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Date: 20240510

Dossier: 566-33-12686

 

Référence: 2024 CRTESPF 61

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

Vickie Bessette

fonctionnaire s’estimant lésée

 

et

 

Agence Parcs Canada

 

employeur

Répertorié

Bessette c. Agence Parcs Canada

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant : Adrian Bieniasiewicz, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée : Marie-Pier Dupont, avocate

Pour l’employeur : David Perron, avocat

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés
le 10 novembre et les 1er et 8 décembre 2023.


MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

A. Survol

[1] La fonctionnaire s’estimant lésée, Vickie Bessette (la « fonctionnaire »), travaille pour l’Agence Parcs Canada (l’« employeur » ou l’« Agence ») en tant qu’éclusière‑pontière au Canal-de-Chambly, dans la province de Québec. Elle occupe un poste GL-MOC-05, qui est classé dans le groupe Manœuvres et hommes de métier (GL), et dans le sous-groupe Conduite et surveillance de machines (MOC).

[2] Le présent grief soulève une question liée à l’indemnisation d’une employée fédérale pour accident de travail en vertu de la convention collective intervenue entre l’Agence et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« Alliance »), expirant le 4 août 2018 (la « convention collective »). Plus précisément, la fonctionnaire conteste le refus de l’employeur de la compenser pour les heures additionnelles prévues à son horaire pour les 29, 30 et 31 juillet 2015, jours pendant lesquels elle s’est absentée en raison d’un accident de travail. Comme mesure corrective, elle demande que l’employeur la compense pour ces heures additionnelles et les ajoute au crédit de son compte de congé compensatoire.

[3] Pour les raisons qui suivent, je conclus qu’en vertu de l’article 36 (Congé pour accident de travail) de la convention collective, interprété à la lumière du cadre législatif et jurisprudentiel applicable, l’employeur était tenu de compenser la fonctionnaire pour l’heure et demie additionnelle prévue à son horaire les 29, 30 et 31 juillet 2015. En refusant de le faire, l’employeur a contrevenu à la clause 36.01 de la convention collective.

[4] En revanche, je rejette les arguments de la fonctionnaire selon lesquels l’employeur était tenu de porter ces heures additionnelles, soit un total de quatre heures et demie, au crédit de son compte de congé compensatoire en vertu de la clause 2.2 de l’appendice « E » de la convention collective.

[5] Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84), et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique, qui remplace l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique et l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

[6] Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et les titres de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique, de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et du Règlement sur les relations de travail dans la fonction publique pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral, la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi ») et le Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (le « Règlement »).

II. Résumé des faits

[7] Les parties ont déposé un énoncé conjoint des faits. La fonctionnaire est éclusière-pontière au Canal-de-Chambly, dans la province de Québec. Elle occupe un poste GL-MOC-05. Sa principale fonction consiste à faire écluser les embarcations autorisées de manière sécuritaire dans le canal à travers l’écluse.

[8] L’Agence est un employeur distinct au sens de l’annexe V de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F-11). Son mandat consiste en la protection et la mise en valeur des exemples représentatifs du patrimoine naturel et culturel du Canada. L’Alliance est l’agent négociateur qui représente les employés de l’Agence.

A. Les heures de travail des éclusiers-pontiers

[9] L’appendice « E » de la convention collective prévoit des conditions particulières pour les « employé-e-s opérationnels de canaux », dont la fonctionnaire fait partie. L’appendice prévoit notamment que les dispositions de la convention collective s’appliquent à ces employés, sauf les dispositions suivantes :

1. Durée du travail et heures supplémentaires;

 

2. Temps alloué pour se laver;

 

3. Indemnité de rappel et de rentrée au travail;

 

4. Disponibilité.

 

[10] La clause 2.1 de l’appendice « E » de la convention précise que les employé-e-s opérationnels de canaux ont le droit de recevoir une rémunération des heures normales, au taux indiqué, pour toutes les heures effectuées ou pour lesquelles un congé payé autorisé leur a été accordé, jusqu’à un maximum de 2 080 heures par année financière.

[11] La clause 2.2a) de l’appendice « E » de la convention collective prévoit un étalement des gains pour ces employés selon lequel toutes les heures travaillées en sus de 80 heures dans une période de deux semaines sont portées au crédit du compte de congé compensatoire de l’employé. Les heures effectuées au-delà de huit heures par jour sont créditées à la banque de congé compensatoire.

[12] La fonctionnaire travaille normalement une heure et demie additionnelle par jour, soit un total de 15 heures par période de deux semaines qui sont portées au crédit de son compte de congé compensatoire à taux simple. Pendant la période concernée, les heures de travail prévues pour la fonctionnaire étaient de neuf heures et demie par jour, huit heures par jour lui étant payées régulièrement toutes les deux semaines, et le reste des heures étant mis, à taux simple, dans une banque de congé compensatoire. La fonctionnaire, ainsi que les autres employés éclusiers, utilisent cette banque de congé compensatoire pour obtenir un revenu à la fin de la période de navigation.

B. Le grief

[13] Le 28 juillet 2015, la fonctionnaire a subi un accident de travail. Elle a quitté le travail à 17 h 15, soit une heure avant la fin de son quart de travail. Le 29 juillet 2015, elle est rentrée au travail à l’heure prévue dans son horaire, mais elle a quitté à 9 h 45 pour se rendre à une consultation médicale. Elle était absente les 30 et 31 juillet 2015. Le 1er août 2015, elle a rapporté l’accident de travail à l’employeur. Le 6 août 2015, l’accident a été rapporté à la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST).

[14] Dans l’attente de la décision de la CSST, maintenant la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), l’employeur avait octroyé à la fonctionnaire un congé de maladie payé pour ses absences. Lorsqu’il y a eu confirmation que la CSST approuvait la réclamation pour un accident de travail les 29, 30 et 31 juillet 2015, le congé de maladie pour ces trois jours a été changé en congé pour accident de travail.

[15] À la fin de la saison de navigation, la fonctionnaire a constaté qu’elle n’avait pas été indemnisée pour toutes les heures prévues à son horaire de travail pour la saison de navigation. Elle a été indemnisée huit heures par jour pour les trois journées de congé pour accident de travail, mais l’heure et demie additionnelle à son horaire n’avait pas été ajoutée à sa banque de congé compensatoire. L’employeur a informé la fonctionnaire qu’elle n’y avait pas droit.

[16] Le 28 octobre 2015, la fonctionnaire a déposé un grief au premier palier de la procédure de règlement des griefs qui se lit comme suit : « Le ou vers le 30 septembre 2015, jai été lésée par une décision de mon employeur, suite à un accident de travail dont j’ai été victime. » Comme mesures correctives, elle a demandé une réparation complète, incluant, mais ne s’y limitant pas, le paiement de toutes les heures qui étaient prévues à l’horaire de travail pour la période où elle était en accident de travail, soit les 30 et 31 juillet 2015. Par la suite, l’employeur a aussi accepté de prendre en considération le 29 juillet 2015.

C. La réponse de l’employeur

[17] Le 2 février 2016, l’employeur a rejeté le grief au premier palier de la procédure de règlement des griefs. La position de l’employeur était que seules des heures travaillées peuvent être portées au crédit du compte de congé compensatoire, et non les heures pour lesquelles un congé payé autorisé avait été accordé. L’employeur s’appuyait notamment sur la clause 2.2 de l’appendice « E » de la convention collective.

