Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a été renvoyé en cours de stage à partir d’un poste de stagiaire dans le cadre du programme de perfectionnement des agents stagiaires de l’employeur, classifié au groupe et au niveau FB-02 – il a déposé des griefs contre le renvoi en cours de stage – l’employeur a soutenu que la Commission n’avait pas compétence, puisque le renvoi en cours de stage était un licenciement en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; LEFP) – l’enquête de l’employeur a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé avait sciemment tenté d’éviter de payer des taxes sur des pièces automobiles importées – il a reçu une lettre exposant les motifs du renvoi en cours de stage pendant la période de stage et a reçu une rémunération tenant lieu d’avis, comme l’exige la LEFP – le fonctionnaire s’estimant lésé a répondu que le renvoi en cours de stage constituait une mesure disciplinaire entraînant un congédiement ou une sanction pécuniaire et qu’il n’y avait pas de motif légitime lié à l’emploi pour le renvoi en cours de stage, qui a été fait de mauvaise foi – la Commission a estimé que le renvoi en cours de stage était fondé sur un motif lié à l'emploi et qu'il ne s'agissait pas d'un subterfuge, d'un camouflage ou d'une décision prise de mauvaise foi – la lettre de renvoi en cours de stage indiquait que le motif lié à l’emploi du rejet était une tentative délibérée d’éviter de payer des taxes sur des pièces automobiles importées – cela était étayé par la preuve présentée à l’audience – la Commission a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé avait fait une fausse déclaration à la frontière, ce qui était un motif valable lié à l’emploi qui justifiait un renvoi en cours de stage – cela représentait un manquement au devoir – le fonctionnaire s’estimant lésé a soutenu que le renvoi en cours de stage avait été fait de mauvaise foi parce que l’employeur avait abordé l’enquête avec un esprit fermé – cela a été corrigé par une audience de novo devant la Commission – le fonctionnaire s’estimant lésé a accusé l’employeur d’avoir causé un retard important dans la conduite de l’enquête et de retarder l’imposition du renvoi en cours de stage – selon lui, le retard était une preuve de mauvaise foi de la part de l’employeur – l’employeur a pris 14 mois à compter de la date à laquelle sa cote de fiabilité a été révoquée jusqu’à la date du renvoi en cours de stage – la Commission a conclu qu’il s’agissait d’un délai excessif – toutefois, cela ne constituait pas un subterfuge ou un camouflage; cela n’a pas non plus été fait de mauvaise foi – le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas établi que le renvoi en cours de stage avait été fait pour un motif autre que lié à l’emploi – la Commission n’avait pas compétence sur les griefs.

Objection accueillie.
Griefs rejetés.

Contenu de la décision

Date: 20240419

Dossiers: 566‐02‐12947 et 566‐02‐12948

 

Référence: 2024 CRTESPF 56

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

Entre

 

Mathieu Dupuis‐beauchesne

fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(Agence des services frontaliers du Canada)

 

employeur

Répertorié

Dupuis‐Beauchesne c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada)

Affaire concernant les griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

Devant : Chantal Homier‐Nehmé, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Kim Patenaude, avocate

Pour l’employeur : Marc Séguin, avocat

Affaire entendue à Toronto (Ontario)

les 8 et 9 juillet 2021 et du 18 au 20 octobre 2022.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

[1] Mathieu Dupuis‐Beauchesne, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a été renvoyé en cours de stage de son poste de stagiaire au Programme de perfectionnement des agents stagiaires (le « PPAS ») classifié au groupe et niveau FB‐02, de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’« employeur », l’« Agence » ou l’« ASFC ») pour avoir sciemment tenté d’éviter de payer les taxes sur des pièces d’automobile importées. L’employeur a soutenu que les actes du fonctionnaire étaient incompatibles avec ses fonctions de stagiaire dans le cadre du PPAS. Le 20 septembre 2016, le fonctionnaire a renvoyé à l’arbitrage ses griefs visant son renvoi en cours de stage.

[2] L’employeur a soutenu que la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») n’a pas compétence sur la présente affaire, étant donné que le renvoi en cours de stage constitue un licenciement en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; « LEFP »). Le fonctionnaire s’est vu remettre une lettre l’informant des motifs du renvoi en cours de stage pendant la période de stage, ainsi qu’une rémunération tenant lieu d’avis, conformément aux exigences de la LEFP. En vertu de l’art. 211 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; « LRTSPF »), un grief portant sur un tel licenciement ne peut être renvoyé à la Commission pour arbitrage.

[3] Le fonctionnaire a répondu que ses griefs visant son renvoi en cours de stage relève des paramètres de l’al. 209(1)b) de la LRTSPF et qu’ils constituent une mesure disciplinaire donnant lieu à un licenciement ou à une sanction pécuniaire. Il a soutenu que son licenciement constituait une mesure disciplinaire déguisée et que, par conséquent, la Commission a compétence pour instruire la présente affaire. Il a fait valoir qu’il n’y avait aucun motif légitime lié à l’emploi pour le renvoi en cours de stage, lequel a été fait de mauvaise foi.

[4] Pour les motifs qui suivent, l’objection de l’employeur est accueillie. Je conclus que le renvoi en cours de stage du fonctionnaire a été effectué en vertu de l’art. 62 de la LEFP et pour un motif légitime lié à l’emploi. Par conséquent, la Commission n’a pas compétence pour l’instruire.

II. Résumé de la preuve

A. La formation relative au Code de valeurs et d’éthique du secteur public et au Code de conduite de l’Agence

[5] Le fonctionnaire s’est vu offrir une nomination à temps plein pour une durée indéterminée au groupe et niveau FB‐02, à compter du 12 janvier 2015. La lettre d’offre était signée par Jennifer Richens, directrice générale intérimaire de la Direction de la formation et du perfectionnement de la Direction générale des ressources humaines de l’ASF. La nomination était subordonnée à la signature par le fonctionnaire de l’annexe A de la lettre et au respect de toutes ses exigences. Notamment, la lettre faisait référence au Code de valeurs et d’éthique du secteur public et au Code de conduite et à la politique sur les conflits d’éthique de l’ASFC. Elle précisait que la période de stage était d’un an ou la durée du PPAS, selon la période la plus longue, à l’exclusion de toute période de congé non payé. Le fonctionnaire a signé et accepté l’offre le 18 décembre 2014. Le même jour, il a prêté le serment qu’il s’acquitterait fidèlement et honnêtement les fonctions d’employé de la fonction publique fédérale du Canada.

[6] Mme Richens a témoigné longuement au sujet du PPAS. Les stagiaires suivent une formation de 18 semaines en résidence dans le domaine des douanes et de l’immigration et sont formés aux inspections primaires et aux inspections secondaires. Le programme englobe une formation éthique, théorique et pratique. Le fonctionnaire a suivi une formation sur l’obligation de divulguer l’importation et l’exportation personnelles de marchandises et sur la façon d’effectuer des perquisitions. Lorsqu’un stagiaire devient un agent des services frontaliers (ASF), il est chargé du passage sécuritaire des marchandises et des services légitimes et des personnes au Canada. Ils sont le premier contact avec le Canada et on s’attend à ce qu’ils s’acquittent de leurs fonctions avec intégrité. Ils sont les gardiens de l’Agence et, à ce titre, sont tenus de respecter des normes élevées. Il est de la plus haute importance qu’ils soient dignes de confiance et responsables. L’ensemble du PPAS est axé sur ces valeurs. La formation du PPAS comporte un volet éthique que tous les stagiaires doivent réussir avant de devenir des ASF à durée indéterminée.

[7] Mme Richens a expliqué que les stagiaires apprennent à interagir avec les voyageurs et à peaufiner leur lecture du langage corporel pour déterminer si un voyageur dit la vérité. Ils développent des capacités d’interrogation pour obtenir des renseignements des voyageurs. Leur objectif consiste principalement à appliquer les lois applicables en matière de douanes et d’immigration, mais également les lois commerciales. Les stagiaires ont le pouvoir de saisir des marchandises ou d’imposer des sanctions, selon la situation.

[8] Elle a décrit la différence entre les lignes d’inspection primaire et secondaire. La ligne d’inspection primaire est le premier point de contact, où les voyageurs doivent expliquer la nature de leur voyage, les marchandises qui sont rapportées et leur valeur. Les stagiaires doivent déterminer si le voyageur est une personne légitime qui revient avec des marchandises légitimes et s’il satisfait au seuil d’exemption personnelle pour les taxes et les droits. Il incombe au voyageur de divulguer la valeur des marchandises et d’effectuer les ajustements monétaires nécessaires. Le voyageur doit être préparé et avoir les documents justificatifs concernant la valeur des marchandises.

[9] S’il existe un soupçon ou un autre indicateur que le voyageur dissimule des marchandises ou qu’il ne dit pas la vérité, il est renvoyé vers la ligne d’inspection secondaire. La ligne d’inspection secondaire permet en examen approfondi de ce que le voyageur a divulgué au départ. La ligne d’inspection secondaire se trouve dans une zone distincte qui n’entrave pas la circulation de la ligne d’inspection primaire. Elle a pour objet de permettre une enquête plus approfondie.

[10] Mme Richens a souligné que l’intégrité des ASF de l’Agence est de la plus haute importance et qu’il est essentiel que les valeurs et l’éthique des ASF concordent avec celles du gouvernement du Canada. Le PPAS et la lettre d’offre le mentionnaient explicitement au fonctionnaire. Le comportement attendu d’honnêteté et d’intégrité constitue une condition d’emploi. À son avis, ses actes témoignaient d’un manque d’honnêteté et d’intégrité.

[11] Pour Mme Richens, la période de stage a pour objet de s’assurer que l’employé proposé satisfait aux exigences de l’emploi, qu’il est la bonne personne pour faire le travail et qu’il possède les connaissances, les compétences et les habiletés requises. Le guide du PPAS définit les exigences, la durée du programme et la façon dont le stagiaire quitte le programme, entre autres choses. Si un stagiaire ne satisfait pas aux exigences du programme, son statut au moment de son admission au programme détermine sa sortie du programme. Pour les recrues comme le fonctionnaire qui entrent dans le programme à partir de l’extérieur de la fonction publique, l’administrateur général peut établir qu’elles sont renvoyées en cours de stage si elles ne satisfont pas aux exigences du programme. Toutes les recrues sont tenues de prêter le serment qu’elles s’acquitteront fidèlement et honnêtement des fonctions qui leur sont confiées en raison de leur emploi. Dans le cas du fonctionnaire, l’administrateur général a déterminé qu’il avait manqué au serment et il a été renvoyé en cours de stage.

B. La cote de fiabilité du fonctionnaire a été suspendue et rétablie par la suite, mais l’Agence a procédé à une enquête administrative

[12] Le 9 janvier 2015, le fonctionnaire a été informé que son autorisation sécuritaire avait été suspendue. Comme il s’agit d’une condition d’emploi, il n’a pas pu commencer à travailler à la date indiquée dans sa lettre d’offre. Elle a informé le fonctionnaire qu’il pouvait communiquer avec Elizabeth Whalen, gestionnaire du PPAS de la Direction générale des ressources humaines de l’ASFC, pour obtenir des renseignements supplémentaires. Mme Whalen était l’homologue de David Akerley dans le cadre du traitement du recrutement du PPAS. Le fonctionnaire a été informé que si sa cote de fiabilité n’était pas rétablie, l’offre d’emploi serait annulée.

