Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a présenté une plainte en vertu de l’article 77 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13) relativement à une nomination intérimaire en alléguant que l’intimé avait abusé de son pouvoir en choisissant un processus de nomination non annoncé et en raison de l’absence d’évaluation de la personne nommée – la plaignante a aussi allégué avoir subi un traitement différentiel en raison du nombre de nominations intérimaires obtenues par la personne nommée – la Commission a conclu que le simple fait d’avoir recours à un processus de nomination non annoncé ne constituait pas en soi un abus de pouvoir et qu’il n’existait pas de droit d'accès garanti à toutes les possibilités d'emploi – la Commission a jugé que le choix du processus de nomination découlait des besoins organisationnels – la Commission a conclu que la personne nommée avait bel et bien été évaluée par rapport à l’énoncé des critères de mérite – la Commission a indiqué que le simple fait d’avoir bénéficié de nominations intérimaires n’était pas suffisant en soi pour constituer un traitement différentiel menant à un abus de pouvoir.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date: 20231121

Dossier: 771-02-43588

Référence: 2023 CRTESPF 109

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur l’emploi dans la

fonction publique

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

Sandra McConnell

plaignante

 

et

 

Administrateur général

(ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement)

 

intimé

et

AUTRES PARTIES

Répertorié

McConnell c. Administrateur général (ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement)

Affaire concernant une plainte d'abus de pouvoir aux termes des alinéas 77(1)a) et b) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique

Devant : Guy Grégoire, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la plaignante : Elle-même

Pour l’intimé : Patrick Turcot, avocat

Pour la Commission de la fonction publique : Alain Jutras, analyste principal

 

Affaire entendue par vidéoconférence

les 27, 28 et 30 juin et les 20 et 21 juillet 2023.


MOTIFS DE DÉCISION

I. Plainte devant la Commission

[1] Le 29 septembre 2021, le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (l’« intimé » ou le « ministère ») a affiché un avis de nomination intérimaire d’une durée d’un an, soit du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022, de Sandra Jacques-Loomer (la « personne nommée ») au poste de chef d’équipe, Services de gestion du Secteur, au groupe et au niveau AS-04, dans le cadre du processus de nomination interne non annoncé portant le numéro 21-EXT-ACIN-ED-1031343, Affaires mondiales Canada - Conseillère en gestion financière pour NGM & OGM – SWAN à Gatineau (Québec).

[2] Il est à noter que ces lettres (SWAN, NGM et OGM) ne sont pas des acronymes, mais des symboles désignant des organisations spécifiques au sein du ministère. Durant l’audience, les parties n’ont pas jugé utile de préciser un nom propre à chacun des symboles et n’ont référé qu’à ces identifiants tout au long de l’audience.

[3] Le 1er octobre 2021, Sandra McConnell (la « plaignante ») a déposé une plainte en vertu de l’article 77 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; la « Loi ») auprès de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») à l’encontre de cette nomination.

[4] Pour les motifs qui suivent, je conclus que la plaignante n’a pas démontré, sur la prépondérance de la preuve, que l’intimé a contrevenu à la Loi en abusant de son pouvoir dans l’évaluation de la personne nommée ainsi que dans le choix du processus.

[5] Il est à noter que la Commission de la fonction publique (CFP) n’a pas assisté à l’audience, mais qu’elle a soumis ses arguments écrits, généraux et spécifiques, concernant la Politique de nomination de la CFP.

II. Les allégations

[6] Les allégations originales ont été modifiées le 24 mai 2022, à la suite du dépôt de la plainte et après que la plaignante a obtenu de l’information supplémentaire en vertu de la Loi sur l’accès à l’information (L.R.C. (1985), ch. A-1). Les allégations, tant originales que modifiées, peuvent se résumer ainsi :

1) La nomination intérimaire de plus de quatre mois a été faite sans transparence par l’entremise d’un processus non annoncé, et le poste aurait dû être offert à tous les membres de l’équipe.

2) Le retour du titulaire du poste était prévu au mois de novembre 2021, alors que la durée de la nomination intérimaire était jusqu’au 30 juin 2022.

3) Il y a eu absence de transparence dans le choix du processus de nomination, puisque d’autres personnes au sein des deux équipes satisfont aux critères de mérite.

4) Il n’y a eu aucune vérification des qualifications de la personne nommée, puisque les dirigeants n'étaient pas aptes à pouvoir évaluer l'énoncé de critères de mérite dû au fait que la haute direction était nouvellement arrivée et ne connaissait pas la candidate choisie.

5) Il y a eu un traitement arbitraire, notamment : un abus de pouvoir de la part de la personne nommée envers son équipe de travail; un traitement différentiel à l’égard de la personne nommée au poste intérimaire de plus de quatre mois; un traitement inéquitable dans le choix de la personne nommée; et un traitement différentiel basé sur des raisons non valides et non justifiables en raison d’une discrimination à l’encontre de la plaignante.

6) La plaignante a formulé une allégation de discrimination en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H-6; LCDP) fondée sur le handicap au motif que le traitement qu’elle a subi lui aurait causé un handicap. Cette allégation a été retirée au cours de l’audience.

 

III. Résumé de la preuve de la plaignante

A. Témoignage de Christina Bédard

[7] Mme Bédard a occupé un poste d’agente financière AS-02 au sein de l’équipe durant neuf mois, soit de janvier à septembre 2020. Elle a témoigné être partie parce qu’elle ne sentait pas qu’il y avait d’occasions d’avancement dans l’unité. Elle est maintenant superviseure d’une équipe au ministère de l’Environnement.

B. Témoignage de Thomas Éthier

[8] M. Éthier est chef d’équipe au sein de SWAN, pour NGM et OGM, depuis 2015. À ce titre, il avait la responsabilité, entre autres, de voir au bon fonctionnement de l’équipe et à la formation des AS-02. Il a été en congé de septembre 2021 jusqu’au début de 2022. Il a témoigné qu’il estimait que la plaignante était une « forte » AS-02, croyait qu’elle était prête à assumer les responsabilités du poste AS-04 et qu’elle aurait pu se faire valoir. C’est lui qui avait proposé la plaignante pour la nomination intérimaire du 20 janvier 2021 au 5 février 2021, soit deux semaines et demie. La nomination intérimaire devait se terminer avec le retour de congé de maladie du titulaire du poste le 5 février.

[9] M. Éthier a témoigné avoir été surpris que la plaignante n’ait pas été renommée dans le poste intérimaire lorsque le congé de maladie du titulaire a été prolongé. Il a affirmé ne pas avoir été d’accord avec la décision de mettre fin à la nomination intérimaire de la plaignante. Il a été surpris d’apprendre que la superviseure de la plaignante durant la nomination intérimaire, Anick Bizimana, avait jugé qu’elle ne faisait pas l’affaire. Il a affirmé que la fin de la nomination intérimaire avait nui au développement de la carrière de la plaignante et avait fait plusieurs mécontents au sein de l’équipe. Il a relaté que cette fin de nomination intérimaire avait été le point de départ de conflits internes qui ont nécessité des rencontres avec un consultant en résolution des conflits. Il a affirmé que la plaignante avait travaillé six mois sous sa supervision, qu’il avait produit son rapport d’évaluation du rendement et qu’il l’avait recommandée pour une nomination intérimaire. Toutefois, il ne l’a jamais évalué dans un poste de chef d’équipe AS-04.

[10] Il a reconnu l’existence de problèmes de longue date depuis la réorganisation ayant mené à la création des deux unités. Il a aussi témoigné qu’il y avait beaucoup de travail à accomplir et de formation à donner. Il considère maintenant la plaignante comme une amie, mais avant, il la considérait comme une employée.