[18] Lors du dépôt du grief au deuxième palier, l’Alliance s’est notamment appuyée sur les dispositions de la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État (L.R.C. (1985), ch. G-5; LIAÉ), ainsi que sur le Guide de calcul de l’indemnité de remplacement du revenu pour les 14 premiers jours (le « Guide de la CSST »). Le 13 mai 2016, l’employeur a rejeté le grief au motif que la fonctionnaire a été approuvée pour un congé pour accident de travail du 29 au 31 juillet 2015, et qu’à ce titre, elle avait été indemnisée à raison de 90 % de sa « rémunération normale nette pour chaque jour […] normalement travaillé, soit le salaire normal pour 80 heures de travail par période de paie ». De plus, l’employeur a réitéré que la fonctionnaire n’était pas admissible au temps compensatoire, n’ayant pas travaillé du 29 au 31 juillet. L’employeur a conclu sa réponse en précisant que l’employeur l’avait rémunérée conformément aux dispositions de l’appendice « E » de la convention collective ainsi qu’aux clauses 36.01 et 31.01b) de celle-ci, et ce, dans le respect des dispositions de la LIAÉ.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

[19] Selon la fonctionnaire, la compensation des fonctionnaires fédéraux pour un accident de travail est régie d’abord par la LIAÉ qui prévoit un régime d’indemnisation des accidents de travail, et ensuite par la convention collective pertinente.

[20] La clause 36.01 de la convention collective incorpore par renvoi la LIAÉ. Cette même clause prévoit que l’employé aura droit à un congé payé pour accident de travail, au lieu d’une indemnité de remplacement de revenu, une fois que la commission des accidents de travail provinciale aura certifié une incapacité de travail pour cause d’accident de travail.

[21] Selon le paragraphe 4(2) de la LIAÉ, les employés ont droit de recevoir une indemnité au même taux et dans les mêmes conditions que celles prévues par la loi de la province où l’agent de l’État est habituellement payé. Il s’en suit que l’indemnisation de la fonctionnaire pour son accident de travail est soumise aux règles applicables dans la province où elle exerce ses activités professionnelles, c’est-à-dire la province de Québec. Selon la fonctionnaire, lorsque l’employeur a l’obligation de remplacer les prestations d’indemnisation des travailleurs par une sécurité de revenu conformément à la convention collective, cette obligation doit s’inscrire dans le cadre de la LIAÉ (voir Vaughan c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2010 CRTFP 74, au par. 61).

[22] Le taux d’indemnisation pour les employés qui ont subi un accident de travail dans la province de Québec est régi par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (RLRQ, c. A-3.001; LATMP). Selon l’article 59 de la LATMP, l’employeur doit verser à l’employé son salaire net pour la partie de la journée de travail au cours de laquelle ce travailleur devient incapable d’exercer son emploi en raison d’un accident de travail. Selon l’article 60, pendant les 14 jours complets qui suivent le début de l’invalidité, l’employeur doit verser 90 % du salaire net de l’employé.

[23] Les articles 61 à 76 de la LATMP énoncent des règles visant à déterminer le montant d’indemnité de remplacement du revenu. Le salaire net de l’employé est calculé à partir du salaire brut annuel tel que déclaré ou prévu au contrat de l’employé. Ce dernier a la possibilité de démontrer un salaire plus élevé dans les 12 mois précédents un accident de travail, et peut inclure dans le calcul les bonis, les primes, les pourboires, les commissions, les majorations pour les heures supplémentaires, les vacances si leur valeur en espèce n’est pas incluse dans le salaire, etc. (voir l’art. 67). Enfin, l’article 75 prévoit que le revenu brut d’un employé peut être déterminé d’une manière autre que celle que prévoient les articles 67 à 74, si cela est plus équitable en raison de la nature particulière du travail de l’employé. Selon la fonctionnaire, le principe qui ressort de ces articles est que l’on favorisera toujours le moyen de calcul le plus avantageux pour le travail.

[24] Selon le Guide de la CSST, le calcul du salaire net de l’employé comprendra « […] toutes formes de rémunération, telles que les bonis, les pourboires, les primes, et les heures supplémentaires […] à condition qu’elles soient prévues, ou, à défaut, qu’elles aient été versées régulièrement auparavant ». Le Guide de la CSST précise aussi que le calcul de l’indemnité à verser aux employés saisonniers et aux employés du gouvernement fédéral se fait selon la formule suivante :

[…]

Salaire brut prévu par son contrat de travail (prestation prévue de travail x taux horaire), en ajoutant toutes autres formes de rémunération (heures supplémentaires, pourboires, bonis, primes, commissions, etc.) reliées à la prestation de travail qui aurait été effectuée durant cette période d’incapacité.

[…]

 

[25] Les expressions « aurait normalement travaillé » et « n’eût été de son incapacité » à l’article 60 de la LATMP ne peuvent être dissociées (voir Domtar Inc. c. Québec (Commission d’appel en matière de lésions professionnelles, [1993] 2 R.C.S. 756, à la page 767). Selon la fonctionnaire, l’intention derrière cette application est d’indemniser l’employé à un poste qu’il aurait occupé s’il n’avait pas été blessé.

[26] L’employeur admet que les heures prévues à l’horaire de la fonctionnaire auraient été de neuf heures et demie, si elle n’avait pas été blessée. Par conséquent, selon la fonctionnaire, l’employeur a une obligation de l’indemniser pour l’ensemble des heures qu’elle aurait travaillées, soit neuf heures et demie. Selon la LATMP, un employé dans la situation de la fonctionnaire aurait eu le droit à une compensation équivalente à 90 % du salaire de neuf heures et demie pour les deux jours d’absence complète, et un taux proportionnel pour la journée de l’accident. Dans le présent cas, la fonctionnaire a obtenu un congé payé de huit heures de travail seulement.

[27] La fonctionnaire fait valoir que l’employeur aurait dû lui accorder un congé pour accident de travail pour toutes les heures prévues à son horaire de travail, incluant l’heure et demie additionnelle par jour. L’article 36 de la convention collective ne peut être interprété comme lui accordant une protection moindre que celle qui est prévue dans la LATMP.

[28] Selon la fonctionnaire, le refus de l’employeur de la compenser pour les heures prévues à l’horaire de navigation, soit son horaire normal de travail pour les 29, 30 et 31 juillet 2015, viole l’article 36 de la convention collective et la LIAÉ.

[29] L’appendice « E » de la convention collective doit être interprété en accord avec la législation sur les congés pour accident de travail. Cette interprétation implique que les heures prévues à l’horaire normal de travail, dans le présent cas l’horaire de navigation, doivent être créditées au compte de congé compensatoire d’un employé ayant reçu un congé payé pour accident de travail.

[30] La clause 2.2 de l’appendice « E » de la convention collective ne peut pas être interprétée comme indiquant que seules les heures effectuées peuvent être portées au crédit du compte de congé compensatoire. Elle doit être interprétée dans le contexte global de la convention collective, selon le sens grammatical et ordinaire des mots, en harmonie avec le reste de la convention collective, son objet et l’intention des parties.

