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Date: 20240213

Dossier: 566-02-12916

 

Référence: 2024 CRTESPF 18

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

ANGELA Walker

fonctionnaire s’estimant lésée

 

et

 

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL

(ministère de l’Environnement)

 

défendeur

Répertorié

Walker c. Administrateur général (ministère de l’Environnement)

 

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant : Ian R. Mackenzie, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée : Michael Fisher, avocat

Pour le défendeur : Pierre Marc Champagne et Joel Stelpstra, avocats

Affaire entendue par vidéoconférence
du 15 au 19 novembre 2021, du 20 au 22 et du 25 au 27 avril, les 17 et 18 mai, les 13 et 14 septembre, les 1ᵉʳ, 2, 9, 10, 16 et 18 novembre et les 15 et 16 décembre 2022 et le 24 janvier, le 27 février, du 14 au 16 mars, les 5 et 6 avril, les 2 et 3 mai et le 22 juin 2023.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

 

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1] Angela Walker, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), était gestionnaire des opérations à Environnement et Changement climatique Canada (l’« employeur » ou le « ministère »). Elle a été licenciée le 1er octobre 2015. La Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») a rendu une décision en 2018 à l’égard du grief qu’elle avait déposé contre son licenciement (2018 CRTESPF 78; la « décision de 2018 »). Une demande de contrôle judiciaire de cette décision a été accordée par la Cour d’appel fédérale; voir Walker c. Canada (Procureur général), 2020 CAF 44. La Cour a annulé la décision de la Commission à l’égard du grief de licenciement et l’a renvoyé à un autre membre de la Commission en vue d’un nouvel examen pour les motifs suivants :

[…]

[2] Bien que la demanderesse ait soulevé plusieurs questions, je n’ai à examiner que l’une d’entre elles, à savoir l’affirmation selon laquelle la décision de la Commission est déraisonnable, car celle-ci n’a pas répondu à l’un des principaux arguments avancés par la demanderesse selon lequel sa crainte réelle à l’égard d’un subalterne était une circonstance atténuante que la Commission était tenue de prendre en considération.

[…]

[10] En l’espèce, la prétendue crainte de la demanderesse à l’égard de son subalterne a joué un rôle central et a été fondamentale pour sa défense. Cette crainte était également directement liée aux questions que la CRTESPF était tenue de trancher et aurait pu modifier l’issue du grief de licenciement. Par conséquent, le fait que la Commission n’ait pas examiné si cette crainte constituait une circonstance atténuante rend sa décision sur le grief de licenciement déraisonnable, car il est impossible de discerner dans la décision quel poids aurait été attribué à ce facteur par la Commission, si elle l’avait examiné.

[…]

 

[2] Je ne suis pas lié par les conclusions de la Commission rendues dans la décision de 2018, même si j’ai fait référence à certains des éléments de preuve résumés de l’audience qui a eu lieu en 2017 et en 2018 (l’« audience de 2018 »).

[3] La décision de 2018 rejetait également la plainte de Mme Walker selon laquelle son licenciement constituait des représailles pour une plainte qu’elle avait déposée en vertu du Code canadien du travail (L.R.C. (1985), ch. L-2). Cette décision de la Commission n’a pas été incluse dans la demande de contrôle judiciaire et je ne suis pas saisi de cette partie de la décision de la Commission.

II. Questions préliminaires

[4] Avant la fin de la production des éléments de preuve à l’audience, l’avocat de l’employeur, Pierre Marc Champagne, a été nommé commissaire à temps plein de la Commission à compter du 13 mars 2023. Lui et la présente formation de la Commission n’ont eu aucune discussion au sujet du présent grief au-delà des réunions de gestion des cas et de sa défense à l’audience à titre d’avocat, toutes les deux faites en présence du représentant de la fonctionnaire et qui ont toutes eu lieu avant sa nomination à la Commission.

[5] Les parties ont été invitées à fournir les déclarations écrites des témoins que chacun a confirmées sous serment au début de son témoignage. Ces témoins se sont ensuite vu poser des questions supplémentaires par l’avocat et ont été contre‑interrogés au sujet de ces déclarations, et ils ont témoigné davantage. J’ai autorisé l’employeur à citer à témoigner trois autres témoins sans fournir de déclarations de témoins parce que la nature de leur témoignage était connue avant qu’ils ne témoignent.

[6] Au moment de son licenciement, la fonctionnaire était employée à Vancouver, en Colombie-Britannique. Selon la pratique normale de la Commission, Vancouver serait désigné comme le lieu d’audience. Toutefois, l’audience a commencé en novembre 2021, alors que toutes les audiences de la Commission étaient tenues par vidéoconférence en raison des restrictions liées à la pandémie de COVID-19. En février 2023, l’employeur a demandé que le reste de l’audience soit tenu en personne, conformément à la politique révisée de la Commission sur la mise au rôle des audiences, après la levée des restrictions liées à la pandémie. La fonctionnaire s’y est opposée. J’ai rendu la décision suivante le 15 mars 2023 :

[Traduction]

L’employeur a demandé que les dates d’audience restantes […] soient fixées en personne à Vancouver, en Colombie-Britannique. La fonctionnaire s’oppose à cette demande. Le commissaire rejette la demande.

La grande partie des éléments de preuve dans le présent grief a été entendue virtuellement, en raison des restrictions liées à la Covid. Si l’audience avait commencé en 2023, elle aurait été mise au rôle en vue d’une audience en personne, conformément à la politique de la Commission mise en œuvre en 2023. Toutefois, étant donné que tous les témoins de l’employeur ont témoigné virtuellement et que le principal témoin de la fonctionnaire (elle-même) a témoigné virtuellement, il n’y a aucun avantage à changer le mode d’audience à ce stade. L’employeur s’est fondé, en partie, sur l’évaluation de la crédibilité pour justifier une audience en personne. La crédibilité était un aspect clé du témoignage des témoins de l’employeur, ainsi que du témoignage de la fonctionnaire, qui ont tous été présentés par vidéo. Les tribunaux ont généralement reconnu que la crédibilité et la fiabilité peuvent être évaluées aussi efficacement par vidéo qu’en personne (voir R. v. McLaughlin, 2022 YKSC 17, au par. 13 et R. c. J.L.K., 2023 BCCA 87, au par. 51). Changer le mode d’audience à la présente étape tardive en se fondant sur l’évaluation de la crédibilité laisserait entendre qu’il existait des préoccupations quant à la capacité du commissaire à évaluer la crédibilité des témoins qui avaient déjà témoigné. Il n’y a aucune raison de supposer que c’est le cas et, par conséquent, l’évaluation de la crédibilité n’est pas une raison valable pour fixer des dates de continuation en personne.

L’autre raison invoquée par l’employeur pour justifier une audience en personne est l’efficacité. Étant donné le nombre de témoins qu’il reste à entendre et les difficultés pour fixer les dates de témoignage des autres témoins, il est probablement aussi efficace, voire plus efficace, de poursuivre l’audience virtuellement. Il aurait certainement été plus efficace d’entendre les témoins de l’employeur et la fonctionnaire en personne, compte tenu de la durée de la grande partie de ces témoignages. Toutefois, le témoignage des autres témoins ne semble pas aussi long. Les gains d’efficience seraient minimes si les autres témoins étaient entendus en personne, compte tenu du coût considérable que représente pour le contribuable et l’avocat de la fonctionnaire le fait de se rendre à Vancouver.

[…]

 

A. Ordonnance de mise sous scellés

[7] La fonctionnaire a produit des déclarations de revenus de 2016 à 2021 concernant ses efforts d’atténuation. J’ai ordonné que ces documents soient mis sous scellés (pièce G-3, onglets 4d) et 6).

[8] La Cour suprême du Canada a énoncé le critère applicable aux ordonnances de confidentialité et de mise sous scellés dans Sherman (Succession) c. Donovan, 2021 CSC 25, au paragraphe 38, de manière à exiger que la partie qui demande une ordonnance de confidentialité établisse que 1) la publicité des débats judiciaires pose un risque sérieux pour un intérêt public important; 2) l’ordonnance sollicitée est nécessaire pour écarter ce risque sérieux pour l’intérêt cerné, car d’autres mesures raisonnables ne permettront pas d’écarter ce risque; et 3) du point de vue de la proportionnalité, les avantages de l’ordonnance l’emportent sur ses effets négatifs.

[9] La protection des renseignements des contribuables canadiens constitue un intérêt public important. L’article 241 de la Loi de l’impôt sur le revenu (L.R.C. (1985), ch. 1 (5suppl.)) prévoit notamment qu’il est interdit à un fonctionnaire ou autre représentant d’une entité gouvernementale « […] de fournir sciemment à quiconque un renseignement confidentiel ou d’en permettre sciemment la prestation; » (al. 241(1)a)), « […] de permettre sciemment à quiconque d’avoir accès à un renseignement confidentiel; » (al. 241(1)b)) ou « […] d’utiliser sciemment un renseignement confidentiel en dehors du cadre de l’application ou de l’exécution de la présente loi, […] » (al. 241(1)c)). La Loi de l’impôt sur le revenu prévoit la définition suivante d’une entité gouvernementale : « conseil ou commission […] qui exerce une fonction gouvernementale ou municipale, selon le cas, d’ordre administratif ou réglementaire […] » (par. 241(10)).

[10] Il n’existe aucune solution de rechange à une ordonnance de mise sous scellés qui serait pratique pour le présent cas. La plupart des renseignements contenus dans les documents fiscaux sont personnels, de sorte que le caviardage ne serait pas approprié.

[11] J’estime également que, du point de vue de la proportionnalité, les avantages de la protection des renseignements des contribuables l’emportent sur tout effet négatif. Les parties pertinentes des déclarations de revenus sont résumées dans la présente décision (revenu brut et revenu imposable), et aucun autre renseignement figurant dans les déclarations de revenus n’est pertinent au présent grief.

III. Résumé de la preuve

[12] Le licenciement de la fonctionnaire découlait d’interactions avec un employé subalterne, Ken Russell (le « plaignant »), qui avait déposé une plainte de harcèlement contre elle. Le plaignant faisait l’objet d’un plan de gestion du rendement pendant la période pertinente. Afin de fournir un contexte suffisant pour les allégations de harcèlement qu’il a soulevées, ainsi que les allégations d’inconduite de l’employeur, il est nécessaire de résumer les éléments de ses problèmes liés à son rendement, ainsi que les efforts déployés par l’employeur pour améliorer son rendement. Dans la présente décision, je n’exprime aucune opinion sur le bien-fondé des préoccupations relatives au rendement du plaignant soulevées par l’employeur.

[13] Le plaignant a également utilisé des expressions ou des mots désobligeants et grossiers ou blasphématoires pour faire référence à la fonctionnaire. Afin de comprendre son état d’esprit, il est nécessaire que je cite ces mots. Cependant, j’ai exclu certains des mots utilisés dans la présente décision en raison de leur caractère obscène.

[14] J’ai d’abord énoncé les motifs invoqués par l’employeur dans sa décision de licencier la fonctionnaire. Il s’agit des motifs énoncés dans la lettre de licenciement du 1ᵉʳ octobre 2015. Linconduite alléguée de la fonctionnaire se rapporte à des allégations fondées figurant dans la plainte de harcèlement déposée contre elle et à des allégations dinconduite qui ont fait lobjet dune enquête après lachèvement de lenquête sur le harcèlement.

[15] Après avoir énoncé les motifs de licenciement énoncés dans la lettre de licenciement, je donnerai un aperçu du travail accompli par la fonctionnaire et le plaignant, ainsi que des relations hiérarchiques des personnes concernées par les événements qui ont mené au licenciement de la fonctionnaire.

[16] Je résumerai ensuite les éléments de preuve relatifs à chaque acte d’inconduite allégué, d’abord dans le cadre de l’enquête sur le harcèlement, puis dans le cadre du processus de recherche des faits. Je résumerai dans une section distincte les éléments de preuve relatifs à la crainte alléguée de la fonctionnaire pour sa sécurité personnelle. Je conclurai le résumé de la preuve par le processus de recherche des faits et les événements qui ont mené à la réunion de licenciement le 1ᵉʳ octobre 2015, ainsi que par le déroulement de cette réunion. Même si l’audience a remédié à tout vice de procédure dans le processus de recherche des faits (voir Tipple c. Canada (Conseil du Trésor), [1985] A.C.F. n818 (C.A.F.); et Davidson c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2017 CRTEFP 42, au par. 171), le résumé de la preuve est important, car il concerne la possibilité pour la fonctionnaire d’exprimer des remords ou de reconnaître un acte répréhensible.

[17] Le plaignant a témoigné à l’audience. Une partie de son témoignage portait sur des allégations de harcèlement non fondées que l’employeur n’a pas invoquées dans sa décision de licencier la fonctionnaire. J’ai donné un aperçu des allégations non fondées uniquement pour comprendre l’état d’esprit de la fonctionnaire pendant et après l’enquête sur le harcèlement.

[18] L’une des collègues de la fonctionnaire, Deborah Portman, a également témoigné. Son témoignage portait sur l’un des motifs d’inconduite allégués. Elle a également témoigné au sujet d’autres interactions avec la fonctionnaire que l’employeur n’a pas invoquées pour licencier la fonctionnaire. Par conséquent, je n’ai pas résumé ce témoignage.

[19] Le superviseur direct de la fonctionnaire, Marko Goluza, a fourni une déclaration de témoin et a témoigné au sujet de questions qui ne constituaient pas le fondement de la décision de l’employeur de licencier la fonctionnaire et qui, par conséquent, ne sont pas pertinentes. Je n’ai donc pas résumé son témoignage non pertinent.

[20] Patrick Fraser était un agent situé à Nanaimo, en Colombie-Britannique, qui relevait de la fonctionnaire. M. Fraser a témoigné à l’audience de 2018, mais il est décédé avant que la décision de 2018 ne soit rendue. L’une des allégations d’inconduite (la violation de la confidentialité de l’enquête sur le harcèlement) concernait M. Fraser. J’ai entendu d’autres témoignages au sujet de la relation entre lui et la fonctionnaire, que je n’ai pas résumés en détail pour deux raisons : en premier lieu, il s’agissait de renseignements médicaux très personnels à son égard et, en deuxième lieu, sauf l’allégation de violation de la confidentialité, l’employeur n’a pas invoqué cette relation dans sa décision de licencier la fonctionnaire.

[21] J’ai également entendu le témoignage d’anciens collègues de la fonctionnaire au sujet de sa bonne moralité et de son professionnalisme. Ils ont également témoigné de leur volonté de travailler avec elle si elle était réintégrée. L’employeur ne s’est pas fondé sur son caractère général et son professionnalisme, sauf l’inconduite alléguée, pour décider de la licencier. Par conséquent, je n’ai pas résumé ces témoignages. Dans ses arguments finaux, l’employeur ne s’est pas opposé à la réintégration si le grief était accueilli. Par conséquent, les témoignages sur la volonté de travailler avec la fonctionnaire ne sont pas pertinents, et je ne les ai pas résumés.

A. Les motifs de licenciement

[22] Le licenciement de la fonctionnaire était fondé, en partie, sur les conclusions d’une enquête sur la plainte de harcèlement déposée contre elle menée par un tiers fournisseur de services.

[23] Dans la lettre de licenciement datée du 1ᵉʳ octobre 2015, Gordon Owen, responsable de la mise en application de la loi de la Direction générale de lapplication de la loi (la « direction générale ») de lemployeur, a déterminé que les quatre allégations fondées dans le rapport denquête sur le harcèlement satisfaisaient à la définition de « harcèlement ». Il a déclaré que les actes de la fonctionnaire [traduction] « visaient à rabaisser » le plaignant. Il a également déclaré que chacune des allégations contrevenait directement au Code de valeurs et d’éthique d’Environnement Canada et à la Politique sur la prévention des conflits et du harcèlement d’Environnement Canada.

[24] L’employeur n’a pas énuméré les quatre allégations fondées dans le rapport d’enquête sur le harcèlement dans la lettre de licenciement ni fourni d’évaluation indépendante à leur sujet. Par conséquent, elles ont été intégrées par renvoi dans la lettre de licenciement et étaient les suivantes :

1) lors d’une réunion en 2012, la fonctionnaire a fait des remarques inappropriées au plaignant et à ses collègues sur la façon dont il avait été muté au bureau de Nanaimo de l’employeur;

2) elle a exclu le plaignant d’une pratique sur le maniement d’un fusil de chasse sans fournir d’explication;

3) elle a annulé unilatéralement sa participation à un cours de sauvetage en eaux vives sans l’aviser;

4) elle l’a obligé à suivre un cours de gestion à Edmonton, en Alberta, à Saskatoon, en Saskatchewan, ou à Gatineau, au Québec, après qu’il a demandé de le suivre au moment où il était offert à Vancouver.

 

[25] La lettre de licenciement mentionnait également des actes d’inconduite allégués de la fonctionnaire pendant et après le processus d’enquête sur le harcèlement, que l’employeur considérait comme un abus de pouvoir et comme un manque de respect envers l’autorité de la direction, comme suit :

1) demander la désactivation de la carte d’accès du plaignant au bureau de Vancouver de l’employeur sans autorisation;

2) utiliser de manière inappropriée le système électronique de congés pour accéder aux dossiers de congés du plaignant alors qu’il ne relevait pas de sa supervision;

3) discuter de la plainte de harcèlement avec un témoin après qu’on lui a dit de respecter la confidentialité de l’enquête;

4) avoir fait preuve à maintes reprises d’un comportement irrespectueux envers son superviseur, notamment en faisant des déclarations publiques remettant en question son intégrité;

5) ne pas suivre les directives de la direction, ce qui constitue de l’insubordination.

 

[26] Dans la lettre de licenciement, l’employeur a également allégué que la désactivation de la carte d’accès du plaignant au bureau, ainsi que l’accès à ses dossiers de congés constituaient des actes de représailles contre lui pour avoir déposé une plainte de harcèlement contre elle.

[27] À l’audience disciplinaire, la fonctionnaire a fait part de ses préoccupations concernant les menaces que le plaignant avait proférées à l’encontre de sa sécurité personnelle. M. Owen a répondu à ses préoccupations comme suit dans la lettre de licenciement :

[Traduction]

[…]

[…] vous avez déclaré que vous estimiez que votre sécurité personnelle était menacée. Depuis le début du processus de plainte de harcèlement et jusqu’à ce jour, il n’y a eu aucun incident de violence envers vous. Afin d’assurer davantage la sécurité de votre milieu de travail, une Évaluation de la menace et des risques […] a permis de confirmer que votre sécurité n’était pas menacée et que le ministère a pris les mesures nécessaires pour assurer votre sécurité.

[…]

 

[28] La lettre de licenciement concluait que les actes d’inconduite étaient graves et qu’ils contrevenaient au Code de valeurs et d’éthique d’Environnement Canada, à la Politique sur la prévention des conflits et du harcèlement d’Environnement Canada et à la Directive 3-3-3 sur la conduite des agents de la Direction générale de l’application de la loi.

[29] Dans la lettre, M. Owen a également indiqué les facteurs aggravants [traduction] « très graves » suivants : 1) la fonctionnaire était assujettie à une norme plus élevée parce qu’elle était gestionnaire et agente de la paix, 2) son absence de remords et son refus d’assumer sa responsabilité tout au long du processus, et 3) ses comportements irrespectueux répétés envers le plaignant et la direction.

[30] Dans la lettre, M. Owen a affirmé qu’il s’était fondé sur les facteurs atténuants suivants : dossier disciplinaire vierge, la durée du service de la fonctionnaire et [traduction] « tous les autres facteurs pertinents ».

B. Le milieu de travail

[31] La fonctionnaire a commencé sa carrière auprès de la fonction publique fédérale en 1993. Elle a travaillé pendant 12 ans à ce qui est aujourd’hui l’Agence des services frontaliers du Canada. Elle y a d’abord travaillé comme agente des douanes, puis comme enquêteuse. En 2005, elle a été nommée au poste d’enquêteuse à la direction générale d’Environnement Canada, comme on l’appelait à l’époque. En 2006, elle a été nommée à un poste d’enquêteuse principale en environnement. En juin 2009, elle a commencé une affectation intérimaire à titre de gestionnaire des opérations pour le district côtier de la région du Pacifique de l’employeur. En août 2010, elle a été nommée au poste. Peu après sa confirmation à titre de gestionnaire des opérations, elle a pris un congé de maternité, revenant en septembre 2011.

[32] Le poste de gestionnaire des opérations comporte, entre autres, la direction d’une équipe d’agents d’application de la loi qui effectuent des inspections et des enquêtes pour des infractions à la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) (L.C. 1999, ch. 33) et à la Loi sur les pêches (L.R.C. (1985), ch. F-14). Le district côtier avait un bureau à Vancouver et un bureau satellite à Nanaimo sur l’île de Vancouver. Pendant la période pertinente pour le présent grief, la fonctionnaire travaillait au bureau de Vancouver. Le plaignant, M. Fraser et Jarrett Brochez étaient les agents d’application de la loi qui travaillaient au bureau de Nanaimo.

[33] La fonctionnaire avait travaillé avec M. Brochez, M. Fraser et le plaignant à plusieurs enquêtes avant sa nomination au poste de gestionnaire des opérations. Le plaignant a été muté au bureau de Nanaimo en mai 2010. M. Brochez y avait été muté en 2009.

[34] Le directeur régional de la direction générale, M. Goluza, était également situé à Vancouver. La fonctionnaire a commencé à relever de lui en 2011, à son retour de congé de maternité. Elle a témoigné qu’elle le connaissait depuis 13 ans à ce moment‑là, puisqu’ils étaient auparavant des collègues de travail. Elle a déclaré qu’ils ont continué à avoir de bonnes relations de travail lorsqu’il est devenu son superviseur.

[35] M. Goluza relevait de Margaret Meroni, la directrice générale de la direction générale, qui travaillait à l’administration centrale de l’employeur située à Ottawa, en Ontario. Mme Meroni relevait de M. Owen, responsable de la mise en application de la loi, qui était également à l’administration centrale et qui a occupé ce poste jusqu’à sa retraite en 2016.

[36] Lorsque la fonctionnaire est revenue de son congé de maternité en septembre 2011, M. Goluza lui a dit que le plaignant l’avait informé qu’il n’était pas heureux qu’elle soit sa gestionnaire. Elle a témoigné que sa relation avec le plaignant était [traduction] « boiteuse depuis le début ».

C. La plainte de harcèlement

[37] La plainte de harcèlement déposée par le plaignant comprenait, à l’origine, 24 allégations. L’enquêteuse sur le harcèlement a déterminé qu’une des allégations concernait trois incidents distincts, de sorte que le nombre a été modifié à 26 allégations. L’enquêteuse a conclu que quatre des allégations étaient fondées. Puisqu’une partie des arguments de la fonctionnaire repose sur son état d’esprit pendant l’enquête sur le harcèlement, il est pertinent d’exposer un certain nombre des allégations non fondées, ainsi que les actes du plaignant pendant le processus d’enquête. Même si j’ai exposé dans la présente section un certain nombre des allégations non fondées, les seules allégations invoquées par l’employeur dans sa décision relative à la mesure disciplinaire étaient les quatre allégations qui étaient fondées.

[38] Le plaignant a déposé la plainte de harcèlement auprès de l’employeur le 14 janvier 2014. La fonctionnaire en a été informée le 23 janvier 2014, mais les allégations ne lui ont pas été communiquées. Le récit des allégations formulées dans la plainte comptait 120 pages.

[39] Dans la lettre au coordonnateur ministériel de la lutte contre le harcèlement, le plaignant a écrit que la plainte démontrerait [traduction] « un effort ciblé et continu » de la part de la fonctionnaire pour qu’il démissionne de son poste. Il a allégué que sa campagne de harcèlement l’a amené à prendre un congé de maladie d’août 2012 à mars 2013 et de novembre 2013 jusqu’à la date de dépôt de la plainte.

[40] Le 13 février 2014, M. Goluza, agissant en fonction de la recommandation du coordonnateur de la lutte contre le harcèlement, a séparé la fonctionnaire et le plaignant en demandant à ce dernier de relever de Peter Krahn, un ingénieur. À l’époque, le plaignant était en congé de maladie. Il est retourné au travail le 3 mars 2014. La fonctionnaire a témoigné que M. Goluza l’avait informée du changement temporaire de la relation hiérarchique, mais elle a aussi témoigné qu’elle était toujours tenue de tenir à jour les dossiers de rendement du plaignant, ainsi que d’approuver les dépenses liées à ses déplacements, à son équipement et à ses actifs.

[41] Dans la lettre l’informant du processus d’enquête sur le harcèlement, elle a été avertie que [traduction] « […] toutes les questions relatives à la présente plainte doivent être traitées avec la plus grande confidentialité » et que la divulgation de tout renseignement concernant la plainte à une personne autre que celles qui y sont directement impliquées pourrait entraîner des mesures administratives ou disciplinaires. La fonctionnaire a signé une entente relative à la confidentialité du processus d’enquête en septembre 2014. Dans cette entente, il était également indiqué que [traduction] « toute forme de représailles pour avoir participé à une enquête sur le harcèlement est interdite par la politique et sera sévèrement réprimée ». Le plaignant a reçu le même avertissement au sujet de la confidentialité du processus d’enquête.

[42] Le 28 mars 2014, la fonctionnaire a été informée des allégations formulées dans la plainte. Elle a témoigné que la portée de la plainte était alarmante pour elle.

[43] Le plaignant avait formulé 26 allégations de harcèlement, dont quatre se rapportaient aux actes de M. Goluza. Ces quatre allégations portaient sur les efforts déployés par le plaignant pour soulever auprès de lui des préoccupations au sujet de la fonctionnaire. Ces allégations n’ont pas fait l’objet d’une enquête. Les autres allégations visaient directement la fonctionnaire.

[44] Sur les 26 allégations présentées, l’employeur a jugé que 14 répondaient aux critères d’une enquête sur le harcèlement. Au cours de l’enquête sur le harcèlement, l’enquêteuse a déterminé que la première allégation comprenait trois incidents distincts; par conséquent, elle a été divisée en allégations distinctes, ce qui a donné un total de 16 allégations.

[45] L’une des allégations concernait un incident survenu lors d’une présentation de la Médaille du jubilé de diamant en 2013 et sera exposée plus loin dans le résumé de la preuve. L’enquêteuse a déterminé que cette allégation n’était pas fondée.

[46] D’autres allégations concernaient le retrait de certaines de ses fonctions, ainsi que le processus de renouvellement de l’accréditation qu’il devait suivre après avoir pris un congé de maladie. D’autres allégations concernaient les actes de l’employeur dans la gestion de son rendement, qu’il a qualifiés de [traduction] « rabaissement de [son] travail ». L’enquêteuse a déterminé que toutes ces allégations n’étaient pas fondées.

[47] Le rapport d’enquête préliminaire a été remis à la fonctionnaire et au plaignant le 3 décembre 2014 et ne contenait qu’un résumé des faits. Il ne contenait aucune constatation ni aucune conclusion relative au harcèlement. Le plaignant et la fonctionnaire ont eu le temps de répondre au rapport préliminaire.

[48] Le rapport d’enquête final est daté du 25 février 2015, mais n’a été remis à la fonctionnaire et au plaignant que le 3 avril 2015.

[49] Dans la prochaine section, je présenterai chacune des allégations fondées et le résumé de la preuve connexe.

1. Le commentaire [traduction] « club des vieux copains »

[50] Le plaignant a allégué que la fonctionnaire l’avait rabaissé lorsqu’elle avait fait un commentaire sur la dotation d’un nouveau poste. Il s’est rappelé qu’elle avait déclaré que la dotation ne se ferait pas comme un [traduction] « club de vieux copains » ou une [traduction] « entente à huis clos », ou quelque chose du genre.

[51] Le plaignant a affirmé que le commentaire avait été formulé lors d’une réunion tenue à Vancouver le 15 mai 2012. Il a témoigné que, lorsque la fonctionnaire l’a fait, elle le regardait. Étant donné qu’il était la personne la plus récente à avoir obtenu une mutation latérale au bureau de Nanaimo, il a considéré que le commentaire lui était destiné. Il a témoigné que c’était rabaissant et qu’il l’avait gêné. Il a témoigné que le commentaire lui avait donné l’impression qu’il avait obtenu le poste par des moyens inappropriés.

[52] L’enquêteuse a indiqué que la fonctionnaire avait déclaré qu’elle aurait pu dire que la dotation d’un autre poste à Nanaimo se ferait de manière transparente ou qu’il ne s’agirait pas d’une entente à huis clos; toutefois, elle a déclaré qu’elle n’avait jamais établi un lien avec la nomination du plaignant.

[53] La fonctionnaire a témoigné qu’à la réunion, le plaignant avait proposé d’embaucher un autre agent d’application de la loi à Nanaimo. Elle a déclaré que M. Goluza lui avait déjà dit que le plaignant avait communiqué avec lui pour lui proposer d’embaucher une personne en particulier pour le poste. Elle a affirmé avoir dit aux agents à la réunion qu’aucune embauche d’un agent d’application de la loi supplémentaire n’était prévue au bureau de Nanaimo, mais que toute dotation serait effectuée dans le cadre d’un processus transparent. Elle a témoigné que ce commentaire tenait compte des réalités opérationnelles et qu’il ne visait pas le plaignant ou sa nomination.

[54] L’enquêteuse a interrogé M. Brochez et M. Fraser. M. Brochez a témoigné à l’audience. Comme je l’ai mentionné précédemment, M. Fraser est décédé. L’enquêteuse a signalé que M. Brochez lui avait dit que la fonctionnaire [traduction] « avait fait allusion au fait que le processus » utilisé pour muter le plaignant à Nanaimo n’était peut-être pas conforme à la politique d’embauche appropriée. L’enquêteuse a indiqué que M. Fraser lui avait dit que la fonctionnaire avait fait un [traduction] « commentaire narquois » au sujet du fait que le plaignant avait obtenu son poste à Nanaimo au moyen du [traduction] « club des bons vieux copains ».

[55] Dans sa déclaration de témoin, M. Brochez a déclaré qu’il ne se souvenait pas des mots exacts utilisés par la fonctionnaire. Toutefois, à l’audience, il a affirmé qu’il se souvenait du commentaire [traduction] « club des vieux copains ». Il a déclaré que la fonctionnaire avait dit que tout nouveau poste serait doté de manière transparente et qu’il avait [traduction] « eu l’impression » que cela était lié à la façon dont le plaignant avait obtenu son poste au bureau de Nanaimo. M. Brochez a affirmé qu’il ne savait pas ce que la fonctionnaire avait voulu dire, même si le plaignant lui en avait parlé à maintes reprises, en disant des choses comme : [traduction] « Peux-tu croire qu’elle a dit cela à mon sujet. »

[56] Le plaignant a fait état à l’enquêteuse d’une réunion qu’il avait eue avec la fonctionnaire presque un an plus tard, soit le 13 mars 2013, au cours de laquelle il lui avait dit qu’il n’appréciait pas qu’elle dise que la seule façon dont il avait obtenu son poste était en raison d’une [traduction] « entente à huis clos du club des vieux copains ».

[57] L’enquêteuse sur le harcèlement a conclu que la fonctionnaire avait fait ce commentaire et qu’il visait le plaignant. Elle a conclu comme suit :

[Traduction]

[…]

25. Un superviseur qui déclare qu’un employé a participé à une entente sournoise, à huis clos ou une entente de club de vieux copains pour obtenir une mutation souhaitable rabaisse et dévalorise cet employé. Cela remet en question l’éthique de l’employé en indiquant qu’il a participé à quelque chose de sournois et laisse entendre qu’il n’a pas obtenu sa mutation en fonction de ses qualifications ou de son mérite.

26. Discréditer ainsi un employé, surtout devant ses pairs, constitue une conduite inappropriée. Le commentaire visait le plaignant, était offensant et a été proféré au lieu de travail. L’intimée savait ou aurait dû raisonnablement savoir qu’un tel commentaire serait offensant ou causerait un préjudice. Tous les éléments de la définition de harcèlement sont satisfaits.

[…]

 

[58] L’enquêteuse a écrit que, même si le harcèlement constitue habituellement une série d’incidents, un incident unique peut aussi constituer du harcèlement lorsqu’il est démontré qu’il est grave et qu’il a des effets importants et durables sur le plaignant. Elle a conclu que l’incident était [traduction] « suffisamment important pour constituer un harcèlement ». Elle a également conclu que, même si l’incident s’était produit plus d’un an avant le dépôt de la plainte, il s’agissait d’un harcèlement dans le cadre d’une série d’incidents continus; par conséquent, il a été pris en considération.

2. L’allégation concernant la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse

[59] Dans la plainte de harcèlement, il était allégué que la fonctionnaire avait empêché le plaignant d’assister à une pratique sur le maniement d’un fusil de chasse le 16 avril 2013.

[60] La fonctionnaire a témoigné que, plusieurs fois par année, elle organisait une pratique sur le maniement d’une arme à feu pour les agents du District côtier dans une salle de tir locale. La pratique n’était pas obligatoire, mais elle a affirmé qu’elle encourageait les agents à pratiquer parce qu’ils pourraient devoir utiliser une arme à feu sur le terrain pour se protéger contre les prédateurs, comme les ours. Ronald Graham, l’agent chargé de l’organisation des pratiques sur le maniement d’un fusil de chasse, a témoigné que les agents n’y ont pas tous participé.

[61] Le plaignant était en congé de maladie prolongé à compter du 15 août 2012 et est retourné au bureau le 5 mars 2013. Pendant son absence, il a fourni régulièrement à la fonctionnaire des certificats médicaux du Dr R. Bodenstab. Dans sa dernière note médicale, le Dr Bodenstab a affirmé que le plaignant ne serait pas en mesure de se présenter au travail avant la mi-janvier 2013. Le plaignant a déclaré dans le courriel transmettant la note à la fonctionnaire que [traduction] « [n]ous réalisons des progrès » et qu’il devrait être en mesure de retourner au travail à la date indiquée dans le certificat médical.

[62] Le 10 janvier 2013, le plaignant a fourni une note médicale du Dr S. Mulder, d’une autre clinique médicale, affirmant que le plaignant n’était pas en mesure de travailler avant le 4 mars 2013.

[63] À son retour au travail le 5 mars 2013, le plaignant n’a pas exercé toutes les fonctions de son poste; il a rattrapé son travail administratif et a revu les politiques de l’employeur qui avaient été révisées pendant son absence.

[64] Après son retour au travail, la fonctionnaire souhaitait qu’il subisse une évaluation de l’aptitude au travail. M. Goluza était du même avis et, le 14 mars 2013, il a informé le plaignant que sa description de travail devrait être examinée par un professionnel de la santé.

[65] Le plaignant a témoigné que, le 9 avril 2013, il a demandé de participer à une pratique sur le maniement d’un fusil de chasse prévue le 16 avril 2013. Il a affirmé que la fonctionnaire lui avait dit que la séance n’était qu’une pratique et qu’il n’était pas autorisé à y participer tant que son médecin n’avait pas confirmé qu’il était apte à reprendre toutes ses fonctions.

[66] La fonctionnaire a rédigé une lettre que le plaignant devait remettre à son médecin. La lettre a été examinée par Dominique Gilliéron, un conseiller en relations de travail. M. Goluza a révisé la lettre en profondeur avant qu’elle ne soit envoyée. La lettre du 10 avril 2013 au plaignant comportait les directives suivantes à son médecin :

[Traduction]

[…]

[…] l’employeur souhaiterait s’assurer qu’il peut reprendre toutes les fonctions de son poste d’attache sans aggraver les conditions physiques ou émotionnelles qu’il a pu éprouver pendant ce congé de longue durée.

Conformément à la « Politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour les personnes handicapées dans la fonction publique fédérale » du Conseil du Trésor fédéral, il est nécessaire que nous comprenions clairement les restrictions, limitations fonctionnelles ou incapacités [qu’il] pourrait avoir à son retour de sa récente absence. Nous demandons ces renseignements afin de pouvoir ensuite lui offrir toute mesure d’adaptation appropriée en milieu de travail.

[…]

 

[67] Après avoir énoncé les principales fonctions du poste ainsi que les exigences intellectuelles et physiques, la lettre poursuit ainsi : [traduction] « Veuillez répondre par écrit à chacune des questions ci-dessous, en étant aussi précis que possible dans vos réponses. REMARQUE : Nous ne cherchons pas à obtenir un diagnostic médical, mais plutôt des renseignements sur les limitations fonctionnelles que l’employé pourrait avoir en milieu de travail. »

[68] La description de travail du plaignant ainsi que 10 questions auxquelles l’employeur a demandé des réponses étaient jointes à la lettre. Voici les 10 questions :

[Traduction]

[…]

1. L’employé est-il apte à continuer de se présenter au travail à temps plein (8,33 heures par jour, 75 heures par deux semaines) ou à temps partiel? Si des heures à temps partiel sont recommandées, quelles sont ces heures?

2. L’employé a-t-il des limitations fonctionnelles ou de santé qui peuvent découler de problèmes médicaux (physiques et mentaux)? Dans l’affirmative, veuillez fournir des détails sur toutes les limitations et/ou restrictions fonctionnelles [qu’il] pourrait avoir et préciser si une mesure d’adaptation est nécessaire à leur égard.

3. Ces limitations fonctionnelles ou de santé relevées sont-elles de nature permanente ou temporaire? Si elles sont temporaires, veuillez indiquer leur durée.

4. La condition physique […] a-t-elle changé, de sorte que nous devrions procéder à une nouvelle évaluation médicale par Santé Canada?

5. L’affectation de l’employé à de nombreuses tâches nécessitant une concentration et un effort intellectuel importants nuirait-elle à son bien-être physique ou mental?

6. L’employé est-il en mesure d’exercer le niveau de jugement approprié pour interpréter rapidement des situations afin de se protéger et/ou de protéger d’autres agents ou membres du public? Veuillez noter que nous formons les agents de manière à ce qu’ils puissent réagir en toute sécurité dans des scénarios impliquant des stimulations multiples dans des situations de recours à la force, qui peuvent donner lieu à un droit de conformité volontaire ou à des situations impliquant des lésions corporelles graves ou le décès.

7. L’affectation de fonctions comportant des tâches stressantes avec des sujets serait-elle préjudiciable à son bien-être physique et/ou psychologique? Ces scénarios consistent à traiter avec des contrevenants présumés qui peuvent être hostiles, à le nommer personnellement dans les médias et à préparer les documents qui en découlent dans lesquels de nombreux renseignements sur ces mêmes situations stressantes doivent être examinés par la direction et les entités externes pendant des mois ou des années.

8. L’employé subirait-il un préjudice s’il se voyait confier des tâches qui l’obligeraient à tenir compte de priorités multiples et changeantes, qui comportent une lourde charge de travail, des échéances serrées et des demandes concurrentes de la part des clients, des intervenants et de la direction?

9. Si l’employé se trouvait dans une situation conflictuelle sur laquelle il a très peu de contrôle pendant une période prolongée, cela nuirait-il à quelque aspect que ce soit de son bien‑être (c’est-à-dire physique et psychologique)? Il peut s’agir de passer des heures avec plusieurs accusés, de répondre à un interrogatoire animé dans un forum très public ou d’être interrogé par l’avocat de la défense dans le cadre d’un procès.

