Décisions de la CRTESPF

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Date: 20240207

Dossiers: 566‑02‑12311 et 12312

 

Référence: 2024 CRTESPF 15

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

LAURA HIGUERA

fonctionnaire s’estimant lésée

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(Service correctionnel du Canada)

 

employeur

Répertorié

Higuera c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

Devant : Joanne Archibald, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée : Raphaelle Laframboise‑Carigan et Amarkai Laryea, avocats

Pour l’employeur : Chris Hutchison, avocat

Affaire entendue par vidéoconférence

les 21 et 23 juin et les 19 et 20 décembre 2022, et les 13, 14 et 16 février 2023.

(Traduction de la CRTESPF)


 

MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

[1] Laura Higuera, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), anciennement agente de libération conditionnelle (WP‑04; le « poste d’ALC ») auprès du Service correctionnel du Canada (SCC ou l’« employeur ») à Kingston, en Ontario, a déposé deux griefs en mars 2015, alléguant que l’employeur avait manqué à son obligation de prendre des mesures d’adaptation à son égard au motif de sa déficience lorsqu’il lui a offert un poste au groupe et au niveau CR‑04 et l’a mis en congé non payé (CNP) lorsqu’elle l’a refusé.

[2] Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) et de la Loi sur les relations dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral. Dans la présente décision, la Commission et ses prédécesseurs sont appelés la « Commission ».

II. Contexte

[3] En 2008, la fonctionnaire a été victime d’une agression de la part d’un détenu au Centre régional de traitement (CRT) du SCC à Kingston. Pendant les trois années qui ont suivi l’incident, elle s’est présentée à une affectation dans un autre établissement, qui avait été organisée avant l’incident.

[4] En octobre 2011, la fonctionnaire s’est préparée à retourner au poste d’ALC au CRT. Le 17 octobre 2011, son médecin a fourni des renseignements médicaux indiquant que la fonctionnaire ne pouvait avoir aucun contact interpersonnel avec les détenus et qu’elle ne pouvait pas examiner les renseignements sur les cas des détenus.

[5] La fonctionnaire a reçu une première affectation au Collège régional du personnel (CRP) du SCC. Ses antécédents professionnels à partir de ce moment‑là sont complexes. Le résumé qui suit est tiré de la chronologie fournie conjointement par les parties.

[6] Le 11 décembre 2012, le médecin de la fonctionnaire a confirmé que les limitations et les restrictions étaient permanentes et qu’elles nécessitaient des mesures d’adaptation en milieu de travail pour elle. Elle n’a jamais été en mesure de retourner au poste d’ALC.

[7] En mai 2012, la fonctionnaire est retournée au CRT et a commencé une affectation temporaire axée sur l’accréditation.

[8] En septembre 2012, la fonctionnaire a accepté une affectation à titre de coordonnatrice de l’assurance de la qualité des accréditations (AS‑04).

[9] Le 19 décembre 2012, le nom de la fonctionnaire a été inscrit dans la base de données sur les mesures d’adaptation permanentes de l’employeur, et elle a été renvoyée au comité interne de renvoi prioritaire de l’employeur pour examen en vue de postes convenables.

[10] Le 8 janvier 2013, la fonctionnaire a signé un plan d’adaptation avec l’employeur. L’objectif déclaré consistait à obtenir un poste permanent convenable qui tenait compte de ses limitations et restrictions.

[11] Le 1ᵉʳ avril 2013, le placement de la fonctionnaire au poste de coordonnatrice de l’assurance de la qualité des accréditations a pris fin lorsque le titulaire est retourné au poste. La fonctionnaire a ensuite été affectée à un projet axé sur les activités de mise hors service au CRT.

[12] En mai 2013, le CRT a envisagé de renvoyer temporairement la fonctionnaire à un projet de graffitis. Elle a déclaré que le renvoi ne respectait pas ses limitations et restrictions et il n’a pas été effectué.

[13] Le 4 juin 2013, le CRT a discuté de deux placements possibles avec la fonctionnaire, soit un placement à court terme à titre d’adjointe en classification (CR‑05) à l’administration régionale (AR) du SCC et un poste de coordonnatrice des transferts (AS‑02) à l’Établissement de Joyceville du SCC, situé également à Kingston. Elle a exprimé son intérêt concernant le poste CR‑05, mais pas pour le poste AS‑02.

[14] Du 7 juin au 19 juillet 2013, la fonctionnaire était en congé avec étalement du revenu.

[15] Le 11 juin 2013, le CRT a commencé à chercher des postes AS‑05 pour la fonctionnaire, car il s’agissait d’un niveau équivalent au poste d’ALC.

[16] Le 4 juillet 2013, Kristi Reilly, la conseillère régionale chargée des mesures d’adaptation (la « conseillère chargée des MA »), a communiqué avec le CRT concernant un placement permanent possible pour la fonctionnaire à titre d’agente régionale de formation et de la qualité des données du Système de gestion des délinquants (SGD) au groupe et au niveau AS‑05 (le « poste du SGD »). Deux préoccupations ont été soulevées, à savoir si la fonctionnaire répondait aux exigences du poste et l’obligation d’examiner les renseignements sur les délinquants.

[17] Le 22 juillet 2013, la fonctionnaire a commencé une affectation temporaire consistant à aider un conseiller en classification à traiter un arriéré de tâches administratives considérées comme étant au niveau d’un CR‑05.

[18] Le 6 septembre 2013, la fonctionnaire a rencontré le gestionnaire d’embauche au sujet du poste du SGD. Le 12 septembre 2013, elle a présenté son curriculum vitæ et a indiqué qu’elle était disposée à tenter d’occuper le poste même si elle ne possédait pas toutes les qualifications essentielles définies dans l’énoncé des critères de mérite.

[19] Le 16 septembre 2013, l’employeur a renvoyé la fonctionnaire à une affectation de deux mois.

[20] Le 20 septembre 2013, la conseillère chargée des MA a écrit au CRT pour s’enquérir de tout poste AS‑05 occupé par un employé par intérim ou vacant. Le CRT a fourni des détails sur les postes suivants :

· Deux postes d’agent de projet n’ont pas été financés ou ont été éliminés en vertu du « Plan d’action de réduction de la dette » (PARD) imposé par le gouvernement fédéral.

· Un poste de gestionnaire régional AS‑05, administration et gestion de l’information (le « poste d’AGI ») était occupé par intérim et était susceptible d’être doté pour une période indéterminée en 2015.

· Deux postes vacants d’agents régionaux de la sécurité ont été déterminés, mais à l’époque, leur financement était incertain. Par la suite, un candidat prioritaire a occupé un de ces postes.

· Deux postes de niveau inférieur ont été déterminés. Le premier, un poste de coordonnateur régional des transferts (AS‑02), ne satisfaisait pas aux limitations et aux restrictions de la fonctionnaire en raison du contact occasionnel avec un détenu nettoyeur. Le deuxième poste, celui d’analyste des griefs (AS‑04), a été éliminé en raison du PARD.

 

[21] Le 24 septembre 2013, la conseillère chargée des MA a posé des questions à la fonctionnaire au sujet d’une affectation spéciale au pénitencier de Kingston du 2 au 22 octobre 2013. L’affectation consistait à collaborer avec des bénévoles, des guides touristiques et le public pendant les visites de Centraide. Elle a accepté l’affectation.

[22] Le 18 octobre 2013, le gestionnaire d’embauche du poste du SGD a fourni un plan de formation afin que la fonctionnaire devienne pleinement qualifiée. Ce plan indiquait que la formation se déroulerait sur une période d’un an et demi. Le CRT a estimé que cette période était excessive et a demandé que la fonctionnaire fasse l’objet d’une évaluation de ses aptitudes et capacités personnelles.

[23] Le 23 octobre 2013, la fonctionnaire est retournée au CRT et a aidé à l’accréditation et à d’autres projets.

[24] Le 17 décembre 2013, la fonctionnaire et l’employeur se sont rencontrés. Ils ont discuté du poste du SGD, mais la durée de la formation requise faisait en sorte qu’il ne convenait pas. Elle a posé des questions au sujet du poste d’AGI, et l’employeur a expliqué qu’il serait doté par un employé touché par le PARD.

[25] L’employeur a également discuté avec la fonctionnaire d’un poste d’agent des services aux victimes pour une période indéterminée (WP‑03). Elle a accepté d’en tenir compte si son médecin le jugeait convenable. Le 3 janvier 2014, elle a dit à l’employeur qu’elle croyait que les exigences du poste contrevenaient à ses limitations et restrictions.

[26] Le 8 janvier 2014, la conseillère chargée des MA a fourni à la fonctionnaire une offre d’emploi pour un poste d’agent de projet de gestion de l’information. Il ne s’agissait pas d’un renvoi officiel.

