Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a contesté la décision de l’employeur de changer son statut de fonctionnaire en congé payé pour d’autres raisons, en vertu de la clause 20.12a) de la convention collective, pour le mettre en congé de maladie – l’employeur a soutenu que cette clause visait à accorder un congé discrétionnaire payé lorsque les employés ne peuvent pas se présenter au travail en raison de circonstances indépendantes de leur volonté et à ne couvrir que les situations qui ne sont pas traitées ailleurs dans la convention collective – le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué qu’il était visé par cette clause, puisque la seule chose qui l’empêchait de retourner au travail était une évaluation positive de son aptitude au travail, qu’il n’a pas pu obtenir – la Commission a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait jamais eu le droit d’être placé en congé payé pour d’autres raisons et que l’employeur avait commis une erreur en agissant ainsi – le stress en milieu de travail n’était pas une « circonstance » au sens de la clause 20.12a) – de plus, la clause 17.02 prévoyait un congé de maladie payé et traitait directement de la situation dans laquelle le fonctionnaire s’estimant lésé se trouvait, c’est-à-dire incapable d’exercer ses fonctions en raison d’une maladie ou d’une blessure.

Grief rejeté.

Contenu de la décision

Date: 20240131

Dossier: 566-02-41783

 

Référence: 2024 CRTESPF 14

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

John Burns

fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(ministère des Pêches et des Océans)

 

employeur

Répertorié

Burns c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant : Augustus Richardson, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Derek MacLeod, Unifor

Pour l’employeur : Peter Doherty, avocat, Services juridiques du Conseil du Trésor

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 26 mai, le 21 juillet et le 14 août 2023.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1] Le 14 août 2019 ou vers cette date, John Burns, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a déposé un grief alléguant que l’employeur, le ministère des Pêches et des Océans, avait enfreint la convention collective entre le Conseil du Trésor et le syndicat, Unifor, section locale 2182, pour le groupe Radiotélégraphie (qui est arrivée à échéance le 30 avril 2022; la « convention collective »). Il a déposé un grief alléguant que l’employeur avait enfreint la clause 20.12a) en lui refusant un congé payé pour d’autres raisons. Il a demandé les mesures correctives suivantes :

[Traduction]

1) un congé payé lorsque des circonstances qui ne sont pas directement imputables à l’officier (selon le libellé de la clause 20.12a)) l’ont empêché de se présenter au travail, à compter du 1er juillet 2019 (date à laquelle l’employeur a changé son statut de rémunération de congé payé pour d’autres raisons à congé de maladie);

2) le rétablissement des crédits de congé de maladie qui ont été épuisés de son solde de congé de maladie pour la période qui remonte au 1er juillet 2019;

3) le rétablissement des crédits de congé annuel qui ont été épuisés de son solde de congé annuel pour la période qui remonte au 1er juillet 2019

 

[2] Après avoir examiné attentivement les faits et les arguments présentés par les parties, j’ai conclu, pour les motifs exposés ci-dessous, que le fonctionnaire n’avait pas droit à un congé payé pour d’autres raisons et que son grief devrait donc être rejeté.

II. Processus et procédure – utilisation d’une procédure d’audience hybride

[3] À la suite de mon examen du grief et de la clause 20.12a) de la convention collective, j’ai convoqué une téléconférence de gestion de cas avec les représentants des parties le 15 mars 2023.

[4] Lors de la téléconférence, j’ai dit aux parties que j’avais examiné le grief et les dispositions de la clause 20.12a) de la convention collective. Cet examen a révélé que les questions semblaient relativement simples et qu’il s’agissait des cinq questions suivantes :

1) Le fonctionnaire a-t-il demandé un « congé pour d’autres raisons » en vertu de la clause 20.12a) et, dans l’affirmative, quand l’a-t-il demandé?

2) Quelles circonstances ont empêché le fonctionnaire de se présenter au travail?

3) Ces circonstances étaient-elles « pas directement imputables à l’officier »?

4) L’employeur a-t-il refusé la demande de congé?

5) Dans l’affirmative, quelles en étaient les raisons et étaient-elles déraisonnables?

 

[5] J’ai également informé les parties que les réponses aux questions semblaient porter sur des questions de fait qui ne dépendaient pas de la crédibilité ou qu’elles comportaient des questions de droit ou d’interprétation quant à savoir si les faits correspondaient au sens de la clause 20.12a). Compte tenu de cela, j’ai proposé d’exercer mes pouvoirs et ma compétence en vertu de l’alinéa 20e) et de l’article 22 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) afin de procéder par voie d’audience hybride. En adoptant cette approche, j’ai également invoqué mes observations dans Drouin c. Association professionnelle des agents du service extérieur, 2023 CRTESPF 3, aux paragraphes 71 à 73, et dans Rukavina c. Conseil du Trésor (ministère de la Diversification de l’économie de l’Ouest), 2023 CRTESPF 4, au paragraphe 64.

[6] Par « audience hybride », je voulais dire que le grief serait tranché principalement, voire entièrement, sur la base d’éléments de preuve et d’arguments écrits, sous réserve du droit d’une partie de demander d’entendre un ou plusieurs témoins sur une question ou sur un fait qui semblait être lié à la crédibilité.

[7] Par conséquent, j’ai émis la directive suivante :

1) Étant donné que le modèle d’audience hybride a été proposé sans que les représentants des parties aient eu la possibilité de consulter leurs clients, les parties ont eu deux semaines à compter de la date à laquelle la directive leur a été donnée (au plus tard le 31 mars 2023) pour formuler une objection ferme à l’approche d’audience hybride proposée.

 

2) Toute objection devait être formulée par écrit et l’autre partie avait le droit de répondre. L’objection devait ensuite être examinée et tranchée.

 

3) En l’absence d’une telle objection,

 

· Le fonctionnaire ou le syndicat devait disposer de six semaines à compter de la date qui correspondait à deux semaines après la date à laquelle la directive avait été donnée (au plus tard le 12 mai 2023) pour déposer des éléments de preuve, y compris les déclarations ou les affidavits signés, sur lesquels il se fonderait, ainsi que leurs arguments.

· L’employeur devait ensuite disposer de six semaines à compter de la date de remise de ces preuves (au plus tard le 23 juin 2023) pour déposer des éléments de preuve, y compris les déclarations ou les affidavits signés, sur lesquels il se fonderait, ainsi que ses arguments.