10. Y a-t-il d’autres considérations dont la direction et/ou ses collègues de travail doivent tenir compte afin de s’assurer qu’il puisse retourner au milieu de travail et contribuer à favoriser le respect, l’intégrité et le professionnalisme dans un milieu de travail très diversifié?

[…]

 

[69] La fonctionnaire a reçu le certificat médical du Dr Mulder le 15 avril 2013. Voici la réponse intégrale :

[Traduction]

[…]

Après avoir examiné tous les documents et tenu compte de toutes vos questions (1 à 10), je dois admettre que je suis entièrement convaincu d’autoriser Kenneth à assumer toutes les exigences et attentes liées à l’exécution efficace et réussie de son travail.

J’espère que cela est satisfaisant.

[…]

 

[70] Le même jour, la fonctionnaire a envoyé la lettre du médecin à M. Gilliéron pour qu’il [traduction] « l’examine et formule des commentaires ». Il a répondu qu’il lui enverrait une invitation pour discuter du dossier. La pratique sur le maniement d’un fusil de chasse était prévue le lendemain. La fonctionnaire a témoigné qu’elle avait parlé avec M. Gilliéron au téléphone.

[71] Le lendemain matin (le 16 avril 2013), la fonctionnaire a envoyé un courriel au plaignant, indiquant qu’elle [traduction] « cherchait des conseils » au sujet de la lettre du médecin. Elle a également déclaré qu’elle et lui devraient se rencontrer pour discuter des affectations de travail et [traduction] « d’une voie à suivre ». Elle lui a dit que, compte tenu de ses déplacements et de son horaire de travail, la première occasion à laquelle ils pourraient se rencontrer pour discuter était la semaine suivante. Le plaignant a témoigné que la fonctionnaire lui avait dit qu’elle consulterait la direction générale des Relations de travail. Il a également témoigné qu’elle lui avait dit qu’il n’était toujours pas autorisé à participer à la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse.

[72] Le plaignant a témoigné qu’il estimait que cette décision n’était pas juste, car son médecin avait confirmé qu’il était apte à reprendre toutes ses fonctions. Il a déclaré qu’il avait l’impression d’être ciblé et d’être puni pour avoir pris un congé pour des raisons médicales.

[73] Dans un courriel daté du 24 septembre 2014, la fonctionnaire a dit à l’enquêteuse que le plaignant n’avait terminé sa formation relative à l’accréditation sur le maniement des fusils de chasse que le 30 mai 2013 et qu’il devait la terminer avant d’être autorisé à participer à la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse.

[74] La fonctionnaire a témoigné que, pendant que le plaignant était en congé, une nouvelle norme d’accréditation a été instaurée dans la nouvelle directive sur les armes à feu, exigeant que les agents suivent avec succès le cours sur les armes à feu non lié à l’application de la loi du ministère avant qu’ils ne puissent être autorisés à utiliser une arme à feu du ministère ou à participer à une de ses pratiques sur le maniement d’une arme à feu. Elle a affirmé que le plaignant devait obtenir cette accréditation avant d’être autorisé à utiliser une arme à feu du ministère.

[75] La fonctionnaire a témoigné qu’elle n’avait pas autorisé le plaignant à participer à la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse pour deux raisons, à savoir qu’il n’avait pas encore achevé le renouvellement de son accréditation et qu’elle était préoccupée par sa santé mentale et le manque de renseignements suffisants dont disposait la direction pour confirmer son aptitude au travail.

[76] La fonctionnaire a témoigné qu’après avoir consulté M. Goluza et M. Gilliéron au sujet de ses préoccupations concernant la courte lettre du médecin, M. Goluza lui a dit que la lettre était acceptable. Elle l’a dit au plaignant lorsqu’elle l’a rencontré le 29 avril 2013.

[77] Le plaignant a achevé son renouvellement de l’accréditation sur le maniement des armes à feu le 30 mai 2013. Par la suite, il a pu participer aux pratiques sur le maniement d’un fusil de chasse. Il a témoigné qu’il avait participé à une pratique sur le maniement d’un fusil de chasse plusieurs semaines après celle du 16 avril 2013. La plaignante a également témoigné qu’il avait pu s’entraîner avec sa propre arme à feu grâce à l’adhésion à un club de tir qu’elle avait approuvée en mars 2013.

[78] Dans le rapport final de l’enquête sur le harcèlement, l’enquêteuse a déclaré que la seule raison que la fonctionnaire avait donnée pour ne pas avoir réintégré le plaignant dans ses fonctions complètes (y compris l’approbation de sa participation à la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse) était que la lettre du médecin ne répondait pas aux questions posées dans la lettre de l’employeur. L’enquêteuse n’a pas fait référence au motif de renouvellement de l’accréditation sur le maniement des armes à feu qui lui avait également été fourni par la fonctionnaire.

[79] L’enquêteuse a déclaré que la fonctionnaire n’avait fourni aucun élément de preuve de ses préoccupations particulières ou de leur fondement au sujet de la lettre du médecin. L’enquêteuse a également affirmé qu’il n’y avait aucun élément de preuve indiquant que la fonctionnaire avait fait un suivi en vue d’obtenir des renseignements supplémentaires ou des éclaircissements afin de répondre à ses préoccupations. Soit l’enquêteuse n’était pas au courant, soit elle n’a pas signalé que la fonctionnaire avait demandé à M. Gilliéron d’examiner la lettre.

[80] L’enquêteuse a conclu que, même si les superviseurs ont le pouvoir de demander un certificat médical et des précisions quant à l’aptitude au travail d’un subordonné, [traduction] « […] il doit y avoir une raison valable pour de tels actes ». Elle a conclu que, même si le médecin n’avait pas abordé chacune des 10 questions séparément, il avait [traduction] « clairement indiqué » que le plaignant était apte sur le plan médical à reprendre toutes ses fonctions. Elle a affirmé que, pour contrer l’opinion du médecin, une [traduction] « justification valable » était requise et que les éléments de preuve ne permettaient pas d’établir qu’une telle justification avait été fournie. Elle a conclu que [traduction] « le fait d’empêcher de manière injustifiée un employé de participer pleinement à des activités de travail constitue une conduite inappropriée ». Elle a déterminé que la fonctionnaire savait ou aurait raisonnablement dû savoir que cette conduite serait offensante ou causerait un préjudice.

[81] L’enquêteuse a conclu que, même s’il s’agissait d’un incident unique, il avait eu des [traduction] « effets importants et durables » sur le plaignant, déclarant ce qui suit : [traduction] « Il n’a pas pu participer […] avec ses pairs, a manqué une pratique sur le maniement d’un fusil de chasse qui aurait pu entraîner des conséquences néfastes sur la sécurité ou compliquer son processus de renouvellement de l’accréditation, entre autres. »

[82] L’enquêteuse a inclus la note suivante, faisant référence à cette allégation :

[Traduction]

[…]

229. Même si [la fonctionnaire] le nie, d’autres personnes ont fourni des éléments de preuve qui indiquent qu’elle ne voulait pas que le plaignant se présente à la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse en raison de préoccupations concernant sa sécurité personnelle. Plus particulièrement, ce [qu’elle] a dit aux AAL [agents d’application de la loi] Brochez et Leeden n’est pas connu; toutefois, la similitude de leur témoignage et le fait [qu’elle] admette avoir indiqué à un autre employée qu’elle craignait pour sa sécurité en lui demandant d’aller chercher son […] enfant au cas où quelque chose lui arriverait sont suffisants pour conclure, selon la prépondérance des probabilités, que [la fonctionnaire] a jeté un doute sur le plaignant.

230. Toute déclaration ou autre indication que [la fonctionnaire] a faite à d’autres employés au sujet de sa sécurité autour du plaignant était extrêmement dommageable pour sa réputation. Si elle craignait légitimement pour sa sécurité et/ou que le plaignant devienne violent, elle aurait dû traiter cette situation grâce aux voies appropriées. La gravité d’une allégation aussi grave contre un employé exige évidemment le maintien de la plus stricte confidentialité. Le fait que [la fonctionnaire], une superviseure, ait indiqué de quelque façon que ce soit aux pairs du plaignant qu’elle avait des préoccupations au sujet de son emportement et/ou de sa sécurité constituait une violation grave de la confidentialité, un discrédit sur le plaignant et une forme grave de harcèlement.

[…]

 

[83] Même s’il s’agit d’une nouvelle présentation des éléments de preuve relatifs à l’inconduite alléguée, il est important de résumer la partie de l’analyse de l’enquêteuse sur laquelle l’employeur semble s’être appuyé sans confirmation. L’enquêteuse a affirmé que le fait de ne pas pouvoir participer à la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse aurait pu compliquer le processus de renouvellement de l’accréditation du plaignant. La fonctionnaire a témoigné que c’était l’inverse – le plaignant devait voir son accréditation renouvelée afin de pouvoir participer à la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse. Dans son témoignage à l’audience, M. Owen a convenu que la préoccupation de la fonctionnaire concernant l’utilisation d’armes à feu du ministère sans nouvelle accréditation était légitime.

[84] M. Goluza a appris après coup que le plaignant s’était vu refuser l’accès à la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse. Il a témoigné que la fonctionnaire lui avait dit qu’elle ne croirait pas l’opinion d’un [traduction] « médecin de centre commercial ». Il a affirmé qu’il avait appris à l’audience de 2018 du présent grief que la fonctionnaire avait dit que la participation à la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse avait été refusée parce que le plaignant n’avait pas renouvelé son accréditation pour utiliser une arme à feu. Il ne souscrivait pas à son interprétation et a déclaré qu’elle n’avait pas soulevé cette préoccupation auprès de lui ou des Relations de travail. Il a témoigné qu’il estimait qu’elle avait inventé cette raison après coup.

3. Annulation du cours de sauvetage en eaux vives

[85] Le plaignant devait suivre un cours de sauvetage en eaux vives du 20 au 22 août 2013, à Chilliwack, en Colombie-Britannique. Il s’est inscrit au cours en juillet 2013 et a demandé l’autorisation de la fonctionnaire. Le 31 juillet 2013, elle a approuvé sa formation et, plus tard, elle a autorisé le déplacement connexe. Il a déclaré qu’il avait pris les dispositions nécessaires pour voyager avec un collègue de travail.

[86] Le plaignant a affirmé que le cours était obligatoire. La fonctionnaire a témoigné qu’il avait été prévu dans son plan d’apprentissage individuel pour l’année précédente et qu’il ne l’avait pas suivi à ce moment-là.

[87] Le 12 août 2013, la fonctionnaire a affecté le plaignant à une enquête sur un déversement d’usine. Le déversement avait eu lieu le 26 juin 2013. Elle a dressé une liste de 11 questions que l’enquête avait soulevées à ce moment-là, afin qu’il les examine. Elle a témoigné que le dossier était devenu urgent lorsque, le 9 août 2013, elle a appris qu’environ 3,7 millions de litres d’effluents non traités avaient été déversés dans l’environnement marin. Elle a également appris que le rapport initial sur la raison du déversement, soit une panne d’électricité, était inexact et qu’il avait été causé par d’autres facteurs.

[88] Le plaignant a répondu à la demande envoyée par courriel le même jour, indiquant qu’il avait besoin de temps pour se familiariser avec la terminologie et les systèmes de cette usine avant d’effectuer une inspection sur place. La fonctionnaire a répondu le lendemain qu’elle croyait que la meilleure façon d’effectuer des recherches sur les systèmes et d’apprendre l’exploitation de l’usine était de se rendre à l’usine et de faire une visite guidée avec le gestionnaire chargé de l’environnement à l’usine. Elle lui a demandé s’il pouvait confirmer s’il irait sur place cette semaine-là. Il a répondu qu’il avait l’intention d’effectuer une visite sur place une fois qu’il aurait terminé ses recherches, car il se sentirait plus à l’aise de mener les entrevues et ne serait pas [traduction] « enseveli ». Il a dit à la fonctionnaire qu’il n’estimait pas qu’une semaine ou deux feraient une différence puisque le déversement avait eu lieu en juin. Il a terminé son courriel en affirmant qu’il pouvait communiquer avec l’usine pour organiser une visite sur place cette semaine-là [traduction] « pour démarrer le processus ». Il a déclaré qu’une fois qu’il aurait eu sa préférence, il [traduction] « s’adapterait en conséquence ».

[89] La fonctionnaire a témoigné qu’elle préférait que le plaignant amorce l’enquête immédiatement et que, compte tenu de la nature du déversement, il s’agissait d’une priorité. Elle a témoigné qu’elle avait communiqué avec le fournisseur de services tiers du cours de sauvetage en eaux vives pour savoir si la formation était disponible à d’autres dates. Elle a affirmé qu’elle s’attendait à recevoir un courriel du fournisseur de formation comportant des options pour d’autres dates.

[90] Le 14 août 2013, le plaignant a reçu un courriel du fournisseur tiers confirmant que sa formation de sauvetage en eaux vives avait été reportée aux dates du 16 au 18 septembre 2013 à Nanaimo. Il a répondu au fournisseur tiers, en mettant en copie conforme la fonctionnaire, et a demandé si le courriel avait été envoyé par erreur, car il n’avait pas reporté sa formation.

[91] La fonctionnaire a témoigné que, lorsqu’elle a vu le courriel du fournisseur de services, elle a envoyé un courriel au plaignant expliquant sa demande de renseignements auprès du fournisseur et affirmant qu’un report faciliterait son travail relatif au nouveau dossier de déversement qui lui avait été confié. Le courriel était intitulé [traduction] « Équilibrer les priorités d’enquête, les horaires et les coûts ». Elle a écrit ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Je respecte votre préparation à l’enquête sur l’usine et je reconnais qu’il est difficile de négocier la nature technique des activités de l’usine aux fins d’une intervention efficace en cas de déversement. Afin d’équilibrer cela, nos délais depuis le déversement, et de vous aider à recueillir les meilleures données probantes de nature urgente maintenant que l’importance du déversement est établie, j’ai demandé à [le fournisseur tiers] des renseignements sur ses cours figurant sur la liste d’attente. Il a dit qu’il enverrait une confirmation par courriel si un changement était possible du cours de Chilliwack à celui de Nanaimo, ce qui est le cas.

Cela vous donnera plus de temps pour traiter le cas à court terme, vous évitera de vous déplacer et d’être loin de la maison (ce qui, selon vous, est difficile pour vous), réduira les coûts d’EC [le ministère], et le changement a lieu avant la date à laquelle vous avez indiqué que vous pourriez aller à la chasse.

[…]

 

[92] Le plaignant a témoigné qu’il n’estimait pas que l’enquête sur le déversement était urgente. Il a fait remarquer que l’agent affecté à l’origine à l’enquête avait eu le dossier pendant 45 jours et qu’il s’était récemment rendu sur les lieux. Il a également fait remarquer que les échantillons d’effluent urgents n’auraient plus été disponibles. Il a témoigné qu’il ne se souvenait pas d’avoir dit à la fonctionnaire qu’il était difficile pour lui de se déplacer, même s’il se souvenait d’avoir dit qu’il était difficile pour tout le monde de trop se déplacer. Il a témoigné qu’il n’y avait eu aucune discussion préalable avec la fonctionnaire au sujet du report du cours. Il a affirmé qu’il avait été surpris lorsqu’il avait reçu le courriel indiquant que le cours avait été reporté et qu’il avait eu l’impression d’avoir été mis à l’écart. Il a également témoigné qu’il estimait que l’annulation de la formation constituait une mesure de représailles. Il a également déclaré qu’il s’était senti gêné parce qu’il avait dû appeler le collègue de travail avec lequel il avait pris des dispositions pour se rendre au cours. Il a affirmé qu’il estimait qu’on avait manqué de respect à son égard parce qu’il n’avait pas été consulté au sujet du report.

[93] La fonctionnaire a témoigné que le plaignant ne lui avait pas fait part de ses préoccupations concernant le report de la formation à l’époque. Il a suivi la formation aux nouvelles dates.

[94] L’enquêteuse a fait remarquer que le plaignant avait remis en question l’attribution du dossier d’enquête sur le déversement et l’urgence soudaine d’achever la visite des lieux. Elle a déclaré que l’attribution du dossier et l’urgence connexe faisaient partie des [traduction] « fonctions de gestion normales » et ne seraient pas traitées. Elle a déclaré que l’allégation était axée sur la question de savoir si la fonctionnaire [traduction] « a rabaissé, embarrassé et/ou miné » le plaignant [traduction] « […] en ce qui concerne le report du cours sans le consulter ou l’informer […] ».

[95] La fonctionnaire a dit à l’enquêteuse que son intention, lorsqu’elle a communiqué avec le fournisseur tiers, était d’obtenir des dates pour une séance de formation reportée, et non de faire reporter les dates sans en aviser le plaignant. L’enquêteuse sur le harcèlement n’a pas interrogé le fournisseur tiers.

[96] L’enquêteuse sur le harcèlement a conclu qu’en communiquant avec le fournisseur tiers sans consulter le plaignant [traduction] « […] parce qu’il n’a pas respecté un délai dont elle ne l’a jamais informé et qu’il n’a pas fourni de raison légitime pour le non-respect », la fonctionnaire avait commis un acte de harcèlement.

4. Le cours de gestion de projet

[97] En juillet 2013, la fonctionnaire et le plaignant se sont rencontrés pour discuter de l’entente de gestion du rendement annuelle, y compris son « plan d’apprentissage et de perfectionnement personnel » (le « plan d’apprentissage »). Dans sa déclaration de témoin, le plaignant a déclaré qu’il avait déjà dit à la fonctionnaire qu’il examinait d’autres possibilités d’emploi. Il a déclaré que cela était attribuable à la façon dont elle le gérait et au fait que le milieu de travail était difficile pour lui. Il lui a fourni des renseignements sur un programme de formation qui l’intéressait, mais qui s’est avéré trop coûteux pour l’employeur. Il a déclaré que la fonctionnaire lui avait proposé qu’il suive un cours sur les entrevues, ainsi qu’un cours de gestion de projet.

[98] La fonctionnaire a discuté avec le plaignant de la possibilité de suivre le cours de gestion de projet à l’automne 2013 à Edmonton, à Saskatoon ou à Gatineau. Il lui a envoyé un courriel le 3 octobre 2013 pour lui demander s’il pouvait plutôt le suivre à Vancouver en mars 2014. Dans sa déclaration de témoin, il a dit qu’il avait une lourde charge de travail à l’époque et qu’il avait préféré retarder le cours. Il a ajouté que cela aurait coûté moins cher à l’employeur, car cet endroit était plus près de son domicile.

[99] Le 11 octobre 2013, la fonctionnaire a répondu par courriel à la demande du plaignant en indiquant ce qui suit : [traduction] « Je crois que le fait de retarder les cours prévus à votre plan d’apprentissage nuit considérablement aux objectifs de carrière dont vous m’avez informée. » Elle lui a également demandé de s’inscrire à la formation sur les entrevues, qui était offerte à Winnipeg, au Manitoba, en novembre, ou à Victoria, en Colombie-Britannique, en janvier.

[100] Le plaignant s’est inscrit à la formation sur les entrevues à Victoria. Dans un courriel à la fonctionnaire le 17 octobre 2013, il a répondu qu’il n’avait jamais vraiment voulu suivre le cours de gestion de projet et a ajouté ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Je ne souscris pas à l’hypothèse selon laquelle ces cours de formation nuiront considérablement à ma capacité de chercher un autre emploi et, même si c’était le cas, c’est à moi de prendre cette décision.

Très franchement, je me suis senti obligé de suivre ces cours dès le début et le ton de la réponse par courriel me donne l’impression d’être poussé à trouver un emploi ailleurs.

Il s’agit de mon cheminement de carrière et cette formation vise à m’aider sur ce cheminement et je ne devrais pas craindre de pressions ou de représailles pour avoir exploré des solutions de rechange.

[…]

Je ne m’inscrirai à aucune des dates de formation proposées pour Gatineau, Edmonton ou Saskatoon. Vancouver est mon choix préféré en ce qui concerne les calendriers et, si cela ne convient pas, je refuserai respectueusement cette formation.

[…]

 

[101] Le 18 octobre 2013, la fonctionnaire a répondu par courriel en indiquant ce qui suit : [traduction] « Compte tenu de la nature de vos déclarations ci-dessous, je vais demander des conseils aux Relations de travail pour éclairer ma décision et répondre à vos affirmations. » Elle a témoigné qu’étant donné le ton de son courriel, elle souhaitait consulter un conseiller en relations de travail.

[102] La fonctionnaire a témoigné qu’elle avait parlé à un conseiller en relations de travail le 28 octobre 2013 et qu’elle avait été renvoyée à un guide sur l’élaboration des plans d’apprentissage qui, selon elle, avait [traduction] « éclairé » sa réponse par courriel au plaignant à la même date. Dans le courriel, elle a accepté qu’il suive le cours de gestion de projet à Vancouver, conformément à sa demande. Son courriel se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

Compte tenu de vos commentaires […] une clarification est nécessaire concernant le Plan d’apprentissage et de perfectionnement individuel (PAPI), ainsi que les rôles, les droits et les responsabilités qui s’y rapportent.

Je soutiens le principe selon lequel l’apprentissage continu et le perfectionnement donnent aux agents plus de liberté et de choix quant à l’endroit où ils travaillent et à ce qu’ils font, ainsi qu’un avantage concurrentiel sur le marché du travail. Le PAPI décrit la façon dont vous entendez apprendre et approfondir votre perfectionnement sur le plan professionnel. Il vous aide à réaliser des objectifs opérationnels, personnels et professionnels qui vous préparent à travailler à l’intérieur et à l’extérieur de la fonction publique fédérale. L’élaboration du plan est une responsabilité conjointe partagée par les gestionnaires et les agents en fonction d’une communication bilatérale efficace afin d’établir un plan acceptable pour les deux parties. Même s’il précise la formation obligatoire, la définition de vos objectifs de perfectionnement professionnel est facultative. Vous pourriez souhaiter déterminer où vous voulez être dans cinq ans, si vous voulez progresser dans votre cheminement de carrière actuel ou vous diriger vers un autre cheminement, si vous n’avez pas les connaissances ou les compétences particulières nécessaires pour réaliser vos objectifs ou si certains aspects de vos capacités ou de votre comportement vous empêchent de progresser.

Le cours de formation à la gestion de projet que nous avons décidé d’un commun accord fixe des dates et des coûts de formation pratiques et réalisables dans les limites de notre budget. Il est directement lié à l’objectif de carrière personnel à long terme que vous avez inscrit dans vos objectifs de rendement de 2013-2014 et il est inclus dans la partie facultative du PAPI que nous avons approuvé. Si vous choisissez de profiter de cette occasion de perfectionnement professionnel, je soutiendrai la modification du plan pour tenir compte de l’emplacement de Vancouver au cours de l’exercice et nous pourrons approuver ce changement en personne lors de votre examen du rendement semestriel.

[…]

 

[103] Dans sa déclaration de témoin, le plaignant a déclaré que, durant tous les échanges avec la fonctionnaire, il s’est senti poussé à trouver un autre poste. Il n’a pas suivi le cours à Vancouver en raison d’un congé de maladie prolongé qui a commencé en octobre 2013.

[104] Dans son rapport final, l’enquêteuse sur le harcèlement a souligné que, même si les superviseurs ont la responsabilité et le pouvoir de modifier les priorités en fonction des besoins opérationnels, [traduction] « il doit exister une raison valable ». Elle a conclu que la formation était facultative et que la fonctionnaire n’avait pas de raison valable pour refuser la demande du plaignant visant un lieu différent pour la formation. Dans son rapport, l’enquêteuse a déclaré que la crainte que le cours de formation [traduction] « soit radié du plan d’apprentissage » ne constituait pas une raison valable.

[105] L’enquêteuse sur le harcèlement a conclu que le refus arbitraire de modifier la formation, [traduction] « […] aggravé par sa réponse belliqueuse qui a transmis inutilement la question aux Relations de travail, suivie d’un courriel alambiqué pour finalement accepter sa demande […] » constituait un comportement inapproprié. Elle a également conclu que la fonctionnaire aurait dû savoir que cette conduite serait offensante ou causerait un préjudice. L’enquêteuse a conclu que, même s’il s’agissait d’un incident unique, il avait eu des [traduction] « effets importants et durables » sur le plaignant. Elle a écrit que le fait de miner un employé en refusant une demande raisonnable [traduction] « […] a de nombreux effets néfastes, comme l’érosion de la confiance et l’instabilité ».

[106] M. Owen a témoigné qu’il souscrivait à la conclusion de l’enquête et qu’en insistant sur le fait que le plaignant suive un cours facultatif le plus tôt possible, la fonctionnaire [traduction] « imposait inutilement sa volonté et donnait l’impression qu’elle voulait qu’il cherche un autre emploi ». Il a également déclaré que sa réponse du 18 octobre 2013 selon laquelle elle demanderait des conseils aux Relations de travail n’était pas nécessaire [traduction] « et constituait une tentative d’intimidation parce qu’il ne procédait pas comme elle le souhaitait ». Il a déclaré que, puisque ce cours n’était pas obligatoire et qu’il était [traduction] « à des fins d’intérêt personnel », il n’y avait aucune raison pour qu’elle le poursuive [traduction] « autre que celle d’envoyer le signal qu’il devrait trouver du travail ailleurs ».

D. Les allégations non fondées

[107] Un bref résumé des allégations non fondées est nécessaire pour fournir le contexte de l’état d’esprit de la fonctionnaire pendant et après l’enquête sur le harcèlement.

[108] Bon nombre des allégations non fondées concernaient la gestion du rendement du plaignant, la gestion de sa charge de travail en raison de son congé du lieu de travail ou les exigences de travail associées à sa réintégration au lieu de travail après le long congé. L’enquêteuse a conclu que ces actes constituaient l’exercice de fonctions de gestion normales par la fonctionnaire.

[109] Plusieurs des allégations non fondées concernaient des commentaires formulés par la fonctionnaire ou des actes accomplis par celle-ci lors de réunions à huis clos. L’enquêteuse a conclu qu’il n’y avait pas d’éléments de preuve corroborants pour étayer les allégations.

[110] L’autre allégation non fondée concernait une cérémonie au cours de laquelle le plaignant a reçu une Médaille du jubilé de diamant. Il a allégué que la fonctionnaire ne l’avait pas félicité au moyen d’un courriel personnel ou collectif. Il a également allégué que, pendant la cérémonie de présentation, elle n’a pas dit bonjour, a évité le contact visuel, ne lui a pas serré la main et a ouvertement refusé de prendre une photographie avec lui, malgré l’insistance de M. Goluza. Il a également allégué qu’elle n’avait pas ajouté la distinction à son évaluation du rendement et à son dossier personnel. L’enquêteuse a fait remarquer qu’il est ressorti des éléments de preuve que la fonctionnaire avait écrit une lettre [traduction] « élogieuse » recommandant que le plaignant reçoive la médaille, ce qui, selon l’enquêteuse, était [traduction] « la manifestation d’appui la plus importante » que la fonctionnaire aurait pu faire. L’enquêteuse a indiqué qu’il y avait eu une reconnaissance publique importante de la médaille du plaignant dans une communication envoyée par M. Goluza. L’enquêteuse a également fait remarquer que la fonctionnaire avait assisté à la cérémonie et avait également facilité la présence d’autres employés. L’enquêteuse a conclu qu’aucun autres soutien ou reconnaissance de la part de la fonctionnaire n’était nécessaire.

[111] L’enquêteuse a indiqué que la fonctionnaire lui avait dit qu’elle avait refusé de se faire photographier parce qu’elle n’aimait pas qu’on la prenne en photo [traduction] « en tout temps ». L’enquêteuse a également fait remarquer que le plaignant lui avait fourni [traduction] « un nombre important » de photographies liées au travail dans lesquelles la fonctionnaire avait posé pour la photographie. L’enquêteuse a souligné que les personnes ne peuvent pas être contraintes de se faire photographier lors de leurs fonctions de travail et qu’elles peuvent refuser leur consentement sans fournir de motif.

E. La recommandation de l’enquêteuse sur le harcèlement

[112] Le rapport d’enquête sur le harcèlement ne contenait aucune recommandation à l’égard de la fonctionnaire. Toutefois, l’enquêteuse a formulé la recommandation générale suivante sur ce qu’elle a appelé la [traduction] « restauration du milieu de travail » :

[Traduction]

[…]

Quelle que soit l’issue du présent cas, déterminée par le gestionnaire délégué, la restauration du milieu de travail constituera vraisemblablement un défi important. Dans le cadre de cette restauration, l’organisation pourrait envisager [une] réunion facilitée par des professionnels sur la manière de procéder, à laquelle participeraient non seulement les directeurs, mais aussi tous les AAL [agents d’application de la loi] qui travaillent régulièrement au bureau de Nanaimo […] Un tel processus peut contribuer à traiter non seulement les comportements de harcèlement, mais également les comportements qui créent un milieu de travail hostile, comme le fait de crier sur les autres au téléphone, d’utiliser un langage extrêmement grossier, de discuter des conflits en cours avec la direction, entre autres.

[…]

 

[113] Le ministère a procédé à une forme de restauration du milieu de travail après le licenciement de la fonctionnaire, et les éléments de preuve relatifs à ces efforts sont présentés dans la dernière section de la présente décision portant sur les éléments de preuve après le licenciement.

F. L’enquête sur l’inconduite

[114] Dans la présente section, je résumerai d’abord le processus d’enquête sur l’inconduite. Je traiterai ensuite chacun des quatre motifs d’inconduite qui ont fait l’objet d’une enquête.

[115] Mme Meroni était chargée de l’enquête de recherche de faits. Elle a témoigné qu’elle avait rencontré la fonctionnaire à deux reprises avant les événements en litige dans le présent grief.

[116] Le 11 mai 2015, la fonctionnaire a reçu une lettre provenant de Mme Meroni, qui contenait une liste d’allégations générales devant faire l’objet d’une enquête. La fonctionnaire a demandé des précisions sur les allégations, mais Mme Meroni lui a répondu qu’aucun ne serait fourni à ce moment-là.

[117] Mme Meroni a préparé un rapport préliminaire d’enquête de recherche de faits, daté du 4 juin 2015, avant d’interroger la fonctionnaire. La convocation de la fonctionnaire à une entrevue a été envoyée le 10 juin 2015. Le rapport contenait un résumé des déclarations des témoins ainsi que des conclusions relatives aux allégations d’inconduite. Le rapport préliminaire n’a pas été remis à la fonctionnaire. Mme Meroni a témoigné que, même si une conclusion provisoire sur l’inconduite avait été incluse dans le rapport préliminaire, le rapport n’a été mis au point qu’après sa rencontre avec la fonctionnaire le 10 août 2015.

[118] Le 17 juin 2015, la fonctionnaire a reçu les renseignements suivants au sujet des allégations, avant son entrevue avec Mme Meroni :

[Traduction]

[…]

Allégation n1 : Mesures de gestion prises à l’égard de Ken Russell, un employé qui ne relève pas de Mme Walker.

· Communiquer directement avec la Sécurité pour demander la désactivation de la carte de sécurité de Ken Russell.

Allégation n2 : Utilisation abusive des systèmes de données électroniques du gouvernement.

· Violation de la vie privée des employés – accès aux dossiers de congés de Ken Russell dans le Libre-service des congés.

Allégation n3 : Défaut de respecter les directives du coordonnateur de la lutte contre le harcèlement concernant la protection de la confidentialité de l’enquête sur le harcèlement.

· Discuter de la plainte avec un témoin participant à l’enquête.

Allégation n4 : Comportement irrespectueux envers la direction.

· Contenu d’un message d’absence du bureau (avril 2015).

· Réponse à la directive de la direction concernant la désactivation du laissez-passer de sécurité de Ken Russell.

· Conduite pendant la réunion de la direction du 11 mai.

· Réponse à la directive de la direction concernant un incident survenu au bureau de Nanaimo.

[…]

 

[119] Mme Meroni a rencontré la fonctionnaire le 10 août 2015. Il n’y a pas de notes ou de résumé de cette entrevue. Mme Meroni a témoigné que l’entrevue était prévue pour une heure et que la fonctionnaire avait utilisé toute l’heure pour lire une déclaration, ce qui n’a pas laissé de temps pour la discussion. Mme Meroni n’a donc posé aucune question à la fonctionnaire.

[120] À la suite de cette réunion, la fonctionnaire a présenté des arguments écrits à Mme Meroni, qui a témoigné avoir examiné les documents et les arguments de la fonctionnaire et n’avoir trouvé aucun fait ni aucune déclaration permettant d’étayer des erreurs dans les allégations, ou des remords pour les actes de la fonctionnaire.

[121] Mme Meroni a rédigé un rapport d’enquête de recherche de faits final le 14 août 2015. Dans ce rapport, il est conclu que toutes les allégations d’inconduite étaient fondées. Une copie du rapport a été remise à la fonctionnaire le 1ᵉʳ octobre 2015, lorsquelle a reçu sa lettre de licenciement. Le rapport a été fourni dans une enveloppe scellée lors de cette réunion, et la fonctionnaire a été invitée à le lire après avoir quitté le lieu de travail.

[122] J’ai résumé les conclusions de ce rapport sous chaque section relative à l’inconduite alléguée.

1. La désactivation de la carte d’accès du plaignant

[123] Avant la communication du rapport final d’enquête sur le harcèlement, la fonctionnaire a dit à M. Goluza et à d’autres représentants de la direction qu’elle était préoccupée par la réaction du plaignant au rapport, compte tenu de ses conclusions. À l’époque, elle estimait que toutes les allégations seraient rejetées. J’ai exposé plus en détail ses préoccupations pour sa sécurité dans une section figurant plus loin dans les motifs.

[124] Dans un courriel à Mme Meroni au sujet d’une prochaine réunion avec les conseillers en santé et sécurité au travail et la gestionnaire de la sécurité du bureau de Vancouver, M. Gilliéron a indiqué que la fonctionnaire craignait que le plaignant [traduction] « […] devienne plus contrarié et perde le contrôle […] » lorsqu’il recevra le rapport d’enquête. Il a proposé de demander des suggestions aux conseillers en santé et sécurité au travail et à la gestionnaire de la sécurité sur les mesures que la direction pourrait prendre [traduction] « dans cette situation ». M. Gilliéron n’a pas assisté à la réunion, mais il a déclaré dans un courriel au directeur des relations de travail et de la santé et sécurité au travail que les conseillers en santé et sécurité au travail et la gestionnaire de la sécurité [traduction] « […] n’avaient pas grand-chose à proposer dans ces circonstances ».

[125] La fonctionnaire a reçu un préavis de 48 heures concernant la communication du rapport d’enquête sur le harcèlement, soit le vendredi 10 avril 2015, vers 17 h. Le dimanche 12 avril 2015, elle a envoyé un courriel à la gestionnaire de la sécurité, Linda Carriere, et lui a demandé de désactiver la carte d’accès du plaignant au bureau de Vancouver à compter du lundi 13 avril. La fonctionnaire n’a demandé aucune approbation de cette demande. Elle a pris un congé de maladie le 13 avril.

[126] M. Goluza a témoigné qu’il a été informé de la directive de la fonctionnaire de suspendre la carte d’accès du plaignant lorsqu’il a reçu un courriel de Mme Carriere. Il a témoigné qu’il avait appelé immédiatement Mme Carriere pour lui demander ce qui se passait et qu’elle lui avait dit que la seule directive qu’elle avait reçue figurait dans le courriel de la fonctionnaire. Elle lui a dit qu’elle avait suspendu la carte d’accès. Après leur appel, Mme Carriere lui a envoyé un courriel lui demandant de confirmer si la carte devait demeurer désactivée.

[127] M. Goluza a dit à Mme Carriere de suspendre la carte d’accès du plaignant au bureau de Vancouver pendant cinq jours. Il a témoigné qu’il avait accepté cette mesure dans le but de soutenir la fonctionnaire parce que le plaignant n’avait pas l’intention de se rendre au bureau de Vancouver et parce que cela [traduction] « ne le toucherait pas vraiment ». M. Goluza a témoigné qu’il estimait que la fonctionnaire était très frustrée du fait qu’il ne suspendait pas la carte d’accès du plaignant pour une période plus longue.

[128] M. Goluza a envoyé un courriel à la fonctionnaire ce jour-là, indiquant ce qui suit : [traduction] « […] je vous prie de ne prendre aucune mesure ou de ne présenter aucune demande à l’égard de Ken, car il ne relève pas de vous. Vous n’avez qu’à me signaler les mesures afin que j’y donne suite. » Quelques minutes plus tard, la fonctionnaire a répondu ce qui suit : [traduction] « Lorsque ma sécurité est menacée ou, dans ce cas, lorsqu’elle n’a clairement pas été évaluée en temps opportun (le rapport est communiqué aujourd’hui), je n’hésiterai pas à prendre les mesures que je juge nécessaires pour être en sécurité, que ce soit à l’interne ou avec la police et la Couronne provinciale. » L’employeur a considéré son courriel comme un acte distinct d’inconduite, qui est traité dans la section de la présente décision portant sur les actes d’insubordination allégués.

[129] M. Goluza a témoigné qu’habituellement, le plaignant se rendait au bureau de Vancouver environ quatre fois par année pour rencontrer son superviseur temporaire, M. Krahn. Il a également déclaré que le plaignant n’avait jamais indiqué qu’il serait au bureau de Vancouver ce jour-là. Il a témoigné que le plaignant était au courant de l’entente de séparation et qu’il l’avait toujours respectée. Il a affirmé qu’il avait toujours informé la fonctionnaire lorsque le plaignant devait être au bureau de Vancouver, et qu’elle travaillait alors à l’extérieur du lieu de travail.

[130] M. Goluza a témoigné qu’il considérait que la demande de suspension de la carte d’accès du plaignant par la fonctionnaire était punitive et vindicative envers le plaignant et qu’elle démontrait sa volonté d’affirmer sa position sans réfléchir à ses répercussions.

[131] M. Owen a déclaré qu’en utilisant son bloc-signature de gestionnaire dans le courriel adressé à la gestionnaire de la sécurité, la fonctionnaire avait fait croire à la gestionnaire de la sécurité qu’elle avait le pouvoir de présenter la demande. M. Owen a témoigné qu’il s’agissait d’un abus de pouvoir. Il a également déclaré qu’il n’y avait aucune raison pour laquelle elle n’aurait pas pu communiquer avec M. Goluza, puisqu’ils avaient tous deux un téléphone intelligent. Il a également affirmé qu’elle aurait pu communiquer avec la directrice générale ou d’autres niveaux de la direction si elle n’avait pas pu joindre M. Goluza. Il a également déclaré qu’elle aurait pu refuser de travailler.

[132] M. Owen a témoigné qu’après avoir examiné les faits de l’enquête sur l’inconduite ainsi que l’évaluation de la menace et des risques (dont il est question plus loin dans la présente décision au sujet de la crainte de la fonctionnaire pour sa sécurité), il a conclu que le fait de communiquer avec la Sécurité sans autorisation [traduction] « visait à camoufler des mesures de représailles » envers le plaignant pour avoir déposé une plainte de harcèlement. M. Owen a également témoigné qu’il ne croyait pas à la justification de la fonctionnaire concernant ses préoccupations en matière de sécurité, étant donné qu’elle et le plaignant se trouvaient à différents endroits, que le plaignant devait obtenir l’approbation de la direction pour se déplacer et qu’il avait coopéré dans le cadre du processus de plainte tout au long de l’enquête.

