Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a allégué que l’intimé avait abusé de son pouvoir lorsqu’il a établi les qualifications essentielles pour deux postes d’officier de navire (SO-04) – l’intimé a changé le niveau de certification requis pour les postes de la certification de Transports Canada en tant que capitaine, JB de 500 (la « certification 500 JB ») à capitaine, JB de 150, navigation intérieure (la « certification 150 JB ») – ce changement a violé les valeurs d’équité et de transparence puisqu’il n’a pas été rendu public avant les nominations – le plaignant a entrepris un plan de formation pluriannuel pour obtenir la certification 500 JB – il a allégué que l’intimé avait abusé de son pouvoir en procédant par des processus non annoncés – le choix du processus manquait de transparence – à l’audience, il a allégué qu’il y avait un abus de pouvoir fondé sur une crainte raisonnable de partialité en ce qui concerne son rôle de président de deux sections locales de l’agent négociateur – la Commission a conclu que la décision de l’intimé de changer le niveau requis pour la certification 150 JB était motivée par d’importantes difficultés de dotation et par la nécessité de doter rapidement des postes vacants – il n’y avait aucune preuve de mauvaise foi ou d’acte répréhensible dans ce changement – la Commission a conclu que la décision de procéder par des processus non annoncés était motivée par la dotation urgente des deux postes vacants – l’intimé a affiché des avis de considération et a donné au plaignant la possibilité de soulever ses préoccupations avant que les nominations soient faites – la Commission a conclu qu’il n’y avait pas de preuve réelle, probable ou raisonnablement évidente de partialité.

Plaintes rejetées.

Contenu de la décision

Date: 20240318

Dossiers: 771-02-40128 et 40129

 

Référence: 2024 CRTESFP 34

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur l’emploi dans la fonction

publique

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

eNTRE

 

Derek Viggers

plaignant

 

et

 

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL

(ministère de la Défense nationale)

 

intimé

et

AUTRES PARTIES

Répertorié

Viggers c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale)

Affaire concernant des plaintes d’abus de pouvoir déposées en vertu des alinéas 77(1)a) et b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique

Devant : Audrey Lizotte, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant : Louis Bisson, Union des employés de la Défense nationale

Pour l’intimé : Stephanie White, avocate

Pour la Commission de la fonction publique : Alain Jutras, analyste principal

Affaire entendue par vidéoconférence

les 26 et 27 juin 2023.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Plaintes devant la Commission

[1] Le 8 avril 2019, Derek Viggers (le « plaignant ») a déposé deux plaintes devant la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») en vertu des alinéas 77(1)a) et b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; LEFP).

[2] Les plaintes portent sur deux mesures de dotation distinctes (portant les numéros 19-DND-INA-RCN-444362 et 19-DND-INA-RCN-444364) au ministère de la Défense nationale (MDN), qui ont donné lieu aux nominations de M. Jason Morgan et de M. Edward Anderson (les « personnes nommées ») à titre de capitaine de regroupement de navires de catégorie A (les « nominations »), à savoir des postes au groupe et au niveau SO-MAO-04 (les « postes SO-04 »). Les plaintes ont été regroupées, car elles sont fondées sur les mêmes motifs.

[3] Le plaignant fait valoir que l’administrateur général du MDN (l’« intimé ») a commis un abus de pouvoir en établissant les qualifications obligatoires relatives aux postes SO-04, en modifiant l’exigence en matière de certification selon laquelle le candidat devait avoir [traduction] « une certification de Transports Canada en tant que capitaine, jauge brute de 500 » (le « certificat 500 JB » ou la « certification 500 JB ») par [traduction] « un certificat de compétence de Transports Canada en tant que capitaine, jauge brute de 150, navigation intérieure » (le « certificat 150 JB » ou la « certification 150 JB »).

[4] Le plaignant reconnaît qu’il ne satisfaisait pas aux qualifications essentielles relatives aux postes SO-04 lorsque les nominations ont été faites, car il ne détenait pas la certification 500 JB ni la certification 150 JB. Il reconnaît en outre que les personnes nommées satisfaisaient aux qualifications essentielles du poste, car elles détenaient la certification 150 JB. Pour cette raison, le plaignant cherche seulement à obtenir une déclaration selon laquelle l’intimé a commis un abus de pouvoir.

[5] Le plaignant soutient que la modification du niveau de certification était contraire aux valeurs d’équité et de transparence énoncées dans la LEFP, à la Politique de nomination de la Commission de la fonction publique (CFP) ainsi qu’aux lignes directrices et au guide du défendeur en matière de nominations, car la modification a été faite sans un préavis public suffisant avant le moment où les nominations ont été faites.

[6] Le plaignant a été avisé de la modification du niveau de certification seulement lorsque l’intimé a affiché les « Notifications de candidature retenue » (les « notifications ») relativement aux nominations projetées. Toutefois, il fait valoir que la période de préavis aurait dû être plus longue, car on lui avait expliqué antérieurement que ce critère ne serait pas modifié, ce qui l’avait incité à suivre une formation de plusieurs années afin d’obtenir la certification 500 JB.

[7] Le plaignant allègue également que l’intimé a commis un abus de pouvoir en choisissant les processus à suivre, car il a décidé de mener des processus de nomination non annoncés, en omettant de communiquer les renseignements relatifs aux nominations, et ce contrairement à son devoir de veiller à ce que les processus de dotation soient accessibles et transparents.

[8] À l’audience, le plaignant a également allégué que l’intimé avait commis un abus de pouvoir, car il avait une crainte raisonnable que ce dernier ait fait preuve de partialité d’une manière qui lui était défavorable, et ce en raison du fait qu’il était président de deux sections locales de l’Union des employés de la Défense nationale (UEDN).

[9] Après que les nominations ont été effectuées, le plaignant a obtenu la certification 150 JB et il a été nommé à un poste de niveau SO-04 dans le cadre d’un processus de nomination distinct.

[10] L’intimé nie avoir commis un abus de pouvoir. Il soutient que ses actions étaient justifiées, vu le manque important de personnel au moment où il a fait les nominations et compte tenu de la nécessité de doter les postes le plus rapidement possible.

[11] Aucun représentant de la CFP n’a assisté à l’audience ou exposé la position de cette dernière quant au bien-fondé des plaintes. Cependant, la CFP a présenté des arguments écrits relativement aux passages pertinents de la LEFP et de sa Politique de nomination.

[12] Pour les motifs exposés dans la présente décision, j’ai conclu que les plaintes doivent être rejetées.

II. Résumé de la preuve

[13] Deux personnes ont témoigné, à savoir le plaignant, pour son propre compte, et M. Steven Mahneke, pour l’intimé. M. Mahneke était le gestionnaire autorisé responsable des nominations.

[14] Les plaintes visent les postes SO-04, que l’on appelle communément des postes d’officiers de navire, au sein de la section de la flotte auxiliaire de la Direction générale des opérations et des services d’urgence portuaires à Esquimalt, en Colombie-Britannique (la « flotte auxiliaire »).

