Décisions de la CRTESPF

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Date: 20240214

Dossier: 561-02-44256

 

Référence: 2024 CRTESPF 20

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

O’Neil Brooke, Timothy Novecosky, Remi Parent, Hannah Rodrigues ET Adam Watt

plaignants

 

et

 

Institut PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU Canada

 

défendeur

Répertorié

Brooke c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Affaire concernant une plainte présentée en vertu de l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant : Marie-Claire Perrault, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour les plaignants : O’Neil Brooke

Pour le défendeur : Tony Micallef-Jones et Marie-Hélène Tougas, avocats

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 9 mars, les 15 et 27 juin 2022,

et le 11 septembre et les 10, 30 et 31 octobre 2023.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Plainte devant la Commission

[1] Le 15 février 2022, une plainte a été déposée contre l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC ou le « défendeur »), alléguant un manquement au devoir de représentation équitable qu’un agent négociateur comme le défendeur doit aux membres des unités de négociation qu’il représente. Essentiellement, la plainte portait sur le défaut du défendeur de contester la mise en œuvre de la politique de vaccination contre la COVID-19 obligatoire du gouvernement fédéral (la « politique ») à l’intention de ses employés, qui a été annoncée pour la première fois en août 2021 et a été adoptée en octobre 2021.

[2] La plainte énumérait 13 plaignants; sur ces 13 plaignants, cinq demeurent, comme il est indiqué à la page titre de la présente décision.

[3] Le 9 mars 2022, le défendeur a répondu à la plainte après qu’il a demandé aux plaignants de fournir d’autres précisions.

[4] Les plaignants ont fourni des précisions sur leurs interactions avec le défendeur.

[5] Le défendeur soutient que les allégations ne permettent pas d’établir une preuve prima facie de violation de l’article 187 (le devoir de représentation équitable) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi ») et que, par conséquent, la plainte devrait être rejetée sommairement, sans audience.

[6] Une fois que les précisions des plaignants et les arguments complets du défendeur ont été reçus, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») a offert aux plaignants la possibilité de répondre à la demande de rejet sommaire. Ils ont répondu et présenté des arguments en vue de démontrer qu’ils ont en fait présenté une preuve prima facie.

[7] Une audience avait été fixée pour entendre la plainte en janvier 2024. Toutefois, après avoir examiné les précisions et les arguments des plaignants, j’ai conclu que l’affaire pouvait être tranchée sur la base d’arguments écrits, conformément à l’article 22 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365), qui énonce ce qui suit :

22 La Commission peut trancher toute affaire ou question dont elle est saisie sans tenir d’audience.

22 The Board may decide any matter before it without holding an oral hearing.

 

[8] La question à trancher est celle de savoir s’il existe une cause défendable selon laquelle le défendeur a contrevenu à l’article 187 de la Loi. En d’autres termes, en considérant comme véridiques toutes les allégations factuelles des plaignants, celles-ci peuvent-elles démontrer que le défendeur a manqué à son devoir de représentation équitable, tel que défini par la Loi et la jurisprudence?

[9] La réponse est non. Le défendeur n’a peut-être pas répondu aux attentes des plaignants quant à ce qu’il aurait dû faire lorsque le gouvernement fédéral a imposé la politique à ses employés. Toutefois, leurs attentes ne dictent pas le critère à appliquer pour trancher la question. Le devoir de représentation équitable comporte des limites, comme l’expliquent les motifs suivants.

II. Contexte

A. Les précisions des plaignants

[10] Chaque plaignant a fourni des précisions sur son interaction avec le défendeur après l’adoption de la politique par le gouvernement fédéral, qui comprenait des exemptions pour des raisons religieuses ou médicales. Je résume dans les paragraphes qui suivent les précisions de chaque plaignant.

1. O’Neil Brooke

[11] Le premier paragraphe des précisions de ce plaignant indique ce qui suit :

[Traduction]

[…] Le gouvernement du Canada participe au meurtre prémédité et au génocide de citoyens canadiens. L’IPFPC s’est fait le complice volontaire et enthousiaste de ces crimes. La présente action devant la Commission des relations de travail et de l’emploi constitue la première étape de la poursuite de ces crimes. Dans la présente action, les plaignants démontreront la façon dont l’IPFPC a manqué à ses responsabilités fiduciaires en tant que mandataire.

 


 

[12] La Commission n’échappe pas à la condamnation, comme l’indique le deuxième paragraphe :

[Traduction]

[…] Le refus de la Commission des relations de travail et de l’emploi de reconnaître la réalité selon laquelle des thérapies génétiques expérimentales ont été incorrectement désignées comme des vaccins témoigne de la dissimulation et de la suppression continues de la réalité qui permettent à ces actes criminels de continuer. La présente action exposera la Commission des relations de travail et de l’emploi pour ce qu’elle est […]

 

[13] Cela fait suite à une décision procédurale prise au cours d’une conférence de gestion de cas où j’ai dit que les vaccins seraient appelés des vaccins, peu importe le point de vue des plaignants quant à la véritable nature du vaccin contre la COVID-19.

[14] Selon ce plaignant, la politique était en fait l’imposition d’une participation obligatoire à des expérimentations médicales. Cela dépassait largement la portée de la convention collective applicable et, par conséquent, le défendeur avait le devoir de défendre ses membres contre une telle mesure.

[15] Au début de la pandémie, le plaignant a suivi les débats sur les différentes options médicales disponibles pour traiter la COVID-19. Il est devenu convaincu que d’autres traitements, comme l’ivermectine, pourraient être utilisés pour traiter efficacement la COVID-19. Il affirme que l’IPFPC n’a pas tenu compte de ces renseignements et qu’il [traduction] « […] n’a pas lutté contre les expérimentations médicales illégales qui n’étaient pas nécessaires pour faire face à la pandémie ».

[16] Les précisions fournissent des détails sur les traitements prophylactiques que les scientifiques et l’IPFPC ont tus. Alors que le développement du vaccin contre la COVID-19 progressait et que l’employeur annonçait une [traduction] « expérimentation médicale obligatoire », l’IPFPC n’a pas agi pour protéger ses membres.

[17] Le plaignant a tenté de démontrer à l’employeur que la vaccination n’était pas efficace et qu’en fait, elle était mortelle. Il a soulevé des préoccupations quant à plusieurs effets que le vaccin pourrait avoir sur la santé.

[18] En août 2021, le plaignant est devenu délégué syndical à son lieu de travail. Il a demandé au défendeur de lui fournir des lignes directrices sur le vaccin contre la COVID-19.