[13] Mme Richens se souvenait d’avoir signé la lettre énonçant la suspension sans solde pour une période indéterminée. Elle informait le fonctionnaire qu’une enquête administrative serait lancée relativement à un incident qui a eu lieu le 29 décembre 2014, concernant des allégations selon lesquelles il aurait sciemment évité de payer des droits et que l’Agence avait effectué un recouvrement forcé à son point d’entrée à Prescott, en Ontario. Dans la lettre, il était allégué que le fonctionnaire avait fait une fausse déclaration et qu’il avait sous‐évalué des pièces d’automobile (pare‐chocs arrière) qu’il avait importées pour son véhicule. Il a indiqué que la valeur était de 250 $ US. Ce n’est qu’après que l’ASF a insisté qu’il a déclaré que la valeur réelle du pare‐chocs était de 599 $ US. Compte tenu de la nature des allégations et de ses fonctions de stagiaire, l’Agence avait de sérieuses préoccupations quant à l’intégrité du fonctionnaire. Plus particulièrement, Mme Richens a écrit que ces actes contrevenaient à l’article 3 du Code de valeurs et d’éthique du secteur public et aux articles 4 et 12 du Code de conduite de l’Agence.

[14] L’enquête préliminaire menée par M. Akerley, gestionnaire du PPAS de la Direction générale des ressources humaines de l’ASFC, a déterminé qu’une enquête administrative complète menée par l’équipe d’enquête interne de l’Agence était justifiée. Le fonctionnaire venait de terminer avec succès 22 semaines de formation. Pour Mme Richens, le fait que son intégrité ait été remise en question justifiait une enquête administrative complète afin de déterminer si le lien de confiance avait été rompu. L’enquête a été effectuée pendant qu’il était suspendu sans solde.

[15] L’enquête a révélé que le fonctionnaire avait sous‐déclaré une pièce d’automobile et qu’il n’avait aucun document à l’appui de sa demande lorsqu’il est arrivé au point d’entrée de l’ASFC situé à Prescott. Le fonctionnaire savait qu’il lui incombait de fournir des documents justificatifs. Il avait suivi une formation à cet égard. En tant que stagiaire, il devait respecter des normes élevées. Mme Richens a expliqué que ce n’était pas la déclaration sous‐évaluée qui posait problème, mais le fait que le fonctionnaire avait potentiellement menti à un ASF collègue. L’Agence est responsable de la sûreté et de la sécurité du Canada, et ses agents sont tenus de respecter des normes élevées.

[16] Le fonctionnaire avait récemment suivi une formation sur le [traduction] « Code de conduite révisé : 2012 – Bureau des valeurs et de l’éthique – Version : juin 2014 ». Il était au courant des attentes d’un stagiaire en ce qui concerne la conduite privée, en dehors des heures de travail et en dehors des activités de l’Agence, ainsi que de la nécessité de respecter ces valeurs. En tout temps, les stagiaires doivent se comporter avec respect, intégrité et professionnalisme. Ils sont toujours des agents, qu’ils soient en service ou non. Cet incident a été considéré comme un problème d’intégrité en dehors des heures de travail. La lettre faisait état d’un manquement au devoir parce qu’elle décrit la conduite attendue de tous les employés de l’ASFC. En tant que stagiaire ou qu’ASF, un employé doit connaître et toujours respecter les lois, règles, règlements et politiques applicables. Le fonctionnaire venait tout juste de terminer le PPAS; il était au courant des questions qui seraient posées lorsqu’il traverserait la frontière et les aurait connues. Il aurait su que l’agent chercherait des indicateurs et aurait été conscient des conséquences de faire une fausse déclaration. Pour Mme Richens, il était inconcevable que le fonctionnaire mette en péril son poste au début de sa carrière pour un montant aussi faible. Pour elle, il y a eu manquement au devoir, et c’est la raison pour laquelle elle l’a mentionné dans la lettre.

[17] Mme Richens a ensuite fait référence à l’article 3 du Code de valeurs et d’éthique du secteur public, qui était également mentionné dans la lettre qui a informé le fonctionnaire de sa suspension. L’intégrité est la pierre angulaire de la gouvernance, et les normes éthiques exigées d’un fonctionnaire comprennent la préservation et le renforcement de l’honnêteté du secteur public fédéral et le fait d’agir toujours avec intégrité. D’autres membres du public qui présentent une sous‐déclaration sont passibles de sanctions; il en va de même des employés de l’ASFC.

[18] En contre‐interrogatoire, Mme Richens a été interrogée sur la chronologie de la suspension de la cote de fiabilité du fonctionnaire et de sa suspension sans solde en attendant le résultat de l’enquête administrative. Son autorisation sécuritaire a été suspendue le 5 janvier 2015, puis rétablie le 20 février 2015. La suspension sans solde pendant l’enquête administrative a débuté le 23 mars 2015. Elle n’a pas participé à l’enquête sur la cote de fiabilité du fonctionnaire. Ces questions sont traitées par la Direction de la sécurité (la « Sécurité ») de l’ASFC.

[19] En contre‐interrogatoire, Mme Richens a déclaré qu’elle était au courant de la lettre du 20 février 2015 concernant le rétablissement de la cote de fiabilité du fonctionnaire qui a eu lieu après qu’il a expliqué les événements survenus le 29 décembre 2014. Elle a indiqué qu’il avait été déterminé qu’une enquête administrative était néanmoins nécessaire pour mieux comprendre ce qui s’était passé.

[20] M. Akerley a mené l’enquête administrative. Mme Richens s’est souvenue qu’une réunion de l’équipe de gestion avait été tenue avec les Ressources humaines et la Sécurité pour discuter des éléments qui avaient été découverts à ce moment‐là et qu’il avait été décidé de procéder à une enquête administrative complète. Ils ont discuté de la réfutation du fonctionnaire, datée du 14 janvier 2015, à l’enquête en matière de sécurité. Personne n’a estimé qu’il était nécessaire de le consulter de nouveau pour vérifier quoi que ce soit concernant sa réfutation. La direction a conclu qu’une enquête administrative était nécessaire, même si la Sécurité recommandait de rétablir la cote de fiabilité du fonctionnaire. La direction a décidé qu’elle devait comprendre ce qui s’était passé, au niveau de base. À compter de la mi‐août 2015, Mme Richens ne participait plus à l’enquête.

[21] En contre‐interrogatoire, Mme Richens a été interrogée au sujet des mesures de suivi qu’elle avait prises à l’égard de l’enquête administrative. Elle a confirmé qu’elle n’avait pas été tenue au courant de l’enquête et que les enquêteurs étaient indépendants. Ils n’ont pas discuté de leurs constatations avec elle. L’ensemble des renseignements recueillis dans le cadre de l’enquête en matière de sécurité et de l’enquête administrative a servi de fondement à la décision finale de renvoyer le fonctionnaire en cours de stage.

[22] Elle a déclaré qu’elle avait fait un suivi général de l’enquête administrative. Il ne s’agissait pas de la seule enquête administrative à laquelle elle participait au sein de la Sécurité. Il y avait toujours plusieurs choses qui se déroulaient, et elle se rappelait que la Sécurité manquait de personnel et qu’il s’agissait d’une période occupée pour la Sécurité. Elle a convenu que l’enquête avait pris plus de temps que ce qu’on aurait souhaité, mais la Sécurité se targue de sa rigueur et souhaitait s’assurer que le rapport produit était complet.

C. L’enquête administrative a révélé que le fonctionnaire avait sciemment tenté d’éviter de payer les taxes sur des pièces d’automobile importées

[23] L’employeur a cité l’ASF Trevor Kennedy à témoigner. Le 29 décembre 2014, il était l’ASF primaire au point d’entrée de Prescott de l’ASFC. En tant que premier point de contact pour les personnes arrivant au Canada, un ASF primaire a une liste de questions à poser aux voyageurs lorsqu’ils font leur déclaration. Il s’agit de questions incitatives visant à généraliser la rencontre avec la personne; par exemple, la durée de l’absence de la personne, la question de savoir si elle est une citoyenne canadienne, le but de sa visite et la question de savoir si elle a des substances contrôlées ou des achats à déclarer. Grâce à ces renseignements, l’ASF décide s’il convient de renvoyer la personne à la ligne d’inspection secondaire ou de lui permettre d’entrer au Canada.

[24] Il n’y a généralement pas beaucoup d’interaction entre l’ASF à la ligne d’inspection primaire et le conducteur du véhicule qui souhaite entrer au Canada. Habituellement, c’est routinier; le conducteur fournit une déclaration au nom de tous les voyageurs dans le véhicule et répond aux questions de l’ASF primaire. Les réponses permettent de déterminer si l’ASF laissera partir la personne ou l’enverra à la ligne d’inspection secondaire pour le paiement obligatoire des droits lorsque l’ASF soupçonne une contravention possible aux règles. Si un ASF a des motifs raisonnables de croire qu’une infraction à la Loi sur les douanes (L.R.C. (1985), ch. 1 (2suppl.)) a eu lieu, il peut procéder à une enquête plus approfondie.

[25] Le 29 décembre 2014, l’ASF Kennedy a vu le fonctionnaire arriver à la ligne d’inspection primaire dans son Jeep. Il a posé au fonctionnaire les questions habituelles. L’ASF Kennedy se souvient que le fonctionnaire a déclaré qu’il vivait à Gatineau, au Québec, à l’époque et qu’il était allé chercher un colis à un comptoir postal. Il a déclaré que la valeur d’un pare‐chocs de Jeep était d’environ 250 $ US. M. Kennedy avait des doutes quant à la valeur que le fonctionnaire avait déclarée. Lorsqu’un soupçon survient au sujet d’une déclaration, un renvoi obligatoire est effectué à la ligne d’inspection secondaire aux fins d’un interrogatoire plus approfondi au sujet du paiement des droits et des taxes.

[26] L’ASF Kennedy a expliqué qu’en 2014, un formulaire de renvoi à la ligne d’inspection secondaire était appelé un renvoi « E‐67 ». Il a renvoyé le fonctionnaire à la ligne d’inspection secondaire et a rempli le formulaire E‐67. Selon les circonstances, l’ASF Kennedy aurait exercé son pouvoir discrétionnaire pour transmettre le formulaire à l’agent à la ligne d’inspection secondaire ou pour le remettre au voyageur pour qu’il le remette à l’agent à la ligne d’inspection secondaire; il s’agissait dans les deux cas de pratiques acceptables. Dans le cas du fonctionnaire, il ne se souvient pas de ce qu’il a fait avec le formulaire de renvoi. Il a renvoyé le fonctionnaire à la ligne d’inspection secondaire parce qu’il soupçonnait qu’il avait sous‐évalué le pare‐chocs. L’ASF Kennedy a déclaré qu’il avait une expérience importante en matière de pièces d’automobiles importées. D’après son expérience de travail à plusieurs autres points d’entrée, selon son évaluation, le fonctionnaire avait sous‐évalué la pièce.

[27] L’ASF Kennedy a fondé son évaluation de la valeur de l’objet sur son expérience au cours de sa carrière. Le montant déclaré par le fonctionnaire ne semblait pas correct. Il semblait bas. L’ASF Kennedy s’est rappelé que la conversation avec le plaignant avait duré quelques minutes. Il a posé des questions supplémentaires au fonctionnaire. Il a demandé au fonctionnaire s’il avait un reçu. Le fonctionnaire n’en avait pas. L’ASF Kennedy demande toujours systématiquement une preuve de la valeur de l’article importé. L’absence de preuve du voyageur soulève des questions quant à la véracité. L’ASF Kennedy souhaitait confirmer la déclaration du fonctionnaire selon laquelle il n’y avait rien de douteux.