2. Accès aux dossiers de congés du plaignant

[133] La fonctionnaire a consulté les dossiers de congés du plaignant pendant l’enquête sur le harcèlement, alors qu’elle ne le supervisait pas. La plainte de harcèlement a été déposée en janvier 2014, et la fonctionnaire et le plaignant ont été informés de leur séparation le 13 février 2014. Après la séparation, le plaignant relevait de Peter Krahn, qui était un gestionnaire au bureau de Vancouver.

[134] La fonctionnaire a témoigné qu’après la séparation, elle devait toujours tenir à jour les dossiers de rendement du plaignant et approuver les dépenses liées à ses déplacements, à son équipement et à ses actifs. Elle a également affirmé que M. Goluza avait continué de discuter avec elle et de lui envoyer des courriels au sujet de ses réunions avec le plaignant. Il lui a également transmis les plans d’action et les évaluations du rendement du plaignant en décembre 2014 et en février 2015.

[135] Le logiciel du système de congés a continué d’indiquer que la fonctionnaire était la superviseure du plaignant, même si c’est M. Krahn qui le supervisait. Étant donné que la fonctionnaire était indiquée en tant que gestionnaire du plaignant dans le système de congés, elle a pu consulter les soldes et les transactions de congés de ce dernier. M. Goluza a témoigné que la direction aurait pu modifier les droits d’accès au logiciel pour empêcher la fonctionnaire de voir ces dossiers de congés, ce que le ministère a fini par faire.

[136] Le 30 janvier 2015, la fonctionnaire a envoyé un courriel à M. Goluza au sujet de renseignements qu’elle avait reçus de M. Brochez selon lesquels le plaignant travaillait tard le soir au bureau de Nanaimo. Dans ce courriel, elle a dit à M. Goluza qu’elle avait été informée que le plaignant avait réservé des congés annuels cette semaine-là, qu’elle avait vérifié et qu’il avait épuisé ses congés annuels. M. Goluza a répondu ceci : [traduction] « Merci du renseignement. » Il a demandé si le photocopieur enregistrait les dates et les heures. Il a ensuite conclu comme suit : [traduction] « Gardez vos yeux sur votre équipe […] le reste, c’est du bruit. »

[137] M. Goluza a témoigné qu’il n’avait pas soulevé la question de l’accès de la fonctionnaire aux dossiers de congés du plaignant à ce moment-là parce qu’il était préoccupé par l’état de santé de la fonctionnaire.

[138] Le 2 mars 2015, M. Goluza a demandé à la fonctionnaire de lui fournir toute évaluation ou tout document de gestion du rendement concernant le plaignant pour les exercices 2012-2013 et 2013-2014. Il a demandé les documents pour l’aider à se préparer à une réunion qu’il devait avoir avec le plaignant au sujet de son rendement.

[139] Le 31 mars 2015, la fonctionnaire a envoyé un courriel à M. Goluza, indiquant qu’après avoir reçu de multiples demandes d’accès à l’information concernant le plaignant, elle avait présenté sa propre demande et avait appris qu’il avait présenté 12 demandes pendant les heures de travail. Elle a dit à M. Goluza qu’elle avait vérifié dans le système de congés que le plaignant n’était pas en congé le jour où il a présenté les demandes. Voici la réponse intégrale de M. Goluza : [traduction] « Merci d’avoir partagé ces renseignements. Je fais un suivi. » M. Goluza a témoigné qu’il ne lui avait pas demandé de vérifier les congés du plaignant.

[140] Dans un courriel à sa directrice générale le 7 avril 2015, M. Gilliéron a indiqué que la fonctionnaire avait informé M. Goluza de la présentation par le plaignant de demandes d’accès à l’information pendant les heures de travail. Il a écrit qu’il discutait à ce moment-là avec M. Goluza de la question de savoir s’il devait procéder à une enquête de recherche de faits, afin de déterminer si le plaignant avait envoyé les demandes pendant ses heures de travail ou s’il l’avait fait pendant ses pauses.

[141] Le 8 avril 2015, M. Goluza a transmis l’échange par courriel avec la fonctionnaire au sujet des congés du plaignant à une conseillère en relations de travail et à Mme Meroni. La conseillère en relations de travail a répondu que cela la préoccupait [traduction] « beaucoup » et qu’il était important de ne pas [traduction] « encourager ou tolérer ce comportement ». Dans son courriel en réponse à cette chaîne de courriels, Mme Meroni a indiqué qu’elle soutenait les conseils de la conseillère en relations de travail. Elle a indiqué qu’il était inapproprié pour la fonctionnaire d’accéder aux dossiers de congés et que cela [traduction] « […] doit lui être mentionné pour s’assurer qu’il n’est pas présumé que ce comportement serait considéré comme acceptable ». Mme Meroni a témoigné que cet échange de courriels avait eu lieu lorsqu’elle a appris que la fonctionnaire examinait les dossiers de congés d’un employé qui ne relevait pas d’elle.

[142] M. Goluza a répondu aux deux courriels comme suit : [traduction] « J’aborderai cette question dans son évaluation de fin d’exercice, car je crois qu’elle aura davantage d’incidence après la mise au point de l’EMR [évaluation de la menace et des risques]. »

[143] M. Goluza a affirmé qu’il se souvenait également que la fonctionnaire avait mentionné une fois qu’elle ne savait pas combien de congés il restait au plaignant et qu’elle le vérifierait. Il a déclaré qu’il ne savait pas si elle avait donné suite à cette proposition.

[144] Mme Meroni a témoigné que, dans son enquête sur l’inconduite, elle a conclu que les actes de la fonctionnaire étaient inappropriés, qu’ils constituaient une atteinte potentielle à la vie privée et une violation du code de valeurs et d’éthique du ministère et de sa politique sur l’utilisation des réseaux électroniques.

[145] M. Owen a affirmé qu’il n’avait pas trouvé crédible l’explication de la fonctionnaire concernant son accès aux dossiers de congés du plaignant. Il a déclaré que, si elle avait des préoccupations au sujet de l’utilisation des congés par le plaignant, elle aurait pu consulter M. Krahn ou M. Goluza. Il a témoigné qu’il considérait que son accès aux dossiers de congés constituait une tentative de dépeindre le plaignant sous un jour négatif à la direction et un acte de représailles.

G. Actes d’insubordination allégués

[146] L’employeur a conclu que la fonctionnaire avait fait preuve d’insubordination à quatre occasions distinctes : 1) dans un message d’absence du bureau inapproprié en avril 2015, 2) dans sa conduite lors d’une réunion de la direction tenue le 11 mai 2015, 3) dans sa tenue d’une réunion de recherche des faits concernant le bureau de Nanaimo, contre la directive de M. Goluza, et 4) dans sa réponse à la décision de M. Goluza relative à la désactivation du laissez-passer de sécurité du plaignant.

1. Le message d’absence du bureau

[147] Avant de prendre un congé de maladie le 7 avril 2015, la fonctionnaire a créé un message courriel d’absence du bureau qui indiquait M. Gilliéron comme point de contact.

[148] La fonctionnaire a témoigné qu’elle avait changé son message d’absence du bureau par frustration et qu’elle était contrariée à ce moment-là. Elle a affirmé qu’elle estimait que M. Goluza s’en était remis aux Relations de travail en acceptant la lettre du médecin autorisant le plaignant à reprendre toutes ses fonctions, malgré ses préoccupations, et que M. Gilliéron avait rejeté ses préoccupations en matière de sécurité à maintes reprises. Elle a également témoigné qu’elle était en état de choc et qu’elle était profondément déçue du résultat de l’enquête sur le harcèlement.

[149] M. Goluza a affirmé qu’il avait été informé du message d’absence du bureau par deux employés. Il a déclaré avoir été très surpris par les actes de la fonctionnaire. Il a témoigné que, dans des conversations antérieures, elle l’avait accusé de ne pas prendre ses propres décisions, mais plutôt de suivre les conseils des Relations de travail [traduction] « à la lettre ». Il a affirmé qu’il avait interprété son message d’absence du bureau comme une façon de lui faire part de son insatisfaction à l’égard de son leadership et de son manque de soutien perçu de sa part.

[150] M. Goluza a également témoigné que M. Graham lui avait posé des questions au sujet du message d’absence du bureau et que M. Graham avait reconnu qu’il était inapproprié. M. Graham a affirmé qu’il ne se souvenait pas d’avoir reconnu une telle chose, même s’il n’a pas contesté qu’il aurait pu s’agir d’un sujet de discussion. Toutefois, M. Graham a témoigné qu’il n’aurait pas volontairement fourni cette information.

[151] Mme Meroni a témoigné qu’elle avait conclu que l’utilisation du message d’absence du bureau était inappropriée et que la fonctionnaire aurait dû avoir une compréhension claire des rôles et des responsabilités, y compris savoir que le fait d’inscrire un employé des Ressources humaines comme personne-ressource n’était pas seulement inapproprié, mais qu’il aurait également pu entraîner des répercussions possibles sur sa direction générale.

[152] M. Owen a affirmé qu’il n’avait pas trouvé son explication crédible. Il a déclaré qu’en tant que gestionnaire, elle aurait dû savoir que le plan d’action attendu en cas d’absence du bureau aurait été d’inscrire son directeur, un autre gestionnaire ou un subordonné direct comme personne-ressource plutôt qu’une personne de l’extérieur de la direction générale.

[153] La fonctionnaire a témoigné que le message d’absence du bureau était inapproprié et immature. Elle a déclaré qu’elle n’aurait pas dû le faire. Elle a également affirmé qu’elle aurait dû présenter ses excuses et [traduction] « passer à autre chose ».

2. Conduite lors de la réunion de la direction du 11 mai 2015

[154] M. Goluza a témoigné qu’il avait convoqué une réunion de l’équipe de gestion régionale le 11 mai 2015, avec la fonctionnaire et les autres gestionnaires des opérations (Elizabeth Graca en personne et Mme Portman par téléphone). Il a affirmé que, lorsque ce fut le tour de la fonctionnaire de participer à la table ronde, elle a dit quelque chose indiquant qu’elle travaillait dans une région où le directeur régional ne prenait pas la sécurité au sérieux. Il a témoigné qu’elle avait dit que, plus tôt cette semaine-là, elle s’était rendue au poste de police pour faire part de ses préoccupations et que Gordon Leek, l’enquêteur chargé de l’évaluation des menaces, était venu à son bureau pour évaluer les [traduction] « points de sortie ». Il a également témoigné qu’elle avait dit qu’il avait fait visiter le bureau au plaignant pour lui montrer où elle travaillait. M. Goluza a témoigné qu’elle avait également dit qu’il avait influencé un agent de la région, Darin Conroy, pour qu’il ne participe pas à l’évaluation de la menace et des risques que M. Leek effectuait.

[155] M. Goluza a interrogé la fonctionnaire au sujet de son affirmation selon laquelle il avait interféré dans l’enquête sur la sécurité. Elle lui a dit qu’elle ne faisait qu’alléguer et ne l’accusait pas d’ingérence. Il a témoigné qu’il avait trouvé que cette affirmation portait à confusion. Il estimait qu’elle l’accusait d’avoir agi [traduction] « de manière très inappropriée ». M. Goluza a témoigné qu’il n’avait pas dit à M. Leek à qui il pouvait ou ne pouvait pas parler.

[156] M. Goluza a affirmé que, immédiatement après la réunion, il a communiqué avec M. Conroy pour lui demander s’il (M. Goluza) lui avait déjà parlé de la question et il a répondu par la négative. Il a également témoigné avoir envoyé une note à M. Leek pour clarifier les choses. Il a affirmé qu’il estimait que sa fausse accusation visait à perpétuer la méfiance.

[157] M. Goluza a témoigné au sujet de l’allégation de la fonctionnaire selon laquelle il avait montré au plaignant où se trouvait son bureau. Il a témoigné qu’après une réunion avec le plaignant, il l’avait emmené faire une visite du bureau après que certaines rénovations avaient été achevées en février 2015. Il a déclaré que, lors d’une conversation avec la fonctionnaire après sa réunion avec le plaignant, il lui avait dit qu’il lui avait fait visiter le bureau. Il a témoigné que la fonctionnaire est devenue contrariée. M. Goluza a laissé entendre qu’il y avait une [traduction] « possibilité très réelle » que le plaignant revienne à son équipe. Il a témoigné que la fonctionnaire avait alors dit qu’elle pouvait être une bonne employée motivée ou qu’elle pouvait devenir une employée très difficile et causer des problèmes au ministère.

[158] Mme Portman a témoigné que la fonctionnaire avait parlé de l’enquête sur la sécurité et qu’elle avait eu l’impression que la fonctionnaire était agressive. Elle a affirmé qu’à la réunion, la fonctionnaire a déclaré qu’on avait dit au personnel de Mme Portman de ne rien dire et qu’elle devrait s’assurer qu’ils coopéraient. Elle a témoigné que M. Goluza avait dit à la fonctionnaire qu’il n’était pas approprié d’en discuter à la réunion et qu’elles en discuteraient [traduction] « hors ligne ». Elle a déclaré que la fonctionnaire n’avait pas mentionné le nom de M. Conroy, mais qu’elle avait eu [traduction] « l’impression » que la fonctionnaire faisait référence à lui, car il offrait souvent un soutien aux personnes de la région Pacifique de l’employeur.

[159] Mme Portman a affirmé que la fonctionnaire n’avait pas crié, mais qu’elle avait parlé [traduction] « avec force et agressivité ». Elle a déclaré que la fonctionnaire avait parlé avec un ton [traduction] « fort et saccadé ». Elle a témoigné qu’il s’agissait de la première fois qu’elle voyait la fonctionnaire faire preuve d’une attitude [traduction] « très agressive et humiliante » envers M. Goluza. Mme Portman a témoigné qu’elle était [traduction] « stupéfaite ». Elle a témoigné qu’à la réunion, il était devenu clair pour elle que la fonctionnaire était mécontente et qu’elle accusait M. Goluza d’avoir commis des actes illégaux et déplacés.

[160] Mme Portman a fait un suivi auprès des agents qui relevaient d’elle pour confirmer si on leur avait dit de ne pas collaborer, mais ils ont dit qu’on ne leur avait pas dit de ne pas collaborer.

[161] M. Owen a témoigné qu’il avait trouvé les actes de la fonctionnaire [traduction] « très irrespectueux » et insubordonnés. Il a témoigné qu’il était inapproprié d’accuser son directeur, devant ses subordonnés, de comportement contraire à l’éthique. Il a déclaré que cette accusation avait le potentiel de nuire à la relation de M. Goluza avec ses employés, d’autant plus qu’il avait le statut d’agent de la paix désigné, ce qui aurait pu remettre en question son traitement des dossiers à la direction générale. M. Owen a témoigné qu’en tant que gestionnaire, elle aurait dû savoir que ses déclarations pouvaient jeter un doute sur ses intentions. M. Owen a également déclaré qu’il considérait sa déclaration comme une tentative délibérée de discréditer M. Goluza devant son équipe.

3. Entrevue de recherche des faits de la fonctionnaire

[162] Le 8 mai 2015, la fonctionnaire a appris de M. Goluza qu’un conflit entre le plaignant et M. Fraser au bureau de Nanaimo était survenu à la fin de janvier 2015. Elle a envoyé un courriel à M. Goluza pour le remercier de l’avoir informée du conflit. Elle a également écrit qu’après avoir examiné les documents sur le harcèlement dans le lieu de travail, elle craignait de ne pas être en mesure de faire preuve de [traduction] « […] diligence raisonnable en ce qui concerne la politique et les lignes directrices sur le harcèlement […] » si elle ne recueillait pas les faits préliminaires au sujet du conflit. Dans une référence apparente au rapport d’enquête sur le harcèlement (que M. Goluza n’avait pas vu), la fonctionnaire a également déclaré qu’elle avait appris que le fait de transmettre inutilement une affaire à un conseiller en relations de travail constituait du harcèlement.

[163] Dans son courriel, la fonctionnaire a ensuite déclaré qu’elle organiserait une entrevue de recherche des faits avec M. Fraser la semaine suivante, [traduction] « […] afin de s’acquitter de [ses] obligations concernant le harcèlement dans le lieu de travail ». Elle a conclu son courriel en déclarant qu’elle informerait M. Goluza du résultat de l’entrevue.

[164] M. Goluza a témoigné qu’il n’avait pas compris son commentaire selon lequel il ne fallait pas communiquer avec les Relations de travail. Il estimait qu’elle devait discuter avec les Relations de travail avant de tenir une entrevue de recherche des faits. Dans un courriel, il lui a dit de faire un suivi auprès de M. Gilliéron [traduction] « pour obtenir des éclaircissements ». Il a conclu que, puisque la situation concernait un conflit entre le plaignant et M. Fraser, elle [traduction] « ne devait pas y donner suite » jusqu’à ce qu’elle et le plaignant ne soient plus séparés.

[165] La fonctionnaire a répondu au courriel de M. Goluza en déclarant ce qui suit : [traduction] « Ma recherche des faits se poursuivra avec les agents qui relèvent actuellement de moi. Je n’ai pas de raison valable de transmettre la question aux Relations de travail pour l’instant […] »

[166] La fonctionnaire a discuté du conflit entre le plaignant et M. Fraser avec M. Fraser et M. Brochez. Dans un courriel du 11 mai 2015, elle a dit à M. Goluza qu’il serait inapproprié pour elle de communiquer avec le plaignant pendant qu’elle faisait l’objet d’une enquête pour harcèlement et inconduite. Elle a dit à M. Goluza qu’elle n’avait aucune indication qu’il y avait eu inconduite ou que la définition de « harcèlement » avait été satisfaite dans le cadre de l’incident.

[167] M. Goluza a témoigné que, selon lui, l’entrevue de recherche des faits était [traduction] « complètement inattendue, injustifiée et contraire à [sa] directive ». Il a affirmé qu’il s’était senti embarrassé, confus et rabaissé.

[168] M. Owen n’a pas accepté l’explication de la fonctionnaire concernant son comportement. Il a conclu que la tenue de l’entrevue de recherche des faits constituait de l’insubordination et un manquement à la séparation des parties pendant le processus d’enquête sur le harcèlement.

[169] La fonctionnaire a déclaré qu’elle reconnaît maintenant que ses actes n’étaient pas appropriés.

4. La réponse de la fonctionnaire à la décision relative à la désactivation du laissez‑passer de sécurité du plaignant

[170] L’employeur a allégué que la fonctionnaire avait commis un acte d’insubordination dans son courriel de réponse à M. Goluza concernant la désactivation du laissez-passer de sécurité du plaignant au bureau de Vancouver. J’ai déjà exposé les détails de la désactivation dans une section antérieure de la présente décision. Par nécessité, certains des éléments de preuve seront répétés dans la présente section.

[171] M. Goluza a envoyé un courriel à la fonctionnaire le 13 avril 2015, dans lequel il indiquait ce qui suit : [traduction] « […] je vous prie de ne prendre aucune mesure ou de ne présenter aucune demande à l’égard de Ken, car il ne relève pas de vous. Vous n’avez qu’à me signaler les mesures afin que j’y donne suite. » Quelques minutes plus tard, elle a répondu ce qui suit : [traduction] « Lorsque ma sécurité est menacée ou, dans ce cas, lorsqu’elle n’a clairement pas été évaluée en temps opportun (le rapport est communiqué aujourd’hui), je n’hésiterai pas à prendre les mesures que je juge nécessaires pour être en sécurité, que ce soit à l’interne ou avec la police et la Couronne provinciale. »

[172] La fonctionnaire a témoigné qu’elle n’avait pas eu l’intention de manquer de respect dans le courriel. Elle a témoigné qu’elle était contrariée et sur la défensive après avoir tout juste lu le rapport d’enquête sur le harcèlement.

[173] Mme Meroni a conclu que le courriel constituait un acte d’insubordination. Elle a témoigné que la réponse de la fonctionnaire constituait également un manque de respect. Elle a déclaré que la fonctionnaire disposait de mécanismes pour répondre à ses préoccupations en matière de sécurité autres que de défier M. Goluza.

[174] M. Owen a témoigné que la réponse de la fonctionnaire a été considérée comme de l’insubordination, car elle défiait la directive de son gestionnaire direct. Il n’a pas accepté son explication selon laquelle elle avait envoyé le courriel parce qu’elle estimait que la direction ne prenait pas au sérieux ses préoccupations en matière de sécurité. Il a témoigné qu’elle aurait pu utiliser d’autres moyens pour répondre à ses préoccupations, comme communiquer avec M. Goluza ou la haute direction. Il a également déclaré qu’elle aurait pu demander de travailler à un autre endroit si elle était préoccupée par le fait que le plaignant se présente au bureau de Vancouver. Il a également fait remarquer qu’une partie de l’entente de séparation incluait la séparation des parties et qu’il existait une entente selon laquelle elle devait être informée si le plaignant venait au bureau de Vancouver. Il a déclaré que, jusqu’à ce moment, le plaignant avait respecté la séparation des parties.

[175] M. Owen a témoigné qu’il avait conclu que ses actes constituaient de l’insubordination et qu’ils visaient à donner l’impression que le plaignant était imprévisible et que des mesures de sécurité renforcées seraient nécessaires. Il a affirmé qu’il n’existait aucun élément de preuve permettant d’étayer l’énoncé selon lequel des mesures de sécurité renforcées seraient nécessaires.

H. La violation de la confidentialité du processus d’enquête sur le harcèlement

[176] L’employeur a allégué que la fonctionnaire avait violé l’entente de confidentialité qu’elle avait signée au début de l’enquête sur le harcèlement.

[177] L’enquêteuse a envoyé un courriel au plaignant et à la fonctionnaire le 27 août 2014, dans lequel elle a décrit les exigences en matière de confidentialité aux fins de l’enquête sur la plainte de harcèlement. Dans ce courriel, l’enquêteuse a indiqué que [traduction] « […] cette affaire est confidentielle et ne doit pas être discutée avec quiconque ne participant pas officiellement au processus d’enquête », autre qu’un adjoint ou un représentant de l’agent négociateur. Le courriel indiquait également qu’il était inapproprié de discuter de la plainte de harcèlement ou de l’enquête avec quiconque [traduction] « […]ne participant pas directement à la résolution de cette affaire ». Le plaignant et la fonctionnaire ont signé un document qui comprenait l’obligation en matière de confidentialité.

[178] Dans le rapport, l’enquêteuse sur le harcèlement a fait remarquer que le plaignant lui avait avoué avoir discuté de la plainte avec ses collègues après son entrevue du 22 septembre 2014. L’enquêteuse a déclaré qu’elle lui avait rappelé ses obligations en matière de confidentialité et qu’elle lui avait dit de ne pas discuter de l’affaire en cours avec ses collègues. Il ne s’est vu imposer aucune mesure disciplinaire pour cette violation de la confidentialité.

[179] L’enquêteuse sur le harcèlement a également écrit que, le 22 décembre 2014, M. Fraser lui a signalé que la fonctionnaire avait discuté de la plainte de harcèlement avec lui. Dans son rapport, l’enquêteuse a résumé comme suit ce que M. Fraser lui avait dit :

[Traduction]

[…]

· Au cours de réunions individuelles avec la défenderesse [la fonctionnaire] la semaine précédente, elle a soulevé la question de l’enquête sur le harcèlement en cours.

· Elle lui a dit que les deux parties (elle et le plaignant) avaient la possibilité de consulter les déclarations des témoins.

· Elle lui a dit sur un ton prétentieux : « J’ai lu votre déclaration. »

· Elle a indiqué : « Je ne sais pas ce à quoi s’attend [le plaignant] de cette situation. En fin de compte, il ne relèvera pas d’un autre gestionnaire. L’île [de Vancouver] ne deviendra pas un district distinct. Je ne vais nulle part. Je pourrais devoir suivre une formation sur la sensibilité. Je serai ici pendant 10 ans et 11 mois. »

· Elle lui a dit que trois autres griefs avaient été déposés contre elle et que les résultats avaient été qu’elle devait faire preuve de plus de sensibilité et suivre une formation sur la sensibilité.

[…]

 

[180] M. Fraser est décédé. Il a témoigné à l’audience de 2018 et son témoignage sur la violation de la confidentialité a été résumé comme suit au paragraphe 69 de la décision de 2018 :

[69] […] Elle [la fonctionnaire] l’a appelé au bureau de Vancouver pour discuter de son rendement et de la nécessité d’une évaluation de l’aptitude au travail. Elle a fait remarquer qu’elle a mentionné à deux reprises pendant la rencontre les entrevues de témoins menées dans le cadre de l’enquête sur la plainte de harcèlement. Selon le témoignage de M. Fraser, elle lui a dit qu’elle savait ce dont il avait parlé à l’enquêteuse pendant son entrevue.

 

[181] À l’audience devant moi, la fonctionnaire a nié avoir informé M. Fraser de l’enquête sur le harcèlement. Elle a également témoigné qu’aucun autre grief n’avait été déposé contre elle et qu’on ne lui avait jamais ordonné de suivre une formation sur la sensibilité.

[182] Mme Meroni a rencontré M. Fraser dans le cadre de l’enquête sur l’inconduite. Elle a déclaré que M. Fraser lui avait dit que la fonctionnaire lui avait dit qu’elle savait qu’il avait été interrogé par l’enquêteuse sur le harcèlement et qu’elle avait ensuite discuté de son rendement. Mme Meroni a témoigné que M. Fraser lui avait dit qu’il interprétait sa référence à son rendement comme une tentative d’intimidation et une menace.

[183] Mme Meroni a témoigné qu’elle avait conclu que l’allégation de violation de la confidentialité était fondée parce que M. Fraser avait parlé à l’enquêteuse sur le harcèlement, qui avait des notes sur la conversation, et que l’enquêteuse avait conclu que la confidentialité avait été violée. Mme Meroni a témoigné que, puisque M. Fraser et l’enquêteuse avaient tous deux fait référence à l’incident, il était plus probable que le contraire que la violation de la confidentialité ait eu lieu.

[184] M. Owen a témoigné qu’il considérait la violation de la confidentialité de la fonctionnaire comme une tentative d’intimider M. Fraser pour avoir parlé contre elle.

I. Les dispositifs GPS

[185] La fonctionnaire a participé à des discussions internes au sujet du placement de dispositifs GPS sur les véhicules du ministère. Même si l’employeur n’a pas invoqué la décision de placer les dispositifs GPS lorsqu’il a décidé de licencier la fonctionnaire, il a invoqué son omission alléguée d’informer le plaignant du dispositif dans ses arguments à la Commission. Par conséquent, j’ai résumé le contexte et les éléments de preuve relatifs au placement du dispositif GPS dans un véhicule que le plaignant a finalement utilisé.

[186] La fonctionnaire a témoigné qu’à l’été 2014, le gestionnaire intérimaire des opérations pour le district intérieur sud de l’employeur, Dylan Wood, l’avait approchée pour discuter du placement de dispositifs GPS dans les véhicules utilisés pour le travail sur le terrain dans des régions éloignées. Il a laissé entendre qu’un appareil GPS serait plus fiable pour localiser les agents en cas d’accident ou d’urgence que s’ils utilisaient des téléphones satellites. La fonctionnaire a témoigné qu’elle avait discuté de l’idée avec Mme Meroni et qu’elle avait accepté un projet pilote. Mme Meroni ne se souvenait pas de la discussion, mais elle n’a pas contesté qu’elle avait eu lieu. La fonctionnaire a également affirmé que la question avait été soulevée auprès de M. Graham, qui était membre du Comité de santé et sécurité au travail, et que sa rétroaction avait été positive.

[187] La fonctionnaire a témoigné que M. Wood avait choisi deux camions de son district et qu’elle avait choisi un camion à Vancouver et deux gros camions au bureau de Nanaimo. À l’époque, les gardiens des camions de Nanaimo étaient M. Graham, M. Brochez et, pendant que M. Fraser était en congé prolongé, elle. Elle a témoigné qu’aucun GPS n’avait été installé sur le véhicule du plaignant. Elle a également témoigné que tous les gestionnaires et superviseurs avaient été informés de l’installation des dispositifs GPS, y compris le superviseur temporaire du plaignant à l’époque, M. Krahn. La fonctionnaire a également affirmé qu’elle avait informé M. Goluza des dispositifs GPS à son retour de congé à l’automne 2014. M. Goluza n’a soulevé aucune préoccupation concernant le projet pilote. Le projet pilote s’est déroulé jusqu’à l’été 2015.

[188] Le 31 octobre 2014, M. Krahn a dit à M. Goluza que le plaignant avait accès au camion de M. Fraser pour une inspection. Dans sa réponse au courriel de M. Goluza au sujet de l’utilisation du camion, la fonctionnaire a écrit [traduction] « veuillez fournir les dates de ces inspections et vous assurer que Peter a transmis les renseignements relatifs au GPS SST » au plaignant.

[189] Dans sa déclaration de témoin, M. Goluza a déclaré que la fonctionnaire avait placé un dispositif GPS sur le véhicule de travail du plaignant sans en informer Mme Meroni et qu’il n’était pas certain si la fonctionnaire en avait informé M. Krahn au moyen d’un courriel individuel ou s’il avait été inclus dans une liste de distribution d’un courriel envoyé à un groupe plus important. M. Goluza a témoigné que M. Krahn lui avait avoué qu’il n’avait pas lu le courriel de la fonctionnaire. M. Goluza a affirmé que la fonctionnaire n’avait effectué aucun suivi à l’égard du GPS, à l’exception de l’unique courriel.

[190] M. Goluza a témoigné qu’il trouvait injuste l’acte de la fonctionnaire consistant à installer les dispositifs GPS. Il a laissé entendre qu’elle recueillait les renseignements du plaignant sans son consentement et sans consulter la sécurité du ministère ou les Relations de travail. Il a également déclaré qu’il ne savait pas pourquoi elle avait choisi d’installer un GPS sur le véhicule du plaignant alors qu’il y avait 25 autres véhicules dans la région. Il a également affirmé qu’il était préoccupé par le fait qu’il croyait qu’elle n’avait jamais donné à M. Krahn les renseignements de connexion ou qu’elle ne lui avait jamais expliqué comment utiliser le GPS. M. Krahn n’a pas témoigné. M. Goluza a également témoigné qu’on ne lui avait jamais donné d’instructions sur la façon d’utiliser le GPS. Il a affirmé qu’il croyait que les actes de la fonctionnaire avaient provoqué le plaignant et d’autres personnes dans la région.

[191] M. Goluza a témoigné que, peu après avoir appris que le plaignant n’était pas au courant de l’existence du GPS, il a ordonné la fin du projet pilote et le retrait des dispositifs GPS de tous les véhicules. Il a affirmé que le projet pilote [traduction] « était une pure perte de temps et d’argent » et que la façon dont la fonctionnaire avait géré la situation était [traduction] « tout à fait inappropriée ».

J. La crainte pour sa sécurité

[192] Lors d’une réunion avec la fonctionnaire le 22 mai 2013, le plaignant lui a dit qu’il se sentait violé par elle. M. Goluza était également présent à cette réunion. Dans sa plainte de harcèlement, le plaignant a fait référence à ce commentaire et a déclaré que la fonctionnaire [traduction] « s’en est offusquée ». Dans sa plainte de harcèlement, il a écrit qu’il a pensé à l’époque que l’utilisation du terme reflétait fidèlement ce qu’il ressentait à la suite des actes de la fonctionnaire contre lui.

[193] La fonctionnaire a pris des notes lors d’une réunion tenue le 30 juillet 2013 pour discuter des objectifs de rendement du plaignant. Elle a écrit que les discussions avaient suscité [traduction] « un degré élevé de colère » de la part du plaignant.

[194] La fonctionnaire a témoigné que le comportement du plaignant lors de la formation sur le recours à la force en avril 2014 l’avait inquiétée. Elle a formulé les observations suivantes dans sa déclaration de témoin :

[Traduction]

[…]

[…] Il prenait de nombreuses notes et semblait stressé. À la fin de la journée, j’étais réticente à me rendre au stationnement, et l’ALP [agent de liaison du programme] m’a approchée pour me demander ce que j’attendais. Je lui ai demandé de communiquer avec un agent qui habitait près de chez moi pour qu’il aille chercher ma fille à la garderie si quelque chose devait m’arriver pendant la formation. L’ALP a informé M. Goluza de ce que je lui avais dit, et le lendemain, pendant la formation, lui et moi avons eu un appel avec M. Gilliéron, au cours duquel j’ai discuté des indicateurs que j’avais observés chez M. Russell. M. Gilliéron ne semblait pas préoccupé et m’a dit que je pouvais me retirer du renouvellement de l’accréditation en recours à la force si j’éprouvais des difficultés. Cependant, je me suis sentie obligée de terminer la formation. En tant que gestionnaire de sexe féminin, j’avais l’impression que, si je n’assistais pas à la formation, cela aurait une incidence négative sur moi. Pendant la partie interactive de la formation, j’ai vu M. Russell frapper avec force la tête d’un mannequin de formation avec son bâton plutôt que d’utiliser les coups corporels et le niveau de force appropriés. J’y ai participé jusqu’à la partie de l’exercice d’équipe, où les participants doivent se frapper et se pousser, de sorte que je n’aurais pas à interagir avec M. Russell.

[…]

 

[195] M. Leeden a témoigné au sujet d’un scénario à la formation sur le recours à la force appelé [traduction] « braver la foule ». Dans sa déclaration de témoin, il a décrit ce scénario comme étant celui où les participants se frayent un chemin à travers des mannequins et, à la fin, donnent un coup à un mannequin avec un bâton. Il a témoigné que les agents avaient appris à viser les bras et les jambes et à éviter de frapper les articulations ou la tête, ce qui pourrait être fatal. Il a témoigné avoir vu le plaignant frapper le mannequin au visage avec suffisamment de force pour laisser une marque. Il a témoigné que cela lui avait paru étrange, car c’était contraire à la formation.

[196] Le 1ᵉʳ mai 2014, une fusillade a eu lieu dans une usine de Nanaimo. La fonctionnaire a témoigné que, ce jour-là, M. Leeden et M. Brochez lont appelée pour lui dire que le plaignant avait décrit le tireur comme une personne qui aurait pu avoir des problèmes avec la direction ou des problèmes à la maison et dautres facteurs de stress dans sa vie, ce qui aurait pu déclencher une fusillade. La fonctionnaire a témoigné que cela lavait alarmée, car il lui semblait quil sassociait à lauteur du crime.

[197] M. Brochez a témoigné que le plaignant semblait sympathiser avec le tireur en tant que personne qui aurait pu éprouver des difficultés à la maison et avec la direction de l’usine. Il a déclaré qu’il s’agissait des mêmes problèmes que ceux dont le plaignant [traduction] « [lui] parlait presque tous les jours ». M. Brochez a affirmé qu’il [traduction] « pouvait ressentir un niveau de tension atroce au bureau » et que le fait d’entendre le plaignant parler de la fusillade en faisant référence à des [traduction] « comparaisons à la vie [du plaignant] à ce moment-là » l’a poussé à parler à la fonctionnaire de ses sentiments.

[198] Le plaignant a témoigné qu’une discussion sur l’incident avait eu lieu avec ses collègues de travail et qu’il ne se souvenait pas de tout. Il a déclaré n’avoir jamais exprimé de sympathie à l’égard du tireur. Il a témoigné qu’il [traduction] « essayait simplement d’obtenir des réponses ou une raison ou une justification de la raison pour laquelle une personne commettrait un acte aussi grave ».

[199] En novembre 2014, M. Brochez a informé la fonctionnaire que le plaignant avait déplacé les carreaux de plafond au bureau de Nanaimo pour voir s’il y avait des appareils d’écoute ou d’enregistrement dans le plafond. Le conseiller en santé et sécurité au travail a conseillé à la fonctionnaire qu’à des fins de prudence, elle devrait demander à un préposé à l’entretien qu’il vérifie la stabilité des carreaux de plafond. Elle a témoigné que M. Brochez lui avait dit que, lorsque le plaignant a appris que des membres de la direction savaient qu’il avait vérifié les carreaux de plafond, il est devenu visiblement contrarié.

[200] La fonctionnaire a indiqué dans sa déclaration de témoin les commentaires que le plaignant avait faits à son sujet dont M. Goluza, M. Leeden et M. Brochez lui avaient fait part. Ces commentaires comprenaient, entre autres, les commentaires suivants :

[Traduction]

[…]

· « Chienne », y compris avec des adjectifs, p. ex. « maudite chienne », « chienne stupide »

· « Salope », y compris avec des adjectifs, p. ex. « salope stupide »

· « Madame Piggy »

· « Le diable »

· Que je devrais être « brûlée au bûcher »

· « Plotte », expression qui renvoie, si je comprends bien, au système reproducteur féminin.

[…]

 

[201] Dans sa déclaration de témoin, M. Brochez a déclaré que le plaignant qualifiait la fonctionnaire de [traduction] « […] “chienne” ou de “salope” et parfois avec des adjectifs tels que “maudite” ou “stupide” ». Il se souvenait également d’avoir entendu le terme [traduction] « plotte », mais même s’il a compris qu’il ne s’agissait pas d’un compliment, il ne savait pas ce que cela signifiait. Dans la déclaration de témoin de M. Leeden, il a déclaré avoir entendu le plaignant appeler la fonctionnaire [traduction] « une chienne », ainsi que d’autres commentaires négatifs à son égard.

[202] La fonctionnaire a témoigné que M. Brochez et M. Leeden lui ont dit que, surtout après le retour du plaignant de son congé de maladie, il était [traduction] « prompt à la colère » chaque fois qu’elle appelait au bureau de Nanaimo. Elle a témoigné qu’après avoir reçu les allégations de harcèlement, elle est devenue très inquiète de sa colère envers elle. Elle a témoigné qu’elle portait son uniforme complet et son ceinturon de service lorsqu’elle se rendait au bureau de Nanaimo parce qu’elle craignait pour sa sécurité. Elle a également témoigné avoir informé le détachement de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) de l’endroit où elle se rendait. Elle a témoigné qu’elle réservait des salles de conférence à l’extérieur du bureau principal pour éviter le plaignant et qu’elle utilisait différentes sorties pour quitter l’immeuble. M. Brochez a témoigné qu’il se souvenait avoir pensé à l’époque [traduction] « à quel point elle devait être préoccupée pour sa sécurité pour prendre de telles mesures pour assurer sa propre sécurité ».

[203] Dans les notes dactylographiées qu’il a prises de ses réunions avec la fonctionnaire du 17 au 19 décembre 2014 (et qui ont été fournies à la fonctionnaire à l’audience de 2018), M. Fraser a signalé qu’elle lui avait dit que, contrairement au plaignant, elle ne craignait pas pour sa sécurité personnelle à cause de lui.

[204] Le 22 décembre 2014, M. Goluza a envoyé un courriel à Bert Engelmann, un conseiller principal en matière de santé et sécurité au travail du ministère, intitulé [traduction] « À votre retour – préoccupations en matière de sécurité ». Il a énuméré un certain nombre d’indicateurs qui constituaient des [traduction] « signes d’alerte d’un employé en détresse » tirés du site Web du Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail. Il a déclaré dans le courriel que [traduction] « nous avons peut-être aussi constaté certains des signes physiques et certains des “autres signes” figurant sur ce site Web ». Il a également souligné qu’ils avaient constaté [traduction] « quelques signes de paranoïa ». Il a demandé à M. Engelmann des conseils sur la façon de [traduction] « communiquer de manière constructive » et s’il avait des mesures à proposer.

