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Date: 20240304

Dossier: 561-02-00887

 

Référence: 2024 CRTESPF 29

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

Entre

 

MICHAEL HURLEY

plaignant

 

et

 

Conseil du Trésor

(ministère de la Défense nationale)

 

défendeur

Répertorié

Hurley c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale)

Affaire concernant une plainte présentée en vertu de l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant : Bryan R. Gray, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant : Christopher Perri, avocat

Pour le défendeur : Chris Hutchison, avocat

Affaire entendue par vidéoconférence

du 27 au 29 septembre et le 25 octobre 2022.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Résumé

[1] La présente décision est la troisième d’une série de décisions rendues par la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission », qui, dans la présente décision, fait référence à la fois à la Commission actuelle et à ses prédécesseurs) concernant des plaintes et un grief qui découlent tous de la discorde entre la haute administration du Collège militaire royal de Kingston, en Ontario (le « Collège »), l’Association des professeurs(es) des collèges militaires du Canada (l’« Association ») et le professeur Michael Hurley (le « plaignant »), en particulier. Les principaux protagonistes des événements en question ont depuis longtemps pris leur retraite.

[2] L’Association, et en particulier le plaignant, qui était professeur de littérature anglaise au Collège, a plaidé activement devant la Commission en vue de faire reconnaître et appliquer un protocole d’entente conclu avec un ancien directeur du Collège. Il accorderait aux membres du corps professoral du Collège une voie très généreuse vers la retraite, avec des augmentations supplémentaires, des congés sabbatiques et aucun enseignement pendant une certaine période après avoir soumis un avis de départ à la retraite signé.

[3] Malheureusement pour eux, lorsque le plaignant prévoyait de commencer sa préparation à la retraite en 2014, un nouveau directeur du Collège a été nommé. De plus, à l’époque, le Conseil du Trésor et le ministère de la Défense nationale (le « défendeur ») ont tous deux entrepris des vérifications et des examens de l’optimisation des ressources du Collège et ont communiqué au nouveau directeur des conclusions très critiques selon lesquelles il existait une inefficacité et un manque d’optimisation des ressources.

[4] Deux audiences distinctes ont ensuite eu lieu devant la Commission, en 2016 et en 2017. Dans chacune d’elles, plusieurs questions liées aux avantages sociaux, à la négociation collective et, en particulier, à la préparation à la retraite de M. Hurley ont été contestées. La présente décision porte sur cette plainte de pratique déloyale de travail, dans laquelle le plaignant allègue que ces audiences ont donné lieu à des représailles contre lui et contre l’Association.

[5] En vertu de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »), le dépôt de la présente plainte est réputé constituer la preuve des allégations qu’elle contient, de sorte qu’il incombe au défendeur de réfuter le motif des actions prétendument entreprises en guise de représailles. Les actes de représailles allégués ne sont pas en litige. Par conséquent, la présente décision porte uniquement sur l’intention et les facteurs de motivation sous-jacents aux trois actions contestées.

[6] Après avoir examiné attentivement les éléments de preuve présentés à l’audience et les arguments bien préparés des avocats des deux parties, je conclus que la preuve est claire et convaincante et que, selon la prépondérance des probabilités, aucune des trois actions contestées du défendeur n’était liée à des représailles du fait que le plaignant a exercé ses droits en vertu de la Loi.

A. Contexte et litiges antérieurs

[7] Les deux parties ont présenté des arguments sur ce qu’elles ont indiqué être la pertinence et l’importance des plaintes et du grief qui ont été renvoyés à l’arbitrage devant la Commission concernant le présent cas. Pour le plaignant, les plaintes et le grief constituaient l’objet par lequel il avait exercé ses droits en vertu de la Loi pour ce qu’il a allégué être les actes de représailles ultérieurs de l’administration du Collège.

[8] Le défendeur a fait valoir que les actions du plaignant qui ont mené à ces plaintes et au grief éclairent et expliquent ce que lui et l’Association ont fait plus tard au sujet du problème créé par son manque d’enseignement, qui a mené aux actions contestées devant la Commission dans le présent cas.

[9] M. Olsen, alors le vice-président de la Commission, a décrit l’essentiel du grief et quelques éléments contextuels pertinents concernant l’origine de cet aspect de la discorde entre les parties dans Hurley c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2018 CRTESPF 35, comme suit :

[…]

1 Depuis 1988, le fonctionnaire s’estimant lésé, M. Michael Hurley, Ph. D. (le « fonctionnaire »), est professeur d’université au Collège militaire royal du Canada (CMR) à Kingston, en Ontario. L’enseignement est l’une de ses passions. À trois reprises, les cadets du CMR ont proposé sa candidature à des prix d’excellence en enseignement.

2 M. Hurley songeait à la retraite depuis quelque temps. Il voulait coordonner son départ à la retraite avec l’achèvement des études de sa fille à l’Université de Toronto. Il avait entendu parler d’un protocole entre l’Association des professeurs(es) des collèges militaires du Canada (APCMC; l’« agent négociateur ») et le CMR, en vertu duquel certains avantages pouvaient être consentis à un enseignant s’il donnait le plus long préavis possible de son intention de prendre sa retraite. Il n’en connaissait pas précisément les détails.

3 M. Hurley a consulté la représentante de son agent négociateur, Mme Helen Luu, Ph. D. Elle l’a renvoyé à M. Jean-Marc Noël, Ph. D., le président de l’APCMC.

4 MM. Hurley et Noël se sont rencontrés le 26 janvier 2015, et ont élaboré plusieurs versions d’un régime de retraite. Selon M. Hurley, le régime comprenait trois volets principaux, à savoir une double augmentation de salaire basée sur le rendement satisfaisant au cours des trois dernières années de son emploi, un congé sabbatique de six mois et une charge d’enseignement allégée pendant six mois après son retour de congé et immédiatement avant son départ à la retraite, afin de boucler ses fonctions académiques (le « régime à trois volets »). Au cours de la période d’allègement de la charge d’enseignement de six mois, il devait être relevé de ses fonctions d’enseignement en classe.

5 Selon le régime, M. Hurley devait prendre son congé sabbatique de six mois à compter de janvier 2017. La période d’allègement de la charge d’enseignement de six mois devait commencer à la fin de juin 2017, jusqu’à son départ à la retraite en janvier 2018.

6 MM. Hurley et Noël ont décidé de rencontrer le directeur du CMR, M. Harry Kowal, Ph. D., pour l’informer du régime de retraite du fonctionnaire.

7 Une réunion a eu lieu le 27 avril 2015 (la « réunion d’avril 2015 »). MM. Noël, Hurley et Kowal, le vice-recteur aux études du CMR, M. Philip Bates, Ph. D., et Kathleen Hope, des ressources humaines, y ont assisté.

8 Il n’y a pas de consensus entre les participants au sujet des questions qui ont été débattues à la réunion, ou de l’issue de celle-ci. Par conséquent, le grief en l’espèce a été renvoyé à l’arbitrage et a été assigné à la présente formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »).

9 MM. Hurley et Noël ont affirmé qu’ils avaient clairement exposé les éléments du régime à trois volets, tandis que MM. Kowal et Bates se sont souvenus que la seule question débattue avait été celle de la retraite et d’un protocole d’entente (PE) en date du 1er juillet 2007, qui portait sur la double augmentation et qui a été signé par un ancien directeur et un ancien président de l’agent négociateur. M. Kowal n’était pas familier avec le PE. Au meilleur de leurs connaissances, les questions du congé sabbatique et de l’allègement de la charge d’enseignement n’avaient pas fait l’objet de discussions.

10 MM. Hurley et Noël ont affirmé que M. Kowal avait déclaré qu’il ne se conformerait pas aux pratiques passées ou au PE, parce qu’il estimait qu’il n’était pas lié au PE étant donné qu’il ne l’avait pas signé. À l’inverse, MM. Kowal et Bates ont dit au sujet de la réunion qu’il s’agissait d’une première discussion quant au régime de retraite de M. Hurley. Ils ont déclaré qu’à la fin de la réunion, aucune décision n’avait été prise.

11 Le 15 juin 2015, M. Hurley a déposé son grief alléguant des violations du PE et d’une pratique passée en vertu de l’article 8 de la convention collective entre le Conseil du Trésor et l’agent négociateur pour le groupe Enseignement universitaire (UT), qui venait à échéance le 30 juin 2014 (la « convention collective »), de l’article 107 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « LRTFP ») et de tout autre politique, directive, loi, règlement ou disposition connexes.