[28] L’ASF Kennedy ne se souvenait pas du comportement du fonctionnaire. Son interaction avec le fonctionnaire a été de courte durée. Il a posé au fonctionnaire les questions habituelles. Il ne se souvenait pas de tous les détails de ses interactions avec lui. L’ASF Kennedy a affirmé qu’il avait effectué un suivi auprès de son homologue à la ligne d’inspection secondaire afin de déterminer le résultat de la déclaration du fonctionnaire, ce qui lui a permis d’apprendre que le fonctionnaire était un diplômé récent du PPAS.

[29] En contre‐interrogatoire, l’ASF Kennedy a convenu que la pratique courante consiste maintenant à prendre des notes lorsque des doutes surviennent au sujet de la déclaration d’un voyageur, mais qu’en 2014, l’agent primaire ne prenait pas de notes. En 2014, l’accent était mis sur la régularité de la circulation; par conséquent, les ASF primaires ne prenaient pas de notes et renvoyaient simplement certains voyageurs à la ligne d’inspection secondaire. À son avis, il ne servait à rien de prendre des notes après coup. Ce qui est survenu après son interaction avec le fonctionnaire ne le concernait pas.

[30] En contre‐interrogatoire, l’ASF Kennedy a été interrogé au sujet du formulaire E‐67 utilisé pour renvoyer un voyageur à la ligne d’inspection secondaire. L’ASF Kennedy ne se souvenait pas de ce qu’il a fait. Habituellement, en cas de saisie en vertu de la Loi sur les douanes, le formulaire est conservé en tant qu’élément de preuve, mais il s’agissait d’une perception forcée, qui équivaut à un avertissement verbal et au paiement des taxes et des droits. Par conséquent, le formulaire E‐67 aurait été détruit. Dans le cas d’une perception forcée, le formulaire E‐67 n’est pas requis. L’agent à la ligne d’inspection secondaire le détruit et ne le conserve pas parce qu’aucune saisie n’est effectuée.

[31] De plus, en contre‐interrogatoire, l’ASF Kennedy a déclaré que l’utilisation de reçus au moyen d’un téléphone cellulaire ne constituait pas une pratique courante en 2014. Il est maintenant plus courant pour les personnes d’avoir des reçus électroniques. Toutefois, en 2014, une copie papier d’une facture était nécessaire pour réfuter tout doute. Si la personne n’avait pas un reçu ou avait des documents insuffisants, l’ASF Kennedy a convenu que, dans certains cas, il était acceptable de vérifier en ligne le coût de la marchandise. Il a convenu qu’une recherche rapide dans Google est acceptable pour obtenir une idée générale et pour déterminer si la déclaration est exacte par rapport à d’autres produits semblables. Si un voyageur peut trouver un article semblable au même prix, il se voit accorder le bénéfice du doute. Dans le cas du fonctionnaire, celui‐ci ne lui a rien montré; il s’agissait d’une déclaration verbale de 250 $ US. L’ASF Kennedy ne se souvenait pas d’une entrevue officielle avec un enquêteur des Normes professionnelles.

[32] En contre‐interrogatoire, l’ASF Kennedy a été interrogé au sujet des antécédents de voyage du fonctionnaire, ce qui a été mentionné dans un courriel daté du 13 mai 2015 et qui figure dans le rapport d’enquête, à la page 99. Il a déclaré qu’il connaissait Perry Birtch, mais pas l’enquêteuse Diane Vallières. Il connaissait bien les documents de voyage utilisés à la ligne d’inspection secondaire. Le courriel faisait référence à un rapport sur tous les passages frontaliers du fonctionnaire. Le courriel de James Forget à M. Birtch indiquait clairement que la date en question était le 19 décembre 2014. Le moment du renvoi était vers 15 h 14. M. Forget a écrit que l’ASF Kennedy travaillait à la ligne secondaire ce jour‐là et qu’il avait renvoyé le fonctionnaire pour le paiement des droits et des taxes. Le courriel indiquait en outre que l’ASF Kennedy n’avait pas indiqué que le formulaire E‐67 était destiné à un examen secondaire.

[33] Lorsqu’il a été contre‐interrogé au sujet des raisons pour lesquelles le fonctionnaire n’avait pas été renvoyé à la ligne d’inspection secondaire le 29 décembre 2014, l’ASF Kennedy a déclaré qu’il ne se souvenait pas des détails de son quart de travail à cette date. Il ne pouvait pas confirmer s’il travaillait ce jour‐là. Il a ajouté que plus de 100 voyageurs par jour pouvaient être traités et qu’il ne se souvenait d’aucun événement particulier. L’ASF Kennedy a déclaré que parfois il travaillait à la ligne d’inspection primaire et parfois à la ligne d’inspection secondaire. Il est également un agent d’immigration. Les ASF changent constamment de poste, et il appartient à la direction de décider où ils sont affectés pour une heure donnée. Il ne se souvenait d’aucune interaction avec le fonctionnaire, sauf celle concernant le pare‐chocs importé.

[34] L’employeur a cité l’ASF Eric Charlebois à témoigner, lequel travaillait le 29 décembre 2014. Il a expliqué que les voyageurs sont envoyés de la ligne d’inspection primaire à la ligne d’inspection secondaire avec un formulaire E‐67, qui est la déclaration par le voyageur des marchandises achetées de l’autre côté de la frontière. L’ASF à la ligne d’inspection secondaire prépare et produit un formulaire B‐15 lorsque des droits et taxes sont perçus auprès d’un voyageur. L’ASF Charlebois a reconnu le formulaire B‐15 qu’il a rempli et qui figurait dans le rapport d’enquête. Il s’est rappelé que le fonctionnaire avait été transféré à la ligne d’inspection secondaire et qu’il était l’agent en service à ce moment‐là. Le fonctionnaire lui a remis un formulaire E‐67 pour une pièce d’automobile d’une valeur déclarée de 250 $ US. Le fonctionnaire n’avait pas de reçu ni de preuve de paiement, sauf une photo sur son téléphone. L’ASF Charlebois n’était pas satisfait de la déclaration du fonctionnaire. Le fonctionnaire a dit à l’ASF Charlebois que dans le cadre du programme de formation de l’ASFC à Rigaud, au Québec, la preuve de la valeur d’une marchandise sur Internet est acceptable. C’est à ce moment qu’il a appris que le fonctionnaire était un diplômé récent.

[35] L’ASF Charlebois estimait avoir des raisons de douter de la valeur déclarée. Lorsque le fonctionnaire lui a présenté une photo en ligne d’un pare‐chocs d’une valeur de 250 $ US, il n’a pas été convaincu. L’ASF Charlebois possède une vaste expérience en matière d’importation et de valeur de pièces d’automobiles. Le point d’entrée de Prescott est connu pour l’achat et l’importation de pièces d’automobiles. Le fonctionnaire comprenait les risques de faire une fausse déclaration. Il a donné au fonctionnaire plusieurs occasions de lui dire la valeur réelle du pare‐chocs. Il a interrogé le fonctionnaire à maintes reprises sur cette valeur réelle, mais le fonctionnaire a continué de soutenir qu’elle valait 250 $ US. L’ASF Charlebois a réitéré les conséquences de faire une fausse déclaration. Le fonctionnaire a déclaré qu’il comprenait les conséquences.

[36] L’ASF Charlebois a donné au fonctionnaire une autre occasion de déclarer la valeur réelle du pare‐chocs comme s’il était à la ligne d’inspection primaire. Le fonctionnaire n’a toujours pas modifié sa déclaration. Il a invité le fonctionnaire à fouiller son véhicule pour trouver le reçu. Le fonctionnaire a fouillé son véhicule, mais n’a pas pu trouver de reçu ou de connaissement. La boîte ne comportait aucun document.

[37] À ce moment‐là, l’ASF Charlebois savait que le fonctionnaire n’était pas tout à fait franc. Il se rappelait avoir dit au fonctionnaire qu’il allait fouiller son téléphone et qu’il communiquerait avec le fournisseur pour connaître la valeur réelle du pare‐chocs. Il a réitéré au fonctionnaire qu’il devait simplement payer les taxes et les droits réels sur le pare‐chocs et qu’il n’y aurait aucune autre conséquence. Enfin, le fonctionnaire a admis qu’il avait payé 599 $ US et montré à l’ASF Charlebois une photo du pare‐chocs réel qu’il avait acheté en ligne.

[38] L’ASF Charlebois s’est souvenu que le fonctionnaire lui avait dit qu’il se sentait stupide d’avoir fait une fausse déclaration. Compte tenu de la nature de l’incident et du fait qu’une recrue était impliquée, l’ASF Charlebois en a informé son surintendant. L’ASF Charlebois comprenait les conséquences pour le fonctionnaire, mais il lui avait donné de multiples occasions de refaire sa déclaration initiale. L’ASF Charlebois a déclaré que nous ne serions pas ici aujourd’hui si le fonctionnaire avait été honnête et avait déclaré le montant réel. Le fonctionnaire a persisté tout au long du processus en affirmant que la valeur était de 250 $ US; il n’a jamais dit qu’il n’était pas certain du montant.

[39] L’ASF Charlebois était convaincu que quelque chose clochait lorsqu’il a vu la boîte contenant le pare‐chocs. Il a demandé au fonctionnaire de lui fournir l’étiquette de livraison ou le reçu. Le fonctionnaire a déclaré qu’il n’en avait pas. L’ASF Charlebois a constaté qu’une enveloppe claire était collée sur la boîte où se trouvent habituellement l’étiquette de livraison et le reçu. L’enveloppe avait été ouverte, mais elle était vide. Il n’avait pas besoin de parler au fournisseur parce qu’il avait le numéro de série et lorsqu’il a saisi les renseignements dans Google, l’ASF Charlebois a vu que le prix n’était pas 250 $ US. Il a ensuite donné au fonctionnaire une autre occasion de dire la vérité et lui a assuré qu’il ne saisirait pas le pare‐chocs, mais qu’il lui demanderait simplement de payer les taxes et les droits. C’est à ce moment‐là que le fonctionnaire lui a admis que le montant réel qu’il avait payé n’était pas 250 $ US. L’ASF Charlebois estimait avoir offert au fonctionnaire toutes les occasions d’être honnête dans sa déclaration.

[40] En contre‐interrogatoire, l’ASF Charlebois s’est rappelé que le fonctionnaire avait mentionné qu’il avait déjà déclaré deux des trois pièces qu’il avait achetées le 19 décembre 2014. Il s’est souvenu que le fonctionnaire lui avait dit que l’ASF avait accepté sa déclaration verbale. À son retour de la fouille du véhicule du fonctionnaire, il ne se rappelait pas s’il avait demandé au fonctionnaire s’il fumait. Il ne se souvenait pas non plus d’avoir interrogé le fonctionnaire au sujet des pneus de sa Jeep. Il était certain que le fonctionnaire lui avait dit qu’il se sentait stupide et non que la situation était stupide. Il a affirmé avoir toujours dit aux voyageurs qu’il communiquerait avec les fournisseurs pour obtenir la valeur exacte des pièces importées. Il s’agit d’une tactique éprouvée pour obtenir une déclaration honnête des voyageurs.

