Décisions de la CRTESPF

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Date: 20240515

Dossiers: 566-02-09814, 09815 et 09816

 

Référence: 2024 CRTESPF 67

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

Hugo Béland Falardeau, Jessica Vingerhoeds-Carbino et Evangelia Costamis

fonctionnaires s’estimant lésés

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(ministère de l’Emploi et du Développement social)

 

employeur

Répertorié

Béland Falardeau c. Conseil du Trésor (ministère de l’Emploi et du Développement social)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

Devant : Marie-Claire Perrault, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour les fonctionnaires s’estimant lésés : Aaron Lemkow, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l’employeur : Simon Ferrand, avocat

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés
les 14 septembre, 20 novembre et 18 décembre 2023,
et les 15 et 18 janvier 2024
.


MOTIFS DE DÉCISION

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

[1] Hugo Béland Falardeau, Jessica Vingerhoeds-Carbino et Evangelia Costamis (les fonctionnaires s’estimant lésés, les « fonctionnaires ») ont chacun déposé un grief contestant leur rémunération. Ils allèguent que leur employeur n’a pas reconnu leur service pour calculer leur échelon de rémunération. Le 23 mai 2014, les griefs ont été renvoyés à l’arbitrage à la Commission des relations de travail dans la fonction publique, maintenant devenue à la suite de modifications législatives la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »; le terme englobe la Commission actuelle et celles qui l’ont précédée).

[2] Pour les fins de la présente décision, le terme « employeur » désigne à la fois l’employeur légal, le Conseil du Trésor du Canada, signataire de la convention collective intervenue avec l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») pour le groupe Services des programmes et de l’administration, dont la date d’expiration est le 20 juin 2014 (la « Convention collective »), et le ministère de l’Emploi et du Développement social, où travaillent les fonctionnaires.

[3] La présente décision est rendue sur la base d’arguments écrits, conformément à l’article 22 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365).

II. Résumé de la preuve

[4] Les parties ont déposé un énoncé conjoint des faits que je résume dans les paragraphes suivants. J’ajoute à la fin du résumé de preuve la réponse de l’employeur au palier final de la procédure de règlement des griefs.

[5] Chacun des fonctionnaires a un parcours particulier chez l’employeur. Je présente sous forme télégraphique ce parcours pour en faciliter la lecture et la consultation au moment d’aborder les arguments propres à chaque situation. Sauf indication contraire, toutes les périodes d’emploi sont chez l’employeur. Les dates de contrat sont confirmées par les éléments de preuve déposés de consentement. Dans le résumé qui suit, je fais état des dates d’emploi, sans tenir compte des prolongations ou écourtements de contrat.

A. Hugo Béland Falardeau (dossier 566-02-09814 de la Commission)

[6] L’historique de l’emploi pour les fins du présent grief est le suivant :

· le 10 août 2009 : embauche comme agent de prestations (PM-02), pour une période déterminée se terminant le 30 septembre 2010;

 

· du 1er octobre 2010 au 16 novembre 2010 : poste PM-01;

 

· du 17 novembre 2010 au 13 mars 2011 : poste intérimaire PM-02;

 

· du 14 mars 2011 au 12 août 2011 : muté à Statistique Canada;

 

· du 13 août 2011 au 11 décembre 2011 : le fonctionnaire n’a pas travaillé pour l’employeur;

 

· du 12 décembre 2011 au 19 décembre 2011 : emploi comme agent de prestations (PM-02), emploi occasionnel;

 

· du 19 décembre 2011 au 27 mars 2014 : poste PM-02, pour une période déterminée;

 

· le 28 mars 2014 : nomination à un poste indéterminé PM-02;

 

· du 12 septembre 2013 au 14 mars 2014 : poste intérimaire PM-03;

 

· le 16 janvier 2017 : mutation à un autre poste PM-02.

 

B. Jessica Vingerhoeds-Carbino (dossier 566-02-09815 de la Commission)

[7] L’historique de l’emploi pour les fins du présent grief est le suivant :

· du 10 août 2009 au 1er octobre 2010 : emploi comme agente de prestations (PM-02), pour une période déterminée;

 

· du 2 octobre 2010 au 19 décembre 2010 : la fonctionnaire n’a pas travaillé chez l’employeur;

 

· du 20 décembre 2010 au 13 mars 2011 : poste PM-02, pour une période déterminée;

 

· du 13 mars 2011 au 1er juillet 2011 : emploi au Conseil canadien des relations industrielles, pour une période déterminée;

 

· du 12 décembre 2011 au 18 décembre 2011 : emploi occasionnel, poste PM-02;

 

· du 19 décembre 2011 au 19 avril 2013 : emploi pour une période déterminée, poste PM-02;

 

· le 22 avril 2013 : nouveau poste pour une période indéterminée comme analyste à Industrie Canada.