[11] M. Éthier était également le superviseur de la personne nommée, pour qui il a produit plusieurs évaluations du rendement et qui s’est toujours bien qualifiée. Les qualifications de la personne nommée ont aussi été évaluées par Chantal Renaud, la seconde chef d’équipe, qui a conclu qu’elle satisfaisait à tous les critères de l’énoncé des critères de mérite. S’il avait pu, il aurait nommé lui-même la personne nommée, puisqu’elle démontrait tous les critères de l’énoncé des critères de mérite.

[12] Il a aussi relaté qu’il y avait eu beaucoup d’épuisement professionnel et beaucoup de pleurs au sein de l’équipe. Il a témoigné de l’existence de problèmes entre Mme Renaud et la direction. Il n’a jamais suggéré à la plaignante d’aller déposer une plainte ou un grief au syndicat.

[13] Il a témoigné que la plaignante avait obtenu une nomination intérimaire au groupe et au niveau FI-01 en septembre 2021, et qu’elle avait par la suite été nommée pour une période indéterminée.

C. Témoignage de Chantal Renaud

[14] Mme Renaud a occupé un poste FI-03 et de Chef d’équipe FI-04 de façon intérimaire pour diverses périodes au sein du ministère entre le 30 septembre 2020 et décembre 2022. Au moment de sa nomination chez l’intimé, elle arrivait du Bureau de la concurrence. Elle a affirmé avoir subi un choc à cause de la façon dont la gestion des ressources humaines était menée. Elle a cité en exemple que plusieurs nominations sont faites grâce à des processus de nomination non annoncés ou encore que, dans le présent cas, c’est la personne nommée qui aurait rédigé l’énoncé des critères de mérite.

[15] Mme Renaud a indiqué que la plaignante avait occupé deux postes intérimaires AS-04, le premier du 20 janvier au 5 février 2021 et le second du 3 mai au 28 mai 2021. La plaignante relevait d’elle à cette époque, bien qu’elle-même fut nommée à titre intérimaire à un poste duquel la plaignante ne relevait plus. Mme Renaud a affirmé qu’elle ignorait pourquoi la nomination intérimaire de la plaignante avait pris fin après deux semaines et demie. Elle a été choquée de voir la plaignante retourner sans préavis à son poste d’attache.

[16] Mme Renaud a affirmé que la personne nommée était extraordinaire et qu’elle n’avait rien à dire contre elle. Elle a aussi affirmé qu’à cette époque, il y avait un grand besoin d’effectif dans ces unités.

[17] L’évaluation de la personne nommée par rapport à l’énoncé des critères de mérite comporte la signature de Mme Renaud au moyen d’une maCLÉ. Elle reconnait que c’est elle qui a signé, personne d’autre, mais qu’elle ne l’a pas signé de son plein gré. Elle a affirmé avoir signé sous l’effet de la contrainte par la « haute gestion ». Elle a défini la haute gestion comme étant les directrices de groupe et de niveau EX-01, soit ses propres directrices. Elle a soutenu qu’elle avait signé par crainte de représailles et que la nomination contrevenait aux valeurs et à l’éthique du ministère. De plus, cette nomination ne respectait pas le principe d’alternance dans les nominations intérimaires entre la plaignante et la personne nommée.

[18] Mme Renaud a affirmé que c’est la personne nommée qui a fait tout le processus de nomination du début à la fin, dont la rédaction de l’énoncé des critères de mérite. Elle a affirmé en outre que le « [ministère] n’a pas une bonne réputation en matière de dotation et qu’il y a un gros manque de transparence ». Elle a affirmé avoir quitté le ministère à cause de l’absence de support de la haute gestion, d’un climat de travail malsain, de terreur et de l’absence de transparence en matière de gestion des ressources humaines.

[19] L’intimé s’est opposé au témoignage sous prétexte qu’il était « inflammatoire » et non fondé. Il a de plus demandé une remise d’audience pour lui permettre d’identifier et d’appeler d’autres témoins pour contredire ce témoignage. Il a également soutenu que l’affirmation selon laquelle Mme Renaud aurait signé l’évaluation des qualifications de la personne nommée par rapport à l’énoncé des critères de mérite sous la contrainte constituait une nouvelle allégation à laquelle il ne s’attendait pas constituait une surprise. Il s’est appuyé sur Massabki c. Administrateur général (ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement), 2022 CRTESPF 79, au paragraphe 16 :

[16] Si, de fait, l’intimé était tant surpris de la référence à un autre processus de nomination invoqué au support de la plainte, il existait des redressements pour y remédier, le premier étant de demander une remise d’audience pour lui permettre d’étoffer une contre-preuve. Il ne l’a pas fait […]

 

[20] Dans ce cas-ci, j’ai rejeté la demande de remise et accepté que le témoignage se poursuivre. Je reconnais que le témoignage ait pu surprendre l’intimé à l’audience, j’ai conclu que celui-ci ne constituait pas une nouvelle allégation. L’intimé allait débuter son contre-interrogatoire de ce témoin. Il aurait l’occasion de faire ressortir d’autres éléments pour éclairer ce témoignage. D’autre part, la preuve de la plaignante n’était pas close, il lui restait un témoin à faire entendre, la plaignante elle-même, et ensuite, l’intimé appellerait ses propres témoins. À la lumière de ce qui est survenu, l’audience s’est poursuivie pour une journée supplémentaire dans la même semaine et deux autres jours une semaine plus tard. L’intimé a donc disposé de plusieurs jours pour bonifier son argumentaire et préparer sa réplique.

[21] En contre-interrogatoire, Mme Renaud a affirmé qu’elle avait entrepris des recours devant la Commission. Ces recours ne sont pas liés à la présente affaire.

[22] Elle a témoigné avoir 28 années de service, dont 10 à 15 ans dans des postes de gestion et 4 ans durant lesquels elle avait la subdélégation en matière de dotation. Elle a aussi mené de trois à cinq processus de nomination. Elle a affirmé que, d’après son expérience, les gens des ressources humaines rencontrent une employée ou un employé pour élaborer l’énoncé des critères de mérite. Dans le présent cas, elle a soutenu que c’est la personne nommée qui a rédigé l’énoncé des critères de mérite.

[23] Elle a poursuivi son témoignage en reconnaissant que la personne nommée avait beaucoup d’expérience en dotation et qu’elle-même en avait attesté en signant le formulaire d’évaluation du candidat par rapport à l’énoncé des critères de mérite. Elle a précisé que le contenu avait été rédigé par la personne nommée, qu’il était exact et valide et que tout ce qui y était écrit était véridique. Elle a affirmé que son opposition à signer le formulaire venait du fait qu’il aurait fallu alterner entre la plaignante et la personne nommée et que cette fois-ci, c’était au tour de la plaignante d’être nommée dans le poste intérimaire, pas du fait que la personne nommée n’était pas qualifiée.

[24] Elle a aussi témoigné avoir une très bonne relation avec la personne nommée et que, si demain matin elle avait besoin « d’une bonne AS-04, », elle irait la chercher. Elle a aussi affirmé avoir une très bonne relation avec la plaignante.

[25] Elle a reconnu que c’est bien elle qui a signé au bas du formulaire par l’entremise de maCLÉ. Elle a affirmé que l’objectif d’une nomination intérimaire est de permettre à une personne d’apprendre et d’acquérir de nouvelles expériences et de les mettre sur son curriculum vitae.

