Décisions de la CRTESPF

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Date: 20240318

Dossier: 568-02-45388

XR: 566-02-45330 et 45331

 

Référence: 2024 CRTESPF 35

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

Dominic Peloquin

demandeur

 

et

 

Conseil DU TRÉSOR

(Service correctionnel du Canada)

 

défendeur

Répertorié

Peloquin c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant une demande de prorogation du délai en vertu de l'alinéa 61b) du Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant : Goretti Fukamusenge, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le demandeur : Charlie Arsenault-Jacques, avocate

Pour le défendeur : Isabelle Tremblay et Marie-Claude Asselin, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada

Décision rendue sur la base d'arguments écrits
déposés
le 29 juillet, le 15 août et les 8 et 28 novembre 2022.


MOTIFS DE DÉCISION

I. Demande devant la Commission

[1] Le 29 juillet 2022, Dominic Peloquin (le « fonctionnaire » ou le «demandeur ») a présenté une demande de prorogation du délai afin de renvoyer ses griefs à l’arbitrage, conformément à l’alinéa 61b) du Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (DORS/2005-79; le « Règlement »). En vertu de cette disposition, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») peut, par souci d’équité, proroger non seulement un délai prévu par le Règlement, mais aussi celui prévu par une procédure de grief énoncée dans une convention collective.

[2] Le Service correctionnel du Canada (l’« employeur » ou le « défendeur ») s’est opposé à la demande. Dans une objection qu’il a présentée après le renvoi de ces griefs à l’arbitrage, il a invoqué que la Commission n’a pas la compétence de traiter ces griefs, puisque, selon lui, le demandeur n’a pas respecté les délais lors de la présentation desdits griefs au premier palier de la procédure de règlement des griefs ni à la transmission au deuxième palier ainsi qu’à l’étape du renvoi à l'arbitrage. Le défendeur n’a émis une réponse aux griefs qu’au premier palier, il demande le rejet des griefs en cause sans audience.

[3] Pour les motifs expliqués plus loin, l’objection préliminaire du défendeur est rejetée, la demande de prorogation du délai est accueillie, la Commission a la compétence voulue pour traiter ces griefs.

II. Questions à trancher

1) Le défendeur peut -il, après le renvoi de griefs à l’arbitrage, soulever une objection au motif que les griefs ont été présentés en retard aux différents paliers de la procédure de règlement de griefs, s’il ne les a pas rejetés pour le même motif?

 

2) Les circonstances du présent cas permettent-elles à la Commission d’utiliser son pouvoir discrétionnaire afin de proroger les délais?

 

III. La source du litige

[4] Le litige principal repose sur une contestation de la mise en application d’une politique de vaccination contre la COVID-19 qui avait été mise en place par le défendeur.

[5] Quand le demandeur a déposé ses griefs, il occupait un poste de maître‑chien, classifié au groupe et au niveau CX-02 à l’Établissement Cowansville. Ce poste faisait partie de l’unité de négociation représentée par l’Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN (UCCO-SACC-CSN) (l’«agent négociateur » ou le « syndicat»).

[6] À tout moment du litige opposant les parties, les conditions d’emploi du demandeur étaient régies par une convention collective entre le Conseil du Trésor, l’employeur légal, et l’UCCO-SACC-CSN pour le groupe Services correctionnels dont la date d’expiration était le 31 mai 2022 (la « convention collective »).

IV. Chronologie des griefs

[7] Une question de délais est en cause, il convient de résumer le cheminement de ces griefs.

· le 14 décembre 2021 : dépôt au premier palier;

· le 10 février 2022: réponse à chacun des griefs au premier palier (griefs portant les numéros 66779 et 66781);

· le 28 février 2022 : transmission au deuxième palier;

· pas de réponse au deuxième palier;

· le 31 mars 2022 : transmission au dernier palier;

· pas de réponse au dernier palier;

· le 29 juillet 2022 : renvoi à l’arbitrage et demande de prorogation du délai;

· le 15 août 2022 : objection de l’employeur

 

[8] Les griefs au premier palier se lisent en partie comme suit :

[Grief portant le numéro 66779]

Je conteste la décision de l’employeur de me mettre en congé sans traitements pour une durée indéterminée. Cette décision prise le 15 Novembre 2021 par Francis Anctil (Directeur) constitue une mesure disciplinaire déguisée, une suspension.

De plus, lors de cette mesure disciplinaire déguisée, j’avais toujours sous ma garde et sous mon contrôle le chien détecteur et mon véhicule de travail mis à disposition par le service correctionnel pour l’accomplissement de mes tâches de maitre-chien à l’établissement Cowansville.

[…]

Je réclame: 64 Heures, soit les heures qui m’ont été enlevé sur ma paye.

Et Compensation pour toute perte subie, notamment, de salaire, prime de quart et de fin de semaine, heure de remplacement […]

Une indemnisation intégrale.

