dans les documents à l’appui sont véridiques, exacts et complets au meilleur de leur connaissance, et qu’ils comprennent que, si les renseignements mentionnés sont faux ou trompeurs, ils pourraient être tenus de rembourser la totalité ou une partie de la subvention reçue. La lettre poursuivait en expliquant, qu’à la date de la lettre, les éléments formels de doute portaient sur : des lettres d’appui qui étaient contrefaites ou semblaient contrefaites; des lettres d’appui qui étaient identiques à une autre lettre soumise par un autre organisme; des lettres d’organismes appuyant les projets que l’on ne peut retracer ou soumettant des lettres factices, ou possédant des fausses lettres patentes. Les recherches ont aussi permis d’identifier d’autres éléments considérés comme suspects, soit, le recoupement de mêmes individus œuvrant à la fois dans plusieurs organismes; des noms d’organismes à liens faibles avec les aînés; des liens potentiels entre deux anciens employés qui auraient pu prendre connaissance des modalités du programme.

[78] M. Bédard a dit que c’était soit lui ou Mme Addison-Roy qui avait fait un suivi auprès de la GRC pour fixer une rencontre avec eux pour les convaincre d’enquêter. La GRC priorise les dossiers selon leurs priorités. M. Bédard devait les convaincre de prendre en charge le dossier et enquêter. Le 19 août 2011, le sergent Ghislain Marcil, au nom du surintendant Stephen Foster, directeur, Sous-direction des délits commerciaux, GRC, a informé M. Bédard que la documentation avait été envoyée à l’officier responsable adjoint des enquêtes criminelles, Intégrité financière à Montréal, au Québec, pour toute action jugée pertinente. M. Bédard se souvenait avoir eu une rencontre avec des enquêteurs de la GRC. Il croyait que Mme Addison-Roy y était aussi présente.

[79] M. Bédard se souvenait d’avoir reçu un courriel de Mme Addison-Roy en date du 24 octobre 2011 l’informant que la GRC avait accepté de mener l’enquête pour le programme pour les aînés. Mme Addison-Roy a confirmé dans son courriel que M. Hobeila devrait participer à une rencontre avec l’analyste de la GRC pour valider l’information qu’il avait recueillie. Mme Addison-Roy a confirmé que la GRC allait mener l’enquête, mais selon leurs priorités. En d’autres mots, elle a indiqué que, si une demande plus importante surgissait pendant qu’ils menaient leur enquête, il se pouvait que l’enquête de Service Canada soit mise de côté temporairement afin qu’ils règlent l’autre enquête prioritairement et revenir à l’enquête de Service Canada par la suite. Mme Addison-Roy a indiqué ne pas anticiper de date particulière pour la fin de leur enquête. L’enquête de la GRC et de Service Canada s’est poursuivie à l’interne à l’automne 2011 et à l’hiver 2012.

[80] Le 5 janvier 2012, M. Bédard a informé M. Dussault et Mme Addison-Roy qu’il avait fait d’autres découvertes concernant les dossiers du programme pour les aînés. Dans la demande de subvention portant le numéro 5331871, ils ont constaté que le fonctionnaire avait effectué la présélection de la demande alors que sa conjointe était un membre du conseil d’administration de l’organisme demandeur, soit Intégration et développement social. M. Bédard a constaté que M. Zonnon et Fréderick Ayité Zonnon avaient la même signature. De plus, le fonctionnaire et M. Zonnon étaient des employés de Service Canada. Ils étaient des membres du conseil d’administration. Il y avait aussi des noms de personnes qui travaillaient pour différents ministères au Canada.

[81] M. Bédard a précisé que l’enquête interne devait attendre la permission des enquêteurs de la GRC pour ne pas entraver leur enquête de perquisition.

[82] L’employeur a convoqué M. Dussault à témoigner. M. Dussault a expliqué que le but d’une enquête est toujours de faire la lumière sur ce qui est survenu. La première étape est de vérifier si les informations sont fondées ou non. Si les allégations sont fondées, l’enquête se poursuit. Sinon, le dossier est fermé. En avril 2011, Jacques Legris, le directeur général, a demandé une vérification des faits au sujet d’une situation à la Section des programmes. Mme Addison-Roy est sa gestionnaire immédiate sous sa supervision. M. Hobeila et M. Guillemette avaient soumis beaucoup d’informations. Il fallait maintenant enquêter sur le bien-fondé des allégations. La vérification portait seulement sur les allégations de conflit d’intérêts.

[83] M. Dussault se souvenait d’avoir vu les tableaux compilés par M. Hobeila et M. Guillemette. Il se souvenait d’avoir vu de fausses informations à l’appui de demandes de subventions pour le programme pour les aînés. Les organismes portant les numéros n’existaient pas. Il devait vérifier si les informations fournies à savoir s’il y avait des employés de Service Canada d’impliqués étaient vraies. Il a demandé l’extraction d’informations sur l’ordinateur du fonctionnaire (son lecteur f :/, son courriel de bureau, son code d’usager avec les différentes bases de données, dont les différents numéros d’assurance sociale). M. Dussault a vérifié chaque recherche de noms avec les différents numéros d’assurance sociale. Le fonctionnaire, comme tout autre employé de Service Canada, n’avait pas le droit de vérifier le dossier d’une personne si ce dossier ne lui était pas confié. M. Dussault a retracé chacune des recherches par noms faites par le fonctionnaire. Cette vérification a pris jusqu’à un mois. Ce qui a pris du temps, c’était d’obtenir les extractions du système du bureau national.

[84] M. Dussault a confirmé avoir assisté à quelques rencontres avec la GRC. Il était au courant de ce qui se passait du côté de la GRC, mais il n’avait eu aucune implication dans l’enquête criminelle. Le 19 décembre 2011, Patrick Manelli, enquêteur aux délits commerciaux à la GRC, a annoncé qu’il prenait l’enquête criminelle. À ce moment-là, il était en attente. Le dossier était toujours à l’étape de la vérification. L’enquête administrative n’avait pas encore débuté. C’est après l’arrestation du fonctionnaire et la perquisition chez son complice que M. Boulianne, sous-ministre adjoint, a mandaté l’enquête administrative. Lorsque la perquisition a été exécutée, M. Hobeila et M. Dussault ont vérifié la documentation pour les demandes de subventions au programme pour les aînés. M. Dussault savait qu’il y avait eu des arrestations en plus de l’arrestation du fonctionnaire. C’est à ce moment-là qu’il a examiné la liste des membres du conseil d’administration de chaque organisme. Il a dressé un tableau et fait une vérification plus profonde de chaque demande de subvention. M. Dussault a examiné chaque lettre d’appui et vérifié si les informations étaient véridiques. Il s’agissait d’une vérification sur place. Il a commencé l’enquête administrative au moment de la suspension du fonctionnaire le 5 avril 2012. Il a examiné chacune des demandes de subvention, et avec les informations de MM. Hobeila et Guillemette, il a dressé la liste de témoins potentiels. M. Dussault a fait référence à ses notes manuscrites de rencontres de certaines personnes. Il a rencontré Mme Tabiou, accompagné de Guy Lauzon. Pour toutes les autres entrevues de témoins, il était accompagné de Lynn Brisson.

[85] Mme Tabiou a confirmé avoir rencontré M. Dussault pendant l’enquête administrative le 20 avril 2012. Elle était sous le choc de se faire interviewer par M. Dussault. Les faits dont elle se souvenait concordaient avec les faits tels que rapportés par M. Dussault. M. Dussault a expliqué que le nom de Mme Tabiou était apparu car elle était un membre du conseil d’administration de l’Association. Il a noté qu’elle voulait retourner le chèque de subvention à Service Canada. Mme Tabiou était la première personne interviewée. M. Dussault a rencontré Mme Tabiou à son domicile. Mme Tabiou lui a dit qu’elle avait demandé au fonctionnaire et à M. Zonnon de retourner le chèque de 24 000 $ qu’ils avaient reçu de Service Canada pour leur demande de subvention. Elle avait connaissance d’une autre demande de subvention qui avait été acceptée au montant de 18 000 $, et elle savait que ce montant avait été déposé dans un autre compte bancaire à son insu. Le fonctionnaire et M. Zonnon avaient dit à Mme Tabiou que la demande avait été rejetée. Mme Tabiou savait que c’était faux. Elle voulait démissionner de son implication dans l’Association. Mme Tabiou était une fonctionnaire elle aussi, et elle ne voulait plus participer à l’Association. Elle voulait retourner le chèque.

[86] Mme Tabiou a informé M. Dussault d’une rencontre d’urgence qui avait eu lieu chez elle avec le fonctionnaire, M. Zonnon et M. Agbazé. Elle savait que M. Zonnon et M. Agbazé avaient encaissé le chèque de 18 000 $ pour lequel il n’y avait eu aucune activité d’organisée. C’est lors de cette rencontre qu’elle leur a dit de retourner l’argent et qu’elle démissionnait de l’Association. Mme Tabiou a partagé avec M. Dussault son échange de courriel en date du 23 juillet 2010, dans lequel elle a informé M. Zonnon de retourner l’argent des subventions. Mme Tabiou avait envoyé une lettre de désengagement à Frédérique Naud, agente de programmes pour des subventions, et pour s’informer comment retourner les chèques. Mme Naud a consulté Marie‑Ève Thibault, conseillère en expertise opérationnelle pour les demandes de subventions. Mme Thibault avait donné la directive de faire un suivi serré auprès des organismes concernant les dépenses, et de finaliser les dossiers. Malheureusement, selon M. Dussault, le suivi n’a pas été fait.

[87] M. Dussault a rencontré Komi Amouzou. M. Amouzou était un membre du conseil d’administration d’un organisme avec la conjointe du fonctionnaire. La conjointe du fonctionnaire était la seule détentrice du compte bancaire lié à cet organisme. M. Amouzou a dit à M. Dussault qu’il avait tenté de faire des achats et que le paiement n’avait pas passé. Quelques activités avaient eu lieu, mais pas toutes. De mémoire, M. Amouzou lui avait dit que le fonctionnaire avait préparé toute la documentation et que le fonctionnaire se fâchait lorsqu’il posait des questions. M. Amouzou ne se souvenait pas comment l’argent avait été dépensé. Il a dit à M. Dussault qu’ils avaient acheté des ordinateurs, une imprimante et un appareil photo. Ils avaient acheté un ordinateur pour lui, un pour le fonctionnaire et un pour Maxime Kogoh. Le fonctionnaire avait fait les achats, et il s’était remboursé avec l’argent de la subvention. Il faisait partie du même organisme que la conjointe du fonctionnaire et M. Amouzou. M. Kogoh rapportait des faits semblables au sujet des chèques qui n’avaient pas passés.

[88] M. Dussault a ensuite rencontré M. Zonnon et sa conjointe. M. Zonnon lui a expliqué la manière de procéder et la création d’organismes bidon. M. Zonnon a confirmé que c’était le fonctionnaire qui lui avait appris comment le programme pour les aînés et le processus de subventions fonctionnaient. M. Zonnon a dit à M. Dussault que le fonctionnaire voulait partager l’argent de la subvention également, à 50 %. M. Zonnon lui a expliqué que lui et le fonctionnaire avaient soumis plusieurs demandes de subventions avec succès.

[89] M. Dussault a aussi rencontré M. Agbazé. M. Agbazé voulait mettre les choses au clair pendant l’enquête administrative et l’enquête criminelle. M. Agbazé a été rencontré par l’enquêteur de la GRC. Il voulait laver son nom. Il a confirmé à M. Dussault qu’il avait pris de l’argent, mais qu’il était très fâché contre M. Zonnon, car la réputation de la Communauté Togolaise au Canada avait été entachée. M. Agbazé a remboursé tout l’argent qu’il avait reçu. Il savait que le fonctionnaire était impliqué, mais il ne savait pas à quel point. Il a confirmé que M. Zonnon avait séparé l’argent de la subvention avec le fonctionnaire.

[90] M. Dussault a aussi rencontré M. Gedu. Son nom était apparu dans les lettres d’appui pour l’Association et les autres organismes qui avaient fait des demandes de subventions. Son nom était apparu dans les lettres de la Communauté Togolaise au Canada et aussi Diastode-Canada. Lors de sa rencontre avec M. Gedu, M. Gedu a confirmé avoir participé à certains organismes avec le fonctionnaire et le fait que sa signature avait été forgée sur certains documents.

[91] M. Dussault a rencontré M. Koutou. Il a admis avoir rempli des demandes de subventions avec l’aide du fonctionnaire. C’est le fonctionnaire qui lui avait dit quoi écrire. Deux demandes de subventions avaient été approuvées par Service Canada. M. Koutou a confirmé à M. Dussault avoir séparé l’argent avec le fonctionnaire. M. Koutou a signé une déclaration à cet égard et l’a remise à M. Dussault. À chacune des rencontres, M. Dussault était accompagné de Mme Brisson. Mme Brisson prenait des notes. Avant de faire signer la déclaration par M. Koutou, M. Dussault lui a fait lire ce que Mme Brisson avait écrit.

[92] Le fonctionnaire s’est opposé au dépôt en preuve de la déclaration de M. Koutou. Le fonctionnaire voulait l’occasion de contre-interroger M. Koutou sur sa déclaration. J’ai accueilli l’objection du fonctionnaire et j’ai refusé l’admissibilité de la déclaration de M. Koutou. L’employeur a convoqué M. Koutou. M. Koutou se souvenait d’avoir rencontré deux enquêteurs, un homme et une femme. Il ne se souvenait pas de leurs noms. Il a reconnu sa signature sur la déclaration écrite. La déclaration avait été écrite par Mme Brisson.

[93] M. Koutou avait lui-même rempli deux demandes de subventions. C’est le fonctionnaire qui lui avait expliqué comment remplir les demandes de subventions afin de les remplir correctement. Il a reconnu sa signature sur les demandes de subventions. C’est le fonctionnaire qui lui avait présenté le programme pour les aînés et les subventions s’y rattachant. M. Koutou se souvenait d’avoir accompagné le fonctionnaire pour ouvrir un compte bancaire. Malheureusement, la banque n’a pas accepté d’ouvrir le compte. Il a reçu un chèque de 1 000 $ qu’il a encaissé. Les demandes de subventions remplies par M. Koutou avaient été acceptées, et lors de la réception des chèques, il les avait déposés dans le compte bancaire de l’Association culturelle d’entraide et d’épanouissement pour laquelle il était le seul autorisé à accéder au compte. M. Koutou a affirmé que le fonctionnaire avait révisé les demandes de subventions. C’était le fonctionnaire qui avait rempli les formulaires. Il y avait des interactions par courriel avec le fonctionnaire, mais la majorité des interactions était par téléphone. Il a remis la moitié des sommes reçues de Service Canada au fonctionnaire en argent comptant, soit la moitié de 21 600 $ et 20 500 $. Son association n’a accompli aucune activité concernant ces deux demandes de subventions. Les lettres d’appui pour les demandes de subventions pour le programme pour les aînés provenaient de connaissances du fonctionnaire, des personnes qu’il n’avait jamais rencontrées. Lorsqu’il recevait les chèques de Service Canada, M. Koutou posait des questions au fonctionnaire car il était préoccupé par le fait d’accepter ces sommes d’argent sans accomplir les activités. Le fonctionnaire le rassurait toujours en disant que c’était acceptable et qu’il n’y avait aucun danger, ou qu’il n’y aurait aucune conséquence. Les deux chèques que M. Koutou avaient reçus ont été encaissé et partagés avec le fonctionnaire. Il n’y a eu aucune autre transaction de cette nature. Ce sont les deux seules transactions. Les questions du fonctionnaire en contre‑interrogatoire ont confirmé ce que M. Koutou avait dit en interrogatoire et n’ont soulevé aucun point important qui viendrait affecter sa crédibilité.

[94] M. Dussault a aussi rencontré Pauline Combatté, qui était la dirigeante d’un des organismes pour lequel le fonctionnaire avait préapprouvé une des demandes de subventions. Elle a confirmé que l’organisme existait et qu’elle avait travaillé avec Joel Amovin. Le fonctionnaire n’était pas impliqué.

[95] M. Dussault a eu une seconde rencontre avec M. Zonnon et sa conjointe. Les deux ont admis à M. Dussault qu’ils avaient séparé l’argent des subventions avec le fonctionnaire et sa conjointe. M. Zonnon et sa conjointe ont permis à M. Dussault de vérifier leur ordinateur pour son enquête administrative. Avec une clé USB, M. Dussault a sauvegardé les informations qu’il recherchait. M. Dussault a repéré dans un courriel du fonctionnaire le livre de recettes préparé par ce dernier et les fausses lettres d’appui. Les propriétés du document confirment que le fonctionnaire est l’auteur. M. Zonnon et sa conjointe ont tous les deux signé une déclaration à M. Dussault.

[96] M. Dussault a ensuite rencontré M. Amovin, qui a confirmé les informations provenant de Mme Combatté. Il a confirmé que le fonctionnaire n’était pas impliqué dans leur organisme. Cependant, la conjointe du fonctionnaire était impliquée, de loin, et il y avait eu un retrait de 5 000 $.

[97] M. Dussault a rencontré le fonctionnaire pour avoir sa version. Il était accompagné de Mme Bisson. L’entrevue a été très longue. M. Dussault a fait des demandes d’extraction avec les numéros d’assurance sociale. Il a obtenu environ 1 100 courriels avec des notes envoyées chez lui et les programmes de subventions. M. Dussault avait des questions par rapport aux informations qu’il avait recueillies.