[15] Vu la nature des services qu’elle fournit, la flotte auxiliaire est une composante essentielle des opérations de la Marine royale canadienne. Ces services comprennent des services de bateaux remorqueurs en vue d’aider les gros navires de la Marine qui arrivent au port, la manutention de grands conteneurs qui peuvent mesurer jusqu’à 35 pieds, l’ajout de matériel à des navires de la Marine et le retrait de matériel de ces derniers, le déplacement de petites barges contenant de l’équipement comme des échafaudages, le pompage de l’huile contenue dans des eaux contaminées et le déplacement de barrières anti-pollution.

[16] La flotte auxiliaire est composée de navires de plusieurs tailles, à savoir des bateaux remorqueurs de petite taille ou de taille moyenne ainsi qu’un navire « Firebrand », qui est le navire du service des incendies, sur lequel des membres du personnel se trouvent jour et nuit. Les deux processus de nomination en cause dans le présent cas visaient à ajouter du personnel à deux des bateaux remorqueurs de plus petite taille.

[17] Les officiers de navire sont responsables du fonctionnement de leur navire et de leur équipage et ils ont les pleins pouvoirs à cet égard.

[18] Le plaignant occupait un poste de matelot de pont (aussi appelé poste de membre d’équipage) et il souhaitait devenir officier de navire. Il a témoigné qu’après avoir commencé à travailler pour l’intimé, il s’entretenait chaque année avec son superviseur immédiat au sujet de son plan de formation en vue de devenir officier de navire. Il a déclaré avoir appris, lors de ces entretiens, qu’il devait obtenir le certificat 500 JB.

[19] Transports Canada est responsable de la délivrance du certificat 500 JB. Les exigences à remplir pour obtenir ce certificat comprennent l’obligation de suivre un certain nombre de cours et d’avoir navigué en mer durant un certain nombre d’heures à bord d’un navire. Le plaignant a entrepris le processus en vue d’obtenir ce certificat. Au début de 2018, il a pris un congé personnel sans solde durant lequel il a suivi ces cours. Il a déclaré qu’avant de prendre son congé, on lui avait de nouveau mentionné qu’il devait obtenir le certificat 500 JB s’il souhaitait devenir officier de navire.

[20] Au moment où les nominations ont été faites, il ne restait au plaignant qu’un seul cours à suivre en vue d’obtenir le certificat 500 JB.

[21] Selon le plaignant, l’exigence selon laquelle il devait obtenir le certificat 500 JB avait fait l’objet de nombreux entretiens qu’il avait eus au cours de plusieurs années.

[22] En 2013, le plaignant est devenu président de la section locale 1013 de l’UEDN et, en janvier 2016, il est devenu président d’une autre section locale (la 1017). Il a déclaré avoir remis en question à plusieurs reprises, dans le cadre de consultations syndicales-patronales, l’obligation d’être détenteur du certificat 500 JB, car, selon lui, un tel niveau de certification n’était pas nécessaire pour exploiter tous les navires de la flotte auxiliaire. À son avis, il suffisait d’être détenteur du certificat 150 JB pour exploiter quatre de ces navires. Il était même d’avis que le certificat 60 JB était suffisant à cet égard. Son avis était fondé sur son expérience, car il avait travaillé sur des navires de la Garde côtière canadienne et sur des navires dans le secteur privé.

[23] Le plaignant a déclaré que lors de chaque consultation, l’intimé avait confirmé à plusieurs reprises que le certificat 500 JB était nécessaire et qu’il n’avait pas l’intention de modifier cette exigence. Il a dit que ces déclarations lui ont été faites par Roger Miller, qui était alors capitaine d’armement au sein de la flotte auxiliaire, par Satinder Singh et Larry Hickie, qui étaient alors surintendants de détachement, et finalement par le capitaine de navire Robert Beauregard, qui était son superviseur immédiat.

[24] Le plaignant a témoigné qu’une exception a été faite vers 2015, alors qu’un poste d’officier de navire avait été annoncé à l’égard duquel il suffisait d’être détenteur du certificat 150 JB. Le plaignant a déclaré qu’il avait alors demandé à M. Miller, qui était à l’époque capitaine d’armement au sein de la flotte auxiliaire, si le critère avait été modifié et ce dernier lui aurait alors répondu qu’il s’agissait d’une exception unique relative à un certain navire qui serait considéré comme un navire de formation.

[25] Toutefois, le 11 mars 2019, les notifications ont été affichées sur le site Web des emplois du gouvernement du Canada. Selon ces notifications, les nominations de M. Morgan et de M. Anderson à des postes d’officier de navire –qui constituaient des promotions – feraient l’objet d’un processus non annoncé. Les qualifications essentielles relatives à ces postes étaient fondées sur le certificat 150 JB, au lieu du certificat 500 JB. Les notifications mentionnaient également que les employés du MDN qui occupaient un poste au sein de la Direction générale des opérations et des services d’urgence portuaires pouvaient solliciter un entretien informel relativement à ces postes.

[26] Le plaignant a sollicité un tel entretien. Il a dit qu’après avoir vu les notifications, il s’est adressé au capitaine de navire Robert Beauregard, qui était alors son superviseur immédiat, et au surintendant de détachement Edward Dahlgren, qui était le supérieur de M. Beauregard. Il a déclaré que M. Dahlgren avait récemment obtenu son poste et qu’il n’était au courant d’aucune modification, mais qu’on lui avait dit qu’il manquait de personnel et que l’on envisageait, pour les navires de plus petite taille, des mesures de dotation à l’égard desquelles le certificat 150 JB serait exigé.

[27] En contre-interrogatoire, le plaignant a indiqué qu’il s’était également entretenu avec M. Mahneke, le gestionnaire délégué responsable des nominations. Le plaignant a déclaré avoir demandé à M. Mahneke pourquoi l’exigence de certification avait été modifiée, mais que ce dernier avait refusé de répondre à la question ou même d’en discuter. M. Mahneke a témoigné qu’il se souvenait d’avoir eu cet entretien avec le plaignant et qu’il avait été question des promotions de deux individus et des motifs qui sous-tendaient celles-ci, mais qu’il ne pouvait pas se souvenir des détails, car l’entretien s’était déroulé il y a plusieurs années. Il a déclaré avoir pris des notes au cours de cet entretien, mais qu’il avait depuis égaré le cahier dans lequel il les avait prises.

[28] Le 22 mars 2019, deux notifications de nomination ou propositions de nomination ont été affichées sur le site Web des emplois du gouvernement du Canada relativement aux nominations. La date limite pour déposer une plainte était le 8 avril 2019, soit la date à laquelle le plaignant a déposé ses deux plaintes devant la Commission.

[29] M. Mahneke a témoigné qu’à l’époque où les nominations ont été faites, il était capitaine d’armement au sein de la flotte auxiliaire, responsable de cette dernière et de son personnel. En ce qui concerne les navires, il était responsable de l’état de ces derniers sur le plan mécanique et il devait s’assurer qu’ils étaient en état de naviguer. Pour ce qui est du personnel, il devait veiller à ce que les navires soient dotés du personnel nécessaire et à ce que les membres de l’équipage reçoivent la formation voulue. Il menait les activités quotidiennes liées au personnel, notamment l’approbation des congés, la répartition des tâches, la dotation des postes vacants et la planification relative aux départs à la retraite prévus.

