Décisions de la CRTESPF

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Date: 20231106

Dossiers: 561-02-44574, 44808, 45552 et 47023

 

Référence: 2023 CRTESPF 101

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

michel pothier

plaignant

 

et

 

alliance de la fonction publique du canada

 

défenderesse

 

Répertorié

Pothier c. Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire concernant des plaintes visées à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant : Renaud Paquet, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant : Lui-même

Pour la défenderesse : Marie-Pier Dupont, avocate

Affaire entendue par vidéoconférence

du 4 au 7 juillet, du 16 au 18 août et le 19 septembre 2023.


MOTIFS DE DÉCISION

I. Plaintes devant la Commission

[1] Entre le 22 avril 2022 et le 16 mars 2023, Michel Pothier (le « plaignant ») a déposé quatre plaintes contre l’Alliance de la Fonction publique du Canada (la « défenderesse ») accusant cette dernière de pratiques déloyales au sens de l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »). Le plaignant a allégué que la défenderesse avait manqué à plusieurs reprises à son devoir de représentation équitable, enfreignant ainsi l’article 187 de la Loi.

[2] Le plaignant a été embauché en août 1988 par Ressources naturelles Canada (l’« employeur »). Le 28 mars 2022, il a dit avoir été dans l’obligation de prendre une retraite forcée. La question de la retraite forcée sera abordée plus loin, car il en est question dans l’une des quatre plaintes qui font l’objet du présent cas. Au cours de ses 31 années auprès de l’employeur, le plaignant faisait partie du groupe EG. À partir de 1997, son poste était classifié au groupe et au niveau EG-05. L’acronyme EG désigne le groupe « Soutien technologique et scientifique », qui fait partie du groupe « Services techniques » désigné par l’acronyme TC. La défenderesse est l’agent négociateur du groupe TC.

[3] La section 4 du formulaire de la plainte portant le numéro 561-02-44574 déposée le 22 avril 2022 comprend un court exposé de chaque action, omission ou situation ayant donné lieu à la plainte. À la section 5 du formulaire, le plaignant a déclaré en avoir pris connaissance le 11 avril 2022. La section 4 du formulaire se lit comme suit :

Le 11 avril 2022, j’ai reçu une lettre des avocats du syndicat m’informant que l’AFPC a pris la décision de cesser leur représentation du grief de harcèlement #566-02-39864 et a été confirmé à la commission le 12 et 13 avril 2022. Puisque ce grief implique des articles de la convention collective, le syndicat a l’obligation de me représenter car il m’est interdit de me représenter seul. Le syndicat est complice de l’employeur, etc

[Sic pour l’ensemble de la citation]

 

[4] Je reproduis aussi la section 11 du formulaire de la plainte portant le numéro 561-02-44574, car elle porte sur d’autres situations ayant donné lieu à la plainte. Cette section contient entre autres ce qui suit :

[…]

- Le syndicat a refusé de me représenter au TAT et devant la cour fédérale.

- Le syndicat a refusé de me représenter devant le refus de l’employeur face à son obligation d’adaptation suite à un congé d’invalidité de 3 ans et +.

- J’ai été obligé de prendre une retraite forcée puisque l’employeur acceptait seulement un congé de maladie sans solde de 6 mois. Cela constitut un congédiement déguisé et une sanction pécuniaire.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

 

[5] La section 4 du formulaire de la plainte portant le numéro 561-02-44808 déposée le 20 mai 2022 comprend un court exposé de chaque action, omission ou situation ayant donné lieu à la plainte. À la section 5 du formulaire, le plaignant a déclaré en avoir pris connaissance le 20 mai 2022. La section 4 du formulaire se lit comme suit :

Mme Chapman de l’UCET est responsable de mon grief de description de travail. Cette dernière accorde des délais exagéres à l’employeur au dernier palier de la procédure de grief malgré mon refus tel que mentionné à l’article 8.22 de la convention collective. Le 20 jours est expiré. Elle veut une audition qui serait le 26 mai plus un autre délais pour la réponse. Refus de transférer en arbitrage dans les délais.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

 

[6] La section 4 du formulaire de la plainte portant le numéro 561-02-45552 déposée le 30 août 2022 comprend un court exposé de chaque action, omission ou situation ayant donné lieu à la plainte. À la section 5 du formulaire, le plaignant a déclaré en avoir pris connaissance le 26 août 2022. La section 4 du formulaire se lit comme suit :

J’accuse l’AFPC et ses représentants de harcèlement puisqu’ils ont rabaissé et minimisé mon travail de façon répétitive en plus de ne pas avoir fait respecter mes ententes, avoir accordé des délais sans mon accord de façon exagérée et abusive, avoir été de mauvaise foi et d’une extrême négligence dans la défense de mes droits. L’AFPC refuse sa représentation de mon grief de description de fonctions ce qui va à l’encontre de ses obligations. Il y a eu un manque de diligence extrême du syndicat.

 

[7] La section 4 du formulaire de la plainte portant le numéro 561-02-47023 déposée le 16 mars 2023 comprend un court exposé de chaque action, omission ou situation ayant donné lieu à la plainte. À la section 5 du formulaire, le plaignant a déclaré en avoir pris connaissance le 13 mars 2023. La section 4 du formulaire se lit comme suit :

J’accuse l’AFPC de refuser de me représenter avec mon grief de description de fonctions qui perdure depuis 2004 et qui m’empêche de faire valoir mes droits puisque je ne peux me représenter seul avec un problème lié à ma convention collective. L’AFPC est complice de l’employeur et ne respecte pas ses obligations.

 

[8] Je n’ai pas cru bon de reproduire la section 11 des formulaires des plaintes portant les numéros 561‑02‑44808, 561-02-45552 et 561-02-47023, comme je l’ai fait pour la plainte portant le numéro 561‑02‑44574, car la section 11 de ces plaintes ne porte pas sur d’autres situations ou des situations nouvelles dont il n’est pas question dans la section 4 du formulaire.

II. Résumé de la preuve soumise par le plaignant

[9] Je ne reprendrai pas ici, ni même tenterai de le résumer, le contenu des milliers de pages des documents présentés par le plaignant au cours des quatre jours de son témoignage. Une bonne partie de ce qu’il a présenté dépasse largement les allégations contenues dans les plaintes ou est clairement antérieur au délai de 90 jours prévu au paragraphe 190(2) de la Loi. Néanmoins, lors de l’audience, j’ai laissé beaucoup de latitude au plaignant, tout en lui rappelant plus d’une fois le contenu de ses plaintes et sur quoi elles portaient, ainsi que l’existence du délai de 90 jours prévu par la Loi.

[10] La plus grande partie des éléments de la preuve testimoniale et documentaire soumise par le plaignant ne vise pas la défenderesse, mais plutôt l’employeur, que le plaignant blâme pour l’avoir traité injustement pendant des années en ne reconnaissant pas la valeur de son travail, en ne lui fournissant pas une description de travail qui reflétait ses tâches, en le rabaissant, en le harcelant et en le forçant ultimement à prendre sa retraite. Quant à la défenderesse, elle aurait manqué à son devoir de représentation équitable en ne représentant pas le plaignant comme elle aurait dû le faire. La défenderesse a présenté des éléments de preuve selon lesquels elle est d’avis qu’elle n’a pas manqué à son devoir de présentation équitable. Cependant, l’employeur n’a pas demandé le statut d’intervenant. Je n’ai pas sa version des faits quant aux multiples blâmes que le plaignant lui a adressés.

[11] Le plaignant m’a demandé d’accepter en preuve les enregistrements audios d’une audience de plusieurs jours qu’il a eue au Tribunal administratif du travail du Québec (TAT) en relation avec une demande d’indemnisation pour accidents de travail qui lui avait été refusée. Cette audience n’était pas encore terminée au moment d’écrire la présente décision. Le plaignant a soutenu que ces enregistrements contenaient des témoignages de représentants de l’employeur qui admettaient que le plaignant faisait certaines tâches de conception et développement, ce que l’employeur avait jusque-là nié. En réponse à ma question, le plaignant a admis que la défenderesse n’avait pas eu accès à ces enregistrements avant de prendre des décisions concernant le refus de représenter ses griefs à l’arbitrage.

[12] J’ai refusé d’accepter ces enregistrements en preuve pour deux raisons. Premièrement, il est impossible que la défenderesse ait pu baser ses décisions de représentation sur des éléments dont elle ne connaissait pas l’existence. Ces éléments ne sont donc pas pertinents pour évaluer si la défenderesse a manqué à son devoir de représentation équitable. Deuxièmement, les déclarations de ces représentants de l’employeur ne peuvent pas être examinées et faire l’objet d’un questionnement, car ces derniers n’ont pas été appelés comme témoins.

A. Résumé des éléments contextuels présentés par le plaignant

[13] Lors de son embauche en 1988, le plaignant a été affecté à un poste de groupe et de niveau EG-02. Plus tard la même année, il a été promu au groupe et au niveau EG-03 après avoir complété une période initiale de formation.