[26] Elle a témoigné que la plaignante avait occupé un poste AS-04 de façon intérimaire durant deux semaines et demie, que la nomination intérimaire n’avait pas été renouvelée, et que cette période n’était pas suffisamment longue pour permettre une juste évaluation de la plaignante. Elle a soutenu qu’il n’était pas légitime qu’une gestionnaire s’attende à ce qu’une personne nommée à titre intérimaire soit apte à accomplir toutes les fonctions du poste.

[27] Durant son témoignage, Mme Renaud a fait état de divers conflits au sein de l’organisation et d’un climat de travail malsain. Elle a affirmé qu’elle-même, M. Éthier et la plaignante étaient sur une liste noire de la haute gestion.

D. Témoignage de la plaignante

[28] La plaignante a témoigné avoir occupé un poste au sein du ministère du Patrimoine canadien durant 10 ans avant d’avoir été déclarée excédentaire en 2013. Elle est revenue au sein de la fonction publique en 2015 et s’est jointe au ministère en 2020 dans les services financiers du groupe SWAN, qui desservait comme client les groupes NGM et OGM.

[29] La plaignante a témoigné qu’à son arrivée au sein de SWAN, elle relevait de la personne nommée. Elle a relaté qu’il y avait beaucoup de tâches à accomplir et a précisé que toutes les communications se faisaient par courriels, de très longs courriels, a-t-elle précisé. Elle a reconnu qu’il était difficile de gérer une équipe par courriels. Elle a affirmé qu’elle recevait de nombreuses demandes de divers endroits dans l’organisation et qu’elle ne savait plus de qui elle relevait. Elle a reconnu qu’il y avait beaucoup à apprendre et que tous au sein de l’équipe avaient des choses à apprendre. Elle a affirmé avoir exprimé son intérêt pour une progression de carrière vers des postes de AS-04 et FI-01.

[30] La plaignante a obtenu un poste intérimaire de chef d’équipe, le même poste que celui faisant l’objet de la présente plainte, du 20 janvier au 5 février 2021 en remplacement d’un congé de maladie. Cette nomination était prévue pour une durée de deux semaines et demie au terme de laquelle le titulaire devait revenir au travail. Il n’y a pas eu de renouvellement et elle a affirmé que cette nomination n’avait pas été interrompue. Toutefois, le matin du 5 février, le titulaire a écrit à sa gestionnaire pour l’informer que son congé de maladie était prolongé. C’est la personne nommée qui a fait l’objet d’une nomination intérimaire pour une durée de quatre mois moins un jour.

[31] La plaignante a soutenu que la manière par laquelle on l’avait informée du non-renouvellement « n’était pas humaine », puisque l’annonce lui avait été faite après la fin de sa nomination.

[32] En mai 2021, elle a obtenu une autre nomination intérimaire, d’une durée de moins d’un mois, qui n’a pas été renouvelée. Elle a affirmé que c’était au sein de la division la plus difficile, à cause du mandat de l’organisation et de l’interaction avec les clients. Elle a témoigné qu’elle estimait y avoir fait du bon travail.

[33] La plaignante a soutenu avoir fait l’objet de discussions internes de la haute gestion du 8 février au 25 février 2021, à cause de sa nomination intérimaire de deux semaines et demie, mais qu’en aucun temps on ne lui avait parlé. Selon elle, la gestion aurait dû l’inclure dans ces discussions.

[34] Dans son témoignage, la plaignante a relaté diverses occasions où certaines personnes ont fait l’objet de nominations intérimaires sans procéder par des processus annoncés. Elle a d’ailleurs affirmé que la personne nommée, qui occupe un poste substantif AS-02, a obtenu une nomination intérimaire AS-05. Elle a relaté que le taux de roulement de personnel qui partait en congé de maladie plus ou moins long ou obtenait des nominations intérimaires était très élevé.

[35] La plaignante a introduit en preuve le Code de valeurs et d’éthique du ministère qui vise à préserver les valeurs humaines et la primauté du droit à tous les niveaux. Elle a fait lecture de plusieurs passages du document et a déclaré que ce code est applicable à la haute gestion et qu’il est de sa responsabilité de le faire respecter.

[36] Elle a affirmé qu’il y avait une ambiguïté à savoir qui détenait la subdélégation de signature en matière de dotation et qu’elle se sentait brimée par le fait que la nomination n’avait pas fait l’objet d’un processus annoncé.

[37] Elle a relaté que OGM éprouvait plusieurs problèmes de relations de travail tant et si bien qu’un facilitateur en résolution de conflits est intervenu au sein de l’équipe pour tenter de résoudre les différends.

IV. Résumé de la preuve de l’intimé

A. Témoignage de Elizabeth Lee

[38] Au moment de son témoignage, Mme Lee a indiqué qu’elle occupait un poste de gestionnaire de contrôle interne au groupe et au niveau FI-03 et précédemment, elle était conseillère, équipe politique financière au sein du ministère. Elle s’est jointe à SWAN à titre de directrice adjointe et gérait les équipes OGM et NGM d’avril à septembre 2021.

[39] À l’arrivée de Mme Lee, Mme Renaud avait occupé le même poste durant un mois et demi. Mme Lee a affirmé qu’à son arrivée, l’équipe OGM était plus en difficulté que NGM et peinait à offrir les services attendus aux clients. Il y avait beaucoup de fatigue et d’épuisement au sein de l’équipe. Elle a affirmé que plusieurs membres de l’équipe manquaient de formation. Elle a reconnu qu’elle n’avait pas la subdélégation nécessaire en matière de dotation.

[40] En réponse à l’affirmation quant au climat de terreur au sein de l’organisation, elle a reconnu que plusieurs membres de l’équipe n’étaient pas heureux, que l’équipe était divisée en deux, les AS-02 d’un côté et les FI-02 de l’autre, et que les FI-02 ne recevaient pas la formation nécessaire du gestionnaire. Les AS-02 se plaignaient principalement du surplus de travail en heures supplémentaires et qu’en conséquence, ils étaient épuisés.

[41] Mme Lee a affirmé que la plaignante avait formulé une demande d’autorisation pour faire des heures supplémentaires en avril 2021, demande qui lui a été refusée. Mme Lee lui avait demandé s’il était vraiment nécessaire d’effectuer ce travail le samedi et qu’elle aurait voulu en discuter au préalable. De plus, dans les jours précédant la demande d’autorisation, une communication avait été envoyée aux membres de l’équipe les informant que l’on allait réduire le nombre d’heures de travail supplémentaire. Elle a affirmé qu’à cette époque, elle ne connaissait la plaignante que depuis trois semaines, qu’elle n’avait pas d’opinion négative préconçue à son égard et que le but visé par la réduction d’heures de travail supplémentaire était de réduire l’épuisement des membres de l’équipe.

[42] Mme Lee a affirmé qu’une « clique » s’était formée, que Mme Renaud et M. Éthier semblaient mener toutes les activités de l’équipe, que certains autres membres ne se sentaient pas inclus et que tout cela aurait contribué à créer un environnement de travail négatif. Elle a affirmé qu’elle-même avait de la difficulté à s’intégrer à l’équipe.

[43] Mme Lee a affirmé que son rôle a été de supporter la demande d’un processus de nomination de ses deux gestionnaires, soit Mme Bizimana et Mme Renaud. C’est Mme Bizimana qui a proposé la nomination de la personne nommée et que la vérification avait été faite par les deux gestionnaires. Elle ne se souvenait pas avoir vu le document d’évaluation de la personne nommée par rapport à l’énoncé des critères de mérite et n’aurait donc pas pu forcer Mme Renaud à le signer. Elle a reconnu en contre-interrogatoire que le document lui avait été envoyé en copie conforme, donc qu’elle l’aurait vu, mais elle persiste à dire qu’elle n’aurait pas forcé Mme Renaud à le signer. Elle a aussi affirmé ne pas avoir rempli le document attestant des qualifications de la personne nommée, puisqu’elle ne la connaissait pas assez elle-même pour l’évaluer. Elle croit que c’est Mme Renaud qui l’a rempli, puisque cette dernière supervisait la personne nommée.