[30] M. Mahneke a témoigné qu’il était le gestionnaire autorisé responsable du processus de dotation et des nominations. Le gestionnaire de la flotte auxiliaire, M. Singh (qui a remplacé M. Miller), était le gestionnaire délégué en matière de dotation. Il avait sous-délégué à M. Mahneke son pouvoir à cet égard.

[31] M. Mahneke a indiqué qu’il connaissait bien le processus de dotation, car il avait reçu la formation nécessaire et il avait plusieurs années d’expérience à cet égard. Il a bénéficié en outre de l’appui de plusieurs conseillers en matière de ressources humaines qui lui prodiguaient des conseils lors du processus de dotation.

[32] M. Mahneke a déclaré qu’il avait préparé l’énoncé des critères de mérite, qui mentionnait que les qualifications essentielles relatives aux postes SO-04 étaient fondées sur la détention du certificat 150 JB au lieu du certificat 500 JB. Il a ajouté qu’il avait fait cela à la fin de 2018, que M. Singh était d’accord avec cette approche et que ce dernier avait alors approuvé cette décision. Il a déclaré qu’aucune autre personne n’avait participé à la décision.

[33] M. Mahneke a expliqué que la principale différence entre le certificat 500 JB et le certificat 150 JB se rapporte à la taille des navires qu’ils autorisent à exploiter. Il a déclaré que le MDN a toujours considéré le certificat 500 JB comme étant le standard de référence et qu’il permettait des affectations à un niveau supérieur, selon les besoins. Il a souscrit à l’avis du plaignant selon lequel un tel niveau de certification n’était pas nécessaire pour exploiter l’ensemble des navires de la flotte auxiliaire et que le certificat 150 JB était suffisant pour ce qui est des bateaux remorqueurs de plus petite taille.

[34] M. Mahneke a déclaré que la raison pour laquelle le certificat 150 JB avait été jugé suffisant dans le cadre des processus de nomination en cause était la situation critique à laquelle l’organisation était confrontée sur le plan de la dotation. Il a expliqué qu’à l’époque où les nominations ont été faites, il devait doter un nombre important de postes vacants. Selon l’organigramme de la flotte auxiliaire datée du 8 mars 2019, 14 des 51 postes dont il était responsable étaient vacants. Selon le document qu’il avait préparé pour expliquer la décision en matière de dotation, cinq postes SO-04 étaient vacants au moment où les nominations ont été faites.

[35] M. Mahneke a mentionné qu’il y avait une diminution du nombre d’employés au sein de la flotte auxiliaire en raison de départs à la retraite et du fait que les conditions de travail n’étaient pas aussi avantageuses que celles du secteur privé, ce qui rendait le recrutement plus difficile. Il a mentionné qu’il fallait redresser la situation le plus rapidement possible, car plus le temps passait, plus le risque de perdre d’autres membres du personnel augmentait, car il fallait constamment répondre aux demandes de personnel de façon urgente et les employés étaient incapables de prendre les congés qu’ils avaient accumulés. Il a déclaré que le risque de perdre d’autres membres du personnel aurait entraîné des difficultés supplémentaires sur le plan du recrutement, car il en résultait un environnement de travail peu enviable.

[36] M. Mahneke a déclaré qu’il était toujours à bout de souffle à s’efforcer de remplir toutes ses responsabilités de gestion avec les ressources dont il disposait. Il a mentionné qu’il devait parfois gérer les navires lui-même parce qu’il n’y avait personne d’autre pour le faire. Il a dit qu’il lui était même arrivé de gérer quatre navires simultanément. Il a dit avoir agi ainsi, car il craignait de perdre davantage de membres du personnel s’il refusait leurs demandes de congé.

[37] Dans son témoignage, le plaignant a reconnu que l’organisation était confrontée à des difficultés sur le plan de la dotation, et il n’a fourni aucun élément de preuve pour réfuter le témoignage de M. Mahneke quant à la situation critique sur le plan de la dotation que ce dernier avait décrite. Le plaignant a déclaré qu’à sa connaissance, l’un des postes avait été vacant pendant environ trois ans et que l’autre était récemment devenu vacant au moment où la personne qui occupait le poste relatif au « navire de formation » avait accepté un autre poste.

[38] M. Mahneke a témoigné que sa décision de remplacer l’exigence d’un certificat 500 JB par le certificat 150 JB avait été motivée exclusivement par la pénurie de main-d’œuvre. Il a dit ne pas avoir modifié cette exigence plus tôt, car il y avait une certaine résistance à cette idée. Il a déclaré qu’à l’époque, il ne disposait pas de la latitude nécessaire pour faire cette modification même s’il était capitaine d’armement au sein de la flotte auxiliaire. Selon lui, l’ancienne chaîne de commandement semblait favoriser la gestion par consensus, et il avait l’impression que certains individus estimaient que tout candidat devait être détenteur du certificat 500 JB, même si un tel certificat n’était pas nécessaire pour exploiter certains des navires de plus petite taille, car eux-mêmes avaient dû remplir une telle exigence au moment de leur embauche.

[39] M. Mahneke a dit que le départ à la retraite de quelques gestionnaires de haut niveau lui avait donné l’occasion de modifier l’exigence selon laquelle il fallait posséder le certificat 500 JB, peu importe le navire à exploiter. Il a déclaré avoir utilisé comme exemple l’exception qui avait été faite en 2015 pour justifier la modification, faisant valoir que même s’il n’était détenteur que d’un certificat 150 JB, l’individu en question s’était avéré compétent pour le poste.

[40] En ce qui concerne le moment auquel les processus de nomination ont été lancés, M. Mahneke a dit qu’il ne pouvait aucunement décider du moment auquel il pouvait doter les postes vacants au sein de son équipe. Il a expliqué que [traduction] « l’enveloppe des salaires » était sous le contrôle de la base même du MDN à Esquimalt et qu’il ne pouvait que faire des demandes de dotation relativement aux cinq postes les plus importants à doter au sein de son équipe. Il a déclaré que la désignation des postes à doter ainsi que le moment où ils le seraient étaient des décisions que devaient prendre ses supérieurs compte tenu de l’ensemble des postes à doter à l’échelle de la base. Il a déclaré qu’il lui arrivait d’attendre longtemps avant d’obtenir l’autorisation de doter un poste. Selon lui, un tel délai causait des difficultés en matière de dotation. Par exemple, dans le cas où un capitaine de bateau remorqueur expérimenté manifestait son intérêt pour un poste, il se pouvait que ce dernier ne soit plus disponible au moment où M. Mahneke pouvait enfin lui faire une offre en vue de doter le poste en question.

[41] M. Mahneke a déclaré que lorsqu’il a reçu l’autorisation de doter les deux postes d’officier de navire, il a voulu agir le plus rapidement possible en raison des difficultés qu’il devait surmonter sur le plan de la dotation. C’est pourquoi il a décidé de lancer des processus de nomination non annoncés, car il s’agissait de la façon la plus rapide de doter les postes vacants au sein de la Direction générale des opérations et des services d’urgence portuaires d’Esquimalt et seuls deux individus avaient les compétences nécessaires à cet égard, car ils possédaient déjà la certification 150 JB.

[42] Il a expliqué qu’un conseiller en dotation lui avait dit qu’un processus de nomination annoncé pouvait prendre jusqu’à un an avant d’aboutir à la dotation du poste en question. Il n’a pas douté du bien-fondé de cette information, car il savait du fait de sa propre expérience qu’un tel processus pouvait être très long.