[31] Selon la fonctionnaire, l’article 8 de l’appendice « E » de la convention collective, qui permet de créditer les heures de congé d’un employé incapable de travailler en raison d’une « maladie » à sa banque de congé compensatoire, doit être interprété comme s’appliquant également aux congés payés pour accident de travail. Il s’en suit que les heures normalement prévues à l’horaire de l’employé qui a été en congé pour accident de travail doivent être compensées, tout comme les employés qui prennent un congé de maladie. Les parties à la convention collective ne peuvent pas avoir souhaité faire une distinction entre les employés ayant une maladie non liée au travail et ceux victimes d’une maladie professionnelle ou d’un accident de travail. La fonctionnaire me renvoie à la décision Lessard c. Conseil du Trésor (ministère des Transports), 2009 CRTFP 34, au par. 32, en ce qui a trait aux principes d’interprétation permettant de déterminer l’intention des parties.

[32] Selon la fonctionnaire, le terme « maladie » à l’article 8 de l’appendice « E » de la convention collective n’est pas spécifique aux congés de maladie payés puisque l’article 33 de la convention collective, qui porte sur les congés de maladie payés, fait référence de son côté à l’éligibilité d’un employé en raison « d’une maladie ou d’une blessure ». De plus, la clause 31.01 précise notamment que le nombre d’heures débitées pour chaque jour de congé correspond au nombre d’heures de travail normalement prévues pour l’employé le jour en question. Enfin, la clause 33.05 stipule que si un employé prend un congé de maladie payé et qu’un congé pour accident de travail est approuvé pour la même période, alors, pour le calcul des crédits de congé de maladie, on considérera que l’employé n’a pas pris de congé de maladie payé.

[33] Par conséquent, à la lumière de ce qui précède, la fonctionnaire fait valoir qu’il n’existe aucune limitation dans la convention collective permettant de suggérer que les parties voulaient limiter le congé pour accident de travail à huit heures par jour, soit une compensation moindre que pour les autres « maladies ». Sur ce, la fonctionnaire me renvoie à la décision Alliance de la Fonction publique du Canada c. Agence Parcs Canada, 2013 CRTFP 16, au par. 46, dans laquelle l’arbitre de grief a conclu que les employés devaient être payés pour toutes les heures prévues à l’horaire et travaillées, et non pas seulement pour huit heures par jour. Selon elle, ce même principe est applicable dans le présent cas.

[34] En conclusion, la fonctionnaire fait valoir qu’en application de la LIAÉ, de la LATMP et de la convention collective, le congé pour accident de travail doit être accordé pour huit heures de travail avec une heure et demie additionnelle devant être portée au crédit de son compte de congé compensatoire. Par conséquent, la fonctionnaire demande que l’employeur lui crédite quatre heures et demie à son compte de congé compensatoire.

B. Pour l’employeur

[35] Selon l’employeur, la fonctionnaire n’avait pas droit aux quatre heures et demie dans sa banque de congé compensatoire durant la période en question car l’appendice « E » de la convention collective est silencieux sur le congé pour accident de travail.

[36] L’employeur fait valoir que l’interprétation privilégiée par l’Alliance « […] produirait un résultat absurde ou mènerait à une incohérence avec d’autres dispositions de la convention collective et exigerait la Commission […] de modifier la convention collective en y ajoutant des droits aux employé-e-s, ce qu’elle ne peut pas faire ». Le pouvoir de la Commission est limité aux modalités prévues expressément dans la convention collective.

[37] Lorsqu’elle interprète les dispositions d’une convention collective, la Commission doit identifier l’intention des parties. Pour ce faire, le libellé de la convention collective doit être lu dans son sens normal ou ordinaire, à moins que cela ne donne lieu à un résultat absurde ou à une incohérence avec d’autres dispositions de la convention collective. S’il n’y a pas d’ambiguïté, il faut donner effet aux modalités de la convention collective même si le résultat peut sembler injuste ou inéquitable. Le sens d’une disposition ne peut être correctement compris que si l’on comprend son lien avec l’ensemble de la convention collective. Enfin, il existe une présomption selon laquelle les parties avaient l’intention de dire ce qui est écrit dans la convention collective.

[38] L’employeur fait valoir que l’Alliance n’a pas démontré qu’il existe un libellé clair, spécifique et sans équivoque dans la convention collective qui lui impose l’obligation de créditer les heures demandées dans la banque de congé compensatoire de la fonctionnaire.

[39] L’appendice « E » de la convention collective a une fonction limitée et s’applique à un groupe d’employés en particulier. Selon l’employeur, aux fins de la question en litige, les articles 2, 7 et 8 de l’appendice « E » sont pertinents. Les clauses 31.01, 36.01 et 44.02 permettent d’interpréter l’appendice « E ».

[40] Selon l’employeur, rien dans l’appendice « E » de la convention collective ne déroge à l’application de la clause 36.01. On ne peut pas ignorer l’expression « heures effectuées » utilisée dans l’appendice « E ». Il n’y a aucune ambiguïté. L’intention des parties était de donner des heures en congé compensatoire pour les heures effectuées, ou autrement dit, les heures travaillées en plus de 80 heures par période de 2 semaines. Si les parties à la convention collective avaient l’intention de créditer les heures supplémentaires normalement prévues à l’horaire de l’employé dans la banque de congé compensatoire, elles auraient utilisé l’expression « […] heures de travail normalement prévues à l’horaire de l’employé-e […] » (voir, par exemple, les clauses 31.01 et 44.02). L’article 7 de l’appendice « E » fait référence aux jours fériés.

[41] L’article 8 de l’appendice « E » de la convention collective prévoit une exception spécifique à l’expression « heures effectuées » dans le contexte de congés de maladie. Selon l’employeur, cela ne constitue pas une dérogation à l’article 33 qui régit les droits et les obligations en matière de congé de maladie payé. Seules les heures travaillées peuvent être portées au crédit du compte de congé compensatoire en vertu de la clause 2.2a) de l’appendice « E » (voir Guérette c. Agence Parcs Canada, 2004 CRTFP 142, aux paragraphes 59 à 61).

[42] L’employeur note que l’indemnité de 90 % prévue dans la LATMP diffère d’un congé de maladie prévu à l’article 33 de la convention collective où un employé accumule des heures de congé de maladie. Un congé pour accident de travail et un congé de maladie sont deux types de congé distincts, traités différemment.

[43] La portée de la clause 31.01 de la convention collective est limitée par la clause 36.01 qui traite des obligations de l’employeur et des droits des employés dans le contexte des congés pour accident de travail. Lorsqu’un congé pour accident de travail est pris en charge par une autorité provinciale, les conditions et les taux d’indemnités sont régis par la LIAÉ et la LATMP.

[44] La décision Alliance de la Fonction publique du Canada, citée par la fonctionnaire, se distingue des faits et des questions soulevés dans le présent grief. Plus précisément, elle traite de la question d’heures effectuées ou travaillées dans le contexte de jours fériés prévue à l’article 7 de l’appendice « E » de la convention collective. De plus, la Commission a fondé sa décision sur une préclusion découlant d’une pratique de longue date selon laquelle l’employeur payait toutes les heures travaillées durant un jour férié.