[205] M. Engelmann a témoigné qu’il avait eu très peu d’interactions avec la fonctionnaire au sujet du plaignant, mais qu’il était au courant de ses préoccupations concernant sa sécurité. Il a déclaré qu’il se rappelait lui avoir parlé au téléphone une ou deux fois à la fin de 2014 au sujet de ses préoccupations. Il a affirmé qu’il n’avait pas de raison de ne pas croire ses préoccupations.

[206] Dans la lettre d’accompagnement du rapport final d’enquête sur le harcèlement, qui a été présenté le 27 février 2015, l’enquêteuse a indiqué que la réponse du plaignant au rapport préliminaire était [traduction] « quelque peu inquiétante » par sa taille et son ton, [traduction] « […] mais l’inclusion par le plaignant d’environ 68 photographies de l’intimée [la fonctionnaire] est alarmante ». Elle a souligné que les photographies comprenaient des photos de la fonctionnaire et de sa fille lors d’événements sociaux, ainsi que des photographies de séances de formation où il était évident que la fonctionnaire n’était pas au courant qu’elle était prise en photo.

[207] Dans la lettre d’accompagnement, l’enquêteuse sur le harcèlement a également indiqué que M. Brochez et M. Leeden avaient des préoccupations au sujet de représailles de la part du plaignant parce qu’ils avaient participé à l’enquête. L’enquêteuse a signalé que les deux agents avaient déclaré avoir vu le plaignant réagir [traduction] « très fortement » dans des situations où cela ne semblait pas approprié et ils ont décrit un [traduction] « tempérament instable ». Elle a déclaré que les agents lui avaient dit que c’était comme [traduction] « marcher sur des œufs » en présence du plaignant parce qu’ils [traduction] « […] ne savaient pas ce qui pouvait le mettre en colère ». Elle a souligné que les agents lui avaient dit qu’ils avaient tenté de faire part de leurs préoccupations au plaignant, mais que celui-ci avait [traduction] « catégoriquement » refusé et leur avait essentiellement dit [traduction] « allez vous faire foutre ».

[208] M. Brochez a témoigné que le plaignant avait des sautes d’humeur extrêmes au travail, surtout après son retour au travail après son premier congé. M. Brochez a déclaré dans sa déclaration de témoin que [traduction] « [i]l riait, pleurait puis se mettait en colère en quelques minutes. Il était dans cet état jusqu’à cinq ou six fois par jour ». Il a témoigné que le comportement du plaignant le rendait mal à l’aise et qu’il avait l’impression de [traduction] « marcher sur des œufs en sa présence ». Il a déclaré que le comportement du plaignant était [traduction] « étrange » et que les [traduction] « propos vitrioliques » du plaignant contre la fonctionnaire et le ministère le préoccupait.

[209] M. Leeden a également témoigné que les sautes d’humeur du plaignant étaient [traduction] « extrêmes et rapides ». Il a déclaré qu’il avait observé le plaignant [traduction] « éprouver un éventail d’émotions, du rire à la colère au cours d’une brève conversation ». Il a témoigné qu’il avait commencé à éviter le plaignant en raison de ces sautes d’humeur.

[210] Dans le rapport préliminaire d’enquête sur le harcèlement, l’enquêteuse a fait remarquer que la fonctionnaire avait des préoccupations quant à sa sécurité en présence du plaignant. Lorsque le plaignant l’a appris en lisant le rapport préliminaire, il a présenté 12 demandes d’accès à l’information pour obtenir des renseignements sur l’allégation qu’elle avait présentée et sur les personnes qui étaient au courant.

[211] La fonctionnaire a déposé un grief au motif qu’elle n’avait pas reçu les documents déposés par le plaignant dans le cadre de l’enquête sur le harcèlement. Le 9 mars 2015, elle a présenté des arguments supplémentaires après une audience du grief avec Mme Meroni. Dans un courriel daté du 9 mars 2015, elle a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

[…]

La décision prise concernant ces renseignements est importante pour moi, car je me sens en danger. Le plaignant a fait preuve d’un intérêt malsain à mon égard, comme en témoignent son comportement, ses déclarations et ses allégations. Il est essentiel que je puisse continuer d’évaluer ce risque et prévoir toute accélération de la conduite de Ken Russell qui pourrait entraîner un milieu de travail dangereux pour moi-même et d’autres personnes. Ken Russell n’a pas subi d’évaluation de l’aptitude au travail depuis son dernier (deuxième) congé de maladie prolongé qui a suivi une demande de prestations d’invalidité qui a été refusée. Il présente la majorité des signes d’alerte figurant dans le site Web de Santé Canada indiquant qu’il est une personne en détresse et il continue de perturber son milieu de travail, de se comporter de façon paranoïaque et d’avoir une incidence négative sur les personnes en sa présence.

[…]

 

[212] Dans le courriel, elle a énuméré certains de ses comportements en milieu de travail, y compris la documentation de ses collègues, la paranoïa selon laquelle des appareils d’écoute et de surveillance avaient été installés à son poste de travail, le malaise de ses collègues à travailler avec lui et ses émotions extrêmes. Elle a déclaré dans le courriel qu’elle était [traduction] « […] très préoccupée par une

[212]réaction extrêmement négative lorsque les résultats de l’enquête [sur le harcèlement] seront connus […] ».

[213] Par l’entremise de son avocat, la fonctionnaire a informé l’employeur des préoccupations en matière de sécurité le 3 avril 2015. Dans cette lettre, il est indiqué que la fonctionnaire [traduction] « craint de toute urgence » pour sa sécurité personnelle. L’avocat a déclaré que le point clé était que le rapport final de l’enquête sur le harcèlement devait être communiqué bientôt et que, si ce n’était pas à la satisfaction du plaignant, cela pourrait [traduction] « […] clairement causer davantage de colère, de désespoir et de mécontentement de sa part, ce qui pourrait encore une fois être dirigé très fermement contre Mme Walker ». La lettre comprenait un résumé préparé par la fonctionnaire. Elle a énoncé les [traduction] « circonstances » suivantes pour étayer sa crainte pour sa sécurité :

[Traduction]

[…]

· Ken Russell a constamment fait preuve d’une attention et d’une préoccupation malsaines à mon égard par son comportement, ses déclarations et ses allégations.

· Il est un fervent chasseur et un amateur d’armes à feu. Lorsqu’il a dû procéder à l’accréditation sur le maniement des armes à feu, il a indiqué qu’« il pourrait enseigner une ou deux choses à l’instructeur au sujet des armes à feu ».

· Je suis très préoccupée par une réaction extrêmement négative lorsque les résultats de l’enquête interne seront achevés et communiqués […]

· Deux agents m’ont informé que Ken Russell avait amorcé une conversation avec eux le lendemain de […] la fusillade à la scierie qui a eu lieu à Nanaimo le 30 avril 2014 […] Ken Russell a informé ces agents que le tireur était « probablement [simplement] un gars qui venait de perdre son emploi, qui avait des problèmes avec la direction, qui avait perdu son épouse et qui a eu quelque chose qui s’était passé à la maison. Il pourrait s’agir d’une personne qui avait été relevée de ses fonctions. Lorsqu’une personne a des facteurs de stress importants dans sa vie, cela peut déclencher ce genre de choses. Si une personne vit un événement très stressant et qu’elle combine quelques-uns de ces facteurs, cela peut déclencher ce genre de choses. »

· Ken Russell m’a dit qu’il me tenait personnellement responsable de tous ses problèmes personnels (relation), de ses problèmes de santé et de ses problèmes liés au travail.

· Il n’a pas subi d’évaluation médicale de l’aptitude au travail depuis son retour de son dernier congé de maladie prolongé qui a suivi une demande de prestations d’invalidité qui a été refusée.

· Il m’a dit qu’il souffrait de symptômes comme la dépression, ainsi que l’anxiété et des périodes de privation de sommeil.

· Ken Russell m’a fait part d’un fort besoin d’« absolution », d’une « soif de justice », d’un besoin de se sentir « vertueux » à mes yeux et a déclaré qu’il se sentait persécuté par moi.

· J’ai passé des heures en réunions individuelles avec lui, où il a vécu des émotions extrêmes, qu’il s’agisse de colère ou de larmes. À un moment donné, en colère, il m’a appelé « Denise », qui était son ex-conjointe de fait à l’époque et qui l’est peut-être encore aujourd’hui. Il m’a informé qu’il s’en était pris à sa conjointe avant qu’elle ne le quitte. Il m’est arrivé de devoir prendre des pauses pour désamorcer les réunions que j’ai eues à mon bureau avec Ken Russell.

· Il présente la majorité des signes d’alerte énumérés par le Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail indiquant qu’il est une personne en détresse et il continue de perturber son milieu de travail, de se comporter de façon paranoïaque et d’avoir une incidence négative sur les personnes en sa présence […]

· Nous en sommes à presque 15 mois depuis le début d’une enquête interne sur le harcèlement […] S’il n’obtient pas gain de cause dans sa plainte (ce que laisse entendre le rapport préliminaire), cela annulera les efforts qu’il a déployés depuis des années et pourrait accélérer sa frustration et sa conduite.

· Dans la plainte de harcèlement, il allègue à maintes reprises que : « [j’ai] menacé son gagne-pain, abusé de mon pouvoir, que [je l’ai] humilié, rabaissé », démis de ses fonctions d’agent et que j’ai agi d’une manière « contraire à l’éthique et déraisonnable ».

· Il a consacré beaucoup de temps et d’efforts à consigner ce que je fais, y compris les congés non payés et payés, ainsi que les nuits et même les vacances de Noël (indiquées sur ses imprimés).

· Il a pris une semaine de congé du 26 au 30 janvier 2015 et a travaillé des jours et des soirs au bureau sur quatre boîtes remplies de documents en vue d’étayer davantage sa plainte après avoir reçu un rapport préliminaire défavorable. Par la suite, mon bureau a reçu une facture pour 3 000 photocopies de documents […]

· Je suis au courant d’un ouï-dire qui proviendrait de Ken Russell, dans lequel il affirme des choses comme « sa carrière est foutue, alors il va faire tomber la direction avec lui », et on me dit qu’il est au téléphone et qu’il fait des commentaires désobligeants à d’autres agents à mon sujet.

· Récemment, j’ai obtenu le renouvellement de mon accréditation de recours à la force au Justice Institute avec une autre région d’Environnement Canada en raison de mes craintes à l’égard de Ken Russell. L’année dernière, j’ai dû me retirer des exercices de combat physique lors du renouvellement de l’accréditation de recours à la force où j’aurais dû avoir un contact physique avec lui. Ma région procède au renouvellement de l’accréditation à la fin d’avril 2015, qui inclura Ken Russell.

· Je quitte l’immeuble du bureau de Vancouver lorsque Ken Russell s’y rend en raison de mon niveau de préoccupation concernant sa conduite. À titre de courtoisie, mon directeur régional m’en informe lorsque Ken Russell doit se rendre à Vancouver afin de me permettre de prendre congé ou de faire du télétravail.

· Au cours de la supervision à mon bureau de Nanaimo, contrairement à mon bureau de Vancouver, je porte mon ceinturon de service, des articles de recours à la force, un gilet pare-balles et j’ai un imprimé, aux fins d’accès rapide, d’un itinéraire pour me rendre à l’hôpital et au détachement de la GRC locaux. J’ai pris des mesures pour travailler dans des salles de conférence dans d’autres secteurs de l’immeuble à Nanaimo afin d’éviter de rencontrer Ken Russell ou j’ai pris des dispositions en fonction de ses congés depuis que j’ai lu sa plainte initiale de 1 159 pages.

· Il vient de se voir imposer un « plan d’action » par son superviseur temporaire et il présente un grief à ce sujet avec notre syndicat. Les conséquences du fait de ne pas atteindre ses objectifs de rendement sont la rétrogradation ou le licenciement dans un délai de 18 mois. Étant donné qu’il me blâme personnellement pour tous ses problèmes liés au travail, cela semble également être un facteur d’accélération possible.

[…]

 

[214] Elle a également cerné les [traduction] « comportements en milieu de travail » suivants du plaignant : affirmer que des appareils d’écoute et de surveillance avaient été installés dans son aire de travail, présenter des demandes d’accès à l’information pour déterminer quels renseignements elle et ses collègues avaient fournis à son sujet, affirmer qu’il avait l’impression que des membres du public enregistraient ses conversations avec lui, affirmer que quelqu’un était entré par effraction dans son casier et avait brisé des articles de son équipement et le fait que ses collègues étaient mal à l’aise lorsqu’ils travaillaient avec lui.

[215] L’avocat général des Services juridiques du ministère, Michael Sousa, a répondu par courriel à la lettre de l’avocat le 10 avril 2015. Il a déclaré que le ministère effectuerait une évaluation de la menace et des risques pour répondre aux préoccupations de la fonctionnaire. Il a également décrit comme suit les mesures qui ont été et qui seront prises pour protéger la fonctionnaire :

[Traduction]

[…]

[…] Afin de répondre aux préoccupations de Mme Walker en matière de sûreté et de sécurité, mon client, Environnement Canada, a également indiqué qu’il avait pris un certain nombre de mesures pour régler ces problèmes, notamment :

1. Modifier la relation hiérarchique entre M. Russell et Mme Walker, ce qui a fait en sorte que M. Russell relève d’un autre employé d’Environnement Canada plutôt que de Mme Walker. Cette modification est entrée en vigueur le 13 février 2014. Cette modification visait à séparer les parties pendant la réalisation de l’enquête sur la plainte.

2. Étant donné que M. Russell et Mme Walker travaillent dans différents endroits géographiques de la région (Nanaimo et Vancouver, respectivement), des mesures supplémentaires ont été mises en œuvre pour répondre aux préoccupations exprimées par Mme Walker après la séparation, en donnant un préavis de la date à laquelle M. Russell se rendrait à Vancouver afin de lui permettre de travailler hors site.

3. Environnement Canada donnera un préavis de 48 heures avant la communication du rapport final et offrira à Mme Walker la possibilité de faire du télétravail à domicile pendant une période convenue suivant la réception du rapport.

[…]

 

[216] M. Krahn supervisait le plaignant en avril 2015. Il n’a pas témoigné à l’audience. Sa conversation avec le plaignant a été résumée dans le rapport d’enquête sur la sécurité et plusieurs courriels relatifs à une interaction avec le plaignant ont été déposés en tant que pièces à l’audience.

[217] Au cours d’une conversation téléphonique avec le plaignant le 5 avril 2015, M. Krahn a soulevé la question du retrait de documents du bureau de Nanaimo. Les documents ont été demandés par le plaignant en vertu de la Loi sur l’accès à l’information (L.R.C. (1985), ch. A-1) et de la Loi sur la protection des renseignements personnels (L.R.C. (1985), ch. P-21). Environ deux heures et demie après cette interaction, M. Krahn a envoyé un courriel à M. Goluza et a résumé sa conversation avec le plaignant. M. Krahn a déclaré que, lorsqu’il a soulevé la question, le plaignant est devenu [traduction] « exceptionnellement furieux ». M. Krahn a affirmé qu’il avait tenté de déterminer si les documents appartenaient au plaignant et, après avoir posé la question à maintes reprises, il a déclaré que le plaignant lui avait dit ce qui suit : [traduction] « Angela Walker n’allait pas s’en tirer comme ça. Cette maudite chienne ne va pas s’en tirer ainsi. Peter, vous n’allez pas vous en tirer comme ça, maudit. Tu es censé me protéger. »

[218] Dans le même courriel à M. Goluza, M. Krahn a fourni la conclusion suivante :

[Traduction]

[…]

J’ai eu l’impression que toute personne qui entrait au bureau de Nanaimo à ce moment-là risquait d’être victime de violence verbale ou de subir un préjudice physique de la part de Ken. Cela m’a tellement préoccupé que j’en ai immédiatement informé Marko Goluza et, par la suite, Dominique [Gilliéron].

Je crois qu’un congé devrait lui être accordé et qu’il devrait consulter de toute urgence un conseiller.

[…]

 

[219] Quelques minutes après avoir reçu ce courriel, M. Goluza a parlé au plaignant. M. Goluza a répondu au courriel de M. Krahn et a résumé cette conversation. Il a déclaré que le plaignant lui avait dit qu’il avait crié après M. Krahn parce que ce dernier lui avait crié après. Le plaignant n’a pas admis avoir utilisé le langage signalé par M. Krahn. M. Goluza a conclu ce qui suit : [traduction] « […] je n’ai jamais trouvé que Peter n’était pas honnête et, sachant que Ken avait perdu son sang-froid dans le passé, je crois les déclarations de Peter. »

[220] Dans sa déclaration de témoin, le plaignant a déclaré qu’il avait haussé le ton [traduction] « fermement » et qu’il avait dit ce qui suit à M. Krahn : [traduction] « Arrête de me crier après, merde. Je me fous de savoir ce qu’elle veut. Tu dois commencer à me protéger. » Dans sa déclaration, le plaignant a dit qu’il se souvenait de s’être [traduction] « senti […] mal » au sujet de l’appel et qu’il avait présenté ses excuses.

[221] M. Leek, le gestionnaire de la sécurité régionale de la région des Prairies et du Nord de l’employeur, a été chargé d’enquêter sur l’incident et les préoccupations de la fonctionnaire en matière de sécurité. Le mandat de son enquête énonçait l’objet suivant :

1) déterminer si le plaignant avait commis des actes de violence dans le lieu de travail sous forme de menaces verbales ou écrites, d’un comportement menaçant ou d’une autre conduite interdite, au sens de la définition prévue à la Directive sur la prévention de la violence, version 14, le 23 juillet 2013;

2) déterminer si les allégations de la fonctionnaire selon lesquelles le plaignant représentait une menace pour sa sécurité personnelle et celle d’autrui étaient fondées;

3) déterminer si le ministère a pris toutes les mesures raisonnables pour assurer la sécurité de la fonctionnaire et des autres à la suite des mesures prises par le plaignant ou que l’on craignait qu’il prenne.

 

[222] Le mandat de l’enquête comprenait la formulation de recommandations sur les mesures de sécurité préventives ou correctives, la détermination des menaces futures possibles pour les employés du ministère et la détermination de la nécessité d’envisager des restrictions de travail.

[223] Au cours de son enquête, M. Leek a parlé à M. Krahn au sujet de l’interaction avec le plaignant concernant les documents. M. Leek a résumé cette interaction, comme il est indiqué dans les paragraphes précédents de la présente section. Son rapport comprenait les mots utilisés par le plaignant, tels que rapportés par M. Krahn. Dans son rapport, M. Leek a mis en gras et en italique ces mots. Dans le rapport, la déclaration de M. Krahn à M. Goluza a également été citée, à savoir qu’il [traduction] « exhorterait à la prudence » quiconque a affaire au plaignant [traduction] « en ce moment ».

[224] Dans son rapport, M. Leek a conclu que le plaignant avait commis un acte de violence dans le lieu de travail dans son interaction avec M. Krahn. M. Leek n’a pas accepté la dénégation du plaignant selon laquelle il avait proféré les mots déclarés par M. Krahn, comme suit :

[Traduction]

[…]

[…] Toutefois, la conclusion selon laquelle Russell a effectivement proféré ces commentaires a été tirée après avoir interrogé les parties concernées qui ont prétendu avoir été témoins de crises de colère dans le passé de la part de Russell; la déclaration de Peter Krahn, qui a également affirmé que ces déclarations avaient été proférées à maintes reprises dans le passé par Russell lors de conversations antérieures, mais qu’elles n’avaient jamais été signalées; et le résultat de l’entrevue individuelle menée par l’enquêteuse avec Russell.

[…]

 

[225] M. Leek a conclu que les allégations de la fonctionnaire selon lesquelles le plaignant représentait une menace pour sa sécurité personnelle et celle d’autrui n’étaient pas fondées. M. Leek a fait remarquer qu’aucun des témoins n’avait déclaré avoir entendu le plaignant faire une déclaration quelconque selon laquelle il avait l’intention de causer un préjudice à la fonctionnaire. M. Leek a déclaré qu’aucun des témoins, à l’exception de la fonctionnaire, n’a estimé qu’il risquait de subir un préjudice physique. Il a également affirmé que le plaignant [traduction] « […] a affirmé catégoriquement qu’il n’avait ni le souhait ni l’intention de lui faire du mal ou de faire du mal à quiconque ».

[226] M. Leek a formulé des recommandations concernant le plaignant, notamment de l’affecter à une autre équipe et de lui offrir une formation sur la maîtrise de la colère. Il a également recommandé qu’une évaluation des menaces visant le lieu de travail physique de la fonctionnaire soit effectuée. Il a souligné que, même si cette enquête n’avait pas permis de conclure à l’existence d’une menace, les préoccupations de la fonctionnaire quant à sa sécurité personnelle étaient [traduction] « néanmoins réelles pour elle ».

[227] Lors d’une entrevue enregistrée avec la fonctionnaire, M. Leek lui a dit qu’il pourrait y avoir une confrontation si elle et le plaignant se trouvaient dans la même salle. Dans l’enregistrement audio, elle pose des questions sur les risques d’une agression de la part du plaignant, et M. Leek a déclaré ce qui suit : [traduction] « Si, par exemple, Marko lui demande de venir au bureau pour s’occuper de lui dans son bureau et que vous l’avez vu, que vous êtes entrée dans le bureau avec Marko et que vous vous êtes mis dans une position, il se pourrait très bien que la situation dégénère à ce point » (faisant référence à une agression).

[228] Dans son rapport, M. Leek a également recommandé que la séparation de la fonctionnaire et du plaignant soit maintenue afin de limiter leurs interactions. Il a également déclaré qu’il [traduction] « faudrait envisager de restreindre l’accès illimité […] » au bureau de Vancouver par des agents situés ailleurs dans la région. Il a poursuivi ainsi :

[Traduction]

[…]

[…] Cet accès semble être une ancienne condition qui n’a pas fait l’objet d’un examen au cours des dernières années. L’accès illimité n’est pas nécessairement utilisé dans d’autres immeubles ou bureaux d’EC. Par exemple, un agent qui n’est pas basé à Whitehorse n’a pas un accès illimité au bureau de Whitehorse. En limitant l’accès, sauf pour des raisons opérationnelles, les lignes directrices sur le contrôle de l’accès seraient harmonisées avec celles qui existent dans l’ensemble du ministère.

[…]

 

[229] M. Brochez et M. Leeden ont tous deux témoigné qu’ils croyaient que la fonctionnaire craignait le plaignant.

[230] Mme Meroni a déclaré qu’elle était au courant de l’enquête sur l’évaluation de la menace et des risques, mais qu’elle n’avait pas reçu une copie du rapport. Elle a témoigné qu’elle n’avait pas été incluse dans les discussions de la direction au sujet du rapport et que M. Owen l’avait délibérément tenue à distance, pour lui permettre de se concentrer sur l’enquête sur l’inconduite alléguée.

[231] Dans un courriel daté du 19 juin 2015, la fonctionnaire a informé M. Owen de ses préoccupations en matière de sécurité et a inclus un extrait audio de la déclaration de M. Leek à son intention qu’une agression pourrait avoir lieu si elle se trouvait dans la même salle que le plaignant. Dans ce courriel, elle a déclaré ce qui suit : [traduction] « La sécurité des employés qui m’entourent ainsi que la mienne est importante, car j’estime avoir un devoir de diligence plus important étant donné que je suis gestionnaire. » Elle a fourni le même texte dans un courriel à Mme Meroni envoyé le même jour.

[232] Dans un document préparé par M. Owen pour l’aider à prendre une décision sur la mesure disciplinaire appropriée, il a conclu que la préoccupation de la fonctionnaire quant à sa sécurité personnelle constituait un « camouflage », puisqu’elle a dit à certaines personnes qu’elle avait des préoccupations, mais à d’autres qu’elle n’avait pas de préoccupations. Il a examiné le rapport d’enquête sur la sécurité et a conclu qu’il ne comportait aucune justification de ses actes.

[233] M. Owen a témoigné qu’il était satisfait du résultat de l’enquête et qu’il s’était fié aux conclusions de M. Leek selon lesquelles la sécurité de la fonctionnaire n’était pas menacée.

K. La décision de licenciement et la réunion portant sur ce dernier

[234] Dans le document préparé par M. Owen pour l’aider à prendre une décision sur la mesure disciplinaire appropriée, il a indiqué que les résultats d’un récent Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux indiquaient que le harcèlement et la crainte de représailles constituaient des sujets de préoccupation importants pour les employés de la direction générale. En particulier, il a souligné qu’il existait une préoccupation quant au caractère sérieux en fonction duquel la direction générale traitait les cas de harcèlement.

[235] M. Owen a conclu que le commentaire [traduction] « club des vieux copains » que la fonctionnaire aurait formulé était [traduction] « […] à la fois irrespectueux et méprisant à son égard et visait à miner sa position auprès de ses pairs et collègues ». Il a écrit qu’en tant que gestionnaire, la fonctionnaire [traduction] « […] devait savoir qu’une mutation latérale est une forme acceptable de dotation […] ».

[236] En ce qui concerne l’exclusion du plaignant de la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse, M. Owen a écrit que la fonctionnaire avait exclu le plaignant [traduction] « […] comme moyen de l’ostraciser et de le rabaisser devant ses pairs ».

[237] M. Owen a également écrit qu’il considérait la demande de la fonctionnaire à un collègue de travail d’aller chercher son enfant si quelque chose lui arrivait (en mai 2014, au cours de formation) [traduction] « particulièrement grave », car elle visait à discréditer le plaignant et [traduction] « […] à soulever des questions concernant son état mental aux yeux du personnel de soutien administratif ».

[238] Dans son analyse, M. Owen a indiqué que la fonctionnaire avait soulevé la question de l’accréditation du plaignant pour le maniement d’un fusil de chasse seulement dans sa réfutation des conclusions de harcèlement, [traduction] « […] laissant entendre qu’elle pourrait avoir consulté ses dossiers par la suite pour déterminer son statut d’accréditation ». Il a supposé que, si elle l’avait su à l’époque, elle l’aurait [traduction] « très certainement » utilisé comme motif pour l’exclure. L’employeur n’a fourni aucun élément de preuve selon lequel la fonctionnaire avait consulté les dossiers du plaignant pendant ou après l’enquête sur le harcèlement à cette fin.

[239] Dans son analyse, M. Owen a conclu que l’horaire du cours de sauvetage en eaux vives avait été modifié sans que le plaignant en soit informé, affirmant que cela était [traduction] « […] très paternaliste, car elle le traitait comme un enfant et que c’était humiliant pour lui ». Il a laissé entendre qu’elle savait qu’un tel acte constituerait un affront. Il a conclu que sa déclaration selon laquelle l’entreprise avait changé la date de la formation elle-même, sans qu’elle ait donné de directives, n’était [traduction] « tout simplement pas crédible ».

[240] Dans son analyse, M. Owen a conclu que la fonctionnaire avait eu tort [traduction] « d’imposer sa volonté » et de prendre des décisions unilatérales au sujet de la formation personnelle du plaignant concernant le cours de planification de projets. Il a écrit qu’il n’y avait rien à gagner à imposer une formation qui n’était pas obligatoire, affirmant que [traduction] « cela laisse entendre qu’elle exerçait de nouveau un contrôle sur lui pour prouver qu’elle le pouvait et pour lui donner une leçon […] ». M. Owen a déclaré que la formation qu’elle avait tenté d’imposer était liée à la préparation des entrevues de sélection et que cela démontrait qu’elle envoyait clairement un message selon lequel elle voulait qu’il suive la formation [traduction] « […] afin qu’il soit en mesure de se trouver un emploi ailleurs ».

[241] Dans sa section de conclusion sur les allégations de harcèlement, M. Owen a déclaré que, lorsqu’elles sont examinées individuellement, les actions de la fonctionnaire [traduction] « […] peuvent ne pas sembler importantes ou répétitives […] », mais lorsqu’elles sont examinées comme un comportement, « […] elles démontrent clairement qu’il y a eu harcèlement et intimidation à l’égard de cet employé ».

[242] Dans son analyse, M. Owen s’est ensuite penché sur les autres allégations d’inconduite. Il a conclu que la fonctionnaire [traduction] « avait clairement abusé de son pouvoir » lorsqu’elle a demandé la désactivation de la carte d’accès du plaignant. Il a déclaré qu’elle aurait dû savoir qu’un tel ordre violait l’entente de séparation. Il a également conclu que son action visait clairement à exercer des représailles contre le plaignant et à [traduction] « miner, rabaisser et discréditer davantage le plaignant ». Il a également conclu qu’elle avait induit en erreur la Direction générale de la sécurité en lui faisant croire qu’elle était toujours sa gestionnaire et qu’elle avait le pouvoir de présenter une telle demande. Il a conclu que, puisque l’enquête sur la sécurité n’étayait pas son allégation selon laquelle le plaignant représentait une menace à son égard, son allégation de préoccupations quant sa sécurité personnelle n’avait été présentée que pour [traduction] « camoufler [ses] mesures de représailles ». Il a également affirmé que [traduction] « si elle le craignait réellement, on pourrait supposer qu’elle n’aurait pas voulu que son nom soit associé à la suspension de son accès afin d’éviter de le contrarier davantage ».

[243] Dans son analyse, M. Owen a conclu que la fonctionnaire avait abusé de son pouvoir et de son accès privilégié aux renseignements personnels des employés lorsqu’elle a accédé aux dossiers de congés du plaignant [traduction] « à des fins douteuses ». Il a déterminé qu’elle avait accédé à ses dossiers [traduction] « […] dans le seul but d’obtenir des éléments de preuve de ses activités dans le cadre de l’enquête sur le harcèlement […] ». Il a déclaré que cet accès [traduction] « visait manifestement » à exercer des représailles directes à l’encontre du plaignant, car son intention était de [traduction] « […] lui causer des ennuis avec ses supérieurs ». Il a laissé entendre que, si elle avait vraiment estimé que ces renseignements étaient importants pour ses supérieurs, elle aurait dû communiquer avec M. Krahn et il aurait pu accéder aux dossiers nécessaires lui-même.

[244] Dans son analyse, M. Owen a conclu que la fonctionnaire avait contrevenu à la confidentialité du processus d’enquête sur le harcèlement lorsqu’elle a communiqué à M. Fraser des renseignements sur l’enquête. M. Owen a écrit que ce qui était [traduction] « beaucoup plus préoccupant » était qu’elle avait par la suite fait preuve de [traduction] « […] ce qui ne pouvait être qualifié que d’intimidation […] » lorsqu’elle a suivi cette violation en formulant des commentaires supplémentaires à M. Fraser au sujet de son rendement au travail et de l’avenir du bureau de Nanaimo. Il a conclu que cela avait pour but d’intimider M. Fraser et de lui envoyer un signal pour qu’il limite tout autre témoignage.

[245] M. Owen a conclu que le fait d’utiliser le conseiller en relations de travail comme point de contact de la fonctionnaire dans son message d’absence du bureau était irrespectueux envers M. Gilliéron et constituait également de l’insubordination. Il a également souligné qu’il s’agissait d’un risque pour la sécurité, car le conseiller n’avait pas l’autorisation de sécurité nécessaire pour une grande partie des travaux effectués dans la direction générale de la fonctionnaire.

[246] M. Owen a ensuite analysé les allégations relatives à la conduite de la fonctionnaire envers M. Goluza et a conclu qu’elle avait fait preuve d’un manque de respect et d’insubordination. Il a également écrit qu’elle avait utilisé ses allégations de sécurité personnelle comme « camouflage ».

[247] Selon la conclusion générale de M. Owen, lorsqu’elles sont examinées ensemble, les actions de la fonctionnaire démontraient un modèle de comportement et constituaient un indicateur de son manque de jugement et des représailles globales contre le plaignant et d’autres personnes pour la plainte déposée contre elle. Il a conclu que ses actions témoignaient d’un [traduction] « mépris flagrant » du Code de valeurs et d’éthique de l’employeur et de la Directive sur la conduite des agents de la Direction générale de l’application de la loi. Il a également déclaré qu’elle avait [traduction] « clairement harcelé » le plaignant et abusé de son pouvoir sur lui, concluant qu’elle [traduction] « […] l’avait ostracisé et avait répandu des rumeurs vicieuses au sujet de son état mental ».

[248] M. Owen a écrit que la fonctionnaire avait [traduction] « […] clairement démontré qu’elle n’est pas apte à gérer les employés et qu’elle n’est pas en mesure de le faire », comme le démontre son [traduction] « comportement acrimonieux et ses représailles » contre le plaignant. Voici la conclusion de son analyse :

[Traduction]

[…]

Mme Walker a fait preuve d’une insubordination importante et d’une propension à exercer des représailles contre ses collègues, gestionnaires et employés. Enfin, elle n’a manifesté absolument aucun remords, aucun regret ni aucune indication qu’elle est prête à changer son comportement. Au contraire, elle a clairement indiqué qu’elle estimait que ses actions étaient appropriées et qu’elle se comporterait de la même manière dans la même situation. Cela laisse entendre qu’elle ne peut pas se réadapter.

 

[249] M. Owen a témoigné qu’il n’estimait pas que les allégations de harcèlement fondées étaient graves et qu’il croyait qu’en elles-mêmes, elles auraient justifié une mesure disciplinaire sévère, mais pas le licenciement de la fonctionnaire. Il a témoigné que les actions de la fonctionnaire au moment où l’enquête sur le harcèlement tirait à sa fin et après l’enquête étaient beaucoup plus graves et lui ont démontré qu’on ne pouvait plus lui faire confiance.

[250] Dans sa déclaration de témoin, M. Owen a déclaré qu’en tant qu’agente de la paix, la fonctionnaire était tenue à une norme d’intégrité plus élevée. Il a également déclaré que ses responsabilités de gestion, en plus de son rôle d’agente de la paix, ont été un [traduction] « facteur important » dans sa décision de la licencier.

[251] M. Owen a affirmé qu’en examinant l’argument de la fonctionnaire au sujet de sa crainte pour sa sécurité personnelle, il ne pouvait pas faire fi des conclusions de l’enquête sur la sécurité selon lesquelles le plaignant ne représentait pas une menace pour elle. Il a également témoigné que, si elle avait réellement une crainte, elle aurait pris des mesures pour se distancier de lui, mais qu’elle s’était plutôt livrée à des actions qui ont envenimé la situation, notamment en restreignant l’accès du plaignant au bureau de Vancouver.

[252] Avant de rencontrer la fonctionnaire pour discuter des conclusions de l’enquête sur l’inconduite, un agent des relations de travail du ministère avait préparé une ébauche de la lettre de licenciement le 14 août 2015. M. Owen a témoigné qu’il n’avait pas eu connaissance de l’ébauche de la lettre avant la réunion et qu’il n’avait pas demandé qu’une ébauche soit préparée.

[253] M. Owen a affirmé qu’il a rencontré la fonctionnaire le 1ᵉʳ octobre 2015 et quavant de lui remettre la lettre de licenciement, il lui avait donné loccasion de [traduction] « [] présenter toute circonstance atténuante qui aurait pu devoir être prise en considération [] ». Toutefois, il a déclaré quaucun renseignement navait été fourni pour justifier son comportement et ses actions.

L. Éléments de preuve après le licenciement concernant les bureaux de Nanaimo et de Vancouver

[254] Le plaignant a témoigné qu’après le licenciement de la fonctionnaire, Susanne Marble a pris la relève à titre de gestionnaire des opérations chargée du bureau de Nanaimo. Il a témoigné que le milieu de travail est devenu [traduction] « très stable » et qu’il était [traduction] « soutenu et respecté par les personnes qui me supervisent directement, ainsi que par mes collègues ». Il a déclaré que son travail et ses commentaires avaient été [traduction] « une fois de plus appréciés et valorisés ».

[255] Mme Marble a décrit la relation de travail avec le plaignant comme étant très respectueuse. Elle a témoigné qu’ils avaient des désaccords [traduction] « de temps à autre », mais qu’ils étaient respectueux, et qu’il lui a dit qu’elle était la gestionnaire et qu’il ferait ce qu’elle lui ordonnait. Elle a également affirmé qu’ils étaient amis à l’époque.

[256] M. Goluza a témoigné qu’après le licenciement de la fonctionnaire, il y a eu une [traduction] « amélioration profonde du milieu de travail ». Dans sa déclaration de témoin, il a déclaré que le plaignant et M. Brochez, après de nombreux mois de séparation, se sont serrés dans les bras. M. Brochez a nié avoir serré le plaignant dans ses bras. M. Brochez a témoigné que sa relation de travail avec le plaignant était [traduction] « tolérable » et professionnelle. M. Goluza a également témoigné que des commentaires de personnes non nommées circulaient dans la région selon lesquels le bureau de Nanaimo était [traduction] « à nouveau formidable ». Il a également témoigné que les rassemblements liés au travail n’étaient plus difficiles ou tendus et qu’il y avait une meilleure participation par tous les employés aux événements qui se déroulaient après les heures de travail.

[257] Jake McRae a commencé à travailler pour le ministère en 2016 à titre de gestionnaire des opérations pour le District côtier (le même poste que la fonctionnaire avait occupé). Il a pris la relève après la fin de la nomination intérimaire de Mme Marble au poste. M. McRae a été affecté au poste à partir d’un autre ministère et n’a jamais travaillé avec la fonctionnaire. Il n’était pas non plus pleinement au courant des événements qui avaient mené à son licenciement.

[258] La fonctionnaire s’est opposée à la présentation de son témoignage parce que M. McRae n’avait aucune connaissance directe d’elle et de la situation avant son licenciement. L’employeur a soutenu que la déclaration de témoin de M. Brochez avait indiqué qu’il témoignerait au sujet de la situation au bureau de Nanaimo après le départ de la fonctionnaire. J’ai autorisé le témoignage et mis en délibéré ma décision quant au poids global à lui accorder.

[259] M. McRae a témoigné que, peu après son arrivée, il a proposé de tenir une réunion d’équipe. Il a témoigné que tous les employés lui ont dit qu’ils avaient des réserves au sujet d’une réunion de l’ensemble du personnel et qu’elle serait [traduction] « inconfortable ». Il a dit que tous les agents avaient exprimé une certaine réticence à se rencontrer en groupe. La réunion a eu lieu, et M. McRae a qualifié l’atmosphère de [traduction] « tranquille ».

[260] M. McRae a déterminé que la majeure partie de l’effort d’amélioration des relations devait être mis sur le bureau de Nanaimo. Il s’y rendait deux ou trois fois par semaine pour encadrer et travailler avec les employés (le plaignant, M. Fraser et M. Brochez). M. McRae a affirmé que ces trois personnes ne formaient pas une équipe fonctionnelle. Il a témoigné que M. Brochez lui avait dit qu’il ne se sentait pas à l’aise de travailler au bureau. M. McRae a décrit M. Brochez comme étant très anxieux. M. McRae a également déclaré que M. Fraser lui avait dit qu’il existait de graves problèmes. M. McRae a témoigné que le plaignant était [traduction] « embourbé dans la paperasse et dans les demandes d’AIPRP ».

[261] M. McRae a affirmé que M. Goluza avait pris des dispositions pour qu’un spécialiste en résolution des conflits travaille avec le bureau de Nanaimo, et M. McRae a également assisté à la première séance. Il a décrit la réunion comme ayant été [traduction] « inconfortable ». Il a déclaré que les trois agents étaient cordiaux lors de la réunion.