· Le fonctionnaire ou le syndicat devait alors disposer de deux semaines à compter de la date à laquelle l’employeur avait déposé ses éléments de preuve et ses arguments (au plus tard le 7 juillet 2023) pour répondre.

· Si, pour une raison quelconque, une partie éprouvait des difficultés à respecter ces délais, elle devait demander à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») une prorogation de délai, qui ne devait pas être refusée de façon déraisonnable.

· Si, après avoir examiné les documents déposés par l’autre partie, une partie estimait qu’il fallait tenir une audience sur une ou plusieurs questions, elle devait demander une audience devant la Commission, qui devait alors examiner la question et statuer sur celle-ci.

· La Commission devait ensuite trancher le grief.

 

[8] Il s’est avéré que les parties, après réflexion, ne se sont pas opposées à la procédure d’audience hybride proposée et n’ont pas demandé le droit de convoquer des témoins. Elles ont demandé et ont obtenu des prorogations de délai pour déposer leurs documents respectifs.

[9] Les parties ont déposé les arguments écrits suivants, que j’ai examinés :

· les arguments écrits (AEF) et le recueil de documents (RDF) du fonctionnaire, le 26 mai 2023;

· les arguments écrits de l’employeur (AEE) en date du 21 juillet 2023, ainsi qu’un recueil de documents (RDE) et un recueil de jurisprudence;

· les arguments déposés en réponse par le fonctionnaire le 14 août 2023 ou vers cette date (ARF, première page datée du 26 mai 2023).

III. Les faits

[10] Après avoir examiné ces arguments et ces documents, j’ai conclu que les faits suivants étaient vrais, selon la prépondérance des probabilités, et j’ai procédé sur cette base.

A. Les événements qui ont mené au dépôt du grief

[11] À tous les moments pertinents, le fonctionnaire vivait (et vit toujours) en Ontario. Il a commencé sa carrière chez l’employeur en tant qu’agent des Services de communications et de trafic maritimes (SCTM) en 2011.

[12] En mai 2015, il a été nommé à un poste d’instructeur des SCTM pour une période indéterminée (classifié au groupe et au niveau RO-04) au Collège de la Garde côtière canadienne à Sydney (Nouvelle-Écosse). Les instructeurs forment les nouveaux agents des SCTM à communiquer avec les navires dans les eaux canadiennes, à surveiller le trafic maritime, à gérer les appels de détresse et autres appels des navires et à remplir d’autres fonctions liées à la sécurité de la navigation dans les voies navigables du Canada. Cette nomination exigeait du fonctionnaire qu’il déménage de son domicile en Ontario (au nord du lac Supérieur) à Sydney.

[13] Le 8 juin 2015, le fonctionnaire a pris un congé de maladie en raison du stress. À l’appui, il a présenté à l’employeur un billet médical de l’hôpital régional du Cap‑Breton à Sydney, dans lequel il était indiqué que [traduction] « […] il serait utile pour lui émotionnellement de pouvoir concentrer son attention soit sur son travail, soit sur son déménagement imminent ». Le billet ajoutait qu’il [traduction] « […] souhaite se concentrer davantage sur le travail, ce qui pourrait être thérapeutique pour lui à court terme » (RDE, onglet 1A).

[14] Le fonctionnaire a soumis un deuxième billet le 6 août 2015, celui-ci provenant du Centre régional de santé de North Bay à North Bay (Ontario). On peut y lire qu’il avait [traduction] « […] subi une évaluation et qu’il avait besoin de prolonger son congé de santé mentale jusqu’au 4 septembre 2015 » (RDE, onglet 1B).

[15] À peu près à ce moment-là, le fonctionnaire a également présenté des demandes de prestations d’invalidité à la Sun Life et à la Commission d’indemnisation des accidents du travail de la Nouvelle-Écosse (CIAT).

[16] Les demandes présentées à la Sun Life et à la CIAT ont toutes deux été rejetées, celle présentée à la Sun Life le 30 octobre 2015 et celle présentée à la CIAT, le 2 décembre 2015 (RDE, onglets 2A et 2B et RDF, onglet 9). Les deux refus étaient étayés par des décisions selon lesquelles le stress causé par des difficultés présumées liées à des problèmes situationnels impliquant la communication avec l’employeur ne donne pas lieu à une indemnisation.

[17] Dans la demande de prestations d’invalidité présentée à la CIAT, le fonctionnaire a allégué qu’il avait subi un traumatisme mental et psychologique lié au transfert de travail qui avait débuté le 5 janvier 2015, et qui s’est ensuite manifesté par des signes physiques apparus le 8 juin 2015. Dans le rapport de la CIAT qui a finalement rejeté sa demande (en décembre 2015), on mentionnait la preuve du fonctionnaire selon laquelle il était devenu stressé alors qu’il tentait de jongler avec son horaire de travail et la planification d’un déménagement de l’Ontario au Cap-Breton. Il a estimé que la manifestation de son stress – crier après son superviseur – n’était pas une réponse typique pour lui et qu’il était donc dans son intérêt de quitter le travail. Il n’a pas soumis de renseignements médicaux à la CIAT pour étayer ses affirmations. La CIAT a fait remarquer que l’employeur avait une politique de réinstallation qui prévoyait un congé pour la recherche d’un logement et un conseiller en réinstallation, et que l’employeur ne s’attendait pas à ce que le fonctionnaire rattrape le temps manqué ou fasse des heures supplémentaires (RDE, onglet 2B).

[18] En ce qui concerne la demande de prestations d’invalidité totale présentée par le fonctionnaire à la Sun Life, l’assureur n’était pas convaincu que les renseignements médicaux qu’il avait fournis prouvaient une invalidité totale l’empêchant d’exécuter chacune de ses tâches professionnelles. En outre, dans sa lettre du 23 août 2016 rejetant son appel, la Sun Life a conclu que l’information [traduction] « […] indique que [son] état est causé par l’emploi et que le stress est attribuable à l’incapacité d’obtenir des communications/réponses efficaces de [son] employeur », et qu’il était [traduction] « […] directement lié à des problèmes situationnels à [son] lieu de travail » (RDF, onglet 10).

[19] Le 15 décembre 2015 ou vers cette date, le fonctionnaire a proposé de revenir à la paye active dans le cadre d’une entente de télétravail avec l’employeur (RDF, onglet 4).