[98] En ce qui concerne l’assurance-emploi et les extractions des bases de données, M. Dussault se souvenait que le fonctionnaire était au courant du Code de valeurs et d’éthique. Toutefois, le fonctionnaire avait une mauvaise compréhension de l’utilisation de la base de données. Pour le programme de demandes de subventions, le fonctionnaire a nié être impliqué dans les dossiers de demandes de subventions, et il a nié les informations fournies par les différents témoins. Le fonctionnaire a nié avoir rédigé et signé des fausses lettres d’appui.

[99] M. Dussault a rédigé le rapport sur la base des informations recueillies. Il n’a pas été impliqué dans le processus décisionnel de la suspension administrative ni dans la décision d’imposer une mesure disciplinaire. Il a repéré les chèques pendant l’enquête. En fonction des informations de tous, certains ce sont auto-incriminés et ont dû rembourser l’argent. Le rapport d’enquête déposé en preuve a été rédigé par lui et sa collègue, Mme Brisson. Il contenait en annexe le courriel que Mme Tabiou avait envoyé à son attention et les lettres falsifiées.

[100] La première lettre falsifiée par le fonctionnaire était au nom de Sophie Desjardins, agente de programmes à Service Canada. Cette personne n’existe pas. La lettre contenait des erreurs et avait une apparence d’une lettre authentique de Service Canada. Elle indiquait le mot « Messieur » alors que la terminologie utilisée est « Monsieur ». La deuxième lettre falsifiée était adressée aux responsables de l’organisme alors qu’elle devrait être adressée au nom de l’organisme. La date est à la mauvaise place et le titre de la personne n’existe pas. Aussi, il doit y avoir le numéro de téléphone avec le poste de l’agent responsable.

[101] M. Dussault a confirmé dans son enquête le fait que le fonctionnaire avait approuvé, lors de la présélection, une demande de subvention d’un organisme pour lequel la conjointe du fonctionnaire était l’administratrice. Au point de vue éthique, ceci était problématique. Normalement, le fonctionnaire n’aurait jamais dû toucher à ce dossier, car il y avait apparence de conflit d’intérêts. Le lettre d’appui de la Communauté Togolaise était fausse. Il était le président de l’Association de la Communauté Togolaise, et il a fait la présélection de la demande de subvention. Le Registre des entreprises du Québec a confirmé que le fonctionnaire était le président de l’organisme de 2006 à 2008. La demande de subvention a été présentée en 2007. Dans le rapport d’enquête, on retrouve les conclusions. M. Dussault a expliqué qu’il y avait une coquille. On a fait référence à une date de 2009 alors que c’était une demande qui datait de 2007. Au niveau de l’éthique, encore, il y avait le fait que le fonctionnaire était le président de l’Association de la Communauté Togolaise au Canada, et il connaissait M. Gedu personnellement.

[102] M. Dussault a confirmé que les conclusions de son rapport d’enquête étaient exactes. Les demandes de subventions ont été trouvées à partir de l’ordinateur de M. Zonnon. M. Zonnon a permis la fouille de son ordinateur par Service Canada. Dans tous les cas, la preuve recueillie démontre que le fonctionnaire était impliqué.

[103] M. Dussault a déterminé dans son rapport d’enquête que le fonctionnaire avait fait du furetage dans les bases de données de Service Canada. Les informations recueillies par opposition à la version des faits rapportée par le fonctionnaire montrent, selon lui, qu’en fonction de la prépondérance des probabilités, le fonctionnaire a commis les actions reprochées. Les témoins qu’il a consultés se sont tous auto-incriminés.

[104] M. Dussault a pu obtenir la dénonciation publique au Palais de Justice, qui est un document public. Plusieurs informations provenaient des programmes et aussi de la GRC. Cependant, il y avait beaucoup de documentation et d’information que la GRC ne pouvait pas partager. Le rapport d’enquête a été finalisé en janvier 2013 et il a été remis à la directrice, Mme Addison-Roy. À partir de ce moment, il n’était plus impliqué. Sa seule responsabilité était de recueillir les faits, de rédiger un rapport et de le remettre à la gestion.

[105] En contre-interrogatoire M. Dussault n’était pas d’accord avec le fonctionnaire qu’il avait joué un rôle crucial. Il a mené l’enquête de façon impartiale. Son rapport était basé sur les informations recueillies de la Section des programmes et des informations divulguées par les personnes interrogées. Il était d’accord qu’il n’aurait pas dû donner son opinion à certains endroits dans le rapport. Selon lui, il ne croyait pas que ses commentaires dans le rapport d’enquête avaient fait pencher la balance d’un côté ou d’un autre. Il n’a pas enquêté sur les allégations de fraude. Cela relevait de la GRC. Il n’a pas vérifié les informations recueillies par M. Hobeila et M. Guillemette. Il les a analysées et retenues dans son rapport, mais il ne les a pas vérifiées.

[106] M. Dussault n’était pas d’accord avec le fonctionnaire qu’il avait mené une enquête biaisée. Selon lui, son enquête était impartiale, neutre, désintéressée sans parti pris quelconque. Il ne connaissait pas le fonctionnaire et il n’avait jamais travaillé avec lui. M. Dussault n’était pas d’accord avec le fonctionnaire que l’objectif de départ de l’enquête était de trouver des témoins qui pouvaient l’incriminer. Il ne connaissait pas de témoins qui pouvaient déculpabiliser le fonctionnaire. En tant qu’enquêteur, il avait recueilli l’information des personnes interrogées. S’il avait obtenu de l’information indiquant que le fonctionnaire n’était pas impliqué, cette information serait dans le rapport. En contre-interrogatoire, M. Dussault a confirmé que c’est Mme Kobana qui lui avait remis une copie des chèques. Il était tenu de partager toutes les informations qu’il avait recueillies à l’agent d’enquête de la GRC.

[107] En contre-interrogatoire, M. Dussault a reconnu le document de la pièce G-10, intitulé « Dossier Roger Klouvi 2011-26V Feuille de route ». Le but de ce document était de regrouper toutes les informations pertinentes. Les informations et les accusations étaient graves. Au moment de ce document, il n’avait pas encore rencontré le fonctionnaire. Il cherchait à tenir la gestion au courant. Il a rencontré environ une dizaine de témoins. Toutes les déclarations, même si celles-ci n’incriminaient pas le fonctionnaire directement, étaient importantes. M. Dussault a confirmé que Mme Addison-Roy n’avait aucun pouvoir sur lui et aucune influence au niveau de l’enquête. Elle n’était pas impliquée dans la rédaction du rapport. Le but de son enquête était de recueillir les faits seulement. Il était d’accord qu’il n’aurait pas dû donner son opinion personnelle à certains endroits dans le rapport. Si cela était à refaire, il enlèverait ses opinions. Il n’a pas obtenu des déclarations écrites de tous les témoins rencontrés. Il ne pouvait pas en expliquer la raison. C’est vers la fin de l’enquête qu’il a décidé de faire signer les témoins. Il a reconnu que, dans certaines circonstances, l’échange d’argent des montants de subventions avait eu lieu entre les conjoints, et non directement avec le fonctionnaire. Il y avait eu échange d’argent avec la conjointe du fonctionnaire dans certains cas, mais pas avec le fonctionnaire directement. Les chèques pour certaines subventions avaient été signés et encaissés par la conjointe du fonctionnaire. M. Koutou était réticent de lui parler, mais il lui avait communiqué des informations pertinentes. Il avait signé la déclaration volontairement, et il avait admis avoir partagé l’argent en deux avec le fonctionnaire.

[108] En ré-interrogatoire, M. Dussault a confirmé que, pour les notes manuscrites prises lors de l’enquête, certaines avaient été prises par lui et d’autres par Mme Brisson. Le rapport final regroupe les notes des deux. Il s’agissait de la seule enquête de cette envergure qu’il avait menée. Il n’avait aucun pouvoir de vérifier les transactions liées à l’argent, seulement les déclarations des personnes interrogées. La lettre falsifiée se trouvant dans la pièce E-61 provenait de l’ordinateur de M. Zonnon.

G. Processus disciplinaire

[109] Le 5 avril 2012, le fonctionnaire a été suspendu sans solde en attendant l’issue d’une enquête. M. Boulianne avait signé la lettre de suspension dans laquelle il informait le fonctionnaire qu’il avait été informé d’une enquête de la GRC qui l’impliquait et que, par conséquent, il avait demandé à la Division de la sécurité, enquêtes et mesures d’urgence des Services d’intégrité de Service Canada, région du Québec, de mener une enquête administrative en vue de faire la lumière sur les motifs suivants : abus de confiance et fraude. Compte tenu de ces allégations, la direction avait déterminé que sa présence dans le milieu de travail présentait un risque suffisamment grave et immédiat pour les préoccupations légitimes du ministère et, en ce sens, il était suspendu indéfiniment sans solde en attendant le résultat de l’enquête à compter du mardi 10 avril 2012. M. Boulianne a informé le fonctionnaire qu’il ne pouvait pas accéder les bureaux de Service Canada, son lieu de travail et sa messagerie vocale, et que son accès au système informatique avait été révoqué. Il a demandé que le fonctionnaire ne communique pas avec les employés de Service Canada pendant la durée de l’enquête. Une fois l’enquête terminée, le fonctionnaire aurait l’occasion de présenter toute clarification ou circonstance atténuante. Si les résultats de l’enquête démontraient que les allégations étaient fondées, des mesures disciplinaires pouvaient être prises à son égard.

[110] M. Bédard a accompagné M. Lefort à l’audience pré-disciplinaire. Son rôle était de prendre des notes. L’audience pré-disciplinaire a eu lieu le 21 mars 2013 avec M. Lefort, M. Bédard, le fonctionnaire et son représentant syndical, Stephen Soucy. M. Bédard a déposé en preuve les notes manuscrites prises durant la rencontre. Le fonctionnaire pouvait fournir son point de vue par rapport au rapport d’enquête. Le rapport confirmait la culpabilité du fonctionnaire. Le fonctionnaire était déçu de la façon dont le rapport avait été rédigé et il était frustré par le fait qu’il n’avait pas accès au rapport de la GRC. Il a demandé une semaine de plus pour pouvoir présenter des nouveaux éléments qui ne figuraient pas dans le rapport de l’enquête administrative. Par rapport aux allégations de furetage, le fonctionnaire a indiqué avoir une mauvaise compréhension du Code de valeurs et d’éthique. Selon le fonctionnaire, ce n’était pas par malveillance. M. Bédard a confirmé que le fonctionnaire lui avait dit qu’il ne savait pas qu’il était interdit de traiter des dossiers impliquant des personnes avec qui il avait des liens. Cela n’était pas clair pour lui. M. Bédard n’avait pas été impliqué dans la mesure disciplinaire prise contre le fonctionnaire. Il a simplement pris des notes, et il les a remises à M. Lefort lorsqu’il a quitté la rencontre.

[111] M. Bédard a confirmé qu’il n’avait aucun rôle dans l’enquête de la Section de la sécurité et de l’intégrité. Mme Addison-Roy et M. Dussault étaient responsables de l’enquête administrative. Mme Addison-Roy décidait à qui confier le travail d’enquêter. Son rôle était de déterminer le déroulement de l’enquête et de faire un rapport à M. Boulianne. M. Dussault était l’enquêteur. M. Bédard ne savait pas quelles étaient ses responsabilités ni ses activités.

[112] M. Lefort a témoigné au sujet de son rôle dans le processus disciplinaire. Sa version des faits concorde avec celle de M. Bédard. C’est en mars 2011 qu’il a été approché par M. Bédard au sujet de certaines demandes de subventions douteuses dans le cadre du programme pour les aînés. M. Bédard l’a informé que certains organismes avaient des adresses domiciliaires de stationnement et de commerces de tout genre. M. Bédard lui a fait part des irrégularités que M. Hobeila et M. Guillemette avaient identifiées. Il a continué son enquête pour déterminer l’ampleur des irrégularités et leur portée. Il a fallu quelques semaines pour mener l’enquête préliminaire. Cette enquête a établi des liens avec différents groupes. Les données factuelles provenaient des bases de données de Service Canada. Après une étude approfondie, les experts en demandes de subventions ont découvert que le fonctionnaire était le dénominateur commun à toutes les demandes.

[113] En juin 2011, M. Bédard a identifié quatre projets de demandes de subventions avec des lettres d’appui frauduleuses. Plus l’enquête préliminaire avançait, plus d’irrégularités étaient identifiées. Ces irrégularités avaient des portées au niveau régional, et possiblement au niveau national. Le sous-ministre a été informé ainsi que la directrice régionale à Ottawa. Une enquête formelle a été déclenchée avec l’équipe de sécurité. M. Lefort n’a eu aucune implication dans l’enquête menée par l’équipe de Mme Addison-Roy, M. Dussault et Mme Brisson. Il a eu plusieurs discussions avec M. Bédard étant donné la portée des informations qu’il avait recueillies. Il a apporté le dossier à l’attention de la GRC. En tant que directeur général, M. Lefort a une obligation de rendre compte au niveau de l’utilisation des fonds publics. M. Lefort se souvenait qu’il y avait environ une quinzaine de demandes de subventions dont le dénominateur commun était le fonctionnaire.

[114] En juillet 2011, M. Bédard a envoyé un courriel à M. Lefort pour lui dire qu’une collègue de bureau l’avait rencontré pour lui dire que le fonctionnaire lui avait posé des questions par rapport aux organismes togolais et leurs dossiers aux programmes pour les aînés. Selon M. Bédard, il a considéré cette information comme une indication que le fonctionnaire était impliqué dans les demandes de subventions formulées. M. Bédard a recommandé à la Section de la sécurité de vérifier si le fonctionnaire avait déclaré des activités extérieures à Service Canada. Le rapport d’enquête qui lui avait été remis faisait état du fait qu’il y avait plusieurs personnes de la Communauté Togolaise qui étaient impliquées. De plus, il y avait des informations pertinentes qui semblaient démontrer que le fonctionnaire avait fait du furetage dans les bases de données de Service Canada. Le furetage impliquait des proches, parents et amis du fonctionnaire pendant son emploi à l’assurance-emploi. Devant l’ampleur des irrégularités et des faits impliquant le fonctionnaire selon le rapport d’enquête de M. Dussault, M. Lefort devait procéder à un processus disciplinaire. M. Lefort voulait s’assurer que le processus disciplinaire permette au fonctionnaire de présenter sa version des faits et d’avoir l’occasion de répondre aux allégations présentées contre lui. Il y avait des indications de fraudes et de malversation. À l’audience pré-disciplinaire, le fonctionnaire pouvait être accompagné d’un représentant de son choix. M. Lefort était accompagné d’un représentant des Ressources humaines.

[115] M. Lefort a partagé le rapport d’enquête de M. Dussault avec le fonctionnaire pour obtenir sa version des faits. À l’audience pré-disciplinaire, le 21 mars 2013, le fonctionnaire était accompagné d’un représentant de son choix et M. Lefort était accompagné d’un représentant des Ressources humaines. M. Lefort a présenté un résumé des allégations de bris de confiance et d’inconduite, de violation au Code de valeurs et d’éthique, de fraude potentielle et de malversation au programme de subventions pour les aînés. M. Lefort a écouté et noté les réponses du fonctionnaire aux allégations présentées.

[116] M. Lefort s’est rappelé que le fonctionnaire avait des préoccupations quant à la forme et au fond du rapport d’enquête. Le fonctionnaire voulait des clarifications pour des dates, des témoins et des événements. Le fonctionnaire voulait que la version de ses témoins soit représentée dans le rapport. Le fonctionnaire avait mentionné avoir indirectement supervisé l’évaluation des demandes de subventions. Les réponses du fonctionnaire étaient très générales. M. Lefort se souvenait que le fonctionnaire avait admis indirectement qu’il n’aurait pas dû procéder à la vérification des informations d’amis et de proches parents dans les bases de données de Service Canada. Le fonctionnaire ne savait pas qu’il était interdit de faire la vérification des informations d’amis et de proches parents dans les bases de données de Service Canada.

[117] Toutefois, il n’y avait aucune admission quant aux irrégularités ou à la malversation des demandes de subventions énumérées dans le rapport d’enquête. Le fonctionnaire a indiqué qu’il ne connaissait pas la majorité des personnes. Il a demandé du temps supplémentaire pour revoir son dossier et il a demandé une copie des courriels auxquels on faisait référence dans le rapport d’enquête.

[118] Après l’audience pré-disciplinaire, M. Lefort a analysé les réponses du fonctionnaire. Il a évalué les réponses en fonction des allégations, et il les a évaluées selon la prépondérance des probabilités. Il a considéré les facteurs aggravants et les facteurs atténuants. Il a consulté la Section des relations de travail pour voir s’il y avait eu par le passé des cas similaires à Service Canada. Il voulait le portrait complet de la situation. Étant donné l’ampleur du rapport d’enquête, les témoignages des personnes rencontrées, les irrégularités et les malversations identifiées et le fait que le dénominateur commun qui revenait toujours était le nom du fonctionnaire dans les 15 demandes de subventions en plus de ce qu’il avait entendu du fonctionnaire à l’audience disciplinaire, le système organisé, les sommes impliquées au-delà de 200 000 $ de fonds publics, le furetage des bases de données et la contravention au Code de valeurs et d’éthique, selon lui, il était clair que le lien de confiance avec le fonctionnaire avait été rompu. De plus, il avait consulté les Ressources humaines au sujet de la jurisprudence applicable. En fonction de l’ampleur des allégations, des informations recueillies et de la version du fonctionnaire, il a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que les allégations étaient fondées. Il ne pouvait pas recommander que le fonctionnaire assume un autre poste. Pour toutes ces raisons, il a recommandé le licenciement du fonctionnaire à la sous-ministre Johanne Bélisle.