[43] Il a dit qu’il connaissait la [traduction] « Directive du sous-ministre adjoint (Ressources humaines – Civils) sur les nominations » ainsi que le [traduction] « Guide de la Directive du sous-ministre adjoint (Ressources humaines – Civils) sur les nominations » et qu’il croyait les avoir suivis. Il a expliqué que sa décision de lancer des processus non annoncés était motivée par l’intérêt supérieur de l’organisation et qu’il voulait éviter les effets négatifs cumulatifs d’une grave pénurie de main-d’œuvre au sein de cette dernière. Selon lui, il devait prendre cette décision afin d’éviter que la situation empire davantage et il n’avait pas le temps de mener un processus de nomination annoncé.

[44] Lors de son contre-interrogatoire, il a convenu qu’il était probable que d’autres candidats à l’extérieur de la zone de sélection, par exemple au sein de la Garde côtière canadienne ou provenant du secteur privé, auraient pu eux aussi être détenteurs du certificat 150 JB. Il a également confirmé qu’aucune liste de candidats détenteurs du certificat 150 JB et jugés admissibles n’avait été préparée. Il a également convenu qu’outre les personnes nommées, aucun autre membre d’équipage à Esquimalt ne détenait le certificat 150 JB ou le certificat 500 JB.

[45] M. Mahneke a convenu ne pas avoir pris connaissance d’une quelconque liste de candidats jugés admissibles qui auraient été détenteurs du certificat 500 JB. Cependant, il a expliqué que les personnes qui figurent sur une telle liste ne possèdent pas nécessairement les qualifications requises, car [traduction] « les candidats vont dire n’importe quoi » pour être présélectionnés. Selon lui, il aurait fallu examiner davantage la candidature des individus faisant partie de cette liste pour déterminer s’ils possédaient vraiment les qualifications requises, ce qui aurait pris du temps.

[46] M. Mahneke a témoigné qu’il aurait sans aucun doute promu le plaignant si ce dernier avait eu la certification 150 JB au moment où les processus de nomination ont été lancés, mais qu’il n’avait pas retenu la candidature du plaignant, car celui-ci n’était pas encore détenteur du certificat 150 JB ou du certificat 500 JB à ce moment-là. M. Mahneke a déclaré qu’il ignorait tout du plan de formation du plaignant.

[47] Le plaignant a convenu qu’au moment où les nominations ont été faites, il ne possédait pas les qualifications minimales nécessaires, car il ne détenait pas la certification 150 JB ou la certification 500 JB. Il a également reconnu que les personnes nommées, elles, possédaient les qualifications voulues pour occuper les postes en question.

[48] Le plaignant a déclaré que suite aux nominations en mars 2019, il a complété ses cours et contacté Transports Canada pour connaître les exigences à remplir pour obtenir le certificat 150 JB. Il a obtenu ce certificat en décembre 2019 et a été nommé à un poste d’officier de navire en novembre 2021.

[49] Pour étayer son argument selon lequel il y avait une crainte raisonnable de partialité à son égard, le plaignant a témoigné qu’en sa qualité de président de deux sections locales de l’UEDN, ses rapports avec la direction [traduction] « n’étaient pas toujours harmonieux » et qu’ils étaient même [traduction] « parfois très tendus ». Il a déclaré que la plupart de ses interactions étaient avec M. Singh, qui était alors surintendant de détachement, ainsi qu’avec M. Doug Kimmett, qui était alors le gestionnaire de la flotte auxiliaire. Il a déclaré qu’en sa qualité de président d’une section locale de l’UEDN, il avait discuté d’un certain nombre de questions délicates avec la direction, comme les besoins en matière de formation, les griefs et d’autres plaintes. Il a déclaré que les personnes nommées n’avaient pas participé aux activités de l’UEDN, sauf à une étude d’équipage de navire.

[50] Le plaignant et M. Mahneke ont tous les deux témoigné qu’ils avaient déjà travaillé ensemble et qu’ils entretenaient une bonne relation de travail. M. Mahneke a déclaré que le plaignant avait travaillé pour lui sur deux navires et que ce dernier était un matelot de pont très compétent et qu’ils entretenaient de bons rapports. À son avis, le plaignant était ambitieux et avait démontré qu’il possédait le talent nécessaire pour occuper le poste d’officier de navire.

[51] Le plaignant a reconnu que M. Mahneke était le gestionnaire d’embauche délégué responsable des nominations. Cela dit, il a déclaré qu’il n’était pas certain jusqu’à quel point M. Mahneke pouvait prendre ses propres décisions. M. Mahneke a témoigné qu’on lui avait délégué le pouvoir de mener l’ensemble des activités en matière de dotation liées aux deux nominations, y compris la détermination de l’énoncé des critères de mérite, la décision de lancer un processus non annoncé, l’évaluation des deux candidats, le fait d’avoir des discussions avec les parties intéressées une fois les notifications affichées (seul le plaignant a demandé une telle discussion), et la décision de nommer M. Morgan et M. Alexander à l’expiration de la période d’avis de nomination.

[52] Le plaignant a terminé son témoignage en déclarant que, selon lui, les postes auraient dû être définis sur la base de l’obtention du certificat 150 JB bien avant la période pertinente, compte tenu du manque de personnel à bord de ces navires, et que, si cela avait été fait, il se serait doté d’un plan de formation en conséquence.

III. La position de la CFP

[53] La CFP, qui est l’une des parties relativement aux plaintes déposées en vertu de l’article 77 de la LEFP, a fourni des arguments écrits avant l’audience au sujet du concept général de l’abus de pouvoir et du processus de nomination. Elle a souligné le fait qu’au titre de la LEFP et de sa Politique de nomination, les nominations doivent être conformes aux principes du mérite et de la transparence énoncés dans cette loi. L’omission d’agir en conformité avec les exigences de cette politique pourrait constituer un abus de pouvoir.

[54] La CFP n’a pas fait de commentaires quant au bien-fondé des plaintes.

IV. Analyse et motifs

A. Question no 1 – Allégation d’abus de pouvoir dans l’établissement des qualifications essentielles

[55] Le paragraphe 30(2) de la LEFP accorde de vastes pouvoirs discrétionnaires à l’intimé qui permettent à ce dernier d’établir les qualifications essentielles qu’il estime nécessaires dans le cadre d’un processus de nomination. Cependant, l’exercice de ces pouvoirs peut faire l’objet d’un contrôle.

[56] L’alinéa 77(1)a) de la LEFP permettait au plaignant de déposer une plainte devant la Commission s’il était d’avis qu’il n’avait pas été nommé ou qu’il n’avait pas fait l’objet d’une proposition de nomination parce que les pouvoirs que confère le paragraphe 30(2) de cette loi ont été exercés de façon abusive.

[57] Dans ce type de plainte, le fardeau de la preuve incombe au plaignant. Ainsi, pour avoir gain de cause, le plaignant devait établir, selon la prépondérance des probabilités, que l’intimé avait commis un abus de pouvoir en exerçant ses pouvoirs discrétionnaires (voir Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8, aux par. 48 à 55).

