Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a renvoyé un grief individuel à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)a) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2), alléguant que l’employeur avait violé la convention collective, y compris la clause sur les droits de la direction, et les articles 7 et 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels (L.R.C. (1985), ch. P-21) en raison d’une erreur administrative qui a entraîné le transfert de ses renseignements personnels à un autre employé – l’employeur a soulevé une objection préliminaire quant à la compétence de la Commission pour entendre le grief – il a soutenu que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas le droit de déposer un grief alléguant une violation de la clause des droits de la direction – il a également soutenu que le grief ne pouvait être déposé et renvoyé à l’arbitrage parce qu’un recours administratif de réparation existait en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels – la Commission a déterminé qu’elle avait compétence pour entendre un grief concernant une violation de la convention collective lorsque le fonctionnaire s’estimant lésé est représenté par son agent négociateur – la Commission a réservé sa décision sur la question de savoir si le fonctionnaire s’estimant lésé pouvait déposer un grief.

Objection rejetée en partie.

Contenu de la décision

Date: 20240226

Dossier: 566-02-39452

 

Référence: 2024 CRTESPF 25

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

Entre

 

Michael Hogg

fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux)

 

employeur

Répertorié

Hogg c. Conseil du Trésor (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux)

 

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant : David Olsen, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Simon Cott, agent des relations de travail

Pour l’employeur : Andréanne Laurin, avocate

Décision rendue sur la base d’un énoncé conjoint des faits et d’arguments écrits
déposés les 12 et 22 juillet et les 5 et 12 août 2022.
(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Introduction

[1] Michael Hogg, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire ») a déposé un grief au motif que la convention collective a été violée, y compris, sans toutefois s’y limiter, l’article 4 (droits de la direction) (devrait se lire l’article 5) et, y compris, sans toutefois s’y limiter, les articles 7 et 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels (L.R.C. (1985), ch. P-21) en raison du fait que ses renseignements personnels, y compris, sans toutefois s’y limiter, les soldes de congés, les renseignements du système de paye et les renseignements sur la pension, ont été transférés à un autre employé portant le même nom et employé auprès d’Industrie Canada. Il a soutenu que tous ses renseignements personnels ont été modifiés pour correspondre à ceux de l’autre Michael Hogg, employé par Industrie Canada. Par voie de mesures correctives, il souhaitait que les questions en suspens soient réglées en temps opportun, ainsi qu’une lettre officielle d’accusé de réception et des excuses sincères signées au niveau du sous-ministre ou à un niveau supérieur, et toutes les autres réparations qui s’imposent pour qu’il soit indemnisé intégralement.

[2] Le Conseil du Trésor (l’« employeur ») a soulevé une objection préliminaire concernant la compétence de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») d’entendre le grief. Les parties ont convenu de trancher l’objection par écrit. Elles ont convenu d’un énoncé conjoint des faits écrit, ainsi que de documents joints à celui-ci en tant qu’annexes, afin d’établir le fondement des arguments juridiques. Elles ont déposé des arguments écrits sur l’objection préliminaire. Dans la présente décision, la « Commission » fait référence à la présente Commission et à ses prédécesseurs.

II. L’énoncé conjoint des faits

[3] Par souci de clarté et d’exhaustivité, j’ai inclus du texte des documents figurant aux annexes lorsque l’énoncé des faits y fait référence.

[4] Le fonctionnaire a été employé par le Conseil du Trésor et par délégation de pouvoirs par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, à titre de spécialiste en approvisionnement classifié au groupe et au niveau PG-04.

[5] Le fonctionnaire était assujetti à la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») pour le groupe Vérification, commerce et achat (AV) qui a expiré le 21 juin 2018 (la « convention collective »).

[6] Au début de février 2017, le fonctionnaire a commencé à remarquer que son solde de congés semblait inexact dans le système de gestion des congés de l’employeur.

[7] Du 7 au 28 février 2017, dans le système de paye, le fonctionnaire a été incorrectement muté à un poste du ministère de l’Industrie, désigné par les parties comme Innovation, Sciences et Développement économique Canada, plutôt qu’une autre personne portant le même nom d’un autre ministère.

[8] Le 22 février 2017, le fonctionnaire n’a pas reçu sa paye. Il en a informé immédiatement son gestionnaire. Le 23 février 2017, ils ont reçu confirmation qu’un chevauchement avait été généré parce que deux employés avaient le même nom. Le gestionnaire a immédiatement amorcé des procédures pour que le fonctionnaire reçoive un paiement d’urgence et pour corriger la situation. Il a reçu ce paiement la semaine suivante.

[9] Cette erreur a entraîné la fusion ou le remplacement des renseignements personnels du fonctionnaire par ceux d’un autre employé portant le même nom dans un autre ministère. L’erreur a eu une incidence sur son solde de congés et sur ses renseignements sur la paye et la pension.

[10] L’employeur a officiellement informé le fonctionnaire de l’erreur dans une lettre du 27 juillet 2017.

[11] La lettre se lit en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

Le Secteur de la rémunération de Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC) administre la rémunération pour le gouvernement fédéral. Le 10 mai 2017, nous avons appris qu’entre le 7 février à 10 h 49 et le 28 février à 8 h 34 HNE, vous avez été incorrectement muté à un poste d’Industrie Canada, plutôt qu’une autre personne portant le même nom d’un autre ministère. Même si cela est peu probable, vos renseignements personnels ont peut-être été mis à la disposition de cette personne.

Les renseignements personnels auraient pu inclure votre nom, votre adresse, votre numéro de téléphone, votre adresse électronique, votre genre, votre date de naissance, votre date de début d’emploi et votre numéro d’assurance sociale. Nous comprenons qu’il s’agit de renseignements personnels protégés et nous tenons à vous rassurer que nous prenons cette situation très au sérieux.

Nous avons vérifié que l’autre employé avait son propre CIDP depuis 2009 et ne pouvait pas utiliser ce CIDP pour avoir accès à vos renseignements personnels. Nous avons confirmé que vous avez été de nouveau affecté au bon numéro de poste à SPAC et que l’autre personne portant le même nom n’a pas été affectée à votre numéro de poste à SPAC. Par conséquent, cette personne n’a pas eu accès à votre poste ou aux renseignements relatifs à la paye.