[119] Selon M. Lefort, le rapport d’enquête de M. Dussault était bien pondéré. Le dossier était complet et l’enquête était aussi complète. Il n’était pas au courant de rencontres entre M. Dussault et des enquêteurs de la GRC. Il ne voulait pas s’immiscer dans l’enquête de Mme Addison-Roy. Selon lui, la preuve avait démontré selon la prépondérance des probabilités que le fonctionnaire était impliqué de près ou de loin dans le programme pour les aînés. Le fonctionnaire n’avait pas nié les allégations de malversation dans les demandes de subventions. Il n’avait pas fait d’aveu en ce qui concerne les allégations de fraude, mais il ne les avait pas niées non plus. Le fonctionnaire avait admis avoir fait du furetage dans les bases de données d’assurance-emploi. Selon M. Lefort, les accusations criminelles étaient un facteur aggravant dans sa recommandation du licenciement.

[120] Dans les pièces E-49 et E-63, on trouve les notes au dossier des conversations téléphoniques entre Mme Tabiou et Frédérique Naud, Service Canada. Les courriels et les notes confirment le témoignage de Mme Tabiou et de ses efforts de remettre le chèque. Mme Tabiou en a informé Mme Naud les 20 et 22 juillet 2010. Dans les notes, Mme Naud a demandé que M. Zonnon signe une lettre attestant que Mme Tabiou était autorisée à gérer les documents du programme pour les aînés et la demande de subvention pour l’Association. Mme Tabiou tentait absolument de remettre le chèque de 24 000 $.

[121] Malgré les efforts de Mme Tabiou de remettre le chèque et sa démission subséquente de l’Association, M. Zonnon a envoyé un courriel à Mme Naud pour confirmer qu’il procéderait avec les activités identifiées dans la demande de subvention. M. Zonnon a indiqué qu’il avait trouvé de nouveaux associés et qu’ils pouvaient procéder aux activités comme décrites dans la demande de subvention. Le 9 août 2010, Mme Naud a envoyé un courriel à Mme Tabiou lui indiquant qu’elle notait sa démission de l’Association et qu’elle ferait des suivis serrés auprès de M. Zonnon. La chaîne de courriels a été acheminée par Mme Tabiou à M. Dussault.

[122] M. Lefort a confirmé que les accusations criminelles étaient un facteur aggravant mais non déterminant dans la recommandation du licenciement. L’enquête criminelle se poursuivait. La rencontre disciplinaire a eu lieu le 8 août 2012, et à ce moment, il y avait des allégations de fraude potentielle. M. Lefort se souvenait que le fonctionnaire, à l’audience pré-disciplinaire, avait soutenu que les faits n’avaient pas été analysés par les enquêteurs dans le rapport d’enquête.

[123] Dans la pièce G-17, à ce stade selon M. Lefort, il s’agissait seulement d’allégations criminelles. Le 8 août 2012, l’enquête criminelle n’était pas encore terminée. Il s’agissait de facteurs aggravants pour maintenir la suspension sans solde. M. Lefort a répondu que, selon le document G-16, il ne pouvait pas avoir accès aux informations obtenues de la GRC. À cette date, M. Lefort savait que la GRC allait déposer les chefs d’accusations contre le fonctionnaire. Il a pris connaissance des informations de M. Bédard. M. Lefort ne se rappelait pas si le fonctionnaire avait présenté, à l’audience pré-disciplinaire, son échange avec le Bureau des valeurs et éthique de Service Canada qui indiquait qu’il n’avait pas enfreint le Code de valeurs et d’éthique de Service Canada. Le Bureau des valeurs et de l’éthique avait déterminé que le fonctionnaire n’était pas en conflit d’intérêts par le fait que sa conjointe était impliquée dans un organisme qui avait fait une demande de subvention. Selon M. Lefort, ceci n’était pas un ajout important. Cette conclusion du Bureau des valeurs et de l’éthique ne changeait pas le fait que le fonctionnaire avait été impliqué de près et de loin dans plus d’une quinzaine d’organismes qui avaient fait des demandes de subventions aux programmes pour les aînés et pour lesquelles il y avait des irrégularités et une douzaine de témoins qui étaient venus témoigner contre lui. La majorité des cas pointaient vers le fonctionnaire.

[124] Le fonctionnaire a soumis un document, déposé en preuve dans la pièce G-16, dans lequel il a identifié des contradictions dans le rapport d’enquête de M. Dussault. Le fonctionnaire avait demandé plusieurs documents, incluant des courriels qui lui avaient été remis pour lui permettre de répondre au rapport d’enquête. M. Lefort a revu tout ce que le fonctionnaire lui avait soumis. Toute la documentation que le fonctionnaire avait demandée lui avait été remise pour la préparation de sa réponse au rapport d’enquête. M. Lefort n’était pas d’accord avec le fonctionnaire qu’il y avait absence de justice naturelle à l’audience pré-disciplinaire. Le fonctionnaire souhaitait une meilleure représentation de sa version des faits dans le rapport d’enquête. Il avançait qu’il n’y avait aucune référence à sa version des faits dans le rapport, ni dans le résumé des résultats, ni dans les conclusions du rapport. Le fonctionnaire soutenait que son témoignage avait complètement été ignoré.

[125] À la fin du contre-interrogatoire de M. Lefort, le lendemain de l’audience, le fonctionnaire a demandé de faire revenir M. Bédard et M. Lefort pour les contre-interroger davantage sur le déroulement du processus d’enquête et le mandat donné aux enquêteurs. Le fonctionnaire soutenait qu’il y avait des irrégularités dans l’enquête, que celle-ci était biaisée, et qu’il n’avait pas eu l’occasion de questionner adéquatement ces témoins. L’employeur a répondu que les témoins devraient être ramenés seulement dans les circonstances où il y avait des nouveaux éléments qui n’avaient pas pu être découverts plus tôt. Le fonctionnaire avait soutenu depuis le début que l’enquête était biaisée, qu’il y avait des irrégularités et qu’il désirait une seconde occasion pour le démontrer. L’employeur a soutenu que le fonctionnaire pouvait convoquer Mme Addison-Roy, la personne qui avait donné le mandat aux enquêteurs et la responsable de la gestion du processus de l’enquête. J’ai refusé au fonctionnaire de rappeler MM. Bédard et Dussault. Le fonctionnaire n’a pas démontré qu’il y avait de nouveaux éléments de preuve auxquels il n’avait pas eu accès auparavant ou des éléments de preuve qui ne pouvaient pas être anticipés. J’ai expliqué encore une fois que les audiences devant la Commission sont des audiences de novo. J’ai invité le fonctionnaire, pour une seconde fois, à lire la décision Tipple. J’ai expliqué que l’employeur avait le fardeau de démontrer qu’il y avait inconduite et que la mesure disciplinaire était proportionnelle à cette inconduite prenant en considération les faits atténuants et aggravants. Si je détermine que la mesure disciplinaire n’est pas raisonnable dans les circonstances, je dois me prononcer sur la mesure qui est appropriée, mais seulement si je détermine que celle-ci est déraisonnable. J’ai indiqué au fonctionnaire qu’il pourra présenter tout argument qu’il considère important quant à la portée de la preuve présentée par l’employeur, et que je signerai une assignation pour la comparution de Mme Addison-Roy.

[126] Le dernier témoin de l’employeur était Mme Bélisle. Mme Bélisle était la cadre dirigeante de la gestion des services pour la région du Québec au moment où le fonctionnaire a été licencié. C’est elle qui a signé la lettre de licenciement. Elle a lu le rapport d’enquête préparé par l’équipe de Mme Addison-Roy, elle a été breffée verbalement, et on lui a expliqué les allégations au dossier. Elle a constaté les détails et les faits liés aux allégations concernant le programme pour les aînés. Elle se souvenait que l’employeur reprochait au fonctionnaire d’avoir participé à la rédaction des demandes de subventions de 12 à 15 fois. Le fonctionnaire était accusé de furetage et de consultation des dossiers d’assurance-emploi de personnes qui étaient des amis et des proches. Mme Bélisle était d’accord avec l’ébauche de la lettre de licenciement. Les agents de programmes doivent faire l’évaluation de demandes de subventions de contribuables sans donner des faveurs ou des perceptions de faveur. Le fonctionnaire connaissait les personnes impliquées. La preuve recueillie démontre que le fonctionnaire les avait conseillées. Les subventions accordées devaient être accordées en fonction des critères sans conflit d’intérêts. Les agents de programmes doivent tenir en considération l’intérêt public. Les agissements du fonctionnaire étaient en contravention de ces valeurs. Le fonctionnaire avait évalué et approuvé une demande de subvention de sa conjointe, qui était la présidente d’un organisme. Il a reçu de l’argent provenant des demandes de subventions qui avaient été approuvées. Il a aidé à la rédaction de fausses lettres d’appui et des demandes de subventions. Le fonctionnaire a reçu des fonds en échange pour de l’aide avec les demandes de subventions. L’inconduite a été démontrée dans le rapport. Les agissements étaient graves; les actions du fonctionnaire se sont déroulées sur une longue période, et à plusieurs reprises. Cette conduite était complétement inacceptable de la part d’un agent de programmes. Les fautes reprochées sont tellement graves, allant de jusqu’à présumée fraude. Il n’y avait pas d’autre option possible, le licenciement était approprié dans les circonstances. Surtout en raison de la confiance du public dans la gestion des programmes de subventions. Les lignes directrices de conduite de Service Canada prévoient les obligations des employés de Service Canada. Le fonctionnaire a évalué la demande de subvention d’un organisme pour lequel sa conjointe était la dirigeante. Selon le Code de valeurs et d’éthique, il avait l’obligation de divulguer cette information à son cadre dirigeant. Le fonctionnaire avait l’obligation de faire en sorte que les fonds publics, dans ce cas, le programme pour les aînés, soient utilisés en conformité avec les lois, les politiques et les règlements qui en régissent l’usage. Les faits rapportés dans le rapport d’enquête démontrent que le fonctionnaire a posé des gestes incompatibles avec ses obligations en vertu du Code de conduite. Par sa conduite, le fonctionnaire a permis à des personnes et à des tiers d’utiliser les fonds publics de façon inappropriée. Il a falsifié des lettres d’appui visant à camoufler l’utilisation inappropriée des fonds publics. De plus, le fonctionnaire avait enfreint la Politique sur l’utilisation du réseau électronique et les Lignes directrices d’utilisation du réseau électronique.

[127] Mme Bélisle a reconnu qu’elle venait tout juste d’arriver à Service Canada lorsqu’elle a pris la décision de licencier le fonctionnaire. Les personnes responsables aux Ressources humaines, le directeur des programmes et la personne qui avait pris la relève du poste de Mme Addison-Roy l’avaient breffée. Elle savait que le fonctionnaire avait été suspendu pendant un peu plus d’un an pour des raisons d’irrégularités dans les programmes de subventions. Les personnes responsables de l’enquête lui avaient expliqué le déroulement de l’enquête, l’implication de la GRC, le fait que le fonctionnaire avait été rencontré pour obtenir sa version des faits et que, pour donner suite à une évaluation du dossier, la recommandation était le licenciement. Mme Bélisle a confirmé qu’elle était d’accord avec la recommandation après avoir fait sa propre opinion du dossier. Elle était au courant que le fonctionnaire avait admis le furetage. Il n’était pas au courant aussi de toute la politique et du Code de conduite en lien avec le furetage. En résumé, elle se souvenait que le fonctionnaire avait nié les allégations. Elle était consciente que les conclusions du rapport d’enquête ne reflétaient pas la position du fonctionnaire.

[128] Le fonctionnaire a convoqué Claude Jacques, gestionnaire à la Sécurité pour le personnel à Service Canada. Il était responsable du groupe de travail responsable de l’unité de cote de fiabilité, communication sécurité à l’Internet et des informations protégées pendant environ cinq ans. Il a reconnu le document et les personnes énumérées dans la pièce G-22. Mme Addison-Roy avait communiqué avec M. Jacques pour voir s’il était possible de révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire. À l’époque, le Conseil du Trésor communiquait souvent avec M. Jacques concernant la Politique sur les cotes de fiabilité, à savoir si c’était possible de procéder de cette façon. La cote de fiabilité est une condition d’emploi. S’il n’y a pas de motif pour révoquer la cote, cela pourrait être perçu comme étant une mesure disciplinaire. Habituellement, il y a une enquête administrative et, en parallèle, une enquête de sécurité, qui peut avoir un impact sur la cote de sécurité. M. Jacques devait s’assurer que tous les agents de sécurité effectuaient leur travail de la même façon dans toutes les régions, et selon la politique du Conseil du Trésor en vigueur. Mme Addison-Roy a communiqué avec M. Jacques environ deux fois pour savoir s’il y avait matière à révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire. Dès le 20 novembre 2012, Mme Addison-Roy indiquait dans son courriel à M. Jacques que le fonctionnaire serait « très certainement » congédié pour différents cas de manquement reliés au Code de conduite et au Code de valeurs et d’éthique, en plus d’être accusé au criminel dans le cadre d’une enquête conduite par la GRC. Mme Addison-Roy tentait de convaincre M. Jacques de commencer une enquête de sécurité dans le but de révoquer la cote de sécurité du fonctionnaire.

[129] Le fonctionnaire a convoqué Daniel Comeau. Au moment de l’enquête administrative, M. Comeau était le directeur général, Intégrité interne et Sécurité et agent de sécurité ministérielle. Dans le cas du fonctionnaire, il a signé le rapport d’enquête pour la région du Québec. Le fonctionnaire n’était pas lié à lui hiérarchiquement. Il occupait un rôle exécutif. Il était responsable de tout ce qui touchait les aspects de la sécurité physique des personnes, des biens et la gestion des urgences dans un rôle exécutif. Il avait l’obligation de s’assurer que, lors des enquêtes, il ne dépassait pas son mandat. Dans son courriel à Mme Addison-Roy, il s’opposait au partage du rapport d’enquête aux divers intervenants avant qu’il le signe pour ne pas influencer les conclusions. La pièce G-23 contient un échange entre M. Comeau et Mme Addison-Roy indiquant que le directeur des programmes, l’agent de relations de travail, les enquêteurs et elle-même allaient se rencontrer pour discuter de leurs commentaires sur le rapport et déterminer s’il y avait lieu de peaufiner le rapport. M. Comeau a dit que le rapport d’enquête administrative ne devait pas être révisé par quiconque qui n’était pas dans le domaine de la sécurité et impliqué dans l’enquête afin de maintenir l’intégrité et l’objectivité. Son impression était que le rapport circulait avant qu’il le signe. Il ne voulait pas que le rapport soit envoyé à quiconque avant qu’il le signe.

[130] M. Comeau ne se souvenait pas exactement du courriel de la pièce G-22, mais il en avait pris connaissance de façon générale. La pièce G-22 est une série de courriels entre M. Comeau et Mme Addison-Roy, dans lesquels elle soulève encore la question de la révocation de la cote de fiabilité du fonctionnaire. Cette fois-ci, elle fait référence au fait que le fonctionnaire sera sûrement licencié. Le 21 novembre 2012, il a répondu qu’il avait besoin d’un rapport pour pouvoir procéder à la révocation de la cote de fiabilité. Mme Addison-Roy lui a répondu que le fonctionnaire sera accusé au criminel. Par la suite, Mme Addison-Roy a fait suivre leur échange à M. Dussault.

[131] Il a confirmé qu’il était inapproprié d’utiliser le processus d’enquête de sécurité pour des fins disciplinaires. Il était d’accord avec le déroulement de l’enquête administrative à l’époque. Il était dans la norme de copier les personnes indiquées dans la pièce G-24. Les enquêteurs ont fait un excellent travail. Le travail était professionnel. Quiconque lit le rapport peut voir qu’il est un bon rapport d’enquête. Selon lui, il est dans les normes. Le fond et la forme du rapport sont conformes et reflètent un bon travail. La table des matières, la structure, les raisons et les objectifs et l’entrevue des témoins lui permettent de conclure que c’est un bon rapport. M. Comeau n’était pas d’accord qu’il y avait eu manquement de justice naturelle dans le déroulement de l’enquête.

[132] Le fonctionnaire a convoqué Mme Addison-Roy. Au moment de l’enquête administrative, Mme Addison-Roy était la directrice régionale, Sécurité enquêtes et mesures d’urgences pour Service Canada. Les enquêtes sur les mesures d’urgences sont semblables aux enquêtes sur la sécurité. Le fonctionnaire a posé plusieurs questions par rapport aux enquêtes administratives en général et le bon déroulement d’une telle enquête. Mme Addison-Roy a expliqué qu’avant de procéder à une enquête administrative, il faut vérifier les allégations du gestionnaire. Si les allégations sont fondées, après vérification, la gestion décide s’il devrait y avoir un mandat pour mener une enquête administrative. Par exemple, pour les allégations de furetage et de fausses signatures du fonctionnaire, il devait y avoir une extraction administrative centrale pour vérifier la boîte courriel du fonctionnaire, les accès à l’Internet, les recherches dans la base de données d’assurance-emploi et le système commun des programmes. Cette vérification permettait de déterminer s’il y avait eu furetage. Une fois l’extraction complétée, il y avait analyse de l’information recueillie. De cette façon, il est possible de déterminer s’il y a eu utilisation personnelle du système, s’il y a eu abus. Cette information est ensuite envoyée au gestionnaire. Il ne peut pas y avoir d’enquête administrative avant le mandat. À partir du moment où les allégations sont confirmées par les faits, une fois le mandat accordé, il y a une plus grande vérification approfondie des allégations et des faits. Dans le cas du fonctionnaire, il y a eu des vérifications du courrier électronique, des adresses des personnes avec qui il avait communiqué, des adresses civiques, de la véracité des lettres et de la production de faux documents.