[58] Le concept d’« abus de pouvoir » n’est pas défini dans la LEFP. Cela dit, le paragraphe 2(4) de cette loi prévoit que « [i]l est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par abus de pouvoir la mauvaise foi et le favoritisme personnel ».

[59] L’utilisation des mots on entend notamment au paragraphe 2(4) de la LEFP signifie que l’abus de pouvoir ne se limite pas à la mauvaise foi et au favoritisme personnel. Cependant, la Commission et ses prédécesseurs ont invariablement conclu qu’il faut beaucoup plus que de simples erreurs ou omissions pour conclure qu’un abus de pouvoir a eu lieu. En effet, l’abus de pouvoir exige un acte répréhensible. Comme il a été souligné dans Tibbs, « l’abus de pouvoir comprendra toujours une conduite irrégulière, mais la mesure dans laquelle la conduite est irrégulière peut déterminer si elle constitue un abus de pouvoir ou non » (au par. 66).

[60] Le plaignant fait valoir que la décision de l’intimé de modifier les qualifications essentielles relatives aux postes SO-04, en remplaçant l’exigence d’être détenteur du certificat 500 JB par celle d’être détenteur du certificat 150 JB, constituait un abus de pouvoir.

[61] Le plaignant soutient que, pendant plusieurs années, on lui avait dit qu’il devait être détenteur du certificat 500 JB pour obtenir un poste de niveau SO-04, mais que cette exigence a été remplacée sans préavis par celle d’être détenteur du certificat 150 JB. Son représentant soutient que l’intimé a commis un abus de pouvoir en omettant d’informer à l’avance les employés qu’il avait l’intention de modifier cette exigence.

[62] Il convient de préciser que le plaignant ne s’oppose pas à la légitimité des qualifications essentielles en question. Au contraire, il avait soutenu pendant un certain temps que les critères d’évaluation devraient être fondés sur la certification 150 JB et non sur la certification 500 JB pour la dotation des postes SO-04 à bord des bateaux remorqueurs de plus petite taille.

[63] Le plaignant s’oppose plutôt au moment auquel la modification a été faite. Il fait essentiellement valoir que compte tenu des nombreuses déclarations qui lui ont été faites, au fil du temps, au sujet des qualifications essentielles relatives aux postes SO-04, l’intimé aurait dû donner un préavis de son intention de modifier ces dernières, ce qui aurait permis au plaignant de modifier ses plans de formation en conséquence et de chercher ainsi à obtenir la certification 150 JB au lieu de la certification 500 JB. Son représentant fait également valoir que l’exigence d’être détenteur du certificat 500 JB était si connue au sein de l’organisation que l’employeur était tenu d’agir de manière transparente s’il avait l’intention de la remplacer par une autre exigence.

[64] Le représentant du plaignant soutient qu’en omettant de fournir un tel préavis, l’intimé n’a pas rempli ses obligations en matière d’équité et de transparence et qu’il a commis ainsi une grave erreur qui peut être qualifiée de mauvaise foi. Il se fonde sur Renaud c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2013 TDFP 26, qui énonce aux paragraphes 34 et 35 ce qui suit :

34 Tel qu’il est énoncé dans le préambule de la LEFP, l’exercice du pouvoir discrétionnaire en matière de dotation au sein de la fonction publique doit être caractérisé par des pratiques d’emploi équitables et transparentes (voir Tibbs, para. 64). Les valeurs de nomination que sont l’équité et la transparence sont également énoncées dans les Lignes directrices de la CFP en matière de nomination – Généralités.

35 En l’espèce, il n’était pas équitable de rouvrir le processus seulement pour un candidat. En outre, l’intimé ne pouvait pas rouvrir le processus en secret, sans en parler à quiconque. Une telle façon de faire est contraire à la valeur qu’est la transparence.

 

[65] Le plaignant se fonde également sur Lavigne c. Canada (Justice), 2009 CF 684, dans laquelle il a été conclu que les vastes pouvoirs que confère la LEFP ne sont pas illimitées et doivent être exercés conformément à l’objectif de cette loi, tel qu’il ressort de son préambule (voir les par. 58 et 59).

[66] Le préambule de la LEFP comprend notamment les énoncés suivants, qui sont pertinents dans le présent cas :

[…]

que le pouvoir de dotation devrait être délégué à l’échelon le plus bas possible dans la fonction publique pour que les gestionnaires disposent de la marge de manœuvre dont ils ont besoin pour effectuer la dotation, et pour gérer et diriger leur personnel de manière à obtenir des résultats pour les Canadiens;

delegation of staffing authority should be to as low a level as possible within the public service, and should afford public service managers the flexibility necessary to staff, to manage and to lead their personnel to achieve results for Canadians; and;

que le gouvernement du Canada souscrit au principe d’une fonction publique inclusive qui reflète la diversité de la population canadienne, qui incarne la dualité linguistique et qui se distingue par ses pratiques d’emploi équitables et transparentes, le respect de ses employés, sa volonté réelle de dialogue et ses mécanismes de recours destinés à résoudre les questions touchant les nominations […]

the Government of Canada is committed to an inclusive public service that reflects the diversity of Canada’s population, that embodies linguistic duality and that is characterized by fair, transparent employment practices, respect for employees, effective dialogue, and recourse aimed at resolving appointment issues ….

 

[67] L’intimé soutient que le plaignant n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’un abus de pouvoir a eu lieu. Pour étayer cet argument, il se fonde également sur les décisions suivantes : Appleby c. Administrateur général de la Gendarmerie royale du Canada, 2021 CRTESPF 142; Clout c. Sous-ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, 2008 TDFP 22; Jarvo c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2011 TDFP 6; Mahakul c. Sous-ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités, 2011 TDFP 23; Patton c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2011 TDFP 8; Vaudrin c. Sous-ministre de Ressources humaines et Développement des compétences Canada, 2011 TDFP 19; et Visca c. Sous-ministre de la Justice, 2007 TDFP 24.

[68] L’intimé soutient que M. Mahneke a fourni une justification raisonnable relativement à sa décision d’exiger que l’une des qualifications essentielles soit le fait d’être détenteur du certificat 150 JB dans ces cas. Il avance que l’exigence relative à la transparence a été respectée, car les notifications ont été affichées avant que les nominations soient faites.

[69] Pour les motifs qui suivent, je suis d’accord.

[70] M. Mahneke a témoigné qu’il était le gestionnaire délégué responsable de la dotation des deux postes vacants en question et que c’est lui qui avait pris la décision de remplacer l’exigence relative à la certification 500 JB par celle d’avoir la certification 150 JB. Il a témoigné que sa décision avait été motivée exclusivement par les difficultés importantes en matière de dotation de postes au sein de son groupe auxquelles il était confronté au moment où les nominations ont été faites et par la nécessité qui en découlait de doter les postes vacants le plus rapidement possible. Le plaignant n’a pas contesté les difficultés relatives à la dotation que l’intimé a décrites et il n’a présenté aucun élément de preuve pour réfuter la nécessité de doter de façon urgente les postes vacants. En fait, il a corroboré ces aspects de la preuve en reconnaissant qu’il savait que des postes étaient vacants et en se disant d’avis que le niveau de certification aurait dû être modifié depuis longtemps, en réponse à ces difficultés.