[262] M. McRae a témoigné que le plaignant semblait stressé et surchargé, même s’il était favorable à [traduction] « améliorer son état ». Il a témoigné qu’aujourd’hui, l’équipe du bureau de Nanaimo est très fonctionnelle et très fiable. Il a affirmé qu’il avait fallu environ un an pour qu’elle devienne fonctionnelle. Il a également témoigné au sujet des défis liés à la maladie de M. Fraser et à son retour au travail en 2016. M. McRae a témoigné qu’à la date de l’audience, le plaignant et M. Brochez avaient une relation professionnelle et qu’il pouvait leur demander de travailler ensemble pour réaliser un objectif. M. Brochez a témoigné que, maintenant, seuls lui et le plaignant travaillent au bureau de Nanaimo et qu’ils ont une [traduction] « relation de travail tolérable ».

[263] M. Brochez a affirmé que le spécialiste en résolution des conflits ou le [traduction] « facilitateur » embauché pour travailler avec le bureau de Nanaimo lui avait dit que, selon son entrevue avec le plaignant, [traduction] « il n’était pas disposé à participer au processus ». M. Brochez a témoigné que le processus a pris fin abruptement et qu’il n’a jamais été mené à bien.

[264] Lisa Ng était agente d’application de la loi au ministère à partir d’avril 2014 et a travaillé avec la fonctionnaire jusqu’à peu avant son licenciement. Elle était en congé pendant trois mois au moment du licenciement. Elle a témoigné qu’à son retour de son congé, elle avait eu l’impression que le bureau de Vancouver était tendu pendant un certain temps, avec [traduction] « presque un sentiment de méfiance ». Elle a affirmé que M. McRae était professionnel, de sorte que la tension au bureau de Vancouver s’est dissipée, mais qu’elle ressentait toujours [traduction] « un peu de malaise à l’occasion » lorsque les employés de la région se réunissaient pour une formation et d’autres activités.

M. Éléments de preuve relatifs aux réparations et aux mesures correctives

[265] Dans son grief, la fonctionnaire demande la réintégration. L’employeur convient que la réintégration est la réparation normale pour un grief qui est accueilli. Selon sa position, elle n’a pas atténué ses dommages de manière adéquate. Dans la présente section, je résumerai les éléments de preuve relatifs à ses efforts pour trouver un emploi et le revenu qu’elle a reçu après son licenciement.

[266] La dernière journée de travail de la fonctionnaire était le 1er octobre 2015. Elle a témoigné qu’elle n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi parce qu’elle avait été licenciée pour un motif valable.

[267] Le 26 octobre 2015, le représentant de l’agent négociateur de la fonctionnaire a envoyé un courriel à M. Owen au sujet des discussions de la fonctionnaire avec le Service provincial des agents de conservation de la Colombie-Britannique. Le courriel énonçait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Dans une brève discussion que j’ai eue avec Angela Walker ce matin, elle a mentionné qu’elle avait eu des discussions au sujet d’un emploi auprès du Service provincial des agents de conservation. Si j’ai bien compris, elle a travaillé avec eux dans le cadre d’un certain nombre de cas, et le Service a estimé qu’elle pourrait apporter une contribution utile.

Toutefois, il lui a été clairement indiqué qu’il consulterait Marko Goluza afin de déterminer si Environnement Canada avait des problèmes liés au fait qu’elle travaille auprès du Service, ce qui l’a quelque peu inquiétée.

Si le ministère a des objections ou des réserves et qu’il prévoit les exprimer, il serait utile de savoir si nous devons nous en soucier. Nous espérons que ce ne sera pas le cas, car un tel revirement pourrait avoir une incidence négative importante sur le caractère employable futur de notre membre dans un domaine où elle a travaillé avec succès pendant environ 21 ans.

[…] nous estimions que la question méritait d’être posée. Nous sommes disposés à en discuter davantage, au besoin.

[…]

 

[268] Moins de 20 minutes plus tard, M. Owen a répondu par courriel comme suit :

[Traduction]

 

Nous aurons besoin de conseils.

Si je me souviens bien, cette question fait souvent partie de toute entente conclue avant l’arbitrage. Nous ne savons pas exactement ce que nous pouvons ou devrions dire avant que le grief ne soit entendu au troisième palier. Nous ne savons pas exactement quelles restrictions nous imposerions ou devrions imposer. De plus, nous ne savons pas exactement ce que notre point de vue devrait être quant à sa collaboration avec nous. Autrement dit, quelles sont les restrictions d’après-mandat qui lui sont imposées?

Nous pouvons attendre que Michelle [Michelle Daigle, agente des relations de travail] soit de retour.

[…]

 

[269] M. Gilliéron a répondu à M. Owen le lendemain. Il se demandait si la fonctionnaire serait assujettie aux règles sur les conflits d’intérêts et à la limite d’un an sur l’emploi qui pourrait la placer en situation de conflit d’intérêts. Il a exprimé une incertitude quant à savoir si elle faisait partie de la catégorie des employés assujettis à cette restriction. Il a également relevé d’autres problèmes possibles, comme le type de relation qu’elle entretiendrait avec le personnel de l’employeur et la question de savoir si [traduction] « la direction soupçonnait des problèmes à cet égard ». Il a également demandé si cela pourrait avoir une incidence sur les relations [traduction] « avec cet intervenant » (le gouvernement provincial de la Colombie-Britannique). Ce courriel a été transmis au représentant de l’agent négociateur de la fonctionnaire, qui a déclaré qu’il était [traduction] « difficile de répondre à vos questions pour l’instant », puisqu’il examinait une grande quantité de renseignements qu’il venait de recevoir de la fonctionnaire. Il a demandé s’il y avait quelqu’un au ministère à qui il devrait parler une fois qu’il serait mieux placé pour en discuter. Aucune réponse n’a été envoyée et aucun autre courriel concernant cette demande n’a été déposé en preuve.

[270] Mike Sanderson est un employé du ministère de l'Environnement et de la Stratégie en matière de changement climatique de la Colombie-Britannique et il a travaillé avec la fonctionnaire à l’enquête conjointe sur le mont Polley. Il a témoigné qu’en raison de ses connaissances, de ses compétences et de son expérience, elle avait un rôle de haut niveau dans l’enquête. Il a affirmé que lui et le commandant de l’équipe avaient souvent discuté du fait que la fonctionnaire serait un excellent ajout à leur équipe [traduction] « si cela était possible ». Je ne dispose d’aucun autre élément de preuve concernant des discussions sur la possibilité pour la fonctionnaire de travailler pour le gouvernement de la Colombie-Britannique. Elle a déclaré que cette possibilité n’avait pas été retenue parce qu’elle était [traduction] « trop politique ».

[271] La fonctionnaire a été malade de décembre 2015 jusqu’à la fin de janvier 2016.

[272] La fonctionnaire a présenté cinq candidatures a des municipalités locales pour des postes, comme celui d’opérateur/opératrice du Centre d’information de la police canadienne, de réviseur/réviseure des dossiers, de réviseur/réviseure de divulgations et de commis aux permis au cours de la période de janvier à avril 2016. Elle n’a été retenue pour aucun de ces postes. Elle a également présenté une candidature auprès d’une entreprise de signification au cours de cette période.

[273] En avril 2016, la fonctionnaire a mis sur pied une entreprise à propriétaire unique d’huissière des services judiciaires et de consultation. Son revenu d’entreprise brut pour 2016 était de 4 224,10 $. Elle n’avait aucun revenu imposable.

[274] En février 2017, la fonctionnaire a donné naissance à son deuxième enfant. Elle s’est vu refuser des prestations de maternité de l’assurance-emploi.

[275] La fonctionnaire s’est préparée et a comparu à l’audience de 2018 en juin, juillet et août 2017 et en janvier, février et mars 2018.

[276] En 2017, la fonctionnaire avait un revenu imposable de 1 719,54 $ et un revenu d’entreprise brut de 6 330,58 $. En 2018, elle n’avait aucun revenu imposable et elle a subi une perte d’entreprise nette de 1 526,75 $. En 2018, elle a fermé son entreprise à propriétaire unique d’huissière des services judiciaires.

[277] La fonctionnaire a postulé un poste dans une bibliothèque locale en octobre 2019.

[278] À compter de décembre 2018, la fonctionnaire fournissait des soins à un membre de la famille âgé et, en décembre 2019, elle est allée vivre avec le membre de la famille pour offrir un soutien.

[279] En 2019, la fonctionnaire n’avait aucun revenu.

[280] De mars 2020 à juin 2021, elle avait un enfant qui apprenait à distance à partir de la maison en raison des restrictions liées à la pandémie de COVID-19, et son autre enfant était d’âge préscolaire.

[281] En août 2020, la fonctionnaire a lancé une entreprise constituée en société qui offrait des services de désherbage écologique. En 2020, elle n’avait aucun revenu. Au cours de l’exercice 2020-2021, elle a subi une perte nette de 10 146 $. Tous ses revenus d’entreprise ont servi à rembourser ses créances au titre du capital et à payer ses frais d’administration et de publicité. En 2021, elle n’avait aucun revenu personnel. À la date de l’audience, sa déclaration de revenus d’entreprise pour 2022 était en attente.

IV. Résumé de l’argumentation de l’employeur

[282] L’employeur a soutenu que la fonctionnaire avait fait preuve d’insubordination et de manque de respect et qu’elle avait exercé des représailles contre le plaignant. Il a fait valoir que ses actions n’étaient pas justifiées par sa crainte du plaignant, mais qu’elles constituaient une campagne persistante et délibérée visant à le discréditer. Il a également fait remarquer que l’enquête sur la violence dans le lieu de travail avait permis de conclure qu’il n’y avait aucun risque pour sa sécurité personnelle.

[283] L’employeur a souligné que ce n’est que lorsqu’elle a comparu devant la Commission que la fonctionnaire a assumé une responsabilité limitée pour certaines de ses actions. Il a soutenu qu’elle continue de manquer de discernement quant à l’importance de ses actions et leur effet sur les autres. Il a fait valoir que le lien de confiance a été irrémédiablement rompu, et qu’elle a démontré qu’elle ne pouvait pas occuper un poste de gestion.

[284] L’employeur a soutenu que les allégations d’inconduite étaient fondées et qu’elles établissaient une sérieuse tendance à l’insubordination.

A. Les allégations de harcèlement

1. Première allégation de harcèlement : Le [traduction] « club des vieux copains »

[285] Même si la fonctionnaire a nié avoir fait le commentaire au sujet du [traduction] « club des vieux copains », l’employeur a déclaré que M. Fraser et M. Brochez l’avaient corroboré. Il a également fait remarquer qu’elle avait reconnu avoir fait des commentaires sur la transparence dans l’embauche et qu’une nomination sans processus de sélection annoncé, comme le propose le plaignant, manquait de transparence.

2. Deuxième allégation de harcèlement : Séance de pratique sur le maniement d’un fusil de chasse

[286] L’employeur a soutenu que la fonctionnaire avait exclu le plaignant de la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse en litige sans raison valable. Il a fait valoir que cette exclusion avait entraîné des répercussions négatives sur lui, y compris des conséquences possibles et le report de son renouvellement d’accréditation sur le maniement des armes à feu, et qu’elle a ajouté à un sentiment d’isolement de l’équipe lorsqu’il est retourné au travail après une absence prolongée.

[287] L’employeur a accepté la conclusion de l’enquêteuse selon laquelle la fonctionnaire n’avait aucune raison valable de remettre en question le certificat médical et que la position de la fonctionnaire selon laquelle il était inadéquat n’était pas raisonnable. L’employeur a fait remarquer que la note du Dr Mulder répondait clairement aux questions qu’il avait posées. Il a soutenu que la jurisprudence indique clairement que le droit de l’employeur de demander des renseignements médicaux est exceptionnel et qu’il est strictement limité par le droit à la vie privée des employés (voir Canada (Procureur général) c. Grover, 2007 CF 28, aux par. 66 à 70). L’employeur a également souligné que l’affirmation de la fonctionnaire selon laquelle le Dr Mulder travaillait dans une clinique sans rendez-vous d’un centre commercial n’était pas étayée par son témoignage selon lequel le plaignant avait une relation régulière et continue avec le Dr Mulder depuis 2012.

[288] L’employeur a soutenu que la fonctionnaire n’avait pas tenté d’obtenir d’autres renseignements sur l’aptitude au travail du plaignant et qu’elle avait fait des commentaires à d’autres personnes laissant entendre qu’il avait été exclu de la pratique en raison de ses préoccupations quant à sa sécurité personnelle et pour aucune autre raison. L’employeur a déclaré que cela était soutenu par la déclaration qu’elle avait faite lors de l’exercice de formation sur l’usage de la force.

[289] L’employeur a fait valoir que ce n’est qu’après coup, et à l’audience, que la fonctionnaire a offert deux autres justifications de son action consistant à exclure le plaignant, soit la gestion prudente d’un employé qui revenait d’un congé prolongé lié au stress, et le fait qu’il ne satisfaisait pas aux exigences de l’employeur pour manipuler des armes à feu dans le cadre de ses fonctions et qu’il n’aurait pas pu être autorisé à participer à la pratique.

[290] L’employeur a également soutenu que l’explication de la fonctionnaire selon laquelle le plaignant avait besoin d’une autre accréditation avant de pouvoir participer à la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse était une explication après coup qui était incompatible avec les interprétations raisonnables de la politique, de la pratique réelle et de la preuve. Il a soutenu que la pratique régulière fait partie intégrante du processus d’accréditation et que l’accréditation n’est pas requise avant que les agents participent aux pratiques. Il a également fait remarquer que, plus tôt, la fonctionnaire avait donné son approbation au fait que le plaignant et M. Fraser se joignent à des clubs de tir locaux pour maintenir leur qualification sur le maniement d’armes à feu du ministère. Il a fait valoir qu’une telle approbation était illogique et incompatible avec sa croyance énoncée selon laquelle le plaignant n’était pas autorisé à manier les armes à feu du ministère.

[291] Même si la fonctionnaire a déclaré qu’elle croyait qu’il n’y avait pas eu de conséquences durables sur le plaignant, puisqu’il a pu renouveler son accréditation dans un délai de six mois et qu’il n’était pas sur le terrain alors qu’il mettait au point son plan de travail, l’employeur a soutenu que cela ne reconnaissait pas les conséquences psychologiques durables sur lui du fait qu’il avait été exclu de l’équipe.

3. Troisième allégation de harcèlement : Report du cours de formation de sauvetage en eaux vives

[292] L’employeur a fait valoir que l’explication de la fonctionnaire selon laquelle elle avait communiqué avec le tiers fournisseur simplement pour obtenir des options quant à d’autres dates pour en discuter avec le plaignant ne semblait pas vraisemblable lorsqu’on la compare au dossier documentaire. Il a fait remarquer que dans l’échange de courriels au sujet de l’enquête, la fonctionnaire n’a pas répondu à la proposition du plaignant selon laquelle il souhaitait d’abord faire plus de recherches, mais qu’il se présenterait sur place comme on le lui avait demandé; elle a plutôt communiqué directement avec le fournisseur de services. De plus, elle avait déjà approuvé la formation après le déversement. L’employeur a également souligné que son explication du changement à l’époque ne mentionnait pas que le changement unilatéral par le fournisseur de services était imprévu. Il a souligné qu’aucun suivi n’avait été effectué auprès du fournisseur de services pour déterminer si d’autres options relatives au cours étaient disponibles. Il a également déclaré qu’il était improbable que le fournisseur de services ait pu prendre une décision unilatérale concernant l’équilibre des priorités de travail.

[293] L’employeur a fait valoir que, même si elle est acceptée à première vue, l’explication de la fonctionnaire constitue une reconnaissance selon laquelle elle a communiqué avec le fournisseur de services pour envisager un changement de cours sans informer le plaignant de son intention ou de la nécessité de changer l’horaire du cours ni même de sa préférence quant aux délais de l’enquête, alors qu’il lui avait clairement demandé ses préférences dans leur échange de courriels le même jour.

[294] La fonctionnaire a déclaré qu’un retard d’un mois à suivre le cours n’aurait pas eu d’incidence durable sur la carrière du plaignant. Toutefois, l’employeur a fait remarquer que M. Owen avait témoigné que ses actions [traduction] « constituaient un manque de respect, étant donné la relation difficile » et que le préjudice ne découlait pas du retard, mais du fait qu’elle avait fait le changement sans lui dire. L’employeur a déclaré que ses actions unilatérales laissaient entendre qu’elle voulait [traduction] « s’en prendre à lui » et démontraient un manque de compréhension de l’importance de ses actions en tant que gestionnaire sur des employés subalternes.

4. Quatrième allégation de harcèlement : Cours de gestion de projet

[295] L’employeur a soutenu que le plaignant avait dit à la fonctionnaire qu’il n’était pas satisfait de son milieu de travail et qu’il voulait trouver du travail ailleurs. Compte tenu de ce contexte, l’employeur a laissé entendre que tout échange sur la formation liée à ces [traduction] « objectifs de carrière » aurait raisonnablement dû être considéré comme délicat. Le plaignant a témoigné qu’il voulait suivre le cours plus près de chez lui, ce qui lui permettrait de gagner du temps et d’économiser de l’argent, et qu’il n’avait jamais vraiment voulu le suivre au départ. La fonctionnaire a déclaré qu’elle se préoccupait de tout retard et qu’elle voulait qu’il suive les cours sur la gestion de projet et les entrevues de sélection dès que possible afin de ne pas laisser passer l’occasion. L’employeur a fait valoir qu’étant donné sa préoccupation manifestée quant au coût et au temps de déplacement quelques mois plus tôt quant au cours de formation sur le sauvetage en eaux vives ainsi que la proposition du plaignant de suivre le cours quelques mois plus tard à Vancouver, son explication était incohérente.

[296] L’employeur a également fait valoir que, lorsque la fonctionnaire a dit au plaignant qu’elle transmettrait la question aux Relations de travail, il s’agissait d’un signal clair qu’elle considérait l’échange comme étant problématique. L’employeur a soutenu que sa réponse finale était belliqueuse alors qu’elle aurait dû être simple. Il a soutenu qu’au contraire, le [traduction] « copier-coller » obtus des énoncés de sa politique a compliqué davantage la question.

B. Interférence avec un témoin et violation de la confidentialité

[297] L’employeur a soutenu que la fonctionnaire avait violé la confidentialité de l’enquête sur le harcèlement lorsqu’elle en a parlé à M. Fraser. Il a fait valoir que les souvenirs de cet incident de ce dernier étaient clairs et uniformes sur une période prolongée et qu’ils avaient été évalués par l’enquêteuse sur le harcèlement, Mme Meroni, et par une ancienne formation de la Commission, qui les ont tous jugés comme étant fiables. L’employeur a soutenu que la preuve par ouï-dire de M. Fraser doit être jugée préférable selon la norme de la prépondérance des probabilités si elle est plus compatible avec l’ensemble de la preuve (voir Faryna v. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354).

C. Accès aux dossiers personnels

[298] L’employeur a soutenu que les instructions relatives à la séparation des parties n’étaient pas ambiguës. Il a fait valoir que la tolérance exige que la direction comprenne clairement la conduite inappropriée. Il a soutenu que le premier courriel que la fonctionnaire a envoyé à M. Goluza était au mieux ambigu. Il a également indiqué que M. Goluza avait témoigné que, après son courriel de janvier 2015, il s’était concentré sur sa santé et l’avait encouragée à se concentrer sur son équipe et sur son travail. Il a fait remarquer qu’il ne lui avait pas demandé de surveiller le plaignant et qu’il n’avait pas toléré ses actions (voir Chopra c. Administrateur général (ministère de la Santé), 2016 CRTEFP 89, au par. 83).

D. La demande de désactivation de la carte d’accès du plaignant

[299] L’employeur a déclaré que la fonctionnaire avait, de façon inappropriée, désactivé la carte d’accès du plaignant au bureau de Vancouver. Il a soutenu que son explication de ses actions était illogique dans le contexte. Il a indiqué qu’elle avait envoyé le message alors qu’elle savait qu’elle ne devait pas participer à la gestion du plaignant. Il a également fait valoir que M. Goluza avait présenté plusieurs options pour répondre à ses préoccupations en matière de sécurité – elle avait été autorisée à travailler à domicile et elle avait le droit de refuser de travailler. L’employeur a déclaré que M. Goluza pouvait être joint par courriel ou par message texte et que la fonctionnaire aurait dû tenter de lui faire part de ses préoccupations avant de transmettre la question à la gestionnaire de la sécurité.

[300] L’employeur a soutenu que la fonctionnaire avait fait preuve d’un comportement constant et déraisonnable en tentant de limiter l’accès du plaignant à l’immeuble, même en sachant que cela lui attirerait des ennuis. Il a déclaré que cela avait été démontré par ses demandes répétées à M. Leek de limiter l’accès du plaignant à l’immeuble, ses demandes à M. Engelmann, les lettres de son avocat et les déclarations de la gestionnaire de la sécurité selon lesquelles la fonctionnaire semblait fâchée que M. Goluza ait autorisé seulement une suspension d’une semaine de la carte.

E. Le message d’absence du bureau

[301] L’employeur a soutenu que les excuses et les regrets de la fonctionnaire à l’audience pour avoir utilisé le message d’absence du bureau inapproprié doivent être compris dans le contexte de son mépris manifeste pour M. Gilliéron et de sa proposition selon laquelle M. Goluza ferait tout ce que M. Gilliéron lui disait de faire. L’employeur a également fait remarquer qu’elle avait demandé le retrait de M. Gilliéron comme son conseiller en relations de travail, qu’elle avait fait des commentaires négatifs à son sujet et qu’elle lui avait adressé des commentaires « passifs-agressifs ».

[302] L’employeur a indiqué que ses actions avaient eu une incidence sur ses activités. Il a fait remarquer que M. Goluza avait témoigné que les employés qui ont reçu le message le trouvaient étrange et préoccupant. De plus, il a indiqué qu’en raison de son rôle de personne-ressource pour les organismes extérieurs, son action a transmis un message qui pouvait nuire à l’organisation ou qui aurait pu entraîner une violation de la sécurité.

[303] L’employeur a également fait remarquer que ses regrets manifestés à l’audience contrastaient nettement avec sa déclaration à Mme Meroni selon laquelle son action était tout à fait appropriée.

F. Comportement à la réunion de l’équipe de gestion

[304] L’employeur a soutenu que la fonctionnaire avait agi de façon irrespectueuse pendant une réunion de l’équipe de direction régionale le 11 mai 2015. À l’audience, elle a admis qu’elle n’aurait pas dû parler de l’enquête sur la violence dans le lieu de travail et qu’elle n’aurait pas dû remettre en question M. Goluza devant son équipe de gestion. L’employeur a soutenu que cette explication est illogique étant donné qu’elle a continuellement nié avoir fait les déclarations blessantes.

G. L’enquête de recherche de faits

[305] L’employeur a soutenu que la fonctionnaire avait mené une enquête de recherche de faits malgré sa séparation du plaignant et contre la directive de M. Goluza, ce qui, selon lui, constituait un acte d’insubordination.

[306] L’employeur a fait valoir que les déclarations de la fonctionnaire, selon lesquelles elle était tenue d’effectuer un suivi conformément à sa politique sur le harcèlement et qu’elle n’avait aucune raison de transmettre la question aux Relations de travail pour une discussion, démontraient un manque de discernement quant à l’inconvenance de ses actions. Il a déclaré qu’en plus de sa réponse relevant de l’insubordination à M. Goluza, elle n’avait pas compris le conflit d’intérêts évident découlant du fait qu’elle a entrepris une enquête de recherche de faits concernant le plaignant. Il a soutenu qu’elle avait volontairement ignoré ou qu’elle ne comprenait pas l’importance de la directive de M. Goluza.

H. Une habitude d’inconduite

[307] L’employeur a soutenu que le harcèlement est un comportement répugnant qui mérite une mesure disciplinaire. Le harcèlement doit être défini avec soin de façon à ne pas inclure les conflits fréquents qui surviennent entre des employés et leur gestionnaire dans le lieu de travail. Il a invoqué la définition de « harcèlement » énoncée dans ses politiques comme étant composée d’un élément objectif, soit un comportement malséant et humiliant, et d’un élément subjectif, soit que la victime ou la personne visée le considère comme blessant. La conduite doit avoir été importune et avoir entraîné des conséquences préjudiciables pour le travail. Il doit être interprété comme ne constituant pas un outil légitime dans un conflit de travail, surtout en ce qui concerne l’exercice du pouvoir de gestionnaire. L’employeur m’a renvoyé à Joss c. Conseil du Trésor (Agriculture et Agroalimentaire Canada), 2001 CRTFP 27, aux paragraphes 40, 59, 63 et 69.

[308] L’employeur a fait remarquer que le harcèlement peut être très subtil et, à cet égard, il peut être extrêmement insidieux. Il a indiqué qu’un grave incident unique est plus facilement géré au moyen du processus traditionnel de l’arbitrage d’un grief parce que chaque incident peut être évalué par rapport aux normes des mesures disciplinaires progressives. Il a également fait remarquer qu’un comportement subtil d’intimidation et de harcèlement ne se prête pas au même calcul. On m’a renvoyé à Peterborough Regional Health Centre v. Ontario Nurses’Assn., [2012] O.L.A.A. No. 251 (QL), au paragraphe 114.

[309] Malgré ces difficultés à quantifier la mesure disciplinaire appropriée, l’employeur a affirmé que cela ne signifie pas que le harcèlement et l’intimidation peuvent être tolérés dans le lieu de travail; il va de soi qu’ils ne peuvent pas être tolérés. Il a soutenu que, même si les actes de harcèlement peuvent, à première vue, sembler sans importance et indignes d’une mesure disciplinaire, l’effet est amplifié lorsqu’il est compris comme une tendance au fil du temps. Il a indiqué que l’effet cumulatif d’une conduite de harcèlement est un milieu de travail empoisonné. Il a fait valoir que la nature cumulative de l’inconduite de la fonctionnaire dans le présent cas justifiait une mesure disciplinaire plus importante en fonction de la proportion (voir Peterborough Regional Health Centre, au par. 107; Children’s Hospital of Eastern Ontario v. OPSEU (2015), 260 L.A.C. (4th) 147, au par. 109; et Charinos c. Administrateur général (Statistique Canada), 2016 CRTEFP 74, au par. 117).

[310] L’employeur a soutenu que chacune des allégations de harcèlement fondées dans le présent cas constituait un exemple de comportement subtil qui pourrait ne pas justifier une conclusion d’inconduite en soi. Il a fait valoir que, examinés collectivement, les incidents démontrent des comportements ciblant le plaignant. Il a également soutenu que le comportement de la fonctionnaire durant et après l’enquête sur le harcèlement a démontré une détermination sans relâche à discréditer le plaignant. L’employeur a fait valoir que le comportement constant combiné à l’absence d’acceptation de torts correspond à une incapacité d’établir une relation d’emploi viable (voir Peterborough Regional Health Centre, aux par. 118 à 121).

I. Facteurs aggravants

[311] L’employeur a fait remarquer que les attentes imposées aux gestionnaires pour donner l’exemple signifient qu’ils sont tenus à une norme supérieure en ce qui concerne les attentes d’un comportement approprié. Il a également souligné la norme plus élevée imposée aux agents de la paix. Il a souligné que, même si la perfection n’est pas la norme requise, les personnes chargées de l’application de la loi doivent se comporter de façon éthique et faire l’objet d’un examen approfondi dans l’exercice de leurs fonctions (voir Bazger v. Ontario (Ministry of Community Safety and Correctional Services), [2017] O.P.S.G.B.A. No. 6 (QL), au par. 110; et Stewart c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2016 CRTEFP 106, au par. 62).

[312] Au moment d’évaluer si la relation d’emploi a été irrémédiablement rompue, la Commission doit poser la question de savoir si la fonctionnaire reconnaît et admet réellement son inconduite au point qu’on peut en conclure qu’elle ne récidivera pas (voir MTU Maintenance Canada Ltd. v. IAMAW, Transportation District Lodge 140 (2022), 342 L.A.C. (4th) 65, aux par. 52 et 53; et Rahim c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2016 CRTEFP 121, au par. 83). L’employeur a fait valoir que l’incapacité de la fonctionnaire à assumer la responsabilité et son absence continue de discernement à l’égard de ses actions mènent à conclure que le fait d’imposer une sanction moindre ne favoriserait pas l’objectif d’une mesure disciplinaire corrective.

[313] L’employeur a fait valoir que, dans le présent cas, la fonctionnaire a continué de nier tout acte répréhensible tout au long du processus disciplinaire et que ce n’est qu’à l’audience devant la Commission qu’elle a admis une certaine responsabilité, mais avec des nuances. Il a soutenu qu’elle avait réduit au minimum les conséquences potentielles de son message d’absence du bureau et qu’elle n’avait pas reconnu l’importance de s’immiscer dans les affaires concernant le plaignant en menant une enquête de recherche de faits. L’employeur a souligné la similitude des faits avec la décision rendue dans Teck Coal Ltd. (Fording River Operation) v. United Steel Workers, Local Union 7884 (2021), 332 L.A.C. (4th) 155, aux paragraphes 28, 29 et 32, lorsque la fonctionnaire a laissé entendre qu’elle n’aurait pas dû soulever le sujet de la conversation lors d’une réunion de direction régionale, mais a nié toute irrégularité dans la façon dont la conversation avait été tenue. L’employeur a également fait remarquer qu’elle continue à nier avoir harcelé le plaignant et affirme que les faits, tels qu’ils sont allégués, ne se sont pas produits ou peuvent être expliqués.

[314] L’employeur m’a renvoyé à Versa-Care Centre of Brantford v. C.L.A.C. (2005), 146 L.A.C. (4th) 72, au paragraphe 14, dans laquelle l’omission de reconnaître un acte répréhensible et l’absence de toute compréhension quant à l’inconduite constituaient un facteur aggravant justifiant le licenciement. On m’a également renvoyé à Stewart, dans laquelle l’absence de compréhension a été considérée comme constituant un facteur aggravant dans un cas concernant une suspension de 75 heures.

J. Facteurs atténuants

[315] L’employeur a fait remarquer l’affirmation de la fonctionnaire selon laquelle elle craignait le plaignant et qu’il s’agissait d’un facteur atténuant important à prendre en considération. Il a reconnu que l’examen des facteurs atténuants se rapporte à l’état d’esprit de la fonctionnaire et non à la question de savoir si le risque allégué ou perçu était fondé. Il a indiqué qu’une croyance sincère, mais erronée de la part de la fonctionnaire pouvait tout de même constituer un facteur atténuant important. Toutefois, l’employeur a déclaré que, même en acceptant le fait qu’elle avait une crainte réelle du plaignant, cela n’excuse pas sa conduite. Il a soutenu que l’état d’esprit en tant que facteur atténuant se rapporte aux erreurs momentanées de jugement par ailleurs bon; voir Wepruk c. Administrateur général (ministère de la Santé), 2021 CRTESPF 75, aux paragraphes 298 à 303. Il a souligné que la contrainte est au cœur de l’analyse (voir Cambridge Memorial Hospital v. ONA (M. (S.)) (2017), 273 L.A.C. (4th) 237, au par. 53). Il a fait valoir que l’habitude d’inconduite de la fonctionnaire s’est étalée sur une période prolongée et qu’elle n’était pas liée en grande partie à ses allégations de crainte et qu’elle avait d’autres options meilleures si elle avait une crainte légitime.

[316] L’employeur a fourni les exemples suivants : 1) les allégations relatives à la formation du plaignant n’avaient aucun lien avec une crainte perçue, 2) la décision de l’exclure de la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse aurait pu avoir été liée à la crainte, mais elle a soutenu le contraire, et 3) même si elle a allégué que sa crainte avait motivé sa décision de désactiver sa carte d’accès, elle avait d’autres options et de meilleures options pour se soustraire à un conflit potentiel, alors que la désactivation de sa carte aurait envenimé la situation, s’il avait en avait pris connaissance.

[317] L’employeur a déclaré qu’au lieu d’atténuer la mesure disciplinaire, la conduite de la fonctionnaire, y compris ses allégations de crainte, a montré une campagne visant à discréditer le plaignant et à rétablir sa réputation, à tout prix. Il a soutenu que les faits ressemblent à ceux dans Anderson c. IMTT-Québec Inc, 2011 CCRI 606, aux paragraphes 85 à 90 (confirmée dans 2013 CAF 90), dans laquelle un plaignant avait fait preuve de déloyauté envers son employeur et d’un acharnement aveugle à se justifier.

[318] L’employeur a également jugé digne de mention qu’une grande partie des activités que la fonctionnaire a attribuée à la crainte était liée à sa croyance que le plaignant allait [traduction] « perdre son sang-froid » à la suite d’un rapport d’enquête sur le harcèlement dont elle s’attendait à ce qu’il rejette ses allégations. L’employeur a fait remarquer que le rapport concluait qu’il y avait eu harcèlement, ce qui aurait eu l’effet contraire de valider ses perceptions. Il a fait valoir que, dans ce contexte, les actions qu’elle a prises à son endroit sont plus crédibles en tant que représailles plutôt qu’actions motivées par la crainte.

K. Potentiel de réadaptation

[319] L’employeur a soutenu que, si un employé connaît et comprend le risque d’une habitude d’inconduite continue et omet de réagir, l’hypothèse par défaut des mesures disciplinaires progressives est écartée (voir Versa-Care Centre of Brantford, au par. 13; et Teck Metals Ltd. v. USW, Local 480 (2015), 254 L.A.C. (4th) 333, aux par. 72 et 79). Il a soutenu que, face à un risque connu pour son emploi, la fonctionnaire a persisté non seulement à nier, mais aussi à tenter de blâmer le plaignant et de gérer son comportement de façon inappropriée et, en fin de compte, à faire preuve d’insolence et d’insubordination envers ses gestionnaires. Il a fait valoir que cette habitude démontre que la réintégration ne convient pas.

[320] L’employeur a soutenu que les actions et les paroles de la fonctionnaire démontraient également une détermination continue à se prouver qu’elle avait raison à tout prix. Il a fait référence à un certain nombre d’exemples, dont les suivants. Elle a lancé à M. Goluza un ultimatum selon lequel le plaignant ne pouvait pas revenir à son équipe. Elle a indiqué qu’elle deviendrait une employée très difficile, ce qui embarrasserait le ministère et M. Goluza personnellement. Elle a de plus déclaré qu’elle n’hésiterait pas [traduction] « […] à prendre toute mesure [qu’elle jugerait] nécessaire […] ».

L. Conclusion

[321] L’employeur a fait valoir que le licenciement était la sanction appropriée et qu’elle ne devrait pas être modifiée. Il a soutenu que la fonctionnaire avait fait preuve d’une habitude d’inconduite grave qui a persisté sur une période prolongée. Il a déclaré que, même si elle savait que son emploi était en péril, elle a continué; elle a justifié son comportement et elle a nié avoir commis des actes répréhensibles. Il a affirmé qu’elle continue de faire preuve d’une absence de discernement sur l’importance de ses actions et leur effet sur les autres. Il a également soutenu que lorsque le harcèlement et le comportement insolent sont délibérés et odieux, ils ne sont pas propices à l’éducation et à la correction; il faut plutôt dissuader et donner des exemples (voir Hinton Pulp & Hinton Wood Products v. C.E.P., Local 855 (2009), 190 L.A.C. (4th) 222, en particulier le par. 60).

[322] Subsidiairement, l’employeur a soutenu que la réintégration est la réparation normale si le licenciement n’est pas maintenu. Toutefois, la fonctionnaire avait l’obligation d’atténuer ses dommages, et elle a déployé des efforts minimes sur une période prolongée pour chercher un autre emploi. L’employeur n’a pas accepté son affirmation selon laquelle elle avait été [traduction] « inscrite sur la liste noire » des organismes d’application de la loi. Il a soutenu que, même si un employé a droit à un certain temps pour s’adapter ou pour demander un recyclage, il n’est pas raisonnable de se retirer du marché du travail (voir Haydon c. Administrateur général (ministère de la Santé), 2019 CRTESPF 26, aux par. 107 à 126; et Yellowhead Road & Bridge (Fort George) Ltd. v. BCGEU (2021), 150 C.L.A.S. 148, aux par. 33 à 40).

V. Résumé de l’argumentation de la fonctionnaire

A. Introduction

[323] La fonctionnaire a fait valoir que, malgré des états de service exemplaires de longue date sans aucune mesure disciplinaire, elle a été licenciée pour une conduite qui, même si elle est véridique, n’étayerait pas le licenciement. Elle a soutenu que l’employeur n’a pas étayé toutes les allégations. Elle a soutenu que les allégations qui pouvaient être étayées et qui justifiaient des mesures disciplinaires se sont produites sur une courte période au cours de laquelle elle craignait raisonnablement le plaignant, qui avait formulé des allégations scandaleuses à son endroit, avait utilisé un langage sexiste et violent pour la décrire et était connu pour être prompt à la colère. Elle a également fait valoir que, lorsque les allégations d’inconduite ont été formulées après l’enquête sur le harcèlement, elle était extrêmement stressée en raison d’une charge de travail exigeante, de sa crainte du plaignant et du retard de l’employeur à répondre à ses préoccupations quant à sa sécurité. Elle a déclaré que l’évaluation de la menace et des risques avait permis d’établir que ses préoccupations étaient légitimes.

[324] La fonctionnaire a soutenu que son licenciement avait eu un effet dévastateur sur elle, qu’il n’y avait aucune raison de s’écarter des mesures disciplinaires progressives et qu’elle devrait être réintégrée dans ses fonctions.

[325] La fonctionnaire a fait valoir que les témoignages de M. Goluza et de Mme Portman, qui laissaient entendre qu’il y avait d’autres problèmes de rendement, n’étaient pas étayés par ses évaluations de rendement et qu’aucun poids ne devrait leur être accordé. Elle a également souligné les témoignages d’anciens collègues qui ont confirmé ses bonnes compétences en gestion et qui n’ont exprimé aucune préoccupation quant au fait de travailler de nouveau avec elle.

[326] La fonctionnaire a soutenu que les allégations du plaignant contre elle doivent être examinées dans leur contexte, y compris ses congés de maladie, son rendement en général et ses tentatives de l’aider, et la colère dont il a fait preuve à son endroit et d’autres personnes, qui s’est manifestée de manière troublante. Le plaignant a reconnu dans son témoignage qu’il avait fait des déclarations désobligeantes à son égard, ce que M. Brochez a confirmé. Elle a également indiqué que M. Brochez et M. Leedon ont témoigné que le plaignant était prompt à la colère. Elle a soutenu que les commentaires du plaignant étaient inappropriés, sexistes et humiliants et qu’ils auraient pu entraîner des mesures disciplinaires contre lui, même s’ils ne lui ont pas été adressés directement (voir Layne c. Administrateur général (ministère de la Justice), 2017 CRTEFP 10, aux par. 75 et 91).

[327] La fonctionnaire a fait valoir que les allégations fondées n’étaient pas aussi importantes que le prétendait le plaignant et qu’elles n’avaient eu aucune incidence sur sa carrière. Elle a fait valoir qu’il a connu de nombreux problèmes personnels au cours de cette période qui ont eu une incidence sur sa carrière.