[45] Les obligations et les droits des parties en ce qui a trait aux congés pour accident de travail sont prévus à la clause 36.01 de la convention collective. Si l’employeur ne garde pas un employé sur la paie durant un congé payé pour accident de travail, l’employé peut se tourner vers la LIAÉ (voir le par. 4(1) de la LIAÉ). Selon l’employeur, les taux et les conditions applicables aux indemnités sont prévus au paragraphe 4(2) de la LIAÉ ainsi que dans la LATMP. Selon l’article 60 de la LATMP, un employé aurait droit à « […] 90 % de son salaire net pour chaque jour ou partie de jour où ce travailleur aurait normalement travaillé, n’eût été de son incapacité, pendant les 14 jours complets suivant le début de cette incapacité ».

[46] Dans le présent cas, l’employeur a continué à payer la fonctionnaire pendant les trois jours en question, mais parce qu’il n’y avait pas d’heures effectuées, l’employeur n’a pas compensé les heures supplémentaires dans sa banque de congé compensatoire.

[47] Selon l’employeur, la LIAÉ et la LATMP ne s’appliquent pas dans le présent cas parce que la fonctionnaire a reçu un congé payé pour accident de travail d’une durée raisonnable en vertu de la clause 36.01 de la convention collective et non en vertu de la LIAÉ ou de la LATMP. Ni les documents de la CNESST, ni la LIAÉ, ni la LATMP ne viennent modifier la convention collective, ni même l’appendice « E ».

[48] L’employeur fait valoir que la LIAÉ et la LATMP prévoient l’indemnisation pour les employés blessés au travail qui ne sont pas rémunérés par l’employeur, tandis que l’appendice « E » de la convention collective parle de la banque de congé compensatoire. De plus, permettre un paiement de 90 % des 9.5 heures à l’horaire de la fonctionnaire, en ajoutant 1.5 heure par jour à la banque de congé compensatoire (totalisant 10.05 heures par jour en congé pour accident de travail selon la suggestion de l’Alliance), placerait la fonctionnaire en une situation de trop-payé. Ce n’était pas l’intention des parties. L’employeur demande que la Commission rejette le grief.

C. Réplique de la fonctionnaire s’estimant lésée

[49] La fonctionnaire maintient que la LIAÉ et la LATMP s’appliquent dans le présent cas. Selon elle, ces deux lois ne modifient pas la convention collective. Toutefois, si la convention collective offre une protection inférieure à celle qui est prévue dans la loi applicable, c’est la loi qui doit prévaloir.

[50] L’argument central de la fonctionnaire est qu’elle ne devrait pas être pénalisée pour avoir subi une blessure dans l’accomplissement de ses fonctions au travail.

IV. Motifs

[51] Les faits dans le présent dossier ne sont pas contestés. Toutefois, il y a un désaccord entre les parties quant à la compensation que la fonctionnaire a droit de recevoir en vertu de la convention collective en lien avec son accident de travail. Plus précisément, la fonctionnaire demande que l’employeur la compense pour toutes les heures prévues à son horaire durant la période où elle était en congé pour accident de travail, et non seulement pour les huit heures pour lesquelles l’employeur l’a déjà compensée.

[52] L’employeur, quant à lui, prétend que la fonctionnaire n’a pas droit aux heures additionnelles qui étaient prévues à son horaire du 29 au 31 juillet 2015, car seules les heures additionnelles « effectuées » peuvent être versées au compte de congé compensatoire (voir la clause 2.2 de l’appendice « E » de la convention collective). Toutefois, l’employeur ne semble pas avoir examiné s’il était tenu de compenser la fonctionnaire pour les heures additionnelles en question selon la clause 36.01.

[53] Selon moi, deux questions doivent être tranchées dans le présent renvoi à l’arbitrage. La première porte à savoir si l’employeur devait inclure les heures additionnelles en question dans le calcul du congé payé pour accident de travail en vertu de la clause 36.01 de la convention collective. Deuxièmement, il s’agit de déterminer si, en vertu de la clause 2.2 de l’appendice « E », l’employeur était tenu de créditer les heures additionnelles non effectuées au compte de congé compensatoire de la fonctionnaire.

A. Analyse

1. Congé payé pour accident de travail

[54] La clause 36.01 de la convention collective prévoit qu’un employé victime d’un accident de travail aura droit à un congé payé, à la condition qu’une commission des accidents du travail de la province dans laquelle il exerce habituellement ses fonctions approuve sa réclamation déposée en vertu de la LIAÉ. Par souci de commodité, je reproduis ci-après l’extrait pertinent de la clause 36.01 :

36.01 L’employé-e bénéficie d’un congé payé pour accident de travail d’une durée fixée raisonnablement par l’Agence lorsqu’une réclamation a été déposée en vertu de la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État et qu’une commission des accidents du travail a informé l’Agence qu’elle a certifié que l’employé-e était incapable d’exercer ses fonctions en raison :

36.01 An employee shall be granted injury-on-duty leave with pay for such period as may be reasonably determined by the Agency when a claim has been made pursuant to the Government Employees’ Compensation Act, and a Workers’ Compensation authority has notified the Agency that it has certified that the employee is unable to work because of:

a) d’une blessure corporelle subie accidentellement dans l’exercice de ses fonctions et ne résultant pas d’un acte délibéré d’inconduite de la part de l’employé-e,

(a) personal injury accidentally received in the performance of his or her duties and not caused by the employee’s willful misconduct, or

ou

 

b) d’une maladie ou d’une affection professionnelle résultant de la nature de son emploi et intervenant en cours d’emploi, […]

(b) an industrial illness or a disease arising out of and in the course of the employee’s employment, ….

 

[55] L’employé dont la réclamation a été approuvée par l’autorité provinciale aura droit à son plein salaire, sous forme de congé payé, pour « une durée fixée raisonnablement par l’[employeur] ». Selon la politique du Conseil du Trésor concernant le congé pour accident du travail (la « politique »), cette durée est établie à 130 jours ouvrables comme suit :

[…]

3.4 Cessation du congé pour accident du travail

[…]

Si la durée totale du congé pour accident du travail accordé atteint 130 jours ouvrables, le ministère devrait examiner le cas de nouveau et décider s’il serait justifié ou non de prolonger le congé pour accident du travail au-delà de cette période.

[…]

 

[56] Bref, la demande sous la clause 36.01 de la convention collective commence avec le dépôt d’une réclamation en vertu de la LIAÉ. Il s’agit là de la première étape.

2. Le cadre de la LIAÉ

[57] L’objectif premier de la LIAÉ est d’offrir une indemnité à l’agent de l’État qui a subi un accident de travail ou est devenu invalide par suite d’une maladie professionnelle attribuable à la nature de son travail (voir l’alinéa 4(1)a) de la LIAÉ). Aux fins du présent renvoi à l’arbitrage, les parties s’entendent pour dire que la fonctionnaire est une agente de l’État au sens l’article 2 de la LIAÉ.