Les directions de la Sécurité ministérielle et de l’Accès à l’information et de la protection des renseignements personnels (AIPRP) de SPAC ont été informées de cet incident. Si vous avez des questions au sujet de cet incident, vous pouvez communiquer avec le soussigné à [numéro de téléphone caviardé], ou communiquer avec la direction de l’AIPRP de SPAC au [numéro de téléphone caviardé].

Veuillez noter qu’en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, vous avez le droit de déposer une plainte auprès du commissaire à la protection de la vie privée du Canada à l’égard de cette violation. Vous pouvez le faire en écrivant à :

Commissariat à la protection de la vie privée du Canada

[adresse caviardée]

 

[12] L’employeur a pris les mesures nécessaires pour corriger l’erreur.

[13] Le fonctionnaire a déposé un grief le 24 août 2017, alléguant que la convention collective avait été violée, y compris, sans toutefois s’y limiter, l’article 5 (droits de la direction), et que la Loi sur la protection des renseignements personnels avait été violée, y compris, sans toutefois s’y limiter, les articles 7 et 8.

[14] Le grief se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

Je dépose un grief contre le fait que la convention collective a été violée, y compris, sans toutefois s’y limiter, l’article 4 (droits de la direction), y compris, sans toutefois s’y limiter, les articles 7 et 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Le grief découle du transfert de mes renseignements personnels, y compris, sans toutefois s’y limiter : les soldes de congés, les renseignements du système de paye et les renseignements sur la pension à un autre employé portant le même nom (Michael Hogg) employé auprès d’Industrie Canada. Tous mes renseignements personnels ont été modifiés pour inclure un numéro de bureau de paye révisé, un code de ministère, un numéro de liste de paye et un numéro de CIDP qui appartiennent tous à l’autre Michael Hogg employé par Industrie Canada. À la suite du transfert de mes renseignements personnels à une autre personne d’un autre ministère, j’ai été remplacé (en tant qu’être humain) et/ou congédié, ce qui a entraîné un effet domino qui comprend, sans toutefois s’y limiter, ce qui suit :

– Soldes de congés : Tous mes soldes de congés ont été remplacés par des soldes de congés associés à l’autre employé

– Salaire : Perte de salaire à la suite du retrait du Système de la liste de paye

– Renseignements sur la pension : Les renseignements d’une autre personne (numéro de CIDP, code de ministère, bureau de paye, numéro de liste de paye) ont remplacé mes renseignements originaux associés à mes renseignements personnels et à mon avis d’adhésion au régime.

Mesure corrective demandée […]

Régler les problèmes en suspens suivants en temps opportun :

Pension – mettre à jour le profil des membres

1. Mes renseignements sur les employés indiquent « Couronne – no de CIDP [numéro caviardé] ». Il faut supprimer ces renseignements, puisqu’ils appartiennent à l’employé portant le même nom employé auprès d’Industrie Canada.

2. Mon « Avis d’adhésion au régime » indique « Bureau de paye : [numéro caviardé] ». Ces renseignements doivent être remplacés par « Bureau de paye : [numéro caviardé] », car Bureau de paye : [numéro caviardé] appartient à l’employé portant le même nom employé auprès d’Industrie Canada.

MesRHGC – demandes de congés et soldes d’absence

3. MesRHGC indiquent actuellement un employeur pour qui je n’ai jamais travaillé (agent des politiques – SAMTPE – directeur du tourisme). Il faut supprimer ces renseignements, puisqu’ils appartiennent à l’employé portant le même nom employé auprès d’Industrie Canada.

Paye – Affichage des talons de paye

4. Paye – Affichage des talons de paye Mon identité d’employé indique également « Couronne – no de CIDP [numéro caviardé] ». Il faut supprimer ces renseignements, puisqu’ils appartiennent à l’employé portant le même nom employé auprès d’Industrie Canada.

Lettre officielle d’accusé de réception et excuses sincères : (signées au niveau du sous-ministre ou à un niveau supérieur)

« Toutes les autres réparations qui s’imposent pour que je sois indemnisé intégralement. »

[…]

 

[15] Le fonctionnaire a présenté une plainte auprès du commissaire à la protection de la vie privée le 26 avril 2018 ou vers cette date, alléguant qu’Innovation, Sciences et Développement économique Canada avait contrevenu aux dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels lorsqu’il n’avait pas pris toutes les mesures raisonnables pour s’assurer que les renseignements personnels qu’il utilisait pour doter un poste étaient aussi exacts, à jour et complets que possible. La plainte a fait l’objet d’une enquête et le commissaire à la protection de la vie privée a produit un rapport dans une lettre du commissariat du 30 avril 2018. (Il convient de noter que malgré la demande de la Commission aux parties, le rapport final du commissaire n’a pas été déposé auprès de la Commission. L’employeur a informé la Commission qu’il n’avait pas le rapport et l’agent négociateur n’a pas répondu à la demande.)

[16] Le 11 octobre 2018, l’employeur a répondu au grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Après avoir fait référence au contenu du grief, la réponse indiquait en partie ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Lors de l’audition du grief, vous avez déclaré que vous ne blâmez pas le ministère ou une personne particulière, que vous comprenez que ce qui s’est produit était une erreur humaine de la part de votre ancien ministère. À la suite de cette erreur, vous avez été effectivement « congédié » dans le système, vos renseignements personnels ont été exposés et cela a une incidence sur vous, votre paye et vos avantages sociaux, ainsi que sur votre planification de la retraite. Vous avez également mentionné que vous avez présenté une plainte auprès du Commissariat à la protection de la vie privée et que vous attendiez l’issue et les recommandations et que vous étiez très préoccupé par le fait que vos renseignements soient partagés, même si Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC) a travaillé avec acharnement à corriger la situation, mais il n’en demeure pas moins que cette situation a créé un stress dans votre vie pendant au moins la dernière année et demie.