[19] En septembre 2021, selon le plaignant, [traduction] « […] l’IPFPC annonce publiquement qu’il va injustement accorder la priorité aux intérêts d’un groupe de membres par rapport à ceux des autres membres ». Le plaignant cite une partie de l’annonce comme suit : « En tant que syndicat représentant les scientifiques qui ont approuvé les vaccins contre la COVID-19, l’IPFPC salue tous les efforts visant à augmenter la couverture vaccinale au Canada. »

[20] Dans ses précisions, le plaignant conteste l’efficacité du vaccin et dénonce en détail ses effets mortels. Il décrit sa correspondance avec le défendeur sur ces sujets. À son avis, le défendeur ne répond pas du tout à ses préoccupations et semble simplement favoriser certains de ses membres au détriment de tous les autres.

[21] En octobre 2021, le Conseil du Trésor a annoncé la politique, ou, pour reprendre les mots du plaignant, [traduction] « […] sa politique sur les expérimentations médicales obligatoires au moyen de thérapies génétiques ».

[22] Le plaignant fait la déclaration suivante au sujet de la politique :

[Traduction]

[…]

La politique élimine l’objection de conscience aux interventions médicales non désirées, ce qui constitue une violation directe du Code de Nuremberg. L’IPFPC n’a pas répondu à cette préoccupation et n’a pas représenté de manière adéquate les membres qui n’ont pas consenti à l’expérimentation médicale.

[…]

 

[23] Selon le plaignant, la politique comportait des conséquences punitives si les employés ne consentaient pas à l’expérimentation médicale : des séances d’endoctrinement et un congé non payé.

[24] En tant que délégué syndical, le plaignant a subi des pressions pour se conformer à la politique. Selon lui, le défendeur a refusé de fournir des conseils ou une représentation lorsque des membres ont demandé de l’aide. Le défendeur a fait preuve de négligence dans son rôle de représentation en soutenant pleinement la politique, tout en ignorant les préoccupations selon lesquelles la COVID-19 n’était pas plus mortelle que la grippe moyenne, le vaccin était expérimental et le gouvernement fédéral utilisait les fonctionnaires comme cobayes, ainsi que plusieurs préoccupations en matière de santé liées au vaccin.

[25] Les précisions comprennent des rapports médicaux partiels qui, selon le plaignant, démontrent les dangers du vaccin.

[26] L’employeur a refusé la demande d’exemption du plaignant. Selon lui, il n’a bénéficié d’aucune représentation de la part du défendeur. Le 20 décembre 2021, il a été mis en congé non payé, ce qu’il a contesté au moyen d’un grief.

[27] Les précisions comprennent d’autres événements postérieurs au dépôt de la plainte en février 2022 qui ne seront pas résumés puisqu’ils dépassent la portée de la plainte.

[28] Les précisions comportent une conclusion selon laquelle le défendeur, en tant que mandataire, a manqué à ses obligations envers ses commettants à un point tel qu’ils [traduction] « […] ont été victimes de discrimination, diffamés, ont subi des blessures corporelles graves et certains sont décédés ».

[29] Les précisions font également état d’un comportement frauduleux de la part du défendeur lors des récentes élections internes. Ce comportement ne faisait pas partie de la plainte initiale, qui était axée sur le fait que le défendeur n’avait pas communiqué avec le Conseil du Trésor au sujet de sa politique de vaccination et qu’il avait refusé de déposer un grief à cet égard.

2. Timothy Novecosky

[30] Ce plaignant travaille à Statistique Canada à titre de programmeur analyste. Il travaille à distance depuis avril 2018. Il s’agissait de trois jours par semaine avant mars 2020, puis cinq jours par semaine jusqu’à ce qu’il soit mis en congé non payé en janvier 2022.

[31] Le plaignant a communiqué avec le défendeur en octobre 2021 pour s’enquérir des recours contre la politique. Il a été informé que le défendeur ne soutiendrait que les membres qui se sont vu refuser une mesure d’adaptation pour des raisons médicales ou religieuses et qui avaient attesté leur statut vaccinal.

[32] Le plaignant a refusé d’attester son statut vaccinal, car il considérait cette obligation comme une atteinte à la vie privée. Il a déposé deux griefs individuels auprès de l’employeur en novembre 2021, ainsi qu’un grief de principe. Il a été rapidement informé qu’on ne pouvait pas présenter des griefs de principe à titre individuel.

[33] Le défendeur lui a envoyé un courriel pour lui dire qu’il ne soutiendrait pas son grief, mais qu’il pouvait présenter une demande de réexamen. Le plaignant a demandé lequel des deux griefs n’était pas soutenu, mais il n’a reçu une réponse qu’au sujet d’un seul grief. Il y a eu d’autres échanges au sujet des griefs pendant toute la période de novembre et de décembre 2021.

[34] Le plaignant a demandé particulièrement la raison pour laquelle le défendeur ne déposait pas de grief de principe et on l’a informé que c’était parce que la politique ne touchait qu’un petit nombre de ses membres. Le plaignant ne souscrivait pas à cette évaluation, car tous les employés étaient touchés par l’exigence en matière de vaccination.

[35] En janvier 2022, le plaignant a envoyé un courriel au défendeur au sujet du dépôt d’un troisième grief lié au fait d’avoir été mis en congé non payé.

[36] Le plaignant était préoccupé par le fait que le défendeur semblait confondre ses premier et deuxième griefs. Il a déposé le troisième grief avec l’aide du défendeur.

[37] D’autres échanges sur les griefs ont eu lieu après février 2022, y compris l’aide du défendeur pour déposer un quatrième et un cinquième grief. Après réexamen, le défendeur a confirmé qu’il ne soutiendrait pas le deuxième grief. Étant donné que la plainte est datée de février 2022, les autres échanges du plaignant avec le défendeur ne sont pas pertinents à la plainte.

3. Remi Parent

[38] Ce plaignant travaille à Emploi et Développement social Canada en tant qu’analyste de la technologie de l’information (TI). Il travaille à distance à temps plein depuis mars 2020.

[39] Le plaignant a des préoccupations quant à l’innocuité du vaccin, qu’il considère comme un traitement expérimental.

[40] Le 8 octobre 2021, il a fait part au défendeur de sa préoccupation quant au fait que celui-ci soutenait la politique. Il a déclaré que cela équivalait à un manque de représentation équitable et il a soulevé des préoccupations en matière de sécurité, indiquant de graves effets indésirables chez des amis et des connaissances. Selon lui, cette politique contrevient aux droits à l’autonomie personnelle et à l’intégrité corporelle d’une personne, tel qu’ils sont protégés par le droit canadien.

[41] Le défendeur a répondu qu’il devait se conformer à la politique ou demander une mesure d’adaptation. Le défendeur n’interviendrait que si une mesure d’adaptation était refusée sans motif valable.