[27] Le 16 janvier 2014, le poste d’AGI, précédemment déterminé pour un employé touché, est redevenu disponible jusqu’à la fin de 2015. La fonctionnaire a fourni un curriculum vitæ et des références. Le 23 janvier 2014, elle a fait l’objet d’une évaluation et il a été conclu qu’elle ne satisfaisait pas aux exigences du poste.

[28] Le 27 janvier 2014, la fonctionnaire s’est présentée à une affectation à titre de coordonnatrice de l’accréditation (AS‑03) aux Services de santé à l’Établissement de Joyceville. À son arrivée, elle a déclaré qu’elle ne pouvait pas travailler dans un établissement où les détenus étaient présents et l’affectation a pris fin.

[29] Le 28 janvier 2014, la fonctionnaire a reçu une affectation à des projets spéciaux et à des fonctions d’accréditation au CRT. Même si le CRT était temporairement situé à l’établissement de Collins Bay, elle travaillait dans la salle de conférence Frontenac, qui était située à l’extérieur des murs de l’établissement.

[30] Le 29 janvier 2014, la conseillère chargée des MA a transmis à la fonctionnaire une annonce d’emploi pour un poste au sein du ministère de la Défense nationale. Même si le SCC n’avait aucun mécanisme pour renvoyer la fonctionnaire à un poste à l’extérieur de son organisation, elle pouvait le postuler directement elle‑même. Rien dans les éléments de preuve n’indique si la fonctionnaire a postulé directement le poste.

[31] Le 10 février 2014, l’employeur a reçu des renseignements médicaux concernant les limitations et les restrictions de la fonctionnaire. Ils affirmaient ce qui suit :

[Traduction]

 

· Son contact interpersonnel doit être défini comme aucun contact avec les détenus, y compris par téléphone, dossier ou proximité.

· Elle ne devrait pas examiner les dossiers des détenus, car cela lui cause un stress indu.

· Elle est devenue très agitée et stressée, incapable de dormir et irritable dans des milieux où ces mesures d’adaptation n’étaient pas prises.

· Le poste d’agente des services aux victimes n’était pas approprié.

 

[32] Par conséquent, le CRT a conclu qu’il donnerait suite uniquement aux postes à l’AR, au CRP et à l’administration centrale (AC) du SCC.

[33] Le 5 mars 2014, la conseillère chargée des MA a envoyé des demandes de renseignements pour déterminer les postes AS‑05 vacants à l’AC.

[34] Le 20 mars 2014, une réunion a été tenue avec la fonctionnaire. Voici les résultats de cette réunion :

· À la suite de la mise à jour des documents médicaux, il a été conclu que les postes d’agente du SGD et d’agente des services aux victimes ne respectaient pas les limitations et les restrictions de la fonctionnaire et qu’ils ne seraient pas retenus.

· Toutes les possibilités de postes permanents équivalents au groupe et au niveau WP‑04 dans la région de Kingston avaient été explorées. Par conséquent, des postes de niveau inférieur seraient examinés en tant qu’option de placement.

· Un examen des postes équivalents au groupe et au niveau WP‑04 à l’AC était en cours.

 

[35] Le 8 avril 2014, la conseillère chargée des MA a fourni à la fonctionnaire une annonce d’emploi pour un poste AS‑05 auprès du Conseil du Trésor. Il ne s’agissait pas d’un renvoi officiel puisqu’il était à l’extérieur du SCC, et la fonctionnaire n’était pas une candidate prioritaire à la Commission de la fonction publique (CFP), qui aurait peut‑être par ailleurs acheminé sa candidature. Toutefois, la fonctionnaire pouvait postuler directement elle‑même le poste. Rien dans les éléments de preuve n’indique si la fonctionnaire a postulé directement le poste.

[36] Le 29 avril 2014, la conseillère chargée des MA a transmis à la fonctionnaire une liste de postes à l’AC classifiés au groupe et au niveau AS‑05. La conseillère chargée des MA a envoyé un courriel à 39 gestionnaires, à la recherche d’un poste disponible pour une période indéterminée. Le 6 juin 2014, les réponses indiquaient qu’il n’y avait aucun poste AS‑05 vacant ou à doter prochainement.

[37] Le 12 mai 2014, la fonctionnaire a reçu une affectation consistant à aider au recrutement jusqu’en septembre 2014. Cela faisait suite à la confirmation de la fonctionnaire que la présence de détenus préposés à l’entretien de terrains ne contreviendrait pas à ses limitations et restrictions.

[38] Le 10 juillet 2014, l’employeur a renvoyé officiellement la fonctionnaire à un poste de gestionnaire de cours (AS‑05) situé à l’AC. Après avoir précisé qu’elle était une candidate prioritaire au sein du SCC, elle a été présélectionnée dans le cadre du processus.

[39] Le 16 juillet 2014, la conseillère chargée des MA a communiqué avec le Bureau de district principal de l’Ontario et du Nunavut du SCC au sujet d’un potentiel poste vacant AS‑03.

[40] Le 16 juillet 2014, la conseillère chargée des MA a également été informée que l’affectation de recrutement prendrait fin plus tôt que prévu en raison du financement et d’une diminution de la charge de travail. Les renseignements ont été communiqués à la fonctionnaire le 24 juillet 2014. Toutefois, l’employeur a obtenu pour la fonctionnaire une affectation de huit semaines dans le secteur des Ressources humaines, qu’elle a commencée le 5 août 2014.

[41] Le 19 août 2014, le sous‑commissaire régional (SCR) a approuvé un plan de placement de la fonctionnaire dans un poste permanent. Ce plan prévoyait notamment de lui présenter l’option du poste de gestionnaire de district de l’administration et de l’infrastructure (AS‑03) (le « poste de gestionnaire de district »). Si elle estimait que cela pouvait lui convenir, l’employeur demanderait alors à son médecin d’examiner ses limitations et restrictions. Si le poste respectait ses limitations et ses restrictions, l’employeur envisagerait l’option d’une affectation à court terme. Si la fonctionnaire occupait l’affectation avec succès jusqu’à la fin, l’employeur demanderait une évaluation officielle et une mutation au poste pour une période indéterminée. L’employeur l’a informée que si elle était mutée, la protection salariale au groupe et au niveau WP‑04 prendrait fin.

[42] Subsidiairement, si le poste de gestionnaire de district ne respectait pas les limitations et restrictions de la fonctionnaire, ou si elle n’occupait pas le poste avec succès, on lui offrirait alors un poste CR‑04 pour une période indéterminée, soit celui d’adjointe administrative dans le secteur des Services techniques du SCC situé à l’AC (le « poste CR‑04 »). La protection salariale au groupe et au niveau WP‑04 prendrait fin. Si elle n’acceptait pas le poste CR‑04, l’employeur la mettrait en CNP au motif que toutes les options avaient été épuisées et qu’il n’y avait aucun autre poste vacant à offrir.

[43] Le 21 août 2014, les parties se sont rencontrées de nouveau. L’employeur a informé la fonctionnaire qu’il avait cherché des postes équivalents au poste WP‑04 et des postes AS‑05 à l’AC, sans succès. Son salaire demeurerait au groupe et au niveau WP‑04 jusqu’à la fin du mois de septembre 2014.

[44] Les parties ont discuté du poste de gestionnaire de district. L’employeur a expliqué à la fonctionnaire que si le poste ne respectait pas ses limitations et restrictions, la seule option qui restait était le poste CR‑04. Si elle y était mutée, elle recevrait le salaire du groupe et du niveau CR‑04. Si ses limitations et restrictions excluaient le poste de gestionnaire de district et qu’elle n’acceptait pas le poste CR‑04, l’employeur la mettrait en CNP jusqu’à ce qu’une autre option soit trouvée.

[45] Le 25 août 2014, le gestionnaire d’embauche pour le poste de gestionnaire de district a informé la fonctionnaire qu’elle possédait les qualifications essentielles pour le poste. Elle n’avait besoin que d’une évaluation de langue seconde (ELS) pour démontrer qu’elle satisfaisait aux exigences linguistiques du poste.

[46] Les parties ont tenu une réunion de suivi le 26 août 2014, au cours de laquelle la fonctionnaire a déclaré qu’elle ne croyait pas que le poste de gestionnaire de district était convenable en raison de ses problèmes de hanche et de genou. L’employeur a fait remarquer qu’il n’avait jamais eu connaissance de déficiences physiques limitant les options pour la placer dans un poste convenable.

[47] Lorsque la fonctionnaire a posé de nouveau des questions au sujet du poste du SGD et qu’elle a demandé s’il pouvait être modifié en fonction de ses limitations et restrictions, l’employeur l’a informée que les renseignements provenant de son médecin traitant devraient être examinés de manière plus approfondie.

[48] Le 2 septembre 2014, la fonctionnaire a été renvoyée à un processus de placement temporaire en tant qu’analyste des ressources humaines (AS‑03).