[14] En mai 1995, le plaignant a été nommé sur une base intérimaire à un poste de groupe et de niveau EG-05, soit un poste d’agent principal de projet. Selon le plaignant, le poste consistait à corriger, améliorer et développer des composantes logicielles dans le domaine des données géographiques ou cartographiques. Puis, en 1997, le plaignant a été nommé pour une durée indéterminée à ce poste. Le profil du poste particulier que le plaignant occupait visait des fonctions de « support et développement ». Par contre, l’employeur n’a jamais ajusté la description de travail du plaignant pour refléter ces fonctions. Cette description de travail visait plutôt des fonctions de « soutien ». Depuis lors, le plaignant n’a jamais cessé de demander des changements dans sa description de travail et dans la classification de son poste. Selon le plaignant, les tâches du poste de « support et développement » ne sont pas des tâches du groupe et du niveau EG‑05, mais plutôt des tâches de programmeur analyste du groupe CS, maintenant appelé le groupe IT (Technologies de l’information), ou encore des tâches du sous-groupe EN-SUR (Engineer-Survey).

[15] Le plaignant a soumis une documentation abondante pour appuyer ses dires. Sans remettre en question la position du plaignant, je rappelle que l’employeur n’est pas intervenu lors de l’audience pour présenter sa position. Je n’ai donc ici que la position du plaignant. Pour la plupart, les documents soumis portent sur la conception et le développement d’outils informatiques ou de programmation liés à la cartographie ou à des applications s’y rattachant. Ces documents sont datés de 2001 à 2017. Ces outils informatiques ont été conçus ou produits à l’époque par une équipe de deux ou trois personnes dont faisait partie le plaignant ou par le plaignant seul.

[16] Le plaignant a aussi soumis les normes de classification des groupes EG, CS (IT) et EN-SUR. Il est clair pour lui que le travail de conception et de développement est spécifiquement exclu de la norme de classification EG et que ce travail appartient plutôt au groupe CS (IT) ou au groupe EN-SUR. La preuve soumise par le plaignant est assez convaincante, mais je rappelle que, sur ce point, je n’ai pas la version de l’employeur.

[17] Le 24 février 2004, le plaignant a déposé un grief demandant un exposé complet et à jour de ses fonctions. Le 7 avril 2004, le plaignant a déposé un autre grief accusant cette fois l’employeur d’intimidation, de harcèlement et de représailles à la suite du dépôt du grief du 24 février 2004. Dans le cadre d’une entente avec l’employeur visant le règlement de ses griefs, le plaignant a obtenu un congé payé d’études de deux ans à partir de janvier 2007 afin de compléter un baccalauréat en informatique. En contrepartie, il a accepté de retirer ses griefs.

[18] Le plaignant a terminé son baccalauréat en informatique en juillet 2009. Entre-temps, il a déposé de nouveaux griefs, dont un grief portant sur sa description de travail, parce qu’il était d’avis que l’employeur n’avait pas respecté ses engagements. La défenderesse a renvoyé ces nouveaux griefs à l’arbitrage en septembre 2009. Le plaignant a ensuite blâmé l’employeur de ne pas lui avoir offert un poste de niveau supérieur, soit comme EN-SUR ou comme CS, à la fin de ses études. En 2010, le plaignant a postulé sans succès à des postes de groupe et de niveau EN‑SUR‑02 et EN-SUR-03. Au cours de cette période, il a continué à faire des tâches qui, selon lui, ne correspondaient pas à sa description de travail.

[19] Le 17 juin 2010, le plaignant a rencontré son médecin de famille, qui l’a « retiré » du travail pour une durée indéterminée. Le plaignant a alors présenté une demande à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail du Québec. Puis, le 27 septembre 2010, il est retourné au travail de façon progressive. Selon le plaignant, le retour au travail ne s’est pas tellement bien passé. Lors de son évaluation du rendement, il s’est senti persécuté. Le conflit s’est envenimé de sorte qu’en août 2011, le plaignant aurait dit ce qui suit à l’employeur : « On ne sait jamais ce qui pourrait arriver dans un contexte de conflit. » L’employeur aurait alors exigé que le plaignant quitte le travail. Il l’aurait placé en congé payé et il aurait exigé qu’il rencontre un psychiatre de Santé Canada.

[20] Cette rencontre a eu lieu le 10 janvier 2012. Dans son rapport du 29 février 2012, le psychiatre de Santé Canada a conclu que le plaignant était inapte au travail et qu’il souffrait d’un délire de persécution. Puis, en juillet 2012, la défenderesse a accepté de payer pour une contre-expertise médicale. Le psychiatre qui a fait la contre-expertise a conclu que le plaignant ne souffrait d’aucun délire de persécution et qu’il était apte au travail. Le 5 août 2013, le plaignant est retourné au travail de façon progressive.

[21] Le grief de description de travail du plaignant qui avait été renvoyé à l’arbitrage en 2009 a été entendu en mars 2014. Les parties ont alors conclu une entente pour ajouter deux énoncés aux activités principales du plaignant. L’entente prévoyait que l’employeur amenderait par la suite le reste de la description de travail pour tenir compte de l’impact de ces deux énoncés sur les connaissances requises, les responsabilités et les efforts. Or, selon le plaignant, l’employeur n’a pas fait ce qu’il devait faire et rien n’a été changé dans la description de travail, hormis les deux énoncés. La description de travail a ensuite été envoyée à la section de la classification qui a déterminé, en juin 2014, que le poste était correctement classifié au groupe et au niveau EG-05. Le 10 juin 2014, la défenderesse aurait retiré le grief de description de travail du plaignant et déposé en son nom un grief pour contester la classification de son poste. Le plaignant n’était pas d’accord avec cette façon de faire.

[22] En décembre 2014, le plaignant a participé à une session de formation sur la classification donnée par la défenderesse. Dès lors, il a dit avoir réalisé que les tâches de support et de développement de logiciels étaient exclues de la norme de classification EG et que l’employeur avait agi de mauvaise foi et abusé de son pouvoir depuis 1995 lorsqu’il a ajouté le profil « support » aux postes de groupe et de niveau EG-05, ces postes exigeant des activités de conception et développement contrairement à la norme de classification EG.

[23] En 2017, il y a eu plusieurs échanges entre le plaignant et les représentants de la défenderesse responsables de la représentation en matière de classification. Lors d’un de ces échanges, le plaignant a accepté la suggestion de la défenderesse de demander que soit fait un examen de validation d’emploi de son poste. Subséquemment, en faisant des recherches sur le sujet, le plaignant a dit avoir alors constaté la mauvaise foi et l’abus de pouvoir, à la fois de l’employeur et de la défenderesse, car selon lui, cette validation aurait dû avoir été faite dès 1995.

[24] La validation d’emploi a été faite par un consultant embauché par l’employeur. Dans son rapport daté du 18 octobre 2017, le consultant a conclu que la description de travail du plaignant ne correspondait pas à ses tâches. Le 31 octobre 2017, le plaignant a accepté qu’une nouvelle description de travail soit rédigée par le consultant.

[25] Le rapport du 18 octobre 2017 contenait des commentaires de l’employeur qui, selon le plaignant, minimisaient et rabaissaient son travail. Le 19 octobre 2017, le plaignant a demandé à l’employeur de retirer les commentaires en question à défaut de quoi il déposerait une plainte de harcèlement. Comme l’employeur n’avait pas retiré ses commentaires le 30 octobre 2017, le plaignant a avisé les représentants locaux de la défenderesse qu’il voulait déposer ladite plainte. Un grief de harcèlement contre l’employeur fut déposé le 21 novembre 2017. Puis, le plaignant a aussi déposé une plainte de harcèlement le 30 novembre 2017 dans le but que soit tenue une enquête externe pour violence en milieu de travail.

[26] Le 31 janvier 2018, le plaignant a reçu une première ébauche de la nouvelle description de travail rédigée par le consultant. Le lendemain, le plaignant a informé la défenderesse qu’il n’était pas d’accord avec cette ébauche d’une nouvelle description de travail. Le 7 février 2018, il a fait part à l’employeur de ses préoccupations. Puis, en mai 2018, le plaignant a discuté avec une représentante du bureau national de la défenderesse pour lui faire part de ce qui n’allait pas avec cette ébauche de description de travail. Cette dernière lui aurait alors dit que cela était mal vu de défendre un membre du syndicat qui revendique un groupe professionnel représenté par un autre agent négociateur. Elle aurait aussi formulé ce commentaire à un représentant local de la défenderesse qui est un collègue de travail du plaignant. Ce collègue a d’ailleurs confirmé cette information par courriel au plaignant. Ce courriel a été déposé en preuve.

[27] En octobre 2018, le plaignant a reçu son rapport d’évaluation du rendement dont le contenu lui semblait incorrect. Le 15 octobre 2018, il a déposé un grief pour contester le rapport. Selon lui, l’employeur et le syndicat ont « ignoré » son grief.

[28] En novembre 2018, le plaignant a informé l’employeur qu’il refuserait toute nouvelle tâche aussi longtemps que sa description de travail ne serait pas adéquate et que ses griefs ne seraient pas réglés. L’employeur aurait répondu au plaignant que ce dernier avait reçu une nouvelle description de travail le 31 janvier 2018 et que les tâches qu’il lui demandait d’effectuer étaient incluses dans cette description de travail. Il aurait ajouté que le refus du plaignant serait considéré comme de l’insubordination pouvant mener au congédiement. Le plaignant aurait répondu à l’employeur de cesser de le harceler, de le menacer et de l’intimider. Il aurait ajouté ce qui suit : « […] avant que cela dégénère et que quelque chose de grave se produise. »

[29] À la suite de ces derniers propos du plaignant, l’employeur l’a renvoyé chez lui et lui a accordé un congé payé pour « autre raison ». L’employeur a demandé au plaignant de consulter son médecin pour une évaluation d’aptitude au travail. Le médecin aurait refusé de faire cette évaluation. L’évaluation en question a plutôt été faite par Santé Canada qui, le 12 avril 2019, a déclaré que le plaignant était inapte au travail. L’employeur a alors informé le plaignant qu’il devait prendre sa retraite ou démissionner avant le 10 mai 2019, sans quoi il serait congédié. Le plaignant a alors décidé de présenter une demande d‘assurance invalidité qui fut acceptée. Le 16 juillet 2019, l’employeur a informé le plaignant que l’ultimatum du 10 mai 2019 était reporté puisque sa demande d’assurance invalidité avait été acceptée.