[42] Selon le défendeur, la politique favorisait la sécurité des employés, mais il était possible de déposer un grief pour les employés qui travaillaient à distance à temps plein. Toutefois, la recommandation était de se conformer à la politique, car il faudrait beaucoup de temps pour que de tels cas soient entendus. En ce qui concerne les mesures d’adaptation fondées sur un motif documenté et pour ceux qui ne travaillaient qu’à distance, son bureau régional fournirait de l’aide.

[43] Le plaignant a demandé de l’aide pour déposer un grief, ajoutant à son grief des éléments de preuve médicale et autres pour démontrer que le vaccin était inefficace, dangereux et entaché de corruption.

[44] Le défendeur n’a pas répondu à ces affirmations. Il a plutôt réitéré sa position selon laquelle la politique avait été adoptée pour des raisons de santé et de sécurité. Il n’a tenu compte ni des arguments ni des éléments de preuve du plaignant selon lesquels le vaccin n’a pas empêché la transmission de la COVID-19 et qu’il a causé de graves effets indésirables.

[45] Selon l’essentiel de la plainte, le défendeur n’a pas protégé le plaignant contre un vaccin qu’il estime être dangereux pour sa santé et sa sécurité. De plus, le défendeur n’a fourni aucune preuve scientifique pour étayer ses allégations concernant le vaccin. Selon le plaignant, le vaccin n’a pas empêché la propagation de la COVID-19 et était lui-même dangereux, comportant des conséquences à long terme encore inconnues.

[46] La position du défendeur était qu’il ne pouvait pas formuler de commentaires sur les aspects scientifiques des renseignements fournis.

4. Hannah Rodrigues

[47] La plaignante occupe un poste de gestionnaire de projet de TI auprès de Ressources naturelles Canada. Elle travaillait un ou deux jours par semaine à distance depuis 2018. Elle travaille à distance à temps plein depuis mars 2020. Elle a été mise en congé non payé en janvier 2022.

[48] La plaignante a communiqué avec le défendeur en octobre 2021 pour lui faire part de ses préoccupations quant à la politique. Elle a reçu des réponses de plusieurs personnes. Le message était essentiellement qu’elle pouvait demander une mesure d’adaptation et que le défendeur la soutiendrait si une mesure d’adaptation lui était refusée sans motif valable.

[49] Le 10 novembre 2021, elle a envoyé un grief individuel à son délégué syndical et a demandé le soutien du défendeur à l’égard de ce grief. Elle a été informée qu’elle ne bénéficierait d’aucun soutien, à moins qu’une mesure d’adaptation ne lui soit refusée.

[50] La plaignante s’est vu offrir la possibilité d’un réexamen, ce qui a finalement eu pour effet de confirmer la décision de ne pas soutenir son grief, malgré un deuxième réexamen par l’avocat général du défendeur. Dans ses précisions, la plaignante a déclaré qu’elle avait ajouté de nouveaux faits, mais que le défendeur ne les avait pas pris en considération. Elle n’a pas précisé quels étaient ces nouveaux faits.

5. Adam Watt

[51] Ce plaignant occupe un poste de gestionnaire à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Il travaille à distance à temps plein depuis juillet 2020. Il a été mis en congé non payé à compter du 18 novembre 2021.

[52] Le plaignant a tenté de trouver un recours contre la politique adoptée en octobre 2021 au sein de son ministère. Il a été invité à communiquer avec son agent négociateur, soit le défendeur. On lui a dit qu’il n’y avait aucune possibilité de recours pour les employés ne bénéficiant pas d’exemptions et qu’il avait trois options : se faire vacciner, obtenir une mesure d’adaptation ou être mis en congé non payé.

[53] Le plaignant a soumis un formulaire sur la ligne d’aide Internet du défendeur concernant le vaccin. Il a demandé la raison pour laquelle le défendeur avait approuvé la politique. Selon lui, un agent des relations de travail du défendeur a répondu que la politique favorisait la sécurité des employés et qu’il s’agissait d’un moyen raisonnable d’assurer la santé et la sécurité des employés. Il a déclaré que cette politique ne contrevenait pas aux conventions collectives ni aux droits du plaignant.

[54] Le plaignant a répondu que les allégations de sécurité étaient fondées sur la prémisse erronée selon laquelle le vaccin empêcherait la propagation de la COVID-19 et empêcherait la personne vaccinée de contracter la maladie. Il a fait valoir son droit à l’autonomie corporelle. Il a fait un suivi avec d’autres éléments de preuve dans des courriels ultérieurs, puisqu’il n’avait reçu aucune réponse du défendeur quant au fondement scientifique des allégations d’innocuité et d’efficacité. L’agent des relations de travail a répondu qu’il ne souhaitait pas [traduction] « débattre de la science » (entre guillemets dans les précisions du plaignant). Selon l’agent des relations de travail, les préoccupations du plaignant étaient des [traduction] « points de vue personnels ».

[55] Le plaignant a poursuivi l’affaire en soulignant le fait que des personnes bien connues, comme le premier ministre, avaient contracté la COVID-19 malgré le fait qu’elles avaient reçu trois doses du vaccin. Il a envoyé un dernier courriel le 6 février 2022, affirmant qu’il était évident que le vaccin ne fonctionnait pas comme annoncé et qu’il causait de graves problèmes de santé. Il a imploré le défendeur de modifier son plan d’action. Il n’a reçu aucune réponse.

[56] Le plaignant a été gravement touché par la perte de revenus.

[57] Comme mentionné précédemment, les événements survenus après le dépôt de la plainte ne seront pas pris en considération aux fins de la présente décision.

6. Questions de fait

[58] En prévision de l’audience, les plaignants ont déposé un document intitulé « Questions de fait », auquel la Commission n’avait d’autre choix, selon eux, que de répondre dans sa décision.

[59] Ces questions peuvent être réparties en plusieurs catégories. Je ne les reproduirai pas toutes, car des exemples serviront à illustrer leur contenu. Comme je l’explique dans mon analyse, je ne répondrai pas à ces questions dans la présente décision. Les différentes catégories sont illustrées comme suit :

 

 

· Questions scientifiques : [traduction] « 3) Le traitement expérimental à base d’ARNm prescrit par l’employeur a-t-il été appelé, à juste titre ou non, un vaccin? »

 

· Questions fondées sur le Code criminel (L.R.C. (1985), ch. C-46) : [traduction] « 21) Le syndicat a-t-il été complice de l’infraction d’extorsion prévue au Code criminel? »

 

· Questions fondées sur le droit canadien : [traduction] « 5) Est-il permis en vertu du droit canadien d’utiliser des employés syndiqués comme sujets non consentants dans le cadre d’expérimentations médicales? »

 

· Questions relatives au fonctionnement interne du défendeur : [traduction] « 17) L’IPFPC agit-il de mauvaise foi lorsque l’avocat général et le conseil d’administration complotent pour truquer les élections des organes de direction internes en violation directe des statuts de l’IPFPC? »

 

· Questions relatives aux déclarations de reconnaissance territoriale : [traduction] « 25) Les déclarations de revendications territoriales encouragées par l’IPFPC normalisent-elles l’idée que le gouvernement du Canada est une institution illégitime? »

 

B. La réponse du défendeur

[60] Le défendeur a soutenu que la plainte devrait être rejetée sommairement parce qu’elle ne démontre pas une violation prima facie de l’article 187 de la Loi.