[20] Le 16 décembre 2015, l’employeur a demandé une évaluation de l’aptitude au travail (EAT), à laquelle le fonctionnaire a consenti (RDE, onglet 3).

[21] En juin 2016, Santé Canada a effectué l’EAT. Il a conclu que le fonctionnaire était alors considéré comme inapte au travail à quelque titre que ce soit. Le retour au travail et, par conséquent, la possibilité d’entreprendre un processus de relocalisation du milieu de travail, n’étaient pas non plus considérés comme prévisibles dans les six prochains mois (RDE, onglet 4).

[22] Le 28 juillet 2016, le fonctionnaire a été rayé de l’effectif et mis en congé non payé (CNP) à la suite du rapport de l’EAT. (Au paragraphe 21 de ses arguments, le syndicat a déclaré que l’entente de télétravail avait été maintenue jusqu’au 24 juin 2016.)

[23] Plus tard, le 8 septembre 2016, l’employeur a annulé le CNP. Il a plutôt placé le fonctionnaire en congé payé pour d’autres raisons (à compter du 24 juin 2016) en vertu de la clause 20.12a) de la convention collective. Il a expliqué que sa décision visait [traduction] « […] une situation exceptionnelle [qui était] en vigueur seulement en attendant qu’il reçoive un traitement et qu’il soit approuvé par la Sun Life » (RDE, onglet 5, et RDF, onglet 5). (Dans ses arguments au nom du fonctionnaire, le syndicat a décrit la décision de l’employeur [traduction] « […] comme un moyen pour M. Burns d’éviter une pénalité financière pendant que le fonctionnaire suivait les recommandations de l’employeur de demander des prestations d’invalidité et de recevoir un traitement pour une maladie ou une invalidité inconnue » (AEF, paragraphe 21).)

[24] Je m’arrête pour souligner que le fonctionnaire a interjeté appel du refus de la demande de prestations d’invalidité totale formulé par la Sun Life le 30 octobre 2015. La Sun Life a rejeté l’appel le 23 août 2016 (RDF, onglet 10). Son appel de cette décision d’appel a également été rejeté. Un appel final auprès du Conseil national mixte a abouti à une décision (en janvier 2023) d’autoriser sa réclamation, mais seulement pour la période du 23 octobre 2015 au 31 mai 2017 (RDF, onglet 14).

[25] Je reviens à la période pendant laquelle le fonctionnaire est resté en congé payé pour d’autres raisons. Le 16 février 2018, l’employeur lui a écrit. Il a mentionné qu’il était absent du travail depuis le 15 juin 2015 et qu’il était en congé payé pour d’autres raisons depuis le 24 juin 2016. Compte tenu du temps qui s’était écoulé et des changements survenus dans le milieu de travail depuis qu’il s’était présenté au travail la dernière fois, il lui a présenté les trois options suivantes, qui dépendaient de la tenue d’une EAT attestant qu’il était apte à retourner au travail (RDE, onglet 5, RDF, onglet 7) :

· il retourne à son poste d’attache d’instructeur au Collège de la Garde côtière canadienne;

· il retourne à son ancien poste d’agent des SCTM en Ontario ou à un autre endroit disponible; ou

· il revient à un poste à déterminer à l’Administration centrale à Ottawa (Ontario).

 

[26] La lettre demandait au fonctionnaire de fournir une évaluation de son aptitude à retourner au travail de son médecin traitant d’ici le 16 mars 2018. S’il n’était pas en mesure de retourner au travail dans un avenir prévisible, la lettre indiquait que les options suivantes seraient disponibles :

· il épuise ses crédits de congé de maladie (129 heures) et se voit accorder un congé de maladie non payé pendant une période maximale de 2 ans (sous réserve des prestations d’assurance-invalidité);

· il demande à prendre sa retraite pour des raisons médicales; ou

· il démissionne de l’administration publique centrale.

 

[27] Le 20 février 2018, le fonctionnaire a envoyé un courriel à l’employeur pour l’informer qu’il était prêt à répondre à toute demande d’EAT, bien qu’il ait ajouté ceci : [traduction] « […] sans avoir d’abord réglé les problèmes relatifs au milieu de travail, il me semble que ce soit un gaspillage de ressources et de temps que de me voir simplement déclarer à nouveau que “sans enquêter et traiter ces questions de milieu de travail, je ne pourrai pas retourner au travail”. » Il s’inquiétait aussi du temps qu’il lui faudrait pour obtenir un rapport d’EAT (RDE, onglet 7).

[28] Le 14 mars 2018, le fonctionnaire s’est demandé comment on pouvait lui demander de retourner au travail, étant donné ce qui suit : [traduction] « […] mon refus de travail du 8 juin 2015 est constamment ignoré et on me demande sans cesse de retourner au travail sans même avoir mené une enquête sur le refus de travail ainsi que sur l’accident de travail subi à l’époque. » Il a ajouté ceci : [traduction] « […] selon moi, cette réticence continuelle à reconnaître ce que je signale continue de tomber dans la catégorie de la violence au travail » (RDE, onglet 7). Il a soulevé des objections similaires le 3 avril 2018 (RDE, onglet 7).

[29] Le « refus de travail » mentionné par le fonctionnaire faisait référence à une plainte qu’il semble avoir déposée auprès du Programme du travail d’Emploi et Développement social Canada (EDSC, appelé « Travail Canada » dans les arguments) vers mars 2018 (si ce n’est avant) indiquant que ce qui s’était passé en juin 2015 était un refus de travail fondé sur [traduction] « […] une allégation de violence dans le milieu de travail ». Comme il l’a expliqué dans un courriel du 12 mars 2018, il recevait un traitement [traduction] « […] qui est directement lié à la violence psychologique que l’employeur [lui causait] » (RDE, onglet 7). La plainte a fait l’objet d’une enquête à la fois de la part de la « personne compétente » nommée par l’employeur et de la part d’EDSC/Travail Canada. Les deux enquêtes ont conclu que les plaintes n’étaient pas fondées (RDE, onglets 7 et 11).

[30] En réponse aux préoccupations du fonctionnaire en ce qui concerne les délais, l’employeur a pris des dispositions pour qu’une EAT soit menée en avril 2018. Le fonctionnaire s’est présenté au rendez-vous, mais a refusé de se soumettre à l’EAT parce qu’il s’inquiétait du fait que la médecin était une médecin généraliste dont la langue maternelle était le français et qu’elle n’était pas psychologue (RDE, onglet 12).