[30] L’enquête sur la plainte de harcèlement qui avait été déposée par le plaignant a eu lieu à partir de juillet 2019. Elle fut menée par une firme de consultants externe à l’employeur qui a produit son rapport d’enquête le 15 octobre 2019. L’enquêteur de la firme a conclu qu’il n’y avait pas eu de harcèlement contre le plaignant. Selon ce dernier, l’enquêteur n’a pas été impartial et il a été de connivence avec l’employeur en ne respectant pas le guide sur les enquêtes de harcèlement.

[31] En mars 2021, le plaignant recevait toujours des prestations de l’assurance invalidité. L’assureur lui a alors indiqué que ses prestations continueraient, car il était pour l’instant toujours incapable d’accomplir les tâches de quelque profession ou emploi. En août 2021, l’employeur a avisé le plaignant que Santé Canada était alors dans l’impossibilité de faire des évaluations médicales et qu’une évaluation médicale indépendante serait plutôt proposée.

[32] L’évaluation en question a été faite en octobre 2021 par la firme CompreMed. Cette firme a produit son rapport le 4 janvier 2022. Le médecin ayant évalué le plaignant a conclu que ce dernier souffrait d’une condition qui exigeait des instructions et des attentes très concises et claires. Le médecin a aussi conclu que le fait que sa description de travail ne soit pas exacte lui causait du stress et de l’anxiété et que la situation pourrait être résolue si ses responsabilités étaient limitées à sa description de travail.

[33] Le 26 janvier 2022, l’assureur a avisé le plaignant qu’il mettait fin à ses prestations d’assurance invalidité à la suite du rapport fourni par CompreMed.

[34] Le 5 février 2022, la défenderesse a accepté de déposer un nouveau grief pour contester la description de travail du 31 janvier 2018 qui n’a jamais été finalisée par l’employeur.

[35] Le 23 février 2022, le plaignant a rencontré l’employeur en présence d’un représentant de la défenderesse afin de discuter de son retour au travail. Selon le plaignant, l’employeur aurait alors maintenu sa position à savoir qu’une nouvelle description de travail adéquate avait été fournie au plaignant en janvier 2018. Ce dernier a alors informé l’employeur qu’il ne retournerait pas au travail tant que le problème de sa description de travail et de la classification de son poste ne serait pas résolu. Il est important d’ajouter que la documentation déposée en preuve démontre sans équivoque que lors de la réunion du 23 février 2022, l’employeur a offert au plaignant de retourner au travail dans un nouveau poste de groupe et de niveau EG-05 avec des objectifs de travail clairs et précis.

[36] Le 6 mars 2022, le plaignant a demandé à l’employeur de prendre les congés annuels qui lui restaient. L’employeur a accepté cette demande, de sorte que le plaignant a été en congé annuel jusqu’au 29 mars 2022, avec une date de retour au travail prévue pour le 30 mars 2022.

[37] Le 10 mars 2022, le plaignant a demandé à l’employeur comme mesure d’adaptation de bénéficier d’un congé payé à compter du 30 mars 2022 le temps de corriger le problème lié à sa description de travail et à la classification de son poste et jusqu’à la fin des mesures judiciaires qu’il avait entreprises. L’employeur a refusé cette demande et a plutôt offert au plaignant un congé de maladie sans solde pour une période de six mois.

[38] Le 28 mars 2022, le plaignant a informé l’employeur qu’il était dans l’obligation de prendre une retraite forcée, car il ne pouvait pas se permettre d’être en congé de maladie non payé pour six mois. Puis, le plaignant a déposé un grief sans l’appui de la défenderesse pour manquement à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation, congédiement déguisé et sanction pécuniaire.

B. Résumé de la preuve du plaignant directement reliée à la plainte portant le numéro 561-02-44574

[39] Le 11 avril 2022, l’avocate de la défenderesse a avisé le plaignant qu’elle ne représentait plus à l’arbitrage son grief de harcèlement contre l’employeur déposé le 21 novembre 2017. Dans ce grief, le plaignant prétendait que certains représentants de l’employeur l’avaient harcelé. Il blâmait aussi l’employeur d’inaction depuis 1995 dans le suivi de son dossier de classification.

[40] En octobre 2017, le plaignant avait aussi déposé une plainte de harcèlement contre l’employeur. Il prétendait alors que l’employeur le diminuait, le rabaissait et l’humiliait depuis le dépôt de ses griefs de description de travail. Il prétendait aussi que l’employeur refusait de reconnaître son travail.

[41] Le plaignant avait aussi déposé un grief en 2018 pour contester son rapport d’évaluation du rendement dans lequel l’employeur l’aurait rabaissé et aurait minimisé la valeur de son travail, contribuant au harcèlement subi. Aussi en 2018, le plaignant avait déposé une plainte de dotation à la suite d’un concours visant à combler un poste de EN-SUR-02 qu’il n’a pas obtenu. Il a prétendu avoir alors subi des représailles en lien avec le dépôt de ses griefs de description de travail.

[42] Le grief de harcèlement du plaignant était censé être entendu par la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») du 24 au 26 mai 2022. En guise de préparation, l’avocate dont les services furent retenus par la défenderesse pour représenter le plaignant l’a convoqué pour une rencontre d’une heure par vidéoconférence pour discuter de son dossier. Le plaignant l’a cependant avisée qu’il fallait « prévoir beaucoup de temps pour passer à travers tous les points à discuter ».

[43] Le 11 avril 2022, l’avocate de la défenderesse a informé le plaignant du retrait de l’appui de la défenderesse à son grief de harcèlement.

[44] Le 28 mars 2022, le plaignant a informé l’employeur qu’il prenait une retraite forcée. Le même jour, il a déposé un grief pour manquement à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation, congédiement déguisé et sanction pécuniaire. L’employeur a rejeté ce grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs le 25 mai 2022. Dans sa réponse, l’employeur a fait mention que le plaignant se représentait lui-même sans l’appui de la défenderesse sur ce qui empêchait, selon l’employeur, l’application de la clause contre la discrimination de la convention collective applicable. Le 27 mai 2022, le plaignant a renvoyé son grief à l’arbitrage. La Commission n’a pas encore fixé les dates d’audience du grief.

[45] Le 28 mars 2022, la défenderesse a écrit au plaignant, l’informant que les arbitres de grief n’ont pas la compétence pour entendre un grief de démission. Elle l’a aussi informé qu’elle ne croyait pas qu’il était possible de faire valoir un argument selon lequel l’employeur avait manqué à son devoir de prendre des mesures d’adaptation envers le plaignant.

C. Résumé de la preuve du plaignant directement reliée à la plainte portant le numéro 561-02-44808

[46] Dans cette plainte, le plaignant blâme la défenderesse pour avoir accordé des délais à l’employeur au dernier palier de la procédure de règlement des griefs malgré son refus que de tels délais soient accordés.

[47] Le 20 avril 2022, le plaignant a écrit à une représentante de la défenderesse lui faisant part qu’il comprenait qu’elle avait accordé une prolongation de délai à l’employeur pour répondre à son grief de description de travail, afin que ce dernier ait le temps d’évaluer la classification de la description de travail. Le plaignant a alors demandé à la représentante de la défenderesse d’annuler le délai accordé, car l’employeur semblait vouloir évaluer la description de travail de janvier 2018. Le plaignant avait déjà maintes fois exprimé son désaccord avec cette description de travail. En refusant d’accorder à l’employeur le délai en question, le plaignant voulait se rendre le plus rapidement possible en arbitrage.

[48] En appui à sa plainte, le plaignant a soumis en preuve une lettre de la défenderesse datée du 20 avril 2022 l’informant qu’elle devait fermer le dossier de son grief de classification, car il avait été soumis en dehors des délais prescrits. Selon la défenderesse, la décision de classification avait été rendue le 2 mai 2014 et le grief de classification avait été déposé le 25 juin 2014, soit 19 jours après le délai prescrit de 35 jours. Le plaignant a plutôt prétendu avoir reçu les explications de l’employeur le 3 juin 2014 et avoir soumis sont grief signé le 10 juin 2014. Il a aussi remis en question le fait que cela ait pris huit ans avant que l’employeur l’informe de sa décision de rejeter son grief sur la base des délais non respectés, et qu’entre temps, la défenderesse n’ait rien fait.

D. Résumé de la preuve du plaignant directement reliée à la plainte portant le numéro 561-02-45552

[49] Cette plainte comporte plusieurs facettes. Afin d’éviter les redondances, je me limiterai ici à l'allégation selon laquelle la défenderesse a harcelé le plaignant en rabaissant et minimisant son travail de façon répétitive en plus de ne pas avoir fait respecter les ententes conclues avec l’employeur. Les autres facettes de cette plainte font déjà l’objet des autres plaintes dont il est question ici dans la présente décision.