[71] M. Mahneke et le plaignant ont tous deux convenu que le fait de détenir le certificat 150 JB était suffisant pour exploiter les bateaux remorqueurs de plus petite taille. M. Mahneke a déclaré qu’il aurait modifié le niveau de certification nécessaire bien avant, mais que les anciens cadres supérieurs n’étaient pas favorables à une telle modification. Il a déclaré que, après le départ à la retraite de certains cadres supérieurs en 2018, il a enfin eu l’occasion de faire cette modification. Ce témoignage est conforme à la preuve présentée par le plaignant au sujet des discussions qu’il a eues avec les anciens cadres supérieurs et de la réticence de ces derniers à modifier l’exigence relative au niveau de certification, et ce malgré ses nombreuses tentatives de rallier ces derniers à son point de vue.

[72] M. Mahneke et le plaignant ont tous les deux témoigné qu’un poste de niveau SO-04 avait été doté en 2015 sur la base de la détention du certificat 150 JB et que cette démarche avait été un succès. M. Mahneke a déclaré qu’il s’était servi de cet exemple pour étayer son argument selon lequel il fallait modifier les qualifications essentielles dans le cadre des processus de nomination.

[73] M. Mahneke a témoigné qu’il n’avait aucun contrôle quant au moment auquel les mesures de dotation seraient prises, car l’approbation devait provenir des responsables à l’échelle de la base. Cependant, il a déclaré qu’il voulait agir le plus rapidement possible après avoir reçu l’approbation de doter les deux postes vacants, et ce en raison des grandes difficultés auxquelles il était confronté sur le plan de la main-d’œuvre. Ce témoignage n’a pas été contesté.

[74] M. Mahneke a témoigné qu’il ignorait que le plaignant avait un plan de formation. Il a dit avoir travaillé avec le plaignant à deux reprises et il a parlé de ce dernier de manière favorable. Il a déclaré qu’il aurait [traduction] « sans aucun doute » promu le plaignant si ce dernier avait possédé les qualifications voulues. Le plaignant n’a fourni aucune preuve pour contester ces affirmations. En fait, son témoignage allait dans le même sens, car il avait convenu que la relation de travail qu’il avait eue avec M. Mahneke avait été positive. Le plaignant a également témoigné qu’il a été promu à un poste de niveau SO-04 après avoir obtenu la certification 150 JB et satisfait aux qualifications essentielles relatives à ce poste.

[75] Compte tenu de cela ainsi que de l’ensemble de la preuve, j’estime que rien n’indique que la décision de M. Mahneke de modifier les qualifications essentielles relatives aux postes à doter était motivée par toute considération autre que sa volonté de procéder rapidement, vu le grave manque de main-d’œuvre auquel il était confronté.

[76] Bien que je puisse certainement comprendre la situation dans laquelle le plaignant s’est retrouvé, rien n’indique qu’il y a eu de la mauvaise foi ou qu’un acte répréhensible a été commis, contrairement à ce que son représentant a fait valoir.

[77] À l’instar des conclusions tirées dans Appleby, j’estime que l’intimé a exercé son pouvoir discrétionnaire conformément aux objectifs énoncés dans le préambule de la LEFP, car il a agi de manière équitable et transparente en affichant les notifications avant de faire les nominations. Les notifications ont permis au plaignant d’avoir une rencontre avec M. Mahneke avant que ce dernier ne fasse les nominations. Au cours de cette rencontre, le plaignant a pu faire part de ses préoccupations à M. Mahneke. Pour sa part, M. Mahneke a agi à bon droit en faisant les nominations, compte tenu de son avis selon lequel il devait agir de manière urgente.

[78] Il convient également de souligner que le plaignant n’a pas contesté le fait qu’il n’était pas détenteur du certificat 500 JB à l’époque où les processus de nomination se sont déroulés. Par conséquent, il n’aurait pas été admissible à poser sa candidature en vue d’obtenir l’un des postes en question, et ce même si l’intimé avait décidé de doter ces derniers sur la base de l’ancienne certification, à savoir la certification 500 JB.

[79] Par conséquent, la preuve n’étaye pas une conclusion selon laquelle la décision de l’intimé de modifier les qualifications essentielles dans le cadre des processus de nomination constituait un abus de pouvoir.

B. Question no 2 – Allégation d’abus de pouvoir dans le choix du processus (non annoncé)

[80] L’article 33 de la LEFP prévoit qu’il est possible, en vue d’une nomination, d’avoir recours à un processus de nomination annoncé ou à un processus de nomination non annoncé.

[81] Selon l’alinéa 77(1)b) de la LEFP, le plaignant peut déposer une plainte devant la Commission si, à son avis, l’intimé a commis un abus de pouvoir en décidant d’avoir recours à un processus de nomination non annoncé au lieu d’un processus de nomination annoncé.

[82] La possibilité d’avoir recours à un processus de nomination annoncé ou à un processus de nomination non annoncé étant expressément reconnue dans la LEFP, l’intimé jouit d’un pouvoir discrétionnaire considérable à cet égard (voir Clout).

[83] Encore une fois, le fardeau de la preuve incombait au plaignant; ce dernier devait donc établir, selon la prépondérance des probabilités, que l’intimé a commis un abus de pouvoir en exerçant le pouvoir discrétionnaire que lui confère l’article 33 de la LEFP (voir Tibbs).

[84] Le représentant du plaignant fait valoir que la décision d’avoir recours à un processus de nomination non annoncé constituait un abus de pouvoir en raison d’un manque de transparence, ce qui est contraire au préambule de la LEFP ainsi qu’à la politique, aux lignes directrices et au guide de l’intimé en matière de nominations.

[85] Le représentant du plaignant renvoie, à cet égard, au témoignage de M. Mahneke selon lequel il devait doter un certain nombre de postes vacants et qu’il a décidé que le recours à un processus de nomination non annoncé était la façon la plus rapide de procéder, car il avait été informé qu’un processus annoncé pouvait prendre jusqu’à un an avant d’aboutir à une nomination. Le représentant du plaignant soutient qu’aucune preuve concrète établissant la raison pour laquelle un processus annoncé aurait pu s’étendre sur toute une année n’a été présentée.

[86] Le représentant du plaignant se fonde sur Tibbs pour faire valoir que l’intimé a commis un abus de pouvoir au motif qu’il a exercé son pouvoir délégué sur la base de renseignements non pertinents ou erronés. Il avance qu’aucune preuve n’établit qu’il aurait fallu 12 mois pour doter les postes vacants.

[87] Le représentant du plaignant soutient aussi que ce que M. Mahneke a déclaré dans son témoignage est sans importance, car l’intimé est le MDN et que, par conséquent, c’est l’ensemble des actes commis par les gestionnaires du MDN qui constitue l’abus de pouvoir. Il avance que la présente affaire pourrait fort bien en être une dans laquelle la main droite ignorait ce que faisait la main gauche. Il fait valoir qu’il se peut que M. Mahneke n’ait pas été au courant des déclarations qu’on avait faites au plaignant. Cependant, le gestionnaire délégué était M. Singh, et lui, il le savait. Enfin, le représentant du plaignant soutient que le fait que les nominations aient été faites en secret constituait un abus de pouvoir.