B. Allégation de harcèlement : Le [traduction] « club des vieux copains »

[328] La fonctionnaire a nié avoir fait le commentaire allégué au sujet du [traduction] « club des vieux copains », même si elle se souvient d’une conversation au sujet de l’embauche d’un autre agent au cours de laquelle elle a dit aux agents présents qu’il n’était pas prévu d’embaucher un autre agent et que tout processus d’embauche serait transparent. Dans son témoignage, elle a insisté sur le fait qu’il s’agissait d’une déclaration générale et qu’elle ne visait pas le plaignant. Elle a souligné qu’il ne lui a fait part de ce commentaire que près d’un an plus tard (soit le 13 mars 2013) et qu’elle n’a été informée de l’allégation que lorsqu’elle a reçu les renseignements sur les allégations de harcèlement en mars 2014.

[329] La fonctionnaire a fait valoir que le temps écoulé entre l’incident allégué et la plainte de harcèlement rendrait difficile pour quiconque de se souvenir de ce qui s’est passé à la réunion. Elle a fait remarquer que le plaignant ne se souvenait pas de la phrase exacte utilisée. Elle a fait valoir que, même si M. Brochez a soutenu se souvenir du commentaire dans son témoignage, cela contredit sa déclaration à l’enquêteuse sur le harcèlement. Elle a également soutenu qu’il avait eu l’occasion de soulever toute préoccupation au sujet du supposé commentaire lors de son examen du rendement et qu’il ne l’avait pas fait.

[330] La fonctionnaire a fait valoir que, même si elle avait fait ce commentaire, il ne satisferait pas au critère relatif au harcèlement. Elle a déclaré que le harcèlement consiste généralement en une série d’actes et exige plus qu’une simple conduite importune, car [traduction] « […] les actions blessantes n’ont pas toutes pour effet d’empoisonner le milieu de travail »; voir Joss, aux paragraphes 68 et 69. Il ne s’applique pas [traduction] « […] à des actes mesquins ou à des propos ridicules, lorsque le préjudice est éphémère, selon toutes les normes objectives […] »; voir Ivanoff c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2023 CRTESPF 20, au paragraphe 153. Elle a fait valoir qu’il aurait constitué une déclaration isolée qui n’aurait peut-être pas été bien reçue par le plaignant, mais qu’il ne faisait pas partie d’une série d’actes, car aucune des autres allégations jugées fondées ne concernait des déclarations offensantes, et il n’a pas été fait en même temps que les événements visés par les autres allégations. Elle a fait valoir que, si ce commentaire avait été proféré, il s’agissait d’un commentaire isolé et importun fait à un moment donné en 2012.

C. Allégation de harcèlement : La pratique sur le maniement d’un fusil de chasse

[331] La fonctionnaire a fait valoir qu’il y avait des raisons légitimes de demander au plaignant de s’abstenir de participer à la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse, notamment le fait qu’il devait renouveler son accréditation afin d’utiliser les armes à feu du ministère (le fusil de chasse), et parce qu’elle souhaitait consulter sur la brève réponse de son médecin aux questions détaillées de l’employeur. Elle a également fait valoir que son incapacité à assister à la pratique n’avait eu aucune conséquence sur sa carrière.

[332] La fonctionnaire a affirmé que, selon ce qu’elle comprend de la directive sur les armes à feu, le plaignant devait obtenir l’accréditation avant d’être autorisé à utiliser une arme à feu du ministère. Elle a fait valoir que M. Owen avait accepté cette interprétation dans son témoignage à l’audience. Elle a également soutenu que M. Owen avait eu tort de croire qu’elle n’avait pas soulevé cette explication dans le cadre de l’enquête sur le harcèlement, étant donné qu’elle l’avait clairement soulevée auprès de l’enquêteuse sur le harcèlement dans un courriel.

[333] La fonctionnaire a soutenu que ses préoccupations au sujet de la déclaration de l’aptitude au travail du médecin du plaignant étaient légitimes. Pendant la grande partie de son congé de maladie, le plaignant avait fourni des notes médicales d’un autre médecin. Elle a fait valoir que lors de leurs première et deuxième réunions au sujet de son retour au travail (les 13 et 14 mars 2013), il était émotif et avait exprimé de la colère envers elle et le processus de retour au travail. Au cours de cette période, elle a préparé la lettre détaillée à l’intention de son médecin, avec l’aide de M. Gilliéron et de M. Goluza. Elle a soutenu qu’elle avait été surprise par la réponse d’une phrase à la lettre détaillée et qu’elle avait informé le plaignant qu’elle sollicitait des conseils à ce sujet. Elle a témoigné qu’elle avait accepté les conseils de M. Gilliéron et de M. Goluza d’accepter la lettre. Elle a également fait valoir qu’à la réunion suivante avec le plaignant, ce dernier n’a exprimé aucune préoccupation au sujet de la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse manquée.

[334] La fonctionnaire a soutenu que le fait de ne pas avoir participé à la pratique n’a ni retardé la reprise des fonctions du plaignant ni eu d’incidence sur le renouvellement de son accréditation sur le maniement des armes à feu. Elle a également fait valoir que cela ne l’avait pas isolé de ses collègues, puisque M. Graham a témoigné que de telles pratiques n’étaient pas obligatoires et qu’il n’était pas inhabituel que les employés n’y participent pas.

D. Allégation de harcèlement : Report du cours de sauvetage en eaux vives

[335] La fonctionnaire a soutenu qu’il y avait des raisons opérationnelles légitimes de reporter le cours de sauvetage en eaux vives du plaignant. Elle a fait valoir que le cours n’était pas obligatoire et que, même s’il avait figuré dans son plan de travail l’année précédente, il ne l’avait pas suivi. Elle a soutenu que le fait de retarder le cours n’avait pas retardé sa capacité à reprendre toutes ses fonctions et n’avait pas eu d’autre incidence sur sa carrière. Elle a fait valoir que ce changement était dû au fait qu’un nouveau dossier lui avait été attribué. Elle a déclaré que, même s’il n’était pas d’accord avec le fait que des travaux devaient être effectués en temps opportun, elle avait déterminé que le dossier comportait une urgence accrue.

[336] La fonctionnaire a fait valoir que l’intention était de vérifier les options relatives à l’horaire, mais que, malheureusement, le fournisseur a procédé au report du cours. Elle a fait remarquer que la formation reportée devait avoir lieu trois semaines plus tard et plus près de la résidence du plaignant. Elle a soutenu que les nouvelles dates correspondaient à la nouvelle affectation de travail et qu’il ne s’était pas opposé aux nouvelles dates. Elle a témoigné que s’il s’y était opposé, la formation aurait pu être reportée.

[337] La fonctionnaire a souligné que M. Owen a témoigné que la fonctionnaire avait le droit de reporter la formation, mais qu’il n’était pas d’accord avec la façon dont elle l’avait fait savoir. Elle a affirmé que toutes ses communications étaient professionnelles. Elle a admis qu’elle aurait pu être plus courtoise en expliquant le malentendu qui a mené au report de la formation, mais que cela ne constituait pas du harcèlement.

E. Allégation de harcèlement : Le cours de gestion de projet

[338] La fonctionnaire a soutenu qu’il n’y a rien d’inhabituel à ce qu’un gestionnaire recommande une formation. Elle a témoigné qu’elle estimait que le cours de gestion de projet aiderait le plaignant à gérer ses dossiers plus importants, compte tenu de ses observations sur son manque d’organisation. Elle a fait remarquer qu’il avait approuvé le plan d’apprentissage, indiquant qu’il y souscrivait. Elle a soutenu que la raison pour laquelle elle avait recommandé de ne pas retarder le cours de gestion de projet était qu’elle souhaitait engager les fonds de formation et que le cours l’aurait aidé; elle estimait qu’il avait l’habitude de reporter des formations.

[339] Elle a soutenu que sa réponse était disproportionnée par rapport au plan d’action qu’elle recommandait. Elle a soutenu que l’allégation qu’il avait formulée dans le courriel qu’il lui a envoyé, selon laquelle elle faisait pression sur lui pour lui faire quitter le milieu de travail, ainsi que le ton de ses communications étaient déconcertants, ce qui l’avait amenée à demander des conseils auprès d’un conseiller en relations de travail. Elle a soutenu qu’elle avait adapté sa réponse au plaignant en fonction des conseils qu’elle avait reçus. Elle a fait valoir qu’il est inconcevable que cette interaction puisse être considérée comme du harcèlement, surtout puisqu’elle avait accédé à la demande du plaignant de reporter le cours.

F. La crainte de la fonctionnaire à l’égard du plaignant

[340] La fonctionnaire a soutenu qu’elle avait témoigné à quel point le plaignant était devenu contrarié à plusieurs moments de ses interactions avec lui et qu’il avait utilisé un langage violent à son égard, tant en sa présence qu’en son absence. Elle a fait valoir que l’emploi du mot [traduction] « violé » constituait une expression de violence. Elle a soutenu que cette période avait été très stressante, surtout lorsque M. Goluza a répondu qu’elle devrait avoir un plus grand nombre de réunions en personne avec le plaignant.

[341] La fonctionnaire a fait valoir qu’après la réunion au cours de laquelle le commentaire [traduction] « violé » a été formulé, le plaignant est devenu plus instable et plus en colère – dans un cas, il l’a appelée le nom de sa conjointe dont il était séparé. Elle a également soutenu que sa plainte de harcèlement contre elle était difficile à lire et profondément troublante, tant dans le langage qu’il utilisait pour la décrire que dans sa perception des réunions qui était complètement en contradiction avec ce qui s’était réellement passé. Elle a soutenu que le fait que la plupart des allégations de harcèlement ont été rejetées et que les allégations fondées ne soutenaient pas sa perception générale des événements était significatif. Elle a soutenu que cela démontrait une obsession malsaine à son égard. Elle a fait valoir que le fait qu’il l’ait blâmée pour des lacunes dans sa vie personnelle et dans sa carrière qui n’avaient rien à voir avec la façon dont il était géré illustre bien cette obsession.

[342] La fonctionnaire a soutenu que le comportement du plaignant à la séance de pratique du recours à la force était si troublant qu’elle a discuté de ses préoccupations avec les Relations de travail. Elle a également fait valoir que M. Goluza avait déclaré qu’elle était visiblement bouleversée et inquiète. Elle a fait valoir que, lorsqu’elle a appris plus tard les commentaires troublants du plaignant au sujet d’une fusillade en milieu de travail, ainsi que son comportement étrange lorsqu’il a enlevé des carreaux de plafond, cela l’a inquiétée. Elle a soutenu que l’enquêteuse sur le harcèlement avait également noté le ton troublant des communications du plaignant à l’enquêteuse, qu’elle a décrit comme [traduction] « quelque peu inquiétant ».

[343] La fonctionnaire a fait valoir que la déclaration de M. Krahn au sujet de l’interaction violente avec le plaignant et sa déclaration selon laquelle il estimait que toute personne au bureau de Nanaimo de l’employeur aurait pu être exposée à de la violence verbale ou à des blessures physiques soutenaient ses craintes à l’égard du plaignant. Elle a également soutenu que l’incident fondé de violence dans le lieu de travail dans le rapport de M. Leek confirmait que sa préoccupation quant à sa sécurité était sincère. Elle a fait valoir que, même si M. Leek croyait que le plaignant ne représentait aucune menace physique pour elle, il a dit que, si elle se trouvait au même endroit que le plaignant, les choses pourraient se transformer en agression physique.

[344] La fonctionnaire a soutenu qu’à partir du moment où elle a reçu le rapport préliminaire de l’enquête sur le harcèlement, elle croyait que le plaignant serait frustré par les résultats du rapport final et qu’il s’en prendrait à elle parce qu’il avait consacré beaucoup de temps à la plainte.

[345] La fonctionnaire a également fait valoir que, pendant qu’elle traitait la plainte de harcèlement, elle traitait également de questions importantes avec M. Fraser, en plus d’être la responsable du ministère dans le cadre d’une enquête très médiatisée et intense.

[346] La fonctionnaire a soutenu que sa conduite, qui a mené aux événements qui ont donné lieu aux allégations d’inconduite, a été influencée par sa crainte croissante du plaignant, particulièrement au cours de la période qui a précédé la communication du rapport final sur le harcèlement, par le stress lié au fait de devoir composer avec une lourde charge de travail en même temps que l’enquête sur le harcèlement, et par la façon dont l’employeur a géré la situation. Elle a fait valoir que, même si cela n’excuse pas toute sa conduite, cela explique la raison pour laquelle elle a pris les mesures qu’elle estimait nécessaires pour se protéger et la raison pour laquelle elle a agi de la façon dont elle l’a fait pendant la période précédant son licenciement.

G. Accès aux dossiers de congés du plaignant

[347] La fonctionnaire a fait valoir que M. Goluza, un représentant de l’employeur, avait toléré son accès aux dossiers de congés du plaignant. Elle n’a appris qu’il y avait un problème relatif à son accès aux dossiers de congés que le 17 juin 2015, lorsqu’elle a reçu les renseignements concernant les allégations d’inconduite contre elle. Elle a soutenu que, même si elle et le plaignant étaient séparés en raison de l’enquête sur le harcèlement, elle demeurait responsable du bureau de Nanaimo et avait accès aux renseignements le concernant. Elle a également continué d’être responsable des questions administratives qui le concernaient. Elle a également fourni des renseignements à M. Goluza au sujet du plaignant, à la demande de M. Goluza.

[348] La fonctionnaire a fait valoir que l’employeur est tenu de signaler l’inconduite aux employés en temps opportun afin qu’ils puissent modifier leur comportement; voir Chopra, aux paragraphes 83 à 85; et Ivanoff, au paragraphe 228. Elle a soutenu qu’un retard dans l’imposition d’une mesure disciplinaire peut amener l’employé à croire que la conduite a été tolérée, et qu’il est injuste de le punir plus tard, après qu’il a eu un faux sentiment de sécurité. Elle a fait valoir qu’elle avait subi un préjudice en raison du retard à porter à son attention cette prétendue inconduite et que M. Goluza lui avait donné l’impression que son accès était acceptable.

H. La demande de désactivation de la carte d’accès du plaignant

[349] La fonctionnaire a fait valoir que lorsqu’elle a été informée de la communication du rapport final de l’enquête sur le harcèlement, on ne l’avait toujours pas contactée au sujet de l’évaluation de la menace et des risques qui lui avait été promise. Elle a soutenu qu’elle avait également été informée pour la première fois par un courriel sur la communication du rapport qu’elle devait s’abstenir de tout contact avec le plaignant. Elle a fait valoir qu’elle était confuse, inquiète et craintive et qu’elle croyait que le comportement du plaignant pourrait s’aggraver. Elle a soutenu que M. Goluza avait accepté de suspendre l’accès du plaignant pendant une semaine, pendant que l’évaluation de la menace et des risques était en cours. La fonctionnaire a soutenu que la désactivation de sa carte d’accès n’avait causé aucun préjudice au plaignant.

I. Le message d’absence du bureau

[350] La fonctionnaire a reconnu qu’il n’était pas approprié de modifier son message d’absence du bureau. Elle a déclaré qu’il s’agissait d’une période émotive pour elle et a reconnu qu’elle aurait pu prendre de meilleures décisions.

J. Le comportement de la fonctionnaire à la réunion de l’équipe de gestion

[351] Dans son témoignage, la fonctionnaire a reconnu qu’il n’était pas approprié de soulever la réunion sur l’enquête sur la sécurité à la réunion de la direction avec M. Goluza. Elle a également reconnu qu’elle aurait dû lui présenter ses excuses lors de la réunion.

K. L’enquête de recherche de faits

[352] La fonctionnaire a fait valoir qu’elle avait des préoccupations quant à la possibilité de faire l’objet de mesures disciplinaires pour ne pas avoir mené d’enquête de recherche de faits dans le cadre du différend entre M. Fraser et le plaignant. Elle a également soutenu que la conclusion selon laquelle le fait de communiquer avec les Relations de travail pour obtenir des conseils constituait du harcèlement était dans son esprit, et c’est pourquoi elle a estimé qu’il n’était pas souhaitable de communiquer avec un agent des relations de travail. Elle a également fait valoir qu’elle avait fait preuve de transparence auprès de M. Goluza au sujet de sa justification pour mener une enquête de recherche de faits. Elle a soutenu que même si, à l’époque, elle estimait avoir fait ce qui s’imposait, elle a reconnu dans son témoignage devant la Commission que ce n’était pas le cas.

L. La violation de la confidentialité

[353] La fonctionnaire a déclaré qu’elle n’avait été informée de l’allégation de violation de la confidentialité du processus d’enquête sur le harcèlement qu’à sa réunion de recherche de faits du 10 août 2015. Elle a nié avoir discuté de la plainte de harcèlement avec M. Fraser. Elle a soutenu que les éléments de preuve à l’appui de cette allégation ne sont pas fiables et qu’ils ne peuvent pas servir de fondement pour inférer que l’allégation est fondée. Elle a fait valoir qu’au moment où M. Fraser a allégué qu’elle avait discuté de l’enquête, il s’agissait d’une période où un certain nombre de fonctions lui avaient été retirées, et il a allégué que ce retrait était associé à sa participation à l’enquête, alors que ce n’était manifestement pas le cas. La fonctionnaire a également fait remarquer que M. Fraser avait fait référence à des griefs contre elle alors qu’aucun n’avait été déposé.

[354] La fonctionnaire a soutenu que, même si la preuve par ouï-dire est admissible, il est généralement accepté que les décideurs devraient lui accorder un poids limité et, surtout, qu’ils devraient être réticents à fonder des conclusions de faits essentiels uniquement sur cette preuve par ouï-dire; voir Lortie c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2016 CRTEFP 108, aux paragraphes 220 à 223.

[355] La fonctionnaire a déclaré qu’il convient de noter que la violation de la confidentialité par le plaignant n’a pas fait l’objet d’une enquête plus approfondie et qu’il n’a subi aucune répercussion.

M. Motifs supplémentaires

[356] La fonctionnaire a fait valoir que les seuls motifs de son licenciement étaient ceux énoncés dans la lettre de licenciement. Elle a soutenu qu’il n’était pas loisible à l’employeur de tenter d’étayer sa thèse par des allégations supplémentaires, y compris l’allégation concernant l’installation des dispositifs GPS sur les camions.

[357] La fonctionnaire a fait valoir que l’allégation concernant les appareils GPS était manifestement fausse en ce sens qu’il existait des éléments de preuve selon lesquels elle avait dit à M. Krahn d’informer le plaignant du dispositif dans le camion de M. Fraser. Elle a soutenu qu’il est bien établi que si un employeur avait connaissance d’une inconduite alléguée de la part d’un fonctionnaire s’estimant lésé, ou qu’il aurait pu en avoir connaissance, avant de prendre sa décision d’imposer une mesure disciplinaire et qu’il ne s’est pas fondé sur cette connaissance, il est inadmissible que l’employeur tente ultérieurement d’invoquer de telles allégations pour justifier sa mesure disciplinaire; voir Pembroke General Hospital v. O.N.A. (R.M.), 2004 CanLII 94689, au paragraphe 17; Besirovic c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2021 CRTESPF 33, aux paragraphes 95 et 96; et Ransome c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2021 CRTESPF 138, au paragraphe 89.

[358] La fonctionnaire a soutenu que la tentative de l’employeur d’invoquer la question relative aux appareils GPS a miné sa justification initiale à l’appui de son licenciement. Elle a fait valoir que le témoignage de M. Goluza soulevait des allégations d’inconduite des années après les faits, sans expliquer la raison pour laquelle il n’avait pas pris de mesures pour y remédier à l’époque. Cela démontrait de l’animosité envers elle qui a déteint sur le reste de son témoignage, y compris en ce qui concerne son rendement.

N. Facteurs atténuants

[359] La fonctionnaire a reconnu qu’elle avait fait preuve d’une conduite qui méritait l’imposition d’une mesure disciplinaire. Toutefois, elle a soutenu que des facteurs atténuants importants dans son cas exigeaient une sanction bien inférieure à un licenciement, ce qui est l’équivalent, en relations de travail, de la peine capitale; voir William Scott & Co. v. C.F.A.W., Local P-162, [1977] 1 Can. L.R.B.R. 1 (« Wm. Scott »), aux paragraphes 9 à 12; et Corporation of the Town of Bracebridge v. Ontario Public Service Employees Union, Local 305, 2012 CanLII 97802 (ON LA), au paragraphe 51.

[360] La fonctionnaire a fait valoir qu’un facteur atténuant essentiel dans le présent cas était son état d’esprit; voir Walker, au paragraphe 5; I.B.E.W., Local 2228 v. NAV Canada, 2004 CarswellNB 670, aux paragraphes 13 à 15 (« IBEW »); et Corporation of the City of Calgary v. Calgary Local Union No. 38 of the Canadian Union of Public Employees, 2018 CarswellAlta 1418 (« Calgary »), aux paragraphes 103 et 108. Elle a soutenu que ses actions ont été influencées par sa crainte réelle du plaignant, particulièrement au cours de la période avant et immédiatement après la communication du rapport final de l’enquête sur le harcèlement, soit le moment où la plupart des allégations d’inconduite ont été formulées. Elle a également soutenu qu’elle était assujettie à un stress extrême en raison de sa charge de travail, de la durée de l’enquête sur le harcèlement, du retard de la direction de répondre à ses préoccupations concernant le plaignant et de la santé déclinante de M. Fraser.

[361] La fonctionnaire a également fait valoir que ses années de service (soit 22 ans) constituent un facteur atténuant important; voir Walker, au paragraphe 6; Calgary, au paragraphe 97; Touchette c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2019 CRTESPF 72, au paragraphe 80; Hughes c. Agence Parcs Canada, 2015 CRTEFP 75, au paragraphe 138; et Sidorski c. Conseil du Trésor (Commission canadienne des grains), 2007 CRTFP 107, au paragraphe 104. La fonctionnaire a également fait valoir qu’il est bien établi qu’un dossier disciplinaire vierge constitue un facteur atténuant important; voir Walker, au paragraphe 6; Calgary, au paragraphe 98; et Bracebridge, au paragraphe 50. Elle a soutenu que l’inconduite pour laquelle elle a été licenciée était isolée par rapport à l’ensemble de ses antécédents professionnels; voir IBEW, au paragraphe 13.

[362] La fonctionnaire a soutenu que les mesures disciplinaires progressives sont la norme dans les milieux syndiqués; voir Besirovic, au paragraphe 150; Calgary, au paragraphe 104; et Gauthier c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2013 CRTFP 94. Elle a fait valoir qu’afin de s’écarter du concept de mesures disciplinaires progressives, il faut que la conduite de la fonctionnaire ait été si flagrante qu’elle justifie un congédiement sommaire; voir Bracebridge, au paragraphe 51. Elle a soutenu que les éléments de preuve n’ont pas permis d’établir qu’une mesure disciplinaire moins sévère n’aurait pas corrigé son comportement, surtout puisque l’inconduite s’est produite pendant une période limitée au cours de sa carrière par ailleurs longue et au cours de laquelle elle avait un dossier disciplinaire vierge.

[363] La fonctionnaire a déclaré qu’elle avait assumé la responsabilité de son comportement irrespectueux et du fait qu’elle n’avait pas suivi les directives qui lui avaient été données. Elle a affirmé que le moment où elle a assumé sa responsabilité devrait être pris en considération compte tenu du fait qu’elle n’a pas eu l’occasion de répondre au rapport final de l’enquête sur l’inconduite avant son licenciement. Elle a également fait valoir que le défaut d’assumer la responsabilité ne constitue qu’un des facteurs dont les décideurs tiennent compte lorsqu’ils appliquent l’approche contextuelle et proportionnelle à l’analyse; voir Dosanjh c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel), 2003 CRTFP 16, aux paragraphes 115 à 118, 120, 124 et 126; et Sidorski, aux paragraphes 109 et 110.

O. Dommages

[364] La fonctionnaire a indiqué dans son témoignage sa passion pour son travail, surtout pour les enquêtes, et de l’incidence dévastatrice que la perte de son emploi a eue sur son identité. Elle a également fait valoir qu’elle a eu de la difficulté à s’adapter depuis le licenciement, ce qui, selon elle, l’a rendue non employable auprès des organismes d’application de la loi. Elle a fait remarquer que le gouvernement de la Colombie-Britannique avait manifesté un certain intérêt à l’embaucher, mais qu’elle avait été informée que c’était [traduction] « trop politique ». Elle a également indiqué qu’elle ne pouvait pas toucher des prestations de l’assurance-emploi et qu’elle n’avait touché aucune prestation de maternité ou parentale après la naissance de son deuxième enfant.

[365] La fonctionnaire a soutenu que son licenciement a dévasté les finances de sa famille et que, même si elle a lancé sa propre entreprise dans un domaine différent, sa passion demeure pour son travail auprès de l’employeur, et, compte tenu des circonstances de son licenciement, on ne peut pas conclure que le lien de confiance a été rompu.

[366] La fonctionnaire a fait valoir qu’une mesure disciplinaire moins sévère devrait remplacer le licenciement. Elle a soutenu qu’elle n’avait jamais reçu d’indication que son emploi était en péril. Elle a souligné que l’employeur avait admis que les allégations de harcèlement ne justifieraient pas en soi le licenciement. Elle a soutenu que les allégations de harcèlement fondées et l’insubordination ultérieure doivent être examinées séparément, car elles ne faisaient pas partie d’un comportement. Elle a également fait valoir que les actes d’insubordination n’étaient pas révélateurs de son rendement antérieur.

[367] La fonctionnaire a soutenu qu’elle avait pris des mesures pour atténuer ses dommages du mieux qu’elle pouvait dans les circonstances. Elle a déclaré avoir déployé des efforts légitimes pour trouver du travail; voir Haydon, au paragraphe 115 et les paragraphes qui suivent. Elle a affirmé que ses efforts visant à obtenir un emploi semblable n’ont pas été fructueux. Elle a également soutenu que la pandémie de COVID-19 était un événement sans précédent qui rendait difficile la recherche d’un emploi pour toute personne ayant de jeunes enfants.

[368] La fonctionnaire a fait valoir que le fait d’avoir un deuxième enfant limitait également sa capacité de chercher du travail. Elle a soutenu qu’elle avait raisonnablement lancé ses propres entreprises, d’abord comme huissière des services judiciaires, puis comme paysagiste; voir Ipsco Saskatchewan Inc. v. U.S.W.A., Local 5890, 1999 CarswellSask 967 (SK LA), aux paragraphes 19 et 20. Elle a soutenu que l’entreprise était une [traduction] « entreprise en exploitation » et qu’elle prévoyait continuer à la développer. Elle a reconnu que le revenu qui en a découlé doit être déduit de toute rémunération rétroactive.

VI. Les arguments de l’employeur présentés en réponse

[369] L’employeur a soutenu qu’il n’était pas approprié de comparer le comportement respectif du plaignant et de la fonctionnaire. Il a convenu que le comportement du plaignant était inapproprié à certains moments. Toutefois, il a souligné que la fonctionnaire était une gestionnaire et une agente de la paix. Il a déclaré qu’une partie des attentes à l’égard des employés occupant de tels postes se rapporte à la gestion du stress. Il a fait valoir que le type de comportement dont elle a fait preuve doit être découragé et que parfois, il faut donner des exemples.

[370] L’employeur a soutenu que la durée du service peut être considérée comme un facteur aggravant lorsque l’employé aurait dû être plus averti, compte tenu de son expérience.

[371] L’employeur a affirmé que M. Owen a reconnu que le comportement du plaignant n’était pas toujours approprié. Il a indiqué que le plaignant avait un [traduction] « filtre » et qu’il n’avait pas utilisé la plupart des termes inappropriés en présence de la fonctionnaire. Il a déclaré que le commentaire qu’il lui a fait selon lequel il se sentait [traduction] « violé » était à la fois un mauvais choix de mots et un choix insensible. Il a soutenu que même si ce commentaire est accepté dans sa pire forme, il démontre qu’il s’est senti victimisé.

[372] L’employeur a fait valoir que l’incident survenu entre M. Krahn et le plaignant n’était pas fondé. L’enregistrement n’a pas été déposé en preuve et M. Krahn n’a pas témoigné.

[373] L’employeur a déclaré qu’il n’était pas loisible à la fonctionnaire de revenir sur sa position qu’elle avait adoptée à l’audience de 2018 selon laquelle elle n’avait absolument rien fait de mal.

VII. Motifs

A. Remarques préliminaires

[374] Dans ses arguments, l’employeur a fait référence au fait que la fonctionnaire avait refusé la médiation de la plainte de harcèlement. La médiation est un processus volontaire et il n’était pas approprié d’invoquer le refus de participer à la médiation, directement ou indirectement, pour soutenir ses arguments. Je fais également remarquer que l’employeur n’a pas contre-interrogé la fonctionnaire au sujet des raisons pour lesquelles elle avait refusé la médiation.

[375] Dans ses arguments, l’employeur a également laissé entendre que le dépôt de demandes d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels démontrait l’intention de la fonctionnaire de nuire au plaignant. Il ne lui a posé aucune question au sujet des raisons pour lesquelles elle avait présenté ces demandes. Le régime d’accès à l’information est un processus public, et il est inapproprié de tirer des conclusions du dépôt de telles demandes. Si des conclusions sont tirées du simple dépôt de demandes, cela pourrait avoir un effet paralysant sur le régime. Je fais également remarquer que le plaignant a présenté des demandes multiples et exhaustives, comme le lui permettait la loi. Par conséquent, je n’ai accordé aucun poids à cet argument.

[376] Dans ses arguments, l’employeur a invoqué les observations de l’enquêteuse sur le harcèlement au sujet de l’incident de la séance de formation sur le recours à la force, au cours de laquelle la fonctionnaire a exprimé des préoccupations quant à sa sécurité personnelle. J’ai traité de cet incident dans la section de mes motifs portant sur les préoccupations qu’elle avait exprimées quant à sa sécurité. Toutefois, les arguments de l’employeur visaient à étayer sa thèse concernant son inconduite. L’enquêteuse sur le harcèlement a clairement affirmé que cet incident ne relevait pas de son mandat. Dans la lettre de licenciement, en ce qui concerne les allégations de harcèlement, l’employeur n’a invoqué que les allégations fondées énumérées dans le rapport d’enquête sur le harcèlement. L’employeur n’avait pas la possibilité, après le licenciement, d’ajouter des motifs justifiant la mesure disciplinaire. Par conséquent, je n’ai pas tenu compte de ces arguments.

[377] L’employeur a également invoqué la conduite de la fonctionnaire pour laquelle elle n’a fait l’objet d’aucune mesure disciplinaire pour soutenir sa position selon laquelle ses possibilités de réadaptation étaient limitées. Les actions qu’il a invoquées pour étayer cet argument comprenaient l’utilisation de dispositifs de repérage GPS sur les camions à l’insu de M. Fraser et du plaignant, l’escalade inutile des conflits entre le plaignant et M. Brochez en divulguant des demandes d’accès à l’information contrairement à une directive écrite expresse, et un conflit avec un collègue gestionnaire relativement à des questions opérationnelles. L’employeur était au courant de tous ces événements avant le licenciement de la fonctionnaire, et s’il les considérait comme nuisant à sa capacité de faire son travail, ils auraient dû être inclus dans les motifs figurant dans la lettre de licenciement ou, à tout le moins, auraient dû être portés à son attention au moyen d’une conversation avec M. Goluza ou dans son évaluation du rendement. Ils n’ont pas été inclus dans la lettre de licenciement ni dans une évaluation du rendement, ce qui mène à la conclusion que l’employeur n’estimait pas que la conduite avait miné sa capacité à accomplir son travail.

[378] Toutefois, les éléments de preuve invoqués par l’employeur pour étayer sa position selon laquelle la fonctionnaire avait installé secrètement un dispositif GPS sur le véhicule du plaignant méritent certains commentaires. Le témoignage de M. Goluza a été adapté pour soutenir la théorie de l’employeur selon laquelle la fonctionnaire avait exercé des représailles contre le plaignant. Toutefois, son témoignage était trompeur en partie et carrément erroné dans d’autres parties. L’idée d’installer un dispositif GPS sur les véhicules du ministère constituait une considération de sécurité initialement proposée par un autre gestionnaire des opérations. Mme Meroni a approuvé le projet pilote GPS sans soulever de préoccupations. La fonctionnaire a dit à M. Krahn qu’il devrait informer le plaignant du GPS installé sur le camion qu’il devait utiliser. M. Krahn n’a pas témoigné, mais M. Goluza a admis que M. Krahn lui avait dit qu’il n’avait pas lu ce courriel. D’après les éléments de preuve dont je dispose, il est clair que le projet pilote a été approuvé par la haute direction et que la fonctionnaire a bel et bien informé le superviseur temporaire du plaignant au sujet du GPS et a expressément dit à M. Goluza de s’assurer que M. Krahn en avait informé le plaignant. L’employeur n’a pas établi la façon dont un projet pilote approuvé du ministère, dont un avis a été fourni au plaignant par la fonctionnaire par l’intermédiaire de son superviseur direct, pourrait être de quelque façon que ce soit une mesure de représailles contre le plaignant. Si le plaignant n’était pas au courant de l’existence du GPS, c’est M. Krahn, et non la fonctionnaire, qui était responsable.

[379] La fonctionnaire a soutenu que le plaignant avait fait preuve d’un comportement qui aurait pu entraîner des mesures disciplinaires à son égard. Il n’est pas une partie au présent grief, même si ses actions sont au cœur de celui-ci. Il ne convient pas de tirer quelque conclusion que ce soit quant à sa culpabilité dans ses interactions avec la fonctionnaire et d’autres personnes.

[380] Dans ses arguments, l’employeur a également souligné qu’il ne convenait pas de comparer les comportements du plaignant et de la fonctionnaire parce que la fonctionnaire était à la fois gestionnaire et agente de la paix. Même si je crois que cela a été compris, il convient de noter que le plaignant était aussi un agent de la paix. Je suis d’accord pour dire que les gestionnaires sont assujettis à une norme de conduite plus élevée par rapport à leurs subordonnés.

B. Introduction

[381] Dans un cas disciplinaire, un arbitre de grief doit évaluer si l’inconduite alléguée a eu lieu et si la mesure disciplinaire imposée était appropriée et, dans la négative, quelle devrait être la mesure disciplinaire appropriée; voir Basra c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 24, aux paragraphes 24 à 26; et Wm. Scott, aux paragraphes 13 et 14.

[382] La fonctionnaire a soulevé des questions relatives à la manière dont l’enquête sur l’inconduite a été menée. L’audience devant la Commission a permis de remédier à tout vice dans la procédure d’enquête (voir Tipple).

C. Inconduite alléguée – Les allégations énoncées dans la plainte de harcèlement

[383] L’employeur a fourni à la Commission sa politique sur le harcèlement ([traduction] « Prévenir les conflits et le harcèlement à Environnement Canada […] Notre politique ») qui était en vigueur au moment du harcèlement allégué. La politique prévoit les définitions suivantes de « harcèlement » et d’« abus de pouvoir » :

[Traduction]

[…]

[…] En général, les types de conduite suivants sont considérés comme du harcèlement.

Une conduite importune est indésirable pour la personne qui en est la cible. L’auteur sait, ou aurait dû raisonnablement savoir, que le comportement serait importun. Les comportements offensants peuvent comprendre des remarques dégradantes, des blagues ou des railleries inappropriées, des gestes insultants, des expositions de photos ou de documents offensants et des demandes de renseignements ou des commentaires importuns sur la vie personnelle d’une personne. Ce genre de comportement découle d’un manque de respect envers les autres et peut nuire au milieu de travail […]

[…]

Les menaces font référence à la fois aux menaces précises et aux menaces implicites. Créer un milieu de travail intimidant, hostile ou offensant pour une personne peut constituer une sorte de conduite menaçante. Afin qu’une déclaration soit considérée comme une menace, elle doit faire ressortir une conséquence totalement disproportionnée par rapport à la cause et aux circonstances. Faire ressortir les conséquences raisonnables d’une action ne constitue pas une menace. Par exemple, informer un employé des conséquences d’un mauvais rendement au travail ne constitue pas une menace, même si cela le met mal à l’aise.

[…]

L’abus de pouvoir consiste à profiter indûment d’une position d’autorité pour mettre en danger l’emploi d’un employé, miner le rendement au travail d’un employé, menacer le gagne-pain d’un employé ou nuire à sa carrière ou l’influencer. Il peut s’agir de comportements comme crier, déprécier le travail d’un employé, réprimander un employé devant ses collègues, refuser ou retarder arbitrairement l’approbation de congés, faire du favoritisme, retenir sans justification un renseignement dont l’employé a besoin pour accomplir son travail, exiger des heures supplémentaires sans justification ou préavis et demander à des subalternes de faire des courses personnelles.

Certaines situations conflictuelles peuvent être attribuées à de mauvaises pratiques de gestion. Par exemple, le fait de ne pas prendre les mesures appropriées pour s’assurer que le personnel bénéficie d’un milieu de travail sain est considéré comme une mauvaise pratique de gestion. Les gestionnaires doivent s’assurer que les pratiques opérationnelles, les règlements et les lignes directrices appropriés en matière de gestion des ressources humaines sont respectés et appliqués en temps opportun. Même si certains droits de la direction sont inhérents en vertu de la législation actuelle, on s’attend à ce que le gestionnaire fasse preuve d’un bon jugement dans leur application et qu’il tienne compte des besoins des employés.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[384] Dans Joss, la Commission a souligné que même si le harcèlement peut consister en un seul acte important, il est « […] plus souvent un comportement constant ou une série d’actes qui, pris collectivement, sont malséants ou blessants pour la personne qui en fait l’objet et jouent à son détriment dans le milieu de travail ».

[385] Dans Ivanoff, la Commission a invoqué la déclaration de l’arbitre dans British Columbia v. B.C.G.E.U., 1995 CanLII 18346 (BC LA) aux pages 242 et 243, comme suit :

[Traduction]

Je ne pense pas que la notion de « harcèlement » soit censée s’appliquer à tous les actes irréfléchis en milieu de travail. Le mot harcèlement est grave; il doit être utilisé à bon escient et vigoureusement appliqué quand la situation justifie qu’on l’emploie. Il ne faudrait pas le trivialiser, le banaliser ou le dévaluer en s’en servant comme d’une étiquette applicable à des actes mesquins ou à des propos ridicules, lorsque le préjudice est éphémère, selon toutes les normes objectives […]

 

[386] Dans Joss, la Commission a fait remarquer qu’une plainte de harcèlement « […] n’est pas une arme à mettre à la disposition des gens dans le milieu de travail » (au par. 63). La Commission a ajouté qu’elle ne devrait pas être utilisée comme outil pour régler les désaccords ou les disputes qui surviennent fréquemment entre les gestionnaires et leurs subordonnés.

[387] De plus, dans Ivanoff, la Commission a fait remarquer que, lorsqu’il est question d’établir l’existence d’un harcèlement fondé sur une conduite de harcèlement ou d’un modèle de comportement, « […] les incidents qui composent le modèle présentent généralement une certaine similitude quant à leur nature, et ils se produisent généralement à des dates relativement proches les unes des autres » (au par. 215).