[44] En ce qui a trait au choix de processus de nomination, Mme Renaud avait signé à titre de gestionnaire et Sandra Lopes, directrice, avait signé à titre de subdéléguée l’autorisation de dotation. Mme Lee a réitéré qu’elle n’avait pas forcé Mme Renaud à la signer et que la décision de nomination appartenait à Mme Lopes. Mme Lee ne sait pas à quoi Mme Renaud fait référence lorsqu’elle exprime sa peur de subir des représailles. Elle a affirmé n’avoir jamais travaillé avec Mme Renaud et de ne pas l’avoir connue avant son arrivée en poste. Elle a considéré les candidatures d’AS-04 dans un bassin de candidats préqualifiés, a mené des entrevues avec Mme Renaud et Mme Lopes et a conclu qu’aucun des candidats ne satisfaisait aux exigences attendues. Elle a poursuivi en disant qu’ensemble, elles en sont venues à décider du processus et que c’est Mme Renaud qui a pris la direction du processus. Elle a confirmé que l’énoncé des critères de mérite était le même pour tous les postes de chefs d’équipe.

[45] Mme Lee a relaté qu’il s’agissait d’une période difficile et que les relations avec les clients étaient aussi difficiles et qu’il aurait été trop complexe qu’une personne venant de l’extérieur s’occupe d’un poste de manière temporaire. Elle a reconnu que la personne nommée avait occupé le poste durant un mois, de façon intérimaire, juste avant sa nomination intérimaire d’un an, qui fait l’objet de la présente plainte.

[46] Mme Lee a affirmé que la plaignante avait bénéficié de deux nominations intérimaires avant cela, mais que son rendement n’aurait pas été au niveau attendu. Elle l’a constaté elle-même lors d’une vérification du travail accompli et de certains rapports d’analyse qui n’auraient pas été faits alors qu’ils auraient dû l’être. De plus, Mme Lee a conclu que les communications de la plaignante pouvaient manquer de délicatesse et qu’elles n’étaient pas à la hauteur d’un chef d’équipe.

[47] La durée de la nomination intérimaire faisant l’objet de la plainte dépassait la date de retour de l’employé remplacé, mais Mme Lee a affirmé que cela ne posait pas de problème puisqu’il existait d’autres postes AS-04 vacants au sein de l’organisation.

[48] Mme Lee a nié que la plaignante ait fait l’objet d’un traitement différentiel et inéquitable. Elle a affirmé le contraire, puisque tant la personne nommée que la plaignante ont eu des occasions d’occuper des postes de chefs d’équipes et ont pu bénéficier des mêmes occasions.

[49] Pour conclure son témoignage, Mme Lee a affirmé que, si on lui avait proposé de poursuivre son affectation au sein de SWAN, elle aurait refusé, bien qu’elle ait travaillé deux semaines de plus que prévu.

B. Témoignage d’Anick Bizimana

[50] Mme Bizimana est présentement analyste principale, au groupe et au niveau FI-03, aux Services administratifs des tribunaux judiciaires depuis janvier 2023. Auparavant, elle a occupé le poste d’analyste financière principale de février 2016 à novembre 2022 au sein du ministère. Pendant cette période, elle a été en mission à l’étranger d’août 2018 à mars 2020. Elle a témoigné avoir relevé de quatre supérieurs hiérarchiques différents tous nommés à titre intérimaire de janvier 2021 à mai 2021. Elle-même dans son poste n’était pas la signataire subdéléguée en matière de dotation; cela relevait du poste de directeur EX-01.

[51] Mme Bizimana et Mme Renaud étaient gestionnaires dans des postes équivalents et des équipes opérationnelles OGM et NGM, chacune offrant les mêmes services à des clients différents au sein du ministère. La plaignante était titulaire d’un poste sous l’équipe de Mme Renaud (NGM), mais elle avait obtenu une nomination intérimaire dans l’équipe de Mme Bizimana (OGM). Elle a expliqué que la nomination devait prendre fin au retour du titulaire du poste de son congé de maladie, soit le vendredi 5 février 2021.

[52] Mme Bizimana a relaté qu’il s’agissait d’une période très occupée et qu’il y avait beaucoup à faire. Elle a affirmé que la nomination intérimaire s’était bien passée, mais qu’il manquait à la plaignante des notions de base et qu’il y avait des lacunes dans la prestation des services aux clients.

[53] Le matin du 5 février, le titulaire du poste a informé Mme Bizimana de la prolongation de son congé de maladie. C’est à ce moment qu’elle aurait discuté avec sa directrice, Sandra Lopes, pour conclure que la nomination intérimaire ne serait pas renouvelée parce que la plaignante n’était pas la meilleure personne pour le poste pour le moment. Elle et son ancien directeur ont opté pour la personne nommée. Parallèlement à ces évènements, Mme Renaud a informé, erronément, la plaignante de la prolongation du congé de maladie du titulaire et lui aurait promis un renouvellement de la nomination intérimaire. Ce même jour du vendredi 5 février, à la fin de la journée, l’ancien directeur de Mme Bizimana partait en mission à l’étranger, si bien que la plaignante n’a été informée de la fin de sa nomination intérimaire, ou de son non-renouvellement, qu’au début de la semaine suivante.

[54] La nouvelle directrice, Sandra Lopes, dont le témoignage suivra, lui a demandé de lui décrire les circonstances entourant la nomination intérimaire de la plaignante du 20 janvier 2021 au 5 février 2021, soit deux semaines et demie. Il y avait de la confusion à savoir si l’on avait mis fin à la nomination ou si de fait elle n’avait simplement pas été renouvelée. Selon Mme Bizimana, il a toujours été clair que la nomination intérimaire se terminait le 5 février et qu’elle n’avait jamais fait de promesse de prolongation à la plaignante. Elle a soutenu que cette période a pu servir de période d’essai pour l’avenir, mais que cela n’avait pas marché. C’est alors que la directrice a procédé à la nomination intérimaire de quatre mois moins un jour de la personne nommée. Cette nomination intérimaire s’est très bien passée et c’est cette nomination qui a précédé la nomination d’un an faisant l’objet de la présente plainte. La plaignante aurait mal pris la nouvelle selon laquelle sa nomination intérimaire n’était pas renouvelée.

[55] Ce sont ces circonstances qui ont généré un conflit interpersonnel entre Mme Bizimana, Mme Renaud et la plaignante. Le conflit s’est envenimé, des paroles blessantes ont été échangées, Mme Bizimana a nié avec véhémence avoir dit des choses à propos d’autres personnes impliquées dans le conflit. Il ne sert à rien de reproduire ces propos ici.

[56] L’atmosphère organisationnelle s’étant dégradée, Mme Bizimana a dû prendre un congé de trois semaines. Pendant ce congé, elle a écrit à sa directrice pour se plaindre de l’environnement de travail toxique et du fait qu’il y avait beaucoup de postes vacants et beaucoup de pression sur les épaules des travailleurs. Elle a attribué la cause de la toxicité au fait que l’équipe avait été négligée et sans directeurs permanents depuis trois ou quatre ans. Il y a eu aussi une réorganisation alors qu’elle était en mission, et qu’elle ne s’était pas bien passée, contribuant à la toxicité de l’environnement de travail.