[…]

17 L’agent négociateur a déclaré que la présente affaire concernait une pratique passée des parties. Selon lui, sur présentation, par un UT, d’un préavis de départ à la retraite de trois ans, les parties ont convenu de mettre en œuvre le régime à trois volets, qui comprend ce qui suit :

1. une méthode d’évaluation du rendement révisée, liée à la paye, entraînant une double augmentation pendant les trois dernières années d’emploi;

2. un congé sabbatique;

3. un allègement de la charge d’enseignement à la suite du congé sabbatique.

[…]

80 L’article 18 prévoit que le congé sabbatique est accordé à la discrétion de l’employeur et qu’il ne doit pas être refusé sans motif raisonnable.

81 Les UT qui reçoivent un congé sabbatique sont tenus de s’engager par écrit à revenir au travail pour une période égale à ce congé. L’UT qui ne respecte pas cet engagement devra rembourser la totalité de l’indemnité versée pendant son congé sabbatique.

[…]

84 Lorsqu’un UT prend un congé sabbatique, le Conseil du Trésor finance l’indemnité qui lui est versée. L’UT est tenu de signer une entente de retour au travail qui l’oblige à revenir au travail pour une période égale au congé sabbatique. Si un UT prend un congé sabbatique de six mois, il devra revenir au travail pour une période de six mois.

[…]

423 Au début de l’audience, j’ai cru comprendre que l’agent négociateur faisait valoir que M. Hurley était en droit de recevoir, et que le CMR était obligé d’offrir, l’avantage que constituait le régime à trois volets exposé dans les lettres de M. Sokolsky en 2010, soit la double augmentation, les congés sabbatiques et l’allègement de la charge d’enseignement, conformément à l’article 8 de la convention collective.

424 Dans son argumentation finale, l’agent négociateur a fait valoir qu’il ne disait pas que le CMR était obligé d’octroyer un allègement de la charge d’enseignement à M. Hurley en toutes circonstances et quels qu’en soient les coûts, indépendamment de l’état des ressources du département […]

[…]

432 Le droit à l’allègement de la charge d’enseignement pour un UT qui revient d’un congé sabbatique est-il incompatible avec la convention collective?

433 À mon avis, un pareil droit absolu serait contraire à l’alinéa 13.08b) de la convention collective, qui prévoit que l’allègement de la charge d’enseignement ne doit être octroyé que si la réduction de la charge d’enseignement peut être accommodée au sein des ressources du département.

434 Le droit à l’allègement de la charge d’enseignement d’un UT qui revient d’un congé sabbatique est-il raisonnable?

435 À mon avis, les parties ont déjà abordé cette question dans la convention collective, puisqu’elles ont prévu que l’allègement de la charge d’enseignement ne doit être octroyé que s’il peut être accommodé au sein des ressources du département.

436 Par conséquent, je conclus que l’allègement de la charge d’enseignement n’est pas une pratique passée conformément à l’article 8 de la convention collective et n’est pas intégré à la convention collective.

[…]

510 Comme j’ai conclu que le PE était intégré à la convention collective, il s’ensuit que les règles d’arbitrage concernant l’interprétation des dispositions de la convention collective s’appliquent à l’interprétation du PE.

511 Comme il a été souligné précédemment, la disposition exécutoire du PE est le paragraphe 5, qui est rédigé comme suit :

[Traduction]

Comme on a constaté que le maintien d’un rendement élevé au cours des trois années précédant la retraite exige un effort supplémentaire, les enseignants qui auront déjà signé des formulaires établissant une date de retraite trois ans avant cette date recevront la cote globale « supérieure », sous réserve que leur rendement dans les domaines de l’enseignement, de la recherche et des services, évalués séparément, soit au moins satisfaisant.

[…]

522 Le grief concernant le PE est rejeté parce que la condition préalable au droit à la double augmentation, à savoir la signature de la formule de retraite, n’a pas été remplie.

[…]

[Je mets en évidence]

 

[10] La Commission a examiné un sujet semblable concernant la retraite du plaignant et les avantages qui, selon lui, lui étaient dus dans Association des professeurs des collèges militaires canadiens c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2019 CRTESPF 45. Dans cette décision, j’ai déterminé que les questions relatives à la demande de M. Hurley concernant les avantages liés à la retraite et d’autres avantages n’avaient pas été rejetées dans ce qui était prétendument une violation des dispositions de gel prévu dans la Loi; ni les actions ni l’absence de telles actions ne constituaient une négociation de mauvaise foi. Voici ce que j’ai écrit :

[…]

17 Aux fins de mise en contexte, M. Noël a décrit à l’audience comment il avait négocié le PE sur l’évaluation de la retraite en 2007. Dans son témoignage, il a dit que ce protocole d’entente était motivé par le fait que le rendement moyen des membres de la faculté baissait au cours des trois années avant leur départ à la retraite parce qu’ils ont moins d’énergie, qu’ils participent à un moins grand nombre d’activités volontaires et qu’ils sont réticents à accepter des tâches nouvelles ou inhabituelles. En vertu de ce PE, si un membre de la faculté a signé les formulaires établissant une date de départ à la retraite dans les trois prochaines années, on lui garantit une cote de rendement supérieure et, par conséquent, une double augmentation salariale pour ses trois dernières années de travail. Cette cote est garantie tant que son travail d’enseignement et de recherche demeure d’une qualité satisfaisante, à tout le moins.

[…]

21 Je n’ai pas entendu de preuves directes de la part du Dr Hurley puisqu’il n’a pas présenté de témoignage; seul son formulaire de grief a été présenté à l’audience. Plutôt, seul son formulaire de grief a été présenté en l’espèce. Même si le règlement de la plainte en l’espèce ne dépend pas de l’issue du grief sur le départ à la retraite du Dr Hurley, je souligne que son grief a été rejeté en arbitrage devant la Commission (Hurley c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2018 CRTESPF 35). Bien que la Commission ait déclaré que le PE en vigueur au 7 juillet 2007 constituait une pratique antérieure, qui est intégrée à la convention collective de 2011 en vertu de l’article 8, elle a rejeté le grief au motif que la condition préalable au droit à la double augmentation n’avait pas été respectée (voir les paragraphes 521 et 522).

[…]

40 Le grief Hurley a été présenté à titre de contexte pertinent en ce qui concerne la question des PE soulevée par M. Noël. L’avocat de la plaignante a soutenu que je n’avais pas à tirer de conclusion sur la question de la retraite du Dr Hurley pour accueillir la plainte. Par conséquent, je ne tire aucune conclusion sur la question du grief lié au départ à la retraite.

[…]

 

II. Le droit

[11] Aucune des parties n’a contesté le droit applicable, le fardeau inversé imposé au défendeur et les décisions de la Commission qui l’ont interprété. Toutefois, le défendeur s’est opposé à ce que l’Association du plaignant soit partie à la présente plainte et a soutenu qu’elle n’avait pas qualité pour agir, en vertu de la Loi, pour soutenir qu’elle avait été victime de représailles.

[12] Pour les motifs exposés plus loin, il n’est pas nécessaire que je détermine si l’Association est une plaignante dans le présent cas, car l’action contestée qu’elle a poursuivie et la réparation proposée par la Commission consistant à ordonner l’allocation de ressources et l’embauche d’un professeur dans le département d’anglais du Collège sont théoriques.

[13] Voici les dispositions pertinentes de la Loi :

[…]

185 Dans la présente section, pratiques déloyales s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

185 In this Division, unfair labour practice means anything that is prohibited by subsection 186(1) or (2), section 187 or 188 or subsection 189(1).

Pratiques déloyales par l’employeur

Unfair labour practices – employer

186 (1) Il est interdit à l’employeur ainsi qu’au titulaire d’un poste de direction ou de confiance, à l’officier, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, ou à la personne qui occupe un poste détenu par un tel officier, qu’ils agissent ou non pour le compte de l’employeur :

186 (1) No employer, and, whether or not they are acting on the employer’s behalf, no person who occupies a managerial or confidential position and no person who is an officer as defined in subsection 2(1) of the Royal Canadian Mounted Police Act or who occupies a position held by such an officer, shall

a) de participer à la formation ou à l’administration d’une organisation syndicale ou d’intervenir dans l’une ou l’autre ou dans la représentation des fonctionnaires par celle-ci;

(a) participate in or interfere with the formation or administration of an employee organization or the representation of employees by an employee organization; or

b) de faire des distinctions illicites à l’égard de toute organisation syndicale.