Au cours de l’audience, vous avez confirmé que la plupart des questions en suspens ont été traitées et réglées, à l’exception de l’écart entre vos crédits de congé et certaines questions en suspens que vous avez transmis à la division chargée de vos avantages sociaux et la façon dont cette situation touchera votre pension.

Vous avez également affirmé que vous devriez recevoir une certaine indemnisation financière pour le fardeau administratif que cette situation vous a causé, ainsi que pour préjudice moral.

[…]

En ce qui concerne les questions en suspens, j’ai confirmé auprès de notre équipe interne de résolution que l’écart concernant vos crédits de congé a été déterminé. En ce qui concerne les questions et renseignements en suspens dont vous avez besoin concernant votre pension, [nom caviardé], qui m’a accompagné à l’audition du grief, communiquera avec vous pour vous fournir une personne-ressource directe qui pourra vous aider à répondre à vos questions. J’ai également examiné les conclusions de votre plainte en matière de vie privée et je souligne que le Commissariat à la protection de la vie privée a conclu que votre plainte était fondée et que votre ancien employeur avait pris des mesures pour régler le problème et avait mis en place des mesures pour protéger les renseignements personnels des employés à l’avenir et qu’aucune autre recommandation n’avait été formulée.

Je trouve vraiment malheureux de constater les répercussions que la situation vous a causées et, au nom du ministère, je tiens à vous présenter mes excuses sincères à cet égard. Toutefois, je ne suis pas en mesure de vous accorder une indemnisation financière supplémentaire à cet égard, mais si vous avez engagé des dépenses liées à ces problèmes, je vous encourage vivement à vous prévaloir du processus de réclamation qui a été mis en place. Si tel est le cas, [nom supprimé] demeure à votre disposition pour vous aider dans le cadre de ce processus. Vous pouvez communiquer directement avec elle à cet égard.

Étant donné qu’un certain nombre des demandes formulées dans le grief ont été réglées, mais qu’aucune indemnité pour dommages ne vous a été accordée, j’estime que votre grief a été accueilli en partie.

Veuillez agréer, Monsieur, mes salutations distinguées.

[nom caviardé]

Sous-ministre adjoint intérimaire

[…]

 

[17] Après que le grief a été accueilli en partie au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, le fonctionnaire l’a renvoyé à l’arbitrage le 16 novembre 2018, en vertu de l’alinéa 209(1)a) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »).

III. Les arguments de l’employeur sur l’objection préliminaire

A. Aperçu

[18] La Commission n’a pas compétence pour entendre la présente affaire puisque : 1) l’article 5 de la convention collective comporte une clause générale qui n’accorde aucun droit de recours à un employé; 2) un autre recours administratif de réparation existait pour régler les événements particuliers soulevés par le fonctionnaire; 3) le grief ne satisfaisait pas aux paramètres requis, établis par la Loi, pour être renvoyé à l’arbitrage.

B. Les faits

[19] L’employeur a fait référence à l’énoncé conjoint des faits déposé auprès de la Commission le 12 juillet 2022.

C. La question en litige

[20] La Commission a-t-elle compétence pour entendre la présente affaire?

D. L’argumentation

[21] La compétence de la Commission est limitée par la Loi, et la Commission doit exercer son pouvoir dans ces limites.

1. L’article 5 de la convention collective comporte une clause générale qui n’accorde aucun droit de recours à un employé

[22] Le fonctionnaire a déposé son grief en vertu de l’alinéa 208(1)a) de la Loi, puis l’a renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)a) (section sur l’interprétation de la convention collective), citant l’article 5 de la convention collective.

[23] L’article 5 prévoit ce qui suit : « 5.01 [L’agent négociateur] reconnaît que l’Employeur retient toutes les fonctions, les droits, les pouvoirs et l’autorité que ce dernier [l’agent négociateur] n’a pas, d’une façon précise, diminués, délégués ou modifiés par la présente convention [le passage en évidence l’est dans l’original]. »

[24] Cette clause est une clause d’application générale qui n’accorde aucun droit substantiel aux employés. Les clauses d’application générale servent de guide pour interpréter les dispositions de fond.

[25] L’article 5 mentionne seulement que l’employeur retient ses droits de gestion lorsqu’ils ne sont pas expressément limités par la convention collective.

[26] Il constitue une clause générale et il n’a pas accordé au fonctionnaire le droit de déposer un grief à son égard.

2. Un autre recours administratif de réparation existait pour régler les événements particuliers soulevés par le fonctionnaire

[27] Puisqu’un autre recours administratif de réparation existait, le fonctionnaire ne pouvait pas déposer le présent grief.

[28] De plus, dans son grief, le fonctionnaire a allégué que l’employeur avait violé les articles 7 et 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels après que ses renseignements personnels ont été fusionnés avec ceux d’un employé d’un autre ministère qui porte le même nom. Toutefois, son grief ne pouvait être renvoyé à l’arbitrage en vertu de la Loi, car il existait un autre recours administratif de réparation pour régler cette situation particulière en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, dont le fonctionnaire s’est prévalu.

[29] Le libellé de la clause 34.08a) de la convention collective prévoit ce qui suit :

34.08 Sous réserve de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et conformément à ses dispositions, l’auteur du grief qui estime avoir été traité de façon injuste ou qui se considère lésé par une action quelconque ou une absence d’action de la part de l’Employeur au sujet de questions autres que celles qui résultent du processus de classification a le droit de présenter un grief de la façon prescrite par au paragraphe 34.06, sauf que :

a. dans les cas où il existe une autre procédure administrative prévue par une loi du Parlement ou établie aux termes de cette loi pour traiter de la plainte de l’auteur du grief, cette procédure doit être suivie,

et

b. dans les cas où le grief se rattache à l’interprétation ou à l’application de la présente convention collective ou d’une décision arbitrale, un employé n’a pas le droit de présenter le grief à moins d’avoir obtenu l’approbation de l’Institut et de se faire représenter par lui.