[31] Le 26 mars 2019 ou vers cette date, l’employeur a informé le fonctionnaire qu’il avait examiné son statut de congé payé pour d’autres raisons. Il a noté que son statut avait été approuvé, mais que ce n’était pas le congé approprié, étant donné que Travail Canada avait estimé qu’il n’y avait pas de danger dans le milieu de travail. La lettre l’informait ensuite qu’il serait mis en congé de maladie à compter du 1er mai 2019 et que ce statut se poursuivrait jusqu’à ce qu’il ait subi une EAT et reçu l’autorisation de retourner au travail (RDE, onglet 12).

[32] Le fonctionnaire et le syndicat ont contesté la décision de l’employeur (voir, par exemple, RDE, onglet 13, et RDF, onglet 6). L’employeur n’a pas modifié sa position, bien que la date à laquelle le fonctionnaire cessait d’être en congé payé pour d’autres raisons avait été fixée au 1er juillet 2019 (voir le RDF, onglet 6).

[33] Vers le 14 août 2019, le grief dont je suis saisi a été déposé.

B. Événements survenus après le dépôt du grief

[34] Le fonctionnaire a épuisé tous ses crédits de congé de maladie accumulés le 10 janvier 2020 ou vers cette date. Il vit de l’aide sociale depuis cette date.

[35] Dans ses arguments, le syndicat a déclaré que le fonctionnaire avait été diagnostiqué en janvier 2022 comme présentant des symptômes de troubles du spectre autistique accompagné de traits de personnalité obsessionnels compulsifs (RDF, onglet 17). À l’appui de l’argument selon lequel il était apte et prêt à retourner au travail sous une forme ou une autre, le syndicat a également soumis des rapports de la Dre Tiffany Desruisseaux, en date du 11 janvier 2022, du Dr Chintan Shah, en date du 2 février et du 4 octobre 2022, et du Dr Gilles Hébert, en date du 7 décembre 2022 (RDF, onglets 13, 15, 16 et 17).

[36] Dans son argumentation, le syndicat a également passé un bon moment à traiter de l’appel interjeté par le fonctionnaire à l’encontre du refus de la Sun Life de sa demande de prestations d’invalidité totale et du succès éventuel apparent de l’appel en février 2023 (bien que seulement pour la période allant jusqu’au 31 mai 2017).

[37] Toutefois, la question dont je suis saisi ne porte que sur la décision de l’employeur de modifier le statut du fonctionnaire, qui est passé d’un congé payé pour d’autres raisons à compter du 1er juillet 2019 à un congé de maladie.

IV. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire

[38] Le syndicat a répondu à mes cinq questions. Ce faisant, il a mélangé sa version des faits à ses réponses. Cette version se fondait en partie sur les documents du RDF et en partie sur les conclusions qu’il en a tirées.

1. Le fonctionnaire a-t-il demandé un « congé pour d’autres raisons » en vertu de la clause 20.12a) et, dans l’affirmative, quand l’a-t-il demandé?

[39] Pour ce qui est de la première question, le syndicat a fait remarquer que le fonctionnaire a d’abord été mis en CNP à la suite de l’EAT de juin 2016. Cela s’est produit pendant que l’entente de télétravail était en place. Le syndicat a soutenu que la décision subséquente de l’employeur de le mettre en congé payé pour d’autres raisons était le résultat d’une entente que les parties avaient conclue vers le 9 septembre 2016 [traduction] « […] afin que le fonctionnaire puisse demeurer en situation de rémunération qui lui éviterait des difficultés financières pendant qu’il subissait ce que l’employeur avait demandé : effectuer une évaluation de l’aptitude au travail (EAT) et demander des prestations » (AEF, paragraphe 25). Il a ajouté que le fonctionnaire avait continuellement participé à ces activités jusqu’à bien au-delà de juillet 2019, date à laquelle son statut a été modifié.

2. Quelles circonstances ont empêché le fonctionnaire de se présenter au travail?

[40] En ce qui a trait à la deuxième question, le syndicat a soutenu que c’était les deux EAT que l’employeur avait demandées qui empêchaient principalement le fonctionnaire de se présenter au travail. Il ne pourrait pas retourner au travail sans un rapport positif de l’EAT. Comme les rapports étaient négatifs, il ne pouvait pas retourner au travail.

3. Ces circonstances étaient-elles « pas directement imputables à l’officier »?

[41] Le syndicat a reconnu que les EAT de Santé Canada indiquaient que le fonctionnaire n’était pas médicalement apte à retourner au travail. Toutefois, il a soutenu que le rapport de 2022 de son médecin traitant indiquait qu’il était apte à retourner au travail. Il a fait remarquer que les évaluations psychologiques que Santé Canada avait reçues en 2020, selon ce qu’il dit, portaient sur l’aptitude au travail du fonctionnaire, mais qu’elles semblaient avoir été négligées. Il a fait remarquer qu’en 2022, le fonctionnaire a reconnu qu’il avait une déficience (trouble du spectre autistique), qu’il demeurait disposé à travailler et que son incapacité ne l’empêcherait pas de travailler pour l’employeur.

[42] Le syndicat a ensuite abordé l’appel de la Sun Life et l’octroi éventuel de prestations d’invalidité jusqu’au 31 mai 2017. Il a fait valoir que cette décision n’empêchait pas le fonctionnaire d’être admissible à un congé payé pour d’autres raisons, de juillet 2019 jusqu’à maintenant. Il a soutenu que le fonctionnaire a toujours été disposé à retourner au travail et qu’il avait eu des discussions avec le syndicat pour clarifier sa situation de congé, explorer un éventuel retour au travail, ou les deux.

[43] J’estime que ces arguments signifient que les rapports négatifs de l’EAT étaient les raisons « pas directement imputables à l’officier » (selon la clause 20.12a)) qui empêchaient le fonctionnaire de retourner au travail et que, n’eût été de ces rapports, il aurait pu retourner au travail d’une façon ou d’une autre.

4. L’employeur a-t-il refusé la demande de congé?

[44] Le syndicat a fait remarquer qu’il avait informé l’employeur de son opposition à la décision de l’employeur en juillet 2019. L’employeur a continué de rejeter ses demandes de réintégration du fonctionnaire en congé payé pour d’autres raisons.