[133] C’est Mme Addison-Roy qui a assigné le mandat d’enquête à M. Dussault. Ils discutaient chaque fois qu’il découvrait de nouvelles informations. Elle devait rendre compte au sous-ministre adjoint. Il y a des règles à suivre; la GRC ne peut pas partager de renseignements ses les résultats d’enquête et sur l’avancement de son enquête. Les enquêteurs de la GRC ne peuvent pas prêter main forte dans l’enquête administrative de l’employeur. Mme Addison-Roy était catégorique sur le fait que M. Dussault et Mme Brisson n’avaient jamais interféré dans l’enquête de la GRC. La GRC les informaient du développement de l’enquête. Il y avait un échange d’information, mais seulement quant aux prochaines étapes de l’enquête.

[134] Le fonctionnaire a déposé en preuve un courriel de Mme Addison-Roy en date du 17 juillet 2012, dans lequel elle informait Mme Brisson et M. Dussault qu’ils avaient une très bonne collaboration avec la GRC et que les enquêteurs l’appréciaient grandement. Elle a noté qu’ils avaient une très bonne collaboration de leur part compte tenu des informations privilégiées. Mme Addison‑Roy a expliqué qu’elle faisait référence aux informations privilégiées, dans le sens qu’ils étaient privilégiés d’avoir ces informations. Par très bonne collaboration, elle faisait référence au fait que M. Dussault avait eu des conversations avec eux au sujet des prochaines étapes. Elle savait où ils s’en allaient dans l’enquête, par exemple on s’en va vers telle chose, une telle semaine il y aura la perquisition et la demande de deux employés de Service Canada de participer à la perquisition. Lorsque la GRC avait besoin d’information, Service Canada la fournissait. L’information fournie était, par exemple, les dates de nominations de certaines personnes travaillant pour l’employeur, des demandes de vérifications et des informations dans le cadre de son emploi. Toutefois, M. Dussault et Mme Brisson ne pouvaient pas obtenir d’information recueillie par la GRC dans le cadre de leur enquête criminelle.

[135] Mme Addison-Roy a expliqué que le fonctionnaire avait enfreint le Code de valeurs et d’éthique. Les faits ont établi que le fonctionnaire avait fabriqué de fausses lettres d’appui. Il y avait des calques sur d’autres lettres d’appui d’autres organismes. Dans une demande de subvention, il y avait l’adresse civique du fonctionnaire. Le fonctionnaire a fait la présélection du projet de demande de subvention pour un organisme pour lequel sa conjointe était l’administratrice. Le fonctionnaire a fait du furetage dans les bases de données de Service Canada, et il a aidé plusieurs personnes à remplir des demandes de subventions. Toutes ces actions vont à l’encontre du Code de valeurs et d’éthique.

[136] Le fonctionnaire a demandé à Mme Addison-Roy si elle se souvenait d’avoir écrit à MM. Comeau et Dussault au sujet de la révocation de la cote de fiabilité du fonctionnaire en novembre 2012. Mme Addison-Roy a affirmé que l’enquête administrative avait commencé en avril 2012. La perquisition avait eu lieu en avril 2011. Elle ne se souvenait pas de la date que le fonctionnaire avait été rencontré par M. Dussault pour donner sa version des faits. Le fonctionnaire était le dernier à être rencontré. En novembre 2012, lorsqu’elle a écrit ce courriel, le fonctionnaire avait été rencontré. Elle a communiqué avec M. Jacques au sujet de la cote de fiabilité, car l’enquête administrative était presque terminée. Il y avait suffisamment d’informations pour savoir où ils s’en allaient avec leurs recommandations. Ce n’était pas sa première demande de révocation d’une cote pour donner suite à une enquête administrative. Mme Addison-Roy envisageait toujours la révocation de la cote de fiabilité lorsqu’il y avait possibilité de licenciement. C’était toujours dans la discussion. Mme Addison-Roy avait eu des discussions quelques mois auparavant. Elle a reconnu avoir indiqué par écrit que le fonctionnaire serait très probablement congédié étant donné toute l’information recueillie. Elle voulait être certaine d’être prête à procéder à la révocation si le fonctionnaire était licencié.

[137] Les échanges de courriels entre Mme Addison-Roy en date du 30 janvier 2013 (pièce G-27) avec Line Pineault, M. Boulianne et M. Dussault étaient des échanges qu’elle devait avoir pour garder les personnes au courant du développement de l’enquête. La décision de licencier le fonctionnaire revenait à M. Lefort, en tant que directeur exécutif. Elle voulait que Mme Pineault supporte la révocation de la cote de fiabilité si le fonctionnaire était licencié. L’enquête administrative n’était pas encore complète, mais l’équipe d’enquête administrative savait dans quelle direction aller. Les faits et les témoins établissaient un manquement à l’éthique, et la violation du Code de valeurs et d’éthique. Son seul pouvoir était de recommander. Elle n’avait aucun pouvoir décisionnel final. Si le fonctionnaire n’était pas licencié, l’employeur ne pouvait pas révoquer la cote de fiabilité. Mme Pineault a répondu « ok », donc elle a présumé qu’elle comprenait ce que Mme Addison-Roy anticipait. Pour ce qui est de son courriel concernant sa demande à M. Jacques d’accéder au dossier de crédit du fonctionnaire, elle cherchait à valider les propos du fonctionnaire pour lesquels elle avait de gros doutes. Selon le témoignage, des sommes de 50 % des montants remis en mains propres au fonctionnaire avaient été encaissées. Mme Addison-Roy voulait vérifier cette information. Elle demandait s’il y avait possibilité de déroger à l’obligation d’obtenir le consentement du fonctionnaire étant donné les allégations de fraude.

[138] Mme Addison-Roy a expliqué que la raison pour laquelle elle recommandait que la cote de fiabilité du fonctionnaire soit révoquée était parce qu’il était accusé de fraude et d’abus de confiance, selon les témoignages des différentes personnes impliquées. Il était risqué de laisser travailler le fonctionnaire chez Service Canada ou même ailleurs dans la fonction publique. Le fonctionnaire était accusé de fraude criminelle. Pendant l’enquête administrative, il y a eu des témoignages de personnes qui disaient que le fonctionnaire avait empoché de l’argent de subventions des programmes.

[139] Pour ce qui est de ses échanges de courriels avec M. Dussault et M. Legris en date du 17 juillet 2012, Mme Addison-Roy a vu sa demande refusée d’embaucher une firme pour comparer la signature du fonctionnaire avec la signature prévue sur les fausses lettres par M. Jacques puisqu’il y avait suffisamment de preuve à ce moment pour recommander le licenciement du fonctionnaire. Il n’était pas nécessaire de procéder à la comparaison des signatures.

[140] Pour ce qui est de ses échanges de courriels entre elle, Mme Brisson et M. Dussault, Mme Addison-Roy voulait savoir s’ils pouvaient obtenir la copie des chèques. Mme Addison-Roy avait vérifié auprès de M. Comeau si on pouvait les obtenir. Mme Addison-Roy a expliqué que l’expression qu’elle avait utilisée dans son courriel de s’assurer d’être blindés et d’être supportés par M. Comeau voulait dire de s’assurer que l’enquête respecte les règles de l’art dans la légalité, sans passer par des pouvoirs qui ne leur sont pas conférés.

[141] Mme Addison-Roy a expliqué que l’enquête avait révélé que le fonctionnaire avait utilisé la base de données d’assurance-emploi de Service Canada pour consulter les dossiers de collègues de travail, d’amis, de membres de la communauté togolaise et de personnes impliquées de près ou de loin dans la fraude aux programmes pour les aînés. Selon le rapport d’enquête, le fonctionnaire avait eu l’occasion d’expliquer sa version des faits. Le fonctionnaire a eu la possibilité d’expliquer les multiples courriels qu’il avait envoyés à partir de son courriel professionnel. Selon le rapport d’enquête, le fonctionnaire avait reconnu ses torts au sujet du furetage de la base de données d’assurance-emploi en consultant les dossiers de collègues de travail, d’amis et de membres de la communauté togolaise. Il n’avait pas vraiment compris le Code de valeurs et d’éthique en ce qui concerne le furetage. Il a assumé et regrette ses gestes. Bien qu’il ait reconnu également ses torts au sujet des informations privilégiées qu’il donnait à ses connaissances par courriel, il a admis, encore une fois, avoir eu une mauvaise compréhension du Code de valeurs et d’éthique. Selon lui, communiquer des informations d’ordre général n’allait pas à l’encontre du Code de valeurs et d’éthique. Le fonctionnaire a nié toute implication dans tout organisme. Mme Addison-Roy a rencontré la GRC à deux ou trois reprises dans le cadre de l’enquête pour présenter des documents et expliquer la crainte de fraude potentielle. Elle n’a pas reconnu le document déposé en preuve dans la pièce G-33. Il s’agit des notes de la rencontre avec la GRC le 18 mai 2012 Elle doutait que ce soit elle qui l’avait écrit, car elle ne faisait pas de fautes lorsqu’elle écrivait.

[142] Mme Addison-Roy a conclu dans le rapport d’enquête que le lien de confiance n’existait plus. C’est pour cette raison qu’elle et l’équipe d’enquête ont recommandé le licenciement du fonctionnaire en prenant en compte la gravité de ses gestes. Avec l’aide des Ressources humaines, la recommandation a été présentée au décideur. On a présenté les faits au fonctionnaire et on lui a donné l’occasion d’y répondre.

H. La version des faits du fonctionnaire

[143] Le fonctionnaire a témoigné qu’il était sans emploi permanent au moment de l’audience. Il faisait du travail sur appel pour une compagnie d’édition comme aide opérateur, deux à trois jours par semaine. Il a donné un bref aperçu de sa carrière chez Service Canada en tant qu’agent évaluateur en assurance-emploi, en tant qu’agent de programmes et en tant que conseiller principal. Le fonctionnaire connaissait bien le programme pour les aînés. Il savait comment effectuer la présélection des demandes de subventions et la façon de faire la vérification des documents. À la présélection, il faut vérifier que tous les documents sont présents et que la demande est complète. On vérifie la demande pour s’assurer que la demande satisfait aux objectifs du programme. Une fois l’analyse faite, une note sur une échelle allant de 0 à 100 est attribuée. Cela ne veut pas dire que le projet avec la plus haute note sera approuvée. Il y a une autre étape d’approbation avec d’autres critères décisionnels pour approbation fiscale.

[144] Le fonctionnaire avait reçu une formation sur le Guide au Financement Pour l’Aide à l’Immobilisation et le Financement pour la participation communautaire et le leadership dans le cadre du programme pour les aînés. Ces documents étaient disponibles au public. En tant qu’agent de programmes, le fonctionnaire n’avait pas de pouvoirs décisionnels sur l’octroi des subventions. Ce pouvoir revenait au bureau régional et d’autres partenaires pour décider de l’attribution finale de la demande de subvention. Durant la période où le fonctionnaire a travaillé aux Programmes en 2007, il n’avait pas fait le cycle de tout un projet de subvention. Il avait seulement de l’expérience au niveau de la présélection et l’étape de l’analyse. Il n’a jamais eu la chance de compléter l’étape de la recommandation, et il n’était pas familier avec le processus d’approbation de la décision finale.

[145] Le fonctionnaire était très impliqué dans la communauté togolaise. Il était connu comme le « doyen » de la communauté. Il faisait partie de la première vague d’immigrants de la communauté togolaise dans les années 1998 et 1999. De 2003 à 2007, il était le président de l’Association Togolaise. Sa communauté soumettait des demandes de contributions et de subventions dans les programmes. Il avait alors décidé d’arrêter ses fonctions dans l’Association de la Communauté Togolaise en raison du Code de valeurs et d’éthique.

[146] Le fonctionnaire était le vice-président de l’association Amnistie Internationale au Togo, de même que l’organisation Développement et Paix à Montréal de 2001 à 2004. Cette organisation n’avait pas de relation avec le gouvernement fédéral, alors le fonctionnaire a continué d’occuper son poste au sein de cette organisation. Le fonctionnaire n’a pas rempli de rapport de confidentialité lors de son premier poste, car le Code de valeurs et d’éthique précisait qu’il avait 60 jours pour le faire. Son premier emploi à Service Canada était à contrat pour le mois de janvier 2007. Ses contrats étaient prolongés par la suite de 1 mois et demi jusqu’à ce que le fonctionnaire devienne un employé permanent en 2008.

[147] Pour se conformer au Code de valeurs et d’éthique, le fonctionnaire s’est abstenu de participer dans les organisations qui faisaient des demandes de subventions au gouvernement fédéral. En juin 2007, il s’est retiré de toute organisation qui faisait affaire avec le gouvernement fédéral. Ses concitoyens savaient tous qu’il travaillait pour Service Canada. Au niveau de sa communauté, il faisait tout son possible pour encourager la participation de ses concitoyens aux activités sociales. Durant son mandat comme président, il avait informé le bureau de l’association togolaise sur les différentes possibilités de s’impliquer au niveau social. Les informations qu’il avait données sont les informations qui sont disponibles dans les guides sur le site Internet de Service Canada. Ils lui posaient des questions sur l’assurance-emploi et l’assurance sociale et sur tout ce qui relevait de Service Canada. Il y avait des informations qu’il ne pouvait pas partager. Il ne s’empêchait pas de partager les informations qui étaient disponibles au public. Le fonctionnaire l’a dit à M. Lefort pendant la rencontre pré-disciplinaire.

[148] Le fonctionnaire a été suspendu sans solde le 10 avril 2012. La suspension a pris effet le 5 avril 2012, car le fonctionnaire ne s’était pas présenté au bureau. Le fonctionnaire a rencontré M. Dussault et Mme Brisson le 30 octobre 2012. Il a fait une plainte au commissaire de l’accès à l’information, car sa demande n’avait pas été traitée dans les délais. Sa plainte a été accueillie. La demande d’accès à l’information avait été faite pour sa présentation de son grief. Le fonctionnaire voulait faire le cheminement de toute l’information mais malheureusement, sa demande n’a pas été répondue dans les délais. Il a reçu une réponse à sa plainte après son licenciement. Son grief a été présenté au dernier palier sans la documentation sous-jacente à son licenciement. Le fonctionnaire a fait sa demande de documents en date du 18 avril 2013. Il a reçu un accusé de réception, mais il n’a pas reçu de réponse avant le mois de mai 2015. Entre-temps, il a déposé sa plainte. En 2014, il a été accusé au criminel. En mai 2015, il a reçu la documentation.

[149] Comme il est indiqué dans la pièce G-35, la plainte en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels (L.R.C. (1985), ch. P-21) a été jugée fondée, car celle-ci n’avait pas été répondue dans le délai de 30 jours, tel qu’il est prévu dans cette loi. Dans la pièce G-36, il y a les questions posées en entrevue au fonctionnaire par M. Dussault et Mme Brisson. Le fonctionnaire a indiqué connaître Frédéric Zonnon (le frère de M. Zonnon) en tant qu’ancien collègue de travail chez Service Canada. M. Zonnon était son concitoyen de le Communauté Togolaise au Canada. À une question, le fonctionnaire a répondu qu’il n’avait pas préparé de documents de subventions pour le programme pour les aînés. Il a également répondu à une question qu’il avait lu le Code de valeurs et d’éthique au moment de son embauche et qu’il avait suivi une formation en 2011. Il était au courant de la politique sur le furetage. Il a mentionné les demandes de subventions dont il se souvenait au moment de l’entrevue. Le fonctionnaire a confirmé qu’il n’avait pas donné ses mots de passe à quiconque.

[150] Selon le fonctionnaire, le Registre des entreprises du Québec ne contient pas des renseignements à jour. Le fonctionnaire s’est retiré de Diastode-Canada, car cela exigeait beaucoup pour être impliqué au niveau de la production de rapport de confidentialité pour conflit d’intérêts. Cependant, je note que le fonctionnaire n’a présenté aucune preuve documentaire à cet effet. Le fonctionnaire connaissait presque toutes les personnes mentionnées dans la liste de questions des enquêteurs. Il ne connaissait pas T.A. Il n’avait aucun lien avec cette personne. Le fonctionnaire ne connaissait pas non plus T.K. Cette personne recherchait de l’information sur l’assurance sociale. T.K. voulait accéder à son dossier de prestation. Le lien Internet ne fonctionnait pas; le site était lent, donc il avait envoyé son numéro d’assurance sociale et son code d’accès au fonctionnaire. Le fonctionnaire a refusé d’utiliser les codes d’accès de T.K. Le fonctionnaire l’a plutôt invité à aller sur le site Internet de Service Canada. Le fonctionnaire a dit que plusieurs de ses compatriotes togolais s’attendaient à ce qu’il les aide. Le fonctionnaire leur avait expliqué les balises avec lesquelles il devait fonctionner, et il leur avait dit qu’il ne pouvait même pas donner ses coordonnées. Le fonctionnaire a dit à T.K. de téléphoner au centre et de se rendre en personne pour obtenir les renseignements dont il avait besoin.

[151] L’employeur s’est opposé aux questions par rapport à l’entrevue lors de l’enquête avec M. Dussault et Mme Brisson. L’employeur a soulevé la règle énoncée dans Browne c. Dunn, 1893 CanLII 65 (FOREP), voulant que le fonctionnaire aurait dû contre-interroger ces témoins afin de leur permettre de donner leurs versions des faits. J’ai pris l’objection de l’employeur sous réserve et j’ai invité les parties de faire les arguments nécessaires quant à la portée à accorder au témoignage du fonctionnaire par rapport aux questions de M. Dussault et de M. Brisson.