 

[Grief portant le numéro 66781]

Je conteste la décision de l’employeur de m’avoir mis en congé sans traitement pour 8 j/ 64 h (21.01) ainsi que deux journée de (fin de semaine 16H. Lors de ce congé, l’employeur n’est jamais venu récupérer le chien détecteur ainsi que le véhicule du service, me laissant ainsi l’entière responsabilité et le travail venant avec.

Je réclame donc mes huit journées à temp régulier ainsi que deux journée en temp supplémentaire au taux de la convention collective.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

 

[9] Le 10 février 2022, le défendeur a répondu aux deux griefs séparément. La réponse est presque identique et est la seule pendant le processus de règlement des griefs. Le grief portant le numéro 66779 a été rejeté sur le fond et pour le non-respect du délai, tandis que la réponse au grief portant le numéro 66781 est silencieuse à ce sujet.

[10] La réponse au grief portant le numéro 66779 se lit en partie comme suit :

[…]

[…] Vous avez indiqué que vos deux griefs étaient similaires toutefois, le grief 66781 référait davantage à vos obligations envers le chien détecteur alors que vous étiez san [sic] solde. Quant à ce grief, il référait davantage à la mise en application de la politique sur la vaccination. Vous n’avez soulevé aucun motif de distinction illicite lors de l’audition de votre grief.

Je note que votre grief a été présenté hors des délais prescrits à l’article 20.11 de votre convention collective. En effet, cet article prévoit qu’un employé s’estimant lésé peut présenter un grief au premier palier de la procédure au plus tard le vingt-cinquième jour qui suit la date à laquelle il est informé ou prend connaissance de l’action ou des circonstances donnant lieu au grief. Or, vous avez pris connaissance ou avez été informé de l’action ou des circonstances donnant lieu à votre grief il y a plus de vingt-cinq jours, soit le 2 novembre 2021 par le directeur de l’établissement. Je me prononcerai tout de même sur le fond de votre grief.

[…]

[…] Le 2 novembre 2021, le directeur vous a informé qu’à défaut de vous conformer à la politique vous seriez placé en congé administratif non payé à partir du 15 novembre 2021. Ainsi, conformément à la Politique et à votre refus de vous faire vacciner, vous avez été en congé non payé administratif pour la période du 15 novembre 2021 au 24 novembre 2021 […]

[…]

Votre grief ayant été présenté hors des délais prescrits par votre convention collective, ce dernier est rejeté sur cette base ainsi que sur le fond pour les motifs exposés ci-dessus. Aucune mesure corrective ne vous est donc accordée.

 

[11] Il convient de noter que le grief portant le numéro 66779 (dossier de la Commission 566-02-45330) a été renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209 (1)b) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »), tandis que le grief portant le numéro 66781 (dossier de la Commission 566-02-45331) a été renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)a) de la Loi. Lors de la demande de prorogation de délai, lagent négociateur a indiqué que « [l]e grief de suspension sans solde comporte aussi une composante disciplinaire. »

V. Résumé de l’argumentation

[12] Les deux parties ont invoqué les critères établis dans la décision Schenkman c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2004 CRTFP 1 pour analyser une demande de prorogation du délai. Ces critères sont les suivants :

[75] […]

· le retard est justifié par des raisons claires, logiques et convaincantes;

· la durée du retard;

· la diligence raisonnable du fonctionnaire s'estimant lésé;

· l'équilibre entre l'injustice causée à l'employé et le préjudice que subit l'employeur si la prorogation est accordée;

· les chances de succès du grief.

[…]

 

A. Pour le demandeur

[13] Au nom du demandeur, le syndicat reconnaît que les griefs ont été renvoyés à l’arbitrage en retard. Il explique que, pendant plus de trois mois, d’avril à juillet 2022, le demandeur avait l’impression que ses griefs suivaient leur cours et qu’ils avaient été renvoyés à la Commission. Il explique que les griefs sont restés dans la boîte de courriels personnelle d’un représentant syndical, qui ne les a donc pas acheminés pour les fins du renvoi à l’arbitrage.

[14] Le syndicat fait valoir que le demandeur a fait preuve de diligence, en faisant des suivis dès qu’il avait appris que ses griefs n’avaient pas été renvoyés à l’arbitrage. Il a souligné que, bien qu’il soit déplorable, ce retard d’un peu plus d’un mois n’était pas outrageux et n’était pas attribuable au demandeur.

[15] Il maintient qu’il existe des raisons claires, logiques et convaincantes pour expliquer le retard. Il fait valoir que les griefs du demandeur sont des griefs d’application ou d’interprétation de la convention collective et, à ce titre, le demandeur ne pouvait les renvoyer à l’arbitrage sans l’appui de l’agent négociateur. Ainsi, la négligence du syndicat de fournir un tel appui constitue une raison claire, logique et convaincante du retard. Pour appuyer cet argument, il renvoie à la décision Grekou c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2020 CRTESPF 94.