[61] Lorsque le Conseil du Trésor et les employeurs distincts de la fonction publique ont adopté la politique, le défendeur a communiqué une déclaration à l’intention de ses membres. Les extraits suivants permettent d’illustrer sa position à l’époque :

[Traduction]

DROIT DE METTRE EN ŒUVRE DES POLITIQUES

Les employeurs sont autorisés à mettre en œuvre des politiques en milieu de travail même si celles-ci peuvent avoir des répercussions importantes sur les intérêts des employés et entraîner des conséquences administratives éventuelles. Les conventions collectives de l’IPFPC prévoient ce droit dans la clause relative aux droits de la direction, à condition que ces droits soient raisonnables et respectent les droits des travailleurs en vertu de leur convention collective et de la législation relative aux droits de la personne et à la protection de la vie privée. Dans la mesure où la Politique sur la vaccination contre la COVID-19 du SCT prévoit des mesures d’adaptation adéquates pour des motifs de protection des droits de la personne et que les droits à la vie privée des employés sont respectés, la politique de l’employeur ne semble pas, à première vue, constituer une violation des droits de la personne.

Article 5 : droits de la direction

5.01 L’Institut reconnaît que l’Employeur retient les fonctions, les droits, les pouvoirs et l’autorité que ce dernier n’a pas, d’une façon précise, diminués, délégués ou modifiés par la présente convention.

MESURE D’ADAPTATION

La politique du SCT devrait permettre des mesures d’adaptation dans des cas particuliers, à savoir :

· une contre-indication médicale certifiée

· la religion

· un autre motif de distinction illicite en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne

[…]

DROITS À LA VIE PRIVÉE

En général, lorsqu’il existe un motif valable lié à l’emploi (c’est-à-dire la santé et la sécurité au travail), les employeurs ont le droit de demander la collecte de vos renseignements médicaux personnels, à condition qu’ils soient gérés conformément aux lois sur la protection des renseignements personnels applicables. La Loi sur la protection des renseignements personnels permet la collecte de renseignements personnels, comme dans le cas présent le statut de vaccination, lorsqu’ils se rapportent directement au programme ou à l’activité d’une institution gouvernementale.

La divulgation du statut de vaccination est nécessaire afin de permettre à l’employeur de mettre en œuvre sa politique sur la COVID-19 qui exige la vaccination de tous les employés.

DROITS ET LIBERTÉS INDIVIDUELS

En ce qui concerne vos droits individuels conformément à la LCDP, les droits publics peuvent l’emporter sur les droits et les protections individuels. En cas de pandémie mondiale, les tribunaux ont jugé raisonnable que les employeurs protègent la santé et la sécurité de l’ensemble de l’effectif (plutôt que les droits individuels de ne pas être vacciné) en exigeant que les employés soient vaccinés. Encore une fois, le droit de protéger la sécurité de tous les employés l’emporte sur les droits individuels dans une situation telle qu’une pandémie de grippe mondiale […]

CONTESTATION CONSTITUTIONNELLE

À l’heure actuelle, l’IPFPC ne prévoit pas de déposer de contestation constitutionnelle relativement à la politique de l’employeur. Les personnes peuvent choisir de se faire vacciner ou non. Les conséquences découlant d’un refus de se faire vacciner, dans ce contexte particulier du lieu de travail, sont de nature économique, qui n’ont pas traditionnellement été jugés protégées par le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne garanti par l’article 7 de la Charte. De plus, il est fort probable que, même si une violation des droits garantis par l’article 7 était établie, une telle mesure serait considérée comme une violation raisonnable en regard de l’article premier de la Charte.

[…]

DEVOIR DE REPRÉSENTATION ÉQUITABLE

Le devoir de représentation équitable d’un syndicat ne l’oblige pas à déposer un grief à la demande d’un ou de plusieurs membres qui estiment qu’une politique de vaccination obligatoire est déraisonnable. Un syndicat a plutôt le droit de tenir compte des intérêts supérieurs de l’unité de négociation dans son ensemble et de les comparer à la probabilité de succès d’une contestation, ainsi qu’à la gravité de l’incidence sur les personnes touchées.

L’IPFPC soutient un mandat de vaccination, avec les exemptions appropriées pour les motifs légitimes de la Loi canadienne sur les droits de la personne et le respect approprié des lois sur la protection des renseignements personnels. Puisque les conséquences du non-respect de la Politique sont très graves, nous souhaitons nous assurer que tous les membres de l’IPFPC se conforment, soit en étant vaccinés d’ici le 26 novembre 2021, soit en bénéficiant de mesures d’adaptation conformément à la Politique.

Les membres ont droit à leurs points de vue et ont le droit de voir leur situation examinée par le syndicat. Nous avons adopté la position selon laquelle nous évaluerons chaque dossier au cas par cas, et nous déploierons tous les efforts raisonnables pour obtenir tous les renseignements pertinents au cas d’un membre avant de prendre une décision quant à savoir si nous soutiendrons ou non un grief. Toutefois, la première étape consiste à demander une mesure d’adaptation à votre gestionnaire.

GRIEF DE PRINCIPE

Selon notre analyse, l’employeur a le droit de mettre en œuvre la politique. Dans la mesure où la Politique sur la vaccination contre la COVID-19 du SCT prévoit des mesures d’adaptation adéquates pour les motifs de protection des droits de la personne et que les droits à la vie privée des employés sont respectés, la politique de l’employeur ne semble pas, à première vue, constituer une violation des droits de la personne.

[…]

 

[62] Le défendeur a répondu aux préoccupations de M. Brooke au sujet du vaccin. De toute évidence, il ne souscrivait pas à ces réponses. Il a demandé de déposer un grief en vue de contester cette politique en invoquant une discrimination génétique, car la technologie de l’ARNm utilisée pour fabriquer le vaccin créerait une nouvelle caractéristique génétique.

[63] Le défendeur a recommandé de suivre la procédure de mesure d’adaptation. L’employeur a rejeté la demande de mesure d’adaptation pour des raisons religieuses de M. Brooke. Ce dernier a ensuite demandé l’aide du défendeur pour déposer un grief. Lorsqu’on lui a demandé d’expliquer plus en détail ses convictions religieuses comme motif d’exemption, il a répondu qu’il s’opposait à l’utilisation de lignées cellulaires fœtales et à la modification génétique des personnes qui reçoivent le vaccin, car ces deux actions vont à l’encontre de la volonté de Dieu.