[152] Le fonctionnaire a témoigné qu’il avait seulement expliqué le contexte du programme et donné des explications par rapport aux documents manquants. Il n’avait pas compris qu’il y avait des risques de conflit d’intérêts. Le fonctionnaire a nié toute participation à l’élaboration de projets de subventions. Il a nié avoir signé la lettre de la Communauté Togolaise du Canada. Il n’a participé à aucune demande de subvention et, selon les déclarations, il n’a participé à aucune opération de ces organisations et n’'a nullement falsifié des lettres d’appui.

[153] Le fonctionnaire a fait référence à l’achat d’un ordinateur personnel. Il avait demandé que l’ordinateur soit livré à son bureau, avec l’autorisation de la gestion. Il ne pouvait pas répondre aux questions des enquêteurs portant sur l’ordinateur en question.

[154] Le fonctionnaire a nié avoir fabriqué la lettre concernant l’association des retraités. Le fonctionnaire a précisé qu’il n’avait pas participé à l’élaboration ou à la documentation du projet. Il n’a pas signé de lettre d’appui. Il n’avait pas connaissance du chèque de 12 800 $. Le fonctionnaire a nié avoir reçu de l’argent de M. Gedu dans le passé. Il avait déjà prêté de l’argent à M. Gedu. C’était un prêt d’argent avant qu’il devienne un fonctionnaire. M. Gedu ne l’a jamais remboursé, et il n’était pas associé avec lui.

[155] Pour ce qui est du Club Social de développement, en septembre 2010, le fonctionnaire était en congé annuel. Le fonctionnaire a nié avoir envoyé des lettres. Il avait demandé quelle était la date à laquelle la lettre avait été envoyée. L’enquêteur ne lui a jamais répondu.

[156] Le fonctionnaire a nié avoir préparé des lettres pour M. Zonnon dans le cadre d’une demande de subvention. M. Dussault et Mme Brisson ne lui ont jamais montré les documents auxquels ils avaient fait référence. On ne lui avait jamais montré les documents dans le cadre de l’enquête. Pour ce qui est du livre de recettes, ce n’est pas son courriel qui a été utilisé et le fonctionnaire a nié avoir envoyé des documents par courriel à M. Zonnon.

[157] Le fonctionnaire a expliqué que l’ambiance était lourde lors de l’enquête et que les questions posées avaient un ton accusateur. Il avait eu l’impression que le but de l’enquête était de seulement valider les faits recueillis, et non de déterminer la véracité de ceux-ci. Il avait également eu l’impression que les enquêteurs n’avaient jamais eu l’intention de connaître sa version des faits.

[158] Le fonctionnaire n’était pas du tout au courant de la somme de 19 575 $ et la demande de subvention présentée. Pour ce qui est du livre de recettes préparé dans le cadre de la demande de subvention de l’Association, ce n’est pas son adresse courriel qui a été utilisée et il n’a jamais envoyé de courriel à M. Zonnon. Le but de l’échange entre lui et les enquêteurs n’était pas pour obtenir sa version des faits. Les enquêteurs cherchaient simplement à valider les résultats de leur recherche. Ils n’avaient jamais eu l’intention d’obtenir sa version des faits. Le fonctionnaire n’était pas au courant des demandes de subventions présentées par les enquêteurs.

[159] Pour ce qui est du projet de subvention présenté par le Club Social de développement, dont la conjointe du fonctionnaire faisait partie, le fonctionnaire a nié avoir préparé une lettre d’appui de l’Association des personnes retraités des communautés culturelles de Montréal Est et l’avoir envoyée à M. Zonnon. Il n’a pas non plus préparé de faux bail. Il n’était pas au courant que la somme d’argent de 19 575 $ avait été partagée entre sa conjointe et la conjointe de M. Zonnon.

[160] Pour ce qui est de la demande de subvention du Club Social de développement, dont sa conjointe était la trésorière de l’organisme, le fonctionnaire ne savait pas que sa conjointe détenait une carte de guichet et des chèques signés par la conjointe de M. Zonnon. Il n’était pas au courant du montant de 22 175 $. Il n’était pas au courant de la lettre d’appui signée par M. Agbazé et validée par M. Zonnon. Il n’a fait aucune recommandation par rapport à celle-ci.

[161] Le fonctionnaire a nié avoir eu connaissance de la participation de sa conjointe dans l’organisme Intégration et développement social. Il n’avait aucune connaissance d’avoir dirigé les réunions du conseil d’administration ni de lettres d’appui impliquant cet organisme. Il n’avait pas vu les aveux auxquels les enquêteurs faisaient référence. Il n’avait pas connaissance des demandes de subventions de cet organisme.

[162] En ce qui concerne la fausse lettre d’appui provenant de l’Association des Aînés de Laval dans le cadre de la demande de subvention de septembre 2009 de l’Association de loisirs et d’épanouissement, le fonctionnaire a nié avoir remis un gabarit de lettre à M. Zonnon. Le fonctionnaire n’a posé aucune question à M. Zonnon en contre-interrogatoire à cet effet. Le fonctionnaire n’a pas indiqué à M. Zonnon qu’il contredirait son témoignage.

[163] Pour ce qui est de la demande de subvention de l’Association de loisirs et d’épanouissement de 2009 et 2010 au montant de 24 000 $, et la lettre d’appui de la Communauté Togolaise du Canada, le fonctionnaire a dit qu’il n’était pas impliqué. Il n’a pas fourni d’explications à l’audience en réponse à ses échanges de courriels avec Mme Tabiou au sujet du chèque de 24 000 $ et son commentaire que le gouvernement payait pour l’intention et non l’accomplissement des activités. Le fonctionnaire a nié avoir connaissance des lettres provenant de Sophie Desjardins et il a nié avoir signé ces lettres.

[164] Le fonctionnaire a nié avoir été impliqué dans l’organisme Diastode-Canada en septembre 2009. Il ne savait pas qui avait signé la demande de subvention si ce n’était pas la signature de M. Gedu qui apparaissait. Il n’a pas déposé de demande de subvention pour cet organisme. Il n’était pas au courant que cette demande avait été refusée ou que la Communauté Togolaise du Canada avait signé une lettre d’appui et qu’il y aurait conflit d’intérêts étant donné que le fonctionnaire faisait partie de la Communauté Togolaise du Canada à cette époque.

[165] Le fonctionnaire n’avait pas connaissance du fait que l’organisme Regroupement des aînés pour le développement social avait fourni une lettre d’appui de Diastode-Canada signée par le coordonnateur M. Gedu. Il n’avait pas eu connaissance de la demande de subvention du montant de 24 600 $. Il a nié avoir partagé cet argent avec M. Zonnon.

[166] Le fonctionnaire a reconnu sa proche relation avec M. Zonnon. Il était plus proche avec lui qu’avec n’importe qui d’autre. Il avait de bonnes relations amicales avec M. Zonnon et sa conjointe. Les deux couples se visitaient. Ils ont travaillé ensemble comme agents d’évaluation à l’assurance-emploi en 2006. Tout le monde dans la communauté savait que le fonctionnaire avait changé d’emploi, car il avait été le président de la Communauté Togolaise du Canada jusqu’en 2007.

[167] En 2009, M. Zonnon lui avait demandé de se renseigner sur les programmes Études été et Nouveaux horizons. À ce moment, le fonctionnaire occupait le poste de conseiller régional à Service Canada. Il n’a jamais répondu aux demandes de M. Zonnon. C’est le frère de M. Zonnon qui a fourni les informations à M. Zonnon. Le fonctionnaire connaissait le frère de M. Zonnon : ils ont travaillé ensemble en 2007.

[168] Le fonctionnaire a dit que M. Zonnon voulait d’autres informations. Il l’avait renvoyé au site Internet pour obtenir l’information supplémentaire. Il avait donné uniquement des renseignements qui étaient disponibles au public. Les renseignements étaient toujours communiqués de vive voix. Il ne lui a jamais fourni de documents. Il ne l’a jamais aidé à remplir des demandes de subventions et n’a jamais reçu d’argent de M. Zonnon. Il n’a tiré aucun avantage que ce soit de M. Zonnon. Il n’a jamais demandé à M. Zonnon d’agir d’une façon ou d’une autre.

[169] C’est la première fois à l’audience que le fonctionnaire a vu le document de la demande de subvention portant le numéro 7260169. Au moment de cette demande, il n’était pas agent de programmes. Le 6 juin 2008, il était agent de traitement en assurance-emploi. Il n’a jamais été membre de cette organisation. Il n’a participé à aucune des activités. Le fonctionnaire a su que la demande de subvention avait été approuvée lors de l’enquête administrative et à l’audience. Il a nié avoir reçu une contribution.

[170] Le fonctionnaire n’avait aucune connaissance de la demande de subvention portant le numéro 7260169, ni le fait que celle-ci avait été approuvée au montant de 18 000 $. La première fois qu’il a vu ce document, c’est à l’audience devant la Commission. C’était la même chose pour le livre de recettes. Il a vu ce document pour la première fois à l’audience devant la Commission. Il ne sait pas qui a produit ce document. Il n’avait jamais vu les propriétés du document avant l’audience. Le livre de recettes avait prétendument été préparé à même de son ordinateur du gouvernement du Canada assigné à son nom. Le fonctionnaire a indiqué qu’il n’y avait aucune façon de savoir d’où provenait ce document. Son ordinateur de travail était de marque Dell. Les propriétés du document ne confirment pas l’auteur du document ni sa provenance.

[171] Le fonctionnaire avait fait une demande d’accès à l’information pour l’obtention de tous les documents sous-jacents à l’enquête administrative. Le document dans la pièce G-37 indique que Mme Addison-Roy avait demandé l’analyse du disque dur de l’ordinateur du fonctionnaire. Cette demande avait été formulée par Mme Addison-Roy le 30 juillet 2012 en relation avec l’enquête qui avait commencé en 2011. Le résultat de l’enquête était à savoir qu’il n’avait rien trouvé selon les paramètres de l’enquête demandée par Mme Addison-Roy. Le document du livre de recettes ne provenait donc pas de l’ordinateur de travail du fonctionnaire.

[172] Pour ce qui est de la demande de subvention portant le numéro 9152208 en 2009 au montant de 24 000 $ pour l’Association, le fonctionnaire n’en avait pas connaissance. Il n’a pas aidé à fournir des documents ou compléter la demande. En septembre 2009, le fonctionnaire travaillait comme conseiller régional à la direction des services aux citoyens. Il n’avait aucune connaissance des activités. Il n’a jamais réclamé une part ou une somme d’argent. Il n’a jamais reçu d’information et n’a donné aucune information ou documentation pour aider M. Zonnon.

[173] Pour ce qui est du faux document portant le nom de Sophie Desjardins, il l’avait vu lors de l’enquête administrative. Ce sont des lettres, mais il ne connaît pas leur provenance. Il ne sait pas qui les a signées. Il ne savait pas qui lui avait attribué la création de ces documents. M. Dussault et M. Brisson ne le lui ont jamais dit.

[174] Selon le fonctionnaire, la rencontre qu’il avait eue avec Mme Tabiou, M. Zonnon et M. Agbazé au sujet du chèque de 24 000 $ avait comme but de simplement expliquer à Mme Tabiou que les activités pouvaient se faire sans elle. Je note qu’au par. 170, le fonctionnaire a nié n’avoir aucune connaissance de la demande de subvention, mais quelques minutes plus tard, il a accepté qu’il avait assisté à une rencontre relativement à cette demande. Le fonctionnaire n’avait aucune intention d’obtenir de l’argent. C’était simplement pour donner des explications à Mme Tabiou. Le fonctionnaire n’était pas membre de l’organisation, mais il s’était rendu à Gatineau avec MM. Zonnon et Agbazé pour rencontrer Mme Tabiou chez elle. Mme Tabiou cherchait à connaître d’autres informations qu’il n’avait pas. Il avait compris qu’elle voulait retourner le chèque, mais leur organisme et leur organisation interne ne voulaient pas. Sa participation à cette rencontre a porté confusion. Il s’agissait de sa seule intervention pour assurer la suite du projet. Il ne comprenait pas l’insistance de Mme Tabiou de retourner le chèque.

[175] Le fonctionnaire n’avait pas connaissance non plus de la demande de subvention portant le numéro 8989055 du Club Social de développement présentée par la conjointe de M. Zonnon en 2009 et approuvée en mars 2010 au montant de 22 175 $. Il n’avait aucune information par rapport au traitement de cette demande. Aucune information ne lui avait été partagée. Il n’avait pas eu d’implication dans la préparation de documents et il ne savait pas comment l’argent de la subvention avait été utilisé. De plus, il n’avait jamais vu de modèle de rapport rempli. Il n’a pas fait ce document.

[176] Le fonctionnaire n’avait pas non plus connaissance de la demande de subvention portant le numéro 10305290 du Club Social de développement au montant approuvé de 24 000 $ en 2011. Le fonctionnaire a nié toute implication dans cette demande de subvention. Il a vu ce document pour la première fois à l’audience devant la Commission. Il n’a jamais fourni de conseils ou d’informations pour faire avancer la demande, et il n’a reçu aucune somme d’argent.

[177] En contre-interrogatoire, le fonctionnaire a dit que la raison pour laquelle il avait communiqué avec le commissaire à l’intégrité du secteur public était pour poser la question au sujet de l’implication de sa conjointe dans une organisation avec M. Zonnon et sa conjointe. Il avait entendu une conversation entre sa conjointe et M. Zonnon qui parlaient de programmes et des projets. Il a remarqué que la relation entre M. Zonnon et sa conjointe avait changé. Il a appris par la suite que la demande de subvention avait été approuvée, mais qu’ils n’avaient pas encore reçu le chèque. Le fonctionnaire a demandé à M. Zonnon pourquoi ce montant d’argent. Il lui a demandé de quoi il était question. Le fonctionnaire a dit à M. Zonnon que si son intention n’était pas bonne ou que les activités n’allaient pas avoir lieu, il allait dénoncer la situation. Le fonctionnaire a remis une copie de la réponse du commissaire à l’intégrité du secteur public à M. Lefort. Il n’a jamais commis de malversation ou de fraude. Il ne croyait pas qu’il était nécessaire d’informer le commissaire à l’intégrité du secteur public qu’il avait fait la présélection de la demande de subvention de l’organisation de sa conjointe.

[178] La conjointe du fonctionnaire était au courant de la situation et le fonctionnaire lui avait dit que, s’il y avait malversation, il allait les dénoncer. Il avait fait la mise en garde à sa conjointe, et sa conjointe en avait informé M. Zonnon. Le fonctionnaire avait des doutes quant à la capacité de M. Zonnon et sa conjointe de livrer les activités. À partir de ce moment, la relation avec M. Zonnon avait changé. Le fonctionnaire s’était complètement retiré. Il n’y avait plus de convivialité. La conjointe du fonctionnaire avait informé M. Zonnon que le fonctionnaire allait les dénoncer. La conjointe du fonctionnaire faisait partie des organismes Club Social de développement et Intégrité et développement social. Elle a démissionné de ces organismes. Le fonctionnaire a nié avoir aidé sa conjointe dans ses demandes de subventions. Sa conjointe était autonome et elle faisait les activités. Elle participait aux activités dans la communauté et à l’église, mais ils n’en discutaient pas.

[179] Le fonctionnaire croyait que l’enquête criminelle et l’enquête administrative étaient fusionnées. Les enquêteurs s’échangeaient des informations. En octobre 2012, la GRC a fourni des informations aux enquêteurs de Service Canada. Les enquêteurs de la GRC ont fourni un compte rendu de ce que le fonctionnaire avait discuté avec eux. Le fonctionnaire avait fait une demande d’accès à l’information à la GRC, mais celle-ci a été refusée car la documentation était devant les tribunaux. Le fonctionnaire a témoigné qu’il n’avait pas pu faire sa preuve devant la Commission sans toutefois indiquer quelle documentation il lui manquait. À plusieurs occasions lors de l’audience, j’ai avisé le fonctionnaire qu’il pouvait présenter à tout moment une demande de divulgation d’informations et de documents. Le fonctionnaire n'a présenté aucune demande. Il y avait des documents versés dans l’enquête administrative auxquels il ne pouvait pas avoir accès. Le fonctionnaire n’a pas précisé son allégation, ni identifié de documents. La pièce G-40 démontre qu’en août 2012, Service Canada allait recommander le licenciement du fonctionnaire avant même d’avoir rencontré tous les témoins de l’enquête administrative.

[180] Le document de la plainte au Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, laquelle a été déterminée fondée par le commissaire, provenait du fait que le fonctionnaire s’était fait filer par M. Dussault pendant l’enquête administrative. Selon le témoignage du fonctionnaire, la violation de ses droits provenait du fait qu’il y avait une photo de sa résidence au moment de la suspension sans solde et la confirmation de son adresse domicile.

[181] Selon le fonctionnaire, les informations contenues dans le Registre des entreprises du Québec n’étaient pas à jour au moment des faits reprochés. Il avait indiqué cela pendant l’enquête administrative. Il avait aussi indiqué pendant l’audience disciplinaire que le rapport d’enquête était erroné.

[182] Pour ce qui est du furetage, le fonctionnaire savait qu’il ne devait pas effectuer des recherches de dossiers qui n’étaient pas les siens. Il pouvait effectuer des recherches par nom ou par numéro d’assurance sociale. Il comprenait l’importance de protéger les informations des contribuables. Il y avait eu vérification sur tous ses accès de 2006 à 2012. Le fonctionnaire n’a jamais nié avoir fait du furetage dans les dossiers qui n’étaient pas les siens, mais il ne comprenait pas tout à fait ses obligations en vertu du Code de valeurs et d’éthique. Maintenant, il comprend mieux l’importance de ne pas faire du furetage. Il n’a jamais divulgué d’informations personnelles des contribuables.