[58] Cela étant dit, la LIAÉ est silencieuse quant aux conditions d’admissibilité à l’indemnité pour accident de travail et les taux d’indemnisation. Sur ces questions, elle renvoie à la législation de la province où l’agent de l’État fédéral exerce habituellement ses fonctions :

[…]

Taux et conditions

Rate of compensation and conditions

4 (2) Les agents de l’État visés au paragraphe (1), quelle que soit la nature de leur travail ou la catégorie de leur emploi, et les personnes à leur charge ont droit à l’indemnité prévue par la législation — aux taux et conditions qu’elle fixe — de la province où les agents exercent habituellement leurs fonctions en matière d’indemnisation des travailleurs non employés par Sa Majesté — et de leurs personnes à charge, en cas de décès — et qui sont :

4 (2) The employee or the dependants referred to in subsection (1) are, notwithstanding the nature or class of the employment, entitled to receive compensation at the same rate and under the same conditions as are provided under the law of the province where the employee is usually employed respecting compensation for workmen and the dependants of deceased workmen, employed by persons other than Her Majesty, who

a) soit blessés dans la province dans des accidents survenus par le fait ou à l’occasion de leur travail;

(a) are caused personal injuries in that province by accidents arising out of and in the course of their employment; or

b) soit devenus invalides dans la province par suite de maladies professionnelles attribuables à la nature de leur travail.

(b) are disabled in that province by reason of industrial diseases due to the nature of their employment.

Compétence

Determination of compensation

(3) L’indemnité est déterminée :

(3) Compensation under subsection (1) shall be determined by

a) soit par l’autorité — personne ou organisme — compétente en la matière, pour les travailleurs non employés par Sa Majesté et leurs personnes à charge, en cas de décès, dans la province où l’agent de l’État exerce habituellement ses fonctions;

(a) the same board, officers or authority as is or are established by the law of the province for determining compensation for workmen and dependants of deceased workmen employed by persons other than Her Majesty; or

b) soit par l’autorité, judiciaire ou autre, que désigne le gouverneur en conseil.

(b) such other board, officers or authority, or such court, as the Governor in Council may direct.

[…]

[Je mets en évidence]

 

 

[59] Dans l’arrêt Martin c. Alberta (Workers’ Compensation Board), 2014 CSC 25, la Cour suprême du Canada a examiné le rapport entre la LIAÉ et les lois provinciales en matière d’accident de travail. Selon la Cour, l’intention du législateur était que l’admissibilité à l’indemnité et le taux d’indemnisation soient tous deux déterminés conformément à la législation provinciale applicable, sauf s’il y a conflit avec les dispositions de la LIAÉ, auquel cas cette dernière l’emporte comme suit :

[…]

[27] […] Aux termes du par. 4(2), les travailleurs fédéraux ont droit à l’indemnité aux taux et conditions que fixe la législation provinciale et, au par. 4(3), la LIAÉ délègue clairement à l’autorité provinciale la responsabilité de déterminer l’indemnité visée au par. 4(1). Les institutions et les lois provinciales fournissent donc la structure et les balises qui permettent de déterminer s’il y a lieu de verser une indemnité à un agent de l’État fédéral et, dans l’affirmative, d’en fixer le montant.

[…]

[35] Bref, l’historique législatif de la LIAÉ et les déclarations d’intention du législateur démontrent que l’intention n’a pas varié depuis 1918 : l’admissibilité à l’indemnité et le taux d’indemnisation sont tous deux déterminés conformément à la législation provinciale.

[…]

[39] […] Lorsqu’une disposition ou une politique provinciale entre directement en conflit avec la LIAÉ, cette dernière prime et rend inapplicable la disposition ou la politique provinciale aux travailleurs fédéraux. En l’absence de conflit, le régime provincial en matière d’accidents du travail s’applique. Quoi qu’il en soit, les autorités provinciales compétentes constituent les instances décisionnelles.

[…]

[Je mets en évidence]

 

[60] Les extraits cités ne laissent place à aucune ambiguïté. L’admissibilité des employés fédéraux à l’indemnité pour accident de travail et son montant sont déterminés par la législation provinciale applicable, conformément aux paragraphes 4(2) et (3) de la LIAÉ. Il s’agit là d’un régime d’indemnisation pour accident de travail de base, disponible pour tous les employés fédéraux assujettis à la LIAÉ.

3. La clause 36.01 de la convention collective opère dans le cadre établit par la LIAÉ

[61] Certes, l’employeur fédéral peut prévoir un régime de compensation pour accident de travail plus avantageux que celui qui existe sous la LIAÉ. C’est exactement ce que l’Agence a fait en acceptant d’incorporer dans la convention collective l’article 36 (Congé pour accident de travail). En vertu de ce dernier article, un employé assujetti à la clause 36.01 a droit de recevoir son plein salaire, pendant une durée fixée raisonnablement par l’Agence, au lieu d’une indemnité dont le taux est déterminé par la législation de la province où il exerce habituellement ses fonctions. Cela ne veut pas dire pour autant que la clause 36.01 peut faire cavalier seul. En effet, le droit au congé payé en cas d’accident de travail est soumis à un ensemble de règles clairement définies qui existent en dehors de la convention collective.

[62] Pour avoir droit au congé payé pour accident de travail, la clause 36.01 de la convention collective exige que l’employé dépose une réclamation en vertu de la LIAÉ. Par la suite, conformément aux paragraphes 4(2) et (3) de la LIAÉ, l’autorité provinciale compétente doit déterminer, en vertu de ses propres règles, si l’employé fédéral a été victime d’un accident de travail (voir Martin). Si elle rejette la réclamation, l’employé n’aura pas droit à la sécurité du revenu prévue à la clause 36.01 de la convention collective. Ainsi, pour bien comprendre la portée de la clause 36.01, il faut tenir compte du cadre législatif à l’intérieur duquel elle opère; elle ne peut pas être lue isolément. Sur ce, je partage les observations de l’arbitre de grief dans Vaughan, aux paragraphes 60 et 61 :

[60] La clause 40.01 de la convention collective s’inscrit dans le cadre législatif établi par la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État, L.R.C. (1985), ch. G-5 (LIAE), à laquelle elle renvoie. […]

[61] Bien que, dans la présente affaire, je ne sois appelé à interpréter ou à appliquer directement aucune disposition de la LIAE, je dois reconnaître comme contexte que le législateur souhaitait que les employés qui subissent une blessure dans l’exercice de leurs fonctions aient accès au régime de sécurité du revenu prévu dans les régimes provinciaux d’indemnisation des travailleurs et qu’ils en bénéficient. En ce sens, le fait qu’un employé blessé touche des prestations d’accident de travail et non un revenu directement de l’employeur ne pose en soi aucun problème. La mesure de l’obligation de l’employeur de remplacer des prestations d’accident de travail en offrant une sécurité du revenu directement à un employé est une question que régit la convention collective. Aux fins d’interprétation, cette convention n’est pas réputée remplacer le régime mis en place par le législateur dans la LIAE; elle doit plutôt être tenue comme s’appliquant dans les limites du cadre établi par la LIAE.