5. Dans l’affirmative, quelles en étaient les raisons et étaient-elles déraisonnables?

[45] Le syndicat a soutenu qu’il était déraisonnable pour l’employeur de croire que le fonctionnaire ne collaborait pas aux processus d’évaluation ou de retour au travail. Il a soutenu qu’il avait agi raisonnablement tout au long des enquêtes. Il a mentionné ce qu’il a dit être les retards de l’employeur dans la tenue des évaluations. Il s’est également concentré sur les rapports préparés en décembre 2020 par un psychologue (Dr Hébert) et qui, selon lui, contenaient une recommandation selon laquelle le fonctionnaire pouvait retourner au travail en télétravail ou dans un autre ministère fédéral. Il a également fait référence à un rapport préparé par un psychiatre (Dr Shah) en février 2022 qui a diagnostiqué que le fonctionnaire présentait des caractéristiques compatibles avec les troubles du spectre autistique et qui a exprimé l’espoir que l’employeur puisse prendre des mesures d’adaptation en milieu de travail. Il a soutenu que, compte tenu de ces rapports, c’était l’employeur, et non le fonctionnaire, qui n’était pas coopératif (AEF, paragraphes 47 à 66).

6. Conclusion

[46] Au paragraphe 74 de ses arguments, le syndicat a présenté la conclusion suivante :

[Traduction]

· Que M. Burns satisfait effectivement aux critères relatifs au congé payé définis à la clause 20.12a) et que M. Burns soit remis en congé payé comme défini dans cette clause.

· En concluant ainsi, le fonctionnaire serait en mesure d’être réintégré dans ce congé payé et, à ce titre, le syndicat demande que le fonctionnaire soit indemnisé intégralement pour sa perte de salaire, de prestations, de crédits de pension complets, de services, de congés annuels et de congés de maladie associés à son poste RO4-INS, ainsi que tout autre droit jugé applicable.

· À titre subsidiaire, s’il est constaté que M. Burns n’a pas satisfait aux critères énoncés à la clause 20.12a), le syndicat demande que le congé non payé de M. Burns soit remplacé par un congé d’invalidité, et que M. Burns soit indemnisé intégralement pour sa perte de revenu pour invalidité, de prestations, de crédits de pension complets , de services, de congés annuels et de congés de maladie associés à son poste RO4-INS, ainsi que tout autre droit jugé applicable.

· Le syndicat demande en outre que la Commission ordonne à l’employeur de consulter de façon utile M. Burns et le syndicat pour lui offrir un poste convenable au gouvernement fédéral qui respecte les recommandations de retour au travail et les mesures d’adaptation indiquées par le Dr Shah et le Dr Hébert.

[…]

 

B. Pour l’employeur

[47] L’employeur a d’abord présenté sa version des faits qui, comme dans le cas du syndicat, se fondaient sur les documents du RDE, ainsi que sur les conclusions qu’il en a tirées.

[48] Toutefois, plutôt que de répondre directement à mes cinq questions, le représentant de l’employeur s’est plutôt concentré sur la question qui était le fondement des cinq questions — le sens de la clause 20.12a). Il a fait référence à la décision de la Commission dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, 2022 CRTESPF 12 (« AFPC »), qui portait sur un article similaire dans une convention collective différente qui prévoyait ce qui suit :

[…]

53.01 L’employeur peut, à sa discrétion, accorder :

a. un congé payé lorsque des circonstances qui ne sont pas directement imputables à
l’employé-e l’empêchent de se rendre au travail; ce congé n’est pas refusé sans motif raisonnable;

b. un congé payé ou non payé à des fins autres que celles indiquées dans la présente convention.

53.01 At its discretion, the Employer may grant:

a. leave with pay when circumstances not directly attributable to the employee prevent his or her reporting for duty; such leave shall not be unreasonably withheld;

b. leave with or without pay for purposes other than those specified in this agreement.

[…]

 

[49] Dans AFPC, la Commission a décrit la disposition comme un « congé discrétionnaire payé » que l’avocat de l’employeur dans ce cas a ensuite appliqué à la clause 20.12a). Dans son argumentation, il a déclaré que des dispositions comme celle-ci sont conçues pour accorder un congé discrétionnaire payé lorsque les employés ne peuvent pas se rendre au travail en raison de circonstances indépendantes de leur volonté (voir AFPC, aux par. 155 et 187). Elles visent également les situations que les parties n’ont pas expressément envisagées dans une convention collective (voir AFPC, au par. 166, et Bitar c. Conseil du Trésor (Statistique Canada), 2020 CRTESPF 2, au par. 89).

[50] Le représentant de l’employeur a soutenu que le fonctionnaire avait le fardeau d’établir une violation de la convention collective et que, dans le présent cas, il devait présenter les deux éléments de preuve suivants :

· qu’il ne pouvait pas retourner au travail en raison de circonstances indépendantes de sa volonté;

· que, si le premier point est établi, le refus de l’employeur était déraisonnable.

 

[51] En ce qui a trait au premier point, le représentant de l’employeur a fait remarquer que l’argument du fonctionnaire semblait être qu’il n’avait aucun contrôle sur Santé Canada ou sur ses décisions selon lesquelles il était inapte au travail, ce qui, selon l’employeur, n’était pas pertinent. En outre, la convention collective traitait expressément des congés de maladie ou d’invalidité. Par conséquent, ces dispositions l’emportaient sur la clause 20.12a), qui avait pour objet de ne traiter que des situations que les parties n’avaient pas envisagées au moment de conclure la convention collective.

[52] L’employeur a contesté les affirmations du syndicat selon lesquelles le fonctionnaire était prêt à travailler et qu’il retournera au travail. Il a fait remarquer que les premières évaluations de Santé Canada n’avaient pas été contredites par des preuves médicales à l’époque. Si, en revanche, le fonctionnaire était apte au travail à un moment donné, il était dans son pouvoir d’obtenir un résultat positif à une EAT, ce qu’il n’a pas fait.

[53] En ce qui concerne le deuxième point, l’employeur a soutenu que sa décision était raisonnable. Elle se fondait sur les éléments de preuve dont il disposait à l’époque ainsi que sur son interprétation de la loi. Il a permis au fonctionnaire de rester en congé payé pour d’autres raisons pendant près de trois ans et l’a prolongé d’abord pour lui permettre de présenter une demande de prestations d’invalidité de longue durée (et d’interjeter appel du refus par la suite) et ensuite pour permettre la tenue de l’enquête sur son allégation de refus de travail en raison de la violence présumée au milieu de travail. L’employeur lui a toujours donné un préavis de ses décisions, qu’il s’agisse d’une demande d’EAT, d’options relatives à un retour au travail ou d’une décision de modifier son statut.