[183] Le fonctionnaire a maintenu que, dès le départ, les enquêteurs avaient suivi une piste pour l’incriminer; ils avaient cherché des témoins pour l’incriminer et non faire la lumière sur la situation. Le mandat avait été conçu pour l’incriminer et non pour chercher la vérité. Dès le mois d’août 2012, avant de le rencontrer en octobre 2012, on recommandait son licenciement. Mme Addison-Roy négociait la révocation de sa cote de fiabilité pour pouvoir le licencier. Les enquêteurs avaient des lettres et des documents qu’il n’avait jamais vus. Selon M. Lefort, les observations du fonctionnaire étaient mineures. Selon le fonctionnaire, la décision de le licencier n'a pas été prise de façon juste et équitable. Il a soulevé plusieurs incohérences dans le rapport d’enquête et aucune n’a été corrigée.

[184] Les décideurs et les personnes qui ont fait les recommandations de licenciement n’avaient pas les bonnes informations. Le fonctionnaire a demandé d’être réintégré dans ses fonctions. Il a demandé que justice soit rendue. Il a aussi demandé une lettre d’excuses. Il a été humilié et blessé, et sa réputation a été ruinée. Il a demandé la chance de faire son deuil sur cette blessure. Il est prêt à réintégrer ses fonctions de façon professionnelle.

[185] Le fonctionnaire a réaffirmé sous serment n’avoir jamais commis de malversations ou avoir reçu d’argent ou bénéficié personnellement du programme de subventions. Il n’a jamais commis de fraude, et s’il avait eu des doutes de malversation dans des organisations qu’il connaissait, il l’aurait divulgué au commissaire à l’intégrité du secteur public, que ce soit dans le cadre du projet de subvention de Mme Tabiou, M. Agbazé et M. Zonnon, et même de sa propre conjointe.

V. Motifs et arguments

[186] Un arbitre de grief saisi d’une affaire concernant un licenciement doit évaluer si la conduite donnant lieu au licenciement a eu lieu, et si la sanction imposée est proportionnelle. Si la sanction imposée est excessive, la Commission interviendra pour déterminer la sanction appropriée (voir Basra c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 24, aux paragraphes 24 à 26; et William Scott & Co. v. C.F.A.W., Local P162, [1977] 1 Can. L.R.B.R. 1, aux paragraphes 13 et 14 (« Wm. Scott »).

[187] La lettre de licenciement du 18 avril 2013, signée par Mme Bélisle, précise les allégations d’inconduite suivantes :

[…]

i. infraction au code de valeurs et éthiques [sic];

ii. furetage dans les bases de données du gouvernement au niveau de l’assurance-emploi; et

iii. participation directe et indirecte à une fraude de plusieurs centaines de milliers de dollars dans le cadre du Programme Nouveaux Horizons pour les Aînés.

[…]

 

[188] Il incombe à l’employeur d’établir les faits sousjacents qui sont invoqués pour justifier le licenciement, ainsi que le caractère approprié de celui-ci (voir Palmer & Snyder, Collective Agreement Arbitration in Canada, 4e éd., au paragraphe 10.67). La norme de la preuve est celle de la norme civile de la prépondérance des probabilités.

[189] L’examen du caractère proportionnel de la sanction exige un examen de toutes les circonstances connexes pertinentes, y compris les facteurs atténuants, tels que le dossier disciplinaire vierge du fonctionnaire, ses années de service, et les facteurs aggravants, tels que l’état d’esprit du fonctionnaire et le caractère répétitif des gestes posés, qui ont un rapport direct avec la culpabilité de celui-ci (voir Wm. Scott, au par. 14; SamuelAcme Strapping Systems v. U.S.W.A., Local 6572 (2001), 65 C.L.A.S. 157, au par. 210; Georgian Bay General Hospital v. OPSEU, Local 367 (2014), 243 L.A.C. (4e) 112, aux paragraphes 58, 65, 66 et 68; Fundy Gypsum Co. v. U.S.W.A., Local 9209 (2003), 117 L.A.C. (4e) 58, aux paragraphes 40 et 45, et, de façon plus générale, Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 5e éd., à la page 7:4424).

[190] Plus précisément, il faut déterminer si l’inconduite du fonctionnaire était suffisamment grave pour justifier le licenciement en tant que mesure disciplinaire. Il s’agit de déterminer si la mesure disciplinaire était proportionnelle à la gravité de l’inconduite alléguée (voir McKinley c. BC Tel, 2001 CSC 38, aux paragraphes 29, 48 et 57, et Basra c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2014 CRTFP 28, au par. 29).

[191] L’employeur devait établir les allégations énumérées dans la lettre de licenciement qui, à son avis, justifiaient le licenciement. Plus particulièrement, il devait établir, selon la prépondérance des probabilités, que le fonctionnaire avait enfreint le Code de valeurs et d’éthique, avait commis du furetage dans les bases de données du gouvernement au niveau de l’assurance-emploi et avait participé à une fraude de plusieurs centaines de milliers de dollars dans le cadre du programme pour les aînés.

[192] Si l’employeur s’acquitte de ce fardeau, il doit ensuite établir que la mesure imposée était proportionnelle à la gravité de l’inconduite. Dans la détermination de la proportionnalité, je dois déterminer si la mesure disciplinaire imposée était excessive en examinant toutes les circonstances connexes pertinentes, y compris les facteurs atténuants et aggravants. Si je conclus que la mesure n’était pas excessive, la mesure reste valide. Si je conclus que le licenciement était excessif, je dois trancher la question de savoir quelle mesure disciplinaire est justifiée.

A. Arguments de l’employeur

[193] L’employeur a argué qu’il n’avait pas pris le licenciement du fonctionnaire à la légère. C’est la découverte en 2011 de certaines informations qui a mené à l’enquête administrative et à l’enquête criminelle. Le fonctionnaire a soulevé des doutes par rapport à la preuve présentée par les témoins de l’employeur et la force probante des documents et des témoignages des divers intervenants. La décision de licencier le fonctionnaire a été prise sur la foi du rapport d’enquête et des faits recueillis. Il n’appartient pas aux gestionnaires, dans ce cas M. Lefort et Mme Bélisle, de refaire l’enquête avant de prendre une décision. Même s’il y a une preuve, si faible soit-elle, elle doit être contredite pour renverser le licenciement. La question en litige est la suivante : selon la prépondérance des probabilités, est-il probable que le fonctionnaire ait commis les inconduites alléguées dans la lettre de licenciement? Le fonctionnaire aurait pu convoquer les témoins de son choix, mais il a choisi de fonder sa preuve seulement sur la preuve des gestionnaires et sur son propre témoignage. Le fonctionnaire a soumis que le rapport d’enquête constituait du ouï-dire. Cet argument vaut autant pour le fonctionnaire que pour l’employeur. L’employeur reconnaît qu’il y avait beaucoup de coquilles dans le rapport d’enquête. Lorsque les enquêteurs administratifs ont rencontré le fonctionnaire, ils ont omis de faire les changements mineurs identifiés par le fonctionnaire. Toutefois, cela ne change pas les éléments fondamentaux du dossier et les allégations sérieuses portées contre le fonctionnaire. Les personnes questionnées en cours d’enquête administrative ont témoigné à l’audience. La Commission doit soupeser la preuve du fonctionnaire contre celle des autres témoins.

[194] L’employeur se demande pourquoi le fonctionnaire, un homme responsable et impliqué dans sa communauté, connu de tous, se voit soudainement accuser par autant de personnes avec qui il avait des liens, d’autres non, différents projets et différentes personnes; pourquoi ces personnes soudainement viennent témoigner contre lui? Le fonctionnaire n’a pas présenté d’explications ou d’élément déclencheur de complot contre lui pour aucune raison précise. De plus, le fonctionnaire n’a présenté aucune preuve à cet égard. Les personnes qui ont témoigné des transactions, auxquelles elles ont participé ou refusé de participer dans le cas de Mme Tabiou, ont dit qu’elles étaient des transactions qui n’auraient pas dû avoir lieu. C’est de la fraude dans le sens de malhonnêteté qui est sous-jacente aux allégations. Le stratagème n’était pas complexe. Le fonctionnaire était toujours impliqué en arrière-plan dans les demandes de subventions. La grande majorité des personnes de son entourage ont témoigné qu’il avait aidé à remplir les demandes de subventions ou rempli lui-même les demandes. Tous les témoins ont confirmé que les activités n’avaient jamais eu lieu. Le fonctionnaire recevait sa part pour avoir aidé. Pourquoi toutes ces personnes font des témoignages semblables contre lui? L’employeur soumet qu’il est plus que probable que le fonctionnaire se soit comporté de la façon alléguée.

[195] La crédibilité de chacun des témoins doit être soupesée avec le reste de la preuve dans son ensemble. Si la preuve du témoin coïncide avec les faits, les chances sont que c’est plus que probable que les choses se soient déroulées telles que témoignées. M. Zonnon n’avait rien à perdre ou à bénéficier. Il a plaidé coupable, il a signé une attestation à cet égard et il a confirmé à l’audience ce qu’il avait fait. En contre-interrogatoire, le fonctionnaire n’a pas réussi à faire dissiper le fait que M. Zonnon lui avait remis un montant d’argent. Ce sont seulement les dates qui ne concordent pas. Il faut examiner la candeur de M. Zonnon; il y a les faits et les circonstances qui entourent les faits. M. Zonnon avait souvent de la difficulté à se souvenir de la date et de l’heure de ses interactions avec le fonctionnaire. Toutefois, l’employeur met le fonctionnaire au défi de dire qu’il n’a pas pris l’argent. Pourquoi mettre fin à une amitié de si longue date. M. Koutou a témoigné et il a signé une déclaration sérieuse. Il a admis être impliqué dans la fraude, qu’il avait reçu des chèques et qu’il avait partagé les montants de ces chèques avec le fonctionnaire. M. Koutou n’avait rien à bénéficier de son témoignage devant la Commission. Le témoignage de M. Koutou était même plus surprenant que celui de M. Zonnon, car il a admis des choses qui pouvaient entraîner des répercussions sérieuses pour lui. À l’audience, le fonctionnaire n’a jamais confronté M. Koutou sur ce fait. La preuve de ces témoins est donc sérieuse et importante.

[196] Mme Tabiou était transparente et crédible. Elle a témoigné et elle a toujours été de bonne foi à travers tous ces événements. Elle n’avait rien à gagner de témoigner contre le fonctionnaire. De plus, elle travaille encore au sein de la fonction publique. Elle a dit sous serment ce qui s’est passé. Elle s’est mise à risque. Elle croyait que la première subvention de 18 000 $ n’avait pas été acceptée. Plus tard, elle a découvert que le chèque avait été encaissé. Il y avait un malaise de sa part, car il y avait possibilité que son nom soit associé à ces personnes. Elle a raconté avec sincérité qu’elle voulait retourner le chèque de 24 000 $ pour la deuxième demande de subvention. Il y a divergence entre le témoignage de Mme Tabiou et la version des faits du fonctionnaire quant à ce qui s’est déroulé lors de leur rencontre chez elle. On ne sait pas la vraie raison pour laquelle le fonctionnaire était là. Le fonctionnaire maintient qu’il était là comme médiateur. Mme Tabiou a témoigné de façon convaincante que le fonctionnaire insistait que l’organisation garde le chèque et tente de procéder avec les activités. Le fonctionnaire tentait de la convaincre de ne pas retourner le chèque.

[197] Les allégations de furetage et d’accès non autorisés proviennent des personnes de la communauté du fonctionnaire. Ce sont les personnes dans sa vie personnelle qui se retournent contre lui et le dénoncent; ce n’est pas du hasard. L’employeur soumet que, selon la preuve, il est plus probable qu’improbable que les choses se sont déroulées de la façon expliquée par ses témoins.

[198] Pour ce qui est de la position du fonctionnaire par rapport aux propriétés des documents, la position de l’employeur est à savoir que le fonctionnaire est l’auteur des documents qui avaient été retrouvés dans l’ordinateur de M. Zonnon. En regardant les propriétés du document, on voit que c’est le fonctionnaire qui est l’auteur du document. L’employeur n’a jamais prétendu que les documents provenaient de l’ordinateur du fonctionnaire. Les documents provenaient de l’ordinateur de M. Zonnon.

[199] Le fonctionnaire a allégué que l’enquête était biaisée, que tous cherchaient à le licencier. M. Lefort, dans les faits, n’était pas animé par le licenciement du fonctionnaire, même chose pour Mme Bélisle. La décision n’a pas été prise à la légère. Mme Bélisle a pris une décision éclairée par son expérience en tant que sous-ministre adjointe. Elle n’a pas signé la lettre de licenciement seulement parce qu’on lui avait dit de le faire. Mme Bélisle a fait un examen sérieux des faits qui lui avaient été rapportés.

[200] Mme Addison-Roy a fortement insisté à plusieurs reprises pour la révocation de la cote de fiabilité du fonctionnaire en cours d’enquête administrative. Toutefois, M. Comeau et M. Jacques ont refusé de l’accorder. On n’a pas révoqué la cote de fiabilité. Ce n’est pas Mme Addison-Roy qui a pris la décision de licencier le fonctionnaire; c’est Mme Bélisle et M. Lefort.

[201] Même si on mettait de côté le rapport d’enquête, il y a beaucoup de preuve que le fonctionnaire n’a pas réussi à contredire, entre autres les témoignages de M. Zonnon, de M. Koutou et de Mme Tabiou. Les audiences devant la Commission sont des audiences de novo. Tout bris de justice naturelle dans le cadre de l’enquête administrative est corrigé par la tenue de l’audience devant la Commission. Le fonctionnaire a présenté toute la preuve qu’il désirait soumettre.

[202] L’employeur m’a renvoyée aux décisions suivantes : Pagé c. Procureur Général du Canada, 2009 CF 1299, au par. 21; Tipple; Patanguli c. Administrateur général (Citoyenneté et Immigration), 2015 CAF 291, au par. 29; Turner, au par. 118. Les audiences devant la Commission sont de novo, c’est-à-dire toutes irrégularités pendant l’enquête et le processus pré-disciplinaire sont remédiées à l’audience devant la Commission. La preuve présentée à l’audience devant la Commission est entendue sur la norme civile de la prépondérance des probabilités (voir F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53, au par. 26 et suivants).

[203] Dans Faryna v. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354, aux paragraphes 9 à 11, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique ressort deux idées principales sur les questions de crédibilité. Pour être crédible, il ne suffit pas au fonctionnaire de simplement nier les faits et les allégations contre lui. Pour que le fonctionnaire soit crédible, son témoignage doit être logique et possible dans le contexte de toute la preuve dans son ensemble. L’employeur soumet que la position du fonctionnaire et son témoignage ne se tiennent pas avec le reste de la preuve.

[204] L’employeur a demandé à la Commission de conclure en lien avec les principes jurisprudentiels dans Ayangma c. Conseil du Trésor (ministère de la Santé), 2006 CRTFP 64, au par. 258 et suivants. Les actions du fonctionnaire étaient préméditées; ce n’est pas un cas où il y a eu un manque de jugement spontané. Les gestes posés par le fonctionnaire se sont déroulés sur une période de quatre ans, impliquant plusieurs personnes. Pour ce qui est des accès non autorisés et du furetage, le fonctionnaire n’a pas fourni d’explications, sauf pour dire qu’il ne comprenait pas très bien ses obligations en vertu du Code de valeurs et d’éthique. Le fonctionnaire prétend maintenant mieux comprendre ses obligations et la nécessité de protéger les informations personnelles des contribuables. Dans les cas de fraude, au par. 262 de Ayangma, la Commission soutient que la mesure disciplinaire appropriée est le licenciement. Le fonctionnaire a posé des gestes à caractère frauduleux en se servant de sa position et des connaissances de son poste avec des éléments qui concernent et touchent le cœur des opérations de son employeur. De plus, l’ignorance de la loi n’est pas une défense en soi (voir Mercer c. Administrateur général (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2016 CRTEFP 11, au par. 51).

[205] Dans Brazeau c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2008 CRTFP 62, aux paragraphes 181, 182 et 189, les conflits d’intérêts dans la fonction publique sont considérés comme une infraction grave dans la jurisprudence et peuvent mener au licenciement. Le fonctionnaire a touché une somme monétaire et profité personnellement de sa conduite. Le comportement du fonctionnaire ne constitue pas un incident isolé; les actions reprochées se sont étalées sur plusieurs années. Le licenciement était donc approprié.

[206] L’employeur ne comprend pas le but des communications du fonctionnaire avec le commissaire à l’intégrité du secteur public en 2011 au sujet de l’implication de sa conjointe dans les associations et l’implication de celle-ci dans les demandes de subventions au programme pour aînés. L’employeur ne croit pas que les intentions du fonctionnaire de rapporter sa conjointe s’il y avait malversation dans les demandes de subventions étaient sincères. Il croit plutôt que c’était de la poudre aux yeux de l’employeur pour camoufler son implication dans les demandes de subventions de sa conjointe.

[207] L’employeur m’a renvoyée à la décision Gravelle c. Administrateur général (ministère de la Justice), 2014 CRTFP 61, au par. 90, dans laquelle on a conclu que, même si l’utilisation abusive de l’Internet en contravention avec la politique de l’employeur n’a pas été établie, le licenciement est tout de même justifié. La preuve de M. Koutou à elle seule fait pencher la balance; le fonctionnaire a encaissé de l’argent provenant de chèques de subventions. Le fonctionnaire n’a posé aucune question à M. Koutou par rapport à l’argent encaissé. Cette preuve non contredite à elle seule est suffisante pour justifier le licenciement. L’employeur, dans son analyse, a conclu que le lien de confiance avait irrémédiablement été brisé. Service Canada doit maintenir la confiance du public et ne peut garder un employé qui a posé les gestes que le fonctionnaire a posés. L’employeur soumet que la décision de licencier le fonctionnaire était raisonnable dans les circonstances et il a demandé que le grief soit rejeté.