[50] Le plaignant a soumis un courriel daté du 26 août 2022 dans lequel il affirme que Jean-Rodrigue Yoboua, un représentant de la défenderesse, a essayé de minimiser et de rabaisser son travail comme l’employeur et la défenderesse le font depuis plusieurs années en prétendant que ses tâches sont de groupe et de niveau EG-05. Le plaignant a demandé à M. Yoboua de cesser de rabaisser et de minimiser son travail et de faire son travail qui consiste à le représenter.

[51] Le plaignant a aussi soumis deux ententes ayant été conclues à la suite de la médiation de griefs soumis à l’arbitrage. La première date de 2006 et la seconde de 2014. Le plaignant a soutenu que ces ententes n’ont que partiellement été respectées et il en rejette le blâme sur l’employeur et la défenderesse.

E. Résumé de la preuve du plaignant directement reliée à la plainte portant le numéro 561-02-47023

[52] Dans cette plainte datée du 16 mars 2023, le plaignant blâme la défenderesse pour avoir refusé de représenter son grief de description de travail déposé le 27 janvier 2022. Au départ, le représentant local de la défenderesse avait appuyé le dépôt du grief. La défenderesse a représenté le plaignant au deuxième et au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. L’employeur a rejeté le grief au palier final, autant sur le fond que sur la question du délai de 25 jours pour déposer un grief.

[53] La défenderesse a renvoyé le grief à l’arbitrage en précisant au plaignant ses réticences à le faire, compte tenu entre autres de la question du délai soulevé par l’employeur. La défenderesse a informé le plaignant le 8 mars 2023 qu’elle retirait son appui au grief, car elle avait obtenu le rapport de classification de la description de travail du plaignant en vigueur depuis le 31 janvier 2018. La défenderesse a fourni au plaignant la documentation reçue de l’employeur.

[54] La défenderesse a aussi informé le plaignant qu’il avait 35 jours pour déposer un grief de classification. Le plaignant a déposé un tel grief le 14 mars 2023. Toutefois, il s’est dit conscient des limites d’un grief qui porte sur une description de travail qui ne reflète pas les tâches qu’il effectuait.

III. Résumé de la preuve soumise par la défenderesse

A. Le témoignage de Mme Chapman

[55] La défenderesse a déposé en preuve 38 documents. Elle a aussi appelé comme témoins Marie-Claude Chapman, Andrew Beck et Jean-Rodrigue Yoboua. Lors des faits sur lesquels portent leur témoignage, Mme Chapman était agente de relations de travail avec le Syndicat des Ressources naturelles, puis avec l’Union canadienne des employés des transports, deux éléments de la défenderesse qui ont fusionnés en 2017. Mme Chapman offrait des services de représentation aux paliers supérieurs de la procédure de règlement des griefs aux employés de Ressources naturelles Canada, dont faisait partie le plaignant. M. Beck était gestionnaire de cas dans la section de représentation de la défenderesse. À ce titre, il devait analyser les dossiers de griefs à l’étape du renvoi à l’arbitrage et recommander si les dossiers devaient aller de l’avant selon plusieurs critères, dont les chances de succès du grief. M. Yoboua était agent de griefs à l’arbitrage pour la défenderesse. À ce titre, il était attitré aux griefs de classification et de description de tâches. Il évaluait les dossiers et décidait d’aller de l’avant selon les chances de succès des griefs. Il assurait lui-même la représentation ou recommandait de confier cette tâche à un avocat de l’externe.

[56] Mme Chapman a témoigné que son implication avec le plaignant a débuté en 2018 au sujet d’un grief de harcèlement déposé par le plaignant. Ce dernier voulait une audition au troisième palier le plus tôt possible. Mme Chapman lui a répondu qu’elle ne pouvait pas procéder rapidement, car elle avait plusieurs dossiers et qu’elle ne pouvait pas se préparer adéquatement dans un court délai. Le plaignant aurait alors insisté pour avoir une audition rapidement. Mme Chapman lui a alors offert de l’accompagner, mais qu’elle ne pourrait pas faire une représentation « proprement dit ». Elle a déposé en preuve un échange de courriels avec le plaignant faisant état de leur désaccord sur la façon de procéder avec le grief.

[57] L’employeur a rejeté le grief de harcèlement au dernier palier le 5 décembre 2018. À la suite du rejet, Mme Chapman a transmis le grief à la défenderesse pour qu’il soit renvoyé à l’arbitrage. Puis, en mars ou avril 2022, on lui a demandé de participer à une rencontre avec la firme d’avocats qui représentait le plaignant. Mme Chapman a participé à cette rencontre, mais elle a dit n’avoir aucunement participé à la décision ultérieure de la défenderesse de retirer son appui au grief en arbitrage.

[58] Le plaignant a déposé un nouveau grief de description de travail le 5 février 2022. Il a demandé à Mme Chapman le 8 février 2022 que ce grief soit renvoyé directement à l’arbitrage. Cette dernière lui a répondu le jour même que le grief devait au moins être présenté au palier final avant d’être renvoyé à l’arbitrage. L’employeur a finalement accepté de passer le premier palier, mais pas le deuxième. L’audition au deuxième palier a eu lieu le 16 mars 2022 et l’employeur a rendu sa décision le 11 avril 2022. Dans cette réponse, il a indiqué qu’il soumettrait la description de travail du 31 janvier 2018 au groupe de classification pour une évaluation. Le 20 avril 2022, Mme Chapman a transmis le grief au palier final. Elle a alors demandé à l’employeur que les délais soient mis en suspens en attendant la revue de la classification. Puis, le 26 avril 2022, Mme Chapman a demandé à l’employeur que l’audition au palier final soit fixée.

[59] Le 4 mai 2022, Mme Chapman a demandé au plaignant s’il était disponible pour une audition au palier final le 17 mai 2022. Il lui a répondu qu’il était disponible, mais que cette audition était complètement inutile. Il a écrit qu’il connaissait déjà la réponse de l’employeur et que toute façon il contestait la description de travail de janvier 2018 qui ne reflétait pas le travail qu’il faisait. Il a aussi rappelé à Mme Chapman le délai de 20 jours pour répondre à un grief au palier final. Il lui a fait part du fait qu’il refusait catégoriquement que Mme Chapman accorde un délai à l’employeur. Mme Chapman lui a répondu qu’elle n’était pas d’accord avec sa position et qu’il y avait un minimum de collaboration à offrir à l’employeur. Le plaignant a exprimé son désaccord avec cette position et a rappelé le libellé de la convention collective entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada pour le groupe Services techniques (date d’expiration le 21 juin 2018; la « convention collective »). Selon lui, Mme Chapman ne pouvait pas accorder une prorogation sans son accord, ce qu’il refusait de donner. Il lui a demandé de renvoyer le grief à l’arbitrage au plus tard le 19 mai 2022. En fin de compte, Mme Chapman a accordé une prorogation de délai à l’employeur. L’audition de grief a eu lieu le 26 mai 2022 et l’employeur a rendu sa réponse le 23 juin 2022, rejetant le grief.

[60] Selon Mme Chapman, l’approbation d’un employé qui dépose un grief n’est pas requise pour accorder des prorogations de délai à l’employeur, particulièrement pour un grief qui concerne l’interprétation de la convention collective. Elle a témoigné que c’est une pratique courante pour le syndicat d’accorder des prorogations de délai au palier final. Parfois, c’est le syndicat qui demande des prorogations de délai à l’employeur pour les dates d’audition au palier final et ce dernier accepte les demandes du syndicat. Mme Chapman a témoigné que c’est d’ailleurs très rare que les griefs au palier final soient entendus dans les délais prévus à la convention collective. Des prorogations sont demandées par une partie et l’autre les accorde. Mme Chapman a aussi témoigné que généralement elle ne demande pas l’autorisation de la personne qui a déposé un grief avant d’accorder une prorogation de délai au palier final.

[61] Mme Chapman a participé le 23 février 2022 à une rencontre entre l’employeur et le plaignant au sujet de son retour prochain au travail. Au cours de cette rencontre, l’employeur a informé le plaignant qu’il serait affecté dans un poste de groupe et de niveau EG-05 avec une description de travail claire. Ce poste serait un autre poste que celui qu’il occupait. Selon Mme Chapman, le plaignant a refusé catégoriquement de discuter des détails de cette nouvelle affectation, car cela ne réglait en rien ses griefs de description de travail et ses plaintes. Mme Chapman a demandé de mettre fin à la rencontre, car elle voulait discuter seule avec le plaignant. Elle a par la suite discuté avec le plaignant et lui a dit suggéré de collaborer aux mesures d’adaptation offertes par l’employeur.

[62] Mme Chapman a indiqué au plaignant que ce ne serait pas une bonne solution pour lui de prendre sa retraite, puis de déposer un grief selon lequel cette retraite était un congédiement déguisé. Le 4 mars 2022, dans un long courriel déposé en preuve, elle lui a expliqué sa position et lui a déconseillé d’agir ainsi compte tenu des minces chances d’obtenir gain de cause sur un tel grief. Elle lui a dit que le syndicat n’appuierait pas ce grief. Elle lui a également suggéré de ne pas démissionner.

[63] Le 29 mars 2022, Mme Chapman a écrit à M. Beck pour le tenir au courant des développements dans le dossier du plaignant et pour l’informer que ce dernier allait démissionner en date du 30 mars 2022 et qu’il allait déposer un grief de congédiement déguisé.