(b) discriminate against an employee organization.

(2) Il est interdit à l’employeur, à la personne qui agit pour le compte de celui-ci ainsi qu’au titulaire d’un poste de direction ou de confiance, à l’officier, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada ou à la personne qui occupe un poste détenu par un tel officier, qu’ils agissent ou non pour le compte de l’employeur :

(2) No employer, no person acting on the employer’s behalf, and, whether or not they are acting on the employer’s behalf, no person who occupies a managerial or confidential position and no person who is an officer as defined in subsection 2(1) of the Royal Canadian Mounted Police Act or who occupies a position held by such an officer, shall

a) de refuser d’employer ou de continuer à employer une personne donnée, ou encore de la suspendre, de la mettre en disponibilité, de la licencier par mesure d’économie ou d’efficacité à la Gendarmerie royale du Canada ou de faire à son égard des distinctions illicites en matière d’emploi, de salaire ou d’autres conditions d’emploi, de l’intimider, de la menacer ou de prendre d’autres mesures disciplinaires à son égard pour l’un ou l’autre des motifs suivants :

(a) refuse to employ or to continue to employ, or suspend, lay off, discharge for the promotion of economy and efficiency in the Royal Canadian Mounted Police or otherwise discriminate against any person with respect to employment, pay or any other term or condition of employment, or intimidate, threaten or otherwise discipline any person, because the person ….

[…]

(iv) elle a exercé tout droit prévu par la présente partie ou les parties 2 ou 2.1;

(iv) has exercised any right under this Part or Part 2 or 2.1;

b) d’imposer – ou de proposer d’imposer –, à l’occasion d’une nomination ou relativement aux conditions d’emploi, une condition visant à empêcher le fonctionnaire ou la personne cherchant un emploi d’adhérer à une organisation syndicale ou d’exercer tout droit que lui accorde la présente partie ou les parties 2 ou 2.1;

(b) impose, or propose the imposition of, any condition on an appointment, or in an employee’s terms and conditions of employment, that seeks to restrain an employee or a person seeking employment from becoming a member of an employee organization or exercising any right under this Part or Part 2 or 2.1; or

c) de chercher, notamment par intimidation, par menace de congédiement ou par l’imposition de sanctions pécuniaires ou autres, à obliger une personne soit à s’abstenir ou à cesser d’adhérer à une organisation syndicale ou d’occuper un poste de dirigeant ou de représentant syndical, soit à s’abstenir :

(c) seek, by intimidation, threat of dismissal or any other kind of threat, by the imposition of a financial or other penalty or by any other means, to compel a person to refrain from becoming or to cease to be a member, officer or representative of an employee organization or to refrain from

(i) de participer, à titre de témoin ou autrement, à une procédure prévue par la présente partie ou les parties 2 ou 2.1,

(i) testifying or otherwise participating in a proceeding under this Part or Part 2 or 2.1,

[…]

(iii) de présenter une demande ou de déposer une plainte sous le régime de la présente partie ou de la section 1 de la partie 2.1 ou de déposer un grief sous le régime de la partie 2 ou de la section 2 de la partie 2.1.

(iii) making an application or filing a complaint under this Part or Division 1 of Part 2.1 or presenting a grievance under Part 2 or Division 2 of Part 2.1.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[14] Le plaignant a fait remarquer que la Commission a conclu que lorsque le législateur a promulgué le paragraphe 186(2) de la Loi, il voulait protéger les intérêts des employés individuels en énumérant les gestes que les employeurs n’ont pas le droit de commettre à l’endroit des employés et qui constituent des pratiques déloyales de travail. Il a également fait remarquer qu’un employeur ne peut pas être motivé, en tout ou en partie, par un aspect quelconque de représailles dans ses actions visant à discriminer, à menacer ou à discipliner un employé (voir Hughes c. ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences, 2012 CRTFP 2, aux par. 364 et 396).

[15] Le plaignant a également mentionné la décision de la Commission dans Choinière Lapointe c. Service correctionnel du Canada, 2019 CRTESPF 68, qui a conclu ce qui suit :

[…]

[16] Le plaignant, quant à lui, a porté à mon attention Quadrini, aux paragraphes 25, 28, 45 et 47. Le paragraphe 25 se lit comme suit :

[25] L’inversion du fardeau de la preuve à laquelle fait référence le paragraphe 191(3) de la nouvelle Loi est inhabituelle dans ce cadre législatif et constitue clairement une exception par rapport au fait que, normalement, dans les affaires devant la CRTFP, c’est à la partie qui allègue une violation qu’incombe la charge de la preuve. Cette disposition indique manifestement que, selon le législateur, les actions relevant du paragraphe 186(2) se produiraient dans des circonstances exceptionnelles nécessitant une approche différente relativement au fardeau de la preuve, afin d’établir des règles du jeu équitables pour les deux parties.

[…]

 

[16] Les deux parties ont cité Hager c. Opérations des enquêtes statistiques (Statistique Canada), 2011 CRTFP 79, incluse dans le recueil de jurisprudence du défendeur, qui indiquait ce qui suit en ce qui a trait à la définition des aspects de l’analyse juridique dans les plaintes de représailles :

[…]

114 Les affaires de ce type font souvent appel à une preuve indirecte, à une évaluation du contexte et à une recherche des tendances sous-jacentes. Il est toujours difficile de regarder derrière les raisons invoquées dans le cadre d’une décision pour déterminer si d’autres facteurs ou influences sont réellement intervenus. Dans le scénario chargé dans lequel les plaignantes allèguent que la direction a pris des mesures de représailles contre un agent négociateur, ses membres ou ses représentants, la tâche est particulièrement ardue.

[…]

 

III. Allégations et analyse

[17] Les deux parties ont présenté des arguments relatifs à la question de savoir si le défendeur avait le pouvoir de prendre les décisions qu’il a prises concernant les trois actes de représailles allégués. L’avocat du plaignant a concédé ce point dans sa déclaration préliminaire, mais il a affirmé que néanmoins, la motivation et l’intention devraient être constatées pour étayer une conclusion selon laquelle la Loi a été enfreinte.

[18] Le plaignant a souligné les trois actes de représailles allégués suivants de la part du défendeur, qui, selon lui, étayent la présente plainte de pratique déloyale de travail en vertu de l’article 186 de la Loi.

A. Refus de l’allègement de la charge d’enseignement du plaignant

[19] Le plaignant a allégué que la décision du défendeur de rejeter sa demande d’allègement de la charge d’enseignement lorsqu’il est revenu d’un congé sabbatique pour ensuite être suivi d’un trimestre pendant lequel aucun enseignement ne lui a été confié devrait être considérée comme des représailles qui sont interdites par la Loi.

[20] Le défendeur a répondu à cette allégation et a soutenu que les enseignants n’ont pas le droit absolu d’exiger et d’obtenir un allègement de la charge d’enseignement. Il a souligné la décision rendue par la Commission dans Hurley, qui a conclu que le droit à l’allègement de la charge d’enseignement dépend du fait qu’il n’a aucune incidence préjudiciable sur les ressources du département. Les paragraphes 432 à 435 de Hurley se lisent comme suit :

432 Le droit à l’allègement de la charge d’enseignement pour un UT qui revient d’un congé sabbatique est-il incompatible avec la convention collective?

433 À mon avis, un pareil droit absolu serait contraire à l’alinéa 13.08b) de la convention collective, qui prévoit que l’allègement de la charge d’enseignement ne doit être octroyé que si la réduction de la charge d’enseignement peut être accommodée au sein des ressources du département.

434 Le droit à l’allègement de la charge d’enseignement d’un UT qui revient d’un congé sabbatique est-il raisonnable?

435 À mon avis, les parties ont déjà abordé cette question dans la convention collective, puisqu’elles ont prévu que l’allègement de la charge d’enseignement ne doit être octroyé que s’il peut être accommodé au sein des ressources du département.

 

[21] Les parties ont ensuite entrepris un exercice comptable pour interroger les témoins et examiner les budgets du département, afin d’étayer leurs positions selon lesquelles l’allègement de la charge d’enseignement demandé était ou n’était pas, respectivement, autorisé en vertu de la convention conclue entre le Conseil du Trésor et l’Association pour le groupe Enseignement universitaire (UT) qui a expirée le 30 juin 2018 (la « convention collective »), selon l’incidence budgétaire.