B. Arguments du fonctionnaire

[208] Selon le fonctionnaire, la Commission doit examiner si les faits allégués ont été prouvés de façon convenable. Dans l’affirmative, la question demeure le caractère raisonnable de la sanction. La charge de cette preuve incombe à l’employeur. Il y a la question de l’équité procédurale en cours d’enquête et le volet des libertés fondamentales prévues par la Charte.

[209] Les valeurs de la Charte n’ont pas été respectées. À travers la preuve présentée, on voit la partialité du décideur. Le fonctionnaire est présumé coupable dès le début de l’enquête. Les valeurs de la Charte sont fondamentales et applicables à tous les citoyens. Le fonctionnaire soumet que ses droits ont été violés, et donc que la décision de le licencier est non valable.

[210] La lettre de licenciement et les pièces G-8, G-9 et G-28 contiennent des allégations de fraude. L’ensemble de la preuve recueillie et détaillée dans le rapport d’enquête avait pour but d’incriminer le fonctionnaire et de le trouver coupable d’avoir participé à de la fraude. Il y a eu excès de pouvoirs. Il n’y avait pas de délégation de pouvoirs aux enquêteurs de procéder à une enquête pour fraude dans le cadre du programme pour les aînés. Les enquêteurs n’avaient pas la compétence et n’avaient pas la délégation de pouvoirs. Tous les témoins de l’employeur ont dit qu’il y avait interdiction d’échanger et de collaborer avec la GRC dans le cadre de l’enquête administrative. Cela est sans équivoque et interdit.

[211] La preuve démontre que l’employeur a sciemment cherché à trouver de l’information pour incriminer le fonctionnaire et partager cette preuve avec la GRC alors qu’il savait qu’il n’avait pas le droit de le faire. La preuve de l’employeur est faible. L’employeur reconnaît que le rapport d’enquête de M. Dussault devrait être écarté, étant donné ses imperfections nombreuses.

[212] Selon le fonctionnaire, l’employeur doit faire la preuve des allégations sur lesquelles repose la décision de licencier le fonctionnaire. Le fonctionnaire a droit de bénéficier de la présomption d’innocence dans notre société moderne. Les informations recueillies devaient être claires, neutres et transparentes. La preuve d’une infraction criminelle dans le cadre d’une procédure civile doit être sérieuse. La preuve que l’employeur a présentée, l’intention dans laquelle cette preuve a été cherchée et retenue, et la motivation derrière la recherche de cette preuve en partenariat avec des enquêteurs administratifs et des enquêteurs de la GRC dans le cadre d’une enquête criminelle ne peuvent pas être utilisées pour rendre une décision sur l’issue de l’emploi du fonctionnaire. La preuve criminelle est teintée et non recevable.

[213] Au moment de prendre la décision de licencier le fonctionnaire, l’employeur n’avait pas les moyens de justifier le licenciement du fonctionnaire et de faire la preuve que le fonctionnaire avait fraudé. L’enquête n’avait pas pour but de faire la collecte des faits et de faire la lumière sur les allégations pour prendre une décision éclairée. C’est tout le contraire. Il s’agissait d’une compilation de faits pour aboutir à un résultat prédéterminé. Le fonctionnaire a demandé que le rapport soit écarté. Un tel rapport ne peut soutenir une décision aussi grave en conséquence. La pièce G-22 suffit à elle-même à invalider le rapport. Le processus dans son ensemble devrait être invalidé.

[214] Malgré tout cela, il est possible que la Commission détermine que le rapport n’est pas recevable, même si la preuve devant la Commission est de novo. Les témoins sont revenus témoigner des mêmes faits énoncés dans le rapport. M. Zonnon et M. Koutou étaient disposés à témoigner contre le fonctionnaire. Le fonctionnaire soumet que leur témoignage n’est pas crédible et non fiable. Ils sont là pour incriminer le fonctionnaire.

[215] Le fonctionnaire a fait des demandes d’accès à l’information. Il n’a pas pu obtenir plusieurs documents. C’est la raison pour laquelle le fonctionnaire a avancé qu’il était difficile de faire la preuve que le licenciement était prédéterminé. Comme je l’ai indiqué dans les paragraphes précédents, à plusieurs moments pendant l’audience j’ai indiqué au fonctionnaire qu’il pouvait présenter une demande de divulgation d’informations ou de documents en tout temps. Le fonctionnaire ne s’est prévalu de ce droit à aucun moment.

[216] Le fonctionnaire allègue que l’employeur était de mauvaise foi dès le début de l’enquête étant donné la force probante de la pièce G-9 au sujet de la rencontre avec la GRC. Selon lui, la pièce G-9 démontre que l’employeur avait obtenu de la GRC une preuve qui pourrait « incriminer » le fonctionnaire. L’employeur n’était pas neutre du tout dans le déroulement de son enquête. Le fonctionnaire soumet toutefois que si on prend pour avéré que les audiences devant la Commission sont des audiences de novo, les témoignages de M. Zonnon et de M. Koutou quant à la participation du fonctionnaire à la fraude ne sont pas fiables; ils ne sont pas crédibles.

[217] Le fonctionnaire est accusé d’avoir envoyé plusieurs courriels contenant des informations privilégiées et d’avoir fait du furetage. Toutefois, l’employeur n’a déposé aucun de ces courriels en preuve pour corroborer cette déclaration.

[218] M. Zonnon a dit qu’il n’avait aucun intérêt personnel de témoigner contre le fonctionnaire. Le fonctionnaire est en désaccord avec cette affirmation. L’aveu de M. Zonnon dans la pièce G-6, qui fait état des conditions de mise en liberté de celui-ci, était en reconnaissance de dettes, des montants de subventions et une condition que le fonctionnaire soit condamné.

[219] L’employeur n’a produit aucune preuve démontrant que le fonctionnaire avait rempli les demandes de subvention. L’employeur allègue que le fonctionnaire a produit de fausses lettres d’appui. L’analyse des fichiers et celle des propriétés des documents produits par M. Zonnon et M. Dussault se contredisent. À la limite, la fabrication de faux documents par M. Zonnon a démontré clairement que c’était dans le but d’incriminer le fonctionnaire.

[220] L’employeur n’a pas fait la preuve que le document du livre de recettes provenait du fonctionnaire ou de son ordinateur. Il y avait une expertise de rapport demandé par l’employeur. Les experts ont effectué le travail minutieux détaillé avec tous les paramètres, avec le résultat que l’extraction n’avait pas permis de conclure et de prendre pour vrai que le document provenait de l’ordinateur du fonctionnaire. Pour ce qui est des lettres fictives de Sophie Desjardins, M. Zonnon a témoigné que le fonctionnaire était l’auteur des deux lettres. Les lettres étaient tellement mal faites, le fonctionnaire sait comment rédiger les lettres. Le fonctionnaire soumet que la preuve démontre que c’est M. Zonnon qui est l’auteur de ces lettres.

[221] M. Koutou et M. Zonnon ont tous les deux dit qu’ils avaient partagé des montants d’argent de subventions avec le fonctionnaire. Toute la crédibilité de M. Zonnon est affectée à cet égard, car le fonctionnaire a témoigné qu’il était à l’extérieur du pays aux dates mentionnées dans la déclaration. Cette erreur est fatale. La Commission ne peut pas se fier à cette déclaration. Cela n’est pas suffisant pour constituer une preuve sur une prépondérance des probabilités.

[222] Le problème de crédibilité avec M. Koutou vient du fait que l’employeur n’a pas présenté la demande de subvention. M. Koutou ne se souvenait pas du moment de cette demande de subvention. M. Koutou a dit avoir partagé deux chèques avec le fonctionnaire. Aucune transaction n’a été démontrée. Ce sont tous des éléments que l’employeur devait démontrer pour faire une preuve sérieuse.

[223] Le fonctionnaire soumet que l’employeur a outrepassé ses pouvoirs d’enquête et qu’il a commis de l’abus pendant l’enquête et le traitement du fonctionnaire dans ses droits et libertés fondamentales. L’employeur savait qu’il ne pouvait pas agir de la sorte. Mme Addison-Roy a informé la haute gestion de toutes ses actions dans l’enquête administrative et de sa collaboration avec la GRC. Elle a reçu des accolades et des félicitations pour ses actions. Le fonctionnaire soumet qu’il est scandaleux pour un employeur de se comporter de la sorte, et que le gouvernement fédéral mène ses enquêtes de la sorte. Il ajoute que cela est scandaleux pour les citoyens canadiens.

[224] Le fonctionnaire m’a renvoyée à la décision Tibbs c. le sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008, au par. 70, au sujet du pouvoir discrétionnaire de l’employeur. Les pouvoirs d’enquêtes doivent être utilisés de bonne foi. Le fonctionnaire plaide un abus de pouvoir et de compétence de l’employeur. Il fait référence à la pièce G-26. L’employeur était de mauvaise foi et malhonnête; il n’avait pas le pouvoir d’enquêter sur le crédit du fonctionnaire. L’enquêteur a demandé de contourner la loi pour effectuer la vérification du crédit du fonctionnaire. Cela équivaut à un abus de pouvoir. La pièce G-31 est la preuve que l’employeur a tenté de trouver des mécanismes pour obtenir de la preuve pour incriminer le fonctionnaire.

[225] Dans la pièce G-10, le fonctionnaire allègue que M. Dussault a mis en place une stratégie flagrante pour obtenir de la preuve contre le fonctionnaire. M. Dussault a demandé à la conjointe de M. Zonnon d’aller à la banque pour reprendre le chèque de subvention impliquant le fonctionnaire et sa conjointe. Cela démontre la mauvaise conscience de l’employeur. Selon le fonctionnaire, l’employeur a fait fi des droits et libertés fondamentales du fonctionnaire. La filature du fonctionnaire en est la preuve. La plainte qui se trouve dans la pièce G-41 avait été accueillie par le commissaire à la vie privée.

[226] Indépendamment du contenu du rapport d’enquête, la façon et l’intention dans lesquelles l’employeur a obtenu la preuve contre le fonctionnaire sont illégales. La décision de M. Lefort et de Mme Bélisle est fondée sur le rapport de M. Dussault. Selon le fonctionnaire, les témoins ont tous été préparés par la GRC; la preuve de l’employeur a été contaminée et est non recevable. L’essentiel du rapport est du ouï-dire. L’employeur avait toute la latitude de faire venir tous les témoins pour prouver les allégations et permettre le contre-interrogatoire de ceux-ci par le fonctionnaire. Le rapport d’enquête ne contient aucune analyse des faits. Il n’y a qu’une compilation de faits. Le rapport ne contient aucune contestation des faits tel que présenté par le fonctionnaire.

[227] L’employeur reproche au fonctionnaire de ne pas avoir présenté suffisamment d’informations. Le fonctionnaire a fait des observations verbales et écrites en supplément des informations partagées avec M. Lefort. M. Lefort n’a pas fait la moindre preuve du traitement qu’il a fait de ces observations verbales et écrites. M. Lefort a indiqué que les observations du fonctionnaire portaient sur des erreurs mineures et qu’il n’en avait pas tenu compte. Le rapport dans son ensemble, l’enquête au complet, toute la preuve et le processus dans son entièreté doivent être écartés.

[228] Le fonctionnaire a consulté le commissaire à l’éthique. Il a dit qu’il n’hésiterait pas à procéder à une dénonciation de sa conjointe s’il s’avérait qu’il y avait malversation dans ses demandes de subventions. L’employeur a refusé de prendre cette preuve en considération.

[229] Au niveau du furetage, le fonctionnaire a admis qu’il pouvait être amené à faire des accès non autorisés des personnes qu’il connaissait. Les informations étaient des informations non privilégiées. Le fonctionnaire ne comprenait pas ses obligations en vertu du Code de conduite et des accès non autorisés. Toutefois, le fonctionnaire comprend maintenant la nécessité de ne pas faire de furetage et des accès non autorisés.

[230] Le fonctionnaire m’a renvoyée à Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA-Canada), 2004 CCRI 290, au par. 76, en ce qui concerne la détermination de l’existence de l’inconduite. Dans le présent cas, l’employeur devait assurer l’équité procédurale. Il y a dans le dossier une crainte de partialité de la part de l’employeur. L’employeur avait l’obligation de se conformer à l’équité procédurale lorsqu’il y a conséquence sur la vie d’une personne. S’il y a preuve d’une crainte raisonnable d’impartialité, la procédure ne peut pas être réparée et la décision doit être annulée.

[231] Dans la pièce G-22, on voit que dès le départ, l’employeur avait un parti pris. On voit l’opinion que l’employeur s’est faite du fonctionnaire dès le départ. Très certainement, Mme Addison-Roy allait recommander le licenciement du fonctionnaire. Elle a privé le fonctionnaire de toutes les règles de procédure de justice naturelle. Elle a même tenté d’influencer tout le monde impliqué.

[232] Les autres infractions liées au furetage, dans leur ensemble, doivent être invalidées pour manque d’équité procédurale. Le licenciement est disproportionnel tenant en considération les allégations de furetage. Le fonctionnaire m’a renvoyée à la décision Mercer, dans laquelle le fonctionnaire s’estimant lésé avait reçu seulement deux jours de suspension pour furetage.

[233] Le fonctionnaire désire être réintégré dans ses fonctions, avec tout le salaire rétroactivement au licenciement. Il souhaite que tous ses droits et pertes soient ajustés, calculés et restitués depuis son départ. Même avec l’audience de novo devant la Commission, à cause de la partialité de l’employeur dans tout le processus, l’audience devant la Commission ne peut remédier à la situation et réparer l’impact sur le fonctionnaire. Le manquement aux droits et libertés du fonctionnaire ne peut être remédié. Le fonctionnaire demande que le licenciement soit annulé et que toutes les mesures correctives prévues dans son grief soient accordées.

C. Réplique de l’employeur aux arguments du fonctionnaire

[234] La jurisprudence soulevée par le fonctionnaire n’est aucunement pertinente aux questions devant la Commission. Les circonstances qui nous concernent est un licenciement, une fin d’emploi pour inconduite dans la fonction publique. Les seules circonstances dans lesquelles cette jurisprudence pourrait être pertinente est si l’impartialité de la Commission est attaquée ou que l’arbitre de grief est accusé de partialité. À aucun moment le fonctionnaire n’a soulevé d’accusation voulant que l’arbitre de grief qui entend la cause aurait fait preuve de partialité. C’est le seul cas où cette jurisprudence pourrait être applicable.

D. Analyse

[235] Je suis d’accord avec le fonctionnaire que la Commission doit étudier la validité du licenciement à la lumière de la preuve présentée devant elle, en tenant compte des contraintes juridiques et factuelles propres au licenciement. Les parties ont correctement avancé que la norme de la preuve applicable est la prépondérance des probabilités, tel qu’il est confirmé dans F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53. Comme la Cour suprême du Canada l’a écrit au par. 49 : « Dans toute affaire civile, le juge du procès doit examiner la preuve pertinente attentivement pour déterminer si, selon toute vraisemblance, le fait allégué a eu lieu. » La Cour énonce le critère au paragraphe 46 comme suit : « [...] la preuve doit toujours être claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités. » Dans le présent cas, il incombait à l’employeur de démontrer que la preuve était « claire et convaincante », que le fonctionnaire a commis des infractions au Code de valeurs et d’éthiques, a fait du furetage dans les bases de données du gouvernement au niveau de l’assurance-emploi et a participé à une fraude au programme pour les aînés.

[236] Le fonctionnaire a mis en doute la qualité de l’enquête effectuée par Mme Addison-Roy, M. Dussault et Mme Brisson. Il avance que, dans la pièce G-22, on voit que, dès le début de l’enquête, l’employeur avait un parti pris. À son avis, l’opinion de l’employeur quant à la culpabilité du fonctionnaire était faite dès le départ. Très certainement, Mme Addison-Roy allait recommander le licenciement du fonctionnaire. Le fonctionnaire avance qu’elle a privé le fonctionnaire de toutes les règles de procédure de justice naturelle dans le cours de l’enquête administrative. Elle a même tenté d’influencer tout le monde impliqué. Le fonctionnaire s’est opposé aux conclusions de faits dans le rapport d’enquête. Il a maintenu que ses témoins ainsi que sa version des faits n’avaient pas été retenus dans le rapport. Le fonctionnaire a soutenu que l’enquête menée par l’employeur était biaisée et que le résultat était pré déterminé. Il reproche à l’employeur d’avoir collaboré avec la GRC dans l’enquête. Il avance qu’il n’a pas eu l’occasion d’obtenir toute la documentation nécessaire pour se défendre. Pour toutes ces raisons, le fonctionnaire avance que le rapport d’enquête devrait être écarté et que, par conséquence, le licenciement devrait être annulé.

[237] Comme il a été mentionné précédemment, les audiences devant un arbitre de grief sont des audiences de novo; tout préjudice ou iniquité causé par un problème de procédure pendant l’enquête administrative est corrigé par l’audition du grief (voir Maas c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 123, au par. 118; Pajic c. Opérations des enquêtes statistiques, 2012 CRTFP 70; Tipple, au par. 2). Toute irrégularité dans l’enquête menée par Mme Addison-Roy, M. Dussault et Mme Brisson entraîne donc des conséquences minimes sur les circonstances entourant le licenciement du fonctionnaire. Le fonctionnaire a eu la possibilité de présenter une défense pleine et entière devant la Commission. J’ai rappelé plusieurs fois au fonctionnaire son droit de demander la divulgation de toutes les informations et de tous les documents qui pourraient être pertinents à son grief. Le fonctionnaire ne s’est pas prévalu de ce droit. Le fonctionnaire n’a fourni aucun détail par rapport aux témoins qu’il voulait convoquer et qu’il a été empêché de convoquer; il a tout simplement choisi de témoigner lui‑même et de convoquer les témoins de l’employeur.