[Je mets en évidence]

 

[63] Je ne suis pas d’accord avec l’argument de l’employeur selon lequel ni la LIAÉ ni la LATMP ne s’appliquent dans le présent cas, considérant que la fonctionnaire a été compensée en vertu de la clause 36.01 de la convention collective. Tout d’abord, je note que l’employeur se contredit sur ce point. En effet, dans ses arguments écrits, l’employeur fait valoir ce qui suit : « […] l’article 36.01 de la convention collective […] réfère aux lois provinciales applicables. C’est un régime particulier qui inclut la participation d’une autorité provinciale. » En revanche, plus loin dans ses arguments écrits, l’employeur prétend tout le contraire : « La LIAÉ et la LATMP ne s’appliquent pas en l’espèce parce que Mme Bessette a reçu un congé payé […] en vertu de l’article 36.01 et non en vertu de la LIAÉ ou la LATMP. » Il m’est difficile de concilier ces positions contradictoires. Pour les motifs exposés précédemment, je détermine que la clause 36.01 de la convention collective opère dans le cadre législatif de la LIAÉ qui incorpore par renvoi des dispositions pertinentes de la législation provinciale en matière d’accident de travail (voir les paragraphes 4(2) et (3) de la LIAÉ). Par conséquent, le cadre législatif de la LIAÉ trouve toujours application aux fins d’interprétation.

4. Les protections offertes à l’article 36 de la convention collective ne peuvent pas être moins avantageuses que celles prévues par la LATMP

[64] Cela m’amène à la question suivante : l’employeur devait-il inclure les heures additionnelles dans le calcul du congé payé pour accident de travail en vertu de la clause 36.01 de la convention collective? Pour y répondre, je dois me référer au contexte de la LIAÉ dans lequel cette clause s’inscrit.

[65] Il n’est pas contesté qu’à l’époque pertinente, la fonctionnaire exerçait ses fonctions d’éclusière-pontière au Canal-de-Chambly, dans la province de Québec. Par conséquent, conformément aux paragraphes 4(2) et (3) de la LIAÉ, la CSST était l’autorité provinciale compétente pour statuer sur la réclamation de la fonctionnaire, déposée en vertu de la LIAÉ.

[66] L’admissibilité de la fonctionnaire à l’indemnité n’est pas contestée. La CSST a certifié qu’elle était incapable d’exercer ses fonctions en raison d’un accident de travail les 29, 30 et 31 juillet 2015. C’est plutôt le montant de l’indemnisation qui aurait dû lui être versé par l’employeur durant cette période d’invalidité en vertu de la clause 36.01 de la convention collective qui est en litige.

[67] Selon la LIAÉ, le montant de l’indemnité à verser à un employé fédéral ayant subi un accident de travail est déterminé selon le taux établi par la législation de la province où l’employé exerce habituellement ses fonctions. Dans le présent cas, considérant la durée relativement limitée de l’invalidité de la fonctionnaire, l’indemnité aurait été calculée selon la formule prévue aux articles 59 et 60 de la LATMP qui se lisent comme suit :

59. L’employeur au service duquel se trouve le travailleur lorsqu’il est victime d’une lésion professionnelle lui verse son salaire net pour la partie de la journée de travail au cours de laquelle ce travailleur devient incapable d’exercer son emploi en raison de sa lésion, lorsque celui-ci aurait normalement travaillé pendant cette partie de journée, n’eût été de son incapacité.

59. The employer of a worker at the time he suffers an employment injury shall pay him his net salary or wages for that part of the work day during which the worker becomes unable to carry on his employment by reason of his injury, where the worker would normally have worked during that part of the day had he not been disabled.

[…]

60. L’employeur au service duquel se trouve le travailleur lorsqu’il est victime d’une lésion professionnelle lui verse, si celui-ci devient incapable d’exercer son emploi en raison de sa lésion, 90% de son salaire net pour chaque jour ou partie de jour où ce travailleur aurait normalement travaillé, n’eût été de son incapacité, pendant les 14 jours complets suivant le début de cette incapacité.

60. The employer of a worker at the time he suffers an employment injury shall pay him, if he becomes unable to carry on his employment by reason of his injury, 90% of his net salary or wages for each day or part of a day the worker would normally have worked had he not been disabled, for 14 full days following the beginning of his disability.

[…]

[Je mets en évidence]

 

 

[68] Selon l’article 59 de la LATMP, l’indemnité qu’un employeur doit verser à un employé victime d’un accident du travail équivaut à son salaire net pour la période de la journée pendant laquelle l’employé n’a pas travaillé en raison de l’incapacité. L’utilisation de l’expression « […] aurait normalement travaillé pendant cette partie de journée, n’eût été de son incapacité […] » suggère que toutes les heures prévues à l’horaire de l’employé le jour de l’accident doivent être prises en compte lors du calcul de l’indemnité.

[69] Pour ce qui est de l’article 60 de la LATMP, il s’applique durant une période de 14 jours, à compter de la journée qui suit l’accident. Encore une fois, l’expression « […] aurait normalement travaillé, n’eût été de son incapacité […] », commande, selon moi, que le calcul de l’indemnité tienne compte de toutes les heures prévues à l’horaire de l’employé qu’il aurait travaillées, n’eût été de son accident. Cela englobe les heures supplémentaires.

[70] En effet, la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles et de sa prédécesseure, la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles du Québec, appuie cette interprétation. Les heures supplémentaires que l’employé aurait effectuées, n’eût été de son accident, doivent être prises en compte dans le calcul de l’indemnité en vertu de l’article 60 de la LATMP, s’il est démontré que l’employé les aurait effectivement travaillées, n’eût été de son incapacité. Dans Corbec Inc. c. Laberge, 2002 CanLII 70045 (QC CLP), la Commission des lésions professionnelles a réitéré, au par. 20, ce qui suit :

[…] la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles en la matière a établi que le travailleur a droit de recevoir l’indemnité de remplacement du revenu pour les heures supplémentaires qu’il aurait pu effectuer au cours des quatorze premiers jours suivant le début de son incapacité si la preuve démontre qu’il les aurait effectuées, n’eût été de la lésion professionnelle dont il a été victime.

 

Voir aussi Goodyear Canada Inc. c. Cadieux, 2001 CanLII 45000 (QC CLP); Komatsu International Inc. c. Girard, 1999 CanLII 25978 (QC CLP); Simard c. Sico Inc., 1995 CanLII 13985 (QC CALP); Collins c. Dansereau, 1986 CanLII 4189 (QC CALP).

[71] Il n’est pas contesté que la fonctionnaire aurait travaillé les heures additionnelles si elle n’avait pas été victime d’un accident de travail. En effet, les parties confirment dans l’énoncé conjoint des faits que, selon son horaire de travail, la fonctionnaire devait travailler neuf heures et demie par jour, les 29, 30 et 31 juillet 2015. Rien ne suggère le contraire.

[72] Enfin, le Guide de la CSST abonde dans le même sens. Le salaire brut utilisé pour le calcul de l’indemnité en vertu de la LATMP est établi en prenant en considération l’ensemble de la rémunération à laquelle le travailleur aurait eu droit s’il n’avait pas été victime d’un accident du travail, y inclus les heures supplémentaires. L’extrait pertinent du Guide de la CSST se retrouve à la section 2, page 23, et se lit comme suit :

[…]

Détermination du salaire brut

Salaire brut prévu au contrat de travail (prestation prévue de travail x taux horaire) en ajoutant toutes autres formes de rémunération (heures supplémentaires, pourboires, bonis, prime, commissions, etc.) reliées à la prestation de travail qui aurait été effectuée durant cette période.