[54] Par conséquent, l’employeur a demandé que le grief soit rejeté.

C. La réplique au nom du fonctionnaire

[55] Dans sa réplique, le syndicat n’a pas abordé l’interprétation de la clause 20.12a). Il a soutenu que le fonctionnaire se trouvait dans une situation où plusieurs événements parallèles se sont produits pendant son absence au travail. Il a demandé des prestations d’invalidité, participé à une enquête sur la violence en milieu de travail et a subi plusieurs EAT. Tous ces événements ont joué un rôle quant à son absence du travail. Autrement dit, il ne s’agissait pas d’un cas où il ne travaillait pas simplement à cause d’une blessure ou d’une maladie. L’employeur n’a pas respecté son accord de maintenir son statut de congé payé pour d’autres raisons pendant que ces événements étaient en cours.

[56] Le syndicat s’est également plaint du fait que l’employeur n’avait pas répondu à mes cinq questions. Il s’est ensuite penché sur la version des faits de l’employeur, faisant valoir qu’il avait mal énoncé la preuve. Par exemple, il a soutenu que les préoccupations du fonctionnaire au sujet des qualifications du médecin dans la deuxième EAT devaient être équilibrées avec le fait qu’il s’était présenté à l’évaluation. Il s’est également appuyé sur ce qu’il a déclaré être la reconnaissance subséquente par l’employeur (dans sa lettre du 26 mai 2019) qu’il était trop tôt pour mener une EAT à cause du lien entre sa capacité de retourner au travail et l’enquête sur la violence en milieu de travail.

[57] Le syndicat a fait valoir qu’à titre subsidiaire, le refus du fonctionnaire de se soumettre à la deuxième EAT était raisonnable étant donné que le rapport avait été fait en réponse à ses plaintes concernant des questions liées au stress au travail et qu’il aurait donc été raisonnable pour lui de s’attendre à ce que la personne qui l’évaluait possède les qualifications médicales nécessaires. Il a également soutenu que l’employeur avait reconnu un lien entre l’aptitude du fonctionnaire au travail et l’enquête sur la violence dans le milieu de travail de Travail Canada, qui avait entraîné des retards dans l’évaluation de son aptitude au travail.

[58] Le syndicat a également soutenu que l’employeur était tenu d’accepter les rapports plus récents du Dr Hébert et du Dr Shah, qui indiquaient que le fonctionnaire était prêt à retourner au travail, surtout compte tenu de la durée de son absence au travail; voir Thompson General Hospital v. Thompson Nurses M.O.N.A., Local 6 (1991), 20 LAC (4e) 129. Il a conclu en soutenant que l’employeur avait agi déraisonnablement en ne continuant pas le congé payé du fonctionnaire pour d’autres raisons jusqu’à ce que l’enquête sur la violence en milieu de travail soit terminée ou jusqu’à ce que Santé Canada ait pris sa décision en 2021, compte tenu des renseignements médicaux dont il disposait, ou en continuant de refuser le retour au travail du fonctionnaire après qu’il eut fourni des EAT de ses médecins confirmant qu’il pouvait revenir. Le syndicat a conclu comme suit (ARF, paragraphe 30) :

[Traduction]

[…] Bien que l’employeur ait pu considérer M. Burns comme un employé difficile ou exigeant, cela ne permet pas à l’employeur de l’ignorer ou de lui refuser le droit de retourner au travail ou de lui refuser le droit à une indemnité appropriée pour la période pendant laquelle il a été absent du travail.

 

V. Analyse et décision

[59] Il est important, dès le départ, de préciser l’objet du grief. Il porte sur la violation par l’employeur de la clause 20.12a) de la convention collective à compter du 1er juillet 2019, lorsqu’il a changé la situation d’emploi du fonctionnaire, le faisant passer d’un congé payé pour d’autres raisons à un congé de maladie. Si une violation a été commise, alors, dans le cours normal des choses, la mesure corrective serait de rétablir son statut en vertu de la clause 20.12a) à compter du 1er juillet 2019, ce qui soulèverait alors la question de savoir combien de temps ce statut aurait dû se poursuivre ou se serait poursuivi après cette date. Si aucune violation ne s’est produite, le grief serait alors rejeté.

[60] Le présent grief ne porte pas sur la question de savoir si l’employeur aurait dû permettre au fonctionnaire de retourner au travail en 2022 ou s’il a pris des mesures d’adaptation en vue d’un tel retour (et, dans l’affirmative, comment) après la production des rapports médicaux de 2022. Les autres arguments du syndicat à cet effet ne se rapportent pas au grief dont je suis saisi. Ils auraient également dû faire l’objet d’une analyse pour déterminer si les rapports appuyaient en fait une conclusion selon laquelle le fonctionnaire était apte ou prêt à retourner au travail en 2022, s’il avait effectivement demandé à retourner au travail en 2022 ou s’il avait demandé une mesure d’adaptation pour retourner au travail, s’il était nécessaire ou possible de demander une telle mesure, et si l’employeur était tenu d’agir en réponse à ces rapports. Je ne suis saisi d’aucune de ces questions.

[61] La question dont je suis saisi est celle de savoir si, à compter du 1er juillet 2019, le fonctionnaire avait toujours le droit d’être traité comme étant en congé payé pour d’autres raisons, en vertu de la clause 20.12a), que je reproduis ci-dessous pour des raisons de commodité :

20.12 L’employeur peut, à sa discrétion, accorder :

a. un congé payé, lorsque des circonstances qui ne sont pas directement imputables à l’officier l’empêchent de se présenter au travail. Ce congé n’est pas refusé sans motif raisonnable;

b. un congé payé ou non payé pour d’autres fins que celles prévues dans la présente convention.

 

20.12 At its discretion, the Employer may grant:

a. leave with pay when circumstances not directly attributable to the employee prevent his or her reporting for duty; such leave shall not be unreasonably withheld; Such leave shall not be unreasonably withheld;

b. leave with or without pay for purposes other than those specified in this agreement.