B. Le témoignage de M. Beck

[64] Sur la base d’une analyse faite par une firme d’avocats de l’externe, M. Beck a recommandé à sa supérieure que la défenderesse ne représente pas le grief de harcèlement du plaignant en arbitrage.

[65] M. Beck a expliqué qu’il arrivait que la défenderesse confie à des firmes externes le mandat d’analyser des dossiers de grief. Ce fut le cas pour le dossier du grief de harcèlement du plaignant, car la défenderesse était alors à court de personnel. Le mandat de la firme était d’examiner le bien-fondé du grief et de voir s’il était dans l’intérêt de la défenderesse d’aller de l’avant avec le grief.

[66] Le 11 avril 2022, la firme d’avocats a écrit ce qui suit au plaignant :

[…]

Nous avons maintenant effectué un examen minutieux de tous les documents que vous nous avez fournis à l’heure actuelle et avisé l’AFPC des chances de succès pour votre grief. À la lumière de votre retraite, et après un examen détaillé de votre dossier, l’AFPC est d’avis que les chances que vous auriez gain de cause pour votre grief sont faibles. En outre, la vaste majorité des mesures de redressements que vous recherchez dans le cadre de votre grief sont maintenant théoriques en raison de votre retraite. En tenant ces faits à l’esprit, l’AFPC a pris la décision de cesser la représentation accordée pour le grief. Nous allons aviser la CRTESPF et la partie adverse que notre mandat pour ce grief est maintenant terminé.

[…]

 

[67] M. Beck a témoigné que la Commission n’a pas compétence sur les griefs de harcèlement personnel. Même si la défenderesse prouvait qu’il y a eu harcèlement, il faudrait prouver que ce harcèlement est lié à un des facteurs de discrimination mentionné à la convention collective, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Plus important encore, les demandes de réparation devenaient théoriques, compte tenu du fait que le plaignant avait pris sa retraite en mars 2022. Il n’était donc pas dans l’intérêt de la demanderesse de poursuivre ce grief.

[68] M. Beck a aussi témoigné que la firme d’avocats avait facturé un nombre d’heures élevé pour le dossier du plaignant. Cela signifiait qu’elle avait pris beaucoup de temps pour étudier le dossier et formuler sa recommandation.

[69] Enfin, M. Beck a témoigné qu’il était d’accord avec l’analyse de Mme Chapman eu égard au grief de retraite forcée du plaignant. Il s’est basé sur cette analyse pour ne pas aller de l’avant avec le grief déposé par le plaignant.

C. Le témoignage de M. Yoboua

[70] M. Yoboua était responsable de la représentation par la défenderesse des griefs de description de travail à l’arbitrage et des griefs de classification au niveau du comité formé par l’employeur. Il a rappelé que les griefs de classification ne peuvent pas être renvoyés à l’arbitrage comme c’est le cas pour les griefs de description de travail. Dans ce dernier cas, l’employé ne peut aller de l’avant seul et a nécessairement besoin de l’appui de la défenderesse pour ce faire. M. Yoboua décidait, au nom de la défenderesse, d’appuyer ou non le renvoi à l’arbitrage des griefs de description de travail.

[71] M. Yoboua a témoigné que, la plupart du temps, la défenderesse ne va pas à l’arbitrage avec les griefs de description de travail, car leur taux de succès est faible. En effet, les changements que les employés recherchent sont déjà couverts par le libellé existant de la description de travail.

[72] M. Yoboua a expliqué que, même si les problèmes de descriptions de travail inadéquates datent souvent de plusieurs années, la jurisprudence de la Cour fédérale et de la Commission limite la mesure de réparation à 25 jours précédant le dépôt du grief.

[73] M. Yoboua s’est occupé du grief de description de travail du plaignant. Il a demandé au plaignant de lui fournir de la documentation pour appuyer le grief. Ce que le plaignant voulait était pour M. Yoboua beaucoup plus que des ajouts. C’était plutôt une nouvelle description de travail.

[74] Après plusieurs échanges avec le plaignant, M. Yoboua a décidé de renvoyer le grief de description de travail à l’arbitrage. Il en a avisé le plaignant par lettre. Cependant, il l’a informé qu’il renvoyait le grief à l’arbitrage uniquement dans le but d’obtenir les rapports de classification de l’employeur, car ces rapports pourraient être utiles comme arguments possibles sur la classification du poste. Dans sa lettre, M. Yoboua a longuement expliqué au plaignant les motifs justifiant sa position. Il lui a aussi expliqué la question de la réparation limitée à 25 jours avant le dépôt du grief. Il a rappelé au plaignant qu’il était en congé pour maladie lors de cette période et ce jusqu’à son départ à la retraite le 30 mars 2022.

[75] M. Yoboua a témoigné qu’il avait pris beaucoup de temps pour analyser le dossier du plaignant. Il a aussi témoigné que son intention n’était pas du tout de rabaisser le travail du plaignant. Il dit qu’il ne lui avait jamais dit ou écrit rien de rabaissant. Après avoir étudié le dossier, M. Yoboua ne croyait pas aux chances de succès du grief de description de travail du plaignant. Cependant, il croyait important de renvoyer le grief à l’arbitrage afin d’obtenir des informations qui pourraient être utilisées plus tard pour un possible grief de classification.

[76] M. Yoboua a témoigné que, une fois les informations de classification obtenues, le plus gros obstacle pour poursuivre à l’arbitrage avec le grief de description de travail du plaignant avait trait à la question des délais.

[77] Surtout en contre-interrogatoire, M. Yoboua a témoigné sur plusieurs autres sujets liés à la représentation fournie par la défenderesse dans le passé ou à divers documents produits en preuve par une des parties. Je n’ai pas jugé pertinent de résumer ces parties de son témoignage, car elles ne sont pas reliées directement aux plaintes devant moi.

[78] Lors du témoignage de M. Yoboua, il a aussi été question du fait que le plaignant n’avait pas déposé son grief plus tôt, car il était en congé de maladie prolongé. Selon le plaignant, la défenderesse aurait dû s’occuper du dossier pendant son congé de maladie. M. Yoboua a témoigné qu’il appartient avant tout à l’employé de déposer un grief individuel et non pas à la défenderesse d’en prendre l’initiative. Lors du contre‑interrogatoire de M. Yoboua, M. Pothier a témoigné que des représentants locaux de la défenderesse lui aurait dit qu’un employé en congé de maladie ne peut pas déposer de griefs.

IV. Résumé de l’argumentation

A. Pour le plaignant

[79] Le plaignant est revenu sur un document de 59 pages qui résume et situe les éléments de preuve présentés. Il a aussi produit un document de 15 pages qui présente son argumentaire. Je ne reprendrai pas le contenu de ces documents. Je me limiterai ici à résumer ce qui traite directement des quatre plaintes devant moi et de leur contenu.

[80] Le plaignant a tout d’abord rappelé que le harcèlement consiste en une tentative répétée et persistante de tourmenter ou de diminuer ou de frustrer une personne ou de provoquer chez elle une réaction. Chaque comportement pris seul peut sembler inoffensif. C’est le caractère synergique et répétitif du comportement qui entraîne ses effets néfastes. Le plaignant a aussi rappelé que l’abus de pouvoir correspondait à l’usage excessif d’un droit d’une personne en autorité.

[81] Le plaignant a longuement exposé les éléments qui prouvent selon lui que sa description de travail et la classification de son poste ne reflétaient pas ses fonctions. Ce qu’il faisait au quotidien n’est pas inclus dans la norme de classification EG, mais plutôt dans la norme CS ou la norme EN-SUR.

[82] Le plaignant a déposé une plainte de harcèlement selon la procédure interne de l’employeur. L’enquêteur choisi par l’employeur n’a pas respecté l’équité procédurale lors de l’enquête. Le plaignant est allé en révision judiciaire à la Cour fédérale pour que cette dernière intervienne. La défenderesse ne l’a pas aidé dans cette démarche.

[83] Le plaignant a rappelé que cela fait plus de 25 ans par l’entremise de la défenderesse qu’il essaie sans succès d’obtenir une description de travail et une classification adéquate. En examinant tous les documents soumis, il est évident que les tâches de géomatique du plaignant sont des tâches de CS ou de EN-SUR et non pas des tâches de EG.

[84] Au fil des années, l’employeur n’a jamais respecté les ententes signées. Il ne l’aurait jamais informé en 2018 ou par la suite qu’il lui avait officiellement assigné une nouvelle description de travail, ce qui a créé des conflits. Tous les agissements fautifs de l’employeur, pris ensemble, constituent du harcèlement.

[85] La défenderesse est complice de tout cela, car elle a fait bien peu pour aider le plaignant. Elle n’a rien fait pour faire respecter les ententes signées et non respectées par l’employeur. Elle n’a rien fait non plus pour s’assurer que l’employeur respecte les normes et directives de classification.

1. La plainte portant le numéro 561-02-44574

[86] Dans cette plainte, le plaignant a allégué que la défenderesse avait manqué à son devoir de représentation équitable en cessant de représenter son grief de harcèlement. Selon le plaignant, l’employeur a manqué à ses devoirs pendant toute sa carrière et il a été victime de harcèlement. Il a fait le lien entre ce qu’il a vécu et la jurisprudence qu’il a soumise.