 

[30] Cette clause sert le même but que le paragraphe 208(2) de la Loi, qui prévoit ce qui suit sous la rubrique « Griefs individuels » : « Le fonctionnaire ne peut présenter de grief individuel si un recours administratif de réparation lui est ouvert sous le régime d’une autre loi fédérale, à l’exception de la Loi canadienne sur les droits de la personne. »

[31] Selon Canada (Procureur général) c. Boutilier, [2000] 3 CF 27 (C.A.), au par. 3, l’objet de cet article était le suivant :

[…] d’exclure de la procédure normale de règlement des griefs prévue sous le régime de la [Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.R.C. (1985), ch. P-35), une ancienne version de la Loi] certains sujets spécialisés qu’il estimait devoir être régis par le processus administratif instauré par la législation visant ces mêmes sujets.

 

[32] L’alinéa 29(1)a) de la Loi sur la protection des renseignements personnels confère un droit de recours pour toute personne qui allègue que les articles 7 et 8 de la Loi ont été violés. Une fois qu’une plainte a été déposée, le commissaire à la protection de la vie privée a le pouvoir d’enquêter sur cette plainte et, si elle est fondée, de formuler des conclusions et des recommandations.

[33] Le commissaire à la protection de la vie privée a également le pouvoir de demander qu’un avis soit donné des mesures prises par l’institution fédérale. Le pouvoir de déterminer si la Loi sur la protection des renseignements personnels a été violée est expressément délégué au commissaire à la protection de la vie privée. Le fonctionnaire s’est prévalu du recours sous forme de plainte en vertu de l’alinéa 29(1)a) de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[34] Par conséquent, le fonctionnaire n’avait pas le droit de présenter un grief fondé sur ses allégations ou de le renvoyer à l’arbitrage. Le paragraphe 208(2) de la Loi refuse expressément aux employés le droit de présenter un grief lorsque les allégations peuvent être traitées par un autre recours administratif.

3. Le grief ne satisfaisait pas aux paramètres requis, établis par la Loi, pour être renvoyé à l’arbitrage

[35] Par ailleurs, dans Boivin c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2009 CRTFP 98, l’arbitre de grief a examiné une allégation de violation de l’article 5 de la Loi sur la protection des renseignements personnels à la lumière du paragraphe 209(1) de la Loi. Dans la section des motifs, l’arbitre de grief a expliqué comme suit :

[…]

22 L’article 209 de la LRTFP est très clair quant aux types de griefs qui peuvent être renvoyés à l’arbitrage.

[…]

24 L’argument du fonctionnaire sur ma compétence pour la contravention à l’article 5 de la Loi sur la protection des renseignements personnels est intéressant, mais il ne tient pas. Il a peut-être le droit de présenter un grief en se fondant sur l’interprétation que le juge Noël (voir Murdoch) donne de la réparation dans la mesure où la Loi sur la protection des renseignements personnels s’applique, mais même si je devais décider qu’il peut présenter un grief parce qu’on aurait contrevenu à l’article 5 de cette loi, il ne peut pas le renvoyer à l’arbitrage, puisque son grief n’est conforme à aucun des paramètres de l’article 209 de la LRTFP […]

[…]

 

[36] Le même raisonnement doit s’appliquer dans le présent cas. Malheureusement, un ministère a commis une erreur administrative que l’employeur a dû corriger. Mais il ne constituait en aucun cas un exercice des droits de la direction. Le présent grief ne porte en aucune façon sur l’application ou l’interprétation de la convention collective comme l’exige l’alinéa 209(1)a) de la Loi. Il n’est pas non plus lié à l’une des situations énumérées aux alinéas 209(1)b), c) et d). Par conséquent, le présent grief ne correspond à aucun des paramètres établis par le paragraphe 209(1) de la Loi et la Commission n’a pas compétence pour le trancher.

E. Ordonnance demandée

[37] Pour toutes ces raisons, l’employeur demande respectueusement que son objection soit accueillie et que le grief soit rejeté pour défaut de compétence.

IV. Les arguments en réponse de l’agent négociateur relatifs à l’objection préliminaire

[38] L’argument de l’employeur était entaché d’un vice fatal concernant trois principaux égards.

[39] En premier lieu, l’employeur a soutenu que l’article 5 de la convention collective est une clause d’application générale qui, par sa nature, ne peut constituer le fondement d’un grief. L’agent négociateur a fait valoir que l’article 5 impose des obligations substantielles à l’employeur et que les manquements à cette obligation sont traités comme il se doit dans le cadre de la procédure de règlement des griefs.

[40] En deuxième lieu, l’employeur a soutenu que le grief ne peut pas faire l’objet d’un arbitrage parce que le fonctionnaire aurait pu (et l’a fait) présenter une plainte au commissaire à la protection de la vie privée. L’agent négociateur a fait valoir que le processus de plainte du commissaire à la protection de la vie privée ne peut (et ne l’a pas fait) fournir au fonctionnaire une réparation significative.

[41] En troisième et dernier lieu, l’agent négociateur a soutenu qu’aucun des cas cités par l’employeur ne s’applique aux faits du présent cas ni ne soutient sa position.

[42] L’agent négociateur a fait valoir que la question soulevée dans le grief de M. Hogg relève de la compétence de la Commission prévue par la loi et qu’elle doit être réglée par la Commission dans le cadre d’une audience complète.

A. L’article 5 ne comporte pas une clause d’application générale

[43] L’employeur a cité le paragraphe 4.23 de Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 5e édition, intitulé [traduction] « Titres, préambules et clauses d’application générale » à l’appui de la proposition selon laquelle une clause d’application générale peut servir de guide à l’interprétation, mais ne crée pas de droits ou d’obligations exécutoires. Cette affirmation est véridique, mais elle n’est pas pertinente à la question en litige parce que l’article 5 de la convention collective ne définit pas l’objet général de la convention et n’a pas non plus pour objet de servir de guide d’interprétation.

[44] Même si Brown et Beatty donnent, à juste titre, une mise en garde contre le poids excessif accordé aux titres, les faits que l’article 1 de la convention collective est intitulé « Objet de la convention » et que l’article 2 est intitulé « Interprétation et définitions » laissent certainement entendre que les clauses d’application générale et d’interprétation se trouvent ailleurs que dans l’article 5, ce qui est confirmé par le texte de la convention. L’article 1 se lit comme suit :

1.01 La présente convention a pour objet le maintien de rapports harmonieux et mutuellement avantageux entre l’Employeur, les employés et l’Institut, l’établissement de certaines conditions d’emploi concernant la rémunération, la durée du travail, les avantages sociaux et les conditions de travail générales des employés décrits dans le certificat délivré le 16 juin 1999 par la Commission des relations de travail dans la fonction publique à l’égard des employés du groupe Vérification, commerce et achat.