[22] Le plaignant a souligné le fait que des sections d’enseignement supplémentaires de ses cours avaient déjà été réservées pour être enseignées par des instructeurs sur une base trimestrielle en vertu d’un contrat. Le défendeur a répondu en cherchant à présenter des éléments de preuve selon lesquels les sections supplémentaires constituaient de fausses inventions élaborées par le département d’anglais pour faciliter ce qu’il savait à l’avance être le dernier mandat d’enseignement du plaignant sans qu’il ait réellement à enseigner. De plus, selon le défendeur, il était tenu, en vertu d’un contrat sabbatique, de retourner au travail et d’enseigner. Le contrat se lisait en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

7. À la fin du congé sabbatique visé à l’Article 1, la personne qui prend le congé sabbatique retournera au CMC du Collège militaire royal du Canada ou à tout autre lieu d’emploi désigné par le ministre et, par la suite, travaillera pendant au moins un mois pour chaque mois de congé sabbatique.

8. Si la personne qui a pris le congé sabbatique, dans l’un ou l’autre des cas suivants :

a) n’atteint pas de manière satisfaisante, tel que déterminé par le ministre, les objectifs du congé sabbatique énoncés dans la demande de congé sabbatique;

b) ne reprend pas son emploi conformément à l’article 7;

c) ne travaille pas pendant toute la période d’emploi énoncée à l’article 7 du document;

la personne qui a pris le congé sabbatique devra rembourser au receveur général du Canada toutes les sommes qui lui ont été versées, ou qui ont été versées en son nom, pendant le congé sabbatique, sauf dans le cas où le ministre, à sa discrétion, accepte le remboursement d’une somme moindre.

[…]

 

[23] Le défendeur a fait référence au témoignage du directeur du Collège et brigadier-général Harry Kowal, qui a déclaré qu’il avait tenté de protéger le plaignant en faisant pression pour l’application des modalités du contrat. Même si cette déclaration paraissait étrange, elle a pris tout son sens lorsqu’on lui a demandé d’expliquer la façon dont le refus d’accorder un allègement de la charge d’enseignement avait aidé le plaignant.

[24] M. Kowal a déclaré qu’étant donné l’examen minutieux du Collège à ce moment-là par le Conseil du Trésor et le ministère défendeur, il craignait que le plaignant ne soit contraint de rembourser tous ses avantages financiers liés au congé sabbatique s’il ne retournait pas au travail et ne s’acquittait pas de ses obligations en vertu du contrat.

[25] Le défendeur a également souligné les éléments de preuve selon lesquels le département d’anglais du Collège effectuait une [traduction] « campagne de cinq », qui visait à réduire le volume de travail des enseignants en réduisant la charge d’enseignement normale de six à cinq cours. Le défendeur a fait valoir que cette mesure visait à usurper le pouvoir de la direction en matière d’attribution de la charge d’enseignement. Il a soutenu que, dans le cadre de cette campagne, le plaignant avait décidé qu’il n’enseignerait plus, sans égard au litige devant la Commission qui la contestait.

[26] Le défendeur a également fait valoir que les éléments de preuve ont permis d’établir que les trois cours que le plaignant devait enseigner lorsqu’il faisait l’objet d’une enquête par la direction se sont soldés par le fait qu’il n’a donné aucun cours, ce qui aurait constitué une violation de la répartition égale de la charge d’enseignement prévue à la clause 13.01 de la convention collective.

[27] Le défendeur a attiré l’attention sur un plan de cours provisoire pour le trimestre d’automne en litige et a fait remarquer qu’aucun enseignement n’avait été attribué au plaignant pour la raison indiquée qu’il avait un [traduction] « congé d’automne; retraite d’hiver ». Philip Bates, vice-directeur académique, a témoigné à ce sujet lorsqu’on lui a demandé la raison pour laquelle il avait refusé l’allègement de la charge d’enseignement que le département d’anglais devait accorder. Il a dit qu’il examinait régulièrement les plans de cours et que, dans le présent cas, il avait remarqué que le plaignant n’avait aucune affectation d’enseignement. Il a également expliqué que la charge d’enseignement normale était de six cours, mais que certains professeurs, y compris dans le département d’anglais, s’y opposaient et cherchaient à avoir plutôt une charge d’enseignement de seulement cinq cours (la campagne de cinq). Qu’il s’agisse de cinq ou de six cours, M. Bates a signalé un plan de cours provisoire et a fait remarquer que le plaignant n’avait l’équivalent que de trois cours composés d’un autre travail qui n’incluait aucun enseignement.

[28] M. Bates a continué d’expliquer comment cet apparent plan de congé de préretraite sans enseignement s’était retrouvé devant la Commission aux fins d’une décision dans le cadre de l’arbitrage de griefs. Il a déclaré qu’il estimait inacceptable d’approuver un plan de cours fondé sur une série d’avantages qui étaient contestés et qui auraient pu être rejetés à l’arbitrage.

[29] Lorsqu’il a discuté de la continuité des événements prévus dans l’entente de congé sabbatique, de la nécessité de retourner au travail et d’enseigner, des clauses de la convention collective relatives à une charge d’enseignement égale et de la nécessité que chaque enseignant enseigne six cours, M. Bates a dit que tous ces éléments relevaient de sa responsabilité. Il devait s’assurer que les règles étaient respectées, y compris les ententes, et c’est ce qu’il a fait lorsqu’il a ordonné que l’allègement de la charge d’enseignement ne soit pas autorisé pour le plaignant. Il a nié que le grief et les plaintes aient joué un rôle quelconque dans cette décision.

[30] Même si la disposition de la Loi portant sur le fardeau de la preuve inversé n’oblige pas le plaignant à établir la preuve, en réfutant les arguments du défendeur, l’avocat du plaignant a soutenu que les éléments de preuve ont permis d’établir qu’aucune ressource supplémentaire n’était nécessaire pour approuver la demande d’allègement de la charge d’enseignement. De plus, le plan de cours élaboré par le chef de département, Huw Osborne, était valide et a été approuvé normalement sans examen minutieux ni intervention de la part de la haute direction. Il a fait valoir que l’intervention après coup et tardive en vue d’insister sur des changements pour le plaignant constituait la preuve du désir de la haute direction de le désavantager et d’exercer des représailles pour avoir déposé un grief contre son refus de lui accorder des avantages.

[31] Le plaignant a souligné le témoignage de M. Osborne. Dans celui-ci, il a dit qu’il était inquiet et qu’il gérait le risque que, si la Commission accueillait le grief de retraite de M. Hurley, le plaignant aurait pu quitter son poste d’enseignant au milieu du trimestre, ce qui aurait créé une situation intenable pour les étudiants. Il a dit que ce risque justifiait sa planification des chargés de cours contractuels sur une base trimestrielle pour donner les cours qui auraient pu autrement être attribués au plaignant.

[32] M. Osborne a également souligné les courriels qui visaient à préciser que l’entente de congé sabbatique exigeait que le plaignant retourne à son [traduction] « emploi », et qu’elle n’indiquait pas qu’il devait retourner à [traduction] l’« enseignement ». Par conséquent, l’affirmation du défendeur selon laquelle il avait simplement tenté de faire respecter l’entente par le plaignant a été mise à mal, car il a soutenu que le fait d’être en congé constituait une partie valable de l’emploi et qu’il s’était ainsi conformé à l’entente de congé sabbatique. M. Osborne a également fait remarquer que le plaignant avait l’intention de continuer à travailler à la rédaction d’un livre qu’il avait l’intention de publier pendant le trimestre d’automne, ce qui constituait une entreprise académique qui aurait également dû être considérée comme conforme à l’entente de congé sabbatique (voir le courriel du doyen de la Faculté des arts daté du 4 septembre 2017).

[33] L’avocat du plaignant a également retracé les raisons invoquées par la haute direction pour refuser l’allègement de la charge d’enseignement. Il a fait valoir que les raisons ont évolué au fil du temps, ce qui devrait être considéré comme une atteinte à la crédibilité des explications selon lesquelles les décisions de la direction avaient été prises de bonne foi; il s’agit plutôt de la preuve qu’elles ont simplement eu pour but de dissimuler des représailles contre le plaignant.