[87] La défenderesse a demandé au plaignant à plusieurs reprises lors des audiences de son grief de harcèlement de ne pas discuter des reproches qu’il avait contre la défenderesse. Elle lui demandait ainsi de cacher des événements importants et de ne pas dire la vérité, ce que le plaignant s’est refusé à faire.

[88] Le plaignant a dénoncé le fait qu’une représentante nationale de la défenderesse avait mentionné qu’il était mal vu de défendre un membre « […] dont le résultat ferait en sorte qu’il change de syndicat ». Cela prouve que la défenderesse était de mauvaise foi dans la défense du plaignant qui voulait une description de travail adéquate.

2. La plainte portant le numéro 561-02-44808

[89] Dans cette plainte, le plaignant a blâmé la défenderesse d’avoir accordé des délais exagérés à l’employeur dans le traitement de son grief de description de travail malgré son refus d’accorder des délais. Cela va à l’encontre de la convention collective.

[90] Les délais peuvent être prolongés sur accord mutuel entre l’employeur et l’employé et le représentant syndical dans les cas appropriés. La défenderesse n’a pas respecté cette disposition malgré l’insistance du plaignant. Il a demandé à la défenderesse de traiter le grief le plus rapidement possible et de se rendre rapidement à l’arbitrage compte tenu de la mauvaise foi de l’employeur. Il a fallu six mois à la défenderesse pour traiter du grief au deuxième et au troisième paliers.

[91] La Commission ne peut pas ignorer les différentes pratiques déloyales et abusives utilisées par la défenderesse pendant plus de 25 ans afin de pouvoir obtenir une description de travail et une classification adéquate qui reflète les tâches accomplies par le plaignant et demandées par l’employeur.

3. La plainte portant le numéro 561-02-45552

[92] Dans cette plainte, le plaignant a allégué que la défenderesse l’avait harcelé et avait été complice de harcèlement pour avoir retiré son appui au grief de description de travail. Il a allégué que les représentants de la défenderesse l’ont rabaissé et ont minimisé son travail, n’ont pas respecté les délais ni les ententes signées, ont agi de mauvaise foi et ont fait preuve d’une extrême négligence.

[93] Le plaignant a rappelé une partie de l’historique d’anciens litiges de description de travail et de classification et des manquements de l’employeur et de la défenderesse. Il a aussi blâmé M. Yoboua d’avoir fait ce que l’employeur a fait en rabaissant et minimisant son travail. De plus, M. Yoboua a prétendu que les chances de succès du grief étaient faibles à cause des délais. Cependant, ces délais sont dus à la négligence de l’employeur et à celle de la défenderesse.

[94] Selon le plaignant, la Commission doit examiner les faits qui sont antérieurs aux délais prévus lorsqu’elle traite de plaintes de harcèlement.

4. La plainte portant le numéro 561-02-47023

[95] Cette plainte vise la décision de la défenderesse de retirer son appui au grief de description de travail du plaignant après qu’elle a reçue de l’employeur les rapports de la classification des deux dernières descriptions de travail du plaignant.

[96] Ces rapports de classification sont erronés et font abstraction d’une bonne partie du travail du plaignant et des connaissances requises pour le faire.

[97] Avant que la défenderesse décide de retirer son appui au grief de description de travail du plaignant pour des questions de délai, le plaignant lui a fourni 10 raisons pour lesquelles le grief n’avait pas été déposé plus tôt. Ces raisons étaient attribuables à l’abus, la mauvaise foi et la négligence grave de l’employeur et de la défenderesse. La défenderesse s’en est tenu seulement à la question du 25 jours et au fait que le plaignant était maintenant retraité. Elle a ignoré le fait que le plaignant avait déposé un grief de harcèlement et un grief de congédiement déguisé et qu’il n’avait jamais cessé de mentionner depuis 2004 que sa description de travail et sa classification était inadéquates.

[98] En appui à sa position sur les quatre plaintes, le plaignant m’a renvoyé aux décisions suivantes : Ménard c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 124; D’Alessandro c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2018 CRTESPF 90; Robitaille c. Administrateur général (ministère des Transports), 2010 CRTFP 70; Nicol c. Conseil du Trésor (Service Canada), 2014 CRTEFP 3; Taylor c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2015 CRTEFP 35; Lessard-Gauvin c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2022 CRTESPF 4; Barrett c. Association canadienne des employés professionnels, 2023 CRTESPF 66; Lafrenière c. Canada (Autorité des griefs des Forces canadiennes), 2016 CF 767; Pronovost c. Canada (Agence du revenu), 2017 CF 1169; Forster c. Canada (Procureur général), 2006 CF 787; Davidson c. Société canadienne des postes, 2009 CF 715; Murray c. Canada (Commission des droits de la personne), 2014 CF 139; Alliance de la fonction publique du Canada c. Canada (Procureur général), 2014 CF 1066; Allard c. Canada (Agence d’inspection des aliments), 2016 CF 1235; Canada (Procureur général) c. Currie, 2009 CF 1314; Boucher c. Canada (Procureur général), 2016 CF 546.

B. Pour la défenderesse

[99] La défenderesse a rappelé les principes juridiques s’appliquant aux plaintes sur le devoir de représentation équitable. Tout d’abord, le fardeau de la preuve incombe au plaignant.

[100] L’obligation de la défenderesse ne veut pas dire qu’elle ne peut pas faire d’erreurs à l’occasion. L’obligation est de représenter de bonne foi, de façon non arbitraire et sans discrimination. Le syndicat n’est pas responsable de prendre l’initiative de déposer des griefs et n’a pas l’obligation de faire des suivis. Dans les présents dossiers, la défenderesse a pris le temps d’examiner les griefs du plaignant. Ses représentants ont agi au meilleur de leurs connaissances, de façon honnête, raisonnable et réfléchie.

1. La plainte portant le numéro 561-02-44574

[101] La défenderesse a retiré le grief de harcèlement du plaignant à l’arbitrage après en avoir fait une étude sérieuse et détaillée.

[102] La défenderesse croyait que la Commission n’avait pas compétence pour entendre le grief. De plus, la réparation demandée devenait théorique, car le plaignant avait pris sa retraite. Les chances de succès du grief étaient donc très minces. Le fait que le plaignant refusait de coopérer rendait sa représentation plus difficile, mais là n’est pas la raison pour laquelle la défenderesse a retiré le grief du plaignant.

[103] La défenderesse avait conseillé au plaignant de ne pas prendre sa retraite et de ne pas démissionner. Elle lui avait dit, après avoir bien analysé la situation, qu’elle ne représenterait pas son grief de « retraite forcée ». Selon la jurisprudence consultée par la défenderesse, un tel grief avait très peu de chance de succès. La défenderesse a d’ailleurs fait part des détails de son analyse au plaignant. Ce dernier n’a pas suivi les conseils de la défenderesse et il a décidé de prendre sa retraite.

2. La plainte portant le numéro 561-02-44808

[104] La défenderesse n’a pas manqué à son devoir de représentation équitable en accordant des délais à l’employeur dans le cadre de la procédure de règlement des griefs. Les délais accordés à l’employeur par la défenderesse étaient tout à fait raisonnables. Mme Chapman a procédé le plus rapidement possible compte tenu du travail à faire. Elle a d’ailleurs témoigné que c’est la pratique d’accorder des délais et que généralement les délais ne sont pas respectés au palier final de la procédure de règlement des griefs.

[105] Selon Mme Chapman, la défenderesse peut accorder des délais sans consulter ou obtenir l’accord du plaignant. Selon la défenderesse, cette pratique a remplacé l’interprétation stricte de la convention collective. De plus, le plaignant n’a subi aucun préjudice du fait que la défenderesse a accordé des délais à l’employeur.

3. La plainte portant le numéro 561-02-45552

[106] Dans cette plainte, le plaignant a prétendu que la défenderesse et ses représentants l’ont harcelé. Selon la défenderesse, la Commission n’a pas compétence pour statuer sur une telle question, car c’est une question interne portant sur les relations entre la défenderesse et les employés qu’elle représente. Ce n’est pas une question relative au devoir de représentation équitable.

[107] Quoiqu’il en soit, la preuve présentée n’établit aucunement qu’il y a eu du harcèlement de la part des représentants de la défenderesse à l’endroit du plaignant.

4. La plainte portant le numéro 561-02-47023

[108] M. Yoboua a décidé de ne pas poursuivre le grief de description de travail du plaignant à l’arbitrage après avoir fait une étude détaillée du dossier. Ce faisant, il n’a pas manqué à son devoir de représentation équitable.

[109] Le plaignant a accusé la défenderesse de complicité avec l’employeur. Il n’a présenté aucune preuve pour supporter une telle allégation.

[110] M. Yoboua est un expert sur les questions de description de tâches et de classification. Il a expliqué en détails au plaignant les raisons du retrait du grief à l’arbitrage. Sa décision portait avant tout sur des problèmes de forme, à savoir la portée de la réparation demandée limitée à 25 jours avant le dépôt du grief. Compte tenu des circonstances, le grief devenait théorique.

[111] En appui à sa position sur les quatre plaintes, la défenderesse m’a renvoyé aux décisions suivantes : Lessard-Gauvin; Sherman c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2004 CRTFP 125; Pothier c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2021 CRTESPF 139; Tyler c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2021 CRTESPF 107; Boshra c. Association canadienne des employés professionnels, 2011 CAF 98; Éthier c. Service correctionnel du Canada et Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN, 2010 CRTFP 7; Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon, [1984] 1 R.C.S. 509; Ouellet c. Luce St-Georges et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 107; Bahniuk c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 13; Shutiak c. Syndicat des employé(e)s de l’impôt — Bannon, 2008 CRTFP 103; Kowallsky c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 30.