[88] Le représentant du plaignant se fonde sur les principes énoncés par la Cour d’appel fédérale dans Bergey c. Canada (Procureur général), 2017 CAF 30, pour faire valoir que la Commission doit examiner les plaintes non seulement du point de vue de l’intimé, mais également du point de vue du plaignant. Il avance que même si Bergey portait sur une affaire disciplinaire, les mêmes principes devraient être appliqués au présent cas. Voici les passages pertinents de Bergey :

[…]

[55] Au sujet des mesures disciplinaires déguisées, l’arbitre a cité un passage des motifs de la Cour fédérale dans la décision Frazee qui expose selon elle les principes applicables pour décider si les mesures d’un employeur qui sont attaquées constituent des mesures disciplinaires déguisées. En appliquant ces principes, cependant, l’arbitre a tenu compte uniquement de l’intention de l’employeur et n’a pas pris en compte les répercussions de la décision sur Mme Bergey, comme l’enseigne la jurisprudence. De plus, l’arbitre, en concluant à l’inexistence d’une intention d’imposer une sanction disciplinaire, a examiné l’intention subjective des membres de la GRC qui ont pris les décisions ayant eu des répercussions sur Mme Bergey et a retenu la prétention de l’employeur selon laquelle il lui était permis de décider de licencier pour des motifs disciplinaires ou liés à la sécurité dans tous les cas où l’inconduite peut emporter une conséquence disciplinaire ou non. L’arbitre a exposé les facteurs pertinents à prendre en compte lorsqu’il s’agit de décider si les mesures prises par la GRC constituaient des mesures disciplinaires déguisées, dans ces termes au paragraphe 838 de sa décision :

[…] L’employeur ne pouvait s’appuyer sur le processus d’examen de sécurité simplement pour éviter l’arbitrage pour avoir imposé une mesure disciplinaire à un employé. S’il n’a aucune préoccupation valable au sujet de la cote de fiabilité de la GRC d’un employé, il n’est pas correct de la révoquer.

[56] L’arbitre a conclu à l’absence d’une intention subjective de discipliner Mme Bergey, car la révocation avait été ordonnée par le surintendant principal Lanthier, qui ne connaissait pas Mme Bergey et ne la supervisait pas. Elle a également souligné que le surintendant principal Lanthier n’avait pas été influencé ou dupé par le surintendant Morris et que ce dernier croyait de bonne foi que la GRC avait des préoccupations valables en matière de sécurité qui justifiaient le licenciement de Mme Bergey. En conséquence, l’arbitre a conclu à l’absence de mesures disciplinaires déguisées et rejeté les griefs.

[…]

[78] De plus, dans le cadre de son examen de la question des mesures disciplinaires déguisées, l’arbitre s’est attachée déraisonnablement et presque exclusivement à l’absence de mauvaise foi de la part de l’employeur ayant enclenché le processus d’examen de la sécurité et ayant fini par révoquer la cote de fiabilité de Mme Bergey. Or, la jurisprudence mentionnée plus haut nous enseigne que l’intention subjective de l’employeur n’est pas concluante lorsqu’il s’agit de décider s’il a pris ou non une mesure disciplinaire déguisée. Ainsi, la conviction de bonne foi, mais erronée de l’employeur qu’il ne prend pas une décision disciplinaire n’est pas concluante. Il faut que l’arbitre évalue objectivement les faits survenus. Plusieurs facteurs, en plus de la bonne foi de l’employeur, sont pertinents […]

[…]

 

[89] Le plaignant s’est également fondé sur Silke c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2010 TDFP 9.

[90] L’intimé nie que de quelconques faits dans la présente affaire étayeraient une conclusion selon laquelle un abus de pouvoir a eu lieu. Il invoque les mêmes faits sur lesquels il s’est fondé dans la section précédente pour justifier sa décision. Pour étayer ses arguments, il se fonde également sur D’Almeida c. Gendarmerie royale du Canada, 2020 CRTESPF 23; Jarvo; Robbins c. Administrateur général de Service Canada, 2006 TDFP 17; Tibbs; et Lysak c. Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, 2019 CRTESPF 51.

[91] J’estime que l’analyse qui a été faite dans Jarvo est particulièrement pertinente. Elle consiste en un examen détaillé de l’équilibre à atteindre entre le droit de l’intimé d’avoir recours à un processus non annoncé et l’obligation qui lui incombe de veiller à ce que l’équité et la transparence soient respectées. Les passages suivants, quoique longs, se rapportent directement à la question en litige dans la présente affaire :

[…]

25 L’article 33 de la LEFP stipule clairement qu’il est permis d’avoir recours à un processus de nomination non annoncé. La LEFP n’accorde aucune préférence aux processus annoncés par rapport aux processus non annoncés.

26 Dans ses Lignes directrices en matière de nomination, la CFP définit l’équité, la transparence, l’accessibilité et la représentativité comme valeurs directrices pour les gestionnaires investis de pouvoirs de nomination. En l’espèce, les allégations se rapportent à l’équité, à la transparence et à l’accessibilité. Par conséquent, le Tribunal examinera ces valeurs dans les présents motifs.

27 Selon les Lignes directrices en matière de nomination de la CFP, un processus est transparent lorsque les renseignements concernant les stratégies, les décisions, les lignes directrices et les pratiques sont communiqués ouvertement et en temps opportun. Le Tribunal souligne que, dans le cadre d’un processus de nomination non annoncé, les mesures qui contribuent à la transparence comprennent la notification aux employés, la possibilité de discuter de façon informelle avec le responsable au sujet des raisons justifiant la décision et l’examen du processus au moyen d’un recours au Tribunal (voir, par exemple, Morris).

28 Aux termes des Lignes directrices en matière de nomination, une décision de nomination équitable est prise de façon objective et est exempte d’influence politique et de favoritisme personnel. Toujours selon les lignes directrices, les pratiques doivent témoigner d’un juste traitement des personnes. Cette définition signifie que, dans le contexte de la dotation à la fonction publique, la valeur d’équité ne peut être évaluée du point de vue restrictif d’une seule personne. Pour prendre des décisions de nomination objectives, les gestionnaires délégataires doivent tenir compte de plusieurs perspectives et chercher à concilier des intérêts souvent incompatibles lorsqu’il s’agit d’étudier les différentes possibilités qui s’offrent à eux pour doter un poste. En d’autres termes, les gestionnaires doivent évaluer l’équité selon différentes perspectives, tout en sachant qu’il est peu probable que leur décision paraisse équitable aux yeux de tous.

29 En ce qui a trait à l’accessibilité, le préambule de la LEFP fait état d’une fonction publique dont les membres sont issus de toutes les régions du pays. Toutefois, la LEFP n’exige pas que l’accessibilité soit respectée pour toutes les nominations à la fonction publique. L’article 29 autorise les processus de nomination internes, qui sont limités aux personnes déjà employées à la fonction publique. L’article 34 autorise des processus de nomination à accès encore plus restreint, notamment en fonction du lieu de résidence ou de travail d’une personne.

[…]

32 Ni la LEFP, ni les Lignes directrices en matière de nomination de la CFP ne garantissent à un employé le droit d’accès à toutes les possibilités d’emploi. La CFP encourage d’ailleurs expressément les gestionnaires à utiliser leur jugement et leur marge de manœuvre pour ce qui est de l’accessibilité et des décisions de nomination.