 

 

[62] Il incombait au fonctionnaire de prouver que l’employeur avait enfreint cette disposition. Ainsi, que devait-il donc prouver?

[63] En examinant la clause 20.12a), le fonctionnaire devait prouver ceci :

· que les circonstances qui, selon lui, l’ont empêché de se présenter au travail en juin 2015 ou, d’ailleurs, en juillet 2019 respectaient le sens de la clause 20.12a);

· dans l’affirmative, si elles l’empêchaient de se présenter au travail.

A. Les circonstances qui ont empêché le fonctionnaire de se présenter au travail étaient-elles des « circonstances » au sens de la clause 20.12a)?

[64] Je commencerai mon analyse en examinant les circonstances que le fonctionnaire a invoquées pour expliquer son incapacité de se présenter au travail en juin 2015 ou en juillet 2019. Il s’agissait des problèmes émotionnels ou mentaux qui, selon ce qu’il a allégué, avaient été causés par le transfert de ses fonctions de travail de l’Ontario à Sydney. Lorsqu’il est parti en congé pour la première fois en juin 2015, il a présenté des demandes de prestations d’invalidité sur cette base à la fois à son assureur d’invalidité (Sun Life) et à la CIAT. Il a fait valoir que ces circonstances demeuraient en vigueur en juillet 2019.

[65] Cependant, le stress en milieu de travail qui empêche un officier de se présenter au travail est-il une circonstance au sens de la clause 20.12a)? La réponse dépend de l’interprétation ou de la signification de cette clause. Pour les motifs qui suivent, je n’ai pas été convaincu que les circonstances sur lesquelles le fonctionnaire s’est fondé pour ne pas se présenter au travail respectaient le sens de la clause 20.12a).

[66] Tout d’abord, lorsqu’on interprète les dispositions d’une convention collective, on doit utiliser le sens ordinaire des mots employés par les parties, à moins qu’on ne leur ait donné un sens particulier ou qu’il n’en résulte un résultat absurde. Les mots doivent également être interprétés dans le contexte de la convention dans son ensemble. Le contexte dans le présent cas est que la clause 20.12a) se trouve dans une longue liste qui énumère plusieurs types de congé et les circonstances dans lesquelles ils peuvent ou non être payés. La liste comprend les éléments suivants, classés par numéro et nom de l’article de la convention collective :

· 15 : congés, généralités

· 16 : congé annuel payé

· 17 : congé de maladie payé

· 18 : rendez‑vous chez le médecin pour les officiers enceintes

· 19 : congé payé ou non pour les affaires du syndicat ou pour les autres activités autorisées en vertu de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

· 20 : autres congés payés ou non payés

 

[67] L’article 20 est intitulé « Autres congés payés ou non payés » et est divisé en une série de types de congés :

· 20.01 : Congé pour bénévolat

· 20.02 : Congé de deuil payé

· 20.03 : Congé payé pour comparution

· 20.04 : Congé payé de sélection de personnel

· 20.05 : Congé de maternité non payé

· 20.06 : Indemnité de maternité

· 20.07 : Indemnité de maternité spéciale pour les officières totalement invalides

· 20.08 : Congé parental non payé

· 20.09 : Indemnité parentale

· 20.10 : Indemnité parentale spéciale pour les officiers totalement invalides

· 20.11 : Congé payé pour accident de travail

· 20.12 : Congé pour d’autres raisons

· 20.13 : Congé payé pour obligations familiales

· 20.14 : Congé non payé pour s’occuper de la famille

· 20.15 : Congé non payé pour les obligations personnelles

· 20.16 : Congé non payé en cas de réinstallation de l’époux

· 20.17 : Congé de proches aidants

· 20.18 : Congé pour cause de violence familiale

 

[68] Deuxièmement, et encore une fois comme règle générale d’interprétation, le particulier a préséance sur le général : voir, par exemple, Brown c. Canada (Procureur général), 2023 CF 1748, aux paragraphes 54 à 56, et plus précisément Lévesque c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2005 CRTFP 154, aux paragraphes 50 à 58 et Clark et Conseil du Trésor (Transports Canada), [1994] CRTFPC no 45. L’article 17 traite directement des congés de maladie. En particulier, ses clauses 17.02 et 04 prévoient ce qui suit :

17.02 L’officier bénéficie d’un congé de maladie payé lorsqu’il ou elle est incapable d’exécuter ses fonctions en raison d’une maladie ou d’une blessure, à la condition :

a. qu’il ou elle puisse convaincre l’employeur de son état de la manière et à un moment que ce dernier détermine;

et

b. qu’il ou elle ait les crédits de congé de maladie nécessaires.

17.02 An officer is eligible for sick leave with pay when he or she is unable to perform his or her duties because of illness or injury provided that:

a. he or she satisfies the Employer of this condition in such manner and at such time as may be determined by the Employer,

and

b. he or she has the necessary sick leave credits.

[…]

17.04 Lorsque l’officier n’a pas les crédits nécessaires ou qu’ils sont insuffisants pour couvrir l’octroi d’un congé de maladie payé aux termes des dispositions du paragraphe 17.02, l’employeur peut, à sa discrétion, accorder un congé de maladie payé :

a. pour une période maximale de cent quatre-vingt-sept virgule cinq (187,5) heures si l’officier attend une décision concernant une demande de congé pour accident du travail,

ou

b. pour une période maximale de cent douze virgule cinq (112,5) heures dans tous les autres cas,

sous réserve de la déduction de ce congé anticipé de tout crédit de congé de maladie acquis par la suite et, en cas de cessation d’emploi pour des raisons autres que le décès ou la mise en disponibilité, sous réserve du recouvrement du congé anticipé sur toute somme d’argent due à l’officier.

17.04 Where an officer has insufficient or no credits to cover the granting of sick leave with pay under the provisions of clause 17.02 (sick leave with pay) may, at the discretion of the Employer, be granted:

a. for a period of up to one hundred eighty-seven decimal five (187.5) hours if he or she is awaiting a decision on an application for injury-on-duty leave,

or

b. for a period of up to one hundred twelve decimal five (112.5) hours in all other cases,

subject to the deduction of such advanced leave from any sick leave credits subsequently earned and, in the event of termination of employment for reasons other than death or lay-off, the recovery of the advance from any monies owed the officer.