[49] Le 5 septembre 2014, la fonctionnaire a obtenu une affection à un projet spécial. Il comportait des fonctions de mise hors service et de classement au CRT et au pénitencier de Kingston, qui avaient alors été fermés.

[50] Le 18 septembre 2014, des renseignements médicaux actualisés ont permis de confirmer que le poste de gestionnaire de district ne convenait pas en raison d’un contact direct avec les détenus. De plus, les renseignements médicaux indiquaient que la fonctionnaire avait un dos fragile et que le fait de soulever des objets dans le cadre du poste rendait ce dernier incompatible avec ses limitations et restrictions. Toutefois, le poste du SGD lui conviendrait davantage parce qu’il ne l’obligeait pas à examiner des cas particuliers.

[51] L’employeur a accepté de réexaminer le poste du SGD. Toutefois, le 2 octobre 2014, il a déterminé que le poste n’était plus disponible puisque le SGD faisait l’objet d’un examen fonctionnel. Étant donné que le poste serait probablement éliminé, il ne serait pas doté de façon temporaire ou permanente. L’employeur a envisagé un placement à court terme pour la fonctionnaire au CRP à titre d’agente de formation du personnel (AS‑05), mais a décidé qu’il n’y donnerait pas suite, car il n’offrait pas un poste permanent.

[52] Le 17 octobre 2014, la coordonnatrice des MA a informé le SCR que toutes les options de placement permanent au groupe et au niveau WP‑04 ou équivalent avaient été épuisées. Les postes de niveau inférieur disponibles étaient deux CR‑05 dans le secteur des finances du SCC, ce qui nécessitait une formation en comptabilité générale. Toutefois, il y avait des candidats prioritaires pleinement qualifiés qui pouvaient être nommés immédiatement à ces postes. Le poste CR‑04 demeurait disponible pour une mutation immédiate. Le SCR a approuvé la mutation de la fonctionnaire à ce poste.

[53] Au cours d’une réunion tenue le 29 octobre 2014, une lettre d’offre a été présentée à la fonctionnaire. Elle lui donnait cinq jours pour y réfléchir. Elle a été informée que si elle refusait l’offre, elle serait placée en CNP.

[54] La fonctionnaire a ensuite écrit au commissaire du SCC et a assisté à une réunion le 3 novembre 2014 avec le directeur intérimaire du Mieux‑être au travail et du bien‑être des employés (le « directeur du METBEE »). Elle a déclaré qu’elle souhaitait travailler jusqu’en août 2016, date à laquelle elle aurait 25 ans de service. Elle n’était pas disposée à accepter une rétrogradation, mais elle pouvait continuer des affectations temporaires jusqu’à cette date. Même si la région du SCC avait épuisé toutes les options, elle était prête à envisager des postes à l’AC. Les parties ont convenu qu’elle recevrait une prolongation d’une semaine pour prendre sa décision concernant le poste CR‑04.

[55] Le 13 novembre 2014, la fonctionnaire s’est retirée du processus de dotation du poste d’analyste des ressources humaines et a exprimé sa conviction que le poste dépassait ses capacités.

[56] Le 24 novembre 2014, le directeur du METBEE a écrit à tous les chefs de secteur de l’AC pour s’enquérir de tout poste vacant et disponible pour une période indéterminée équivalant au groupe et au niveau WP‑04.

[57] Au début de décembre 2014, la possibilité d’être évaluée pour un poste classifié au groupe Gestion du personnel (PE) aux Ressources humaines a été discutée avec la fonctionnaire. Elle a refusé d’y donner suite; elle ne souhaitait pas joindre le groupe PE, car il n’était pas représenté par un syndicat.

[58] Le 15 décembre 2014, la fonctionnaire a présenté sa candidature aux fins d’une possibilité à court terme en tant que coordonnatrice de lutte contre le harcèlement (AS‑05). Rien dans les éléments de preuve n’indique si sa candidature a été retenue.

[59] L’employeur a effectué un nouvel examen des postes financés pour une période indéterminée en décembre 2014. L’exigence linguistique de chaque poste vacant était bilingue impératif. La fonctionnaire n’avait pas de résultats récents d’ELS pour satisfaire au niveau requis. Elle ne l’avait pas réussi à quatre reprises.

[60] La fonctionnaire s’est présentée à l’examen écrit de l’ELS le 9 janvier 2015 et, encore une fois, elle n’a pas réussi.

[61] Le 10 février 2015, les parties se sont rencontrées pour discuter du résultat de la recherche d’un poste convenable. L’employeur a conclu en déclarant que le poste CR‑04 demeurait le seul poste raisonnable. La fonctionnaire a demandé une prolongation jusqu’au 20 février 2015 pour prendre une décision. Une réunion de suivi a été tenue le 13 février 2015.

[62] Le 18 février et le 3 mars 2015, la fonctionnaire a déposé des griefs essentiellement semblables. Le grief du 18 février 2015 déclarait ce qui suit :

[Traduction]

Je présente un grief en raison du fait que des mesures d’adaptation appropriées ne sont pas prises à mon égard. Le Service correctionnel du Canada n’a pas suivi les étapes appropriées lorsqu’il a demandé une mesure d’adaptation dans mon cas. Plus précisément, le mardi 10 février 2015, on m’a offert la possibilité d’accepter un poste CR‑04, ce qui constitue une rétrogradation importante de mon poste d’attache WP4. La direction m’a informé que si je n’acceptais pas cette rétrogradation, je serais renvoyée chez moi sans solde le vendredi 20 février 2015.

Ce qui précède n’est pas conforme à la Politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation ni à une décision récente de la Commission des relations de travail dans la fonction publique portant sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation au sein de la fonction publique fédérale.

 

[63] Le 27 février 2015, la fonctionnaire a refusé officiellement l’offre du poste CR‑04. Elle a été rayée de l’effectif et mise en CNP à compter du 2 mars 2015.

[64] La fonctionnaire a ensuite déposé le grief suivant le 3 mars 2015 :

[Traduction]

Je présente un grief en raison du fait que des mesures d’adaptation appropriées ne sont pas prises à mon égard. Le Service correctionnel du Canada n’a pas suivi les étapes appropriées lorsqu’il a demandé une mesure d’adaptation dans mon cas. Plus précisément, le mardi 10 février 2015, on m’a offert la possibilité d’accepter un poste CR‑04, ce qui constitue une rétrogradation importante de mon poste d’attache WP‑04. La direction m’a informé que si je n’acceptais pas cette rétrogradation, je serais renvoyée chez moi sans solde le vendredi 20 février 2015. J’ai été officiellement informée, dans une note de service rédigée par la directrice exécutive par intérim, Angie Legacy, que j’étais temporairement rayée de l’effectif à compter du lundi 2 mars 2015.

Ce qui précède n’est pas conforme à la Politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation ni à une décision récente de la Commission des relations de travail dans la fonction publique portant sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation au sein de la fonction publique fédérale.

[Je mets en évidence]

 

[65] Les griefs étaient essentiellement semblables, la partie mise en évidence ayant été ajoutée au grief du 3 mars 2015.

[66] La fonctionnaire a informé l’employeur qu’elle chercherait à obtenir des prestations de l’assurance‑invalidité. Le 28 mai 2015, l’employeur a reçu des renseignements selon lesquels sa demande de prestations avait été rejetée.

[67] Le 20 avril 2015, la conseillère chargée des MA a transmis à la fonctionnaire des annonces d’emploi de poste AS‑04 et AS‑05 aux Ressources humaines à l’AC, indiquant qu’elle avait fait l’objet d’un renvoi officiel à ces postes. Elle a répondu et indiqué qu’elle présenterait sa candidature à leur égard. Le 22 avril 2015, elle a précisé qu’elle ne présenterait sa candidature qu’à l’égard du poste AS‑05.

[68] Le 23 avril 2015, l’employeur a confirmé qu’il continuerait d’explorer les postes vacants pour une période indéterminée à l’AR et à l’AC.

[69] Le 28 mai 2015, la conseillère chargée des MA a demandé à la fonctionnaire si elle souhaitait reprendre encore une fois l’ELS, ce qui pourrait donner lieu à des possibilités d’autres postes. La fonctionnaire a accepté et terminé avec succès la partie écrite. L’examen oral était prévu le 27 juillet 2015 et elle n’a pas réussi.

[70] Le 29 mai 2015, la conseillère chargée des MA a appris que les Opérations de dotation de l’AC avaient renvoyé la fonctionnaire à un certain nombre de postes AS‑05 sans consulter son gestionnaire. Plusieurs d’entre eux ne satisfaisaient pas à ses limitations et restrictions.

[71] Le 10 juin 2015, un poste au sein de la Direction des initiatives pour Autochtones du SCC a été déterminé.