[64] Le défendeur et M. Brooke ont eu de nombreux échanges au sujet de son grief. En fin de compte, le manque de renseignements de sa part a empêché le défendeur de soutenir son grief.

[65] Dans le cas de M. Parent, il y a eu plusieurs échanges avec le défendeur. Le défendeur a expliqué que, même s’il pouvait envisager un grief pour une personne qui pourrait exécuter son travail de façon satisfaisante à distance, un tel grief serait entendu longtemps après l’entrée en vigueur de la politique. En conséquence, la recommandation du défendeur à ses membres était la suivante :

[Traduction]

[…]

[…] Comme les conséquences de la non-conformité sont très graves, et compte tenu de cette réalité, l’IPFPC continue de recommander que les membres se conforment à la politique, soit en se faisant vacciner d’ici le 29 octobre 2021, soit en bénéficiant de mesures d’adaptation fondées sur un motif de distinction illicite en vertu de la LCDP [Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6)] ou de l’Article 43 [de la convention collective applicable], conformément à la Politique sur la vaccination contre la COVID-19 actuelle du SCT […]

[…]

 

[66] Néanmoins, dans le même message, le défendeur n’a pas fermé la porte à fournir des conseils et, lorsque cela était justifié, à la représentation, comme il est indiqué dans ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] Néanmoins, l’IPFPC continuera à fournir des avis, des conseils, et (le cas échéant) une représentation à chaque membre de l’IPFPC. Les membres dont les demandes de mesures d’adaptation sont fondées sur un motif protégé documenté, ou qui ont fait du télétravail pendant toute la pandémie et qui ne souhaitent pas se faire vacciner, peuvent communiquer avec le bureau des relations de travail approprié de leur bureau régional pour discuter du bien-fondé de leur situation personnelle et de la possibilité de déposer un grief de la manière habituelle […]

[…]

 

[67] M. Parent a demandé de déposer un grief de principe en vue de contester le caractère raisonnable de la politique. Le défendeur a donné des conseils sur la possibilité de déposer un grief individuel.

[68] M. Parent a continué d’insister pour que le défendeur conteste la politique plutôt que de procéder au cas par cas. Selon la position du défendeur, il ne participerait pas à un débat sur la science sous-jacente à la politique. Selon l’avis juridique qu’il a reçu, cette politique serait probablement considérée comme un exercice raisonnable des droits de la direction en vertu de la convention collective.

[69] Le défendeur n’a pas soutenu le grief que M. Parent aurait déposé. Celui-ci n’a pas demandé un réexamen de la décision; il n’a pas non plus demandé au défendeur de déposer un grief en son nom, en fonction de sa propre situation.

[70] M. Novecosky a demandé l’appui du défendeur relativement à trois griefs. Le premier portait sur l’application de la politique à sa situation de travail à distance, le deuxième était un grief de principe contestant le caractère raisonnable de l’ensemble de la politique et le troisième portait sur le refus d’une exemption de vaccination fondée sur une mesure d’adaptation pour des raisons religieuses. Le défendeur a soutenu les premier et troisième griefs. Le défendeur soutient également d’autres griefs qui outrepassent la portée de la présente plainte.

[71] Mme Rodrigues a communiqué avec le défendeur en octobre 2021 pour lui faire part de ses préoccupations au sujet de la politique. Elle lui a demandé de négocier d’autres modalités de travail pour les membres qui ne voulaient pas recevoir le vaccin. Le défendeur a répondu le lendemain pour expliquer sa position.

[72] En novembre 2021, Mme Rodrigues a demandé à un délégué syndical du défendeur de signer un grief qu’elle avait préparé. Le délégué syndical a consulté le bureau national du défendeur. Le défendeur a fourni une réponse immédiate, indiquant qu’il ne pouvait pas soutenir le grief, car sa position était que la vaccination devait être encouragée, sauf s’il y avait un besoin légitime de mesures d’adaptation.

[73] Les échanges se sont poursuivis entre Mme Rodrigues et le défendeur. Le défendeur a continuellement réitéré sa position, à savoir que la conformité, soit par la vaccination ou par l’obtention d’une exemption, était dans l’intérêt supérieur de ses membres, afin d’éviter d’être mis en congé non payé. Le défendeur a fait un suivi auprès de Mme Rodrigues pour obtenir plus de renseignements, qui n’ont pas été fournis. En fin de compte, après plusieurs autres échanges, le défendeur lui a confirmé qu’il ne soutiendrait pas son grief et lui a fourni des explications détaillées de ses raisons. Le 7 mars 2022, son avocat général a adressé à Mme Rodrigues une lettre qui comprend la déclaration suivante :

[Traduction]

[…]

Nous prenons note des questions que vous soulevez au sujet des données scientifiques qui sous-tendent la politique de l’employeur. Vous avez le droit d’exprimer votre point de vue à cet égard, mais ce n’est pas le rôle d’un syndicat de participer à un débat scientifique sur l’efficacité ou la validité de vaccins. C’est plutôt le rôle des organismes gouvernementaux et mondiaux de la santé, dont les travaux et les recommandations sont à la base de la politique de l’employeur.

[…]

 

[74] M. Watt a communiqué avec le défendeur lorsqu’il a été mis en congé non payé en novembre 2021. Il a demandé des renseignements sur les recours possibles. Le défendeur a répondu immédiatement et a expliqué sa position.

[75] M. Watt n’a pas demandé de mesures d’adaptation à l’employeur; il n’a pas non plus demandé qu’un grief soit déposé en son nom. Il a cherché à amorcer un débat sur le vaccin, ce que le défendeur a refusé de faire.

[76] Le 27 mars 2022, M. Watt a demandé qu’un grief soit déposé en son nom. À cette date, le grief était hors délai. M. Watt a demandé une évaluation du bien-fondé du grief fondée sur des données scientifiques. Il a reçu des renseignements sur la manière de déposer un grief lui-même. Les points scientifiques n’ont pas été abordés.

[77] L’essentiel de la plainte réside dans le fait que le défendeur n’a pas contesté la politique de l’employeur. Il ne l’a pas fait parce qu’il croyait que la vaccination constituerait une étape positive dans la lutte contre la COVID-19. De plus, il a demandé des conseils juridiques et en relations de travail quant à la possibilité de la contester. Selon les conseils reçus, un grief de principe aurait peu de chances de succès.