[41] La déclaration qu’il a fournie à l’enquêteuse était exacte. Il ne se rappelait pas que le fonctionnaire l’avait informé que le pare‐chocs était la troisième et dernière pièce des trois articles qu’il avait achetés. L’agent Charlebois a souligné le pare‐chocs qu’il a trouvé en ligne, et le fonctionnaire a convenu qu’il s’agissait du même pare‐chocs que celui qu’il avait acheté. Il ne se souvenait pas d’une explication du fonctionnaire selon laquelle il avait reçu un rabais sur les pièces ni d’une explication sur la façon dont le fonctionnaire en était parvenu à une déclaration de 250 $ US. Le fonctionnaire a payé les droits de douane d’un montant de 34,81 $ CA sur le montant total de 599 $ US.

[42] M. Akerley, gestionnaire du PPAS, a témoigné qu’il était chargé du PPAS, qui suit le programme de formation que les recrues suivent à Rigaud. À ce moment‐là, il relevait de Mme Whalen, qui relevait de Kirsten Parfitt, directrice intérimaire de la Division du recrutement national et du développement professionnel de l’ASFC. L’objectif de cette deuxième partie du programme de formation dans son ensemble est d’assurer une transition sans heurts vers le terrain dans un point d’entrée prioritaire. Une fois que les recrues ont terminé le programme à Rigaud, si elles remplissent toujours toutes les conditions d’emploi, elles deviennent des employés stagiaires pour la durée du PPAS. La plupart des recrues doivent se réinstaller après la formation à Rigaud. Dans certaines circonstances, la période de stage peut s’étendre au‐delà des 12 mois, jusqu’à 18 mois.

[43] Le fonctionnaire ne s’est jamais présenté en personne à l’aéroport international Pearson de Toronto le 12 janvier 2015, tel que cela était indiqué dans sa lettre d’offre. Le poste FB‐02 qu’il devait occuper était en formation et perfectionnement. Après avoir terminé avec succès la période de stage, les stagiaires de l’extérieur de la fonction publique sont promus à un poste pour une période indéterminée ou, s’ils ne sont pas aptes à l’occuper, ils sont licenciés ou ils trouvent un autre poste. Les stagiaires doivent satisfaire à toutes les exigences du programme dans son ensemble pour être nommés à un poste régional d’ASF. S’ils réussissent la période de stage et qu’ils satisfont à toutes les exigences du poste, ils sont nommés à un poste FB‐03.

[44] M. Akerley est intervenu lorsque le directeur du district de Prescott de l’ASFC a reçu des renseignements au sujet du fonctionnaire. Le fonctionnaire était une recrue. En tant que gestionnaire du PPAS, il était chargé de s’assurer que les organismes appropriés étaient consultés et que les mesures appropriées étaient prises pour traiter la plainte. M. Akerley a joué un rôle de facilitateur et n’a pas décidé de renvoyer le fonctionnaire en cours de stage. Toutefois, sa participation était nécessaire parce que la situation concernait la conduite d’un stagiaire en dehors des heures de travail. Il a participé à la recherche des faits qui a mené au rapport de Protection, le Service et l’Intégrité (PSI).

[45] Alexandre Lefebvre, surintendant du point d’entrée de Prescott de l’ASFC, a reçu la plainte de l’ASF Charlebois le 29 décembre 2014. Le rapport de recherche des faits figure en annexe du rapport d’enquête. Il s’agit d’un processus neutre qui permet de recueillir des renseignements sur ce qui s’est passé. Habituellement, la recherche des faits est effectuée au niveau local, mais comme la plainte concernait la conduite d’une recrue en dehors des heures de travail, le PPAS a été chargé de la recherche des faits initiale.

[46] Même s’il n’a pas participé au rapport de PSI, il a facilité le processus. La collecte de renseignements a nécessité un certain temps et elle s’est terminée en juillet, mais le rapport n’a été achevé qu’en octobre. Il n’a pas participé à la production du rapport. Son rôle consistait seulement à s’assurer que l’enquêteuse avait accès à tous les renseignements dont elle avait besoin. Son rôle était de faciliter l’enquête. Le rapport d’enquête ne peut être communiqué tant qu’il n’a pas été vérifié. Il ne se rappelait pas comment il avait reçu le rapport, mais il se rappelait l’avoir lu. Une fois que le rapport est vérifié, il est remis au fonctionnaire aux fins de commentaires. Il s’est souvenu du courriel envoyé au fonctionnaire le 7 décembre 2015.

[47] M. Akerley a reconnu les notes qu’il a prises à la réunion du 23 décembre 2015, à laquelle le fonctionnaire a assisté avec son représentant syndical. M. Akerley était accompagné d’un conseiller principal en relations de travail de l’ASFC. La réunion avait pour objet de permettre au fonctionnaire d’accuser réception du rapport d’enquête et de lui donner l’occasion de le lire et d’ajouter des renseignements ou des éclaircissements. La réunion a été très collégiale et a duré environ 50 minutes. Le fonctionnaire a indiqué diverses sections du rapport où il manquait des renseignements. Après la réunion, le conseiller principal en relations de travail a communiqué avec l’entreprise auprès de laquelle le fonctionnaire a acheté les pièces d’automobile. Il s’est rappelé l’échange de courriels entre le conseiller principal en relations de travail et le représentant de l’entreprise. On a demandé au représentant la façon dont l’achat avait été effectué et si un rabais avait été accordé. Il était important de clarifier l’incident pour comprendre le processus transactionnel et la déclaration du fonctionnaire à la frontière.

[48] L’échange de courriels avec le vendeur indiquait clairement que les trois articles ont été achetés au plein prix; il n’y avait pas de rabais. Le plein prix avait été facturé au fonctionnaire et il avait payé les articles à leur plein prix. Il a reçu un article gratuit pour chaque article. Le fournisseur a répondu au courriel du conseiller principal en relations de travail en décrivant l’achat et les articles qui avaient été fournis gratuitement. Les montants de ces articles ont ensuite été réduits du prix d’achat des pièces d’automobile. Le fonctionnaire a acheté trois pièces d’automobile et a reçu trois articles gratuits en payant le plein prix. Les montants de ces articles gratuits ont ensuite été réduits du prix d’achat des pièces d’automobile. La facture indique le coût de chaque pièce d’automobile et le coût des articles gratuits qui ont ensuite été déduits du coût des pièces d’automobile. La facture est jointe à titre d’annexe 12 de la déclaration du fonctionnaire datée du 13 janvier 2015. M. Akerley a déclaré que tous les articles achetés, y compris les articles gratuits, auraient dû être déclarés. Le voyageur est tenu de déclarer tous les produits. À la suite des commentaires du fonctionnaire, et après l’examen du rapport de PSI, il a été recommandé que le fonctionnaire soit renvoyé en cours de stage en raison des conséquences de son acte de ne pas faire une déclaration complète et de son manque d’aptitude pour le poste. L’employeur a déterminé que le lien de confiance avait été rompu en raison de sa violation du Code de valeurs et d’éthique du secteur public et du Code de conduite.

[49] M. Akerley a fait référence aux « Lignes directrices concernant le licenciement ou la rétrogradation pour rendement insatisfaisant; le licenciement ou la rétrogradation pour des raisons autres qu’un manquement à la discipline ou une inconduite; et le licenciement en cours de stage », plus particulièrement à l’alinéa 3c), qui prévoit une liste des critères à prendre en considération lorsque la décision de a été prise de renvoyer le fonctionnaire en cours de stage. M. Akerley faisait partie de l’équipe qui a rédigé le document intitulé [traduction] « Examen de l’opportunité du Programme de perfectionnement des agents stagiaires » pour le poste d’agent stagiaire du fonctionnaire. Ce document a été préparé à l’intention du directeur général de la formation et du perfectionnement, qui dispose du pouvoir décisionnel final de recommander le renvoi d’un stagiaire en cours de stage.

[50] La recommandation de renvoyer le fonctionnaire en cours de stage était fondée sur les faits du cas. Lorsqu’il a fait sa déclaration, le fonctionnaire a déduit la valeur des cadeaux du prix d’achat des pièces d’automobile. Il aurait dû comprendre que les cadeaux ne réduisent pas la valeur des pièces d’automobile. Il savait que tous les achats à l’extérieur du Canada doivent être déclarés, y compris les cadeaux. La seule explication logique est que le plein montant aurait dû être déclaré. Si le fonctionnaire avait déclaré le cadeau à titre de rabais ou de réduction de la valeur de la pièce d’automobile, il aurait été logique de déclarer le cadeau et sa valeur. Même s’il s’agissait d’un cadeau, le fonctionnaire aurait su, d’après sa formation, qu’il était taxable et qu’il devait être déclaré. Le prix final déclaré était de 250 $ US. Il n’y a aucun lien logique entre ce montant déclaré et la valeur du cadeau qu’il a reçu pour cette pièce d’automobile. En tant qu’agent de l’Agence, il aurait dû se préparer.

[51] Le fonctionnaire s’est vu accorder plusieurs occasions de faire une déclaration honnête. La formation des ASF stipule que, lorsqu’ils traversent la frontière pour entrer au Canada, tous les voyageurs doivent se préparer à l’aide des documents requis. La version du fonctionnaire est toujours demeurée la même, même s’il connaissait le prix qu’il avait payé. Il n’a jamais déclaré le montant réel de 599 $ US; même le cadeau aurait dû être déclaré. Le tout était taxable, ce qu’il savait, et il aurait dû savoir qu’il devait le déclarer honnêtement. De plus, il s’est vu accorder plusieurs occasions de modifier sa déclaration.

[52] M. Akerley a fait référence à l’aperçu du PPAS, y compris les valeurs et l’éthique en matière de divulgation d’actes répréhensibles. Toutes les recrues doivent suivre cette formation et la réussir avant d’être affectées à un poste FB‐02. Les recrues comprennent les exigences relatives à la déclaration accompagnée de documents appropriés au moment de traverser la frontière. Il est souligné qu’en tant qu’ASF, ils appliquent la loi et sont donc tenus de la faire respecter et de se comporter d’une manière qui maintient la confiance des Canadiens dans la loi. Les recrues sont formées dans le domaine du calcul des droits et des taxes. Ils apprennent comment calculer les droits de douane et d’accise, la taxe d’accise, la taxe sur les produits et services (TPS) et la taxe de vente harmonisée (TVH) selon le Tarif des douanes (C.S. 1997, ch. 36), la Loi sur les douanes, les « Mémorandums D » de l’ASFC, la Loi sur la taxe d’accise (L.R.C. (1985), ch. E‐15), la Loi sur l’accise (L.R.C. (1985), ch. E‐14) et la Loi de 2001 sur l’accise (L.C. 2002, ch. 22). Ils apprennent comment faire fonctionner le système.

[53] En contre‐interrogatoire, M. Akerley a été interrogé au sujet du rapport sur la recherche des faits figurant dans le rapport de PSI. Le surintendant Lefebvre n’a pas interrogé le fonctionnaire. Il ne savait pas quel autre document le surintendant Lefebvre avait consulté lors de la préparation du premier document de recherche des faits. Il ne savait pas si l’échange de courriels entre le conseiller principal en relations de travail et le vendeur de pièces d’automobiles avait été communiqué au fonctionnaire ou si ce dernier avait eu l’occasion de formuler des commentaires à son égard.