1.02 Les parties à la présente convention ont un désir commun d’améliorer la qualité de la fonction publique du Canada, d’appliquer des normes professionnelles et de favoriser le bien-être des employés et l’accroissement de leur efficacité afin que les Canadiens soient servis convenablement et efficacement. Par conséquent, elles sont décidées à établir, dans le cadre des lois existantes, des rapports pratiques et efficaces à tous les niveaux de la fonction publique auxquels appartiennent les fonctionnaires faisant partie de l’unité de négociation.

[Je mets en évidence]

 

[45] La clause d’application générale se trouve clairement à la clause 1.01, et la clause 1.02 est une déclaration tout aussi inopérante sur les désirs et les motivations des parties à la convention.

[46] Il ne fait aucun doute que ces clauses ne créent pas de droits ou d’obligations et qu’aucune des parties ne pourrait les invoquer comme fondement d’un grief. Elles n’ont aucun effet sur les relations des parties; au mieux, elles énumèrent certains des sujets qui pourraient être abordés dans la convention collective. Elles sont le paradigme du genre de clause générale inopérante mentionnée au paragraphe 4.23 de Brown et Beatty.

[47] L’article 5 doit être lu dans le contexte de l’ensemble de la convention collective. Non seulement sa spécificité contraste nettement avec la généralité des déclarations d’intention et de motivation de l’article 1, mais il doit aussi être lu conjointement avec l’article 6 (intitulé « Droits des employés »), qui dispose ce qui suit : « Rien dans la présente convention ne peut être interprété comme une diminution ou une restriction des droits constitutionnels ou de tout autre droit d’un employé qui sont accordés explicitement par une loi du Parlement du Canada. »

[48] Il établit expressément les limites intérieures et extérieures du pouvoir de l’employeur dans les affaires qui outrepassent la convention collective. Ensemble, ces articles décrivent clairement les relations juridiques entre les parties et ne peuvent être considérés comme redondants, superflus ou ornementaux. Ils décrivent explicitement l’attribution des droits et obligations à l’employeur et aux employés et, ce faisant, vont bien au-delà de toute simple déclaration d’objet ou de motivation.

B. La question de savoir si l’employeur s’est acquitté de ses obligations n’est pas une question de compétence

[49] L’article 5 confère clairement des droits à l’employeur et ces droits sont assortis d’obligations réciproques. La question de savoir comment ces obligations s’appliquent aux faits particuliers du grief de M. Hogg et si elles ont été respectées n’est pas une question de compétence. Au contraire, elles constituent exactement les types de questions concernant « […] l’interprétation ou l’application […] à son égard [convention collective] […] » mentionnés à l’alinéa 209(1)a) de la Loi et elles relèvent carrément de la compétence de la Commission prévue par la loi.

C. La Loi sur la protection des renseignements personnels n’a pas fourni et ne peut pas fournir une réparation au fonctionnaire

[50] Même s’il est vrai que le fonctionnaire a présenté une plainte auprès du commissaire à la protection de la vie privée, sur laquelle le commissaire à la protection de la vie privée a enquêté et qu’il a jugé fondée, aucun élément de cette plainte n’a fourni une réparation au fonctionnaire. En vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, le rôle du commissaire est plus proche de la réglementation que de la réparation, puisque le commissaire ne peut rien faire d’autre que présenter des rapports au Parlement et formuler des recommandations.

[51] Rien dans la Loi sur la protection des renseignements personnels ne permet au commissaire à la protection de la vie privée d’accorder un recours à un plaignant, et elle ne contient aucune disposition qui permet à un plaignant de demander ou de recevoir une réparation en cas de violation de ses droits. Cela contraste avec la loi fédérale sur la protection des renseignements personnels pour les entités qui ne font pas partie du secteur public, soit la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (L.C. 2000, ch. 5). Aux articles 14 à 16, elle établit un régime par lequel un plaignant peut demander des dommages-intérêts pécuniaires,
« […] notamment en réparation de l’humiliation subie ».

[52] Comme l’arbitre de grief l’a fait remarquer au paragraphe 24 de Boivin, la Cour fédérale a approuvé ce point de vue sur les limites et la caractérisation du pouvoir du commissaire à la protection de la vie privée. (L’arbitre de grief a alors conclu, pour d’autres raisons, que le grief dans ce cas n’était pas arbitrable. Comme je l’expliquerai, selon la position de l’agent négociateur, cet aspect de la conclusion de l’arbitre de grief ne s’applique pas au grief de M. Hogg.)

[53] La convention collective empêche de déposer des griefs si des réparations sont disponibles ailleurs. Même si le commissaire à la protection de la vie privée peut recevoir une plainte, enquêter sur celle-ci, déterminer si elle est fondée et rédiger un rapport et formuler des recommandations fondées sur l’enquête, il est essentiel que le pouvoir du commissaire prenne fin avant d’offrir une réparation quelconque à un plaignant. Si un processus ne permet pas d’offrir une réparation à un plaignant, il est difficile de comprendre comment ce processus pourrait être interprété comme une réparation. Un chef du service des incendies peut être en mesure d’enquêter sur un incendie et de rédiger un rapport fondé sur l’enquête, mais il incombe à un assureur ou à un tribunal de fournir une indemnisation. De même, le commissaire à la protection de la vie privée peut enquêter et rédiger des rapports, mais la réparation de la violation doit être trouvée ailleurs.

D. Les cas pouvant être distingués

[54] L’employeur a invoqué Boivin pour faire valoir qu’un grief découlant d’une violation de la Loi sur la protection des renseignements personnels n’est pas arbitrable. Toutefois, Boivin comporte un certain nombre de caractéristiques particulières qui limitent sa valeur de précédent en général et qui le distinguent en particulier du grief de M. Hogg.