V. Analyse et motifs

[112] Les plaintes dont il est question dans le présent cas invoquent l’alinéa 190(1)g) de la Loi, qui renvoie à l’article 185. Parmi les pratiques déloyales dont fait mention cet article, la pratique déloyale de l’article 187 est celle qui est d’intérêt dans les présentes plaintes. Ces dispositions se lisent comme suit :

[…]

185 Dans la présente section, pratiques déloyales s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

185 In this Division, unfair labour practice means anything that is prohibited by subsection 186(1) or (2), section 187 or 188 or subsection 189(1).

[…]

187 Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

187 No employee organization that is certified as the bargaining agent for a bargaining unit, and none of its officers and representatives, shall act in a manner that is arbitrary or discriminatory or that is in bad faith in the representation of any employee in the bargaining unit.

[…]

190(1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

190(1) The Board must examine and inquire into any complaint made to it that

[…]

g) l’employeur, l’organisation syndicale ou toute personne s’est livré à une pratique déloyale au sens de l’article 185.

(g) the employer, an employee organization or any person has commited an unfair labour practice within the meaning of section 185.

[…]

(2) […] les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu — ou, selon la Commission, aurait dû avoir — connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu.

(2) … a complaint under subsection (1) must be made to the Board not later than 90 days after the date on which the complainant knew, or in the Board’s opinion ought to have known, of the action or circumstances giving rise to the complaint.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[113] Une bonne partie de la preuve présentée par le plaignant renvoie à des événements antérieurs au délai de 90 jours prévu au paragraphe 190(2) de la Loi en plus de déborder largement des allégations formulées dans les plaintes. Toutefois, cette preuve permet de mieux comprendre le contexte dans lequel les plaintes furent déposées.

[114] Depuis 1997, le plaignant s’est battu contre vents et marées pour obtenir une description de travail qui reflèterait, selon sa perception des choses, les tâches qu’il faisait. Il n’y est jamais arrivé. À priori, sur la seule base de la preuve volumineuse et détaillée qu’il a déposée, je serais porté à croire qu’il avait, à tout le moins, en partie raison. Néanmoins, ce n’est pas à moi d’en juger, d’autant plus qu’il m’aurait fallu entendre la version de l’employeur.

[115] Je peux donc comprendre qu’il blâme non seulement l’employeur, mais aussi la défenderesse pour ne jamais avoir pu obtenir une description de travail adéquate. Mon rôle n’est pas de porter un jugement d’ensemble sur la performance de la défenderesse eu égard aux éléments présentés par le plaignant. Mon rôle se limite plutôt à déterminer si les quatre plaintes devant moi sont fondées et si c’est le cas, d’ordonner les mesures correctives qui s’imposent.

[116] L’article 187 de la Loi n’impose pas à une organisation syndicale une obligation de représentation dans tous les dossiers de griefs; il lui interdit plutôt d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi. L’organisation syndicale doit exercer son pouvoir discrétionnaire de représenter ou non un grief en respectant ces balises. Dans Guilde de la marine marchande du Canada, la Cour suprême du Canada a précisé à la page 527 ce qui suit :

[…]

1. Le pouvoir exclusif reconnu à un syndicat d’agir à titre de porte-parole des employés faisant partie d’une unité de négociation comporte en contrepartie l’obligation de la part du syndicat d’une juste représentation de tous les salariés compris dans l’unité.

2. Lorsque, comme en l’espèce et comme c’est généralement le cas, le droit de porter un grief à l’arbitrage est réservé au syndicat, le salarié n’a pas un droit absolu à l’arbitrage et le syndicat jouit d’une discrétion appréciable.

3. Cette discrétion doit être exercée de bonne foi, de façon objective et honnête, après une étude sérieuse du grief et du dossier, tout en tenant compte de l’importance du grief et des conséquences pour le salarié, d’une part, et des intérêts légitimes du syndicat d’autre part.

4. La décision du syndicat ne doit pas être arbitraire, capricieuse, discriminatoire, ni abusive.

5. La représentation par le syndicat doit être juste, réelle et non pas seulement apparente, faite avec intégrité et compétence, sans négligence grave ou majeure, et sans hostilité envers le salarié.

[…]

 

[117] Pour décider du bien-fondé des quatre plaintes, je dois donc déterminer si les décisions de la défenderesse de ne pas représenter le plaignant ou d’accorder des délais à l’employeur ont été prises sur une base arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. La question n’est pas de déterminer si les décisions de la défenderesse étaient les bonnes.

A. La plainte portant le numéro 561-02-44574

[118] La preuve démontre que la défenderesse a cessé la représentation du grief de harcèlement du plaignant après que le grief a été renvoyé à l’arbitrage. À la suite du retrait de la représentation, la Commission a fermé le dossier, car le grief concernait l’application ou l’interprétation de la convention collective.

[119] Selon la preuve à leur disposition, les représentants de la défenderesse ont conclu que les chances de succès du grief étaient faibles et que la vaste majorité des mesures de réparation recherchées par le plaignant étaient devenues théoriques. Ils ont fait une étude sérieuse du dossier avant d’en arriver à cette décision. Rien ne m’a été présenté pour prouver qu’ils n’ont pas fait cette étude. Certes, le plaignant avait des arguments pour continuer avec le grief, mais la défenderesse en a décidé autrement.

[120] Dans cette même plainte, le plaignant a abordé des sujets qui étaient déjà couverts par ses autres plaintes. Il a aussi affirmé que la défenderesse avait refusé de le représenter au Tribunal administratif du travail et à la Cour fédérale. Je ne traiterai pas de ces questions dans ma décision, car elles n’ont pas réellement été abordées par les parties. Le plaignant n’a d’ailleurs pas argumenté que la défenderesse avait l’obligation de le représenter devant ces instances ou qu’elle aurait manqué à son devoir de représentation équitable en ne le faisant pas.

[121] Enfin, le plaignant a soutenu dans sa plainte et lors de l’audience qu’il avait été obligé de prendre une retraite forcée, car l’employeur refusait de prendre des mesures d’adaptation à son égard. Dès le départ, la défenderesse a refusé d’appuyer le grief de retraite forcée du plaignant. La défenderesse a expliqué en détail au plaignant le pourquoi de sa décision. En s’appuyant sur les faits et sur la jurisprudence, la défenderesse a conclu que les chances de succès du grief étaient faibles. Le plaignant, s’appuyant sur la décision Nicol, croyait pour sa part qu’il avait de bonnes chances de succès, car l’employeur avait refusé de prendre des mesures d’adaptation. Le plaignant a peut-être raison, mais la défenderesse a droit à l’erreur. Quoiqu’il en soit, il est clair que la défenderesse n’a pas pris cette décision à la légère et qu’elle l’a justifiée en détail au plaignant.

[122] Sur la base de ce qui m’a été présenté, je n’ai donc aucun élément de preuve qui pourrait m’amener à conclure que les décisions de la défenderesse de retirer son appui au grief de harcèlement en arbitrage ou de ne pas appuyer le grief de congédiement déguisé du plaignant ont été prises de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi.

B. La plainte portant le numéro 561-02-44808

[123] Cette plainte porte sur des délais accordés par la défenderesse à l’employeur pour la date d’audience du grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs.

[124] Les parties s’entendent sur le fait que Mme Chapman a accordé un délai à l’employeur, malgré le fait que le plaignant lui avait expressément demandé de ne pas accorder de délai. Selon la défenderesse, il ne s‘agit pas là d’un manquement à l’obligation de représentation équitable. Selon la défenderesse, c’est la pratique d’agir ainsi et les employés sont rarement consultés. De plus, les délais sont rarement respectés faute de ressources.

[125] Les clauses pertinentes de la convention collective se lisent comme suit :

[…]

18.16 Un employé-e s’estimant lésé peut présenter un grief à chacun des paliers de la procédure de règlement des griefs qui suit le premier :

18.16 A grievor may present a grievance at each succeeding level in the grievance procedure beyond the first level either:

a. lorsque la décision ou la solution ne lui donne pas satisfaction, dans les dix (10) jours qui suivent la date à laquelle la décision ou la solution lui a été communiquée par écrit par l’Employeur,

a. where the decision or settlement is not satisfactory to the grievor, within ten (10) days after that decision or settlement has been conveyed in writing to the grievor by the Employer,

ou

or

b. lorsque l’Employeur ne lui a pas communiqué de décision au cours du délai prescrit dans le paragraphe 18.17, dans les quinze (15) jours qui suivent la présentation de son grief au palier précédent.

b. where the Employer has not conveyed a decision to the grievor within the time prescribed in clause 18.17, within fifteen (15) days after presentation by the grievor of the grievance at the previous level.

18.17 À tous les paliers de la procédure de règlement des griefs sauf le dernier, l’Employeur répond normalement à un grief dans les dix (10) jours qui suivent la date de présentation du grief, et dans les vingt (20) jours si le grief est présenté au dernier palier, sauf s’il s’agit d’un grief de principe, auquel l’Employeur répond normalement dans les trente (30) jours. L’Alliance répond normalement à un grief de principe présenté par l’Employeur dans les trente (30) jours.