[16] De plus, le syndicat avance que le demandeur subirait un préjudice infiniment supérieur à celui que subirait le défendeur si la demande de prorogation du délai était rejetée. Il explique que le grief est la seule procédure à laquelle le demandeur a accès pour faire valoir ses droits, et qu’un refus de prorogation du délai mettrait fin à ce recours. Il ajoute qu’il existe de nombreux griefs similaires concernant la politique de vaccination, et que l’employeur a toujours été au courant de l’existence et la nature du litige.

[17] Par ailleurs, le syndicat invoque que la Commission ne peut déterminer les chances de succès de ces griefs puisqu’un examen exhaustif sur le bien-fondé ne peut être fait à ce stade du processus.

[18] Il ajoute que le délai de 40 jours prévu par le Règlement pour le renvoi à l’arbitrage si l’employeur ne répond pas au grief existe pour protéger les droits des fonctionnaires. À cet effet, il a renvoyé à la décision Barbe c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2022 CRTESPF 42.

[19] Le syndicat a également cité d’autres décisions de la Commission, y compris : Fraternité internationale des ouvriers en électricité, section locale 2228 c. Conseil du Trésor, 2013 CRTFP 144; D’Alessandro c. Conseil du Trésor (ministère de la Justice), 2019 CRTESPF 79; Copp c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires étrangères et du Commerce international), 2013 CRTFP 33.

B. Pour le défendeur

[20] Le défendeur invoque la convention collective et le Règlement afin de soutenir son objection à la demande de prorogation du délai. Il maintient que le demandeur n’a pas respecté les délais prescrits à la convention collective, que ce soit dans la présentation des griefs au premier palier ou dans le transfert au deuxième palier. Il souligne que la réponse au premier palier a été émise le 10 février 2022, et que le demandeur a seulement transféré le grief au deuxième palier le 28 février 2022; soit quatre jours en retard.

[21] De plus, le défendeur avance que l’absence d’une réponse au deuxième palier constituait une décision de rejet non motivé. Puisqu’il n’y avait aucune réponse émise à ce palier, il ne pouvait pas s’opposer au transfert du grief au dernier palier.

[22] Il ajoute qu’en l’absence de réponse au dernier palier, le demandeur ne s’est pas conformé au délai de 40 jours prévu dans le Règlement. Il a transféré le grief à l’arbitrage plus de 30 jours en retard.

[23] De plus, dans des arguments supplémentaires qu’il a soumis pour appuyer son objection, le défendeur est revenu sur les critères de Schenkman.

[24] Il maintient qu’il y a eu un manque de diligence de la part de plusieurs personnes au sein de l’agent négociateur. Le défendeur explique que bien qu’il revenait à ce dernier de renvoyer les griefs à l’arbitrage, le demandeur ne peut être exempté de sa responsabilité de faire des suivis auprès de l’agent négociateur afin de s’assurer que les délais prescrits par le Règlement sont respectés. Il n’a fait de suivis qu’après avoir été informé que les griefs n’avaient pas été renvoyés à l’arbitrage.

[25] Pour réfuter l’argument de l’agent négociateur selon lequel le refus d’accorder une prorogation du délai causerait préjudice au demandeur, le défendeur a invoqué la décision Martin c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2021 CRTESPF 62, plus précisément au paragraphe 37, qui se lit comme suit :

[37] L’article 61 du Règlement n’a pas pour objet de dégager les agents négociateurs de cette obligation envers leurs membres lorsqu’ils ne s’en acquittent pas. La demanderesse ne se retrouve pas sans recours si elle se voit refuser une prorogation du délai pour renvoyer son grief à l’arbitrage. En vertu de l’article 190 de la Loi, elle peut poursuivre l’agent négociateur pour ne pas l’avoir représentée efficacement.

 

[26] Particulièrement, le défendeur fait valoir qu’il n’y a pas de raisons claires, logiques et convaincantes. Ainsi, il avance que les autres facteurs à prendre en considération afin de décider d’accueillir une prorogation du délai ne sont pas pertinents. Pour appuyer cet argument, il a renvoyé aux décisions St‑Laurent c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 4; Sonmor c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 20; ainsi que Callegaro c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 110.

[27] Au sujet de la durée du retard, le défendeur a simplement invoqué les commentaires du paragraphe 46 de la décision Grouchy c. Administrateur général (ministère des Pêches et des Océans), 2009 CRTFP 92. Il a indiqué qu’il ne désirait pas faire des commentaires supplémentaires en raison, selon lui, «[…] du poids relativement élevé des autres facteurs en cause dans cette demande.»