[238] Bien que je partage l’opinion du fonctionnaire à savoir que le rapport est mal écrit et qu’il contient de nombreuses opinions négatives à son égard, le fonctionnaire n’a pas présenté une preuve convaincante voulant que le résultat était prédéterminé ou qu’une preuve à décharge avait été exclue, ou que la GRC était au cœur du rapport. Je rejette la position du fonctionnaire à savoir que l’employeur a sciemment cherché à trouver de l’information pour l’incriminer et partager cette preuve avec la GRC. Il n’y a rien d’inapproprié à ce que M. Bédard communique avec la GRC pour les alerter des faits qu’ils avaient recueillis lors de l’enquête initiale menée par M. Hobeila et M. Guillemette. Il n’y a non plus rien d’inapproprié dans la collaboration et l’échange d’informations entre M. Dussault et Mme Brisson avec les agents d’enquête de la GRC. C’est une enquête administrative dans le cadre d’un licenciement, et non pas une enquête criminelle. L’employeur était parfaitement dans l’exercice de ses droits de collaborer avec la GRC dans le cadre de son enquête administrative. De plus, le fonctionnaire n’a pas réussi à se décharger du fardeau de démontrer qu’il y avait eu excès de pouvoir ou manque de délégation de pouvoir des enquêteurs de l’employeur dans l’enquête pour fraude. Le fonctionnaire n’a présenté aucune jurisprudence à l’appui de sa prétention.

[239] Cependant, je trouve troublant le fait que Mme Addison-Roy aient tenté au moins à deux reprises de trouver une façon d’outrepasser les normes par rapport à une enquête sur le crédit du fonctionnaire dans le but de tenter de révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire. Malgré les efforts de Mme Addison-Roy, la cote de fiabilité du fonctionnaire n’a pas été révoquée et l’employeur a suivi toutes les normes applicables à cet égard. Mme Addison-Roy n’a pas réussi de convaincre les personnes responsables de la cote de fiabilité d’outrepasser les normes de légalité. M. Comeau et M. Jacques ont suivi la politique à la lettre, et tous les droits du fonctionnaire quant à sa cote de fiabilité ont été respectés. Bien que l’employeur ait mené une enquête biaisée et que le comportement de certains de ses enquêteurs était répréhensible, la présente affaire ne les concerne pas. Ce ne sont pas leurs intégrités qui sont remises en question. Ce qui est en litige est le grief du fonctionnaire portant sur son licenciement.

[240] Pour ce qui est de l’argument du fonctionnaire voulant que l’employeur l’aurait filé, je n’en suis pas convaincue. Le fonctionnaire avait été observé chez lui dans le but de se faire signifier une lettre. La prétendue filature n’était pas dans le but de confirmer sa culpabilité face aux allégations portées contre lui, c’était tout simplement pour la signification d’une lettre provenant de son employeur.

[241] Le fonctionnaire soumet que ses droits en vertu de la Charte ont été violés et donc la décision de le licencier est non valable. Le fonctionnaire n’a présenté aucune jurisprudence à l’appui de ses prétentions. Il a tout simplement avancé que ses droits avaient été violés sans fournir de précisions. Le fonctionnaire n’a pas démontré comment la Charte s’applique dans les circonstances de son licenciement. Toute la jurisprudence soumise par le fonctionnaire porte sur des questions d’accusation d’impartialité dans des dossiers de dotation et d’immigration. Les arguments de violation aux droits de la Charte prévue à l’article 7 de la Charte ne s’applique pas dans les circonstances entourant le licenciement du fonctionnaire. L’article 7 de la Charte prévoit ce qui suit :

7 Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.

7 Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice.

 

[242] Les protections prévues à l’article 7 de la Charte se retrouvent sous la rubrique des garanties juridiques et ont traditionnellement été soulevées dans le cas de dossier constitutionnel, pénal et d’immigration. À ma connaissance, elles n’ont jamais été soulevées dans un cas impliquant un licenciement. Il n’existe aucune jurisprudence de la Commission traitant de l’application de l’article 7 de la Charte dans le cadre d’un licenciement. Bien que l’employeur dans ce cas soit Service Canada, un ministère de la fonction publique fédérale, il n’est pas un acteur gouvernemental dans une relation avec un concitoyen. C’est une relation d’un employeur avec un employé syndiqué couvert par une convention collective.

[243] L’article 7 de la Charte comporte une analyse en deux étapes : Existe-t-il une atteinte à l’un des trois intérêts protégés, à savoir la vie, la liberté ou la sécurité de la personne? Cette atteinte a-t-elle été portée en conformité avec les principes de justice fondamentale? Ce second volet peut être scindé en deux étapes, dans lesquelles il est nécessaire : 1) de déterminer le ou les principes de justice fondamentale applicables; 2) de déterminer si l’atteinte a eu lieu conformément à ces principes (R. c. Malmo-Levine, [2003] 3 R.C.S. 571, au par. 83; R. c. White, [1999] 2 R.C.S. 417, au par. 38; R. c. S. (R.J.), [1995] 1 R.C.S. 451, à la page 479).

[244] Il n’existe aucun droit indépendant à la justice fondamentale. Il n’y a donc pas de violation de l’article 7 s’il n’y a pas d’atteinte à la vie, à la liberté ou à la sécurité de la personne (R. c. Pontes, [1995] 3 R.C.S. 44, au par. 47). Puisque le fonctionnaire n’a pas démontré comment il y a eu atteinte à la vie, à la liberté ou à la sécurité de sa personne par un acteur gouvernemental, je ne vais pas poursuivre mon analyse en vertu de cet argument. Je conclus que l’article 7 de la Charte ne s’applique pas dans les circonstances du licenciement du fonctionnaire.

[245] La prépondérance de la preuve présentée par l’employeur a clairement établi que le fonctionnaire avait commis l’inconduite énoncée dans la lettre de licenciement. La preuve était claire et convaincante que le fonctionnaire a commis des infractions au Code de valeurs et d’éthique, a fait du furetage dans les bases de données du gouvernement au niveau de l’assurance-emploi et a participé à une fraude dans le cadre du programme pour les aînés.

[246] Pour les raisons suivantes, je ne trouve pas le fonctionnaire crédible. La règle dans Faryna est habituellement invoquée lorsque des témoignages oraux sont contradictoires. Elle peut également être appliquée pour choisir entre deux versions des mêmes événements, ou encore pour évaluer la crédibilité d’un témoin en général. Comme il est indiqué à la page 357 de Faryna :

[Traduction]

[…]

[…] Il convient d’examiner de manière raisonnable la compatibilité de l’exposé des faits du témoin à la lumière des probabilités se rapportant aux conditions qui existent à l’heure actuelle. Bref, pour déterminer si la version d’un témoin est conforme à la vérité dans de tels cas, il faut déterminer si le témoignage est compatible avec celui qu’une personne sensée et informée, selon la prépondérance des probabilités, reconnaitrait d’emblée comme un témoignage raisonnable, compte tenu des circonstances et de la situation […]

[…]

 

[247] Le témoignage du fonctionnaire n’est pas compatible avec le reste de la preuve dans son ensemble. Le fonctionnaire maintient que toute la preuve de l’employeur a été recueillie et présentée dans le but de l’incriminer. Il soutient que le témoignage de M. Zonnon est non crédible puisque M. Zonnon avait un intérêt personnel à témoigner contre le fonctionnaire étant donné les conditions de mise en liberté qu’il avait négociées. Encore une fois, je note que le fonctionnaire n’a soumis aucune preuve à cet égard et n’a pas questionné M. Zonnon sur ce document.

[248] M. Koutou, M. Zonnon et Mme Tabiou ont tous témoigné de façon claire et convaincante que le fonctionnaire avait participé à de la fraude dans le cadre du programme pour les aînés. Je ne trouve pas crédibles les explications du fonctionnaire voulant qu’il n’avait jamais participé à la rédactions des demandes de subventions ou qu’il n’avait jamais accepté des montants d’argent en lien avec celles-ci. Le témoignage du fonctionnaire voulant qu’il n’avait jamais accepté de montants d’argent de subventions de M. Zonnon car il était à l’extérieur du pays aux dates mentionnées dans la déclaration n’est pas crédible. Le fonctionnaire n’a fourni aucune preuve à l’appui de son témoignage. Je suis d’accord avec l’employeur que, pour être crédible, il ne suffit pas au fonctionnaire de simplement nier les faits et les allégations contre lui.

[249] Selon Faryna, pour qu’un témoignage soit crédible, il doit être logique et possible dans le contexte de toute la preuve dans son ensemble. Le témoignage doit se tenir avec le reste de la preuve. L’entièreté du témoignage du fonctionnaire ne se tient pas avec le reste de la preuve. La preuve a clairement établi que le fonctionnaire était impliqué dans la formulation et les soumissions des demandes de subventions. Selon les témoignages de M. Zonnon, Mme Tabiou et M. Koutou, le fonctionnaire a été impliqué dans la préparation des demandes, dans la fourniture de conseils et d’encouragements et dans l’acceptation de montants d’argent provenant des demandes de subventions approuvées par Service Canada.

[250] La preuve testimoniale et la preuve documentaire établissent l’implication du fonctionnaire dans la création d’organismes écrans dans le but d’obtenir des subventions pour son bénéfice personnel. L’employeur a déposé de la preuve écrite et orale des incidents de fraudes. Parmi les multiples exemples prévus dans le sommaire de la preuve, les exemples suivants sont les plus flagrants :

· Fraude no 1 (7260169) au nom de l’Association au montant de 18 000 $ prouvée par Mme Tabiou et M. Zonnon. M. Zonnon a témoigné que c’est le fonctionnaire qui avait rempli la demande de subvention et fourni les renseignements requis. M. Zonnon a remis un montant de 5 000 $ et un deuxième montant de 2 000 $ ou 3 000 $ au fonctionnaire en guise de paiement pour sa part dans la demande de subvention. M. Zonnon et le fonctionnaire ont tous les deux préparé un faux rapport d’activités, aucune activité n’a eu lieu.

 

· Fraude no 2 (9152208) au nom de l’Association au montant de 24 000 $ prouvée par M. Zonnon et Mme Tabiou. M. Zonnon a confirmé que la lettre d’appui avait été signée par le fonctionnaire. Mme Tabiou a confirmé la participation du fonctionnaire dans la demande subvention. Elle a expliqué en détail les efforts du fonctionnaire de la convaincre de ne pas retourner le chèque. Mme Tabiou a indiqué clairement que le fonctionnaire était toujours présent dans les demandes de subventions de l’Association. M. Zonnon a confirmé que le chèque avait été partagé avec le fonctionnaire et sa conjointe.

 

· Fraude no 3 (8989055) au nom du Club Social de développement au montant de 22 175 $ prouvée par témoignage. Il s’agissait d’une nouvelle organisation créée à la demande du fonctionnaire et l’argent a été séparé entre M. Zonnon, sa conjointe et le fonctionnaire et sa conjointe. M. Zonnon a clairement indiqué qu’ils avaient créé cette nouvelle association dans le but d’empocher les montants de subventions sans aucune intention d’organiser des activités pour les aînés.

 

· Fraude no 4 (9097296) au nom du Club Social de développement au montant de 22 950 $. M. Zonnon a témoigné qu’il s’était partagé l’argent avec le fonctionnaire et sa conjointe.

 

· Fraude no 5 (010319622) au nom du Regroupement des aînés pour le développement social. M. Zonnon a confirmé que le fonctionnaire était le maître d’œuvre de l’organisme et qu’il avait remis de l’argent de la subvention en mains propres au fonctionnaire.

 

· M. Koutou a témoigné de façon claire et convaincante de son implication et de celle du fonctionnaire dans le cadre d’une demande de subvention d’un montant de 21 600 $ et d’un montant de 20 500 $.

 

[251] Les témoignages de M. Zonnon, Mme Tabiou et M. Koutou étaient clairs et sans équivoque. Le fonctionnaire a participé à l’élaboration des plans, à la création de fausses lettres à l’appui des demandes de subventions, et il a été impliqué dans le stratagème pour décevoir Mme Tabiou lorsqu’elle s’objectait au dépôt de fausses photos et de faux rapports pour démontrer à Service Canada que les activités avaient eu lieu en conformité avec les demandes de subventions. Le témoignage de M. Koutou est clair et convaincant à savoir que le fonctionnaire était impliqué dans un stratagème de fraude. Le fonctionnaire et M. Koutou se sont partagés de l’argent provenant de fausses subventions. M. Koutou n’avait rien à gagner à témoigner publiquement de son implication dans la fraude et l’acceptation de l’argent de fausses subventions avec le fonctionnaire. Au contraire, il avait beaucoup à perdre. Bien qu’il y eût certaines contradictions entre les témoignages de M. Zonnon et Mme Tabiou au sujet des dates et ce qu’elle savait ou ce qu’elle avait dit, il n’y avait aucune contradiction et aucun doute que le fonctionnaire était impliqué dans la fraude, soit dans la rédaction des demandes de subventions, la rédaction de fausses lettres d’appui et l’acceptation d’argent de subvention pour son bénéfice personnel.

[252] De plus, je souligne le fait que le fonctionnaire a nié avoir eu connaissance de la demande de subvention de 24 000 $ alors qu’il a tout de même admis s’être déplacé de Montréal à Gatineau pour rencontrer Mme Tabiou afin de la convaincre de procéder avec la demande de subvention et de garder le chèque. Le témoignage du fonctionnaire est contradictoire et non crédible. La preuve dans son entièreté est claire et sans équivoque, le fonctionnaire a touché des sommes monétaires provenant de fausses demandes de subventions et profité personnellement de sa conduite. L’inconduite reprochée va au cœur des fonctions qui lui étaient confiées à Service Canada. Le comportement du fonctionnaire ne constitue pas un incident isolé; les actions reprochées se sont étalées sur plusieurs années. Je suis d’accord avec l’employeur à savoir que les gestes posés par le fonctionnaire étaient prémédités. Ce n’est pas un cas où il y a eu un manque de jugement spontané.

[253] Le fonctionnaire a prétendu qu’il possédait une mauvaise compréhension du Code de valeurs et d’éthique, en ce qui concerne les informations qu’il pouvait divulguer aux personnes concernées par leurs dossiers d’assurance-emploi et son implication dans l’évaluation de la demande de subvention de sa conjointe. Je ne trouve pas son explication crédible. Pendant l’enquête administrative, le fonctionnaire a répondu qu’il n’avait pas été impliqué dans la préparation de documents de subventions pour le programme pour les aînés. La preuve a clairement établi que le fonctionnaire était impliqué dans la présélection du dossier de subvention de sa conjointe. M. Bédard a témoigné de façon convaincante que le fonctionnaire était impliqué dans la présélection de la demande portant le numéro 533187 de sa conjointe en 2007, et son témoignage n’a pas été contredit par le fonctionnaire. Le fonctionnaire a également reconnu qu’il avait lu le Code de valeurs et d’éthique au moment de son embauche et qu’il avait suivi une formation à ce sujet en 2011. Il était donc au courant de la politique sur le furetage et le Code de valeurs et d’éthique. L’opinion du bureau du Commissaire à l’intégrité en 2011, au sujet de l’implication de sa conjointe dans les associations et l’implication de celle-ci dans les demandes de subventions ne confirme pas le témoignage du fonctionnaire à cet égard. Le fonctionnaire a omis d’indiquer, dans sa demande au Commissaire, qu’il avait été impliqué dans la pré-sélection de la demande de sa conjointe. Le Code de valeurs et d’éthique et les règles internes de Service Canada prévoient que les employés qui connaissent un postulant ne doivent pas se saisir de l’évaluation de cette demande et encore plus ne pas être un postulant en arrière-plan.

[254] Cette défense ignore complètement les allégations de fraude faites contre le fonctionnaire ainsi que son implication dans la rédaction des fausses lettres d’appui qui ont été prouvées contre lui. La fraude en soi constitue une violation au Code de valeurs et d’éthique. De plus, par son propre aveu, le fonctionnaire a effectué des accès non autorisés et du furetage dans les bases de données de Service Canada dans des dossiers qui n’étaient pas les siens. Cette inconduite à elle seule justifie le licenciement. La jurisprudence de la Commission est constante à cet égard. La décision Mercer, dans laquelle le fonctionnaire s’estimant lésé avait reçu une suspension de deux jours, n’établit pas que cette mesure disciplinaire est proportionnelle à l’inconduite, mais plutôt que celle-ci n’était pas une mesure excessive justifiant l’intervention de la Commission. La Commission va intervenir pour réduire une mesure disciplinaire seulement dans les circonstances où celle-ci est excessive, et donc non proportionnelle à l’inconduite.

[255] En participant à la fraude avec M. Zonnon et M. Koutou, et en tentant d’influencer Mme Tabiou de participer à la fraude, en faisant des accès non autorisés et du furetage dans les bases de données de Service Canada dans des dossiers de personnes qu’il connaissait mais qui n’étaient pas ses dossiers, le fonctionnaire a violé le Code de valeurs et d’éthique. Le lien de confiance a été irrémédiablement rompu. Le risque de récidive est trop élevé et les gestes et les actes posés par le fonctionnaire sont complètement incompatibles avec les fonctions d’un agent de programmes. Le licenciement était donc approprié dans toutes les circonstances.

[256] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI. Ordonnance

[257] Le grief est rejeté.

Le 26 septembre 2023.

Chantal Homier-Nehmé,

une formation de la Commission

des relations de travail et de

l’emploi dans le secteur public fédéral

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