[57] Mme Bizimana a affirmé ne pas se souvenir que la nomination intérimaire de la personne nommée avait causé quelque malaise que ce soit à Mme Renaud, puisque le formulaire de choix du processus avait été signé par cette dernière. Elle a affirmé avoir contribué à la décision de nommer la personne nommée, mais qu’ultimement la décision revenait à la directrice, soit Mme Lopes. Selon Mme Bizimana, la plaignante n’a pas été victime d’un traitement différentiel; elle a même bénéficié de deux autres nominations intérimaires peu de temps après.

C. Témoignage de Sandra Lopes

[58] Mme Lopes est la directrice de SWA qui chapeaute entre autres SWAN et les deux équipes OGM et NGM depuis le 31 mai 2021. À ce titre, elle détient les subdélégations des actions des ressources humaines et financières. Elle a témoigné qu’à son arrivée, l’équipe avait connu beaucoup d’instabilité, un haut taux de roulement des cadres et des directeurs adjoints, qu’il y avait beaucoup de nominations intérimaires, et que les employés prenaient « des bouchées doubles et même triples! » Le contexte était très difficile.

[59] Mme Lopes a attribué le climat de travail malsain au haut taux de roulement du personnel, aux nombreux congés de maladie, aux nombreuses nominations intérimaires et à la délégation vers le bas de certaines tâches qui auraient dû être accomplies plus haut dans la hiérarchie. Elle a affirmé ne pas avoir été témoin des bris de confiance qui auraient contribué au mauvais climat.

[60] Mme Lopes a affirmé que son rôle dans ce processus de nomination non annoncé avait été d’apposer sa signature aux formulaires en collaboration avec Mme Lee et Mme Renaud. Elle a justifié le choix du processus de nomination en mentionnant le contexte environnemental très difficile, son désir d’apporter de la stabilité à l’équipe, les besoins opérationnels, les conseils de Mme Lee et Mme Renaud, le fait que la personne nommée faisait du bon travail, son désir de maintenir le statu quo et le fait que l’on attendait un processus de nomination qui serait collectif.

[61] Mme Lopes a affirmé que Mme Renaud n’avait jamais exprimé d’opposition ou d’inquiétude quant au choix du processus, au choix de la personne nommée ou à la durée d’un an de la nomination. C’était plutôt le contraire, elle l'appuyait.

[62] L’évaluation de la personne nommée par rapport à l’énoncé des critères de mérite a été préparée et faite par Mme Renaud, puisqu’elle était sa supérieure immédiate. Mme Renaud l’a faite en toute connaissance de cause. Mme Lopes a affirmé n’avoir aucunement fait pression sur Mme Renaud, parce que c’est elle qui la voulait car elle l’appréciait beaucoup. Mme Lopes a affirmé que la directrice précédente était partie depuis mai 2021 et qu’elle n’était plus en poste au moment de la signature de l’évaluation de la personne nommée, alors elle n’aurait pas pu exercer de pression sur Mme Renaud pour la faire signer. Elle a ajouté que la subdélégation des ressources humaines n’est pas requise pour signer l’évaluation d’une candidate. C’est d’ailleurs la signature électronique de Mme Renaud qui se trouve au bas du formulaire d’évaluation. Elle a réitéré que c’est Mme Renaud qui a fait l’évaluation de la personne nommée en toute connaissance de cause, au niveau adéquat et approuvé par le niveau adéquat.

[63] L’énoncé des critères de mérite identifie les critères essentiels pour agir dans le poste AS-04. Il a été créé par le superviseur et il s’agit d’un poste standard et générique utilisé par la direction pour doter ce type de poste. Mme Lopes a affirmé qu’un abus de pouvoir de sa part était impossible dans les circonstances, parce qu’elle venait d’arriver en poste et qu’elle désirait maintenir le statu quo et la stabilité, et qu’il s’agissait d’une mesure temporaire. Elle a soutenu que le fait que la date de la fin de la nomination intérimaire dépasse la date de retour du titulaire n’était pas un facteur en jeu. Une nomination intérimaire plus longue permet d’éviter de faire un autre processus si le titulaire du poste voit son absence prolongée. De plus, la direction peut mettre fin à la nomination à tout moment, car c’est son caractère temporaire qui définit une telle nomination.

[64] Mme Lopes a soutenu que la plaignante n’avait pas subi de traitement différentiel. Elle-même n’a pas été témoin d’un quelconque manque d’équité en faveur de la personne nommée. Elle a affirmé que chaque employé a eu l’occasion d’occuper un poste intérimaire simplement parce que l’unité était en sous capacité. Elle a affirmé qu’à son arrivée, elle ne connaissait personne de l’équipe, ni les employés, ni les chefs d’équipe, ni les directeurs adjoints. Elle s’est entièrement fiée aux évaluations des superviseurs pour la nomination de la personne nommée. Elle n’a entendu que du positif au sujet de la personne nommée.

V. Résumé de l’argumentation de la plaignante

[65] La plaignante a mis l’accent sur l’absence des valeurs humaines de la direction à son égard par rapport au traitement reçu quant au non-renouvellement de sa nomination intérimaire de deux semaines et demie. Elle considère que le traitement qu’elle a reçu à ce moment « n’était pas humain ». Elle soutient que les deux semaines et demie étaient insuffisantes pour avoir une évaluation adéquate. Elle prétend qu’il aurait fallu un minimum de trois mois. Elle considère que cet incident a affecté son « statut de mérite » et qu’il a freiné, voire bloqué, son développement de carrière.

[66] Elle prétend que l’intimé a abusé de son pouvoir en procédant au moyen d’un processus de nomination non annoncé et que cela a eu un effet boule de neige négatif sur l’ensemble de l’organisation.

[67] Elle a appuyé son argumentation en faisant référence à l’équité et à la justice en ressources humaines, selon la loi et le guide des nominations intérimaires, et aux lacunes par rapport au bassin de candidats préqualifiés. Elle n’a renvoyé à aucun article de loi en particulier.

[68] La plaignante a soutenu que Mme Lopes n’avait pas encore la subdélégation de signature en matière de dotation et que c’est l’ancienne directrice qui aurait dû signer. Par conséquent, la nomination est fondée sur un abus de pouvoir.

[69] La plaignante a soutenu que la personne nommée avait bénéficié d’un avantage à cause des nominations intérimaires qu’elle avait eues aux dépens de la plaignante. De plus, elle a fait valoir que les opérations étaient suffisamment occupées et que la direction aurait pu faire deux nominations.

[70] La plaignante a réfuté la prétention de l’intimé à savoir qu’il y aurait des possibilités d’avancement au sein de l’organisation du fait qu’elle-même avait bénéficié d’une nomination intérimaire dans un poste supérieur FI-01 et subséquemment transformée en nomination à durée indéterminée. Elle a soutenu que ce n’est pas dû à la bonne volonté de la direction, mais grâce à Mme Renaud qui l’a aidée à chercher un poste et qui a agi comme guerrière pour supporter sa candidature. C’est cette dernière qui a démontré son intérêt à supporter ses employés.

VI. Résumé de l’argumentation de l’intimé

[71] D’entrée de jeu, l’intimé a renvoyé au guide de nomination intérimaire, qui spécifie que ce type de nomination peut être utilisé pour combler des besoins opérationnels temporaires. Il a aussi indiqué que le guide confirme que les nominations intérimaires de quatre mois moins un jour ne sont pas assujetties à l’application du principe du mérite. Il a d’ailleurs précisé que les nominations intérimaires de la plaignante ne sont pas en jeu dans le présent recours et ne devraient avoir aucun poids dans la détermination de la plainte en l’espèce.