[28] Le paragraphe 46 de Grouchy se lit comme suit :

[46] Avant d’appliquer ces critères aux faits de la présente affaire, je voudrais formuler les observations générales suivantes. En principe, les délais fixés par la Loi et par le Règlement sont exécutoires et doivent être respectés par toutes les parties. L’imposition de délais relativement courts s’accorde avec les principes voulant que les conflits de travail doivent être résolus rapidement et que les parties doivent être en droit de tenir pour acquis qu’un différend a pris fin dès que le délai prescrit est expiré. Les délais ne sont pas élastiques et leur prorogation doit demeurer une décision exceptionnelle qui survient seulement après que l’auteur de la décision a procédé à une évaluation prudente et rigoureuse des circonstances.

 

[29] Finalement, le défendeur se fonde sur la décision Fraternité internationale des ouvriers en électricité, section locale 2228 c. Conseil du Trésor, 2013 CRTFP 144 (au par. 63) et avance que le critère concernant les chances de succès des griefs devrait être évalué puisqu’il a soulevé une question de compétence claire dans ses arguments.

VI. Analyse

[30] Je commencerai d’examiner si l’objection du défendeur est fondée avant de considérer si l’octroi d’une prorogation est justifié.

A. Le défendeur ne peut, après le renvoi de griefs à l’arbitrage, soulever une objection au motif que les griefs ont été présentés en retard aux différents paliers de la procédure de règlement de griefs, s’il ne les a pas rejetés pour le même motif

[31] Bien que l’alinéa 95(1)a) du Règlement prévoit qu’une partie peut soulever une objection au motif qu’un délai prévu par une convention collective n’a pas été respectée, le paragraphe 95(2) précise qu’une telle objection ne peut être soulevée que si le grief a été rejeté au palier pour lequel le délai n’a pas été respecté et à tout palier subséquent de la procédure applicable au grief en raison de ce non-respect.

[32] Or, dans le présent cas, le défendeur n’a répondu qu’au premier palier de la procédure de règlement des griefs. Par conséquent, il n’a pas rejeté les griefs pour le non-respect de délais aux autres paliers puisqu’il n’y a pas répondu, cela en contravention des dispositions prévues au paragraphe 72(1) du Règlement.

[33] Le paragraphe 72(1) se lit comme suit :

Délai pour remettre une décision

Deadline for decision

72 (1) Sauf dans le cas du grief individuel ayant trait à la classification, la personne dont la décision en matière de griefs individuels constitue le palier approprié de la procédure remet sa décision au fonctionnaire s’estimant lésé ou, le cas échéant, à son représentant au plus tard vingt jours après la réception du grief par le supérieur hiérarchique immédiat ou le chef de service local visé au paragraphe 65(1).

72 (1) Unless the individual grievance relates to classification, the person whose decision constitutes the appropriate level of the individual grievance process must provide the decision to the grievor or the grievor’s representative, if any, no later than 20 days after the day on which the individual grievance was received by the grievor’s immediate supervisor or the grievor’s local officer-in-charge identified under subsection 65(1).

[Je mets en évidence]

 

[34] Le défendeur explique que l’absence de réponse au deuxième palier constituait une décision de rejet non motivé. Il avance qu’il ne pouvait pas s’opposer au transfert du grief au dernier palier puisqu’il n’y avait aucune réponse émise à ce palier.

[35] Je ne suis pas d’accord avec cet argument. L’absence d’une réponse ne constituait pas une réponse de rejet non motivé. Le défendeur était dans l’obligation de répondre, seulement, il a choisi de ne pas le faire. Le paragraphe 72(1) du Règlement ne lui donnait pas le pouvoir discrétionnaire de remettre ou non une réponse. Cette disposition a un caractère obligatoire. En effet, l’utilisation de l’indicatif présent «remet» au paragraphe 72(1) est une façon d’exprimer une exigence. Cette disposition imposait au défendeur une obligation de rendre une décision au plus tard 20 jours après la réception du grief. Cette obligation est par ailleurs claire dans la version anglaise, par l’utilisation des termes «must provide».

[36] Cela étant, le défendeur invoque aussi que le demandeur n’a pas respecté les délais prévus à la convention collective. Les dispositions applicables de la convention sont prévues aux clauses 20.12 et 20.14. D’autre part, en vertu du paragraphe 237(2) de « la Loi », les clauses d’une convention collective l’emportent sur les dispositions incompatibles des règlements. Ainsi, une question connexe revient à savoir si les clauses 20.12 et 20.14 sont incompatibles à celles dictées au paragraphe 72(1) du Règlement.

[37] Les dispositions énoncées aux clauses 20.12, et 20.14 se lisent comme suit :

20.12 L’employeur répond normalement au grief individuel ou collectif, à tous les paliers de la procédure de règlement des griefs sauf au dernier, dans les dix (10) jours qui suivent la date de présentation du grief audit palier. Si la décision ou le règlement du grief ne donne pas satisfaction à l’auteur du grief, le grief peut être présenté au palier suivant de la procédure dans les dix (10) jours qui suivent la date à laquelle il reçoit la décision ou le règlement par écrit.