[34] L’avocat a également fait remarquer ce qui suit :

· M. Bates a d’abord déclaré que le refus de l’allègement de la charge d’enseignement avait été effectué conformément à la clause 13.01 de la convention collective, qui exigeait l’attribution égale des charges d’enseignement.

· M. Bates a ensuite indiqué que la décision avait été prise afin que des plans de cours appropriés soient mis en place, car l’ébauche préparée par le département d’anglais était inacceptable.

· M. Bates et M. Kowal ont témoigné de leur désir d’appliquer la clause de retour au travail de l’entente de congé sabbatique.

 

[35] En réfutation de ce dernier point de l’entente de congé sabbatique, l’avocat du plaignant a fait valoir que s’il s’agissait de la véritable raison, la direction aurait pu et aurait dû discuter avec le plaignant afin de déterminer ses souhaits et sa tolérance au risque s’il avait effectivement pu faire face à une tentative de recouvrement des fonds publics qui lui avaient été accordés pour son congé sabbatique. Dans le même ordre d’idées, l’avocat a fait remarquer qu’aucun élément de preuve n’a été présenté pour étayer l’affirmation de M. Kowal selon laquelle, en fait, le défendeur ou le Conseil du Trésor envisageaient de demander le remboursement des fonds pour le congé sabbatique et qu’il ne s’agissait que d’une préoccupation théorique de la part de M. Kowal.

[36] Ce même argument a également été invoqué lorsque le témoignage de M. Osborne a été souligné. Il a dit que toutes ces questions devant la Commission avaient été discutées avec le doyen de la Faculté des arts avant qu’il ne les ait approuvées au niveau du département. L’avocat du plaignant a également soutenu qu’il y avait des incohérences dans les éléments de preuve quant à savoir si le doyen de la Faculté des arts avait approuvé l’allègement de la charge d’enseignement et avait abordé le sujet d’autres travaux au lieu d’enseigner, alors que M. Bates a nié avoir ordonné qu’un plan de cours soit révisé et avoir ajouté des fonctions de centre de rédaction au plan d’enseignement trimestriel du plaignant. L’avocat a soutenu que cela devrait être considéré comme affaiblissant le témoignage du défendeur et comme un appui à son affirmation de la mauvaise intention de la haute direction envers le plaignant.

[37] Le plaignant a également fait référence à son contre-interrogatoire de M. Bates, qui a admis qu’il aurait envisagé d’accorder un allègement de la charge d’enseignement si des motifs valables à l’appui avaient été déclarés aux fins de cette demande. L’avocat a également fait référence à des éléments de preuve qui ont permis d’établir que d’autres enseignants avaient récemment bénéficié d’un allègement de la charge d’enseignement à l’appui de l’argument selon lequel le plaignant avait été traité injustement.

[38] Le plaignant a également fait référence à une note de bas de page rédigée par M. Kowal au cours de discussions sur les avantages et le prétendu régime de prestations de retraite. La note de bas de page rédigée dans un document laissait entendre que M. Kowal était disposé à ce moment-là à approuver l’allègement de la charge d’enseignement dans le cadre du processus de retraite du plaignant. Le plaignant a ajouté que le rejet ultime de l’allègement de la charge d’enseignement doit être considéré comme motivé par le désir d’exercer des représailles pour le grief et les plaintes déposées contre le Collège.

[39] Enfin, le plaignant a souligné les remarques de M. Kowal après sa libération de la barre des témoins après la fin de son témoignage. M. Kowal a pris la décision plutôt inhabituelle de demander la permission de faire de brèves remarques. Il a déclaré qu’il avait toujours travaillé très fort pour traiter avec respect et admiration toutes les personnes avec qui il travaillait ainsi que tous les professeurs du Collège. Il a déclaré qu’il avait été offensé par les allégations formulées contre lui à l’audience et a demandé des excuses.

[40] Le plaignant a souligné ces remarques et a fait valoir qu’elles constituent un autre élément de preuve de l’extrême offense et de la colère que M. Kowal avait dû ressentir lorsque le grief et les plaintes ont été déposés, étant donné qu’il était encore tellement contrarié qu’il s’est senti obligé de s’exprimer de façon très inhabituelle devant la Commission et d’exprimer son offense, et d’exiger des excuses à l’audience qui a été tenue des années plus tard.

[41] Le plaignant a soutenu que la décision de la direction de lui refuser l’allègement de la charge d’enseignement constitue la preuve qu’il a été traité différemment et pénalisé pour avoir exercé ses droits en vertu de la Loi. La Commission devrait accepter que, en soi ou dans le cadre d’un modèle avec les deux autres actions contestées, elle justifie une conclusion selon laquelle la disposition de la Loi sur l’interdiction de représailles a été enfreinte.

B. Annulation de congés annuels

[42] L’avocat du plaignant a soutenu que le défendeur était déterminé à refuser au plaignant ce qu’il demandait dans son grief. Les détails relatifs à cette situation, notamment sa voie préférée vers la retraite, ont été documentés plus tôt. Aux fins de la présente analyse, le plaignant a pris les dispositions nécessaires avec le département d’anglais du Collège pour utiliser ses congés annuels accumulés afin d’éviter d’enseigner au cours de ce qui aurait été son dernier trimestre d’automne à son retour au travail de son congé sabbatique. La question de savoir s’il avait suffisamment de congés annuels n’est pas en litige.

[43] Les parties ont posé de nombreuses questions lors de l’interrogatoire principal et ont présenté des arguments sur la question de savoir si le fait que le plaignant est revenu de son congé sabbatique et a pris immédiatement un congé prolongé contrevenait à son entente de congé sabbatique. Les parties ont présenté des arguments sur la question de savoir si un congé peut être qualifié comme étant au travail. Toutefois, je n’attribue aucune valeur probante à ces lignes d’enquête puisqu’elles ne font pas la lumière sur les motifs du défendeur, qui sont l’objet de la présente décision.

[44] Les éléments de preuve ont permis d’établir que le plaignant avait commencé son congé et qu’il avait l’intention de le poursuivre jusqu’à la fin du trimestre d’automne afin de pouvoir commencer sa retraite sans enseigner à nouveau après la fin de son congé sabbatique. Toutefois, la direction a ordonné l’annulation de son congé et son retour à l’enseignement deux jours après le début des cours du trimestre d’automne.

[45] L’avocat du plaignant a soutenu que le directeur du département d’anglais avait le pouvoir d’approuver le congé. De plus, il a ajouté que selon le témoignage non contredit de M. Osborne, il s’agissait de sa pratique bien établie et courante d’approuver de telles demandes de congé sans nécessiter d’approbation ou d’examen supplémentaire de la part de la haute administration.

[46] Le plaignant a également fait remarquer que M. Kowal avait inscrit une note sur un document lorsque les parties ont tenté de régler des questions liées à la retraite du plaignant avant qu’elles ne soient présentées à la Commission. Il a également souligné que la note indiquait qu’à ce moment-là, M. Kowal semblait disposé à approuver le congé demandé, ce qui aurait permis au plaignant d’éviter d’enseigner à nouveau avant de prendre sa retraite. Lorsqu’il a été interrogé au sujet de la note, M. Kowal a répondu qu’elle faisait partie d’une proposition de négociation sur laquelle les parties ne s’étaient jamais entendues. Il a également souligné qu’elle affirmait que cela était [traduction] « sous toutes réserves de décisions ultérieures concernant des questions connexes […] ».

[47] Lorsqu’il a été interrogé en contre-interrogatoire en vue de défendre sa décision d’annuler le congé après son approbation et son début, M. Kowal a déclaré qu’il était très soucieux de ne pas donner un mauvais exemple que le Collège regretterait plus tard si les enseignants étaient autorisés à manquer des trimestres complets d’enseignement, surtout à leur retour d’un congé sabbatique assorti d’une obligation contractuelle d’enseigner.

[48] M. Kowal a également formulé des commentaires au sujet d’un courriel du doyen par intérim de la Faculté des arts daté du 16 juin 2017 et du plan de cours qui y était joint pour le trimestre d’automne en litige, qui indiquait que le plaignant n’enseignait pas. Il a témoigné que cela n’était pas acceptable puisque l’entente de congé sabbatique du plaignant l’obligeait à retourner au travail et à enseigner. Lorsqu’il a été interrogé au sujet de l’approbation apparente du doyen par intérim, M. Kowal a témoigné que, si le doyen par intérim l’avait approuvé, il n’aurait pas dû l’être, puisque toutes les approbations de ce type devaient être conformes à la convention collective et, à son avis, le congé pendant le trimestre d’automne du plaignant n’était pas conforme à la convention. Il a ajouté qu’en fin de compte, il lui incombait de veiller à ce que la convention collective soit respectée.