D. Le fonctionnaire a toujours nié avoir tenté d’éviter de payer les taxes sur des pièces d’automobile importées

[54] Le fonctionnaire a témoigné qu’il avait acheté des pare‐chocs avant et arrière et des glissières pour sa nouvelle Jeep le 28 novembre 2014. Il les a achetées par téléphone et payées par PayPal. Le montant total s’élevait à 1 557 $ US. La facture figure en annexe du rapport de PSI. Le fonctionnaire a utilisé le site Web MyUSaddress.ca pour recevoir ces articles qui provenaient des États‐Unis. Le reçu de déclaration pour MyUSdress.ca figure en annexe du rapport de PSI et indique la taille du colis, le numéro de l’article et le montant total qu’il a payé pour le recevoir. Il ne comporte pas une ventilation des articles dans le colis.

[55] Le 17 décembre 2014, le vendeur l’a informé que l’un des articles qu’il avait achetés faisait l’objet d’une livraison différée et qu’il communiquerait avec lui dès qu’il le recevrait. Le fonctionnaire a déclaré que quelques jours plus tard, il a traversé la frontière en voiture pour aller chercher le colis à l’entrepôt de MyUSaddress, qui contenait le pare‐chocs avant et les glissières. Lorsqu’il a examiné l’emballage, il a constaté qu’il n’y avait pas de bordereau de marchandise. Il estimait que c’était étrange, mais puisque la commande était incomplète, il croyait que le bordereau de marchandises serait inclus dans le prochain colis.

[56] Lorsqu’il a traversé la frontière et qu’il est arrivé à la ligne d’inspection primaire, il a dit à l’ASF qu’il apportait une commande partielle de deux articles sur trois qu’il avait achetés et il a montré l’ASF le reçu de PayPal, mais il ne comportait pas une ventilation du coût de chaque article. Le fonctionnaire a offert à l’ASF à la ligne d’inspection primaire de lui montrer en ligne les pièces qu’il avait achetées et l’ASF l’a renvoyé à la ligne d’inspection secondaire. Le fonctionnaire a répété la même chose à l’ASF à la ligne d’inspection secondaire, sauf que l’ASF a accepté que le fonctionnaire lui montre en ligne une preuve du coût du pare‐chocs avant et des glissières. Il a montré le pare‐chocs avant et les glissières sur le site Web du vendeur. Le fonctionnaire a payé les droits et les taxes sur celles‐ci en fonction des montants en ligne. La déclaration de l’ASFC, soit le document intitulé « Déclaration en détail des marchandises occasionnelles », indique qu’il a payé 48 $ CA en taxes sur une valeur en droits de 959 $ US pour des pièces d’automobile.

[57] Le 19 décembre 2014, le vendeur a envoyé un courriel au fonctionnaire pour l’informer que la livraison du pare‐chocs arrière serait retardée. Le vendeur a mentionné qu’il ajouterait un article supplémentaire pour l’attente. Le 24 décembre 2014, le fonctionnaire a été informé que MyUSaddress avait reçu la dernière partie de l’expédition. Le 29 décembre 2014, il est allé chercher la dernière des trois pièces d’automobile. Lorsqu’il est allé chercher le colis chez MyUSaddress, il n’a pu trouver ni un bordereau de marchandises ni un reçu. Le fonctionnaire a affirmé qu’à ce moment‐là, il avait payé la plupart des taxes sur son achat du 19 décembre 2014. Il a dit qu’il savait qu’il devait trouver un montant à déclarer à la ligne d’inspection primaire. Le seul reçu dont il disposait était le reçu initial de PayPal de 1 557 $ US pour les trois pièces. Il a affirmé qu’il souhaitait être précis et qu’il avait déjà payé la plupart des taxes le 19 décembre 2014. Le fonctionnaire a dit qu’il avait cherché la partie en ligne et que la valeur du pare‐chocs était de 399 $ US, ce qui comprenait le rabais de 200 $ US qu’il avait obtenu.

[58] Le plaignant a de nouveau été renvoyé à la ligne d’inspection secondaire parce qu’il n’avait pas de reçu. Il s’est souvenu d’avoir rencontré l’ASF Charlebois et de lui avoir dit qu’il rapportait des pièces d’une valeur de 250 $ US d’une commande antérieure qu’il avait achetée. Le fonctionnaire a dit à l’ASF Charlebois qu’il n’avait pas de copie papier du reçu ou le bordereau de marchandises, mais qu’il estimait la valeur à environ 250 $ US. Le fonctionnaire a offert de lui montrer en ligne le coût du pare‐chocs. L’ASF Charlebois a refusé et a insisté pour obtenir une copie papier du reçu. Le fonctionnaire a de nouveau fouillé son véhicule, mais n’a pas pu en trouver un. L’ASF Charlebois a insisté pour fouiller lui‐même la voiture du fonctionnaire. L’ASF Charlebois s’est absenté environ 20 à 30 minutes pour fouiller le véhicule du fonctionnaire. Lorsque l’ASF Charlebois est revenu, il a dit au fonctionnaire qu’il avait une autre source de préoccupation, soit de la marijuana. Le fonctionnaire a nié avec véhémence avoir de la marijuana. Il était stupéfait à ce moment‐là parce qu’il s’agissait d’une substance illégale et il craignait la possibilité que des chefs d’accusation criminelle soient portées contre lui. L’ASF Charlebois a même interrogé le fonctionnaire au sujet des pneus de son véhicule; il a déclaré que les pneus semblaient neufs et il a laissé entendre que le fonctionnaire les avait achetés et les avait fait installer aux États‐Unis. Le plaignant a pu démontrer que les pneus avaient été achetés et installés au Québec. L’ASF Charlebois ne savait pas quoi faire de la situation du fonctionnaire et a consulté son superviseur. Il ne croyait pas que le fonctionnaire avait payé 250 $ US pour le pare‐chocs, et le superviseur a déclaré que le fonctionnaire devrait être traité comme toute autre personne traversant la frontière.

[59] L’ASF Charlebois ne croyait pas que le fonctionnaire avait payé 250 $ US pour le pare‐chocs. Le fonctionnaire avait mentionné auparavant qu’il venait de terminer la formation à Rigaud. Il s’est fait prendre en flagrant délit et n’a pu fournir un reçu de la valeur des pièces; il se sentait stressé. En fouillant dans le site Web du vendeur sur son téléphone, le fonctionnaire a vu que la valeur de la pièce était de 599 $ US et non de 399 $ US. Le fonctionnaire a soutenu que les deux pièces avaient la même apparence en ligne et qu’il avait reçu la mauvaise pièce. Il avait sous‐évalué la pièce par erreur. C’était la première fois qu’il effectuait un achat pour lequel il n’avait pas reçu de bordereau de marchandises. Le fonctionnaire a accepté que la valeur de la pièce était en fait de 599 $ US. Le fonctionnaire a déclaré qu’il se sentait stupide et qu’il aurait dû être plus averti et mieux préparé. Il a déclaré qu’il avait eu l’impression que son intégrité avait été attaquée lorsque l’ASF Charlebois a soulevé des allégations potentielles selon lesquelles il était en possession de marijuana.

[60] Le fonctionnaire avait fait référence par erreur à une photo du pare‐chocs qu’il avait acheté. La photo tirée d’Internet indiquait qu’il s’agissait d’un « Jeep Wrangler JK Rear Bumper (pare‐chocs arrière) – Mauler Stubby », vendu à 399 $ US. Le pare‐chocs qu’il a réellement acheté était un porte‐pneus « Jeep Wrangler JK Rear Bumper (pare‐chocs arrière) – Crusader » vendu à 599 $ US. Le fonctionnaire a payé les taxes sur 599 $ US ou le prix réel qu’il a payé. Il a confirmé avoir payé les taxes sur les cadeaux qu’il a reçus lorsqu’il est allé les chercher de l’autre côté de la frontière en février 2015.

[61] Le fonctionnaire s’est rappelé avoir reçu un courriel de l’ASFC au sujet d’un colis important qu’il recevrait par la poste. Il prévoyait se présenter au travail à Toronto, en Ontario, le 12 janvier 2015. Lorsqu’il a reçu la lettre, il était en vacances en Floride avec sa famille. Sa mère lui a téléphoné pour lui dire qu’il avait reçu une lettre par la poste. Le fonctionnaire lui a demandé de l’ouvrir et de la lui lire. La lettre l’informait que son autorisation sécuritaire avait été suspendue à la suite d’un incident à la frontière. À ce moment‐là, il a mis fin de manière précoce à son voyage et est retourné chez lui. Il a communiqué avec le point de contact indiqué dans la lettre. La personne lui a dit de ne pas se présenter au travail et d’attendre d’autres instructions. À ce moment‐là, son autorisation sécuritaire était suspendue.

[62] Le fonctionnaire a été invité à fournir sa version des événements survenus le 29 décembre 2014. Il a adressé sa lettre et les documents justificatifs à l’Agent de sécurité du ministère, La sécurité et la Direction des normes professionnelles à l’Agence des services frontaliers du Canada. Il a expliqué la raison pour laquelle il n’avait pas de facture pour son achat. Il a communiqué avec le vendeur et lui a demandé la raison pour laquelle il n’avait pas reçu une facture. Le fournisseur a indiqué qu’il était passé à [traduction] « vert » et que seul un courriel avait été envoyé pour confirmer l’achat. Il n’a jamais reçu le courriel en raison d’un problème dans le système. Après avoir fourni ses explications, son autorisation sécuritaire a été rétablie, soit le 20 février 2015.

[63] Le fonctionnaire a communiqué avec Mme Whalen pour l’informer que son autorisation sécuritaire avait été rétablie et qu’il était prêt à retourner au travail. Il lui dit qu’il était prêt à commencer le lendemain. Mme Whalen a indiqué qu’elle lui répondrait plus tard. Ils se sont rencontrés le 23 mars 2015, date à laquelle elle l’a informé qu’il ferait l’objet d’une enquête plus approfondie. La lettre indiquait qu’une recherche des faits aurait lieu afin de déterminer s’il était toujours apte à continuer de participer au programme. Le fonctionnaire a déclaré qu’il était perplexe par le fait qu’une autre organisation de l’ASFC mènerait une deuxième enquête. Il était préoccupé par le fait qu’il était toujours en congé non payé et qu’une autre enquête devait avoir lieu.

[64] Le fonctionnaire a obtenu une représentation syndicale et, en mai 2015, il a rencontré l’employeur pour lui présenter sa version des faits. Les allégations étaient les mêmes et il a fourni la même version des faits à l’enquêteuse. Le fonctionnaire s’est rappelé qu’il s’agissait d’une longue réunion stressante qui a duré plus d’une heure. Le fonctionnaire a eu une autre réunion avec l’enquêteuse à la mi‐juin 2015. L’enquêteuse voulait une preuve et les relevés de téléphone de son appel au vendeur et de son achat de pièces d’automobile à l’aide de PayPal. Comme il est indiqué dans le rapport de PSI, le fonctionnaire a envoyé à l’enquêteuse une copie de la facture envoyée par courriel qu’il a reçue du vendeur le 18 juin 2015. Après sa réunion avec l’enquêteuse en juillet 2015, il n’a pas eu de nouvelles d’elle. Toutes les deux semaines, le fonctionnaire appelait pour faire un suivi parce qu’il payait toujours son appartement à Toronto. Il a été informé que l’enquête serait achevée dans un délai d’une à deux semaines, mais elle a fini par prendre tout l’été. Ce n’est qu’en décembre 2015 qu’il a reçu de M. Akerley un courriel indiquant que le rapport avait été mis au point et qu’il aurait l’occasion de le lire et de formuler des commentaires à son égard.