18.17 The Employer shall normally reply to a grievance at any level of the grievance procedure, except the final level, within ten (10) days after the grievance is presented, and within twenty (20) days where the grievance is presented at the final level except in the case of a policy grievance, to which the Employer shall normally respond within thirty (30) days. The Alliance shall normally reply to a policy grievance presented by the Employer within thirty (30) days.

[…]

18.22 Les délais stipulés dans la présente procédure peuvent être prolongés par accord mutuel entre l’Employeur et l’employé-e s’estimant lésé et le représentant de l’Alliance dans les cas appropriés.

18.22 The time limits stipulated in this procedure may be extended by mutual agreement between the Employer and the grievor and, where appropriate the Alliance representative.

[…]

 

[126] Je comprends bien que la pratique est de ne pas respecter les délais au palier final. Les parties s’accordent mutuellement des délais pour satisfaire leur agenda et leur lourde charge de travail. Le syndicat ne prend pas le temps de consulter l’employé, peu importe le libellé de la convention collective, et l’employeur ne répond que rarement au grief dans les délais. Ainsi va la vie. Dans la présente affaire, la convention collective n’a pas été respectée. Selon le témoignage de Mme Chapman, elle semble d’ailleurs rarement l’être.

[127] Peut-on pour autant conclure que la défenderesse a agi de façon arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi?

[128] La preuve démontre que la défenderesse agit de cette façon avec tous les employés. Elle n’a donc pas fait preuve de discrimination à l’égard du plaignant. Sa décision n’était pas arbitraire. Elle était réfléchie et répondait à une pratique établie qui amène les parties à agir ainsi par manque de ressources. Enfin, rien ne démontre que la défenderesse était de mauvaise foi en accordant une prorogation de délai à l’employeur, même si le plaignant n’était pas d’accord.

[129] Sur la base de ce qui m’a été présenté, je n’ai aucun élément de preuve qui pourrait m’amener à conclure que la décision de la défenderesse d’accorder une prorogation de délai à l’employeur a été prise de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi.

[130] Comme il a été mentionné au paragraphe 49, le plaignant a fait état d’un grief de classification déposé après le délai de 35 jours dont il est question dans la politique de l’employeur. Cela aurait pris huit années avant que l’employeur n’informe le plaignant que son grief avait été rejeté sur la base qu’il avait été déposé en retard. Entre temps, la défenderesse n’aurait rien fait. Cette allégation déborde le cadre de la plainte. De plus, les faits en question sont survenus bien avant le délai de 90 jours prévu au paragraphe 190(2) de la Loi.

C. La plainte portant le numéro 561-02-45552

[131] Dans cette plainte, le plaignant a allégué que des représentants de la défenderesse l’ont harcelé en rabaissant et minimisant son travail de façon répétée.

[132] Il n’y a absolument rien dans la preuve soumise qui appuie cette allégation. Au cours des quelque 20 années qu’a duré le litige entre l’employeur et le plaignant, les représentants de la défenderesse n’ont peut-être pas toujours représenté le plaignant comme il l’aurait voulu. Ils n’ont sans doute pas toujours été d’accord avec les revendications du plaignant quant à sa description de travail et sa classification. Cela n’équivaut aucunement à du harcèlement.

[133] Le plaignant ne m’a fourni aucun exemple précis, aucun incident ou aucune parole provenant d’un représentant de la défenderesse pour appuyer ces allégations de harcèlement. De plus, la preuve démontre que M. Yoboua a pris le temps d’analyser le dossier du plaignant. Lors de cette analyse, il a toujours été respectueux envers le plaignant.

[134] Sur la base de ce qui m’a été présenté, je n’ai aucun élément de preuve qui pourrait m’amener à conclure que les représentants de la défenderesse ont harcelé le plaignant et agi de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi.

[135] Comme il a été mentionné au paragraphe 52, le plaignant a renvoyé à des ententes de 2006 et 2014 qui n’ont pas été respectées. Je ne traiterai pas de ces récriminations du plaignant qui remontent à des événements survenus il y a plusieurs années, ce qui dépasse le délai de 90 jours prévu à la Loi.

D. La plainte portant le numéro 561-02-47023

[136] Dans cette plainte, le plaignant a allégué que la défenderesse avait manqué à son devoir de représentation équitable en refusant de représenter son grief de description de travail.

[137] Les faits ne sont pas contestés. La défenderesse a retiré son appui au grief après avoir initialement accepté de le renvoyer à l’arbitrage. Au départ, la défenderesse avait décidé de renvoyer le grief à l’arbitrage dans le seul but d’obtenir les rapports de classification de l’employeur. M. Yoboua en avait d’ailleurs avisé le plaignant en août 2022.

[138] M. Yoboua avait aussi soulevé la question des délais. Le grief du plaignant avait été déposé le 5 février 2022 à l’encontre d’une description de travail datant de 2018. L’employeur avait alors formulé une objection selon laquelle le grief était hors délai. Selon la jurisprudence, au mieux, un arbitre de grief accepterait d’imposer des mesures correctives 25 jours avant le dépôt du grief. Or, les tâches revendiquées au cours de cette période n’étaient pas effectuées, car le plaignant était en congé de maladie.

[139] M. Yoboua a expliqué au plaignant les raisons du retrait du grief à l’arbitrage. Sa décision portait avant tout sur des problèmes de forme, à savoir la portée de la réparation demandée à 25 jours avant le dépôt du grief. Compte tenu des circonstances, le grief devenait théorique, le plaignant ayant pris sa retraite. En plus, l’employeur avait déjà fourni les rapports de classification demandés.

[140] Le plaignant a clairement fait savoir qu’il n’était pas d’accord avec la décision de la défenderesse. Cette décision n’a pas à être la bonne pour que la défenderesse satisfasse son devoir de représentation équitable. Elle doit cependant être réfléchie, ce que la défenderesse a fait. Sur la base de ce qui m’a été présenté, je n’ai aucun élément de preuve qui pourrait m’amener à conclure que la décision de la défenderesse de retirer son appui au grief de description de travail a été prise de façon arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. De plus, la défenderesse n’avait aucune obligation de déposer un grief au nom du plaignant alors qu’il était en congé de maladie. C’était au plaignant de le faire ou à tout le moins de demander à la défenderesse de le faire.

VI. Conclusion

[141] J’ai révisé la jurisprudence soumise par le plaignant.

[142] Les décisions Lafrenière, Pronovost, Forster, Davidson, Murray et Robitaille ne portent pas sur des plaintes de manquement au devoir de représentation équitable. Elles concernent plutôt des litiges employé-employeur. Elles soulèvent des questions intéressantes sur l’équité procédurale, la discrimination et l’octroi de dommages, mais elles ne sont pas utiles pour trancher les présentes plaintes.

[143] La décision Nicol porte sur une situation possiblement comparable à celle du plaignant, où l’employeur avait failli à son obligation de prendre des mesures d’adaptation à la suite d’un retour de congé de maladie. Par contre, je dois préciser que mon rôle n’est pas de décider qui du plaignant ou de la défenderesse a raison par rapport au grief de « retraite forcée » du plaignant.

[144] Dans Barrett, la Commission n’a pas statué sur la plainte, mais plutôt sur le fait qu’il existait une cause défendable et que la plainte devait être entendue. Autrement dit, la Commission a statué que la plainte ne pouvait pas être rejetée de façon sommaire. Cette décision n’est d’aucune utilité dans les présentes affaires.

[145] Dans Lessard-Gauvin, le syndicat a commis une négligence grave en oubliant de déposer le grief qu’il était censé déposer. Dans Taylor, la Commission a aussi conclu qu’il y avait eu un manquement au devoir de représentation équitable, car le syndicat avait attendu trois ans avant d‘informer la plaignante qu’il ne la représenterait pas. Les faits de ces deux plaintes sont totalement différents de ceux des présentes affaires.

[146] Dans Ménard, la Commission a déterminé qu’elle avait le pouvoir d’accorder des mesures de réparation à la suite d’une plainte de manquement au devoir de représentation équitable. La Commission a alors annulé la décision du syndicat de retirer le grief. Dans D’Alessandro, la Commission accordé 2 500 $ de dommages au plaignant comme mesure de réparation. Dans les présentes affaires, je n’ai pas conclu qu’il y avait eu manquement au devoir de représentation équitable. Je n’accorderai donc aucune mesure de réparation.

[147] Compte tenu de la preuve qui m’a été présentée et de la jurisprudence de la Commission sur le devoir de représentation équitable, particulièrement les décisions Gagnon, Ouellet et Kowallsky, je conclus que la défenderesse n’a pas manqué à son devoir de représentation équitable.

[148] Pour chacune des quatre plaintes, la défenderesse a agi de façon réfléchie et rationnelle. Elle a justifié ses décisions. Je n’avais pas à déterminer si les décisions de la défenderesse étaient les bonnes, mais plutôt de déterminer si elles avaient été prises de mauvaise foi ou de façon arbitraire ou discriminatoire. Or, rien dans la preuve soumise ne me permettrait de conclure que la défenderesse aurait pris ses décisions sur de telles bases illégitimes.

[149] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VII. Ordonnance

[150] La plainte portant le numéro 561-02-44574 est rejetée.

[151] La plainte portant le numéro 561-02-44808 est rejetée.

[152] La plainte portant le numéro 561-02-45552 est rejetée.

[153] La plainte portant le numéro 561-02-47023 est rejetée.

 

Le 6 novembre 2023.

Renaud Paquet,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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