[49] Le plaignant a souligné cet échange et a soutenu que le fait que le doyen par intérim n’ait proposé aucun enseignement pour lui démontrait qu’il devait déjà avoir obtenu l’approbation de la haute direction et constituait la preuve de la mauvaise intention de M. Kowal d’intervenir et d’annuler l’approbation. Le plaignant a également fait remarquer le témoignage selon lequel une telle intervention était très inhabituelle et que le fait que le défendeur n’ait pas cité à témoigner le doyen par intérim devrait m’amener à tirer une conclusion défavorable.

[50] Le plaignant a également souligné le témoignage de M. Osborne et les notes de la réunion du 11 septembre 2017 qui portaient sur la directive de révoquer le congé du plaignant après le début du trimestre d’automne. M. Osborne a témoigné qu’il aurait fallu deux semaines pour préparer et exécuter les changements nécessaires pour le retour du plaignant dans la salle de classe. Il a ajouté que cela aurait été extrêmement perturbateur pour les étudiants concernés. Il était également d’avis que le Collège n’aurait pas économisé d’argent en obligeant le plaignant à retourner dans la salle de classe.

[51] L’avocat du défendeur a répondu qu’il n’y avait pas eu contradiction dans le témoignage de M. Bates selon lequel il ne fallait pas prendre de congés annuels s’ils interféraient avec les fonctions d’enseignement. Il a ensuite fait remarquer que le plaignant était tenu par son entente de congé sabbatique de retourner au travail et d’enseigner, et qu’il devait réellement enseigner plutôt que prendre un congé. Il a également souligné le témoignage de M. Osborne, qui a admis qu’il était inhabituel pour un membre du corps professoral de prendre un congé pour un trimestre complet.

[52] L’avocat du défendeur a également soutenu que le congé ne devait être approuvé que s’il pouvait être pris dans les limites des ressources existantes et a souligné le témoignage de M. Osborne en contre-interrogatoire dans le cadre duquel il a déclaré que deux autres enseignants trimestriels à contrat avaient été embauchés et que seules ces ressources supplémentaires embauchées à des coûts supplémentaires pour le Collège permettaient au plaignant de prendre un congé pour la totalité du trimestre. Il a également déclaré que, même s’il n’avait jamais refusé une demande de congé, il a reconnu que la haute direction avait le droit de l’annuler.

[53] L’avocat a également fait remarquer que les éléments de preuve avaient permis d’établir que le département d’anglais avait mis en place deux sections de cours supplémentaires qui, selon lui, n’avaient jamais été destinées à être dotées pour justifier l’embauche des enseignants supplémentaires. Tout cela a été fait en supposant que le plaignant n’avait aucune intention de revenir de son congé sabbatique pour enseigner.

[54] L’avocat du défendeur a soutenu que cette ligne de conduite n’était pas fondée sur des principes et qu’elle ne constituait pas non plus une bonne administration des ressources. L’avocat a fait remarquer que M. Osborne avait témoigné qu’il avait été contrarié lorsque la haute administration avait annulé le congé du plaignant, qu’il avait approuvé, après qu’il avait déjà commencé, puis a soutenu que tout le problème concernant le congé avait été causé par le département d’anglais.

[55] L’avocat du défendeur a également attiré l’attention sur les clauses 13.01 et 13.08 de la convention collective et a déclaré que les deux parties ont participé à l’annulation du congé du plaignant. Ces clauses stipulent que la charge d’enseignement devrait être conforme à la charge d’enseignement moyenne normale des enseignants du même département et qu’elle peut varier selon les tâches administratives et le niveau d’activité scolaire productive.

[56] Le défendeur a soutenu que ses actions étaient justifiées et qu’en fait, elles étaient nécessaires afin de contraindre le plaignant à se conformer à la convention collective et d’assurer une charge d’enseignement égale au sein du département d’anglais. Il a également été indiqué que M. Kowal a témoigné que le grief et les plaintes présentés pendant la période au cours de laquelle les événements en litige dans le présent cas sont survenus n’ont joué aucun rôle dans les décisions contestées dans le présent cas.

[57] Lorsqu’on lui a présenté la lettre du doyen par intérim datée du 7 septembre 2017, l’informant que les congés annuels pour le trimestre d’automne avaient été approuvés par erreur et qu’il devait se présenter au travail au plus tard le 11 septembre 2017, M. Kowal a témoigné que le 8 septembre constituait le début du trimestre d’enseignement universitaire, mais qu’il ne considérait pas le retour du plainant au travail le 11 septembre comme un risque et une perturbation pour les étudiants, car le département d’anglais avait planifié que le plaignant n’enseignerait pas.

[58] Lorsqu’on lui a présenté une copie de la note du médecin du plaignant, datée du 22 août 2017, indiquant qu’il devrait être exempté de ses fonctions d’enseignant pour des raisons médicales, M. Kowal a témoigné qu’il n’en avait pas eu connaissance lorsqu’il a abordé la question des congés et que s’il l’avait su, le Collège aurait travaillé dès le départ à prendre des mesures d’adaptation pour le plaignant.

C. Annulation de l’embauche d’un remplaçant pour le poste d’enseignant du plaignant

[59] Le plaignant a fait remarquer que la haute direction du Collège est intervenue après que les fonds ont été approuvés pour doter le poste vacant dans le département d’anglais créé par son départ dans les semaines qui ont suivi son départ en congé annuel, qui est devenu un congé de maladie à l’automne 2017. Il a fait référence à des éléments de preuve qui permettent d’établir que le département d’anglais cherchait à doter le poste d’enseignant laissé vacant en raison du départ du plaignant. Toutefois, M. Kowal est intervenu pour occuper le même poste et le transférer afin de l’utiliser pour doter le Collège d’un nouveau service de soutien à la rédaction qui avait été désigné comme une nouvelle priorité. Cette mesure a été prise malgré le fait qu’un mécanisme de financement avait déjà été déterminé par d’autres moyens pour ce nouveau service.

[60] M. Osborne a témoigné du fait qu’une demande de dotation confirmant que des fonds étaient autorisés pour doter le poste que le plaignant devait quitter avait été signée le 25 juillet 2017. Il a ensuite souligné la chaîne de courriel de M. Kowal indiquant que le poste vacant ne serait pas financé et que cette capacité excédentaire serait utilisée pour transférer le poste d’enseignant au centre de rédaction. M. Osborne a déclaré qu’il ne croyait pas que le département d’anglais avait une capacité excédentaire. Il a ajouté que, lors d’une réunion subséquente pour discuter du transfert du poste, M. Bates avait dit qu’il s’agissait de l’éléphant dans la salle. Il a ajouté que cela faisait référence au plaignant, et il a estimé que la décision d’annuler la dotation du poste vacant que le plaignant avait créé une semaine seulement après l’annulation de son congé démontrait certainement que l’affaire constituait des représailles.

[61] M. Osborne a également témoigné qu’une fois l’approbation de doter le poste vacant du département d’anglais a été annulée, tous les directeurs de département se sont réunis et ont convenu de partager le fardeau de la dotation du centre de rédaction, mais que la haute direction avait exercé son droit de veto à l’égard de cette entente. Il a estimé qu’il s’agissait de représailles à l’encontre du plaignant.

[62] Lorsque l’avocat du plaignant a présenté cette allégation, il a reconnu que la direction du Collège a le droit d’affecter des ressources. Toutefois, il a soutenu que le fait de transférer le poste du plaignant du département d’anglais faisait partie d’un modèle clair de partialité et de représailles à l’égard du plaignant et du département. Il a fait référence aux notes d’une réunion ayant eu lieu le 11 septembre 2017 au cours de laquelle le doyen de la Faculté des arts avait rencontré le plaignant et un représentant syndical et a soutenu que les notes démontrent que le département d’anglais n’avait pas de capacité d’enseignement excédentaire. Il a également cité une chaîne de courriels entre M. Kowal et le doyen de la Faculté des arts en date du 28 septembre 2017, dans laquelle M. Kowal a déclaré qu’il convenait d’accepter la recommandation du doyen d’utiliser un poste d’enseignant du département d’anglais pour créer une ressource dédiée dans le nouveau centre de rédaction. Le doyen a répondu et a nié avoir fait une telle recommandation, et il a ensuite déclaré qu’il n’avait pas dit que le département d’anglais avait une capacité excédentaire.