[78] Les conseils reçus de Steven Welchner, avocat à la retraite et consultant en relations de travail, indiquaient que la politique, si elle était contestée, serait vraisemblablement jugée raisonnable. M. Welchner a tenu compte des motifs souvent invoqués par les personnes qui s’opposent au mandat de vaccination, à savoir :

· la preuve scientifique invoquée pour justifier la politique n’est pas exacte;

 

· le port du masque et le dépistage rapide devraient être suffisants pour protéger la santé et la sécurité des employés;

 

· la vaccination obligatoire ne devrait s’appliquer qu’aux employés qui travaillent avec des personnes médicalement vulnérables;

 

· la vaccination obligatoire ne devrait pas s’appliquer aux personnes qui travaillent à distance;

 

· la vaccination obligatoire contrevient à l’article 7 (droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne) de la Charte canadienne des droits et libertés (constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.));

 

· la vaccination obligatoire contrevient à la Loi sur la protection des renseignements personnels (L.R.C. (1985), ch. P-21);

 

· la vaccination obligatoire est discriminatoire.

 

[79] Au moment d’évaluer les griefs individuels, le défendeur a suivi une ligne de conduite semblable. Il a examiné les griefs de manière sérieuse, dans le contexte de ce qui pourrait réussir. Le refus d’une exemption fondée sur une mesure d’adaptation pour des raisons médicales ou religieuses pourrait faire l’objet d’un grief. Il ne pouvait pas soutenir des griefs qui visaient simplement à attaquer la politique, étant donné qu’il encourageait ses membres à se faire vacciner.

III. Résumé de l’argumentation

[80] Puisque la présente décision porte sur la requête en rejet sommaire du défendeur, ses arguments sont présentés en premier. Les plaignants ont eu l’occasion de répondre et de présenter des arguments pour démontrer qu’ils ont bel et bien présenté une preuve prima facie. Leurs arguments suivent ceux du défendeur.

A. Pour le défendeur

[81] Le devoir de représentation équitable n’exige pas qu’un agent négociateur dépose tous les griefs demandés par ses membres. L’agent négociateur a le droit de tenir compte de l’intérêt supérieur de l’unité de négociation dans son ensemble.

[82] Le défendeur a soigneusement examiné la politique applicable à ses membres et a décidé de ne pas déposer de grief de principe après une étude sérieuse de la question. Après avoir examiné les éléments de preuve disponibles, il a estimé que la vaccination obligatoire protégerait ses membres.

[83] Le défendeur cite des décisions d’arbitrage en matière de relations de travail pour étayer sa défense. Je reviendrai sur la jurisprudence pertinente dans mon analyse.

[84] En ce qui a trait au document Questions de fait, le défendeur soutient qu’il soulève des questions qui ne relèvent pas de la portée de l’enquête de la Commission sur la plainte et outrepassent sa compétence. En outre, aucune des questions soulevées dans ce document n’aiderait à trancher la question dans le présent cas, à savoir le devoir de représentation équitable du défendeur.

[85] Enfin, le défendeur fait valoir que la plainte est en grande partie théorique puisque, le 13 mai 2022, le défendeur a déposé un grief de principe au nom du groupe CS (Systèmes d’ordinateurs)/IT contestant le caractère raisonnable de la politique. Le défendeur reconnaît que son grief de principe ne comprenait pas tous les arguments des plaignants, comme la contestation de l’efficacité du vaccin.

B. Pour les plaignants

[86] Les plaignants cherchent à démontrer que, contrairement à l’affirmation du défendeur, ils ont en fait présenté une preuve prima facie. Selon eux, le défendeur n’a pas tenu compte de leurs préoccupations concernant le vaccin, tant de ses conséquences médicales que de ses conséquences juridiques. Cette omission de prendre en considération leur position était arbitraire, discriminatoire et faite de mauvaise foi.

[87] Selon les plaignants, la science qui sous-tend la mise au point du vaccin est truffée de désinformation et de corruption. Le vaccin n’était pas efficace, car les personnes vaccinées ont contracté la COVID-19. Il s’agissait d’une forme expérimentale de modification génétique susceptible d’avoir des répercussions à long terme sur le génome humain, et elle a provoqué de graves effets indésirables. Le défendeur n’aurait pas dû rejeter aussi abruptement ces arguments valides et aurait dû agir avec diligence pour obtenir des réponses appropriées des employeurs qui imposaient le vaccin aux fonctionnaires, qu’ils soient ou non disposés à le recevoir. Le défendeur avait le devoir de défendre ses membres contre des traitements médicaux qui étaient imposés par la force. Il ne l’a pas fait.

[88] Les plaignants affirment que l’imposition de cette politique a contrevenu aux droits fondamentaux, notamment le droit de refuser un traitement médical et le droit à la vie privée. Dans le cadre de la politique, les employés devaient divulguer leur statut de vaccination. Selon les plaignants, il s’agissait d’une atteinte à la confidentialité des dossiers médicaux des personnes.

[89] Les plaignants soutiennent que le défendeur a manqué à son devoir de les représenter adéquatement et qu’il n’a rien fait pour empêcher la perte de revenus qui a suivi leur refus légitime de se soumettre à un traitement expérimental. Il a agi de façon arbitraire en faisant fi de toutes les données scientifiques probantes qu’ils avaient présentées pour démontrer que le vaccin était inefficace et, pire encore, dangereux. Il a agi de mauvaise foi en refusant de défendre les intérêts de ses membres. Il a fait preuve de discrimination à l’égard des membres qui s’opposaient à la politique et s’est rangé du côté d’un sous-groupe, soit les scientifiques qu’il représente et qui soutenaient le vaccin.

IV. Analyse

[90] Les plaignants ont été très déçus lorsque j’ai décidé d’annuler l’audience et de procéder uniquement sur la base d’arguments écrits, tout en leur offrant la possibilité de réfuter la position du défendeur selon laquelle il n’existe aucune cause défendable selon laquelle il a manqué à son devoir de représentation équitable.

[91] Les plaignants espéraient démontrer à l’audience ce qu’ils considèrent comme les erreurs désastreuses commises par le gouvernement fédéral, en tant qu’employeur, et par le défendeur, en tant qu’agent négociateur représentant les intérêts des employés. Toutefois, la Commission n’est tout simplement pas le forum approprié pour une telle enquête. Sa loi habilitante ne lui confère qu’une possibilité étroite d’examiner les actes des agents négociateurs. La plainte a été présentée en vertu de l’article 187 de la Loi. Les plaignants devaient alléguer des actes qui démontraient que le défendeur avait manqué à son devoir de représentation équitable, tel que défini par la loi et la jurisprudence, et non tel que défini par leurs propres normes.

[92] Dans leurs arguments, les plaignants mettent l’accent sur leur objection fondamentale au vaccin contre la COVID-19. Toutefois, il ne s’agit pas de l’objet de la présente plainte. Le défendeur n’a pas imposé le vaccin. Il a déclaré à l’employeur qu’il fallait tenir compte des droits de la personne. Il a dit la même chose à ses membres. De plus, suivant l’avis des autorités de santé publique, il a encouragé ses membres à se faire vacciner, si possible, car cela constituerait une mesure de santé positive pour les employés du secteur public fédéral et la population canadienne.