20.12 The Employer shall normally reply to an individual or group grievance, at any level in the grievance procedure, except the final level, within ten (10) days after the date the grievance is presented at that level. Where such decision or settlement is not satisfactory to the grievor, the grievance may be referred to the next higher level in the grievance procedure within ten (10) days after that decision or settlement has been conveyed to him or her in writing.

20.13 À défaut d’une réponse de l’employeur dans les quinze (15) jours qui suivent la date de présentation d’un grief, à tous les paliers sauf au dernier, l’auteur du grief peut, dans les dix (10) jours qui suivent, présenter un grief au palier suivant de la procédure de règlement des griefs.

20.13 If the Employer does not reply within fifteen (15) days from the date that a grievance is presented at any level, except the final level, the grievor may, within the next ten (10) days, submit the grievance at the next higher level of the grievance procedure.

20.14 L’employeur répond normalement au grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs dans les trente (30) jours qui suivent la date de la présentation du grief à ce palier.

20.14 The Employer shall normally reply to a grievance at the final level of the grievance procedure within thirty (30) days after the grievance is presented at that level.

[Je mets en évidence]

 

[38] Certes, le libellé du paragraphe 72(1) du Règlement est différent de celles des clauses 20.12 et 20.14 de la convention collective, en ce sens que cette dernière ajoute le mot « normalement ». Toutefois, j’estime que ces dispositions ne sont pas incompatibles, elles n’ont pas des objectifs mutuellement exclusifs ou contradictoires. À mon avis, elles ont même un aspect commun, l’utilisation de l’indicatif présent pour exprimer le devoir qui revient à l’employeur : « remet sa décision » (Règlement) ou « répond normalement » (convention collective). L’utilisation de l’indicatif présent dans ces dispositions indique que la personne qui a le devoir de répondre ou remettre une décision aux griefs ne jouit pas d’une discrétion.

[39] Bien que l’ajout du terme « normalement » dans les clauses 20.12 et 20.14 de la convention collective semble porter à croire que cette disposition offre une certaine flexibilité, à mon avis, cette flexibilité porte au délai et non à l’acte même de répondre. La conséquence de la non-conformité de l’exigence de répondre dans le délai prévu à la clause 20.12 entraîne un nouveau délai prévu à la clause 20.13 pour la présentation du grief au palier suivant. Quant au Règlement, les dispositions du paragraphe 72(1) imposent une exigence, mais sont silencieuses quant aux conséquences de la non-conformité. J’estime alors que la conséquence de la non-conformité doit être déterminée en fonction des circonstances de chaque affaire.

[40] Si les parties ont prévu que l’employeur répond « normalement » aux griefs, c’est qu’elles s’attendaient qu’une réponse soit remise dans le délai requis par la convention collective ou un délai convenu entre les parties. Conséquemment, quand l’employeur choisit de ne pas répondre tout simplement, il est en violation de la convention collective et du Règlement. Ainsi, il ne peut pas invoquer que le défaut de réponde ou son silence constitue une réponse de rejet de griefs afin de se soustraire à l’application du paragraphe 95(2) du Règlement.

[41] Dans les deux cas, si l’intention du législateur d’une part, et celle des parties à la convention collective, d’autre part, avaient été que la personne qui rend la décision ait le pouvoir discrétionnaire de ne pas rendre une décision en matière des griefs individuels, tel que décrit au paragraphe 72(1) du Règlement et les clauses 20.12 et 20.14 de la convention collective entre les parties , ils auraient employé des termes non exigeantes comme « peut » (« peut remettre sa décision ») ou (« peut » répondre « normalement » .

[42] En effet, l’article 11 de la Loi d’interprétation (L.R.C. (1985), ch. I-21) semble confirmer cette explication. Cet article se lit comme suit :

11 L’obligation s’exprime essentiellement par l’indicatif présent du verbe porteur de sens principal et, à l’occasion, par des verbes ou expressions comportant cette notion. L’octroi de pouvoirs, de droits, d’autorisations ou de facultés s’exprime essentiellement par le verbe «pouvoir» et, à l’occasion, par des expressions comportant ces notions.

11 The expression “shall” is to be construed as imperative and the expression “may” as permissive.

 

[43] En ne remettant pas une décision, le défendeur manquait en même temps de soulever une objection sur les délais. Or, conformément au paragraphe 95(2) du Règlement, il ne peut soulever la question des délais que s’il avait rejeté les griefs au premier palier et à tout palier subséquent de la procédure applicable au grief en raison de ce non-respect. Des questions similaires ont été traitées dans plusieurs décisions de la Commission, cette dernière a réitéré que pour soulever une objection relative au délai à l’arbitrage des griefs, l’employeur doit avoir rejeté les griefs à tous les paliers de la procédure de règlement de griefs en raison du non-respect du délai (voir par exemple LeFebvre c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2020 CRTESPF 87, au paragraphe 41). L’absence d’une telle objection à tout palier constitue une renonciation de le faire à l’étape de l’arbitrage (Amato c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2023 CRTESPF 50, au paragraphe 18).