[…]

[Je mets en évidence]

 

[73] Ce qui précède laisse peu de doute que les heures additionnelles que la fonctionnaire aurait travaillées les 29, 30 et 31 juillet 2015, n’eût été de son accident de travail, auraient été prises en compte dans le calcul de l’indemnité en vertu des articles 59 et 60 de la LATMP. Toutefois, qu’en est-il de ces heures additionnelles en vertu de la clause 36.01 de la convention collective? L’employeur devait-il en tenir compte dans le calcul du congé payé pour accident de travail? Je tiens à rappeler qu’en vertu de la clause 36.01, l’employeur s’est engagé à verser le plein salaire à l’employé victime d’un accident de travail, plutôt qu’une indemnité établie en vertu d’une législation provinciale. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre ce qui suit.

[74] Selon les documents versés au dossier, l’employeur a compensé la fonctionnaire en lui versant l’équivalant de son plein salaire pour huit heures de travail par jour, le tout en vertu de la clause 36.01 de la convention collective. Conformément au Code des heures de travail du groupe GL auquel appartient la fonctionnaire (voir l’appendice « B » de la convention collective), ces huit heures par jour correspondent aux heures régulières du groupe en question. En revanche, l’employeur a refusé de la compenser pour les heures additionnelles. Il s’appuie sur la clause 2.2 de l’appendice « E » selon laquelle seulement les heures « effectuées » peuvent être portées au crédit du compte de congé compensatoire de l’employé. Comme la fonctionnaire ne les a pas « effectuées », en raison de son accident de travail, elle ne peut pas en être compensée.

[75] L’employeur semble confondre le droit au congé payé pour accident de travail prévu à la clause 36.01 de la convention collective avec le droit de se faire créditer au compte de congés compensatoires les heures additionnelles selon le libellé de la clause 2.2 de l’appendice « E ». L’employeur aurait dû commencer par se demander si les heures additionnelles en question auraient dû être incluses dans le calcul du congé payé en vertu de la clause 36.01, interprétée à la lumière du cadre de la LIAÉ, ce qu’il n’a pas fait. Les arguments écrits de l’employeur déposés dans le cadre du présent renvoi se concentrent une fois de plus sur l’application de la clause 2.2 de l’appendice « E », tout en étant relativement muets sur la manière dont devrait être interprétée la clause 36.01.

[76] Comme je l’ai déjà mentionné, la clause 36.01 de la convention collective garantit aux employés ayant subi un accident de travail le maintien de leur plein salaire pendant « une durée fixée raisonnablement par l’[employeur] ». Il en ressort que les parties avaient l’intention d’offrir aux employés des protections plus avantageuses que celles qu’on retrouve dans les législations provinciales en matière d’accident de travail, en l’occurrence la LATMP. D’ailleurs, il y a une présomption selon laquelle les parties étaient au courant des protections minimales offertes par la LATMP lorsqu’elles ont négocié l’article 36 (voir Grand River Foods Ltd. v. UFCW, Local 1518 (Atwal), 2023 CarswellBC 500, aux paragraphes 64 et 65; Ontario English Catholic Teachers’ Association v. Ontario Catholic School Trustees’ Association, 2022 CanLII 24927 (ON LA), au par. 79; Pacific Press v. G.C.I.U., Local 25-C, 1995 CarswellBC 3177, au par. 27). D’ailleurs, l’employeur admet dans ses arguments écrits que la clause 36.01, qui constitue un régime particulier, renvoie aux lois provinciales applicables.

[77] Je ne peux pas accepter que les parties avaient l’intention de négocier l’article 36 de la convention collective dans le but de fournir des protections moins avantageuses que celles stipulées dans la LATMP. Par conséquent, je détermine que la clause 36.01 ne peut pas être interprétée comme offrant une protection moindre que celle prévue aux articles 59 et 60 de la LATMP, en excluant du calcul du congé payé pour accident de travail les heures additionnelles que la fonctionnaire aurait effectuées, n’eût été de son accident de travail certifié par la CSST.

[78] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que selon la clause 36.01 de la convention collective, interprétée à la lumière du cadre établi par la LIAÉ, l’employeur était tenu d’ajouter dans le calcul du congé payé les heures additionnelles prévues à l’horaire de la fonctionnaire pour les 29, 30 et 31 juillet 2015, qu’elle aurait travaillées, n’eût été de son accident de travail. En refusant de le faire, l’employeur a contrevenu à la clause 36.01.

5. La clause 2.2 de l’appendice « E » de la convention collective n’est pas un régime de compensation pour accident de travail

[79] La fonctionnaire fait valoir que l’employeur était tenu, en vertu de la clause 2.2 de l’appendice « E » de la convention collective, de créditer les heures additionnelles qu’elle aurait effectuées les 29, 30 et 31 juillet 2015, n’eut été de son accident de travail, à son compte de congé compensatoire. Quoique, pour les motifs exposés ci-dessus, j’ai conclu que l’employeur devait inclure dans le calcul du congé payé les heures additionnelles en question en vertu de la clause 36.01, je ne crois pas qu’il était obligé de les créditer au compte en question.

[80] Je suis d’accord avec l’employeur que la clause 2.2 de l’appendice « E » de la convention collective ne concerne pas la compensation d’un employé pour accident de travail. Elle établit plutôt une formule d’étalement des gains sur l’année en ce qui a trait aux employés opérationnels de canaux. En résumé, cette clause prévoit que les « heures effectuées » en sus de 80 heures dans une période de 2 semaines sont portées au crédit du compte de congé compensatoire de l’employé. L’extrait pertinent de cette clause se lit comme suit :

2.2 a) En vue d’étaler les gains sur l’année, l’employé-e touche quatre-vingts (80) heures de rémunération pour chaque période de deux (2) semaines lorsqu’il ou elle est au travail ou en congé payé approuvé, sous réserve des rajustements jugés nécessaires au cours des trois (3) derniers mois de l’année financière. Toutes les heures effectuées en sus de quatre-vingts (80) dans une période de deux (2) semaines sont portées au crédit du compte de congé compensateur de l’employé-e.

2.2 (a) In order to equalize earnings over the year, an employee shall be paid eighty (80) hours for each two (2)-week period when the employee is at work, or on approved leave with pay, subject to such adjustments as may be necessary during the last three (3) months of the fiscal year. All hours worked which are in excess of eighty (80) in a two (2)-week period, shall be credited to the employee’s compensatory leave account.

[…]

[Je mets en évidence]

 

 

[81] En somme, pour être créditées au compte de congé compensatoire, les heures additionnelles doivent être travaillées. Or, la fonctionnaire ne conteste pas que, quoique ces heures étaient prévues à son horaire, elle ne les a pas travaillées.

[82] J’en conviens avec l’employeur que l’expression « heures effectuées » à la clause 2.2 de l’appendice « E » de la convention collective est claire, non ambiguë, et laisse peu de place à l’interprétation. En effet, si les parties n’avaient pas l’intention que seules les heures travaillées puissent être portées au crédit du compte de congé compensatoire, elles n’auraient pas opté pour un langage si restrictif. Comme le suggère l’employeur, les parties avaient la possibilité de choisir une formulation moins contraignante dans le cadre de la négociation de la clause 2.2 de l’appendice « E ». Par exemple, elles auraient pu utiliser la formule « normalement prévues à l’horaire », comme elles l’ont fait aux clauses 31.01 et 44.02 de la convention collective. Or, elles ne l’ont pas fait. Par conséquent, je ne peux que conclure qu’en insérant le mot « effectuées » après « heures », les parties avaient l’intention de limiter la portée du libellé de la clause 2.2a) aux heures réellement travaillées (voir Guérette, aux paragraphes 59 à 61).