[55] Dans Boivin, le fonctionnaire s’estimant lésé a soulevé trois questions distinctes, dont chacune présentant son propre problème de compétence. En ce qui concerne la question relative à la Loi sur la protection des renseignements personnels, il n’a établi aucun lien entre le grief et une disposition de la convention collective, qui se distingue de M. Hogg, qui a allégué qu’en portant atteinte à ses droits en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, l’employeur a violé la convention collective. Ainsi, M. Hogg n’a pas commis la même erreur qui a privé la Commission de compétence dans Boivin.

[56] De plus, le fonctionnaire s’estimant lésé dans Boivin a procédé sans le soutien de son agent négociateur, ce qui, à lui seul, empêcherait de renvoyer à l’arbitrage tout grief autre que celui découlant des alinéas 209(1)b) et c) de la Loi, surtout ceux liés aux mesures disciplinaires, aux rétrogradations et aux licenciements qui ne sont pas de nature disciplinaire ou aux mutations sans consentement. M. Hogg bénéficie du soutien de l’agent négociateur et, par conséquent, il n’a pas été empêché de renvoyer un grief à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)a).

[57] Le fonctionnaire s’estimant lésé dans Boivin a déposé un grief contre une violation de la Loi sur la protection des renseignements personnels sans établir un lien à une violation de la convention collective et a procédé sans le soutien de son agent négociateur. Dans le présent grief, le fonctionnaire a allégué que la violation de ses droits en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels constituait une violation des obligations de l’employeur en vertu de l’article 5 de la convention collective, et il a procédé avec le soutien de son agent négociateur. En raison de ces principales différences, Boivin ne peut pas étayer la position de l’employeur.

[58] Dans Mohammed c. Canada (Conseil du Trésor) (1998), 148 F.T.R. 260 (T.D.) et Boutilier, les griefs ont été rejetés parce que les fonctionnaires s’estimant lésés avaient accès à un recours du Tribunal canadien des droits de la personne (TCDP). Contrairement au commissaire à la protection de la vie privée, le TCDP dispose d’un pouvoir de réparation considérable. Par conséquent, le fait que la Commission n’avait pas compétence dans les cas où une réparation pouvait être obtenue devant un organisme doté de pouvoirs de réparation généraux n’a aucune incidence sur un grief comme celui de M. Hogg, dans lequel la source de réparation présumée de rechange est un organisme qui ne dispose d’aucun pouvoir de réparation.

[59] Tout comme Mohammed et Boivin, Lâm c. Conseil du Trésor (ministère de la Santé), 2008 CRTFP 101, comportait un recours possible devant le TCDP, de sorte qu’il est facile de le distinguer pour les mêmes motifs. Toutefois, il y a plus.

[60] Dans Lâm, le grief a été déposé en vertu d’un article essentiellement similaire à l’article 1 de la convention collective. Même si le libellé varie légèrement (en particulier parce que la fonctionnaire s’estimant lésée dans Lâm était représentée par l’Alliance de la Fonction publique du Canada ou l’AFPC), la clause que la Commission a reproduite au paragraphe 25 de Lâm était étonnamment semblable et fonctionnellement identique à l’article 1 (le paragraphe 25 mentionné est trouvé dans la décision de la Cour fédérale dans Canada (Procureur général) c. Lâm. 2008 CF 874 et non dans la décision de la Commission).

[61] L’agent négociateur a convenu que l’article 1 ne peut pas constituer le fondement d’un grief, mais il n’a pas déposé le grief en vertu de celui-ci. Par conséquent, Lâm n’a aucune pertinence avec l’objection de l’employeur et n’apporte aucune aide à son argumentation.

[62] L’article 1 de la convention collective en litige dans Lâm se lisait en partie comme suit :

[…]

1.01 La présente convention a pour objet d’assurer le maintien de rapports harmonieux et mutuellement avantageux entre l’Employeur, l’[AFPC] et les employé-e-s et d’énoncer certaines conditions d’emploi pour tous les employé-e-s décrits dans le certificat émis le 7 juin 1999 par la Commission des relations de travail dans la fonction publique, à l’égard des employé-e-s du groupe Services des programmes et de l’administration.

 

E. Résumé

[63] L’argument de l’employeur était fondé sur une interprétation erronée de l’article 5 de la convention collective et sur une surestimation de la capacité du commissaire à la protection de la vie privée d’accorder une réparation. De plus, les cas cités par l’employeur font référence à des circonstances qui diffèrent de façon importante et significative du présent grief, et ils ne peuvent étayer l’objection de l’employeur.

F. Ordonnance demandée

[64] Pour toutes ces raisons, l’agent négociateur demande respectueusement que l’objection préliminaire de l’employeur soit rejetée.

V. La réponse de l’employeur aux arguments de l’agent négociateur

A. L’article 5 de la convention collective comporte une clause d’application générale qui n’accorde aucun droit de recours à un employé

[65] L’employeur ne souscrit pas à l’affirmation de l’agent négociateur selon laquelle l’article 5 de la convention collective établit des obligations pour l’employeur et confère à l’employé un droit de recours. Cet article comporte une clause générale qui énonce simplement le fait que l’employeur retient « [l]es fonctions, les droits, les pouvoirs et l’autorité que ce dernier n’a pas, d’une façon précise, diminués, délégués ou modifiés par la présente convention [collective] […] ».

[66] Ces autres fonctions, droits et pouvoirs pourraient établir un certain nombre d’obligations pour l’employeur. Toutefois, ils ne sont pas inclus dans la convention collective. Il est bien établi qu’un employé peut déposer un grief dans presque toute situation liée aux conditions d’emploi de l’employé, sous réserve des restrictions établies par la Loi.

[67] Toutefois, seuls certains griefs peuvent être renvoyés à l’arbitrage, comme l’indique l’article 209 de la Loi. Par conséquent, un grief relatif aux droits de la direction qui ne sont pas expressément inclus dans la convention collective ne peut être renvoyé à l’arbitrage en tant que grief relatif à l’interprétation et à l’application de la convention.