[93] Le critère applicable au rejet sommaire au motif que le cas ne révèle aucune cause défendable est habituellement libellé comme suit : Si toutes les allégations factuelles du plaignant sont tenues pour véridiques, existe-t-il une cause défendable qu’il y a eu violation de la loi? Autrement dit, y a-t-il des indications que le défendeur aurait manqué à son devoir de représentation équitable?

[94] On ne s’attend pas à ce que le défendeur possède des connaissances scientifiques approfondies. On s’attend à ce qu’il agisse de manière rationnelle, raisonnable et prudente. Compte tenu de l’information et de la désinformation relatives à la pandémie et des différentes options de traitement qui ont émergé, il était raisonnable pour le défendeur de s’en remettre aux autorités de santé publique pour obtenir les renseignements les plus fiables.

[95] L’Organisation mondiale de la santé a déclaré une pandémie, et les dirigeants et les autorités sanitaires ont fait de leur mieux pour y faire face. Il est de notoriété publique que le vaccin ARNm contre la COVID-19 n’a pas empêché les gens de contracter la COVID-19. Cependant, selon les autorités de santé publique, il offre une protection contre les pires effets de la maladie, y compris le décès. C’est ce que le défendeur a conclu. La question de savoir s’il avait raison ou non n’est pas celle qui se pose dans un cas qui soulève le devoir de représentation équitable. Les plaignants souhaiteraient que je me prononce sur la science et les prétendus complots qui sous-tendent ce qu’ils appellent [traduction] l’« expérimentation médicale », communément appelée le « vaccin contre la COVID-19 ». Ma tâche consiste à déterminer si le défendeur a agi de manière contraire à l’article 187 de la Loi, qui se lit comme suit :

187 Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

187 No employee organization that is certified as the bargaining agent for a bargaining unit, and none of its officers and representatives, shall act in a manner that is arbitrary or discriminatory or that is in bad faith in the representation of any employee in the bargaining unit.

 

[96] La portée du devoir de représentation équitable a été énoncée pour la première fois dans Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon, [1984] 1 R.C.S. 509, comme suit à la page 527 :

[…]

1. Le pouvoir exclusif reconnu à un syndicat d’agir à titre de porte-parole des employés faisant partie d’une unité de négociation comporte en contrepartie l’obligation de la part du syndicat d’une juste représentation de tous les salariés compris dans l’unité.

2. Lorsque, comme en l’espèce et comme c’est généralement le cas, le droit de porter un grief à l’arbitrage est réservé au syndicat, le salarié n’a pas un droit absolu à l’arbitrage et le syndicat jouit d’une discrétion appréciable.

3. Cette discrétion doit être exercée de bonne foi, de façon objective et honnête, après une étude sérieuse du grief et du dossier, tout en tenant compte de l’importance du grief et des conséquences pour le salarié, d’une part, et des intérêts légitimes du syndicat d’autre part.

4. La décision du syndicat ne doit pas être arbitraire, capricieuse, discriminatoire, ni abusive.

5. La représentation par le syndicat doit être juste, réelle et non pas seulement apparente, faite avec intégrité et compétence, sans négligence grave ou majeure, et sans hostilité envers le salarié.

[…]

 

[97] Comme le prévoient les dispositions législatives, l’agent négociateur ne doit pas agir de manière arbitraire. Il doit montrer qu’il a sérieusement pris en compte les intérêts de ses membres. Cela ne signifie pas qu’il est tenu de suivre la direction que le membre souhaiterait qu’il adopte. Comme l’a déclaré la Cour suprême du Canada, l’agent négociateur « jouit d’une discrétion appréciable ».

[98] Dans Mangat c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 52, au paragraphe 44, la Commission (telle qu’elle était alors) a cité l’extrait suivant de Judd v. Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada, Local 2000, 2003 CanLII 62912 (BC L.R.B.) :

[Traduction]

[…]

42. Lorsqu’un syndicat décide de ne pas poursuivre un grief pour des considérations pertinentes concernant le lieu de travail – par exemple, vu son interprétation de la convention collective, vu l’effet sur d’autres fonctionnaires ou vu son évaluation selon laquelle le fondement du grief n’est pas suffisant – il accomplit son travail consistant à représenter les fonctionnaires. Le fonctionnaire en cause, dont le grief a été abandonné, peut estimer que le syndicat ne le « représente » pas. Toutefois, décider de ne pas poursuivre un grief en se basant sur ces genres de facteurs est une partie essentielle du travail syndical consistant à représenter les fonctionnaires dans leur ensemble. Quand un syndicat agit en se fondant sur des considérations se rapportant au lieu de travail ou à son travail de représentation des fonctionnaires, il est libre de déterminer la meilleure voie à suivre, et une telle décision n’équivaut pas à une violation du [devoir de représentation équitable].

[…]

 

[99] Une situation semblable à celle du présent cas s’est produite dans Watson c. SCFP, 2022 CCRI 1002, où une plainte a été déposée contre le syndicat pour avoir manqué à son devoir de représentation équitable lorsqu’il n’a pas déposé un grief de principe contre la politique de vaccination obligatoire de l’employeur. Le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) a rejeté la plainte en déclarant que le syndicat s’était penché sur la question et avait bien évalué ses chances d’obtenir gain de cause s’il contestait la politique. De plus, dans ce cas également, le syndicat avait soutenu la politique de vaccination comme moyen efficace d’assurer la santé et la sécurité des employés. Le CCRI a soutenu qu’il n’y avait pas de preuve permettant d’affirmer que le syndicat avait agi de mauvaise foi lorsqu’il a soutenu la vaccination pour ses membres.

[100] La Commission a déjà rejeté un certain nombre de plaintes contre des agents négociateurs dans lesquelles les plaignants contestaient le refus des agents négociateurs de contester la politique (voir Musolino c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2022 CRTESPF 46; Fortin c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2022 CRTESPF 67; et Payne c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2023 CRTESPF 58).

[101] L’extrait suivant de Payne est un reflet fidèle de la situation dans le présent cas, ainsi que de la position de la Commission :

[…]

[67] Bon nombre des allégations et des arguments factuels des plaignants ne portent pas sur les actes de la défenderesse, mais sur leur désaccord avec sa décision d’appuyer la Politique et leur opposition à la Politique en général. Ils ne conviennent pas que la Politique assure un juste équilibre entre les préoccupations de santé et sécurité dans les milieux de travail et l’ingérence dans les droits des employés. Ils ne souscrivent pas non plus à la conclusion de la défenderesse selon laquelle une contestation directe de la Politique aurait eu peu de chances de succès.