[72] Le 16 juin 2015, la fonctionnaire a demandé à l’employeur de la renvoyer à des postes à l’extérieur du SCC. En réponse, la conseillère chargée des MA a affirmé qu’afin de la renvoyer en tant que candidate prioritaire à des ministères à l’extérieur du SCC, elle devait s’inscrire en tant que candidate ayant droit à la priorité pour invalidité auprès de la CFP. Afin d’obtenir le statut de priorité pour invalidité en vertu de l’article 7 du Règlement sur l’emploi dans la fonction publique (DORS/2005‑334; REFP), un fournisseur de prestations d’invalidité doit déclarer qu’elle est handicapée.

[73] Le 20 juillet 2015, la conseillère chargée des MA a reçu des renseignements selon lesquels un poste de coordonnateur de la prévention du harcèlement (AS‑05) deviendrait bientôt vacant de façon permanente et a conseillé à la fonctionnaire de présenter un curriculum vitæ à titre prioritaire et que les employés vulnérables seraient pris en considération en premier. Elle a été officiellement renvoyée au poste le 31 juillet 2015. Lorsque le gestionnaire d’embauche a répondu que la fonctionnaire ne satisfaisait pas aux exigences essentielles, on lui a donné une autre occasion de fournir un curriculum vitæ à jour, ce qu’elle a fait. Toutefois, elle n’a toujours pas été retenue, et un autre candidat prioritaire a ensuite été pris en considération. La fonctionnaire a été informée du résultat le 1er octobre 2015.

[74] Le 24 août 2015, la conseillère chargée des MA a transmis à la fonctionnaire une annonce d’emploi pour un poste de conseillère en communication avec les médias auprès d’un autre ministère fédéral. Il ne s’agissait pas d’un renvoi officiel, car le poste était situé à l’extérieur du SCC.

[75] Le 20 novembre 2015, l’employeur a informé la fonctionnaire de l’existence d’un poste d’analyste des activités des systèmes de gestion des ressources humaines (AS‑05) situé à l’AC. Elle estimait qu’elle ne satisfaisait pas aux critères d’expérience, mais elle a demandé d’y être renvoyée.

[76] Le 26 novembre 2015, le gestionnaire d’embauche du poste a déterminé qu’il faudrait trois ans afin que la fonctionnaire devienne qualifiée pour le poste. Elle a été informée de ce résultat le 9 décembre 2015.

[77] Le 11 décembre 2015, la fonctionnaire a été informée d’un poste d’agente de recherche (EC‑04) pour une période indéterminée. Elle a affirmé qu’elle ne souhaitait pas occuper le poste, car il s’agissait d’un salaire inférieur.

[78] Le 8 janvier 2016, la fonctionnaire a informé l’employeur qu’Anciens Combattants Canada (ACC) lui avait offert un détachement d’un an. Le 26 janvier 2016, elle a informé l’employeur qu’ACC avait reporté son examen du détachement en raison d’un examen financier interne.

[79] Le 3 février 2016, la conseillère chargée des MA a communiqué avec la fonctionnaire au sujet d’un placement éventuel à titre de coordonnatrice régionale, connectivité et échange de renseignements avec les partenaires externes (AS‑05) (le « poste de coordonnatrice régionale »), qui devait devenir disponible pour une période indéterminée en juin ou juillet 2016.

[80] L’employeur a exprimé une préoccupation selon laquelle il pourrait contrevenir aux limitations et aux restrictions de la fonctionnaire en raison de la présence de détenus dans des établissements résidentiels communautaires. Elle a manifesté son intérêt lors d’une rencontre tenue le 23 février 2016 et, le 23 mars 2016, l’employeur lui a fourni une lettre que son médecin devait remplir.

[81] Le 22 février 2016, l’employeur a renvoyé la fonctionnaire à un poste de conseillère en ressources humaines (PE‑03) dans son secteur de la Planification des ressources humaines. Le 24 février 2016, le gestionnaire d’embauche a exprimé une préoccupation concernant le fait que la fonctionnaire n’avait pas clairement indiqué la façon dont elle satisfaisait aux critères essentiels. La fonctionnaire a eu une autre possibilité d’y répondre complètement. Le gestionnaire d’embauche a ensuite déterminé que la fonctionnaire ne satisfaisait qu’à l’un des trois critères et que sa candidature serait écartée.

[82] Le 7 avril 2016, l’employeur a informé la fonctionnaire d’une vacance prévue pour une période indéterminée pour un poste de gestionnaire des services de gestion (AS‑04) au CRP. Comme le poste était impératif bilingue, la fonctionnaire a accepté de subir une ELS et a présenté son curriculum vitæ le 14 avril 2016. Le 17 mai 2016, elle a retiré sa candidature pour ce poste.

[83] Le 16 avril 2016, des renseignements médicaux actualisés indiquaient que la fonctionnaire pouvait tolérer un bref contact avec un détenu tant qu’elle pouvait se retirer de la situation.

[84] Le 27 mai 2016, la fonctionnaire a été renvoyée au poste de coordonnatrice régionale.

[85] Les 27 et 31 mai 2016, la fonctionnaire a présenté des lettres de démission.

III. Résumé de la preuve

A. Pour la fonctionnaire

[86] La fonctionnaire a témoigné que les fonctions qui lui ont été assignées après son retour en 2011 tenaient compte de ses limitations et restrictions. Elle s’est souvenue de réunions continues avec la conseillère chargée des MA et d’autres personnes au cours de plusieurs de ses affectations. Elle a convenu que la conseillère chargée des MA lui indiquait régulièrement des postes à envisager. L’employeur a respecté ses limitations et ses restrictions et n’a exercé aucune pression sur elle pour qu’elle accepte un travail qui ne lui convenait pas. Il l’a également encouragée à chercher des postes appropriés de façon indépendante.

[87] En ce qui concerne le poste du SGD, la fonctionnaire a témoigné que, lorsqu’elle a appris que sa nomination à ce poste nécessiterait une formation d’un an et demi, elle a décidé que la nomination ne conviendrait pas à l’organisation, car elle savait qu’elle prendrait bientôt sa retraite. Elle a reconnu que son représentant syndical lui avait néanmoins conseillé d’accepter le poste et de suivre la formation.

[88] La fonctionnaire estimait que l’employeur aurait dû chercher des postes pour elle à l’extérieur du SCC. Elle a indiqué qu’elle avait participé de temps à autre à titre de facilitatrice du plan d’apprentissage mixte (PAM) dans le cadre d’une série d’ateliers offerts par l’Alliance de la Fonction publique du Canada et le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada. Elle aurait été heureuse s’il y avait eu moyen de créer un poste permanent pour le PAM.

[89] La fonctionnaire a reconnu que, dès mars 2014, l’employeur l’avait informée de la possibilité que, si aucune mesure d’adaptation ne pouvait être trouvée dans un poste équivalent au groupe et au niveau WP‑04, des postes de niveau inférieur seraient alors envisagés et qu’aucune protection salariale ne serait offerte.

[90] La fonctionnaire s’est souvenue de la réunion tenue en octobre 2014 au cours de laquelle l’employeur a présenté l’offre de mutation au poste CR‑04. Même si elle a été informée de cette possibilité quelques mois auparavant, elle n’était pas prête à accepter une rétrogradation. Elle estimait qu’elle aurait pu continuer à occuper des affectations temporaires jusqu’à sa retraite. Elle s’est sentie rabaissée, frustrée et préoccupée par le fait qu’une rétrogradation aurait une incidence sur sa pension, même si elle n’a pas pu dire dans quelle mesure. Pour ces raisons, elle a cherché à contacter le bureau du commissaire du SCC.

[91] La fonctionnaire a reconnu que le commissaire et ses subordonnés ont répondu en temps opportun et qu’ils l’ont prise au sérieux. Sa décision concernant l’offre du poste CR‑04 a été mise en suspens. Elle a convenu que lorsque le directeur du METBEE lui a proposé de se soumettre à une évaluation pour les postes du groupe PE, elle a refusé, car elle ne voulait pas accepter un poste qui n’était pas représenté par un agent négociateur. La réduction de salaire pour un poste au groupe PE ne la préoccupait pas. Toutefois, en février 2016, la fonctionnaire était prête à être évaluée pour le poste de conseillère en ressources humaines du groupe PE, même s’il a été déterminé plus tard qu’elle n’était pas qualifiée.

[92] La fonctionnaire a témoigné qu’elle avait communiqué avec la conseillère chargée des MA le 8 janvier 2016 pour obtenir du soutien après avoir reçu une offre d’affectation d’un an dans un poste au groupe et au niveau WP‑04 à ACC. Malheureusement, lorsque la fonctionnaire a répondu à ACC, elle a appris que le poste n’était plus disponible.

[93] La fonctionnaire a convenu qu’à partir de 2011 et jusqu’à sa retraite en 2016, la conseillère chargée des MA avait déterminé des postes à l’intérieur et à l’extérieur du SCC qui pourraient lui convenir. La fonctionnaire n’a pas laissé entendre qu’un poste potentiellement convenable avait été négligé.