[44] Certes, dans le dossier de la Commission 566-02-45330, l’employeur a rejeté le grief portant le numéro 66779 au premier palier pour non-respect du délai. Toutefois, comme il n’a pas répondu au deuxième palier ni au palier final de la procédure de règlement des griefs, il ne s’est pas conformé au paragraphe 95(2) du Règlement. Quant au grief portant le numéro 66781 (dossier de la Commission 566‑02-45331), la seule réponse au premier palier ne fait aucune mention concernant le non-respect du délai.

[45] L’objection de l’employeur sous cet aspect est alors rejetée.

[46] Le défendeur a également fait valoir que le demandeur a manqué le délai de 40 jours prévu au paragraphe 90(2) du Règlement. Il souligne que le grief a été transmis au dernier palier de la procédure de grief le 31 mars 2022, et que selon la clause 20.14 de la convention collective, le défendeur avait 30 jours ouvrables pour répondre au palier final. Le délai de 30 jours expirait le 16 mai 2022. En vertu du paragraphe 90(2) du Règlement, comme le défendeur n’a pas répondu au palier final, le renvoi du grief à l’arbitrage ne pouvait se faire qu’au plus tard 40 jours après le 16 mai 2022. Le délai de 40 jours expirait le 25 juin 2022. L’agent négociateur a renvoyé les griefs du demandeur à l’arbitrage le 29 juillet 2022.

[47] L’agent négociateur n’en dispute pas, il reconnait que les griefs ont été renvoyés à l’arbitrage en dehors des délais. Il explique que le retard est attribuable à lui et non au demandeur, et en se fondant sur Barbe, il maintient que le demandeur ne devrait pas subir les conséquences des erreurs de l’agent négociateur. Il a présenté les griefs à l’arbitrage avec une demande de prorogation de délai en vertu l'alinéa 61b) du Règlement. C’est cette demande qui nous amène à la question suivante.

B. Les circonstances du présent cas permettent-elles à la Commission d’utiliser son pouvoir discrétionnaire afin de proroger les délais?

[48] La disposition sur laquelle est fondée la demande de prorogation du délai pour renvoyer les griefs à l’arbitrage est l'alinéa 61b) du Règlement. Cette disposition se lit comme suit :

61 Malgré les autres dispositions de la présente partie, tout délai, prévu par celle-ci ou par une procédure de grief énoncée dans une convention collective, pour l’accomplissement d’un acte, la présentation d’un grief à un palier de la procédure applicable aux griefs, le renvoi d’un grief à l’arbitrage ou la remise ou le dépôt d’un avis, d’une réponse ou d’un document peut être prorogé avant ou après son expiration:

61 Despite anything in this Part, the time prescribed by this Part or provided for in a grievance procedure contained in a collective agreement for the doing of any act, the presentation of a grievance at any level of the grievance process, the referral of a grievance to adjudication or the providing or filing of any notice, reply or document may be extended, either before or after the expiry of that time,

a) soit par une entente entre les parties;

(a) by agreement between the parties; or

b) soit par la Commission ou l’arbitre de grief, selon le cas, à la demande d’une partie, par souci d’équité.

(b) in the interest of fairness, on the application of a party, by the Board or an adjudicator, as the case may be.

[Je mets en évidence]

 

[49] Pour déterminer si elle peut proroger un délai au sens de l'alinéa 61b) du Règlement, la Commission utilise constamment les critères de Schenkman cités précédemment.

[50] La Commission a rendu plusieurs décisions traitant des critères de Schenkman, y compris des décisions récentes opposant le même employeur et le même agent négociateur, telles que : Barbe; Lewis c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada) 2023 CRTESPF 27; Hannah c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2023 CRTESPF 87.

[51] Il est d’ailleurs manifeste que les parties reprennent les arguments similaires et les mêmes décisions que celles citées dans Barbe. Dans Barbe, la Commission a fait une analyse comparative détaillée de plusieurs décisions traitant les critères de Schenkman. Bien que les circonstances de chaque cas doivent être examinées individuellement, il n’est pas nécessaire de reprendre l’examen de ces précédents dans le présent cas qui oppose les mêmes parties. Dans le futur, j’encourage les parties à considérer cette analyse et celles faites dans d’autres décisions afin d’éviter une répétition de procédures contraire aux principes d'économie judiciaire et de finalité.

[52] Le Règlement permet à la Commission de proroger tout délai prévu par une procédure de grief énoncée dans une convention collective, par souci d’équité. Le Règlement ne définit pas la notion d’équité; l’étendue et l’application de cette notion dépendent des circonstances particulières de chaque cas. Ainsi, je crois que cette notion implique de veiller à ce que toutes les personnes aient un accès égal aux voies de recours et comprend les principes de justice naturelle, dont le droit d'être entendu, en tenant compte les besoins et les droits de toutes les parties concernées. L’application de cette notion dans le contexte du présent cas à travers les critères de Schenkman est résumée dans les paragraphes suivants.