[83] En effet, selon les règles applicables à l’interprétation des conventions collectives, je dois présumer que les parties avaient l’intention de dire ce qui est écrit dans la convention collective (voir Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, Chapter 4 – the collective agreement, 5th edition, § 4 :20). La fonctionnaire n’a pas réussi à renverser cette présomption.

[84] L’exception prévue à l’article 8 de l’appendice « E » de la convention collective confirme l’intention des parties de limiter la portée de la clause 2.2 de l’appendice « E » aux heures effectuées seulement, aux fins du compte de congé compensatoire. En résumé, cet article prévoit une dérogation expresse à la clause 2.2a) en précisant que l’équivalent des heures supplémentaires prévues à l’horaire d’un employé incapable de les effectuer en raison d’une maladie seront déduites de ses crédits de congé de maladie et transférées à son compte de congé compensatoire. Par souci de commodité, je reproduis ci-après le libellé de l’article 8 de l’appendice « E » dans son intégrité :

8. Pendant la saison de navigation dans les canaux, les employé-e-s incapables de travailler en raison d’une maladie bénéficient, aux fins de leur congé compensatoire, d’un congé de maladie imputé sur leurs crédits accumulés de congé de maladie calculé heure pour heure du temps supplémentaire prévu comme devant être effectué; ce congé de maladie est transféré des crédits de congé de maladie accumulés aux crédits de congé compensatoire accumulés et ne peut donner lieu à une extension ou à un paiement en espèces.

8. During canal navigation season, employees unable to work because of illness, will be granted sick leave for compensatory leave purposes from their accumulated sick leave credits on an hour-for-hour basis of extra time scheduled to be worked; such sick leave will be transferred from accumulated sick leave credits to accumulated compensatory leave credits and is not subject to expansion or cash payment.

 

[85] Les parties n’ont pas inclus une exception similaire à la clause 2.2 dans l’appendice « E » de la convention collective en ce qui a trait aux accidents de travail. Cela pourrait s’expliquer par le fait que la compensation des employés victimes d’un accident de travail est assujettie aux modalités et conditions distinctes prévues sous le régime de l’article 36.

[86] Je ne suis pas d’accord avec la fonctionnaire que le terme « maladie » à l’article 8 de l’appendice « E » de la convention collective peut être interprété comme incluant « accident de travail ». Tout d’abord, les parties distinguent clairement dans la convention collective « maladie » et « accident de travail ». L’article 36 de la convention collective fait spécifiquement référence à un congé payé pour « accident de travail » au lieu de « maladie ». Les congés pour « accident de travail » obéissent à des règles complètement différentes de celles applicables aux congés de « maladie », comme il a été détaillé précédemment dans cette décision. De plus, en présumant que lors des négociations les parties ont eu à l’esprit les différents termes utilisés dans la convention collective, elles auraient pu ajouter à l’article 8 de l’appendice « E » l’expression « ou d’un accident de travail » tout de suite après l’expression « en raison d’une maladie ». Or, elles ne l’ont pas fait. Elles auraient pu ajouter un article à part pour créer une exception à l’application de la clause 2.2 de l’appendice « E », comme elles ont fait en insérant l’article 8 de l’appendice « E ». Or, elles ont choisi de ne pas le faire.

[87] Enfin, accepter la position de la fonctionnaire selon laquelle le terme « maladie », dans le contexte de l’article 8 de l’appendice « E » de la convention collective, inclut « accident de travail » donnerait lieu à une situation de trop-payé, comme l’a allégué l’employeur. Plus précisément, la fonctionnaire aurait droit à une pleine compensation pour les heures additionnelles en vertu de l’article 36 et, de surcroît, se verrait créditer des heures additionnelles non travaillées au compte de congé compensatoire, selon la formule établie à l’article 8 de l’appendice « E ». Je ne crois pas que telle était l’intention des parties. Enfin, l’article 33 de la convention collective auquel renvoie la fonctionnaire ne change en rien la signification du terme « maladie » à l’article 8 de l’appendice « E ». Lu dans son ensemble, l’article 33 ne fait que confirmer que les parties avaient l’intention de distinguer le terme « maladie » de l’expression « accident de travail » et de les assujettir à des régimes de compensation distincts. La politique confirme que les termes « maladie » et « accident de travail » sont considérés comme distincts, chacun étant régi par des règles spécifiques.

[88] Je rejette également l’argument de la fonctionnaire selon lequel les employés en congé de maladie bénéficieraient d’une compensation supérieure que les employés en congé pour accident de travail. Selon moi, ces deux catégories d’employés bénéficient des protections similaires, en vertu des régimes distincts. Selon la clause 36.01 de la convention collective, pour les motifs exposés ci-dessus, un employé dans la même situation que la fonctionnaire aurait droit d’être indemnisé pour les heures additionnelles qu’il aurait travaillées, n’eût été de son accident de travail, sous forme d’un congé payé. Aucun crédit ne serait débité de sa banque de congé de maladie. En revanche, un employé incapable de faire des heures additionnelles en raison d’une maladie aura droit de se faire créditer ces heures au compte de congé compensatoire à condition qu’il possède suffisamment de crédits de congé de maladie. S’il n’en détient pas assez, il ne pourrait pas se faire créditer ces heures supplémentaires. Dans un tel contexte, cet employé serait dans une situation moins avantageuse qu’un employé compensé en vertu de la clause 36.01. Bref, il s’agit de deux régimes de compensation différents, qui opèrent selon des règles qui leur sont propres.

[89] Je ne peux pas modifier la clause 2.2 de l’appendice « E » de la convention collective en y ajoutant un droit que les parties n’ont pas inclus lors des négociations (voir l’article 229 de la Loi et Delios c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 117, au par. 34). Or, c’est exactement ce que la fonctionnaire me demande de faire. Le libellé de la clause 2.2a) de l’appendice « E » est clair, sans équivoque et cohérent avec d’autres dispositions de la convention collective (voir Guérette). Les employés victimes d’un accident de travail sont compensés en vertu de la clause 36.01. Quant à la clause 2.2a) de l’appendice « E », elle permet aux employés opérationnels de canaux d’étaler leurs gains sur l’année, selon la formule et les conditions qui y sont prévues.

[90] Considérant que la fonctionnaire ne m’a pas persuadé que l’employeur était tenu de porter ses heures additionnelles au crédit de son compte de congé compensatoire en vertu de la clause 2.2a) de l’appendice « E » de la convention collective, je rejette donc cette partie du grief.

[91] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[92] Le grief est accueilli en partie.

[93] L’employeur doit compenser intégralement la fonctionnaire pour les heures additionnelles qu’elle aurait travaillées les 29, 30 et 31 juillet 2015, n’eût été de son accident de travail.

[94] La partie du grief demandant que l’employeur crédite les heures additionnelles en question au compte de congé compensatoire de la fonctionnaire en vertu de la clause 2.2a) de l’appendice « E » de la convention collective est rejetée.

Le 10 mai 2024.

Adrian Bieniasiewicz,

une formation de la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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