[94] La fonctionnaire a également témoigné qu’elle n’était pas disposée à accepter un poste inférieur au groupe et au niveau WP‑04. En l’absence d’un tel poste, elle a été mise en CNP. La conseillère chargée des MA a continué à communiquer avec elle au sujet des postes disponibles au sein du SCC et à l’informer des postes vacants annoncés à l’extérieur du SCC.

[95] La fonctionnaire a témoigné que pendant qu’elle était en CNP, elle a poursuivi sa recherche d’emploi en accédant à un ordinateur au CRP pour chercher des postes au gouvernement fédéral. Elle a également communiqué avec d’autres personnes pour savoir si elles étaient au courant de postes disponibles.

[96] La fonctionnaire estimait que la conseillère chargée des MA avait fait preuve de diligence, sauf lorsqu’elle ne l’a pas renvoyé à des postes à l’extérieur du SCC. Cette omission constituait sa principale plainte. Elle a convenu que la conseillère chargée des MA lui avait dit que l’employeur ne pouvait pas la renvoyer à des postes dans d’autres ministères fédéraux et que ce pouvoir était conféré à la CFP dans l’administration des priorités, y compris les candidats ayant droit à la priorité pour invalidité. La fonctionnaire a reconnu qu’elle n’était jamais devenue une personne ayant droit à une priorité réglementaire au sens de l’article 7 du Règlement sur l’emploi dans la fonction publique (DORS/2005‑334).

B. Pour l’employeur

[97] La conseillère chargée des MA a témoigné au sujet de l’administration de la priorité de la fonctionnaire. Elle a décrit ses fonctions comme consistant à veiller à ce qu’un employé ayant besoin d’une mesure d’adaptation ne soit pas traité différemment ou de manière défavorable.

[98] À la suite du retour de la fonctionnaire au CRT en 2012, elle a reçu des placements temporaires ou a occupé des postes vacants temporaires. Elle a exécuté de façon informelle des tâches, au besoin, qui tenaient compte de ses limitations et restrictions.

[99] La conclusion du médecin en décembre 2012 selon laquelle les limitations et restrictions de la fonctionnaire étaient permanentes a eu pour effet de soustraire de la prise en considération les fonctions de base du poste d’ALC. La fonctionnaire ne pouvait pas retourner au poste d’ALC ou travailler dans un établissement. Par conséquent, son nom a été ajouté à la base de données interne sur les mesures d’adaptation pendant qu’un autre placement permanent était recherché.

[100] La conseillère chargée des MA a expliqué la base de données interne sur les mesures d’adaptation de l’employeur et le soutien d’un comité qui agissait à titre de « recruteur » pour les personnes qui ne pouvaient plus occuper leur poste d’attache. Le comité s’est réuni régulièrement pour examiner la liste des personnes ayant besoin de mesures d’adaptation, et il a travaillé activement à leur trouver de nouveaux placements permanents.

[101] La conseillère chargée des MA a affirmé qu’un candidat prioritaire interne qui satisfaisait aux qualifications nécessaires pour un poste ou qui pouvait devenir qualifié dans un délai raisonnable serait pris en considération avant tout autre candidat. Lorsqu’un poste raisonnable est trouvé et accepté, l’employé est rémunéré pour ce poste, sans protection salariale, dans son ancien groupe et niveau.

[102] La conseillère chargée des MA a fait référence à un document intitulé [traduction] « Plan en matière de mesures d’adaptation », signé le 8 janvier 2013 par l’employeur et la fonctionnaire. Il a fourni des détails sur ses limitations et restrictions et a énoncé l’objectif de trouver un poste permanent et convenable au sein du SCC, car elle n’était pas en mesure de retourner au poste d’ALC.

[103] Pendant que la recherche se poursuivait, la fonctionnaire effectuait des tâches à titre de solution temporaire pendant qu’un poste permanent était recherché pour elle.

[104] La conseillère chargée des MA a témoigné au sujet des difficultés à trouver un poste vacant financé sans contact avec les détenus ni examen des dossiers des détenus. De plus, la fonctionnaire a restreint sa mobilité à la région de Kingston. Plus tard, elle l’a élargie pour tenir compte de postes à Ottawa, en Ontario.

[105] Parallèlement à ces événements, l’employeur était assujetti au PARD et aux réductions correspondantes du financement et des activités. L’une des conséquences du PARD était que les postes d’un grand nombre d’employés étaient touchés. Ces employés devaient eux aussi être pris en considération aux fins de placement.

[106] Ensemble, ces facteurs ont donné lieu à un bassin peu important de postes vacants et financés qui répondaient aux limitations et aux restrictions de la fonctionnaire. Le CRT a continué de lui verser son salaire au groupe et niveau WP‑04 jusqu’à ce qu’un placement permanent convenable soit trouvé. À ce moment‑là, elle assumerait la classification et le salaire du nouveau poste.

[107] La conseillère chargée des MA a décrit ses efforts, officiels et officieux, pour obtenir des postes à court terme et permanents équivalents au groupe et au niveau WP‑04. Des postes potentiels ont été discutés avec la fonctionnaire afin d’éviter de faire des suppositions ou de la mettre en danger involontairement.

[108] La conseillère chargée des MA s’est souvenue du poste du SGD. La fonctionnaire avait rencontré le gestionnaire et un plan de formation d’un an et demi avait été élaboré pour qu’elle devienne pleinement qualifiée. Même si elle n’avait pas fixé de date de retraite, la fonctionnaire avait dit qu’elle était prévue dans quelques années. Selon la conseillère chargée des MA, les parties, y compris la fonctionnaire, ont convenu qu’il ne serait pas raisonnable de la former pour cette période.

[109] Il est ressorti des éléments de preuve que la conseillère chargée des MA a sondé les administrateurs, les chefs de services et les gestionnaires pour des postes AS‑05 temporaires et permanents dans sept secteurs du SCC. Elle a réussi à trouver un poste de gestionnaire de cours AS‑05 à l’AC. Elle y a officiellement renvoyé la fonctionnaire et a dissipé la confusion au sujet du statut de la fonctionnaire en tant que priorité interne. En fin de compte, les membres du comité d’évaluation ont conclu que la fonctionnaire satisfaisait aux critères essentiels relatifs aux études et à l’expérience. Toutefois, malgré le fait d’avoir effectué l’ELS, la fonctionnaire ne satisfaisait pas aux exigences linguistiques du poste.

[110] La conseillère chargée des MA a réitéré que l’employeur n’avait pas le pouvoir de renvoyer la fonctionnaire à des postes à l’extérieur du SCC puisqu’elle n’était pas une candidate prioritaire de la CFP. Toutefois, la conseillère chargée des MA a continué de fournir à la fonctionnaire des annonces d’emploi dans d’autres ministères fédéraux, emplois que la fonctionnaire pouvait postuler directement elle‑même. Par exemple, le 8 avril 2014, elle a fourni des renseignements sur un poste de vérificateur interne principal (AS‑05) auprès du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada. Elle a discuté avec la fonctionnaire d’un poste vacant au ministère de la Défense nationale. Elle a expliqué qu’elle avait également paramétré son « Carrière à l’écoute » personnel, soit un service destiné aux employés du secteur public fédéral pour surveiller les possibilités d’emploi, afin qu’il cherche des postes vacants des groupes et des niveaux WP‑04 et AS‑05 pour la fonctionnaire. Cela lui a permis de trouver des postes à l’extérieur du SCC, de les communiquer à la fonctionnaire et d’encourager cette dernière à les postuler directement elle‑même.

[111] Le 25 juillet 2014, lorsque la conseillère chargée des MA a communiqué avec le SCR intérimaire, elle estimait avoir épuisé toutes les options disponibles, à l’exception du poste de gestionnaire de district AS‑03.

[112] La conseillère chargée des MA a reconnu avoir assisté à la réunion avec la fonctionnaire et d’autres personnes le 21 août 2014. Les mesures les plus récentes pour trouver des postes au groupe et au niveau AS‑05 ont été examinées. Les parties ont discuté de l’échec de la recherche d’un poste permanent WP‑04 ou d’un poste équivalent. L’employeur a annoncé qu’il examinerait la possibilité d’offrir des postes de niveau inférieur. Le poste de gestionnaire de district au niveau inférieur a été discuté en tant que placement permanent, avec une certaine réserve quant à savoir s’il respectait les limitations et les restrictions de la fonctionnaire. S’il était approuvé, il offrait une mutation immédiate au salaire correspondant au groupe et au niveau AS‑03.

[113] Si le poste de gestionnaire de district n’était pas acceptable, la solution de rechange restante était le poste CR‑04 avec le salaire correspondant au groupe et au niveau CR‑04. Si la fonctionnaire refusait le poste CR‑04, elle serait mise en CNP en attendant une autre option de placement. L’employeur lui a dit que, quoi qu’il en soit, la protection salariale au groupe et au niveau WP‑04 prendrait fin le 14 septembre 2014.