1. La durée du retard

[53] Je suis d’accord avec l’argument selon lequel les délais prescrits par un règlement, une convention collective ou une loi sont exécutoires et doivent être respectés par toutes les parties. Je reconnais aussi qu’un recours ne devrait pas être fermé sommairement en raison d’un retard non abusif ni excessif. Sans toutefois excuser le manquement aux délais dans le présent cas, je ne trouve pas que le retard dans les circonstances particulières de ce cas est excessif.

[54] En ce qui concerne la présentation du grief déposé le 14 décembre 2020, la durée du retard serait d’une dizaine de jours. Quant à la transmission au deuxième palier, le défendeur a noté un retard de 4 jours, et un retard de moins de 40 jours dans le renvoi du grief à l’arbitrage. Le défendeur n’a pas indiqué que ces retards lui avaient causé un certain préjudice.

[55] Le défendeur a fait référence à certaines décisions de la Commission, y compris Martin et Edwards c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2019 CRTESPF 126. Toutefois, le retard dans le présent cas n’est pas comparable à celui examiné dans ces décisions où on parle d’un retard de plusieurs années. Dans Martin, au par. 32, la Commission a conclu que rien n’expliquait « […] le défaut absolu de poursuivre le grief entre l’été 2014 et l’été 2020, lorsque ce grief a finalement été renvoyé à l’arbitrage ». Dans Martin, on parle d’un retard de six ans. Dans Edwards, au par. 26, en comparant la situation à celle dans Schenkman, la Commission a noté que la durée du retard était aussi de beaucoup d’années, qu’il s’agissait « […] d’un retard extrêmement long, qui n’est pas du tout ordinaire […] ».

2. La diligence raisonnable du demandeur

[56] L’agent négociateur explique que le demandeur a fait preuve de diligence. Il a, dit-il, fait des suivis auprès de son représentant syndical dès qu’il a été informé, le 8 juillet 2022, que ses griefs n’avaient pas été référés à l’arbitrage. Pour sa part, le défendeur maintient que le demandeur et les représentants de l’agent négociateur ont été négligents, qu’il y a eu un manque de diligence de leur part.

[57] Les griefs avaient été transmis au dernier palier le 31 mars 2022. Il n’est pas clair si pendant la période du 31 mars et 8 juillet 2022, l’agent négociateur ou le demandeur ont vérifié leur état d’avancement. Bien que le demandeur ait fait un suivi à partir du 8 juillet 2022, il a passé trois mois sans faire aucune vérification, il aurait été diligent de se renseigner de l’état de ses griefs plus tôt.

3. L’équilibre entre l’injustice subie par le demandeur et le préjudice que subit le défendeur si la prorogation est accordée

[58] La décision de proroger ou non les délais est l’une qui révèle une importance capitale, car, si je décide de refuser la demande de prorogation, le dossier sera fermé sommairement. La question devient de déterminer, par souci d’équité, quel est le préjudice qui subirait le défendeur si la demande est accueillie. Au sujet du préjudice, l’employeur s’est limité à citer le paragraphe 37 de Martin, selon lequel le demandeur aurait un recours contre l’agent négociateur si la demande de prorogation de délai était refusée. Il n’a pas avancé qu’il subirait un préjudice quelconque si une prorogation du délai était accueillie. Je trouve que le demandeur subirait un préjudice important s’il ne peut pas faire entendre ses griefs sur le bien-fondé. Le défendeur a indiqué que le demandeur pourrait toujours exercer un recours contre l’agent négociateur. Je ne trouve pas que ce recours servirait l’objectif des griefs présentement devant la Commission.

4. Des raisons claires, logiques et convaincantes

[59] L’agent négociateur explique que les griefs du fonctionnaire sont des griefs d’application ou d’interprétation de la convention collective. En se fondant sur les dispositions du paragraphe 89(3) du Règlement, il fait valoir que le renvoi de tels griefs à l’arbitrage exigeait l’appui de l’agent négociateur. Il en déduit que sa négligence constitue une raison claire, logique et convaincante pour justifier le retard puisque le demandeur ne pouvait pas référer les griefs à l’arbitrage de son propre chef.

[60] Pour sa part, en se fondant sur Edwards, le défendeur maintient que les erreurs ou les omissions de l’agent négociateur ne constituent pas des motifs clairs, logiques et convaincants pour expliquer le retard. Il souligne que l’agent négociateur n’a pas été empêché de renvoyer le grief à l’arbitrage, il ne l’a tout simplement pas fait dans les délais prescrits par le Règlement.

[61] Je ne parviens pas à conclure que la négligence de l’agent négociateur constitue nécessairement une raison claire, logique et convaincante. Certes, les paragraphes 89(3) du Règlement ainsi que 209(2) de la Loi prévoient qu’un fonctionnaire ne peut renvoyer à l’arbitrage un grief individuel portant sur l’interprétation ou l’application d’une disposition de la convention sans que son agent négociateur accepte de le représenter dans la procédure d’arbitrage. Une disposition similaire est également prévue à la clause 20.24 de la convention collective.