[72] L’intimé a fait valoir que Mme Renaud ne possédait pas la subdélégation en matière de dotation et qu’il ne lui appartenait pas de faire des promesses qu’elle savait qu’elle n’avait pas l’autorité de réaliser. Seule Mme Lopes, la directrice, avait le pouvoir de nomination. L’intimé a affirmé que la direction avait appuyé la plaignante dans sa quête d’avancement, puisqu’elle avait autorisé la nomination intérimaire de la plaignante au poste FI-01; elle avait l’autorité de la refuser. Cette nomination est devenue indéterminée par la suite.

[73] L’intimé a renvoyé à Portree c. Administrateur général de Service Canada, 2006 TDFP 14, qui précise que l’abus de pouvoir est une allégation grave qui ne doit pas être prise à la légère. Cette décision établit que les employés qui allèguent l’abus de pouvoir ou une contravention à la Loi doivent présenter des arguments convaincants pour avoir gain de cause, pas seulement une injustice perçue.

[74] L’intimé a renvoyé à Jolin c. Administrateur général de Service Canada, 2007 TDFP 11, qui elle-même renvoie à Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8, qui a déterminé que le fardeau de la preuve incombe à la partie alléguant l’abus de pouvoir. Il ne suffit pas de déposer des allégations et d’argumenter l’abus de pouvoir, la plaignante doit fournir une preuve convaincante pour soutenir ses allégations.

[75] L’intimé a aussi renvoyé à D’Almeida c. Gendarmerie Royale du Canada, 2020 CRTESPF 23, au paragraphe 55, pour rappeler que « [l]e choix d’opter pour un processus de nomination annoncé ou non revient aux gestionnaires ». Elle précise toutefois que cette décision doit « […] être motivée et être exempte de tout favoritisme ou partialité ».

[76] L’intimé a ensuite cité Lavigne c. Canada (Justice), 2009 CF 684 (par. 61-62), qui discute de la notion d’abus de pouvoir. Elle affirme que l’abus de pouvoir « […] sera jugée fondée lorsque la mauvaise foi ou le favoritisme personnel a été établi. Le principe de la mauvaise foi exige un élément d’intention ». Elle précise de plus que « [l]’abus de pouvoir exige plus que l’erreur ou l’omission, ou même une conduite irrégulière ». L’intimé a soutenu que, en se fondant sur les témoignages de Mme Bizimana, de Mme Lee et de Mme Lopes, la preuve démontre que la décision de procéder au moyen d’un processus de nomination non annoncé était motivée par les besoins opérationnels, de stabilité et les circonstances de l’environnement de travail. L’intimé a de plus ajouté que la prépondérance de la preuve indique que Mme Renaud n’a pas signé les formulaires de choix de processus sous la contrainte, mais de son propre gré, et qu’elle a effectué l’évaluation de la candidature de la personne nommée. Il a ajouté que Mme Renaud cherchait à faire mal paraître l’intimé en prévision de son propre recours.

[77] L’intimé a passé en revue les allégations. Quant au choix du processus et au devoir de l’offrir à l’ensemble des membres de l’équipe, il a renvoyé à Visca c. Sous-ministre de la Justice, 2006 TDFP 16, qui énonce « [qu’une] plainte ne peut pas porter sur la façon dont les autres candidats […] ont été traités, mais bien sur la façon dont le critère de mérite de l’expérience récente a été établi et appliqué au plaignant » (par. 24). L’intimé est revenu sur le témoignage de Mme Lopes, qui s’est appuyée sur l’évaluation de Mme Renaud de la personne nommée et qui a insisté sur ses qualités à s’acquitter de ses tâches et responsabilités.

[78] L’intimé s’est aussi appuyé sur Chaves c. Commissaire du Service correctionnel du Canada, 2008 TDFP 3, qui avait conclu que la décision de l’intimé était fondée sur des besoins opérationnels et qui reconnaissait l’existence de besoins urgents à combler et que le recours à une nomination temporaire était justifié (par. 55). Tibbs reconnait que le paragraphe 30(2) de la Loi accorde un pouvoir discrétionnaire considérable au gestionnaire « […] pour choisir la personne qui non seulement répond aux qualifications essentielles mais qui est également la bonne personne pour faire le travail […] » (par. 63).

[79] L’intimé a aussi renvoyé à Robbins c. Administrateur général de service Canada, 2006 TDFP 17 (par. 36), qui a reconnu que l’article 33 de la Loi accorde à la CFP ou son délégué la discrétion de choisir entre un processus de nomination annoncé ou non annoncé. Cette décision affirme également que la plaignante ne peut pas alléguer un abus de pouvoir simplement parce que le processus de nomination était non annoncé. Elle « […] doit prouver que la décision elle-même de choisir un processus non annoncé constitue un abus de pouvoir ».

[80] Quant à l’allégation selon laquelle la nomination dépassait la date de retour du titulaire, l’intimé a soutenu qu’elle satisfaisait aux besoins opérationnels du moment, qu’un énoncé des critères de mérite complet avait été préparé et que l’évaluation de la personne nommée n’avait mis en lumière aucune lacune, mais avait démontré que la personne nommée satisfaisait à tous les critères de l’énoncé des critères de mérite.

[81] L’intimé a invoqué Glasgow c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2008 TDFP 7, qui formule le critère pour déterminer la présence de favoritisme dans une nomination. Il y est stipulé qu’une nomination ne doit pas être teintée de favoritisme personnel, comme une relation personnelle entre la personne nommée et celle chargée de faire la nomination, ou encore faite à titre de faveur personnelle ou dans l’attente d’une faveur en retour de la nomination. La question à trancher est celle de savoir laquelle des versions, celle de la plaignante ou de l’intimé, est conforme à la prépondérance de la preuve, qu’une personne informée et douée de sens pratique reconnaîtrait comme raisonnable compte tenu des circonstances (par. 46)?

[82] L’intimé a soutenu que la plaignante n’avait pas subi de traitement différentiel ou inéquitable, qu’il n’y avait pas de relation personnelle entre la personne nommée et Mme Renaud et que toutes les relations étaient professionnelles avec Mme Lee et Mme Lopes. Par conséquent, il demande aussi le rejet de cette allégation.

[83] L’intimé a invoqué Jarvo c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2011 TDFP 6 (par. 35), pour aborder l’absence de transparence du processus de nomination. Il a soutenu que dans cette décision, « […] l’impossibilité de postuler [dans un processus de nomination] ne peut pas être raisonnablement considérée comme un manque d’équité ». Par conséquent, il demande le rejet de cette allégation.

[84] Ultimement, l’intimé a demandé le rejet des allégations et de la plainte.

VII. Motifs

[85] Je regroupe ici, pour plus de commodité, les articles de la Loi auxquels ont fait référence les parties durant l’audience ou sur lesquels j’appuie ma décision :

[…]

30(1) Les nominations – internes ou externes – à la fonction publique faites par la Commission sont fondées sur le mérite et sont indépendantes de toute influence politique.

30(1) Appointments by the Commission to or from within the public service shall be made on the basis of merit and must be free from political influence.

[…]

(2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

(2) An appointment is made on the basis of merit when

a) selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles – notamment la compétence dans les langues officielles – établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir;

(a) the Commission is satisfied that the person to be appointed meets the essential qualifications for the work to be performed, as established by the deputy head, including official language proficiency; and

b) la Commission prend en compte :

(b) the Commission has regard to

(i) toute qualification supplémentaire que l’administrateur général considère comme un atout pour le travail à accomplir ou pour l’administration, pour le présent ou l‘avenir,

(i) any additional qualifications that the deputy head may consider to be an asset for the work to be performed, or for the organization, currently or in the future,

(ii) toute exigence opérationnelle actuelle ou future de l’administration précisée par l’administrateur général,

(ii) any current or future operational requirements of the organization that may be identified by the deputy head, and

(iii) tout besoin actuel ou futur de l’administration précisé par l’administrateur général.