[114] Lorsque les parties se sont rencontrées de nouveau le 26 août 2014, la fonctionnaire a assisté à la réunion avec un représentant syndical. Elle a indiqué que le poste de gestionnaire de district ne serait probablement pas convenable, car en plus de ses limitations et restrictions connues, elle souffrait également de problèmes de hanche et de genou. Les parties ont convenu que la fonctionnaire et son médecin examineraient le poste de gestionnaire de district ainsi que le poste du SGD et qu’ils fourniraient des renseignements médicaux actualisés.

[115] Le médecin de la fonctionnaire a par la suite confirmé que le poste du SGD n’était pas convenable compte tenu du contact direct avec les détenus. Pour la première fois, le médecin a également écrit au sujet des problèmes de dos de la fonctionnaire.

[116] La conseillère chargée des MA a témoigné au sujet de l’intérêt de la fonctionnaire à l’égard d’un poste pour le PAM. La conseillère chargée des MA a expliqué que le PAM était une initiative de l’Alliance de la Fonction publique du Canada et du Conseil du Trésor visant à améliorer les relations patronales‑syndicales au sein de la fonction publique. Même si la fonctionnaire avait expliqué à l’employeur qu’elle était facilitatrice de programme et que celui‑ci avait soutenu cette activité, il s’agissait d’une possibilité « sur appel ». Aucun poste permanent n’existait pour une facilitatrice du PAM au SCC ou ailleurs. Par conséquent, il ne s’agissait pas d’une option de placement.

[117] Le 29 octobre 2014, les parties se sont de nouveau rencontrées pour examiner les efforts déployés en matière de mesures d’adaptation à compter de 2012. Elles ont discuté de l’option restante, soit le poste CR‑04, et une lettre d’offre a été présentée à la fonctionnaire.

[118] La conseillère chargée des MA s’est souvenue que la fonctionnaire estimait que l’acceptation de l’offre lui causerait des difficultés. Après que la fonctionnaire a écrit au commissaire du SCC pour obtenir de l’aide, les parties ont convenu qu’elle conserverait son salaire au groupe et au niveau WP‑04 en attendant de trouver un placement permanent convenable.

[119] Le 24 novembre 2014, le directeur du METBEE a établi un contact par courriel avec les chefs de secteur et les directeurs de 13 secteurs afin de trouver un poste WP‑04 financé et pour une période indéterminée, et un poste équivalent d’un niveau inférieur qui respectait les limitations et les restrictions de la fonctionnaire.

[120] Seuls des postes bilingues impératifs ont été trouvés. La fonctionnaire a de nouveau subi l’ELS, mais elle n’a pas obtenu une note qui satisfaisait aux exigences du poste.

[121] La note au dossier du 21 janvier 2015 de la conseillère chargée des MA indique que la fonctionnaire s’est vu offrir une possibilité d’emploi aux Ressources humaines. Elle a refusé d’être prise en considération, car le poste était exclu de la représentation syndicale.

[122] La conseillère chargée des MA s’est souvenue que la fonctionnaire avait demandé d’être prise en considération aux fins d’un échange de postes. Toutefois, le poste d’ALC avait été doté. Étant donné qu’elle n’était plus titulaire d’un poste, elle ne pouvait pas se prévaloir d’un échange de poste.

[123] Selon la conseillère chargée des MA, en date du 10 février 2015, l’employeur a conclu que la seule option disponible demeurait le poste CR‑04 qui avait été offert à la fonctionnaire en novembre 2014. La fonctionnaire a demandé et a obtenu une prorogation du délai pour y réfléchir.

[124] La conseillère chargée des MA s’est souvenue que, lors d’une réunion tenue le 13 février 2015, le représentant syndical de la fonctionnaire a indiqué que la fonctionnaire prendrait probablement sa retraite dans 15 mois. Lors d’une conversation téléphonique le 19 février 2015, la fonctionnaire a indiqué qu’elle présenterait une demande de prestations d’assurance‑invalidité. L’assureur a refusé sa demande.

[125] Le 27 février 2015, la fonctionnaire a refusé officiellement l’offre du poste CR‑04 et a commencé son CNP à compter du 2 mars 2015.

[126] La conseillère chargée des MA a témoigné que, pendant que la fonctionnaire était en CNP, elle a continué de chercher un poste permanent financé pour elle, comme il est indiqué dans le contexte mentionné précédemment dans la présente décision.

[127] Le 16 juin 2015, la fonctionnaire a demandé à l’employeur de chercher des postes convenables à l’extérieur du SCC. La conseillère chargée des MA a répondu comme suit le 18 juin 2015 :

[Traduction]

[…]

Comme vous le savez, vous avez droit à une priorité interne en matière de mesures d’adaptation auprès du SCC. Afin d’être renvoyée en tant que priorité aux ministères à l’extérieur du SCC, vous devez être inscrite comme prioritaire auprès de la Commission de la fonction publique.

Il y a deux types de droits de priorité prévus dans la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP) et le Règlement sur l’emploi dans la fonction publique (priorités légales et priorités réglementaires). Les droits de priorité prévus dans la LEFP sont désignés comme des priorités légales (priorité à titre d’employé excédentaire, priorité de congé et de mise en disponibilité). Les priorités en vertu du REFP sont désignées comme des priorités réglementaires (priorité à titre d’employé excédentaire, priorité pour invalidité, priorité pour réinstallation du conjoint, priorité de réintégration, priorité du conjoint survivant).

En ce qui concerne votre cas, le seul droit de priorité qui pourrait s’appliquer serait une priorité pour invalidité. Afin d’avoir droit à une priorité pour invalidité, vous devez être déclaré invalide par un fournisseur de prestations d’invalidité au sens du paragraphe 7(4) du REFP, et la demande initiale de prestations d’invalidité doit avoir été présentée alors que la personne était encore un fonctionnaire au sens de la LEFP, et conformément au paragraphe 4(2) du REFP. Dans la plupart des cas, la période de prestations d’invalidité doit commencer pendant une période où la personne était un fonctionnaire nommé pour une période indéterminée.

Étant donné que vous ne répondez pas aux critères d’inscription en tant que priorité pour invalidité (ou toute autre priorité) auprès de la Commission de la fonction publique, le SCC n’est pas en mesure de vous renvoyer en tant que priorité aux ministères à l’extérieur du SCC. Étant donné le fait que vous avez droit à une priorité interne en matière de mesures d’adaptation auprès du SCC, vous êtes renvoyée à tous les postes pour une période indéterminée disponibles qui sont équivalents au groupe et au niveau WP‑04 dans votre zone de mobilité (que vous avez indiqué être Kingston, en Ontario et Ottawa, en Ontario).

Vous pouvez certainement postuler directement des postes à l’extérieur du SCC vous‑même. Je vous encourage à faire en sorte que votre Carrière à l’écoute soit à jour afin que vous soyez informée de toute possibilité éventuelle.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[128] Selon la conseillère chargée des MA, la fonctionnaire est demeurée une candidate prioritaire interne jusqu’à sa démission. Les placements temporaires ont permis qu’elle reste au travail pendant que l’employeur tentait de lui trouver une possibilité permanente. Le poste CR‑04 représentait un placement permanent pour elle. Lorsqu’elle l’a refusée, elle a été mise en congé non payé. L’employeur a cherché un placement permanent pour elle à partir du moment où il a reçu un avis selon lequel ses limitations et restrictions étaient permanentes, en décembre 2011, jusqu’à sa démission en mai 2016.

IV. Résumé de l’argumentation

A. Pour la fonctionnaire

[129] La fonctionnaire a fait valoir que le critère de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation n’est pas l’effort ou l’intention. Il s’agit plutôt du concept de contrainte excessive.

[130] La fonctionnaire a insisté sur le fait que ses mesures d’adaptation doivent être examinées en fonction de deux périodes distinctes : d’abord, à compter de son retour à Kingston en 2011, puis pour la période après le 2 mars 2015, lorsqu’elle a été mise en CNP.

[131] Une preuve prima facie (c’est‑à‑dire « à première vue ») de discrimination a été établie pour les deux périodes. Elle était atteinte d’une invalidité lorsqu’elle est retournée à Kingston, elle a été mise en CNP lorsqu’elle a refusé le poste CR‑04 et l’invalidité a été un facteur dans cet événement.

[132] À compter du retour de la fonctionnaire à Kingston en 2011, l’employeur a cherché des placements temporaires et permanents au sein de son service. Lorsque la fonctionnaire a refusé le poste CR‑04 et que l’employeur a cessé de chercher des postes temporaires pour elle, elle a estimé qu’elle n’avait d’autre choix que de démissionner.