[63] Le plaignant a souligné la question contestée de savoir si le département d’anglais avait appuyé l’abandon d’un poste d’enseignement en faveur du nouveau centre de rédaction dans l’échange de courriels et a indiqué qu’il s’agissait d’une preuve de quelque chose de douteux et de malveillant de la part de M. Kowal.

[64] Lorsqu’il a été interrogé de façon plus générale au sujet du fait que le Collège faisait l’objet d’examens de la part du défendeur et du Conseil du Trésor, M. Kowal a témoigné qu’il était très préoccupé, car il avait également répondu à une constatation critique du vérificateur général et craignait que le Collège ne soit fermé parce qu’il semblait qu’il n’utilisait pas les fonds publics de manière efficace, causant ainsi un manque d’optimisation des ressources pour le gouvernement fédéral. Il a également affirmé que le vérificateur général avait ciblé le département d’anglais aux fins d’attention. M. Bates a également témoigné à ce sujet et a expliqué que le défendeur avait effectué un examen de l’efficacité des programmes au Collège et qu’il avait constaté que les étudiants n’étaient pas préparés à des communications écrites compétentes et qu’il manquait un soutien adéquat pour offrir une telle aide aux étudiants. Il a ajouté que le centre de rédaction était unanimement appuyé par l’ensemble de la faculté et que l’administration du Collège le considérait comme une solution à cet important défi.

[65] M. Kowal a aussi longuement témoigné sur le fait qu’il avait reçu des directives de ses supérieurs de modifier les priorités et qu’il avait dû faire face à des défis concurrents pour les ressources au sein du Collège. Il a expliqué que le commandant précédent, duquel il relevait et qui avait un pouvoir budgétaire, avait refusé d’utiliser un poste d’enseignant pour doter le centre de rédaction, mais que le nouveau commandant était favorable à l’idée. Il a également expliqué qu’il avait un plan à long terme pour que le département d’anglais utilise des conférenciers contractuels trimestriels comme solution provisoire, en attendant le départ à la retraite d’un autre membre du corps professoral, qui serait alors remplacé par un employé à temps plein. Il a déclaré qu’il y avait huit postes dans le département d’anglais avant que le plaignant et un autre enseignant ne prennent leur retraite et huit postes lorsqu’il a lui-même pris sa retraite.

[66] Ainsi, M. Kowal a affirmé qu’il n’y avait eu aucune perte nette de postes d’enseignant au département d’anglais pendant son mandat. Il a également répété qu’il était très préoccupé par le fait que le vérificateur général avait fait état d’un manque d’optimisation des ressources au Collège et qu’il avait dit qu’il fallait réduire les coûts. Enfin, il a déclaré que la capacité du département d’anglais de mener à bien sa charge d’enseignement complète après le départ du plaignant constituait la preuve qu’il avait une capacité excédentaire.

IV. Analyse et motifs

[67] En vertu de la Loi, il incombait au défendeur d’établir, à l’aide d’éléments de preuve clairs et convaincants, qu’il n’a pas été motivé, même en partie, par le désir de punir le plaignant et de le traiter injustement parce qu’il avait exercé ses droits en vertu de la Loi de déposer un grief et des plaintes contre le défendeur.

[68] Les deux parties ont invoqué le texte de Hager mentionné précédemment (par. 136) dans leurs arguments sur la façon dont je devrais établir l’intention, compte tenu du contexte des actions contestées du défendeur et des événements connexes. Le plaignant a soutenu que chaque action contestée comportait une intention malicieuse dissimulée liée au grief et aux plaintes déposés antérieurement auprès de la Commission. Il a fait valoir que pris ensemble, les trois actions démontraient un comportement clair et délibéré motivé au moins en partie par le désir de traiter le plaignant de manière injuste en raison de l’exercice de ses droits en vertu de la Loi. Il a également soutenu que la justification des droits de la direction présentée par le défendeur pour justifier ses actions constituait une tentative de dissimuler la vérité.

[69] Le défendeur a souligné ce qu’il a dit être le contexte critique établi par les éléments de preuve du département d’anglais qui s’opposait aux désirs et décisions légitimes de la haute direction et a fait valoir que toute frustration manifestée par la haute direction avait été causée uniquement par les efforts du département visant à contrecarrer les directives légitimes de la direction.

[70] En ce qui concerne le retour à l’enseignement après un congé sabbatique et l’allègement de la charge d’enseignement, je fais remarquer que les éléments de preuve permettent d’établir clairement que le plaignant n’avait pas un droit automatique ou garanti à l’allègement de la charge d’enseignement. Je ne suis pas convaincu par les arguments selon lesquels l’opposition du défendeur au fait que le plaignant soit revenu au travail après son congé sabbatique et ait pris immédiatement des congés annuels constituait une interprétation erronée de l’entente de congé sabbatique en place qui avait été causée par le désir de la direction de traiter injustement le plaignant en raison de l’exercice de ses droits en vertu de la Loi.

[71] Je ne suis pas convaincu par l’argument selon lequel l’explication changeante du défendeur du refus de la demande d’allègement de la charge d’enseignement du plaignant constituait une preuve d’une intention malicieuse ou d’un élément malveillant. Les motifs invoqués, comme il a été mentionné précédemment, constituent des préoccupations raisonnables pour la direction. Je n’accepte pas non plus l’affirmation du plaignant selon laquelle le fait que toutes les autres demandes d’allègement de la charge d’enseignement avaient été approuvées permet d’établir une intention malicieuse ou un traitement discriminatoire.

[72] Les éléments de preuve ont permis d’établir ce que j’estime être l’intention sincère et raisonnable de M. Kowal et de M. Bates de s’assurer que le plaignant respecte leur interprétation de son contrat, qui l’obligeait à enseigner à son retour de son congé sabbatique.

[73] Que leur position à ce sujet repose sur une interprétation erronée du contrat ou non, j’accepte leurs témoignages selon lesquels ils craignaient légitimement pour le Collège, parce qu’il venait d’être critiqué par le vérificateur général et que le défendeur examinait de plus près la question de l’optimisation des ressources.

[74] Confrontée à un tel examen minutieux, la haute direction devait raisonnablement être préoccupée par le fait que les enseignants honorent leurs contrats qui les obligeaient à enseigner. Je suis également convaincu par leur préoccupation déclarée selon laquelle il était généralement entendu que les enseignants prendraient leurs congés annuels d’une manière qui n’interférerait pas avec leurs fonctions d’enseignement. De plus, la haute direction souhaitait éviter de donner un mauvais exemple pour le Collège, parce que d’autres enseignants cherchaient potentiellement à se soustraire de trimestres complet d’enseignement en prenant des congés annuels.

[75] Plus particulièrement, je ne suis pas convaincu que, peu importe la question de la conformité contractuelle, la directive de la haute direction selon laquelle le plaignant devait retourner à l’enseignement constitue la preuve d’une intention malicieuse ou d’un traitement discriminatoire. Les éléments de preuve ont plutôt permis d’établir qu’il existait des préoccupations en ce qui a trait à la répartition équitable des charges d’enseignement et l’attente de la direction que le trimestre d’automne soit enseigné à même les ressources existantes et qu’il ne soit pas nécessaire d’embaucher des enseignants contractuels. Il s’agit de préoccupations légitimes en matière de gestion, surtout compte tenu des préoccupations soulevées dans le cadre de la vérification et de l’examen de l’optimisation des ressources effectués par le Conseil du Trésor et les supérieurs du directeur.

[76] En ce qui a trait à l’allégation du plaignant selon laquelle son ancien poste d’enseignant avait été retiré du département en vue d’exercer des représailles à son égard et de le punir pour avoir déposé le grief et les plaintes mentionnés précédemment, je conviens avec le défendeur qui a souligné que l’établissement du budget et l’établissement des priorités liées à l’affectation des ressources constituent un droit clair de la direction.

[77] Peu d’actions touchent autant les droits de la direction que l’établissement de budgets et l’affectation de ressources pour répondre aux priorités organisationnelles, qui peuvent changer au fil du temps.