(iii) any current or future needs of the organization that may be identified by the deputy head.

[…]

(3) Les besoins actuels et futurs de l’administration visés au sous-alinéa (2)b)(iii) peuvent comprendre les besoins actuels et futurs de la fonction publique précisés par l’employeur et que l’administrateur général considère comme pertinents pour l’administration.

(3) The current and future needs of the organization referred to in subparagraph (2)(b)(iii) may include current and future needs of the public service, as identified by the employer, that the deputy head determines to be relevant to the organization.

[…]

(4) La Commission n’est pas tenue de prendre en compte plus d’une personne pour faire une nomination fondée sur le mérite.

(4) The Commission is not required to consider more than one person in order for an appointment to be made on the basis of merit.

[…]

33 La Commission peut, en vue d’une nomination, avoir recours à un processus de nomination annoncé ou à un processus de nomination non annoncé.

33 In making an appointment, the Commission may use an advertised or non-advertised appointment process.

[…]

La Commission peut avoir recours à toute méthode d’évaluation — notamment prise en compte des réalisations et du rendement antérieur, examens ou entrevues — qu’elle estime indiquée pour décider si une personne possède les qualifications visées à l’alinéa 30(2)a) et au sous-alinéa 30(2)b)(i).

In making an appointment, the Commission may use any assessment method, such as a review of past performance and accomplishments, interviews and examinations, that it considers appropriate to determine whether a person meets the qualifications referred to in paragraph 30(2)(a) and subparagraph 30(2)(b)(i).

[…]

77(1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement de la Commission des relations de travail et de l’emploi, présenter à celle-ci une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

77(1) When the Commission has made or proposed an appointment in an internal appointment process, a person in the area of recourse referred to in subsection (2) may – in the manner and within the period provided by the Board’s regulations – make a complaint to the Board that he or she was not appointed or proposed for appointment by reason of

a) abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l’administrateur général dans l’exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2);

(a) an abuse of authority by the Commission or the deputy head in the exercise of its or his or her authority under subsection 30(2);

b) abus de pouvoir de la part de la Commission du fait qu’elle a choisi un processus de nomination interne annoncé ou non annoncé, selon le cas;

(b) an abuse of authority by the Commission in choosing between an advertised and a non-advertised internal appointment process; or

[…]

 

[86] La plaignante a présenté une plainte en vertu de l’art. 77 de la Loi qui permet aux personnes dans la zone de recours de déposer une plainte alléguant un abus de pouvoir de la part de l’administrateur général dans l’exercice de ses attributions respectives au titre du paragraphe 30(2), et un abus de pouvoir dans le choix du processus de nomination. Il appartient à la plaignante de démontrer, sur la prépondérance de la preuve, que l’intimé a abusé de son pouvoir (voir Tibbs, aux paragraphes 48 à 55, et Davidson c. Canada (Procureur général), 2021 CAF 226, au par. 27).

[87] L’abus de pouvoir n’est pas défini dans la Loi sauf pour préciser ce que cela inclut : la mauvaise foi et le favoritisme personnel (par. 2(4) de la Loi). L’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique et la Commission en ont conclu que l’abus de pouvoir doit nécessairement être un acte grave et répréhensible; une simple erreur ou omission ne constitue pas un abus de pouvoir (Langlois c. Administrateur général (ministère de l’emploi et du développement social), 2023 CRTESPF 24, au par. 24).

[88] Avant de débuter l’analyse formelle de la décision, j’aimerais discuter de la genèse de la plainte et de ce qui l’a motivée. La plaignante et ses témoins ont fait grand cas du non-renouvellement de sa nomination intérimaire de deux semaines et demie. La plaignante elle-même est revenue à maintes reprises souligner l’absence de valeurs humaines au sein de l’organisation. L’intimé, de son côté, a fait valoir le grand volume d’opérations, de roulement de personnel et de besoin de stabilité. Les deux parties ont utilisé différents qualificatifs à l’égard du climat de travail.

[89] Celui que j’utiliserais est que l’environnement de travail était, et peut-être l’est-il encore, effervescent, en constante ébullition. Je ne peux pas me prononcer sur la cause, mais je peux constater son état. À l’exception de Mme Lopes, tous les témoins, à un moment ou à un autre, ont agi dans un poste à titre intérimaire dans l’organisation. C’est dans ce contexte de la nomination intérimaire non renouvelée de la plaignante et de la nomination intérimaire subséquente d’un an de la personne nommée que la plainte a été déposée.

[90] Il est utile de rappeler que je n’ai aucune autorité pour juger des circonstances de la fin de la nomination intérimaire de deux semaines et demie de la plaignante. Mon rôle est de déterminer, en me fondant sur la prépondérance de la preuve, si l’intimé a abusé de son pouvoir lors de la nomination de la personne nommée.

[91] Je regrouperai les allégations en trois groupes. Le premier groupe, que je nommerai « Abus de pouvoir dans le choix du processus », concerne les allégations suivantes : le choix du processus de nomination non annoncé et de l’absence de transparence dans celui-ci, le fait que la durée de la nomination excédait la période d’absence prévue du titulaire du poste. Le second groupe concerne l’absence de l’évaluation des qualifications de la candidature de la personne nommée. Enfin, le troisième groupe concerne l’allégation de traitement différentiel à l’égard de la plaignante en faveur de la personne nommée. L’allégation de discrimination a été retirée en cours d’audience, la plaignante ayant reconnu que cette allégation n’était pas liée à un motif de distinction illicite prévu à la LCDP. Cette allégation ne sera donc pas traitée.

A. Abus de pouvoir dans le choix du processus

[92] L’article 33 de la Loi énonce que la Commission de la fonction publique ou une personne disposant du pouvoir délégué peut, en vue d’une nomination, avoir recours à un processus de nomination annoncé ou à un processus de nomination non annoncé. Ainsi, le choix d’opter pour l’un ou l’autre des processus ne constitue pas en soi un abus de pouvoir. Pour qu’une plainte en vertu de l’art. 77(1)b) de la Loi soit accueillie, la plaignante doit démontrer que le choix d’utiliser un processus non annoncé constituait un abus de pouvoir. Ce sont les circonstances qui entourent ce choix qui peuvent donner lieu à l’abus de pouvoir (voir Jarvo, au par. 7 et Massabki, au par. 100).

[93] La plaignante a affirmé dans son argumentation qu’il y avait eu abus de pouvoir simplement en optant pour un processus de nomination non annoncé. La Loi ne fait pas de préférence entre l’un ou l’autre des processus. Le simple fait d’avoir recours à un processus de nomination non annoncé n’est pas en soi abusif (Huard c. Administrateur général (Bureau de l’infrastructure du Canada), 2023 CRTESPF 9, au par. 110). La plaignante n’a pas démontré en quoi la décision de l’intimé d’avoir recours à un tel processus constituait un abus de pouvoir.

[94] La directrice a expliqué que le choix du processus de nomination non annoncé visait à répondre à un contexte de travail très difficile, à apporter une stabilité et répondre aux besoins opérationnels. D’autre part, la nomination était temporaire, car l’intimé attendait un processus de nomination collectif. L’intimé a déposé en preuve un document intitulé « Choice of Appointment Process and Selection Decision Summary Form » qui précise les raisons justifiant le recours à un processus de nomination non annoncé dont notamment l’absence de candidat qualifié dans un bassin au groupe et niveau AS-04 ainsi que l’existence de nombreux postes vacants. On y précise également la nécessité de maintenir le niveau de service aux clients. Je conclus donc que le choix du processus de nomination non annoncé résulte d’une réflexion sensée, basée sur les besoins organisationnels du moment et non d’un abus de pouvoir.