1. Première allégation de harcèlement : Le [traduction] « club des vieux copains »

[388] Cette allégation découle d’une réunion qui a été tenue en 2012. Il est convenu que, lors de cette réunion, la question de la dotation d’un autre poste au bureau de Nanaimo a été soulevée. Il est également convenu que la fonctionnaire a déclaré que, si un poste devait être doté, cela se ferait de manière transparente. Dans sa déclaration de témoin, le plaignant a écrit que les expressions [traduction] « club des vieux copains » ou [traduction] « entente à huis clos », ou quelque chose du genre, ont été utilisées. M. Brochez a témoigné à l’audience que l’expression [traduction] « club des vieux copains » a été utilisée à la réunion, même s’il ne se souvenait pas des mots qui ont été utilisés lorsqu’il a été interrogé par l’enquêteuse sur le harcèlement deux ans après la réunion. La fonctionnaire a nié avoir utilisé l’expression [traduction] « club des vieux copains ».

[389] Le plaignant n’a signalé les commentaires de la fonctionnaire dans sa plainte de harcèlement qu’après plus de deux ans après la réunion. Dans sa déclaration de témoin, il n’était pas certain des mots exacts utilisés lorsqu’il a ajouté que les mots étaient [traduction] « quelque chose du genre ». Les souvenirs de M. Brochez ont été influencés par le fait que le plaignant soulevait constamment la question après la réunion, où il aurait pu utiliser l’expression [traduction] « club des vieux copains ». J’estime qu’il est plus probable que la fonctionnaire ait utilisé l’expression [traduction] « entente à huis clos » – le plaignant a également fait référence à cette expression dans sa déclaration de témoin, et la fonctionnaire a convenu avec l’enquêteuse sur le harcèlement qu’elle l’avait peut-être utilisée.

[390] La signification sous-jacente des mots utilisés n’est pas vraiment contestée – une [traduction] « entente à huis clos » est un processus non transparent fondé sur les personnes que vous connaissez ou sur vos relations. Le litige porte sur la question de savoir si ces mots visaient intentionnellement le plaignant et s’ils laissaient entendre que sa nomination au bureau de Nanaimo était une [traduction] « entente à huis clos ». Évidemment, le plaignant estimait que le commentaire le visait. La fonctionnaire a nié qu’il s’agissait d’autre chose qu’une déclaration sur l’avenir et la façon dont tout nouveau poste serait doté. Rien dans les éléments de preuve n’indique qu’elle a fait directement référence à sa nomination lors de la rencontre – il a seulement témoigné qu’il avait interprété le commentaire comme le visant.

[391] Dire qu’un processus de nomination sera transparent et ne reposera pas sur les personnes que vous connaissez ne constitue pas en soi du harcèlement. Cela pourrait équivaloir à du harcèlement si le commentaire s’adressait clairement à un employé en particulier et s’il était clairement proposé qu’il avait reçu sa nomination d’une façon malveillante. Il ressort clairement de la plainte de harcèlement et de son témoignage que ce que le plaignant trouvait répréhensible, c’était l’inférence selon laquelle il avait obtenu son poste au bureau de Nanaimo d’une façon sournoise. Toutefois, les éléments de preuve n’ont pas permis d’établir que telle était l’intention de la fonctionnaire. Le plaignant a témoigné qu’elle avait prononcé ces mots alors qu’elle le regardait. Elle a déclaré qu’elle savait qu’il avait déjà demandé à M. Goluza de nommer une personne qu’il connaissait à un poste au bureau de Nanaimo. Par conséquent, il n’était pas surprenant qu’elle le regarde lorsqu’elle parlait de tout processus d’embauche futur.

[392] Je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, les éléments de preuve n’ont pas établi que la fonctionnaire avait l’intention que son commentaire vise les antécédents professionnels du plaignant. Par conséquent, l’employeur n’a pas établi qu’elle critiquait la nomination du plaignant lorsqu’elle a fait référence à une [traduction] « entente à huis clos » à la réunion de 2012.

[393] L’utilisation de l’expression péjorative [traduction] « entente à huis clos » n’était pas judicieuse et pourrait être considérée comme un mauvais choix de mots de la part d’une gestionnaire – la terminologie plus neutre et positive d’un [traduction] « processus transparent » aurait été un meilleur choix de mots. Toutefois, l’utilisation de l’expression [traduction] « entente à huis clos » ne constitue pas en soi un acte de harcèlement.

[394] Je fais également remarquer que cette allégation de harcèlement se rapportait à des événements survenus plus d’un an avant la plainte. Étant donné que j’ai conclu que les autres allégations de harcèlement n’étaient pas fondées, cette allégation ne s’inscrivait pas dans le cadre d’un comportement et était donc hors délai.

2. Deuxième allégation de harcèlement : Exclusion du plaignant de la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse

[395] L’enquêteuse sur le harcèlement a déterminé que l’exclusion du plaignant de la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse constituait un acte de harcèlement. L’employeur a adopté le raisonnement de l’enquêteuse à l’appui de cette conclusion.

[396] L’enquêteuse sur le harcèlement a conclu que la fonctionnaire n’avait pas de raison [traduction] « valable » de ne pas accepter l’attestation médicale fournie par le médecin du plaignant et qu’elle devait avoir une [traduction] « justification sérieuse » pour remettre en question la lettre du médecin. Par conséquent, l’enquêteuse sur le harcèlement a conclu que le fait d’empêcher le plaignant de participer pleinement aux activités du travail, y compris la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse, constituait une conduite inappropriée. L’enquêteuse a déterminé que la conduite de la fonctionnaire était offensante et que la fonctionnaire savait ou aurait dû raisonnablement savoir que cette exclusion serait offensante ou causerait un préjudice.

[397] L’enquêteuse sur le harcèlement a également conclu que l’exclusion de la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse avait entraîné des [traduction] « répercussions importantes et durables » sur le plaignant. Elle a conclu que le fait de manquer cette pratique aurait pu entraîner des conséquences néfastes sur la sécurité ou que cela aurait pu retarder son processus de renouvellement de l’accréditation.

[398] La fonctionnaire a fourni les deux raisons suivantes pour refuser au plaignant l’accès à la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse : 1) son incertitude quant à savoir si la lettre du médecin était suffisante, et 2) le fait qu’il n’avait pas encore renouvelé son accréditation afin de pouvoir utiliser les armes à feu du ministère. Même si l’employeur a laissé entendre que la fonctionnaire avait fourni une troisième raison (gérer un employé à son retour d’un congé prolongé lié au stress), je conclus que cette justification est incluse dans la première raison, liée à ses préoccupations quant au caractère suffisant de la lettre du médecin.

[399] L’enquêteuse sur le harcèlement s’est concentrée uniquement sur la première raison dans son analyse, même si la fonctionnaire avait soulevé la deuxième raison auprès d’elle. Selon la position de l’employeur, elle n’avait soulevé cette deuxième question qu’à l’audience, après la communication du rapport d’enquête sur le harcèlement. M. Goluza et M. Owen ont tous deux exprimé ce point de vue dans leur témoignage. Lorsque la préoccupation de la fonctionnaire au sujet du renouvellement de l’accréditation lui a été expliquée à l’audience, M. Owen a reconnu qu’elle était valide.

[400] L’argument de l’employeur sur cette question ne tient pas compte de la distinction importante faite par la fonctionnaire entre les armes à feu appartenant à un employé et les armes à feu appartenant au ministère. Par conséquent, il n’y a aucune incohérence entre l’approbation de l’adhésion à un club de tir (dans lequel un employé utilise sa propre arme à feu) et une pratique sur le maniement d’un fusil de chasse (où des armes à feu du ministère sont utilisées).

[401] Même si la fonctionnaire avait mal interprété la politique sur les armes à feu, le fait qu’elle se soit fiée à cette interprétation ne constituait pas du harcèlement. La politique sur les armes à feu peut être interprétée de cette façon. Un désaccord relatif à l’interprétation d’une politique par un superviseur ne constitue pas du harcèlement, surtout lorsque cette opinion a un fondement rationnel.

[402] L’autre motif invoqué par la fonctionnaire se rapportait à la lettre du médecin. Un élément important à prendre en considération est que la lettre n’a été reçue que la veille de la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse. La lettre au médecin avait été soigneusement rédigée par la fonctionnaire et M. Goluza et contenait 10 questions détaillées. Il convient de noter que M. Goluza et la fonctionnaire n’avaient jamais eu à gérer une situation semblable. Il n’est pas déraisonnable de demander d’autres conseils auprès des Relations de travail sur la réception d’une réponse d’une phrase à 10 questions détaillées. La fonctionnaire a dit au plaignant qu’elle demanderait des conseils auprès des Relations de travail au sujet de la lettre avant de l’accepter. Après avoir reçu ces conseils, la lettre a été acceptée et le plaignant a poursuivi sa réintégration au milieu de travail.

[403] L’enquêteuse sur le harcèlement a laissé entendre qu’un gestionnaire ne peut pas demander des conseils auprès des Relations de travail lorsqu’il reçoit une lettre d’un médecin sans qu’il soit conclu qu’il s’est livré à du harcèlement. Je souscris aux arguments de l’employeur sur le droit relatif à l’obtention et à l’utilisation de renseignements médicaux sur les employés. L’employeur n’a toutefois pas établi que la fonctionnaire avait connaissance de cette jurisprudence et de ses répercussions sur ses actions. Évidemment, c’est pourquoi l’employeur dispose de professionnels en relations du travail pour aider les superviseurs. Dans le présent cas, la fonctionnaire a demandé des conseils, les a obtenus et les a mis en œuvre. Une telle conduite ne constitue pas du harcèlement.

[404] L’employeur a laissé entendre que l’omission de la fonctionnaire de donner suite à ses préoccupations au sujet de la lettre du médecin démontre que sa préoccupation à cet égard n’était pas légitime. Un conseiller en relations de travail l’a informée que la lettre était suffisante, et M. Goluza a également soutenu ce point de vue. Il était donc naturel que la fonctionnaire ne poursuive pas davantage la question.

[405] La conclusion de l’enquêteuse sur le harcèlement selon laquelle l’exclusion du plaignant de la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse avait entraîné des répercussions importantes et durables sur lui n’est pas non plus étayée par les éléments de preuve. Il n’était pas censé se rendre sur le terrain, où il aurait pu avoir besoin d’une arme à feu. Il a pu participer à une pratique sur le maniement d’un fusil de chasse quelques semaines plus tard. Rien dans les éléments de preuve ne permet de conclure un retard dans le renouvellement de son accréditation. De plus, il avait de l’expérience en maniement d’une arme à feu, de sorte qu’il n’existait aucune préoccupation liée à la sécurité. Les éléments de preuve portant sur une incidence psychologique durable sur le plaignant étaient fondés sur son opinion. Je fais remarquer que les pratiques sur le maniement d’un fusil de chasse n’étaient pas obligatoires et qu’il était courant que les employés n’y participent pas. À moins que le plaignant ne fasse part de la raison de son absence, ses collègues n’auraient pas su qu’il n’avait pas participé à la pratique parce que la fonctionnaire n’avait pas approuvé pas sa présence.

[406] Je conclus donc que cette allégation n’est pas fondée.

3. Troisième allégation de harcèlement : Report du cours de sauvetage en eaux vives

[407] L’enquêteuse sur le harcèlement a déterminé que le report de la formation du plaignant sans le consulter et sans avoir une [traduction] « raison valable » de modifier la date de formation constituait un acte de harcèlement. Elle a déclaré que les superviseurs ont la responsabilité et le pouvoir de modifier les priorités de travail en fonction des besoins opérationnels, y compris l’annulation ou le report d’une formation. L’employeur n’a pas contesté cette déclaration.

[408] La question en litige dans cette allégation est de savoir si une modification de formation doit être effectuée en consultation avec un employé et si un superviseur doit avoir une [traduction] « raison valable » pour annuler ou reporter une formation. Si une [traduction] « raison valable » de modifier la formation est requise, une question connexe consiste à savoir si, dans les circonstances du présent grief, il y avait une [traduction] « raison valable » de reporter la formation.

[409] La fonctionnaire a témoigné qu’elle avait appelé le tiers fournisseur pour déterminer si le cours pouvait être reporté et qu’elle s’attendait à ce que le fournisseur lui revienne avec d’autres dates. Selon la position de l’employeur, elle a dit au tiers fournisseur d’annuler la formation et d’inscrire le plaignant à des dates ultérieures. Dans les cas concernant des allégations d’inconduite, le fardeau de la preuve incombe à l’employeur. Dans le présent cas, le témoignage de la fonctionnaire était clair et plausible, et l’employeur n’a fourni aucun élément de preuve pour le contredire. Il aurait facilement pu obtenir des éléments de preuve pour contrer son témoignage, s’ils avaient existé, en citant le tiers fournisseur à témoigner. Par conséquent, je conclus qu’il faut privilégier l’explication de la fonctionnaire.

[410] Toutefois, il n’y a aucun doute que la fonctionnaire avait l’intention de reporter la formation. Une fois que le tiers fournisseur avait reporté la formation du plaignant, elle n’a pas poursuivi l’affaire ni consulté le plaignant au sujet d’autres dates.

[411] La fonctionnaire a témoigné qu’elle croyait qu’il était nécessaire pour le plaignant de prioriser un dossier d’enquête. L’enquêteuse sur le harcèlement a convenu qu’un superviseur a le droit de gérer les priorités de travail, mais dans le présent cas, elle a remis en question la raison pour laquelle la fonctionnaire avait accordé la priorité à l’enquête et a déclaré que la raison de la fonctionnaire ne constituait pas une raison valable. Des personnes raisonnables peuvent ne pas s’entendre sur les priorités de travail, et je suis certain que cela survient fréquemment. Toutefois, l’évaluation des priorités de travail par un superviseur, si elle est fondée, ne devrait pas être systématiquement considérée comme un acte de harcèlement. La fonctionnaire a fourni une explication valide quant à la priorité qu’elle a accordée à l’enquête et son témoignage n’a pas été ébranlé par le contre-interrogatoire.

[412] Je fais également remarquer que même si la formation était obligatoire, le plaignant ne l’avait pas suivie l’année précédente alors qu’elle figurait dans son plan de formation et qu’il a pu la suivre un mois plus tard. Rien dans les éléments de preuve ne permet de conclure qu’il a subi un préjudice relativement à ses perspectives de carrière en raison du report de la formation.

[413] En conclusion, j’estime que l’employeur n’a pas établi que l’annulation du cours de sauvetage en eaux vives constituait un acte de harcèlement ou un abus de pouvoir.

4. Quatrième allégation de harcèlement : Le cours de gestion de projet

[414] Cette allégation concerne des échanges de communication entre la fonctionnaire et le plaignant au sujet d’un cours de gestion de projet qui était inclus dans son plan de formation. Elle a proposé qu’il suive le cours à Gatineau, à Saskatoon ou à Edmonton. Il ne souhaitait pas le suivre à ces endroits, car il préférait le suivre plus tard, à Vancouver.

[415] La conclusion de l’enquêteuse sur le harcèlement était erronée. En fin de compte, il n’y a pas eu de refus arbitraire de la demande du plaignant quant au lieu de formation. Après un échange de courriels, la fonctionnaire a accepté sa demande. L’enquêteuse avait probablement l’intention de conclure que la correspondance de la fonctionnaire relativement à la demande équivalait à du harcèlement.

[416] La fonctionnaire craignait que la formation ne [traduction] « soit radiée du plan d’apprentissage ». Un plan d’apprentissage est en quelque sorte un contrat entre un superviseur et un employé. Même si la formation n’était pas obligatoire, elle faisait partie du plan d’apprentissage du plaignant. L’omission par la direction de donner suite à un plan d’apprentissage constitue un manquement à l’engagement pris dans le cadre de ce plan.

[417] La position du plaignant selon laquelle les mesures prises par la fonctionnaire démontraient qu’elle voulait qu’il quitte et se trouve un autre emploi est une allégation particulièrement grave. Il lui a dit qu’il souhaitait partir et trouver un autre emploi. Le cours avait été inclus dans un plan d’apprentissage qu’il a signé, et on ne peut pas reprocher à la direction d’offrir une formation qui favorise l’avancement professionnel d’un employé. Selon la conclusion de l’enquêteuse sur le harcèlement (que l’employeur a adoptée), toute possibilité de formation offerte par l’employeur qui n’est pas liée aux fonctions actuelles d’un employé pourrait être interprétée comme du harcèlement.

[418] L’enquêteuse sur le harcèlement a affirmé que les superviseurs doivent toujours avoir une [traduction] « raison valable » pour fixer (ou reporter) une formation. Je ne suis pas certain que les droits de la direction soient ainsi limités. Toutefois, dans le présent cas, la fonctionnaire avait une raison : elle craignait que la formation soit reportée et qu’elle ne soit pas suivie. C’est ce qui s’était produit avec d’autres formations figurant dans le plan d’apprentissage du plaignant (comme le cours de sauvetage en eaux vives de l’année précédente). Un employé est libre de critiquer ou de contester la raison pour laquelle une formation est prévue, mais le fait de ne pas être satisfait de la réponse ne constitue pas du harcèlement.

[419] L’enquêteuse sur le harcèlement a également reproché à la fonctionnaire d’avoir [traduction] « […] inutilement transmis la question aux Relations de travail […] », ainsi que le ton [traduction] « belliqueux » utilisé dans le courrier de réponse initial à la demande du plaignant de suivre la formation à Vancouver. Il est important de lire son courriel en réponse dans le contexte du courriel que le plaignant lui avait envoyé. Dans ce courriel, il a laissé entendre qu’il [traduction] « se sentait obligé » et que le ton de son courriel [traduction] « l’obligeait à trouver un emploi ailleurs ». Il a également déclaré qu’il [traduction] « […] ne devrait craindre aucune pression ni aucune mesure de représailles du fait d’étudier des solutions de rechange […] ». Si un employé accuse un superviseur de pressions et de représailles, il est raisonnable que ce superviseur consulte un professionnel en relations de travail. M. Goluza a été offensé à juste titre lorsque la fonctionnaire a laissé entendre qu’il avait inutilement consulté les Relations de travail. Si le fait de consulter les Relations de travail pour obtenir des conseils constitue un acte de harcèlement, surtout lorsqu’il s’agit d’employés qui ont laissé entendre qu’une décision de la direction constitue un acte de représailles, les superviseurs se demanderont s’ils devraient un jour demander des conseils professionnels en matière de relations de travail.

[420] Le ton [traduction] « belliqueux » dans le courrier initial de la fonctionnaire n’est pas étayé par une simple lecture de ce message. Elle a simplement déclaré que, compte tenu de la nature de sa déclaration, elle solliciterait des conseils des Relations de travail.

[421] L’enquêteuse sur le harcèlement a également qualifié de [traduction] « compliqué » le dernier courriel de la fonctionnaire décrivant sa décision de permettre au plaignant de suivre la formation à Vancouver, et a estimé qu’il faisait partie de l’inconduite. La fonctionnaire a témoigné qu’elle avait rédigé sa réponse après avoir consulté un conseiller en relations de travail. Il n’y a pas eu de témoignage au sujet des conseils du conseiller en relations de travail et de l’examen de la politique du ministère sur les plans d’apprentissage auxquels on l’avait référée. Quoi qu’il en soit, si les courriels compliqués constituent des actes de harcèlement, il y aurait beaucoup plus de plaintes de harcèlement que ce qui existe déjà dans la fonction publique fédérale.

[422] L’enquêteuse sur le harcèlement a conclu que l’incidence ou l’incidence possible sur le plaignant des interactions avec la fonctionnaire au sujet du cours de gestion de projet était [traduction] « importante et durable ». Elle a souligné des effets néfastes, comme l’érosion de la confiance et l’instabilité. Il est important de tenir compte du fait qu’en fin de compte, la fonctionnaire a accepté sa préférence de suivre le cours à Vancouver.

[423] Je conclus que l’employeur n’a pas établi que la correspondance par courriel de la fonctionnaire liée au cours de gestion de projet constituait un acte de harcèlement.

D. Conclusion sur les allégations de harcèlement

[424] J’ai conclu qu’aucune des allégations fondées figurant dans le rapport d’enquête sur le harcèlement ne constituait du harcèlement. Je fais remarquer que dans Joss, qui a été publiée il y a plus de 22 ans, des préoccupations ont été soulevées comme suit au sujet de l’application de politiques sur le harcèlement en milieu de travail (au par. 41) :

[41] Il est difficile de s’attaquer au harcèlement en milieu de travail. La plupart des politiques sur le harcèlement comprennent une définition à mon avis souvent mal formulée ou beaucoup trop large, voire les deux à la fois, ce qui cause des problèmes lorsque des sanctions disciplinaires sont fondées sur des actes sans importance correspondant quand même à une définition très large. Le fait que les politiques sur le harcèlement contiennent généralement une déclaration précisant que le harcèlement est ou peut être passible de sanctions disciplinaires est souvent considéré à tort comme l’obligation absolue d’imposer de telles sanctions. Les milieux de travail ont souvent des comités inexpérimentés ou peu qualifiés d’examen ou d’enquête sur les allégations de harcèlement; ces comités sont chargés de faire des recommandations à la direction. La direction peut se sentir tenue d’accepter leurs constatations et leurs recommandations pour prouver qu’elle accepte les programmes de lutte contre le harcèlement, pour démontrer sa bonne foi et pour faire savoir qu’elle a une politique de tolérance zéro face au harcèlement, ou encore pour se protéger contre d’éventuelles poursuites en responsabilité civile […]

 

[425] Dans le présent cas, la politique de harcèlement de l’employeur laissait entendre que de mauvaises pratiques de gestion pouvaient constituer du harcèlement. Je ne sais pas s’il s’agissait de l’intention de la politique, mais une description des mauvaises pratiques de gestion est incluse dans la section qui définit le harcèlement, de sorte qu’il est certainement sous-entendu qu’elles sont incluses dans la définition. Même si je n’approuve pas les mauvaises pratiques de gestion, je ne crois pas que des pratiques de gestion imparfaites devraient être systématiquement considérées comme du harcèlement.

[426] La déclaration de M. Owen pour justifier le licenciement de la fonctionnaire est troublante en ce sens qu’un récent sondage de la fonction publique sur le harcèlement en général dans la direction générale a été un facteur dans sa décision. Il a mentionné qu’il existait une préoccupation quant au sérieux avec lequel la direction générale traitait les cas de harcèlement. Cela laisse entendre que ses conclusions étaient motivées par le désir de démontrer aux employés que la direction générale prenait le harcèlement au sérieux, plutôt que par un examen objectif des actes de harcèlement allégués de la fonctionnaire.

[427] Il est également clair, à la lecture des 26 allégations contenues dans la plainte de harcèlement, que les questions sous-jacentes dans la relation entre la fonctionnaire et le plaignant reposaient sur la gestion de son rendement – en fait, la plupart des allégations ont été rejetées pour ce motif. Il y avait des signes troublants dans la plainte elle-même, ainsi que dans les renseignements qui ont été révélés au cours de l’enquête, que le plaignant était difficile à gérer et qu’il était abusif envers la fonctionnaire. L’employeur n’a pas tenu compte de ces éléments de preuve. À mon avis, le plaignant a utilisé avec succès le processus de harcèlement pour se soustraire à la gestion du rendement par la fonctionnaire.

E. Les allégations d’inconduite pendant et après l’enquête sur le harcèlement

[428] La lettre de licenciement a fait référence à quatre motifs d’inconduite, à savoir : 1) l’accès par la fonctionnaire aux dossiers de congés du plaignant, 2) la désactivation de la carte d’accès du plaignant, 3) la violation de la confidentialité de l’enquête sur le harcèlement et 4) les actes d’insubordination et de manque de respect envers la direction. J’examinerai séparément le bien-fondé de chaque motif invoqué par l’employeur. Après avoir déterminé si l’employeur s’est acquitté de son fardeau de la preuve, j’examinerai le caractère approprié de la mesure disciplinaire imposée pour les actes d’inconduite fondés.

1. Accès aux dossiers de congés du plaignant

[429] Il n’est pas contesté que la fonctionnaire a eu accès aux dossiers de congés du plaignant. Toutefois, j’estime qu’une mesure disciplinaire n’était pas justifiée pour cet accès pour les deux raisons suivantes : les directives de M. Goluza concernant la séparation du plaignant et de la fonctionnaire n’étaient pas claires, et M. Goluza a toléré son accès.

[430] Même si les parties étaient séparées et qu’il a été clairement indiqué à la fonctionnaire qu’elle n’était plus responsable de l’approbation des demandes de congé, il n’y avait aucune directive explicite concernant son accès aux dossiers de congés du plaignant. Je souligne que M. Goluza a témoigné qu’il était possible de changer les droits d’accès au logiciel de congés, mais que l’employeur ne l’avait pas fait. M. Owen a laissé entendre que si la fonctionnaire devait consulter les dossiers de congés du plaignant, elle aurait pu demander à M. Krahn de le faire. M. Goluza a témoigné que M. Krahn n’avait pas accès aux dossiers de congés du plaignant. De plus, M. Goluza a continué de discuter avec la fonctionnaire de questions liées à la gestion du rendement du plaignant, notamment en lui demandant son avis. En l’absence de directives expresses de ne pas accéder aux dossiers de congés, il y a une implication selon laquelle la fonctionnaire n’a pas été empêchée de le faire, selon les demandes de M. Goluza.

[431] Toutefois, ce qui est plus important dans cet acte d’inconduite allégué est la tolérance de l’employeur, en particulier celle de M. Goluza. Dans Chopra c. Canada (Procureur général), 2014 CF 246 (confirmée dans 2015 CAF 205), la Cour fédérale a déclaré (au par. 109) que le principe de la tolérance « […] suppose qu’un employeur doit décider s’il y a lieu ou non de prendre une mesure disciplinaire contre un employé au moment où il a connaissance d’un comportement indésirable ». La Cour a ajouté que le défaut de l’employeur de prendre rapidement une décision peut être considéré comme de la tolérance à l’égard de l’inconduite de l’employé. La Cour a souligné (au par. 218) que les « […] principes établis dans la jurisprudence arbitrale relativement au retard à prendre des mesures disciplinaires et au concept de tolérance visent à faire en sorte que les employés aient l’occasion de modifier un comportement qui, selon l’employeur, justifie la prise de mesures disciplinaires ». Une fois que le comportement a été toléré, l’employeur ne peut pas plus tard invoquer ce même comportement pour justifier une mesure disciplinaire. La Cour fédérale a résumé les conséquences de la tolérance au paragraphe 195 comme suit :

[195] […] si une longue période s’écoule avant qu’une mesure disciplinaire soit prise, l’employé peut supposer que son comportement a été toléré par l’employeur étant donné qu’aucun avertissement ne lui a été servi et qu’il n’a reçu aucun avis relativement à la prise éventuelle de mesures disciplinaires. Il est injuste de laisser des employés croire que leur comportement a été toléré, pour leur donner un faux sentiment de sécurité en attendant de les punir plus tard […]

 

[432] M. Goluza a appris pour la première fois que la fonctionnaire avait eu accès aux dossiers de congés du plaignant le 30 janvier 2015. Il n’a soulevé aucune préoccupation quant à cet accès à ce moment-là. Lorsqu’elle a mentionné qu’elle avait eu accès de nouveau aux dossiers de congés le 31 mars 2015, il a simplement pris acte des renseignements et a dit qu’il ferait un suivi. Environ une semaine plus tard, il a transmis l’échange de courriels à une conseillère en relations de travail et à Mme Meroni. Les deux lui ont conseillé de lui en parler, comme le lui avait dit le conseiller en relations de travail, afin qu’il ne semble pas que l’employeur tolère ce comportement. Malgré ces conseils, M. Goluza n’en a pas parlé à la fonctionnaire, informant la conseillère en relations de travail et Mme Meroni qu’il préférait attendre la [traduction] « fin d’exercice », ce qui, je suppose, faisait référence à son examen du rendement de fin d’exercice. M. Goluza a fait part de son intention à Mme Meroni et à la conseillère en relations de travail, et il n’y a aucun document indiquant que l’une ou l’autre a répondu à son courriel.

[433] Le 3 avril 2015, le ministère a reçu une lettre de l’avocat de la fonctionnaire au sujet de ses préoccupations quant à sa sécurité et adressée à Michael Sousa, l’avocat général du ministère, et dont une copie conforme a été envoyée à Michelle Laframboise, la directrice générale de la direction générale des Ressources humaines. Une déclaration de la fonctionnaire, qui décrivait ses préoccupations, y compris des renseignements sur l’état des congés du plaignant, était jointe à la lettre. Il n’y a aucun document indiquant que M. Sousa ou Mme Laframboise ont répondu à l’avocat de la fonctionnaire et affirmant que l’accès aux dossiers de congés du plaignant était considéré comme inapproprié.

[434] Les réponses de M. Goluza lorsqu’il a appris que la fonctionnaire avait eu accès aux dossiers de congés du plaignant étaient cohérentes – il n’a fait aucune référence à des préoccupations concernant son accès. Lorsque les Relations de travail l’ont conseillé que le fait de ne pas répondre pouvait être considéré comme une tolérance du comportement, il n’a pas tenu compte de ces conseils. J’estime que sa réponse, lorsqu’il a appris qu’elle avait eu accès aux dossiers de congés, constituait une tolérance. Elle suggère également qu’il considérait son comportement comme un problème lié au rendement et non de nature disciplinaire, puisqu’il a indiqué qu’il en discuterait pendant son examen du rendement.

[435] En conséquence, ce motif d’inconduite n’est pas fondé.

2. La désactivation de la carte d’accès du plaignant

[436] La fonctionnaire a demandé à l’agent de sécurité de désactiver la carte d’accès du plaignant au bureau de Vancouver en prévision de la communication du rapport d’enquête sur le harcèlement. Il n’est pas contesté que la demande a été présentée et que la carte d’accès a été désactivée pour une période de cinq jours (avec l’approbation de M. Goluza).

[437] Je suis d’accord pour dire que la fonctionnaire n’avait pas le pouvoir de demander la désactivation de la carte d’accès du plaignant. Une entente de séparation était toujours en vigueur et elle n’exerçait aucune fonction de supervision à son égard.

[438] La fonctionnaire a présenté deux arguments principaux contre la mesure disciplinaire, à savoir sa crainte pour sa sûreté et sa sécurité, et la tolérance. Je conclus que l’employeur a toléré la demande de désactivation et que, par conséquent, la mesure disciplinaire était inappropriée. Par conséquent, il n’est pas nécessaire que j’examine les craintes de la fonctionnaire pour sa sécurité dans le contexte de cette inconduite alléguée. Sa réponse par courriel à la demande de désactivation constituait un motif d’inconduite distinct invoqué par l’employeur, et j’ai traité de ses préoccupations en matière de sécurité dans mon analyse de cette conduite.

[439] J’ai déjà résumé le principe de la tolérance dans la section précédente sur l’accès aux dossiers de congés. Dans le présent cas, après que M. Goluza a été informé de la désactivation de la carte d’accès du plaignant, il a ordonné que la désactivation demeure en place pendant cinq jours. Il a déclaré qu’il avait agi ainsi en raison de la santé de la fonctionnaire et parce que le plaignant ne se rendait pas au bureau de Vancouver pendant cette période. Même s’il a dit à la fonctionnaire que sa demande de désactivation était inappropriée, il ne l’a pas annulée. En maintenant la désactivation, M. Goluza a toléré la demande initiale de désactivation de la carte présentée par la fonctionnaire.

[440] En conséquence, je conclus que l’employeur a toléré la désactivation de la carte d’accès et que ce motif d’inconduite n’est pas fondé.

3. La violation de la confidentialité du processus d’enquête sur le harcèlement

[441] L’un des motifs de licenciement de la fonctionnaire était la supposée violation de la confidentialité du processus d’enquête sur le harcèlement. L’employeur estimait également qu’il s’agissait d’un acte d’intimidation contre M. Fraser.

[442] L’employeur a allégué que la fonctionnaire avait violé la confidentialité de l’enquête sur le harcèlement lorsqu’elle en a discuté avec M. Fraser. La fonctionnaire a nié l’avoir informé de l’enquête. En raison de son décès, je ne dispose pas du témoignage direct de M. Fraser. Toutefois, je dispose d’un résumé de son témoignage à l’audience de 2018, ainsi que du résumé de ce qu’il a dit à l’enquêteuse sur le harcèlement au sujet de la violation alléguée. Pour les raisons suivantes, je conclus que l’allégation de M. Fraser n’est pas crédible.

[443] Lorsqu’elle évalue la crédibilité d‘éléments de preuve, la Commission a souvent fait référence à Faryna à l’appui de la proposition selon laquelle le critère applicable à la véracité d’un témoignage [traduction] « […] doit être sa compatibilité avec la prépondérance des probabilités qu’une personne raisonnable et bien informée reconnaîtrait d’emblée comme étant raisonnable à cet endroit et dans ces conditions ».

[444] Je ne doute pas que M. Fraser ait relaté à l’enquêteuse sur le harcèlement les mots qu’elle a consignés dans son résumé. Ce que je ne trouve pas crédible, c’est le contenu de sa déclaration à l’enquêteuse.

[445] L’enquêteuse a signalé que M. Fraser lui avait dit que la fonctionnaire et le plaignant étaient autorisés à voir les déclarations de témoin et que la fonctionnaire avait lu sa déclaration. Rien dans les éléments de preuve ne permet de conclure que le plaignant ou la fonctionnaire étaient autorisés à examiner les déclarations de témoin avant la fin de l’enquête sur le harcèlement. La fonctionnaire lui aurait aussi dit que trois autres griefs la concernant avaient été déposés et qu’on lui avait simplement ordonné de suivre une formation sur la sensibilité. Elle a nié ceci et l’employeur n’a déposé aucun élément de preuve pour étayer cette allégation. M. Goluza a témoigné qu’il n’était au courant d’aucun grief déposé contre la fonctionnaire.

[446] Dans la décision de 2018, la Commission a déclaré que, selon le témoignage de M. Fraser, la fonctionnaire lui avait dit qu’elle savait ce qu’il avait dit à l’enquêteuse pendant son entrevue. Cela laisserait entendre que l’enquêteuse a violé la confidentialité de l’enquête sur le harcèlement, soit en communiquant les déclarations de témoin, soit en informant la fonctionnaire du contenu de ces discussions. L’enquêteuse n’a pas été citée à témoigner à l’audience devant moi pour expliquer la façon dont la fonctionnaire avait pu apprendre ce que M. Fraser avait dit à l’enquêteuse.

[447] La déclaration de M. Fraser n’est pas crédible parce qu’elle contient des renseignements fantaisistes (que trois griefs ont été déposés et qu’une formation sur la sensibilité a été ordonnée). De plus, l’employeur n’a pas expliqué la façon dont la fonctionnaire aurait obtenu sa déclaration de témoin. Peut-être que l’enquêteuse aurait pu faire la lumière sur cette question; cependant, l’inconduite ne peut pas être établie au moyen d’une conjecture.

[448] Dans son témoignage, Mme Meroni a semblé invoquer la déclaration de l’enquêteuse au sujet de la violation à l’appui de sa conclusion sur la crédibilité de M. Fraser. Le fait que l’enquêteuse ait cru M. Fraser ne permet pas de conclure à sa crédibilité. L’enquêteuse n’avait aucune connaissance indépendante d’une violation de la confidentialité par la fonctionnaire – elle s’est fiée uniquement à la déclaration de M. Fraser lorsqu’elle en a informé l’employeur. Afin d’évaluer la crédibilité, le fait que d’autres personnes aient cru ce qu’on leur a dit ne constitue pas une considération pertinente.

[449] Je conclus que l’employeur ne s’est pas acquitté de son fardeau de prouver cette inconduite.

F. Allégations d’insubordination et de manque de respect envers la direction

[450] Les quatre incidents suivants se rapportent à ce motif de licenciement :

1) Le message d’absence du bureau de la fonctionnaire d’avril 2015.

2) Sa réponse à la directive concernant la désactivation de la carte de sécurité.

3) Sa conduite lors de la réunion de la direction du 11 mai 2015.

4) Le fait qu’elle n’ait pas suivi une directive liée à une enquête de recherche de faits concernant le plaignant.

 

[451] Ces quatre incidents comprennent des allégations de manque de respect envers la direction et envers M. Goluza en particulier, ainsi que d’insubordination.

[452] Afin d’établir l’insubordination, l’employeur doit établir 1) qu’un ordre clair a été donné, que l’employé a compris; 2) qu’une personne en situation d’autorité a donné l’ordre; et 3) que l’employé a désobéi à l’ordre (voir, par exemple, Kenny c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2021 CRTESPF 91, au par. 234; et Nowoselsky c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada), dossier de la CRTFP 166-02-14291 (19840724)). On peut également conclure à l’insubordination lorsqu’un ordre est suivi, mais avec une « attitude méprisante » (voir Lortie, au par. 168).

[453] J’examinerai séparément le bien-fondé de chaque incident.

1. Le message d’absence du bureau d’avril 2015

[454] La fonctionnaire a utilisé M. Gilliéron comme point de contact proposé dans son message d’absence du bureau en avril 2015.

[455] Personne ne conteste le fait que M. Gilliéron n’était pas une personne-ressource appropriée pour les personnes qui communiqueraient avec la fonctionnaire au sujet de questions liées à son travail.

[456] La fonctionnaire a témoigné qu’elle avait utilisé M. Gilliéron comme sa personne-ressource par frustration à l’égard de M. Goluza et de la direction en général, en raison de la façon dont ses préoccupations en matière de sécurité étaient traitées. Même si je n’ai aucun doute qu’elle a éprouvé une grande frustration, il ne s’agissait pas d’une raison pour fournir un message d’absence du bureau inapproprié.

[457] Le fait d’utiliser un conseiller en relations de travail comme personne-ressource dans un cas d’absence du bureau était irrespectueux envers M. Goluza et représentait également un risque pour la sécurité.

[458] Je conclus que l’employeur a établi ce motif d’inconduite.

2. La réponse à la directive concernant la désactivation de la carte de sécurité

[459] L’employeur a considéré la réponse de la fonctionnaire au courriel de M. Goluza au sujet de la désactivation de la carte d’accès du plaignant comme une insubordination et un manque de respect. Dans son courriel, M. Goluza a déclaré que la fonctionnaire ne devrait prendre aucune mesure ni présenter aucune demande concernant le plaignant. Il lui a dit de porter à son attention toute demande [traduction] « afin [qu’il] y donne suite ». La réponse de la fonctionnaire a été la suivante : [traduction] « Lorsque ma sécurité est menacée ou, dans ce cas, lorsqu’elle n’a clairement pas été évaluée en temps opportun (le rapport est communiqué aujourd’hui), je n’hésiterai pas à prendre les mesures que je juge nécessaires pour être en sécurité, que ce soit à l’interne ou avec la police et la Couronne provinciale. »

[460] J’ai déjà traité de l’action de la fonctionnaire consistant à demander la désactivation de la carte d’accès du plaignant. Ce motif distinct d’inconduite se rapporte au fait qu’elle prendrait [traduction] « les mesures [qu’elle juge] nécessaires » à l’avenir. Lorsque cette déclaration est lue conjointement avec le courriel de M. Goluza, il s’agit d’une annonce d’insubordination future fondée sur ses préoccupations en matière de sécurité.

[461] Dans le présent cas, M. Goluza a donné à la fonctionnaire un ordre clair selon lequel elle ne devait prendre aucune mesure ni présenter aucune demande concernant le plaignant et devait porter à son attention toute demande aux fins de suivi. L’ordre a été donné et il était clair. Elle a exprimé l’intention de désobéir à l’ordre, même si elle n’a pas donné suite à cette intention.