[68] L’article 5 de la convention collective ne reconnaît que le fait que l’employeur retient son droit et sa responsabilité de gérer ses activités dans tous les aspects qui ne sont pas visés ou modifiés par la convention collective. Une analyse de chaque droit de la direction particulier serait nécessaire pour déterminer le recours approprié dont dispose un employé, le cas échéant.

B. Il n’est pas nécessaire que l’autre recours administratif offre les mêmes réparations

[69] Le fait que les réparations prévues par l’autre recours ne sont pas les recours préférés du fonctionnaire ne suffit pas à déterminer qu’il ne dispose d’aucun autre recours administratif. Il n’est pas nécessaire que l’autre recours administratif offre les mêmes réparations ou procédures que celles de la procédure de règlement des griefs, mais il doit offrir une réparation réelle, une qui est significative et tranche de manière efficace le fond du grief. Dans une situation de violation de la Loi sur la protection des renseignements personnels, la réparation pertinente consisterait à s’assurer que les renseignements personnels sont protégés et que la violation cesse, ce que le commissaire à la protection de la vie privée a le pouvoir d’assurer.

[70] Dans ses arguments, le fonctionnaire n’a pas expliqué la raison pour laquelle sa plainte au commissaire à la protection de la vie privée ne lui avait pas fourni une réparation. Il a simplement affirmé qu’il n’avait droit à aucune indemnisation. Dans le présent cas, au moment où le fonctionnaire a déposé sa plainte auprès du commissaire, l’employeur avait déjà corrigé la situation et veillé à la protection de ses renseignements personnels. Par la suite, il n’existait aucune autre réparation pertinente pour le commissaire à la protection de la vie privée, sauf une affirmation selon laquelle la plainte était fondée. Une indemnisation ne permettrait pas de trancher le fond du grief.

C. Ordonnance demandée

[71] Pour ces raisons, l’employeur demande respectueusement que son objection soit accueillie et que le grief soit rejeté pour défaut de compétence.

VI. Question en litige

[72] La Commission a-t-elle compétence pour entendre et trancher le grief, qui allègue que la convention collective a été violée, y compris, sans toutefois s’y limiter, l’article 5 (droits de la direction) et, y compris, sans toutefois s’y limiter, les articles 7 et 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels?

VII. Les faits et les dispositions pertinentes de la convention collective

[73] Les faits ne sont pas contestés.

A. Article 5, la clause relative aux droits de la direction

[74] La clause relative aux droits de la direction se lit comme suit :

[…]

Article 5 : Droits de la direction

5.01 L’Institut reconnaît que l’Employeur retient toutes les fonctions, les droits, les pouvoirs et l’autorité que ce dernier [l’agent négociateur] n’a pas, d’une façon précise, diminués, délégués ou modifiés par la présente convention.

 

[75] Le grief a été déposé en vertu de l’alinéa 208(1)a) de la Loi et a été renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)a). Le grief revendiquait en partie que la convention collective avait été violée, y compris, sans toutefois s’y limiter, la clause relative aux droits de la direction. L’employeur a soutenu que la clause relative aux droits de la direction est une clause d’application générale, qu’elle ne confère aucun droit substantiel aux employés et qu’elle sert uniquement de guide pour l’interprétation des dispositions de fond.

[76] L’agent négociateur a fait valoir que l’article 5 impose des obligations substantielles à l’employeur et que les manquements à cette obligation sont traités comme il se doit dans le cadre de la procédure de règlement des griefs. L’article confère des droits à l’employeur et ces droits sont assortis d’obligations réciproques. La question de savoir comment ces obligations s’appliquent aux faits particuliers du grief et si elles ont été respectées n’est pas une question de compétence.

[77] L’employeur a répondu que même si les droits résiduels de la direction peuvent lui conférer un certain nombre d’obligations, elles ne sont pas incluses dans la convention collective.

[78] De plus, l’employeur a soutenu que malheureusement, un ministère a commis une erreur administrative que l’employeur a dû corriger. Mais cela ne constituait en aucun cas un exercice des droits de la direction.

VIII. Analyse

[79] Les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si une clause relative aux droits de la direction contient des droits et des obligations qui peuvent faire l’objet d’un grief et si le grief peut être renvoyé à l’arbitrage en vertu de la Loi.

[80] Je renvoie les parties à la jurisprudence suivante sur cette question.

[81] Dans Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c. Pâtes & Papier Irving, Ltée, 2013 CSC 34, la Cour suprême du Canada a résumé la jurisprudence arbitrale et judiciaire concernant les clauses relatives aux droits de la direction, si elles contiennent des droits et des obligations et si ces clauses peuvent faire l’objet d’un grief et si ce grief peut être renvoyé à l’arbitrage dans le cadre d’un cas dans lequel elle devait déterminer si un employeur avait exercé de manière valide ses droits de la direction en vertu d’une convention collective lorsqu’elle a imposé unilatéralement une politique de tests aléatoires obligatoires de dépistage d’alcool à ses employés.

[82] Dans Association des juristes de justice c. Canada (Procureur général), 2017 CSC 55, la Cour suprême du Canada a entendu un appel de la Cour d’appel fédérale d’une décision d’un arbitre de grief de la Commission concernant une directive obligeant les employés du gouvernement fédéral à effectuer des quarts après les heures normales de travail qui a été adoptée en vertu d’une clause relative aux droits de la direction. La Cour a conclu que la décision de l’arbitre de grief selon laquelle la directive contrevenait à la convention collective était raisonnable et son ordonnance enjoignant à l’employeur de cesser d’appliquer la directive devrait être rétablie.

[83] Ces décisions précisent qu’il est établi depuis longtemps que les règles adoptées unilatéralement dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la direction en vertu d’une convention collective doivent être conformes à la convention.

[84] Dans le présent cas, il est allégué en partie dans le grief que la convention collective avait été violée, y compris, sans toutefois s’y limiter, la clause relative aux droits de la direction. De toute évidence, selon la jurisprudence, la Commission a compétence pour décider si l’employeur a contrevenu à la convention collective. De plus, la question de savoir si les faits en litige sont visés par la portée de la clause relative aux droits de la direction relève de la compétence de la Commission, puisqu’il s’agit de l’interprétation et de l’application de la convention collective.