20.24 Lorsque le grief que l’employé-e peut soumettre à l’arbitrage porte sur l’interprétation ou l’application, à son égard, d’une disposition de la présente convention ou d’une décision arbitrale, l’employé-e n’a le droit de présenter ce grief à l’arbitrage que si le syndicat signifie de la façon prescrite :

20.24 Where a grievance that may be presented by an employee to adjudication is a grievance relating to the interpretation or application in respect of him or her of a provision of this agreement or an arbitral award, the employee is not entitled to refer the grievance to adjudication unless the Union signifies in the prescribed manner:

a. son approbation du renvoi du grief à l’arbitrage,

a. its approval of the reference of the grievance to adjudication,

et

and

b. son accord de représenter l’employé-e dans la procédure d’arbitrage

b. its willingness to represent the employee in the adjudication proceedings.

 

[62] Toutefois, je ne crois pas que l’exigence d’un appui de l’agent négociateur quand il s’agit de renvoyer de tels griefs à l’arbitrage entraine automatiquement une exonération du demandeur quant au respect des délais prévus par le Règlement. Bien que je sois d’accord avec l’argument selon lequel le demandeur ne devrait pas être victime des erreurs commises par son représentant syndical, il n’en demeure pas moins que ce dernier doit présenter une raison claire, logique et convaincante qui justifie le retard. À mon avis, c’est exactement quand le recours du fonctionnaire est conditionné par l’appui de l’agent négociateur que ce dernier devrait doubler de vigilance et de diligence afin de ne pas mettre à risque les droits du fonctionnaire. La clarté et la logique d’une raison qui justifie le retard dépend des circonstances de chaque affaire. Essentiellement, il ne suffit pas pour l’agent négociateur d’avancer qu’il est responsable du retard, encore faut-il l’expliquer (Cherid c. Administrateur général (ministère de l’Emploi et du Développement social) 2024 CRTESPF 8 au par. 23).

[63] Dans le présent cas, l’agent négociateur a expliqué que pendant plus de trois mois, d’avril à juillet 2022, les griefs sont restés au point mort dans la boîte courriel personnelle d’un représentant syndical. Ce n’est que le 8 juillet 2022 que la section locale réalise qu’il manque des documents. Selon l’agent négociateur, la situation est éclaircie au retour des vacances du représentant syndical et le tout est acheminé à la Commission le 29 juillet 2022. Cette explication à elle seule ne constitue pas une raison logique et convaincante, et ne peut pas excuser le retard.

5. Les chances de succès des griefs

[64] La présente décision porte uniquement sur les arguments concernant la demande de prorogation et l’objection de l’employeur. Il n'est pas opportun de spéculer sur les chances de succès puisque je n’ai pas examiné les questions en litige sur le fond. Il est impossible d’évaluer les chances de succès sans d’autres arguments des parties, faute de preuve, mais à première vue ces griefs ne se semblent pas frivoles ou absurdes.

VII. Conclusion

[65] Avant de conclure, indépendamment du résultat sur le fond, il est tout à fait normal que, dans n’importe quel cas, une personne participant dans un processus décisionnel ne parvienne pas au résultat souhaité. Cependant, l'un des intérêts les plus importants pour toute personne participant dans un processus décisionnel est la façon par laquelle on arrive à ce résultat. Malgré la déception de la personne perdante face à l’issue d’une affaire, le besoin prédominant est que le résultat ait été, et ait paru être, tiré d’une façon juste dans le cadre d’une procédure équitable.

[66] Après avoir examiné les cinq critères de Schenkman, je trouve que priver le demandeur du droit de faire entendre ses griefs à l’arbitrage dans les circonstances du présent cas ne serait pas équitable. Le souci d’équité guidé par la combinaison des éléments ci-après m’amène alors à accueillir la demande de prorogation de délai.

· j’estime que la durée du retard n’est pas excessive;

· le demandeur ne pouvait pas avancer ses griefs sans l’appui de l’agent négociateur;

· le défendeur a sapé la procédure de règlement des griefs en omettant de répondre aux griefs contrairement aux exigences prévues par le Règlement; et

· le défendeur ne subirait pas de préjudice si une prorogation de délai est accordée.

 

[67] En guise de conclusion, dans l’intérêt de l’équité, j’accueille la demande du demandeur de prorogation du délai pour renvoyer les griefs à l’arbitrage.

[68] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VIII. Ordonnance

[69] La demande de prorogation du délai est accueillie.

[70] Les griefs seront mis au rôle des audiences à une date ultérieure.

Le 18 mars 2024.

Goretti Fukamusenge,

une formation de la Commission

des relations de travail et de l’emploi dans

le secteur public fédéral

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