[462] Je conclus que l’intention exprimée de désobéir à un ordre peut constituer de l’insubordination. De plus, le fait de dire à un gestionnaire superviseur qu’il y aura désobéissance à un ordre est irrespectueux. Par conséquent, je conclus qu’il y a eu inconduite.

3. Conduite lors de la réunion de la direction du 11 mai 2015

[463] La fonctionnaire a fait référence à l’évaluation de la menace et des risques effectuée par M. Leek et a accusé M. Goluza d’avoir dit à un employé de ne pas collaborer à cette évaluation. Elle a fait cela devant d’autres gestionnaires.

[464] Le fait de soulever des préoccupations au sujet de l’évaluation de la menace et des risques auprès de M. Goluza ne constituait pas un acte d’inconduite. À mon avis, l’inconduite a été commise lorsqu’elle a soulevé ses préoccupations dans un forum réunissant d’autres responsables qui ne participaient pas directement à l’évaluation. Elle a clairement exprimé des préoccupations quant à la participation directe de M. Goluza à l’évaluation, sans aucune preuve. Il s’agissait d’une contestation directe de l’autorité de M. Goluza devant d’autres personnes qui relevaient de lui.

[465] Par conséquent, je conclus que l’employeur a établi ce motif d’inconduite.

4. Le fait de ne pas suivre une directive liée à une enquête de recherche de faits concernant le plaignant

[466] La fonctionnaire estimait qu’en vertu de la politique sur le harcèlement du ministère, elle était tenue de mener une enquête de recherche de faits sur un conflit signalé entre M. Fraser et le plaignant. Lorsqu’elle a dit à M. Goluza qu’elle mènerait l’enquête, il lui a dit de ne pas le faire pendant qu’elle et le plaignant étaient séparés. Il lui a également dit de consulter les Relations de travail [traduction] « pour obtenir des éclaircissements ». Elle a répondu qu’elle procéderait à l’enquête de recherche de faits et qu’elle interrogerait les employés qui relevaient d’elle. Autrement dit, elle n’interrogerait pas le plaignant. Elle a ensuite interrogé M. Fraser et M. Brochez.

[467] Les paroles et les actions de la fonctionnaire constituaient manifestement des actes d’insubordination. L’ordre de M. Goluza était clair – elle ne devait pas mener une enquête de recherche de faits et elle devait communiquer avec un conseiller en relations de travail [traduction] « pour obtenir des éclaircissements ». Elle lui a dit qu’elle mènerait l’enquête et qu’elle ne consulterait pas un conseiller en relations de travail, puis elle a mené l’enquête de recherche de faits.

[468] Je conclus que l’employeur a établi ce motif d’inconduite.

5. Conclusion sur les motifs de mesure disciplinaire

[469] J’ai déterminé que l’employeur s’est acquitté du fardeau qui lui incombait d’établir les inconduites suivantes : 1) l’utilisation inappropriée par la fonctionnaire d’un message d’absence du bureau, 2) sa conduite à la réunion de la direction du 11 mai 2015, 3) son courriel insubordonné lié à la désactivation de la carte d’accès du plaignant et 4) sa désobéissance à un ordre de ne pas mener une enquête de recherche de faits.

G. La mesure disciplinaire imposée était-elle excessive?

1. Introduction

[470] Afin de déterminer si la mesure disciplinaire sous forme de licenciement de la fonctionnaire était appropriée, il est nécessaire d’examiner les facteurs atténuants et aggravants. La Cour d’appel fédérale a ordonné à la Commission d’inclure la crainte de la fonctionnaire pour sa sécurité comme facteur atténuant dans le cadre de la mesure disciplinaire imposée.

[471] J’aborderai d’abord les facteurs aggravants avant d’examiner les facteurs atténuants. Je soupèserai ensuite ces facteurs dans la détermination de la mesure disciplinaire appropriée pour l’inconduite fondée.

2. Facteurs aggravants
a. La gravité de l’inconduite

[472] Afin de déterminer si une mesure disciplinaire prise par l’employeur est excessive, il faut tenir compte de la gravité du comportement (voir Wm. Scott, à la p. 4).

[473] Dans Sidorski, une affaire portant sur une suspension pour insubordination, la prédécesseure de la Commission a conclu que la mesure disciplinaire imposée doit être proportionnelle « […] au préjudice réel ou potentiel résultant de la faute de conduite […] » (au par. 105). Comme il est indiqué dans cette décision (aux par. 104 et 105), l’employeur doit fournir une preuve de l’impact de l’insubordination pour soutenir une conclusion sur la gravité de l’inconduite.

[474] Dans le présent cas, la fonctionnaire avait commis quatre actes d’inconduite. L’impact réel de son comportement a été limité. Même si les actes constituaient des exemples d’insubordination, l’incidence sur les opérations et la réputation de l’employeur a été minime (le message d’absence du bureau) voire nulle (les autres actes d’inconduite). J’estime que l’inconduite n’était pas suffisamment grave pour justifier le licenciement.

b. Actes d’inconduite prémédités

[475] Afin de déterminer si une mesure disciplinaire prise par l’employeur est excessive, il faut tenir compte de la question de savoir si l’inconduite était préméditée ou spontanée (voir Wm. Scott, à la p. 4). La qualification du comportement déterminera s’il s’agit d’un facteur aggravant ou atténuant. Si la conduite était préméditée, il peut s’agir d’un facteur aggravant et si elle était spontanée, il peut s’agir d’un facteur atténuant.

[476] Quatre actes d’inconduite sont en litige. Deux ont été prémédités ou prévus – le message d’absence du bureau et la tenue d’entrevues de recherche de faits. Même si le message d’absence du bureau a constitué au départ une expression de frustration à l’égard de M. Goluza, il est resté en place pendant environ une semaine, et la fonctionnaire n’a pas tenté de le modifier. On lui avait clairement dit de ne pas mener d’enquête de recherche de faits concernant M. Fraser et le plaignant, mais elle l’a quand même fait. Par conséquent, je conclus que la nature préméditée des deux actes d’inconduite constitue un facteur aggravant.

c. Les postes de gestionnaire et d’agente de la paix de la fonctionnaire

[477] Je suis d’accord avec l’employeur pour dire que les gestionnaires sont assujettis à une norme de conduite plus élevée par rapport aux autres employés en ce qui concerne la conduite. Dans le présent cas, le fait que, en tant que gestionnaire, la fonctionnaire a fait preuve d’insubordination constitue un facteur aggravant.

[478] À mon avis, son poste d’agente de la paix n’est pas pertinent aux motifs d’inconduite fondés. Habituellement, les agents de la paix sont assujettis à une norme plus élevée lorsqu’ils exercent leurs fonctions liées au poste d’agent de la paix. Dans le présent cas, l’inconduite n’était pas directement liée à son rôle d’agente de la paix, mais à son rôle de gestionnaire.

d. Comportement répétitif

[479] Il y a eu quatre actes d’insubordination et de manque de respect. Par conséquent, je conclus que la nature répétitive des actes d’insubordination constitue un facteur aggravant.

e. Reconnaissance d’un acte répréhensible et remords

[480] L’employeur a soutenu que la fonctionnaire n’avait exprimé aucune reconnaissance d’acte répréhensible ni aucun remords pour ses actions. Elle a fait valoir qu’elle avait exprimé des remords pour les motifs d’inconduite justifiés.

[481] J’ai déterminé qu’aucune des conclusions concernant la plainte de harcèlement n’était fondée. Par conséquent, rien n’exige que la fonctionnaire reconnaisse un acte répréhensible ou qu’elle exprime des remords à l’égard des conclusions de l’enquête sur le harcèlement.

[482] En ce qui concerne les allégations d’inconduite fondées après le rapport de l’enquête sur le harcèlement, la fonctionnaire n’a pas eu l’occasion de répondre aux conclusions de l’enquête de recherche de faits de Mme Meroni. Elle n’a reconnu aucun acte répréhensible lors de son entrevue avec Mme Meroni ni dans sa réponse écrite détaillée par la suite. Toutefois, à ce moment-là, la fonctionnaire n’avait pas un compte rendu complet des allégations d’inconduite, y compris le résumé de l’entrevue avec M. Goluza. Elle n’a reçu le rapport de Mme Meroni qu’au moment de sa réunion de licenciement et n’a pas eu l’occasion d’y répondre avant son licenciement.

[483] L’employeur a soutenu que la fonctionnaire était liée par ses déclarations faites à l’audience de 2018 et qu’elle ne pouvait pas les modifier, lesquelles portaient sur la question de savoir si elle reconnaissait avoir commis un acte répréhensible. Je conviens qu’il faut accorder plus de poids à ses déclarations lors de l’audience de 2018 qu’à ses déclarations faites quatre ans plus tard. Je ne suis pas d’accord avec l’employeur lorsqu’il affirme que sa position lors de l’audience de 2018 était qu’elle n’avait [traduction] « absolument rien fait de mal ».

[484] À l’audience de 2018, la fonctionnaire a reconnu comme suit que l’utilisation du message d’absence du bureau n’était pas approprié :

[268] […] Elle a admis dans son témoignage que ce n’était pas la façon de gérer ses frustrations. C’était répréhensible, immature et ridicule, mais, selon ses mots, elle était [traduction] « au bout du rouleau ».

[269] La fonctionnaire a déclaré qu’elle avait fait preuve d’un mauvais jugement à cet égard et que c’était la mauvaise chose à faire, même si elle ne reconnaissait pas qu’elle ait fait quoi que ce soit pour compromettre la direction générale ou les enquêtes en cours. Il n’y a eu aucune violation de la confidentialité. Le message d’absence du bureau n’était pas du tout irrespectueux à l’égard de M. Goluza ou de l’employeur.

 

[485] J’ai déjà déterminé que le message d’absence du bureau était irrespectueux. Toutefois, la fonctionnaire a admis qu’elle avait eu tort et qu’elle avait manqué de jugement. Elle n’a pas convenu de l’impact possible de son inconduite.

[486] À l’audience de 2018, la fonctionnaire a également reconnu dans une certaine mesure son comportement inapproprié à la réunion de l’équipe de gestion régionale du 11 mai 2015. Voici un extrait de la décision de 2018 :

[270] La fonctionnaire a également témoigné quant à sa version des événements à la réunion de l’équipe de direction régionale, à laquelle elle aurait formulé des commentaires au sujet de M. Goluza qui serait intervenu dans des enquêtes en cours dans le lieu de travail. Selon elle, elle a parlé de son enquête dans le lieu de travail pendant la partie table ronde de la rencontre. Elle a avisé Mme Portman que M. Conroy pouvait être contacté, après quoi, selon la fonctionnaire, M. Goluza lui a [traduction] « lancé un regard noir », ce à quoi elle lui a répondu qu’il ne [traduction] « veut peut-être pas être interrogé […] ». La fonctionnaire a déclaré qu’elle regrettait d’avoir dit cela et qu’elle n’aurait pas dû mentionner le nom de M. Conroy à la rencontre.

[271] Au départ, la fonctionnaire a déclaré qu’elle avait présenté ses excuses pour ce commentaire et qu’elle faisait [traduction] « complètement fausse route, mais elle se préoccupait du rôle de M. Goluza dans l’enquête ». À son avis, M. Goluza n’avait pas pris la violence dans le lieu de travail au sérieux. Ce n’est pas ce qu’elle a dit, mais elle comprenait que les personnes présentes pouvaient avoir tiré cette conclusion de ses commentaires.

[272] Elle a déclaré plus tard dans son interrogatoire principal que pendant une réunion de suivi avec M. Goluza, elle lui a dit qu’elle ne l’avait accusé de rien et qu’elle aurait dû lui présenter ses excuses. Selon son témoignage, à aucun moment la fonctionnaire n’a dit que M. Goluza avait tenté d’influencer un agent. Ce qu’elle avait dit était qu’elle soutenait qu’il s’agissait d’une rumeur, qu’elle a clarifié dans un courriel. Selon elle, son comportement à la rencontre avait été intense et inadéquat, et elle s’en est excusée à l’audience.

 

[487] À l’audience de 2018, la fonctionnaire a également reconnu comme suit qu’elle avait fait preuve d’insubordination lorsqu’elle a procédé à l’enquête de recherche de faits, allant à l’encontre de la directive de M. Goluza (extrait de la décision de 2018, au par. 275) :

[275] […] Elle a admis avoir fait preuve d’insubordination et, selon son témoignage, elle le regrettait. Elle a déclaré qu’elle n’avait pas le droit de ne pas tenir compte des directives d’un supérieur hiérarchique. Elle n’a simplement pas écouté. À l’avenir, elle respecterait tout ordre ou directive. Elle devait être tenue responsable de ses actions, puisqu’elle avait causé la situation.

 

[488] Contrairement à la décision rendue dans Charinos (au par. 122), la fonctionnaire a démontré un certain discernement sur l’inconduite fondée, aussi imparfait qu’il puisse être.

[489] De plus, contrairement à Oliver c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2003 CRTFP 43, au paragraphe 103, cité dans Hughes, au paragraphe 142, la fonctionnaire n’a pas trompé l’employeur ni omis de coopérer à l’enquête sur les allégations portées contre elle.

[490] La reconnaissance par la fonctionnaire de ses actes répréhensibles et ses excuses sont survenues tardivement. Les premières manifestations de ces sentiments ont eu lieu à l’audience de 2018. Je conviens qu’il s’agit d’un facteur aggravant. Toutefois, il est légèrement réduit par le fait qu’elle n’a pas reçu une explication complète de la conclusion de l’employeur sur les actes d’inconduite avant son licenciement.

3. Facteurs atténuants
a. L’état d’esprit de la fonctionnaire (y compris sa crainte pour sa sécurité)

[491] Comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale dans sa décision (2020 CAF 44), l’un des facteurs atténuants à évaluer est l’état d’esprit de la fonctionnaire, « […] qui a un rapport direct avec la culpabilité […] » (au par. 5). La Cour a poursuivi comme suit :

[6] En l’espèce, déterminer si la demanderesse craignait réellement son subalterne à l’égard duquel elle a commis des actes d’inconduite était directement pertinent à l’égard des questions que la Commission était appelée à trancher, car une telle crainte aurait pu expliquer plusieurs des actes qui étaient reprochés à la demanderesse et atténuer sa culpabilité, compte tenu notamment de ses longs états de service et de son dossier disciplinaire jusqu’alors irréprochable.

 

[492] Je dois d’abord déterminer si la fonctionnaire craignait réellement pour sa sécurité et, dans l’affirmative, je dois ensuite déterminer si cette crainte devrait atténuer la sanction de son licenciement. Pour les motifs qui suivent, je conclus que la fonctionnaire craignait réellement le plaignant. J’évaluerai ensuite l’incidence de cette crainte sur les motifs d’inconduite fondés.

[493] Dans Wepruk, la fonctionnaire s’estimant lésée a invoqué son état d’esprit comme facteur atténuant relativement à la mesure disciplinaire imposée pour avoir proféré une menace de violence. La Commission n’a pas accepté le fait que son état d’esprit (frustration et sentiment de harcèlement) justifiait la profération d’une menace (au par. 303). Je n’estime pas que cette décision est pertinente au présent grief. En premier lieu, le cas ne portait pas sur une préoccupation quant à la sécurité personnelle. En deuxième lieu, la décision rendue dans ce cas dépendait des éléments de preuve fournis sur l’état d’esprit de la fonctionnaire s’estimant lésée et se limite donc aux faits.

[494] L’employeur m’a également renvoyé à Cambridge Memorial Hospital dans ses arguments concernant l’état d’esprit de la fonctionnaire comme facteur atténuant possible. Cette décision portait sur la contrainte dans le contexte d’une dépendance. J’estime que les décisions ayant trait à une dépendance ne sont pas pertinentes à la question dont je suis saisi.

[495] M. Owen a remis en question l’authenticité de la crainte de la fonctionnaire, mais il n’avait aucune connaissance directe de ce qu’elle avait vécu. Dans son rapport d’enquête sur la menace et les risques, M. Leek a conclu que, même si la fonctionnaire n’était pas exposée à une menace pour sa sécurité, il ne remettait pas en question la sincérité de sa crainte. M. Leek lui a également dit qu’il pouvait envisager une confrontation si elle et le plaignant se trouvaient dans la même salle. M. Leek n’a pas témoigné afin de régler cette contradiction entre le rapport et sa déclaration à la fonctionnaire. Cependant, il ne fait aucun doute qu’il a renforcé l’état d’esprit de la fonctionnaire lorsqu’il lui a dit qu’une confrontation était possible.

[496] M. Leedon et M. Brochez ont également témoigné au sujet de la crainte qu’elle leur a exprimée, ainsi que de ses actions (comme le port de son ceinturon de service) lorsqu’elle se rendait au bureau de Nanaimo. Elle a également témoigné longuement au sujet de ses craintes du plaignant.

[497] Je conclus également que la fonctionnaire avait un fondement pour craindre le plaignant. Il convient de noter qu’il a été conclu qu’il avait commis un acte de violence dans le lieu de travail dans sa conversation avec M. Krahn, dans laquelle il a utilisé un langage menaçant à l’égard de la fonctionnaire et de M. Krahn. L’employeur a fait valoir que l’interaction entre M. Krahn et le plaignant n’était pas corroborée. Le seul témoignage direct que j’ai entendu au sujet de cet incident provenait du plaignant, qui a nié avoir proféré la menace. Toutefois, le rapport de M. Leek a été accepté par l’employeur et a servi à soutenir une réprimande écrite imposée au plaignant. Par conséquent, j’accepte le fait que la plainte pour violence dans le lieu de travail déposée contre le plaignant était fondée.

[498] En plus d’une conclusion de violence dans le lieu de travail contre le plaignant, il existait des éléments de preuve de ses sautes d’humeur, observées par la fonctionnaire ou signalées à la fonctionnaire par ses collègues. L’utilisation de termes violents et grossiers pour la décrire a également contribué à son état d’esprit.

[499] L’employeur a fait valoir qu’il était pertinent que le plaignant n’ait pas utilisé la plupart de ses propos déplacés à l’égard de la fonctionnaire en sa présence. Même s’il pourrait s’agir d’un facteur pertinent dans le contexte d’une mesure disciplinaire prise contre le plaignant, je ne vois pas en quoi il est pertinent pour évaluer l’état d’esprit de la fonctionnaire. Qu’il ait utilisé ou non ce langage devant elle, elle savait qu’il la voyait ainsi et qu’il utilisait couramment ce langage pour la désigner.

[500] Même si l’employeur a reconnu que la déclaration du plaignant selon laquelle il se sentait violé par la fonctionnaire était un mauvais choix de mots, il a soutenu que l’utilisation de ces mots démontrait qu’il se sentait victimisé, ce qui n’a jamais fait l’ombre d’un doute. Toutefois, il est important de reconnaître ce dont il se sentait victime dans le contexte de ce commentaire. Il a été fait dans le contexte de la gestion de son rendement par la fonctionnaire, à la demande de M. Goluza.

[501] L’importance de ce commentaire pour le présent grief réside dans son incidence sur l’état d’esprit de la fonctionnaire. En premier lieu, il a été proféré en sa présence. En deuxième lieu, il s’agissait d’une utilisation particulièrement violente d’un langage disproportionné aux circonstances auxquelles le plaignant était confronté. La gestion du rendement peut être désagréable, mais c’est loin d’être un viol. Enfin, il s’agit d’un indicateur des sentiments très forts qu’il avait à l’égard de la fonctionnaire. De cette façon, le commentaire a contribué à la crainte pour sa sécurité.

[502] L’employeur était au courant de l’état d’esprit de la fonctionnaire (sa crainte du plaignant) parce qu’elle a signalé cette crainte à la direction à quelques reprises, notamment au moyen d’une lettre provenant de son avocat. Toutefois, M. Owen a rejeté ces craintes et n’a pas tenu compte de son état d’esprit dans l’évaluation des facteurs atténuants.

[503] L’employeur a effectué une analyse après coup dans le cadre de ses arguments concernant l’état d’esprit de la fonctionnaire. Il a indiqué à juste titre qu’une grande partie des activités qu’elle a attribuées à sa crainte était liée à sa conviction, à l’époque, que les allégations de harcèlement seraient rejetées. Avant la communication des conclusions du rapport sur le harcèlement, elle croyait que le plaignant réagirait de manière négative et que cela mènerait peut-être à de la violence. L’employeur a soutenu que le rapport sur le harcèlement avait conclu à l’existence de harcèlement, ce qui confirmait les perceptions du plaignant, et que, par conséquent, les actions de la fonctionnaire sont mieux comprises comme des représailles plutôt que comme étant incitées par la crainte.

[504] Le moment où il fallait tenir compte de l’état d’esprit de la fonctionnaire était au moment de ses actes, et non après que la situation s’est calmée et qu’elle ait eu une vue d’ensemble. C’est souvent la nature de la crainte – au grand jour, les choses ne semblent pas toujours si terribles. Le moment à prendre en considération pour évaluer l’état d’esprit est le moment de l’inconduite, et non après. Même si la fonctionnaire avait été au courant des conclusions de l’enquête sur le harcèlement, elle aurait pu avoir une crainte légitime pour sa sécurité, puisque la vaste majorité des 26 allégations ont été rejetées.

[505] Je conclus que la fonctionnaire avait une crainte réelle pour sa sécurité et que l’employeur en était au courant.

[506] La fonctionnaire était également très stressée au moment où l’inconduite fondée a été commise. Une partie de ce stress était liée à sa crainte pour sa sécurité, mais aussi à l’état de l’enquête sur la sécurité en cours, ainsi qu’aux pressions exercées par ses fonctions. Le stress intense ne constitue pas une excuse pour une mauvaise conduite, mais il peut être un facteur atténuant qui explique les mauvaises décisions d’un fonctionnaire s’estimant lésé (voir Calgary, au par. 108).

[507] La deuxième étape de l’analyse du facteur atténuant consiste à déterminer s’il s’applique à l’un ou l’autre des actes d’inconduite fondés.

[508] Je conclus que le facteur atténuant de l’état d’esprit de la fonctionnaire ne s’applique pas au message d’absence du bureau. Elle a témoigné que cette réponse inappropriée était liée à sa frustration envers M. Goluza pour sa déférence à l’égard des Relations de travail et son défaut de répondre à ses préoccupations en matière de sécurité. Même si elle a affirmé que sa réponse était en partie attribuable à ses préoccupations en matière de sécurité, j’estime que son action était motivée par sa frustration à l’égard de sa conviction selon laquelle M. Goluza et d’autres personnes ne répondaient pas à ses préoccupations en matière de sécurité, plutôt que par sa crainte réelle du plaignant.

[509] J’estime également que ce facteur atténuant ne s’applique pas à la tenue de l’entrevue de recherche de faits en dépit de l’ordre direct de M. Goluza. La fonctionnaire a déclaré qu’elle avait mené l’entrevue parce qu’elle estimait que la politique sur le harcèlement de l’employeur l’obligeait à le faire, et non parce qu’elle craignait le plaignant.

[510] Je conclus également que la crainte réelle de la fonctionnaire pour sa sécurité n’était pas un facteur atténuant dans son insubordination et son acte d’inconduite irrespectueux lors de la réunion de la direction régionale du 11 mai 2015. Ses actions étaient attribuables à sa frustration quant au rythme de l’évaluation de la menace et des risques et à sa perception que l’employeur ne prenait pas au sérieux ses préoccupations.

[511] Le dernier acte d’inconduite est la réponse de la fonctionnaire au courriel de M. Goluza au sujet de la désactivation de la carte d’accès du plaignant. J’estime que son état d’esprit au moment où elle a envoyé ce courriel (c’est-à-dire sa crainte du plaignant) constitue un facteur atténuant.

[512] J’ai inclus le texte complet du courriel de la fonctionnaire à M. Goluza dans le résumé de la preuve; toutefois, il vaut la peine d’en répéter une partie : [traduction] « Lorsque ma sécurité est menacée ou, dans ce cas, lorsqu’elle n’a clairement pas été évaluée en temps opportun […] je n’hésiterai pas à prendre les mesures que je juge nécessaires pour être en sécurité […] ».

[513] Comme il a été mentionné précédemment, la fonctionnaire a envoyé ce message avant de voir les conclusions du rapport de l’enquête sur le harcèlement et, de toute évidence, elle s’inquiétait de la réaction possible du plaignant à ces conclusions. À l’époque, elle était d’avis que toutes les allégations seraient rejetées.

[514] Je conclus que la réaction immédiate de la fonctionnaire au courriel de M. Goluza était principalement motivée par sa crainte pour sa sécurité à ce moment-là. J’estime qu’il s’agit d’un facteur atténuant important dans l’évaluation des conséquences disciplinaires de son inconduite.

b. Inconduite spontanée

[515] Comme je l’ai mentionné précédemment, la distinction entre les actes d’inconduite prémédités et spontanés peut constituer un facteur important à prendre en considération pour déterminer le caractère approprié d’une mesure disciplinaire.

[516] L’inconduite lors de la réunion des gestionnaires du 11 mai 2015 n’était pas préméditée. Toutefois, la fonctionnaire est intervenue assez longuement; autrement dit, il ne s’agissait pas d’un simple accès de colère. Je conclus que cette conduite n’est pas atténuée par le fait qu’elle n’était pas préméditée. La fonctionnaire aurait pu cesser de discuter de la question dès qu’elle a constaté que M. Goluza démontrait sa désapprobation.

[517] L’inconduite consistant à envoyer le courriel à M. Goluza au moment de la désactivation de la carte d’accès du plaignant était spontanée. Il s’agit d’un facteur quelque peu atténuant.

c. Dossier d’emploi

[518] Lorsqu’elle a été licenciée, la fonctionnaire était employée au sein de la fonction publique fédérale depuis 22 ans. Elle avait eu de bons examens du rendement au cours de la période précédant le licenciement.

[519] L’employeur a fait valoir que les années de service de la fonctionnaire pouvaient constituer un facteur aggravant, car elle aurait dû être mieux avisée dans sa conduite. Je suis d’accord pour dire que cela pourrait être pris en considération dans le cas d’une habitude d’inconduite sur une longue période. Toutefois, dans le cas présent, l’inconduite a été commise sur une courte période et n’a pas mis en évidence une habitude d’inconduite.

[520] Ses années de service et son rendement sur 22 ans constituent un facteur atténuant dans l’évaluation de la mesure disciplinaire appropriée.

d. Dossier disciplinaire et mesures disciplinaires progressives

[521] La fonctionnaire n’avait fait l’objet d’aucune mesure disciplinaire avant son licenciement.

[522] La mesure disciplinaire progressive est la norme dans les milieux syndiqués. Elle repose sur le principe selon lequel les employés méritent d’avoir l’occasion de démontrer qu’ils peuvent corriger leur comportement si la relation d’emploi n’est pas rompue irrémédiablement (voir Besirovic, au par. 150).

[523] Le licenciement est la mesure disciplinaire la plus sévère qu’un employeur peut imposer. Il faut établir un équilibre entre les intérêts légitimes de l’employeur dans le fonctionnement efficace, productif et harmonieux de son organisation et l’intérêt tout aussi légitime de la fonctionnaire à conserver son emploi, qu’elle a occupé pendant 22 ans (voir Bracebridge). Afin de déroger au principe de la mesure disciplinaire progressive, l’employeur devait me convaincre que la conduite de la fonctionnaire était si grave qu’elle justifiait un licenciement sommaire ou qu’elle n’était pas susceptible de répondre à une mesure disciplinaire moins sévère pour corriger son comportement.

[524] Je suis d’accord pour dire que la mesure disciplinaire progressive n’exige pas toujours une progression étape par étape (voir Charinos c. Administrateur général (Statistique Canada), 2016 CRTEFP 74, au par. 121). Dans Charinos, la Commission a invoqué King c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2010 CRTFP 125, pour étayer ce point de vue. Toutefois, dans King, le fonctionnaire s’estimant lésé avait déjà fait l’objet de suspensions de cinq et de 10 jours et a soutenu qu’une suspension subséquente de 30 jours ne constituait pas une mesure disciplinaire progressive. Même s’il n’est pas obligatoire que la progression des mesures disciplinaires « se déroule par échelons préétablis » (voir King, au par. 200), il s’agit d’un grand pas entre l’absence totale de mesures disciplinaires et le licenciement. Dans King, j’ai tenu compte de la gravité de l’inconduite, des facteurs aggravants et des mesures disciplinaires antérieures pour conclure qu’une suspension de 30 jours s’inscrivait dans la fourchette adéquate des mesures disciplinaires.

[525] L’employeur a soutenu que la relation de travail ne peut pas être rétablie. La fonctionnaire n’était pas du même avis.

[526] J’ai conclu que l’employeur a établi quatre actes d’inconduite. Tous les actes d’inconduite peuvent être qualifiés d’insubordination ou de manque de respect, ou les deux (et donc graves). Toutefois, toute l’inconduite s’est déroulée sur une courte période, alors que la fonctionnaire était soumise à un stress important qui concernait une longue enquête sur le harcèlement. Outre ces actes d’inconduite, elle a continué à exercer les fonctions de son poste et l’employeur n’a pas démontré que la relation de travail ne pouvait pas être rétablie. Je fais remarquer que la relation avec M. Goluza ne constitue plus un problème, car un autre directeur occupe son poste.

[527] L’inconduite de la fonctionnaire dans le présent cas ne justifiait pas son licenciement sommaire après 22 années de service sans qu’aucune mesure disciplinaire antérieure ne figure à son dossier. Même si l’inconduite était grave, la relation d’emploi n’a pas été irrémédiablement rompue.

H. La mesure disciplinaire et les dommages appropriés

[528] Je conclus que le licenciement constituait une mesure disciplinaire excessive. En ce qui concerne la mesure disciplinaire fondée, je conclus qu’une suspension de 15 jours devrait être substituée.

[529] Le licenciement est une mesure disciplinaire qui a été qualifiée de peine capitale dans les relations de travail. Dans Dominion Glass Co. v. United Glass & Ceramic Workers, Local 203 (1975), 11 L.A.C. (2d) 84, l’arbitre a déclaré que la sanction sévère du licenciement [traduction] « […] ne devrait être appliquée que lorsqu’il est clair qu’aucune autre méthode disciplinaire ne sera utile » (à la p. 85; citée dans IBEW).

[530] L’insubordination est un acte d’inconduite grave, puisqu’elle constitue une contestation directe du droit de l’employeur de gérer son organisation (voir IBEW, au par. 14). Toutefois, chaque grief doit être examiné en fonction des faits qui lui sont propres, y compris une évaluation des facteurs aggravants et atténuants.

[531] J’ai soupesé les facteurs aggravants et atténuants pour déterminer que le licenciement était excessif dans les circonstances. L’impact de l’inconduite n’était pas grave, et le dossier disciplinaire de la fonctionnaire était vierge et elle avait reçu de bonnes évaluations du rendement. J’ai également conclu que sa crainte bien fondée du plaignant constituait un facteur atténuant dans l’un des actes d’insubordination. Toutefois, la nature répétitive des actes d’insubordination constitue un facteur aggravant important. Cela fait passer la mesure disciplinaire appropriée d’une courte suspension à une suspension de 15 jours.

[532] Selon la pratique normale, la réintégration est la réparation appropriée pour un grief qui est accueilli. Dans ses arguments finaux, l’employeur a admis que la réintégration était la solution normale dans le présent cas. Ses arguments portaient principalement sur les efforts d’atténuation déployés par la fonctionnaire au cours des huit années qui se sont écoulées depuis son licenciement.

[533] Un employé licencié est tenu d’atténuer les pertes ou les dommages qu’il subit en raison de son licenciement (voir Red Deer College c. Michaels, [1976] 2 RCS 324; et Evans c. Teamsters Local Union No. 31, 2008 CSC 20). Dans Bahniuk c. Canada (Procureur général), 2016 CAF 127, la Cour d’appel fédérale a conclu que ce principe s’applique au milieu de travail syndiqué. Le montant de tout revenu gagné d’un autre emploi à compter de la date de licenciement est soustrait des dommages que l’employeur doit payer. De plus, les dommages peuvent également être réduits si le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas pris des mesures raisonnables pour trouver un autre travail entre la date de licenciement et la date de réintégration (voir Bahniuk, au par. 22).

[534] L’obligation de l’employé qui est licencié est de prendre des mesures raisonnables pour atténuer les pertes monétaires entre la date de son licenciement (le 1ᵉʳ octobre 2015 dans le présent cas) et la date de sa réintégration. Dans University Health Network v. Ontario Nurses’ Association (2012), 219 L.A.C. (4th) 237 (citée dans Haydon, au par. 123), l’arbitre a conclu que des efforts raisonnables comprennent une période suivant le licenciement permettant à l’employé de s’adapter au licenciement et à la nécessité de chercher un autre emploi. Voir également Yellowhead Road & Bridge (Fort George) Ltd., au paragraphe 34.

[535] L’employé licencié est autorisé à limiter sa recherche d’emploi à des possibilités d’emploi comparables à celles de son ancien poste pendant une période raisonnable, et lorsqu’il n’obtient pas un autre emploi, il est raisonnable pour l’employé d’élargir la recherche afin d’inclure des emplois qui « […] même s’ils ne sont pas semblables, relèvent tout de même de ses capacités » (voir Haydon, au par. 124). Dans Yellowhead Road & Bridge (Fort George) Ltd., l’arbitre a conclu que l’obligation de chercher un emploi n’exige pas de chercher [traduction] « n’importe quel emploi » ou un emploi qui a une capacité de gain réduite ou qui [traduction] « n’est pas comparable et est moins bien rémunéré ».

[536] Après le 1ᵉʳ octobre 2015, la fonctionnaire a étudié la possibilité de travailler pour le gouvernement de la Colombie-Britannique dans le cadre de lenquête conjointe à laquelle elle travaillait au moment de son licenciement. Quelques semaines après le licenciement, son représentant de l’agent négociateur a demandé à lemployeur comment il pourrait réagir à la possibilité que le gouvernement de la Colombie‑Britannique lembauche. M. Owen a laissé entendre que l’élimination de tout obstacle à un tel poste ferait partie d’un règlement négocié du grief de licenciement. L’employeur n’a jamais répondu au représentant aux questions qu’il (l’employeur) avait posées au sujet des considérations en matière de conflit d’intérêts.

[537] L’un des fonctionnaires provinciaux participant à l’enquête conjointe a témoigné au sujet de discussions sur la possibilité d’embaucher la fonctionnaire. La fonctionnaire a témoigné que l’embauche n’avait pas eu lieu parce qu’elle était [traduction] « trop politique ». Ce témoignage démontre qu’elle a déployé des efforts d’atténuation dans un délai de quelques semaines suivant son licenciement. Par conséquent, des dommages pour sa perte de revenus à compter du 1ᵉʳ octobre 2015 sont justifiés. Toutefois, l’obligation d’atténuation est permanente et je dois déterminer si elle a déployé des efforts raisonnables pour atténuer ses pertes dans les mois qui ont suivi le mois d’octobre 2015.

[538] La fonctionnaire a déclaré qu’elle était malade et incapable de travailler de décembre 2015 à janvier 2016. Si elle n’avait pas été licenciée, elle aurait touché des indemnités de congé de maladie pour cette période. J’accepte également qu’elle n’a pas été en mesure de déployer des efforts sérieux pour atténuer ses pertes pendant cette période.

[539] La fonctionnaire a présenté ses candidatures infructueuses pour des emplois liés à l’application de la loi et pour des emplois comparables à son ancien poste de janvier à avril 2016. Elle est ensuite devenue une travailleuse indépendante, soit huissière des services judiciaires. Le travail autonome comme huissière des services judiciaires était comparable à son ancien poste, et j’accepte cela comme un effort raisonnable pour atténuer ses pertes. Toutefois, ses efforts de travail indépendant n’ont pas généré un revenu important, et elle a fermé l’entreprise à propriétaire unique en 2018.

[540] En février 2017, la fonctionnaire a eu un enfant. J’accepte le fait que, si elle avait été employée, elle aurait touché des prestations d’assurance-emploi et un supplément de son congé de maternité de la part de l’employeur. Par conséquent, son absence du marché du travail pour la période d’un an allant de février 2017 à février 2018 était raisonnable.

[541] Toutefois, après février 2018, la fonctionnaire a déployé peu d’efforts pour trouver un emploi convenable qui relevait de ses capacités. Par conséquent, je conclus qu’elle n’a pas atténué ses pertes après février 2018.

[542] L’employeur et la fonctionnaire ont présenté des arguments sur l’incidence des restrictions liées à la pandémie de COVID-19 sur l’emploi. J’ai conclu qu’elle aurait dû atténuer ses pertes au plus tard en 2018, avant l’instauration de toute restriction liée à l’emploi.

[543] La fonctionnaire n’a présenté aucune demande visant les heures supplémentaires perdues, alors je n’ai pas ordonné d’indemnités pour les heures supplémentaires possibles perdues.

[544] Par conséquent, la fonctionnaire a droit à ce qui suit :

· Rémunération et avantages sociaux complets du 1ᵉʳ octobre 2015 jusqu’à la date de naissance de son enfant en février 2017, moins la suspension de 15 jours.

· À compter de la date de naissance de son enfant en février 2017, l’équivalent de ce qu’elle aurait reçu en prestations de congé de maternité du régime d’assurance-emploi plus le supplément de l’employeur, conformément aux dispositions pertinentes de la convention collective applicable en février 2017, pour une période d’un an.

· Tout revenu tiré d’autres sources au cours de ces périodes doit être déduit du montant à payer.

· Les intérêts sur les sommes dues, au taux établi par la Banque du Canada, calculés annuellement.

· Elle est réputée avoir été en congé non payé aux fins de la pension à compter de la fin de la période de congé de maternité jusqu’à la date de la présente décision.

 

I. Conclusion

[545] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VIII. Ordonnance

[546] Le grief est accueilli en partie.

[547] Le licenciement est remplacé par une suspension de 15 jours non payée.

[548] La fonctionnaire est réintégrée dans son poste à compter du 1er octobre 2015.

[549] La fonctionnaire recevra une rémunération et des avantages sociaux complets du 1ᵉʳ octobre 2015 jusqu’à la date de naissance de son enfant en février 2017, moins la suspension de 15 jours.

[550] À compter de la date de naissance de son enfant en février 2017, la fonctionnaire recevra l’équivalent de ce qu’elle aurait reçu en prestations de congé de maternité du régime d’assurance-emploi plus le supplément de l’employeur, conformément aux dispositions pertinentes de la convention collective applicable en février 2017, pour une période d’un an.

[551] Tout revenu tiré d’autres sources au cours de ces périodes doit être déduit du montant à payer.

[552] La fonctionnaire a droit aux intérêts sur les sommes dues, au taux mensuel établi par la Banque du Canada.

[553] La fonctionnaire est réputée avoir été en congé non payé aux fins de la pension à compter de la fin de la période de congé de maternité jusqu’à la date de la présente décision.

[554] La fonctionnaire doit recevoir la rémunération et les avantages sociaux complets à compter de la date de la présente décision.

[555] La mise sous scellés de la pièce G-3, onglets 4d) et 6, est ordonnée.

Le 13 février 2024.

Traduction de la CRTESPF

Ian R. Mackenzie,

une formation de la Commission des relations de

travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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