 

[69] Je note que la clause 17.02 traite directement de la situation dans laquelle le fonctionnaire a déclaré s’être retrouvé en juin 2015 (ou, d’ailleurs, en juillet 2019) – il n’a pas pu s’acquitter de ses fonctions en raison d’une maladie ou d’une blessure. De plus, la clause 17.04a) traite de la situation d’un retard dans l’obtention d’une décision d’une commission provinciale d’indemnisation des accidents du travail (c.-à-d. une demande liée à un accident de travail). Les deux clauses traitent de la situation dans laquelle le fonctionnaire s’est retrouvé en juin 2015 et après cette date. Étant donné cela, je ne vois pas que les parties ont déterminé que de telles circonstances seraient également visées par la clause 20.12a).

[70] Troisièmement, et pour faire suite au deuxième point, il me semble plus raisonnable de croire que les parties ont reconnu, lorsqu’elles ont négocié la convention collective, que des circonstances imprévues non directement imputables à un employé pourraient l’empêcher de se présenter au travail. En d’autres termes, ils ont reconnu que quelque chose (comme une pandémie mondiale ou le fait que la seule route pour se rendre au travail soit fermée en raison d’une inondation) pourrait se produire qui empêcherait un employé de se présenter au travail. Compte tenu de cela, ils ont convenu, à la clause 20.12a), de donner à l’employeur le pouvoir discrétionnaire d’autoriser un congé payé si une telle circonstance se produisait (voir AFPC, aux par. 155, 166 et 187, et Bitar, au par. 89).

[71] Quatrièmement, je considère également comme une règle d’interprétation que les parties à une convention collective ont l’intention de parvenir à un résultat simple d’application plutôt qu’à un résultat trop complexe ou qui pourrait conduire à la confusion. Cependant, si l’on adopte une interprétation selon laquelle le mot « circonstances » à la clause 20.12a) comprend toutes les circonstances déjà expressément visées aux articles 17, 18 et 20, on ouvrirait la porte à plus d’une violation possible de la convention collective dans les mêmes circonstances. Par exemple, si l’employeur refusait une demande de congé de deuil en vertu de la clause 20.02, l’employé qui demande un tel droit pourrait déposer un grief contre ce qui suit :

· le refus en vertu de la clause 20.02;

· le refus d’exercer le pouvoir discrétionnaire prévu à la clause 20.12a).

 

[72] Un employeur qui a refusé (à juste titre) la demande de congé de deuil (parce qu’elle ne correspondait pas à la définition de la clause 20.02) pourrait encore s’exposer à une opposition selon laquelle il aurait pu exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu de la clause 20.12a) pour accepter la demande. Il me semble difficile de croire que les parties auraient eu l’intention de faire un deux pour un dans une telle situation.

[73] Pour toutes ces raisons, je n’ai pas été convaincu que le stress en milieu de travail (qu’il soit ou non causé par la violence en milieu de travail) qui, selon le fonctionnaire, l’a empêché de se présenter au travail en juin 2015 était une circonstance au sens de la clause 20.12a) et je n’ai pas été convaincu que l’incapacité d’obtenir un rapport positif de l’EAT était une circonstance qui n’était pas directement imputable au fonctionnaire. Il s’agissait plutôt d’une circonstance liée à son incapacité présumée à retourner au travail en raison du stress, et donc d’une situation relevant du champ d’application de l’article 17. Compte tenu de cette conclusion, je crois qu’il est également juste de dire que la décision de l’employeur en septembre 2016 de modifier (rétroactivement) le statut du fonctionnaire à un congé pour d’autres raisons a été une erreur.

[74] Je dis cela parce que si le fonctionnaire était effectivement incapable de se présenter au travail parce qu’il souffrait d’un stress qui avait atteint le niveau de maladie mentale ou physique ou d’invalidité, sa situation tombait sous le coup des dispositions de l’article 17 (congé de maladie payé), en particulier de la clause 17.02, ou de la clause 17.04 s’il n’avait pas suffisamment de crédits de congé de maladie ou attendait une décision de la commission d’indemnisation des accidents de travail.

[75] Le fait que le fonctionnaire attendait les résultats de ses réclamations auprès de la Sun Life ou de la CIAT n’a pas changé la question de base : était-il incapable de se présenter au travail en raison de problèmes physiques ou mentaux? Si c’était le cas, son absence du travail était un congé autorisé conformément aux dispositions de l’article 17. Il avait le droit de prendre un congé de maladie payé. Si ce n’était pas le cas, alors son défaut de se présenter au travail constituait une violation de ses obligations en tant qu’employé. Le fait qu’un retard dans l’évaluation et la décision des demandes de prestations de la Sun Life ou de la CIAT du fonctionnaire puisse entraîner une perte de rémunération aurait pu justifier l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’employeur en vertu des clauses 17.04a) ou b) d’accorder un congé de maladie payé pour les heures supplémentaires spécifiées. Cela ne justifiait toutefois pas d’invoquer la clause 20.12a). En d’autres termes, cela ne justifiait pas d’accorder au fonctionnaire une voie différente (et indirecte) pour contourner ce que les parties avaient convenu dans la convention collective – à savoir que le défaut de se présenter au travail en raison d’une déficience physique ou mentale serait traité comme le prévoit l’article 17.

[76] Compte tenu de cette conclusion, il est clair que les circonstances du fonctionnaire en 2015 ou en 2019 ne correspondaient pas au sens de la clause 20.12a). Par conséquent, le congé payé pour d’autres raisons n’a jamais été autorisé par la convention collective. L’erreur commise par l’employeur en septembre 2016 quand il a accordé ce congé ne permettait pas au fonctionnaire de continuer à le recevoir après juillet 2019. Sa situation ne relevait pas du pouvoir discrétionnaire de l’employeur au sens de la clause 20.12a) ni en juin 2015 ni en juillet 2019. Par conséquent, la décision de l’employeur de modifier son statut en juillet 2019 était plus que raisonnable – elle était nécessaire.

B. Ces circonstances ont-elles empêché le fonctionnaire de se présenter au travail?

[77] Il n’est pas nécessaire de répondre à cette question étant donné la conclusion que les circonstances qui ont empêché le fonctionnaire de se présenter au travail en juin 2016, comme il l’a allégué, n’étaient pas visées par le sens de la clause 20.12a).

[78] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI. Ordonnance

[79] Le grief est rejeté et le dossier est clos.

Le 31 janvier 2024.

 

Traduction de la CRTESPF

Augustus Richardson,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

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