[133] La fonctionnaire ne pouvait pas retourner au poste d’ALC sans mesures d’adaptation. À son avis, rien dans les éléments de preuve n’indique qu’une recherche a été effectuée pour un poste à son niveau d’attache. Elle a refusé l’offre du poste CR‑04 parce qu’il représentait une rétrogradation du poste d’ALC et une diminution importante de salaire.

[134] La question de savoir si la fonctionnaire avait droit à une priorité légale ou réglementaire au sens du REFP n’était pas déterminante concernant l’obligation de l’employeur d’effectuer une recherche dans l’ensemble de la fonction publique pour trouver une mesure d’adaptation convenable.

[135] Afin d’étayer son argument, la fonctionnaire a cité la décision de la Commission dans Fontaine c. Administrateur général (ministère des Pêches et des Océans), 2012 CRTFP 91.

B. Pour l’employeur

[136] L’employeur n’a pas contesté la preuve prima facie, mais a offert une explication raisonnable et non discriminatoire.

[137] Il a fait valoir que l’obligation de prendre des mesures d’adaptation n’est ni absolue ni illimitée. Il n’a pas contesté les limitations et les restrictions de la fonctionnaire. Elles l’ont empêchée d’exécuter tout aspect du poste d’ALC et de participer à de nombreux emplois et fonctions au sein du SCC.

[138] Malgré cette difficulté, l’employeur a pris toutes les mesures d’adaptation nécessaires à l’égard de la fonctionnaire à partir d’octobre 2011, la rémunérant à son niveau d’attache WP‑04 pendant que la conseillère chargée des MA et d’autres personnes cherchaient un poste à ce niveau au sein de l’employeur. La recherche a été compliquée par les réductions budgétaires à l’échelle du gouvernement fédéral, le PARD et le droit des employés touchés du SCC à être pris en considération de manière prioritaire.

[139] La fonctionnaire n’était pas qualifiée pour bon nombre des postes WP‑04 équivalents, vacants et financés. Par conséquent, elle a effectué des tâches temporaires sans occuper un poste pendant 3 ans et demi. Néanmoins, elle a continué d’être rémunérée au groupe et au niveau WP‑04 jusqu’à ce qu’elle quitte le lieu de travail pour un CNP. Pourtant, l’employeur a continué de chercher une mesure d’adaptation convenable pendant tout ce temps, et quelques jours seulement avant la démission de la fonctionnaire, il l’a renvoyée au poste de coordonnatrice régionale.

[140] Les efforts de l’employeur étaient continus, importants, raisonnables et déployés de bonne foi. La fonctionnaire a reconnu dans les éléments de preuve que toutes les mesures d’adaptation respectaient ses limitations et ses restrictions et qu’elle avait fait l’objet de mesures d’adaptation complètes jusqu’en mars 2015. Elle n’a fourni aucun élément de preuve indiquant une incidence sur sa pension si elle avait accepté le poste CR‑04.

[141] Un employé n’a pas droit aux mesures d’adaptation qu’il préfère et, si aucune mesure d’adaptation ne peut être trouvée à son niveau, une mesure d’adaptation sous forme d’un poste de niveau inférieur peut être raisonnable. La question est de savoir si elle est raisonnable dans les circonstances, et la fonctionnaire n’a fourni aucun élément de preuve indiquant que le poste CR‑04 ne constituait pas une mesure d’adaptation convenable.

[142] En ce qui concerne le système de priorité de la CFP, la fonctionnaire ne satisfaisait pas aux exigences pour devenir une priorité pour invalidité. Si elle y avait satisfait, cela lui aurait permis d’avoir accès à des renvois à des postes de la fonction publique fédérale à l’extérieur du SCC.

[143] Comme en a témoigné la conseillère chargée des MA, des recherches répétées ont été effectuées au sein du SCC pour s’assurer qu’aucun poste n’avait été manqué.

V. Motifs

[144] L’obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard d’un employé handicapé et le principe de la contrainte excessive sont au cœur de la présente affaire.

[145] Dans Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] 2 R.C.S. 970, la Cour suprême du Canada a reconnu que la recherche de mesures d’adaptation exige la participation de l’employé et de l’employeur. Elle a conclu ce qui suit :

[…]

La recherche d’un compromis fait intervenir plusieurs parties. Outre l’employeur et le syndicat, le plaignant a également l’obligation d’aider à en arriver à un compromis convenable […]

[…]

Cela ne signifie pas qu’en plus de porter à l’attention de l’employeur les faits relatifs à la discrimination, le plaignant est tenu de proposer une solution. Bien que le plaignant puisse être en mesure de faire des suggestions, l’employeur est celui qui est le mieux placé pour déterminer la façon dont il est possible de composer avec le plaignant sans s’ingérer indûment dans l’exploitation de son entreprise. Lorsque l’employeur fait une proposition qui est raisonnable et qui, si elle était mise en œuvre, remplirait l’obligation d’accommodement, le plaignant est tenu d’en faciliter la mise en œuvre. Si l’omission du plaignant de prendre des mesures raisonnables est à l’origine de l’échec de la proposition, la plainte sera rejetée. L’autre aspect de cette obligation est le devoir d’accepter une mesure d’accommodement raisonnable. C’est cet aspect que le juge McIntyre a mentionné dans l’arrêt O’Malley. Le plaignant ne peut s’attendre à une solution parfaite. S’il y a rejet d’une proposition qui serait raisonnable compte tenu de toutes les circonstances, l’employeur s’est acquitté de son obligation.

[…]

 

[146] De plus, la décision de la Cour suprême du Canada dans Colombie‑Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie‑Britannique (Council of Human Rights), [1999] 3 R.C.S. 868 (CSC) (« Grismer ») a fourni une orientation importante en ce qui concerne la définition de mesures d’adaptation et de contrainte excessive. Au paragraphe 22, la Cour a déclaré ce qui suit :

22 Par « mesure d’accommodement », on entend ce qui, dans les circonstances, est nécessaire pour éviter toute discrimination. Les normes doivent être aussi générales que possible. Il y a plus d’une façon d’établir que les mesures d’accommodement nécessaires n’ont pas été prises […] L’omission d’accommoder peut être établie en prouvant notamment que la norme a été fixée arbitrairement ou que l’évaluation individuelle a été refusée de manière déraisonnable. En fin de compte, il s’agit de savoir si l’employeur ou le fournisseur de services a démontré qu’il a pris des mesures d’accommodement tant qu’il n’en a pas résulté pour lui une contrainte excessive.

 

[147] La Cour suprême du Canada a ajouté des précisions dans Hydro‑Québec c. Syndicat des employé‑e‑s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro‑Québec, section locale 2000 (SCFP‑FTQ), 2008 CSC 43, lorsqu’elle a conclu ce qui suit au paragraphe 16 :

[16] Le critère n’est pas l’impossibilité pour un employeur de composer avec les caractéristiques d’un employé. L’employeur n’a pas l’obligation de modifier de façon fondamentale les conditions de travail, mais il a cependant l’obligation d’aménager, si cela ne lui cause pas une contrainte excessive, le poste de travail ou les tâches de l’employé pour lui permettre de fournir sa prestation de travail.

 

[148] Toute cette jurisprudence a une incidence sur le cas dont je suis saisie.

[149] Ce qui est incontestable, c’est que l’employeur a investi plus de quatre ans dans la recherche d’un placement permanent qui respectait les limitations et les restrictions de la fonctionnaire. Il lui a donné de nombreuses affectations temporaires pour s’assurer qu’elle demeure au travail tout en poursuivant un dialogue actif, la mobilisant dans la détermination du caractère convenable des postes à mesure qu’ils devenaient disponibles aux fins de prise en considération.

[150] La fonctionnaire n’a pas laissé entendre qu’il y avait une mesure d’adaptation qui lui aurait permis de retourner aux fonctions du poste d’ALC ou de contester la rigueur de la recherche au sein du SCC. Elle a plutôt soutenu que la recherche aurait dû s’étendre à la fonction publique dans son ensemble et aux postes WP‑04 en particulier.

[151] L’employeur, pour sa part, a effectué des recherches répétées pour trouver un poste WP‑04 ou un poste équivalent au sein du SCC. Il a également examiné des postes de niveau inférieur, sans succès pour la fonctionnaire, jusqu’à ce qu’il trouve le poste CR‑04, qui était vacant et financé.

[152] Il ressort des éléments de preuve que l’employeur a déployé des efforts concertés pour trouver un poste convenable qui répondrait aux besoins de la fonctionnaire. La conseillère chargée des MA et d’autres personnes ont activement sollicité le SCC pour trouver un poste équivalent pour la fonctionnaire. Cela ne fait aucun doute.