[95] La plaignante aurait voulu postuler elle-même ou que le poste soit offert à tous les membres de l’équipe. Or, la Loi permet aux gestionnaires de procéder par un processus non annoncé. La jurisprudence établit qu’il n’y a pas de droit d’accès garanti à toutes les possibilités d’emploi (voir Jarvo, au par. 32 et Jack c. le commissaire du Service correctionnel du Canada, 2011 TDFP 26, au par. 18). Le fait que le poste n’ait pas été offert à la plaignante ne constitue pas en soi un abus de pouvoir.

[96] Le paragraphe 30(4) de la Loi stipule que, dans le cas d’un processus de nomination non annoncé, la direction n’est pas tenue de considérer ou d’évaluer d’autres personnes que la personne nommée. Il en découle que la direction n’était pas tenue de considérer tous les membres de l’équipe avant de procéder à la nomination de la personne nommée. Il n’y avait aucun besoin d’effectuer une évaluation comparative entre la plaignante et la personne nommée ou un autre membre de l’équipe.

[97] La plaignante a allégué que la durée de la nomination intérimaire excédait la durée de l’absence du titulaire du poste et constituait un abus de pouvoir. Cette allégation n’a aucun fondement juridique et la plaignante n’a déposé aucune jurisprudence pour la soutenir. La directrice a justifié cette décision par le fait que cette nomination était intérimaire et temporaire, et que selon les besoins, la direction pouvait y mettre fin à tout moment. Le fait que la durée de la nomination intérimaire de la personne nommée excède la date de retour du titulaire ne constitue en rien un défaut qui constituerait un abus de pouvoir. La preuve a démontré que diverses alternatives s’offraient à la directrice dans l’éventualité du retour du titulaire de son congé. Par conséquent, cette allégation est également rejetée.

[98] La plaignante a affirmé que Mme Lopes n’avait pas obtenu la subdélégation l’autorisant à signer les formulaires liés aux actions de dotation et que c’est l’ancienne directrice qui aurait dû signer. Toutefois, Mme Lopes, la directrice, a témoigné qu’elle avait la subdélégation requise afin de procéder à la nomination de la personne nommée. La prépondérance de preuve est à savoir que Mme Lopes détenait bel et bien l’autorité nécessaire. Par conséquent, cette allégation est rejetée.

[99] Dans ces circonstances, la plaignante n’a pas établi sur la prépondérance de preuve que l’intimé a commis un abus de pouvoir dans le choix du processus de nomination non annoncée.

B. Abus de pouvoir dans l’évaluation de la personne nommée

[100] Mon rôle ne consiste pas à réévaluer la personne nommée, mais plutôt à déterminer s’il y a eu abus de pouvoir dans le cadre du processus de nomination (Bérubé c. Sous-ministre de l’Industrie, 2021 CRTESPF 78, au par. 158).

[101] La plaignante a allégué que l’intimé avait abusé de son pouvoir en raison de l’absence d’évaluation des qualifications de la personne nommée.

[102] La prépondérance de la preuve indique que la personne nommée a bel et bien été évaluée en regard de l’énoncé des critères de mérite. Compte tenu de cela, le témoignage de Mme Renaud s’est avéré être des plus perplexe et paradoxal. Il n’y a pas de doute que c’est bien elle qui a signé l’évaluation de la personne nommée. Elle a témoigné l’avoir fait sous l’effet de la contrainte. Elle a précisé en contre-interrogatoire qu’elle l’avait signée de son propre chef, mais qu’elle en avait maintenant contre le fait d’avoir procédé à une nomination non annoncée de la personne nommée et non de la plaignante. Elle favorisait un processus d’alternance entre la plaignante et la personne nommée, et de là découle son affirmation selon laquelle elle a signé sous la contrainte. D’autre part, elle a reconnu que toute l’information contenue dans l’évaluation de rendement était véridique, que « la personne nommée était extraordinaire et que si elle avait besoin d’une bonne AS-04, elle irait la chercher! ». À cela s’ajoute les témoignages concordants de Mme Lee et de Mme Bizimana, qui validaient également l’évaluation de la personne nommée.

[103] La preuve documentaire démontre que l’évaluation du candidat par rapport à l’énoncé des critères de mérite a été bien remplie et que tout indique que les qualifications de la personne nommée ont été évaluées. Les qualifications de la personne nommée y sont clairement démontrées. De fait, aucun élément de preuve n’a été présenté pour démontrer que cette évaluation était déficiente de quelque façon et aurait pu supporter une allégation d’abus de pouvoir. Cette allégation est rejetée.

[104] Avant de conclure, Mme Renaud, lors de son témoignage, a affirmé que la personne nommée avait rédigé l’énoncé de critères de mérite. Mme Lopes a quant à elle affirmé que l’énoncé de critères de mérite était un document générique qui avait été créé par un superviseur. À l’audience, la plaignante n’a formulé aucune allégation d’abus de pouvoir relativement à l’auteur du document ni dans l’établissement des critères de mérite. Par conséquent, je n’en traiterai pas.

[105] Dans ces circonstances, la plaignante n’a pas établi sur la prépondérance de la preuve que l’intimé a commis un abus de pouvoir dans l’évaluation de la personne nommée.

C. Traitement différentiel

[106] La plaignante a allégué avoir subi un traitement différentiel qu’elle qualifie de discriminatoire. La plaignante a précisé que son allégation portait non pas sur de la discrimination au sens de la LCDP, mais sur le traitement différentiel qu’elle a subi ou dont la personne nommée a bénéficié en raison des nominations intérimaires obtenues.

[107] Comme il a été mentionné précédemment, le fardeau de la preuve incombe à la plaignante; c’est à elle que revient la tâche de démontrer, selon la prépondérance de la preuve, qu’il y a bel et bien eu un traitement différentiel ayant mené à un abus de pouvoir.

[108] Dans la décision Healey c. Président de la Commission des libérations conditionnelles du Canada, 2014 TDFP 14, il a été statué que le simple fait d’avoir bénéficié de nominations intérimaires n‘est pas suffisant pour constituer en soi un avantage inéquitable.

[109] La preuve a démontré que tant la plaignante que la personne nommée ont bénéficié de nominations intérimaires dans le poste en question. Comme je l’ai mentionné précédemment, beaucoup de personnes au sein de l’organisation en ont bénéficié. La plaignante elle-même a obtenu une autre nomination intérimaire peu de temps après la nomination en l’espèce, qui a été convertie en nomination à durée indéterminée au niveau FI-01. Cette nomination a constitué une promotion pour la plaignante. Bien qu’aucune preuve documentaire n’ait supporté le témoignage de la plaignante, la personne nommée serait elle-même en affectation AS-05. De plus, la prépondérance de la preuve indique qu’aucune relation personnelle ne liait la personne nommée aux gestionnaires en rapport avec la nomination, ni même avec Mme Renaud, son ancienne supérieure hiérarchique.

[110] Dans ces circonstances, je conclus que le simple fait que la personne nommée ait bénéficié de nominations intérimaires n’est pas suffisant en soi pour constituer un traitement différentiel menant à un abus de pouvoir.

[111] Par conséquent, à la lumière de toute la preuve dont je suis saisi, je conclus que la plaignante n’a pas démontré que l’intimé a abusé de son pouvoir.

[112] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VIII. Ordonnance

[113] La plainte est rejetée.

Le 21 novembre 2023.

Guy Grégoire,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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