[68] Les désaccords de cette nature ne sont pas pertinents à la tâche à accomplir. Le but de la Commission dans les affaires relatives au devoir de représentation équitable n’est pas de décider si la défenderesse a eu raison ou tort dans son évaluation de la Politique ou dans sa décision de ne pas déposer de grief de principe ou une plainte relative au gel prévu par la loi. Au contraire, mon examen doit porter sur la représentation que la défenderesse a offerte et le processus qu’elle a suivi pour parvenir à sa conclusion relative à la Politique, en particulier si elle a pris la décision de ne pas contester la Politique sans discrimination, de façon objective et honnête, et après un examen approfondi du cas, des questions et des intérêts de ses membres.

[…]

 

[102] Il est important de souligner que je ne me prononce pas sur la politique elle‐même, mais plutôt sur les actes du défendeur à son égard. Les plaignants sont libres de s’opposer à la politique. Le défendeur n’a aucune obligation de leur emboîter le pas. Le fait est que les allégations des plaignants ne font pas état d’une violation de l’article 187 de la Loi. Rien dans ces allégations ne permet de conclure à un comportement arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi.

[103] Le défendeur a répondu rapidement aux demandes de renseignements des plaignants. Il a clairement énoncé sa position, qui était fondée sur des conseils d’experts juridiques et d’autorités de la santé publique. Il n’a pas adopté sa position de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi.

[104] Le défendeur a soutenu les griefs des plaignants qu’il estimait avoir une chance de succès. Il n’a pas déposé de grief de principe lorsque les plaignants l’ont demandé. Ces actes étaient raisonnables, compte tenu de l’évaluation honnête et approfondie du défendeur, y compris les avis juridiques.

[105] Les plaignants font valoir que le défendeur a manqué à son devoir de bien enquêter sur leurs griefs. Il n’a pas omis d’enquêter sur leurs griefs. Il a refusé de participer à un débat scientifique avec les plaignants.

[106] Le refus du défendeur de participer à ce débat ne constitue pas un manquement au devoir par le défendeur. Un syndicat n’est pas un laboratoire scientifique où l’on discute de médecine moléculaire. Un syndicat fait de son mieux pour représenter ses membres et laisse la science aux autorités dignes de confiance. Les plaignants peuvent ne pas être d’accord avec ces autorités, mais cela n’est pas le souci du défendeur. Une grande partie de la plainte porte sur la science qui sous-tend le vaccin et sur les prétendues mauvaises intentions de ceux qui l’ont développé, commercialisé et mis en œuvre.

[107] Encore une fois, la présente décision ne porte pas sur le vaccin lui-même, mais sur les actes du défendeur dans le cadre de la représentation de ses membres. Pour cette raison, le document Questions de fait ne sera pas abordé dans la présente analyse. Il comporte des accusations, demande à la Commission de se prononcer sur des données scientifiques et des déclarations, et porte sur le fonctionnement interne du défendeur, rien qui soit pertinent au devoir de représentation équitable du défendeur. Le défendeur a fondé ses actes relatifs au vaccin contre la COVID-19 au cours de la période pertinente sur ce qu’il considérait comme les meilleures données probantes disponibles. Il n’était pas déraisonnable de demander un avis juridique et de retenir les conseils scientifiques d’autorités reconnues. Il n’est pas nécessaire que j’examine davantage ce sujet.

[108] Comme il est indiqué dans Payne :

[…]

[90] La plainte déposée auprès de la Commission et les arguments écrits des plaignants contiennent également de nombreuses questions rhétoriques et des déclarations spéculatives sur une myriade de questions qui semblent avoir pour but de susciter des soupçons et des doutes sur le caractère raisonnable de la Politique et sur les actes et les intentions de la défenderesse, sans préciser comment et pourquoi les réponses à ces questions pourraient étayer une cause défendable de manquement au devoir de représentation équitable. Par exemple, ils posent des questions sur les lignes directrices émises à l’intention des médecins par leurs organismes de réglementation provinciaux et sur l’incidence de ces lignes directrices sur la mise en œuvre de la Politique. Ils posent des questions sur le fait que l’AFPC n’a pas tenu un vote par ses membres relatif à la Politique et sur les données dont dispose l’AFPC relativement à la nécessité du vaccin. Ils posent des questions sur la formation offerte aux représentants de l’AFPC en matière de violations des droits de la personne.

[91] Comme je l’ai déjà indiqué, des allégations factuelles présentées à l’appui d’une plainte déposée en vertu de l’article 187 de la Loi doivent sembler réalistes pour étayer une cause défendable de manquement au devoir de représentation équitable. Elles ne peuvent pas être de simples accusations ou des spéculations. Les accusations et les spéculations ne doivent pas être considérées comme vraies dans le contexte d’une analyse de la cause défendable. Les allégations factuelles ne peuvent pas non plus prendre la forme de questions rhétoriques. Les questions rhétoriques, à elles seules, ne peuvent pas appuyer une plainte relative au devoir de représentation équitable.

[…]

 

[109] Le défendeur n’a pas agi de manière arbitraire, mais plutôt en fonction des renseignements dont il disposait. Compte tenu de la tendance jurisprudentielle, il était raisonnable de croire que la contestation de la politique serait probablement infructueuse. Le défendeur a plutôt soutenu des griefs individuels fondés sur des allégations de discrimination médicale ou religieuse. Il a tenu compte des situations individuelles des plaignants. Il n’avait aucune obligation de suivre leur stratégie ou de défendre leurs opinions.

[110] Il n’y a eu aucune discrimination à l’encontre d’un groupe d’employés. Les personnes qui s’opposent à la vaccination contre la COVID-19 ne forment pas un groupe protégé en vertu de la législation sur les droits de la personne. De plus, aucun élément de preuve n’a été présenté pour démontrer que le défendeur a traité les plaignants différemment des autres membres de l’unité de négociation. Il a déclaré sa position et a examiné leur situation. Un désaccord n’équivaut pas à une discrimination.

[111] Les actes du défendeur ne comportaient aucun élément de mauvaise foi. Il a abordé la politique de manière directe et a demandé des avis juridiques et des renseignements sur la santé. Il a répondu aux demandes de renseignements des plaignants et a clairement énoncé sa position. Il n’a pas retiré sa représentation, mais a donné des conseils quant aux circonstances dans lesquelles il soutiendrait un grief lié au mandat de vaccination.

[112] En résumé, rien dans les allégations des plaignants ne démontre une cause défendable pour une violation de l’article 187 de la Loi. Puisque la plainte est rejetée au motif qu’elle ne révèle aucune cause défendable, je n’ai pas à traiter de l’argument du défendeur relatif au caractère théorique.

[113] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[114] La plainte est rejetée.

Le 14 février 2024.

Traduction de la CRTESPF

Marie-Claire Perrault,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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