[…]

 

[92] Je suis d’avis qu’il faut tirer la même conclusion dans le présent cas. En effet, pour les motifs exposés dans la section précédente, j’estime qu’aucune preuve n’établit que la décision de M. Mahneke d’avoir recours à un processus de nomination non annoncé a été motivée par toute considération autre que sa volonté de doter les postes SO-04 vacants de façon urgente, vu les graves problèmes de main-d’œuvre auxquels il était confronté.

[93] J’estime que l’intimé a rempli l’obligation qui lui incombait d’exercer son pouvoir discrétionnaire de manière équitable et transparente, et ce conformément au préambule de la LEFP et à sa politique, ses lignes directrices et son guide en matière de nominations. C’est ce qu’il a fait en affichant les notifications avant de faire les nominations et en fournissant au plaignant l’occasion de lui faire part de ses préoccupations avant de prendre ses décisions au sujet des nominations.

[94] Après avoir pris connaissance des préoccupations du plaignant, l’intimé aurait pu décider d’annuler l’un des processus de nomination afin de laisser le temps à ce dernier d’obtenir sa certification. Cependant, il a choisi de ne pas le faire. Il pouvait certes prendre une telle décision, et je ne vois pas en quoi il aurait commis un abus de pouvoir. Comme il a été souligné dans Jarvo, les gestionnaires délégués doivent prendre en considération plusieurs points de vue et chercher à atteindre l’équilibre parmi des intérêts parfois divergents afin de prendre des décisions objectives en matière de nominations. Dans le présent cas, la décision de ne pas doter les postes immédiatement aurait eu une incidence négative sur la capacité de la flotte auxiliaire de mener ses activités et de répondre aux besoins de la Marine royale canadienne. Cette incidence négative l’a emporté sur l’incidence négative que le plaignant a subie. Bien que cela ait été malheureux pour le plaignant, cette décision ne constituait pas un abus de pouvoir.

[95] Enfin, chose importante, le plaignant n’a pas contesté le fait qu’il ne possédait pas les qualifications essentielles du poste au moment où les processus de nomination se sont déroulés, car il n’avait pas la certification 150 JB ou la certification 500 JB. Par conséquent, le fait que les processus de nomination aient été annoncés ou non n’a aucune importance, car le plaignant ne possédait pas les qualifications essentielles de toute façon.

[96] En conséquence, la preuve ne permet pas de conclure que la décision de l’intimé d’avoir recours à un processus de nomination non annoncé constituait un abus de pouvoir.

C. Question no 3 – Crainte raisonnable de partialité

[97] Au début de l’audience, le représentant du plaignant a allégué qu’un abus de pouvoir avait eu lieu. Pour étayer cet argument, il a invoqué une crainte raisonnable de partialité vu le rôle du plaignant en sa qualité de président de deux sections locales de l’UEDN. Or, de telles allégations ne figuraient pas dans les plaintes originales ni dans les allégations détaillées qui ont été présentées devant la Commission.

[98] Le processus habituel que tout plaignant doit suivre en vue d’ajouter une nouvelle allégation est de demander et d’obtenir l’autorisation de la Commission à cet égard conformément à l’article 23 du Règlement concernant les plaintes relatives à la dotation dans la fonction publique (DORS/2006-6). Dans le présent cas, aucune demande de cette nature n’a été présentée, et l’intimé n’a pas soulevé d’objection. Néanmoins, j’ai examiné l’allégation et conclu qu’elle n’est pas fondée.

[99] Le représentant du plaignant soutient que la LEFP prévoit expressément que la partialité est une forme d’abus de pouvoir. Il fait valoir que pour établir l’existence d’une crainte raisonnable de partialité, il n’est pas nécessaire de démontrer une intention à cet égard. Il avance que le plaignant a agi à titre de président de deux sections locales de l’UEDN et qu’on ne peut pas clairement répondre à la question de savoir si cela a été à l’origine du manque de transparence des processus de nomination.

[100] Pour étayer son argument, le représentant du plaignant a renvoyé à Denny c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2009 TDFP 29, dont les passages suivants sont pertinents à mon avis :

[…]

123 L’allégation d’abus de pouvoir doit être analysée séparément, car la jurisprudence a déjà établi un critère précis concernant les allégations de partialité. Les tribunaux ont reconnu qu’il est difficile d’établir une preuve directe de partialité, et que la justice exige qu’il n’y ait aucune crainte raisonnable de partialité.

124 Le critère de la crainte raisonnable de partialité est bien établi. Il ne suffit pas de soupçonner ou de supposer qu’il y ait eu partialité : celle‑ci doit être réelle, probable ou raisonnablement évidente. Voir Robert W. Macauley et James L.H. Sprague, Practice and Procedure before Administrative Tribunals, vol. 4, Toronto, Thomson Carswell, 2004, p. 39.4.

125 Dans la décision Committee for Justice and Liberty c. L’Office national de l’énergie, [1978] 1 R.C.S. 369 à la page 394, le critère de la crainte raisonnable de partialité est défini comme suit :

[L]a crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Selon les termes de la Cour d’appel, ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, M. Crowe, consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »

[…]

[Je mets en évidence]

 

[101] L’intimé soutient que le plaignant n’a pas établi l’existence d’une crainte raisonnable de partialité. À cet égard, il se fonde sur Appleby, qui contient le passage suivant :

[58] J’estime que les éléments de preuve présentés à la Commission ne permettent pas de conclure à une crainte raisonnable de partialité. Aucune raison n’a été donnée justifiant pourquoi Mme Wild était biaisée. En outre, rien dans la preuve ne porte à croire que des actes, des erreurs ou des omissions qu’une personne raisonnable, qui étudierait la question de façon réaliste et pratique, déterminerait être biaisés, que ce soit en faveur de la personne nommée ou contre la plaignante, ont été commis.

 

[102] J’estime que la même conclusion peut être tirée dans le présent cas. Le plaignant n’a pas fourni de preuve permettant de conclure à une crainte raisonnable de partialité. Le simple fait qu’il menait des activités au sein de l’UEDN et qu’il ait mentionné que ses rapports avec la direction étaient tendus était insuffisant à cet égard. Comme il a été souligné dans Denny, il ne suffit pas de soupçonner ou de supposer qu’il y ait eu partialité : celle-ci doit être réelle, probable ou raisonnablement évidente. Or, une telle preuve n’a pas été fournie dans le présent cas.

[103] Au contraire, les rapports entre le plaignant et M. Mahneke, la personne qui a pris les décisions en matière de nominations, ont été décrits de manière favorable. Il importe également de souligner le fait que le plaignant a été nommé à un poste de niveau SO-04 après qu’il a obtenu le certificat 150 JB et satisfait aux qualifications essentielles relatives au poste.

[104] Par conséquent, je conclus que le plaignant n’a pas établi qu’un abus de pouvoir a eu lieu, car la preuve ne permet pas de conclure à une crainte raisonnable de partialité.

[105] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[106] Les plaintes sont rejetées.

Le 18 mars 2024.

Traduction de la CRTESPF

 

Audrey Lizotte,

une formation de la Commission des relations de

travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

 

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