[65] Le fonctionnaire était accompagné de son représentant syndical lorsqu’il a rencontré M. Akerley et le conseiller en relations de travail le 23 décembre 2015. La fonctionnaire s’est vu accorder l’occasion de présenter des éclaircissements relatifs au rapport ou d’y ajouter des renseignements. Il ne pouvait lire certaines parties parce qu’elles avaient été caviardées. Il se souvenait d’avoir eu l’occasion d’ajouter des renseignements en réponse à la déclaration de l’ASF Charlebois. Il souhaitait souligner le fait qu’il était stressé et dépassé par les accusations de possession de marijuana portées par l’ASF Charlebois. Le fonctionnaire souhaitait indiquer clairement qu’il s’agissait d’une erreur de bonne foi de sa part et qu’il n’avait pas tenté d’éviter de payer les taxes ou de mentir au sujet de ses achats. Il ne souscrivait pas à la déclaration de l’ASF Charlebois selon laquelle il avait fait preuve d’arrogance au moment de l’interrogatoire au poste frontalier. Il a été licencié en février 2016.

[66] La fonctionnaire n’avait pas eu l’occasion de formuler des commentaires au sujet du courriel du conseiller en relations de travail envoyé au vendeur le 6 janvier 2016, concernant l’achat que le fonctionnaire avait fait. Il n’avait pas vu le courriel avant l’audience. Il ne représente pas ce dont il a discuté avec le vendeur lorsqu’il a acheté les pièces d’automobiles. La description de la vente des pièces d’automobile ne correspond pas à ce qui lui a été expliqué au moment de l’achat.

[67] Le fonctionnaire a fait référence à la lettre de renvoi en cours de stage qui indique qu’il a sciemment tenté d’éviter de payer les taxes sur les pièces d’automobile. À son avis, il n’aurait pas pu sciemment tenter d’éviter de payer les taxes parce qu’il n’avait pas la ventilation des coûts des pièces d’automobile qu’il avait achetées. Il n’avait pas la liste détaillée et il n’y avait aucune ventilation des coûts. Pour lui, il s’agissait d’une erreur de bonne foi; il avait indiqué par erreur le mauvais pare‐chocs. Il a déclaré qu’il voulait payer les taxes sur le pare‐chocs droit et les cadeaux, mais qu’il n’avait pas tous les renseignements. Il n’avait que le reçu de PayPal, et l’erreur qu’il a commise en choisissant le mauvais pare‐chocs s’est élevée à 20 $ CA. Il a travaillé toute sa carrière pour perdre un emploi pour lequel il venait de terminer sa formation; il a perdu sa réputation et sa fierté pour quelque chose d’aussi minime. Il n’aurait pas mis en péril sa carrière pour éviter de payer ce montant de 20 $ CA.

[68] Pendant toute la période où il a fait l’objet d’une enquête administrative, il a été en congé non payé, soit de la fin de décembre 2014 au 6 janvier 2016. Il a vécu avec ses parents pendant cette période, mais il a conservé un appartement à Toronto au cas où il serait rappelé au travail. Le fonctionnaire disposait d’économies provenant de son travail à l’étranger. Il a également effectué différents contrats. Le loyer à Toronto était de 900 $ par mois. Il a tenté de le sous‐louer, mais cela n’a pas fonctionné. Il espérait retourner au travail.

[69] En contre‐interrogatoire, le fonctionnaire a affirmé qu’il s’agissait d’une erreur honnête. L’employeur lui a néanmoins fait remarquer qu’il incombe à tous les voyageurs qui entrent au Canada de déclarer et d’indiquer correctement les articles qu’ils importent. La fonctionnaire était du même avis.

[70] L’employeur lui a également fait remarquer qu’il lui incombait de déclarer et d’indiquer correctement le pare‐chocs arrière. Il a ajouté qu’il avait dû insister auprès du vendeur pour obtenir une facture et qu’il ne l’avait obtenue qu’en janvier 2015. À la question de savoir pourquoi il n’avait pas attendu de recevoir la facture avant de traverser la frontière, le fonctionnaire a répondu qu’il ne savait pas quand elle lui serait envoyée. Il croyait que la facture de PayPal était suffisante. Habituellement, l’emballage comprend un bordereau de marchandises. Lorsqu’il est allé ramasser le pare‐chocs à l’entrepôt de MyUSaddress, il n’y avait pas de bordereau de marchandises. Il aurait dû appeler le vendeur et lui demander de lui envoyer la facture par courriel. L’entrepôt est situé à cinq minutes de route de la frontière et de la ligne d’inspection primaire. Le plaignant a reconnu que c’était sa responsabilité, qu’il était responsable de sa décision et qu’il aurait dû être mieux organisé. S’il avait laissé le colis à l’entrepôt, on lui aurait facturé quatre heures de plus pour que l’entrepôt le conserve.

[71] En contre‐interrogatoire, le fonctionnaire a déclaré que selon ce qu’il avait compris, il avait bénéficié d’un rabais. Lorsqu’il a fait l’appel pour l’achat, il était au collège à Rigaud. D’après sa conversation avec le vendeur, il avait cru comprendre qu’il recevrait un rabais puisque l’achat avait été effectué le Vendredi fou.

[72] Le fonctionnaire a été interrogé sur le moment où il a traversé la frontière le 19 décembre 2014. Il a payé les taxes sur les pièces qu’il a déclarées être supérieures à 900 $ US. L’ASF n’a pas converti le montant en dollars canadiens. Il aurait dû être converti, mais il ne l’a pas été. Le fonctionnaire a reconnu qu’il aurait dû être mieux préparé.

[73] Le 29 décembre 2014, le fonctionnaire espérait que l’ASF en service accepterait une preuve en ligne, comme l’a fait l’ASF le 19 décembre 2014. Lorsqu’il a quitté l’entrepôt sans facture et sans bordereau de marchandises et uniquement avec le reçu de PayPal, il espérait pouvoir simplement utiliser le site Web du vendeur comme preuve du coût du pare‐chocs. Le fonctionnaire a cherché le coût du pare‐chocs sur son téléphone pendant qu’il attendait en ligne pour passer à la ligne d’inspection primaire. Lorsqu’il repense à ce qui s’est passé, il constate qu’il a agi avec empressement à la dernière minute. Il aurait pu prendre de meilleures mesures pour s’assurer qu’il disposait des documents appropriés avant de traverser la frontière. Lorsqu’il est retourné en février pour ramasser les cadeaux qu’il avait reçus, il les a déclarés et a payé les taxes.

III. Motifs

A. La compétence de la Commission sur les renvois en cours de stage

[74] La Commission tire ses pouvoirs de la LRTSPF. L’article 209 prévoit les types de griefs qui peuvent être renvoyés à la Commission. Le fonctionnaire a renvoyé ses griefs en vertu de l’al. 209(1)b).

[75] L’article 211 interdit le renvoi à l’arbitrage de griefs portant sur des renvois en cours de stage et prévoit ce qui suit :

211 Les articles 209 et 209.1 n’ont pas pour effet de permettre le renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel portant sur :

211 Nothing in section 209 or 209.1 is to be construed or applied as permitting the referral to adjudication of an individual grievance with respect to

a) soit tout licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique [...]

(a) any termination of employment under the Public Service Employment Act ....

 

[76] En l’espèce, l’employeur a fait valoir que le renvoi en cours de stage avait été effectué pour un motif lié à l’emploi, conformément à l’art. 62 de la LEFP et qu’il n’était pas de nature disciplinaire. Il m’a demandé de rejeter les griefs au motif que la Commission n’a pas compétence, conformément à l’art. 211 de la LRTSPF.

[77] La Commission n’a pas compétence pour instruire un grief visant un licenciement découlant d’un renvoi en cours de stage en vertu de la LEFP. Le Conseil du Trésor, en tant qu’employeur, a le droit d’imposer une période de stage pour déterminer l’aptitude des nouveaux employés de la fonction publique fédérale. La jurisprudence prévoit une possibilité restreinte d’intervention par la Commission lorsqu’un fonctionnaire s’estimant lésé soutient que son renvoi en cours de stage n’a pas été effectué pour un motif lié à l’emploi.

[78] Afin que le renvoi en cours de stage soit légal, l’employeur doit fournir au fonctionnaire s’estimant lésé une lettre de licenciement énonçant les motifs de sa décision. L’employeur a affirmé que le renvoi en cours de stage était lié au comportement du fonctionnaire lorsqu’il a sciemment tenté d’éviter de payer les taxes sur les pièces d’automobile importées. Le fonctionnaire a nié l’allégation et a allégué que le renvoi avait été effectué de mauvaise foi.

[79] L’employeur a fourni au fonctionnaire un avis, conformément à l’art. 62 de la LEFP. Comme l’indique la lettre de renvoi en cours de stage, l’employeur a fourni un avis du motif du licenciement du fonctionnaire au cours de sa période de stage, le 19 février 2016. L’enquête de l’employeur a révélé que le fonctionnaire avait sciemment tenté d’éviter de payer les taxes sur des pièces d’automobile qu’il avait importées le 29 décembre 2014. Le fonctionnaire a obtenu une rémunération de 30 jours tenant lieu d’avis. J’estime qu’à première vue, les actes de l’employeur ont satisfait à toutes les exigences de l’art. 62.

[80] Les parties se sont entendues sur le cadre juridique applicable aux renvois en cours de stage. La jurisprudence de la Commission est bien établie à cet égard. Dans Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi, 2001 CFPI 529, la Cour fédérale a déclaré ce qui suit au paragraphe 37 : « [...] Plus spécifiquement, l’employeur n’a pas à produire une preuve prima facie d’un motif déterminé valable, mais seulement à produire un minimum de preuve que le renvoi est lié à l’emploi et non à un autre motif. » Ce principe a été confirmé de nouveau dans Tello c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 134, dans laquelle un arbitre de grief en vertu de l’ancienne loi, soit la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, devait déterminer si les modifications législatives apportées à la LEFP avaient changé l’analyse relative à un renvoi en cours de stage. L’arbitre de grief a rédigé ce qui suit :

[...]

112 Comme j’ai conclu plus tôt dans la présente décision, les dispositions de la nouvelle LEFP ont modifié le fardeau de la preuve pour les cas de licenciement des employés en stage probatoire. L’administrateur général n’est plus tenu de prouver l’existence d’un motif légitime lié à l’emploi pour le licenciement, si ce n’est qu’il doit fournir la lettre de licenciement qui expose le motif de sa décision. Il incombe au fonctionnaire d’établir que l’administrateur général s’est appuyé de façon factice sur la nouvelle LEFP ou que le renvoi en cours de stage constituait un subterfuge ou un camouflage. Un licenciement qui ne repose pas sur une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant aux aptitudes de l’employé (ni sur un motif lié à l’emploi légitime) s’appuierait artificiellement sur la nouvelle LEFP, ou constituerait un subterfuge ou un camouflage.

[...]

[Je souligne]

 

[81] Une fois que l’employeur a établi que le fonctionnaire a été informé du motif de son licenciement au cours de la période de stage et qu’il a reçu une rémunération tenant lieu d’avis, le fonctionnaire doit alors établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y avait pas de motifs légitimes liés à l’emploi pour justifier le licenciement ou que le renvoi en cours de stage était un recours artificiel à la LEFP, un subterfuge ou un camouflage, ou qu’il a été fait de mauvaise foi pour dissimuler un licenciement illégal.