[78] M. Kowal et M. Bates ont tous les deux témoigné au sujet de ce que j’estime être des raisons organisationnelles éminemment raisonnables pour appuyer la redéfinition des priorités d’une année de travail du département d’anglais pour appuyer le centre de rédaction, ce qui, j’ajoute, a été accepté par tous les témoins comme étant un effort louable au sein du Collège.

[79] Je ne suis pas convaincu par l’argument du plaignant selon lequel la décision de déplacer son poste vacant témoigne d’une mauvaise foi et de représailles envers lui. Je ne suis pas non plus convaincu par la question litigieuse de la désignation de l’Association comme plaignante dans le présent cas, au même titre que le plaignant. L’avocat a soutenu que le fait de la nommer dans un addenda à la plainte devrait lui donner la qualité de présenter des arguments au nom du département d’anglais, afin de demander le rétablissement du poste d’enseignant au moyen d’une ordonnance de la Commission visant à obliger le Collège à embaucher un autre professeur d’anglais.

[80] Je rejette la demande du plaignant de tirer une conclusion défavorable du fait que le défendeur a choisi de ne pas citer à témoigner le doyen de la Faculté des arts au sujet du fait que M. Kowal a remercié le département d’avoir offert le poste vacant aux fins de réaffectation. Cette proposition a été réfutée par le doyen. Le fait de tirer une telle conclusion défavorable n’aurait aucune incidence sur la conclusion selon laquelle l’affectation des ressources constitue un élément fondamental des droits de la haute direction de gérer l’établissement et que la question concernant l’exercice par le plaignant de ses droits en vertu de la Loi n’a joué aucun rôle dans la décision d’utiliser le poste vacant pour une nouvelle priorité au sein du Collège.

[81] Le défendeur s’est opposé à ce que l’Association soit une partie au présent cas et, plus encore, à toute idée que la Commission puisse ordonner au Conseil du Trésor de financer un poste particulier dans le département d’anglais du Collège. L’avocat a soutenu qu’il n’existe aucun précédent à cet égard et que la Commission n’a pas le pouvoir de réparation consistant à ordonner de telles dépenses pour doter un poste en vertu de la Loi.

[82] Compte tenu des éléments de preuve relatifs à la décision éminemment raisonnable de réaffecter un poste d’enseignement à une nouvelle priorité, le défendeur a présenté des éléments de preuve clairs et convaincants qui réfutent l’acte de représailles allégué. Par conséquent, tout autre examen sur le fait que la réparation proposée outrepasse l’autorité de la Commission est donc théorique. La question connexe de savoir si l’Association a qualité pour présenter une plainte pour représailles devant la Commission est également théorique.

[83] Parmi les trois actes contestés, le plus difficile pour le défendeur à réfuter la présomption légale était la directive de la haute direction d’annuler les congés annuels que le plaignant avait déjà commencés et d’obliger son retour à l’enseignement après le début du trimestre d’automne.

[84] L’avocat du plaignant a abordé cette question et a fait remarquer la conclusion de la Commission dans Choinière Lapointe, dans laquelle elle a souligné l’importance de conclure que le témoignage du défendeur quant à la bonne foi de son intention était « plutôt douteux ou improbabl[e] » (par. 202). Je conviens que le fait d’annuler les congés annuels et d’essayer d’obliger le plaignant à revenir pour enseigner pendant un trimestre qui avait déjà commencé semble à lui seul improbable. Toutefois, comme je le fais remarquer ci-dessous, le contexte des efforts visant à résister aux directives de la direction fournit une explication plus précise que celle qui est alléguée dans la présente plainte.

[85] L’avocat a fait remarquer que tous les congés annuels étaient régulièrement approuvés par le directeur du département. De plus, l’exigence après coup que le plaignant revienne de ses congés annuels pour enseigner après le début du trimestre était discutable.

[86] De plus, compte tenu des éléments de preuve présentés à la Commission selon lesquels il faudrait un certain temps pour préparer son enseignement, même s’il revenait comme demandé, il était très improbable que le plaignant puisse réellement retourner au travail après le début du trimestre et enseigner des cours sans perturber considérablement le cours et l’expérience des étudiants.

[87] Le défendeur a fait valoir que tout mécontentement de la direction à l’époque dans le traitement des questions examinées était motivé par les actions du département d’anglais lui-même, et non par les griefs et les plaintes renvoyés à l’arbitrage par le plaignant et son agent négociateur.

[88] Le défendeur a fait remarquer que M. Osborne a témoigné de l’indignation de M. Bates lorsqu’il a découvert que le plaignant utilisait des congés annuels pour commencer le trimestre d’enseignement d’automne. Il a également reconnu les commentaires de M. Kowal après la conclusion de son témoignage et a déclaré que les deux ont été motivés par les actions du département visant à contourner les opérations et les routines normales du Collège en forçant leur volonté de réaliser leur programme en matière de prestations de retraite et de charges d’enseignement.

[89] Le défendeur a également déclaré que l’embauche d’enseignants contractuels pour enseigner de nouvelles sections constituait en fait un coût supplémentaire pour le Collège parce que le plaignant n’enseignait pas et que cela était très préoccupant pour la haute direction compte tenu des constatations de vérification mentionnées précédemment. Il a également souligné le témoignage de M. Osborne selon lequel le nouveau trimestre de cours et les affectations d’enseignement ont été conçus en fonction du fait que le plaignant ne retournerait pas enseigner. Cette situation s’est produite malgré la directive de la haute direction selon laquelle le plaignant devait enseigner.

[90] À l’appui de cet argument selon lequel il n’existait aucun lien entre les actions contestées de la direction et l’exercice de droits par le plaignant, il a souligné la décision de la Commission dans Sousa-Dias c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2017 CRTEFP 62, comme suit :

[…]

130 Contrairement à Martin-Ivie, en l’espèce, il n’y a aucun lien entre le refus de travailler et le comportement pour lequel le plaignant s’est vu imposer une mesure disciplinaire. Je suis d’avis que cette situation découle d’un mauvais environnement patronal-syndical et d’un vice-président du syndicat qui a insisté pour que le défendeur se plie à ses demandes. Son manque de respect envers la direction du PE constituait la véritable cause de la mesure disciplinaire prise à son endroit. Même dans son propre témoignage, le plaignant a déclaré qu’il avait fait l’objet d’une mesure disciplinaire pour avoir exprimé son point de vue, ce qui confirme qu’il n’existe aucun lien entre le motif de la mesure disciplinaire et son exercice de ses droits en vertu du CCT.

[…]

 

[91] Le défendeur a également souligné la décision de la Commission dans Hager et a attiré l’attention sur la façon dont elle a examiné le contexte et d’autres facteurs ou influences en jeu :

[…]

114 Les affaires de ce type font souvent appel à une preuve indirecte, à une évaluation du contexte et à une recherche des tendances sous-jacentes. Il est toujours difficile de regarder derrière les raisons invoquées dans le cadre d’une décision pour déterminer si d’autres facteurs ou influences sont réellement intervenus. Dans le scénario chargé dans lequel les plaignantes allèguent que la direction a pris des mesures de représailles contre un agent négociateur, ses membres ou ses représentants, la tâche est particulièrement ardue.

[…]

 

[92] Encore une fois, le défendeur a souligné les actions du département d’anglais mentionnées précédemment et a soutenu que ce sont là les facteurs de motivation auxquels la haute direction répondait à l’aide des actions contestées plutôt qu’au plaignant exerçant ses droits en vertu de la Loi.

[93] Comme il vient d’être mentionné dans Hager, je conclus que les autres facteurs et influences présentés par le défendeur fournissent une preuve claire et convaincante qui, selon la prépondérance des probabilités, réfute avec succès la présomption légale selon laquelle les allégations du plaignant constituent une preuve en soi.

[94] Les efforts déployés par le département d’anglais, tels qu’ils sont documentés dans le présent cas, en vue de contrecarrer les directives légitimes de la direction de M. Kowal et de M. Bates étaient plus que probablement la seule source de toute mauvaise foi manifestée par les actions contestées de la haute direction, y compris l’effort, autrement improbable, d’obliger le plaignant à revenir de ses congés annuels et à commencer à enseigner pendant un trimestre qui avait déjà commencé.

[95] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[96] J’ordonne le rejet de la plainte.

Le 4 mars 2024.

Traduction de la CRTESPF

Bryan R. Gray,

une formation de la Commission des relations de

travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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