[153] Des recherches et des renvois importants ont été effectués à des niveaux équivalents à celui du poste d’ALC. La recherche a par la suite été élargie pour inclure des postes à un niveau inférieur. La fonctionnaire n’a pas indiqué de cas où un poste disponible et financé a été négligé. Même si les éléments de preuve de la fonctionnaire ont laissé entendre que l’employeur n’avait pas cherché un poste à son niveau d’attache, cet élément a été écarté par la preuve documentée d’une recherche importante qui a été élargie lorsque des postes vacants et financés n’ont pas été trouvés.

[154] L’employeur a tenu la fonctionnaire au courant et ne l’a jamais laissée sans travail temporaire jusqu’à ce qu’elle refuse le poste CR‑04, qui était permanent.

[155] Je conclus que l’employeur s’est acquitté de son obligation de prendre des mesures d’adaptation. Même si la fonctionnaire a laissé entendre dans son témoignage qu’elle n’avait vu aucune preuve que l’employeur avait cherché à prendre des mesures d’adaptation à son égard, un effort important et concerté visant à prendre des mesures d’adaptation à son égard est ressorti des éléments de preuve. Ils n’étayent pas son point de vue.

[156] Il ne s’agit pas de la situation présentée à la Commission dans Nicol c. Conseil du Trésor (Service Canada), 2014 CRTFP 3, où la Commission a conclu ce qui suit au paragraphe 121 :

[121] L’obligation de prendre des mesures d’adaptation exige de l’employeur qu’il prenne, dans un premier temps, des mesures d’adaptation raisonnables à l’égard de l’employé dans son poste d’attache avant d’envisager des postes à un niveau inférieur. L’employeur aurait dû faire d’autres tentatives pour accommoder le fonctionnaire dans un poste à son niveau d’attache avant de lui offrir des postes à un niveau de classification et de salaire inférieur. Cependant, l’employeur n’a fait aucun effort en ce sens, malgré les demandes du fonctionnaire et de l’agent négociateur. La seule mesure prise par l’employeur a été d’encourager le fonctionnaire à trouver un autre poste à son niveau d’attache.

 

[157] Après plus de trois ans d’affectations temporaires, l’employeur a trouvé un poste vacant, permanent et financé, soit le poste CR‑04, et l’a offert à la fonctionnaire. Elle l’a refusé.

[158] En ce qui concerne le caractère convenable du poste CR‑04, la fonctionnaire n’a pas abordé le contenu du travail du poste CR‑04 ni laissé entendre qu’il contrevenait à ses restrictions et limitations. Elle a plutôt déclaré que le poste CR‑04 ne convenait pas en raison du salaire et elle a parlé d’une incidence non précisée sur sa pension. Un manquement à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation peut être établi en prouvant notamment que la norme a été fixée arbitrairement ou qu’une évaluation individuelle a été refusée de manière déraisonnable. En fin de compte, il s’agit de savoir si l’employeur a démontré qu’il a pris des mesures d’adaptation tant qu’il n’en a pas résulté pour lui une contrainte excessive.

[159] La fonctionnaire n’a pas démontré que le poste CR‑04 était inadéquat ou qu’il contrevenait à ses limitations et restrictions. En effet, il est ressorti amplement des éléments de preuve qu’après une recherche importante, seul le poste CR‑04 demeurait.

[160] Dans ces circonstances, il s’agissait d’une mesure d’adaptation raisonnable au sens qui lui est attribué dans Grismer. Aucun élément de preuve du caractère arbitraire ni de l’omission d’étudier des postes convenables qui respectaient les limitations et les restrictions de la fonctionnaire n’a été présenté.

[161] La fonctionnaire était « […] tenu[e] d’en faciliter la mise en œuvre », comme cela est affirmé dans Renaud. En refusant le poste CR‑04, elle a agi de manière à miner la nomination à un poste qui tenait compte de ses limitations et restrictions.

[162] La fonctionnaire a soutenu qu’elle avait le droit d’être prise en considération pour tout poste dans la fonction publique fédérale. Toutefois, dans Kelly c. Conseil du Trésor (ministère des Transports), 2010 CRTFP 80, la Commission a conclu ce qui suit au paragraphe 105 :

105 La responsabilité primaire concernant la prise de mesures d’adaptation pour le fonctionnaire appartient à son ministère d’attache, le ministère des Transports. Alors que le fonctionnaire a un rôle à jouer dans ces situations, la responsabilité primaire incombe à l’employeur. Quelles mesures a‑t‑il prises à cet égard, et étaient‑elles suffisantes? […]

 

[163] Dans Stewart c. Elk Valley Coal Corp., 2017 CSC 30, la Cour suprême du Canada, citant sa décision dans Renaud, a conclu que « [l]’employé a droit non pas à un accommodement parfait, mais à un accommodement raisonnable dans les circonstances […] » [le passage en évidence l’est dans l’original].

[164] Appliquant le raisonnement de la Cour aux faits du présent cas, l’employeur a offert des mesures d’adaptation à la suite d’une recherche approfondie au sein de son propre service pour trouver un poste pour la fonctionnaire. Il semble que la fonctionnaire ait considéré que le poste CR‑04 constituait une mesure d’adaptation déraisonnable en raison du salaire. Toutefois, compte tenu de l’ensemble des circonstances, je conclus qu’elle n’a pas démontré que sa seule objection au poste CR‑04 – à savoir que le salaire n’était pas proportionnel à celui d’un WP‑04 – rendait la mesure d’adaptation déraisonnable. Il ne s’agissait peut‑être pas du résultat préférable, mais ce fait en soi ne rend pas la mesure d’adaptation inconvenable (voir Saifuddin c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2015 CRTEFP 91). L’offre du poste CR‑04 a fait suite à des années de mesures d’adaptation temporaires et à une recherche infructueuse d’un poste permanent pour répondre aux besoins de la fonctionnaire. Un poste offrant un salaire inférieur peut effectivement constituer une mesure d’adaptation raisonnable. Dans la situation décrite dans les éléments de preuve présentés dans le présent cas, j’estime que cette offre constituait une mesure d’adaptation raisonnable.

[165] Je suis convaincue que l’offre du poste CR‑04 représentait des « mesures d’accommodement nécessaires », au sens où cette expression est utilisée dans Grismer. Il offrait un travail significatif et permettait à la fonctionnaire de poursuivre sa carrière dans la fonction publique alors qu’il n’existait pas d’autres solutions.

[166] La fonctionnaire a refusé une offre de mesure d’adaptation convenable lorsqu’elle a refusé le poste CR‑04. Elle n’a pas démontré que l’offre était déraisonnable. En refusant cette offre, elle a libéré l’employeur de son obligation de prendre des mesures d’adaptation (voir Renaud).

[167] Après le refus du poste CR‑04, l’employeur n’a plus cherché de travail temporaire pour la fonctionnaire. Cette dernière a soutenu que, par conséquent, l’acte de l’employeur constituait un manquement à son obligation de prendre des mesures d’adaptation. J’estime que cet argument est dénué de fondement.

[168] Néanmoins, il convient de noter que l’employeur a continué de chercher un emploi permanent et d’informer la fonctionnaire des postes vacants jusqu’à sa démission.

[169] Enfin, même si la fonctionnaire espérait qu’un poste pour le PAM puisse se concrétiser, rien dans les éléments de preuve ne permet d’établir qu’un tel poste existait au sein de la fonction publique. Il s’agissait plutôt d’un programme exécuté sur demande en tant qu’entreprise conjointe du gouvernement fédéral et d’un agent négociateur. Le fait d’obliger l’employeur à créer un tel poste aurait représenté un changement fondamental dans les activités du SCC. Cela aurait nécessité l’adoption d’un engagement qui outrepasse son mandat. Cela aurait effectivement constitué une contrainte excessive, telle que décrite dans Hydro‑Québec.

[170] En conclusion, je suis convaincue par les éléments de preuve que l’employeur s’est acquitté de son obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de la fonctionnaire en déployant des efforts importants lorsque ses limitations et ses restrictions l’ont empêchée de retourner au poste d’ALC. Il a pris des mesures d’adaptation à son égard au moyen d’affectations temporaires, d’une recherche concertée d’un autre poste permanent et, en fin de compte, de l’offre du poste CR‑04.

[171] La fonctionnaire n’a pas démontré que le poste CR‑04 constituait une mesure d’adaptation déraisonnable. Elle n’a pas non plus démontré que la décision de la mettre en CNP était déraisonnable alors qu’aucun autre emploi convenable n’était disponible pour tenir compte de ses limitations et restrictions. En effet, le fait de la garder dans le lieu de travail sans travail convenable et significatif constituerait une contrainte excessive.

[172] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI. Ordonnance

[173] Les griefs sont rejetés.

[174] Comme les parties en ont convenu à l’audience, la question des dépens a été reportée en attendant l’issue des griefs. Étant donné qu’ils ont été rejetés, il n’y aura aucune adjudication de dépens.

Le 7 février 2024.

Traduction de la CRTESPF

Joanne Archibald,

une formation de la Commission des relations de

travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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