[82] En réponse à l’objection soulevée par l’employeur, le fonctionnaire a soutenu que ses griefs visant le renvoi en cours de stage relèvent des paramètres de l’al. 209(1)b) de la LRTSPF et que le renvoi constitue une mesure disciplinaire donnant lieu à un licenciement ou à une sanction pécuniaire. Le fonctionnaire a nié les conclusions de l’enquêteuse selon lesquelles il a sciemment tenté d’éviter de payer les taxes sur des pièces d’automobile importées. Il a soutenu que son licenciement constituait une mesure disciplinaire déguisée et que, par conséquent, la Commission a compétence pour instruire la présente affaire.

[83] Le concept de « questions liées à l’emploi » a depuis été clarifié comme une insatisfaction de bonne foi quant à l’aptitude ou à la capacité d’un employé à remplir les fonctions de son poste : voir par exemple, Ondo‐Mvondo c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2009 CRTFP 52, Tello, Premakanthan c. Administrateur général (Conseil du Trésor), 2012 CRTFP 67, Kagimbi c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 19, Kagimbi c. Canada (Procureur général), 2014 CF 400, Kagimbi c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 74, Bell c. Personnel des fonds non publics, Forces canadiennes, 2020 CRTESPF 14, Kot c. Administrateur général (Gendarmerie royale du Canada), 2020 CRTESPF 29, Rouet c. Administrateur général (ministère de la Justice), 2021 CRTESPF 59.

[84] Les parties ont convenu que la compétence de la Commission en l’espèce dépend de la question de savoir si le licenciement du fonctionnaire au moyen d’un renvoi en cours de stage découlait d’une mesure disciplinaire déguisée ou d’un recours artificiel à la LEFP. Afin d’établir la compétence de la Commission, le fonctionnaire devait prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y avait aucun motif légitime lié à l’emploi justifiant le renvoi en cours de stage, mais qu’il s’agissait d’une mesure disciplinaire déguisée, d’un subterfuge ou d’un camouflage, ou qu’il avait été fait de mauvaise foi pour dissimuler un licenciement illégal.

[85] Par conséquent, les questions à trancher consistent à savoir si le fonctionnaire a sciemment tenté d’éviter de payer les taxes et si cela constituait un motif légitime lié à l’emploi pour le renvoyer en cours de stage.

B. Le renvoi en cours de stage était‐il fondé sur l’insatisfaction de bonne foi à l’égard de l’aptitude du fonctionnaire ou de sa capacité d’exercer les fonctions de son poste?

[86] Je conclus que le renvoi en cours de stage était fondé sur un motif lié à l’emploi et ne constituait pas un subterfuge ou un camouflage ou n’a pas été fait de mauvaise foi. La lettre de renvoi en cours de stage indique que le motif lié à l’emploi du renvoi était le fait d’avoir sciemment tenté d’éviter de payer les taxes sur des pièces d’automobile importées que le fonctionnaire avait initialement déclarées comme ayant une valeur de 399 $ US et pour lesquelles il a prétendu avoir obtenu un rabais d’environ 200 $ US.

[87] Le fonctionnaire a soutenu qu’il avait arrondi le montant à la hausse et qu’il avait déclaré la valeur à 250 $ US. Après avoir été interrogé par l’ASF Charlebois, il a indiqué qu’il avait commis une erreur et que le coût de la pièce d’automobile était en fait de 599 $ US, moins le rabais. Cela est conforme au témoignage du fonctionnaire et à celui de l’ASF Charlebois. La seule incohérence dans le témoignage était la description par le fonctionnaire de ses actes comme étant une erreur commise par inadvertance lorsqu’il a déclaré que la pièce avait une valeur de 250 $ US et les raisons pour lesquelles il l’a fait.

[88] L’employeur a fait valoir qu’il n’a qu’à établir que le renvoi en cours de stage avait été effectué pour un motif lié à l’emploi. Il a invoqué les principes établis dans Leonarduzzi et a soutenu qu’un employeur n’est pas tenu de présenter une preuve prima facie qu’un fonctionnaire a été licencié pour un motif valable. Il a fait valoir qu’une distinction doit être effectuée entre « un motif lié à l’emploi » et un « motif valable ».

[89] Selon l’employeur, le renvoi en cours de stage, en l’espèce, ne constituait pas une mesure disciplinaire. L’employeur a renvoyé à Canada (Procureur général) c. Penner, [1989] 3 CF 429 (C.A.), et à Tello et a déclaré qu’il est largement accepté que les arbitres de grief n’ont pas compétence pour enquêter sur le caractère adéquat et le bien‐fondé du motif d’un employeur pour renvoyer un employé en cours de stage dès qu’ils sont convaincus que la décision était effectivement fondée sur un motif réel de renvoi, ce qui constituait une insatisfaction de bonne foi quant à l’aptitude de l’employé.

[90] L’employeur a renvoyé à la décision de la Cour suprême du Canada dans Jacmain c. Procureur général (Canada), [1978] 2 RCS 15, dans laquelle la Cour a déclaré qu’une fois que l’employeur présente des éléments de preuve crédibles indiquant un motif de renvoi en cours de stage qui est valable à première vue, l’audition sur le fond dans l’affaire de congédiement ne peut alors aboutir qu’à une impasse soudaine. L’arbitre de grief perd ainsi tout pouvoir pour ordonner que l’employé s’estimant lésé soit réintégré dans ses fonctions en faisant valoir que l’employeur n’a pas établi de motif valable pour le congédiement. Comme il est indiqué dans Leonarduzzi, l’employeur a rappelé à la Commission que, lorsqu’elle détermine s’il existe un motif lié à l’emploi, la Commission n’a pas pour rôle de substituer son jugement à celui de l’employeur.

[91] Le fonctionnaire a convenu que la jurisprudence est bien établie et qu’il n’y a aucune ambiguïté quant à l’application du cadre juridique pour les griefs contre les renvois en cours de stage. Il lui incombait d’établir qu’il y avait eu un recours artificiel, un subterfuge ou un camouflage ou que le renvoi en cours de stage avait été fait de mauvaise foi et qu’il n’était pas fondé sur un motif de bonne foi lié à l’emploi. Si le fonctionnaire peut démontrer que le renvoi en cours de stage a été effectué de mauvaise foi, la Commission doit alors accueillir les griefs.

[92] Le fonctionnaire a toujours soutenu qu’il n’avait pas sciemment tenté d’éviter de payer les taxes. Je ne peux accepter son explication. L’acceptation de son explication constituerait un mépris total des éléments de preuve présentés à l’audience. Tout au long de cette situation, le fonctionnaire a déclaré qu’il avait tenté d’établir le coût du pare‐chocs arrière en y faisant référence sur le site Web du vendeur, ce que l’ASF Charlebois a refusé de prendre en considération. Le fonctionnaire a déclaré que, pendant qu’il était assis dans sa voiture et qu’il attendait de passer à la ligne d’inspection primaire, il a fouillé dans le site Web pour trouver le pare‐chocs arrière qu’il avait acheté en ligne.

[93] Le rapport de PSI contient deux captures d’écran de pare‐chocs arrière. L’un est pour un « Mauler Stubby Rear Bumper (pare‐chocs arrière) – JK Wrangler », évalué à 399 $ US, et l’autre est pour un « Crusader Rear Mid Width Bumper (pare‐chocs arrière) – JK Wrangler », évalué à 599 $ US. Le fonctionnaire a déclaré qu’il avait fait référence par erreur au pare‐chocs initial à 399 $ US, moins le rabais qu’il avait reçu. Il a soutenu qu’il avait obtenu un rabais d’environ 200 $ US et qu’il avait arrondi le montant à la hausse et qu’il avait déclaré la valeur à 250 $ US. Il n’a fourni aucun détail à l’appui de son explication. Cette explication n’est corroborée nulle part dans les documents qu’il a fournis ou dans le rapport d’enquête.

[94] Le fonctionnaire n’a pas expliqué la raison pour laquelle il n’avait pas simplement mentionné son reçu de PayPal lorsqu’il a tenté de franchir la frontière avec son pare‐chocs arrière et d’expliquer à l’ASF Charlebois la ventilation des coûts et le fait qu’il avait déjà apporté deux des trois pièces à travers la frontière. Il aurait pu simplement soustraire le montant sur lequel il avait payé les taxes le 19 décembre 2014 pour déterminer le solde des taxes à payer. Selon la prépondérance des probabilités, je ne trouve pas crédible qu’il ait fait référence par erreur au « Mauler Stubby Rear Bumper (pare‐chocs arrière) – JK Wrangler », évalué à 399 $ US, et non au « Crusader Rear Mid Width Bumper (pare‐chocs arrière) – JK Wrangler », évalué à 599 $ US. Le fonctionnaire savait quel pare‐chocs il avait acheté. Il avait acheté le pare‐chocs le plus grand. Ils sont très différents. Je ne peux accepter son explication selon laquelle il s’agissait d’une erreur honnête.

[95] L’employeur a soutenu que, depuis Tello, un administrateur général n’est plus tenu de fournir un motif précis; il n’a qu’à fournir un motif lié à l’emploi. Il n’est pas nécessaire de démontrer un motif valable pour un renvoi en cours de stage. Je suis d’accord pour dire qu’un motif valable n’est plus nécessaire.

[96] Le fonctionnaire peut estimer que la décision de l’employeur de le renvoyer en cours de stage était excessive. Malheureusement, comme le décrit clairement la jurisprudence, il ne s’agit pas du critère. De son propre aveu à l’ASF Charlebois, le fonctionnaire était une recrue; il venait tout juste d’obtenir son diplôme de Rigaud. Comme Mme Richens et M. Akerley l’ont affirmé clairement, les recrues comprennent les exigences relatives à la déclaration accompagnée de documents appropriés au moment de traverser la frontière. Les ASF appliquent la loi et sont donc tenus de la faire respecter et de se comporter d’une manière qui maintient la confiance des Canadiens dans la loi. Les recrues sont formées dans le domaine du calcul des droits et des taxes sur les marchandises. Ils apprennent comment calculer les droits de douane et d’accise, la taxe d’accise, la TPS et la TVH selon le Tarif des douanes, la Loi sur les douanes, les Mémorandums D, la Loi sur la taxe d’accise, la Loi sur l’accise et la Loi de 2001 sur l’accise. Ils apprennent comment faire fonctionner le système. Le fonctionnaire a été formé récemment et était bien renseigné. Il l’a admis dans son témoignage.

[97] Le fonctionnaire avait prêté serment. Il n’a expliqué de façon valable pourquoi il m’était pas mieux préparé à la frontière. J’accepte la position de Mme Richens selon laquelle, pour elle, cela représentait un manquement au devoir.

[98] Le fonctionnaire a fait valoir que le renvoi en cours de stage avait été effectué de mauvaise foi parce que l’employeur a abordé l’enquête avec un esprit fermé. Il a soutenu qu’il ne l’avait pas interrogé au sujet de l’achat des pièces d’automobile et de ses communications de suivi avec le vendeur pendant l’enquête. Il n’a eu aucune occasion de formuler des commentaires sur l’échange de courriels entre le conseiller principal en relations de travail et le vendeur.