IX. Contravention alléguée de la Loi sur la protection des renseignements personnels

[85] L’employeur soutient également qu’en ce qui a trait à la contravention alléguée de la Loi sur la protection des renseignements personnels, il existe une autre procédure de recours administratif de réparation en vertu de cette loi qui empêcherait l’employé de présenter un grief individuel en vertu des dispositions du paragraphe 208(2) de la Loi.

A. Les arguments des parties

[86] L’employeur a soutenu que la demande de dommages du fonctionnaire, qui était fondée sur sa violation alléguée des articles 7 et 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, ne pouvait pas être renvoyée à l’arbitrage en vertu de la Loi, car il existait une autre procédure administrative de réparation en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, dont il s’est prévalu.

[87] L’employeur a invoqué la clause 34.08a) de la convention collective, qui crée une exception au droit de l’employé de présenter un grief. Il a également invoqué le paragraphe 208(2) de la Loi, qui prévoit qu’un fonctionnaire ne peut présenter de grief individuel si un recours administratif de réparation lui est ouvert sous le régime d’une autre loi fédérale, à l’exception de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H-6; LCDP).

[88] L’employeur a soutenu que l’alinéa 29(1)a) de la Loi sur la protection des renseignements personnels confère un droit de recours pour toute personne qui allègue que les articles 7 et 8 de cette loi ont été violés. Le commissaire à la protection de la vie privée a le pouvoir d’enquêter sur une plainte et, si elle est fondée, de formuler des conclusions et des recommandations. Le pouvoir de déterminer si la Loi sur la protection des renseignements personnels a été violée est expressément délégué au commissaire.

[89] Par conséquent, le fonctionnaire n’avait pas le droit de présenter un grief ou de le renvoyer à l’arbitrage.

[90] Subsidiairement, en invoquant Boivin c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2009 CRTFP 98, l’employeur a soutenu que même si la Commission statue que le fonctionnaire aurait pu déposer un grief fondé sur une contravention de la Loi sur la protection des renseignements personnels, il n’aurait pas pu le renvoyer à l’arbitrage, car il n’aurait répondu à aucun des paramètres prévus à l’article 209 de la Loi puisqu’il n’aurait eu aucun lien à l’application ou à l’interprétation de la convention collective. Il n’est pas non plus lié à l’une des situations énumérées aux alinéas 209(1)b), c) et d).

[91] L’agent négociateur a fait valoir que le processus de plainte du commissaire à la protection de la vie privée ne peut pas fournir au fonctionnaire une réparation significative et ne l’a pas fait et qu’aucune jurisprudence invoquée par l’employeur ne s’applique aux faits du cas ni n’étaye sa position.

[92] Même s’il est vrai que le fonctionnaire a présenté une plainte auprès du commissaire à la protection de la vie privée, sur laquelle celui-ci a enquêté et qu’il a jugé fondée, aucun élément de cette plainte ne lui a fourni une réparation.

[93] En vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, le rôle du commissaire à la protection de la vie privée est plus proche de la réglementation que de la réparation. Même si le commissaire peut recevoir une plainte, enquêter sur celle-ci, déterminer si elle est fondée et rédiger un rapport et formuler des recommandations fondées sur l’enquête, il est essentiel que le pouvoir du commissaire prenne fin avant d’offrir un recours quelconque à un plaignant.

[94] La décision Boivin peut être distinguée, car le fonctionnaire s’estimant lésé dans ce cas a déposé un grief contre une violation de la Loi sur la protection des renseignements personnels sans établir un lien à une violation de la convention collective et a procédé sans le soutien de l’agent négociateur. Dans le présent grief, le fonctionnaire a allégué que la violation de ses droits en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels constituait une violation des obligations de l’employeur en vertu de l’article 5 de la convention collective, et il a procédé avec le soutien de l’agent négociateur.

[95] L’employeur a répondu en affirmant que même si les réparations prévues par l’autre recours n’étaient pas les recours préférés du fonctionnaire, cela ne suffit pas à déterminer qu’il ne disposait d’aucun autre recours administratif. Il n’est pas nécessaire que ce recours offre les mêmes réparations ou procédures que celles de la procédure de règlement des griefs, mais il doit offrir une réparation réelle, une qui est significative et tranche de manière efficace le fond du grief.

[96] Dans une situation de violation de la Loi sur la protection des renseignements personnels, la réparation pertinente consisterait à s’assurer que les renseignements personnels sont protégés et que la violation a cessé, ce que le commissaire à la protection de la vie privée a le pouvoir d’assurer.

[97] Lorsque le fonctionnaire a présenté sa plainte, l’employeur avait déjà corrigé la situation et veillé à la protection de ses renseignements personnels. Le commissaire à la protection de la vie privée n’aurait pu offrir aucune autre réparation pertinente, sauf une affirmation selon laquelle la plainte était fondée.

B. Conclusion

[98] Le fonctionnaire allègue que la violation de la Loi sur la protection des renseignements personnels constitue une violation des obligations de l’employeur en vertu de la convention collective et que, contrairement à la situation factuelle dans Boivin, il a procédé avec le soutien de l’agent négociateur.

[99] Il est clair que la Commission a compétence pour entendre et trancher un grief relatif à l’interprétation et à l’application de la convention collective si le fonctionnaire a le soutien de l’agent négociateur.

[100] Par conséquent, je conclus que, puisque la Commission a compétence pour interpréter et appliquer la convention collective, elle a compétence pour déterminer si les questions soulevées dans le présent grief constituent une violation de la convention collective. La Commission prend en délibéré sa décision sur la question de savoir si le fonctionnaire avait été empêché de présenter un grief parce qu’il n’existait aucune autre procédure administrative de réparation au sens du paragraphe 208(2) de la Loi.

[101] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


X. Ordonnance

[102] L’objection de l’employeur relative à la compétence de la Commission d’entendre et de trancher le grief est rejetée en partie.

[103] Le grief sera renvoyé au greffe de la Commission pour être mis au calendrier pour une audience sur le fond.

Le 26 février 2024.

Traduction de la CRTESFP

David Olsen,

une formation de la Commission des relations de

travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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