[99] S’il y a effectivement eu iniquité procédurale, celle‐ci a été corrigée par la présente audience. Comme la représentante du fonctionnaire le sait, les audiences devant la Commission constituent des audiences de novo. Voir Patanguli c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CAF 291, aux paragraphes 38 à 42, qui confirment qu’une audience devant la Commission constitue une audience de novo. L’employeur n’est pas tenu d’établir un motif valable; il n’est pas non plus tenu d’accorder un niveau plus élevé d’équité procédurale dans le cadre d’une enquête sur un renvoi en cours de stage possible. Le fait qu’il n’ait pas interrogé le fonctionnaire au sujet de ses communications de suivi avec le vendeur ne porte pas atteinte à la conclusion selon laquelle il a fait preuve de négligence et de malhonnêteté lorsqu’il a importé la dernière des trois pièces d’automobile. Ce fait n’annule pas le motif lié à l’emploi du renvoi en cours de stage.

[100] Le fonctionnaire a accusé l’employeur d’avoir causé un retard important dans la réalisation de l’enquête et un retard dans son renvoi en cours de stage. Sa cote de fiabilité avait été révoquée en janvier 2015 et a été rétablie en février 2015. Il est demeuré suspendu sans solde et cette situation s’est poursuivie jusqu’à ce qu’il soit informé en mars 2015 qu’une autre enquête serait effectuée. L’enquête administrative a commencé en mars 2015, mais il a fallu deux autres mois pour interroger le fonctionnaire. Il n’a été interrogé qu’en mai 2015.

[101] En juillet 2015, l’enquêteuse disposait de tous les éléments de preuve nécessaires pour rédiger son rapport. Toutefois, le fonctionnaire n’a reçu une copie du rapport que cinq mois plus tard, soit en décembre. Ce n’est qu’à la fin de décembre que le fonctionnaire, accompagné de son représentant syndical, a rencontré M. Akerley et le conseiller en relations de travail et a eu l’occasion de formuler des commentaires au sujet du rapport. Deux mois plus tard, le fonctionnaire a été renvoyé en cours de stage, soit en février 2016.

[102] L’employeur n’a fourni aucune explication raisonnable quant à la raison pour laquelle il a fallu autant de temps pour renvoyer le fonctionnaire en cours de stage. Ce dernier a soutenu qu’il avait subi un préjudice financier en raison du retard. Il est inconcevable que tout le processus ait pris 14 mois, alors que seulement trois personnes ont dû être consultées. Il s’agissait de 14 mois d’incertitude et de stress pour le fonctionnaire et de 12 mois de loyer payé pour un appartement qu’il n’utilisait pas parce que l’employeur lui garantissait constamment qu’il recevrait bientôt les résultats. L’affirmation de l’employeur selon laquelle il se targuait de sa rigueur est fallacieuse parce que l’enquête était achevée en juillet 2015.

[103] Le fonctionnaire a fait valoir qu’il est bien établi qu’un retard peut être pris en compte dans l’évaluation d’une sanction appropriée. Il fait valoir que le retard constitue une preuve de mauvaise foi de la part de l’employeur. Il a invoqué les conclusions dans Paglia c. Agence du revenu du Canada, 2020 CRTESPF 67, aux paragraphes 247 à 253, dans laquelle l’arbitre de grief a décidé qu’un retard peut effectivement vicier le droit de l’employeur de prendre une mesure disciplinaire à l’égard d’un employé.

[104] La jurisprudence indique que les facteurs à prendre en considération sont la durée du retard, les raisons de celui‐ci et la question de savoir s’il a causé un préjudice au fonctionnaire. Dans certains cas, un retard rend difficile ou impossible de préparer une défense, alors que dans d’autres, un fonctionnaire peut considérer le retard comme une tolérance de ses actes, ce qui rend ainsi les mesures disciplinaires subséquentes injustes. Parfois, la durée du retard en soi annulera toute mesure disciplinaire.

[105] L’arbitre de grief dans Baptiste c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2011 CRTFP 127, au par. 331, a conclu que l’employeur dans cette affaire n’avait pas été aussi appliqué qu’il aurait pu l’être et que la période d’attente avait causé un préjudice à la fonctionnaire s’estimant lésée, qui avait été tenue en suspens pendant longtemps. L’arbitre de grief a réduit la durée de la suspension.

[106] Dans Chouinard c. Conseil du Trésor (Défense nationale), [1983] C.R.T.F.P.C. no 146 (QL), étant donné que l’employeur avait attendu huit mois et demi après les infractions reprochées pour imposer une mesure disciplinaire, l’arbitre de grief a conclu que le délai était déraisonnable et injustifié et qu’il avait porté préjudice au fonctionnaire s’estimant lésé en lui faisant penser qu’il avait été pardonné.

[107] Le même principe a été appliqué dans Da Cunha c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), [1993] C.R.T.F.P.C. n181 (QL). Dans cette affaire, l’employeur a pris un temps excessif avant de congédier le fonctionnaire s’estimant lésé, un retard de six mois s’est produit et le fonctionnaire s’estimant lésé a subi de l’anxiété en raison de l’incertitude. Le retard a été un facteur dans la décision d’annuler le licenciement et de lui substituer une longue suspension.

[108] Dans Ontario Public Service Employees Union v. Ontario Public Service Staff Union, [2011] O.L.A.A. No. 191 (QL), la Commission des relations de travail de l’Ontario a conclu que l’employeur n’avait pas fourni de justification suffisante pour expliquer les retards dans la réalisation de son enquête et la mise au point de l’imposition d’une mesure disciplinaire à la fonctionnaire s’estimant lésée. Le licenciement a été annulé parce que la fonctionnaire s’estimant lésée a subi un préjudice lorsqu’elle s’est défendue contre les allégations d’actes répréhensibles.

[109] En l’espèce, l’employeur a pris 14 mois à compter de la date de révocation de la cote de fiabilité du fonctionnaire jusqu’à la date de son renvoi en cours de stage. Il s’agissait d’une période excessivement longue; l’employeur devait faire preuve de diligence raisonnable. Pour tous ces motifs, le fonctionnaire a soutenu que l’employeur avait agi de mauvaise foi et que la Commission devrait accueillir les griefs.

[110] Le fonctionnaire ne demande plus sa réintégration dans ses fonctions, mais plutôt l’octroi de dommages‐intérêts d’un montant correspondant au coût du contrat de location de l’appartement qu’il a été obligé de louer et de conserver pendant l’enquête administrative. Il a témoigné au sujet des nombreuses fois qu’il a fait un suivi auprès de l’employeur toutes les deux semaines parce qu’il payait toujours son appartement à Toronto. Il a demandé s’il devait trouver un autre emploi parce qu’il n’avait pas les moyens de payer l’appartement. Le fonctionnaire a soutenu que je devrais exercer mon pouvoir en vertu du par. 228(2) de la LRTSPF et lui accorder les coûts du loyer qu’il a été forcé de payer en attendant que l’employeur achève l’enquête.

[111] L’employeur a invoqué les conclusions de la Commission dans Melanson c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 33, aux par. 160 à 162, et a déclaré que le simple fait d’être assujetti à une période de stage constitue un avertissement suffisant que des préoccupations liées au rendement pourraient entraîner un renvoi en cours de stage. L’employeur n’est pas tenu de fournir un avis. Les actes du fonctionnaire n’étaient pas banals et l’enquête de l’employeur n’était pas arbitraire. Même si je peux comprendre le stress et les difficultés financières que le fonctionnaire a vécus lorsqu’il a été suspendu sans solde en attendant le résultat de l’enquête, il n’en demeure pas moins qu’il était un stagiaire.

[112] Même si je conviens que l’employeur a pris un temps excessif pour achever l’enquête, cela n’équivaut pas à une mauvaise foi au sens de la jurisprudence. Le retard dans l’achèvement de l’enquête n’équivalait pas à un subterfuge, à un camouflage ou à une mauvaise foi. Afin de conclure que le renvoi en cours de stage constituait un subterfuge, un camouflage ou qu’il a été effectué de mauvaise foi, le motif du renvoi en cours de stage doit avoir été complètement différent de celui qui était indiqué dans la lettre de renvoi en cours de stage du fonctionnaire ou, pire encore, il faut fournir des éléments de preuve permettant de conclure que le fonctionnaire était la cible d’un gestionnaire ou de collègues de mauvaise foi. Aucun élément de preuve de ce genre n’a été présenté dans les circonstances de l’espèce. La jurisprudence que le fonctionnaire a présentée au sujet du retard se situait dans le contexte d’une mesure disciplinaire et n’a aucune incidence dans le contexte du présent renvoi en cours de stage.

[113] Dans Penner, la Cour d’appel fédérale a décidé qu’un décideur « [...] saisi d’un grief déposé par un employé renvoyé en cours de stage a le droit d’examiner les circonstances de l’affaire pour s’assurer qu’elle soit réellement ce qu’elle semble être ». La Cour a également déclaré ce qui suit :

[...] [un décideur] est sans compétence à l’égard d’un renvoi en cours de stage lorsque la preuve présentée le convainc que les représentants de l’employeur ont agi de bonne foi au motif qu’ils ne considéraient pas que l’employé possédait les aptitudes requises pour occuper le poste visé [...]

[...]

 

[114] Par conséquent, la Commission doit examiner les circonstances qui ont conduit au renvoi en cours de stage pour déterminer si l’employeur s’est fondé sur une insatisfaction de bonne foi quant à l’aptitude du fonctionnaire à exercer les fonctions de son poste. En l’espèce, comme je l’ai déjà mentionné, selon son propre aveu, le fonctionnaire a convenu qu’il aurait pu être mieux préparé lorsqu’il a importé la dernière des trois pièces d’automobiles. Il a fait une fausse déclaration. En tant que recrue, faire une fausse déclaration à la frontière constitue un motif valable lié à l’emploi qui justifie un renvoi en cours de stage.

[115] Leonarduzzi a également appliqué les conclusions de Penner selon lesquelles un employeur doit présenter une preuve satisfaisante qu’il a renvoyé un employé en cours de stage, de bonne foi et parce qu’il était insatisfait de l’aptitude du fonctionnaire à exercer les fonctions de son poste. Une fois que l’employeur s’est acquitté de son fardeau initial, il incombe alors à l’employé d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que le renvoi présumé en cours de stage était en fait une mesure disciplinaire déguisée, un camouflage, un subterfuge ou a été effectué de mauvaise foi et qu’il n’a pas été effectué pour un motif légitime lié à l’emploi. Le fonctionnaire n’a pas été en mesure d’établir que le renvoi en cours de stage visait en réalité des raisons autres qu’un motif lié à l’emploi.

[116] De plus, je conclus que la demande de dommages‐intérêts du fonctionnaire en raison du retard à le renvoyer en cours de stage est trop éloignée. Il n’y a aucun élément preuve qui permet d’étayer l’argument selon lequel l’employeur a fait preuve de négligence dans la réalisation de son enquête ou qu’il a délibérément retardé l’enquête pour causer un préjudice financier au fonctionnaire. Pour tous les motifs déjà mentionnés, le fonctionnaire n’a pas établi que l’employeur n’avait pas un motif lié à l’emploi pour le renvoyer en cours de stage et les actes du fonctionnaire étaient incompatibles avec les responsabilités et les tâches attendues d’un stagiaire dans le cadre du PPAS. La Commission n’a pas compétence.

[117] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


IV. Ordonnance

[118] La Commission n’a pas compétence.

[119] Les griefs sont rejetés et j’ordonne la fermeture du dossier.

Le 19 avril 2024.

Traduction de la CRTESPF

Chantal Homier‐Nehmé,

une formation de la Commission des relations de

travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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