 

C. Evangelia Costamis (dossier 566-02-09816 de la Commission)

[8] L’historique de l’emploi pour les fins du présent grief est le suivant :

· du 10 août 2009 au 17 août 2009 : emploi comme agente de prestations (PM-02), emploi occasionnel;

 

· du 18 août 2009 au 1er octobre 2010 : poste PM-02 pour une période déterminée;

 

· du 2 octobre 2010 au 19 décembre 2010 : la fonctionnaire n’a pas travaillé chez l’employeur;

 

· du 20 décembre 2010 jusqu’en avril 2014 (quand elle est nommée pour une période indéterminée) : poste d’agente de prestations (PM-02), pour une période déterminée.

 

[9] Les griefs tirent leur origine du fait que l’employeur n’a pas reconnu le service des fonctionnaires avant le 1er mars 2011 pour calculer l’augmentation d’échelon. La Convention collective (qui entrait en vigueur le 1er mars 2011) incluait un nouvel article à l’Appendice A-2, qui se lisait comme suit :

[…]

3. Une personne nommée pour une période déterminée recevra une augmentation d’échelon de rémunération après avoir accumulé cinquante-deux (52) semaines de service cumulatif. Pour plus de précision, « service cumulatif » s’entend de tout service, continu ou non, dans l’administration publique centrale dans le même groupe professionnel et au même niveau.

3. An employee appointed to a term position shall receive an increment after having reached fifty-two (52) weeks of cumulative service. For the purpose of defining when a determinate employee will be entitled to go the next salary increment, “cumulative” means all service, whether continuous or discontinuous within the core public administration at the same occupational group and level.

[…]

 

[10] Les fonctionnaires ont déposé des griefs en juin et juillet 2012 pour contester la décision de l’employeur de ne pas reconnaître leur service avant le 1er mars 2011. Le 14 mars 2014, l’employeur a rejeté les griefs au dernier palier de la procédure de règlement des griefs et ils ont été renvoyés à l’arbitrage le 23 mai 2014.

[11] Je note toutefois que, dans le cas de Mme Costamis, qui a débuté un service continu le 20 décembre 2010, l’employeur a commencé à cette date le calcul de cumul de service aux fins de l’augmentation d’échelon.

[12] La réponse de l’employeur au palier final de la procédure de règlement des griefs exposait comme suit son motif pour rejeter les griefs :

[…]

Je note que l’article 66 de la convention collective des Services des programmes et de l’administration traite de la durée de la convention et précise que :

« 66.02 Sauf indication contraire, les dispositions de la présente convention entreront en vigueur à la date de sa signature. »

Ainsi, comme la convention collective est entrée en vigueur le 1er mars 2011, et qu’aucune indication expresse contraire n’indique une mise en application rétroactive de l’Appendice A-2, les périodes de service discontinues antérieures à cette date ne peuvent compter dans le calcul des augmentations d’échelons salariaux.

C’est dans cet esprit que le Secrétariat du conseil du trésor [sic] a rédigé ces notes explicatives du 1er avril 2011 et du 8 juin 2012 en précisant que l’Appendice A-2 entrait en vigueur le 1er mars 2011 et que les périodes de service avant la date de signature de la convention collective ne comptent pas dans le calcul des augmentations salariales.

[…]

 

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour les fonctionnaires s’estimant lésés

[13] Les fonctionnaires soutiennent que la clause 66.02 de la Convention collective, selon laquelle les dispositions de la convention entrent en vigueur à la date de sa signature, n’empêche pas que l’on considère qu’au 1er mars 2011, ils avaient accumulé au moins 52 semaines de service cumulatif. Ils auraient donc dû avancer au deuxième échelon de rémunération le 1er mars 2011. Selon leurs dates de service subséquentes, ils auraient eu droit de passer au troisième échelon, aux dates suivantes :

· M. Béland Falardeau : le 28 novembre 2012

 

· Mme Vingerhoeds-Carbino : le 28 novembre 2012

 

· Mme Costamis : le 28 février 2012

 

[14] Les fonctionnaires invoquent les principes d’interprétation d’une convention collective selon la jurisprudence. Je reviendrai sur la jurisprudence pertinente dans mon analyse.

[15] Selon les fonctionnaires, l’article 3 de l’Appendice A-2 de la Convention collective ne contient aucune limite temporelle. La clause 66.02 indique simplement à partir de quelle date les fonctionnaires peuvent réclamer l’effet de l’article 3 de l’Appendice A-2.

[16] Les fonctionnaires s’appuient sur la notion d’ancienneté pour affirmer que leurs semaines travaillées doivent être comptées.

[17] Selon les fonctionnaires, l’interprétation de l’employeur, soit que les semaines travaillées ne comptent qu’à partir du 1er mars 2011, mènerait à des résultats absurdes et injustes.

B. Pour l’employeur

[18] L’employeur et l’agent négociateur ont convenu pour la première fois, dans la Convention collective signée le 1er mars 2011, que le service cumulatif (continu et discontinu) d’une personne nommée pour une période déterminée compterait aux fins de l’augmentation d’échelon de rémunération. Par ailleurs, la clause 66.02 de la Convention collective prévoit qu’à moins d’indication contraire, les dispositions de la Convention collective entrent en vigueur à sa signature.

[19] Selon l’employeur, puisque la disposition visant l’accumulation du service cumulatif pour les personnes nommées pour une période déterminée n’entrait en vigueur que le 1er mars 2011, elle ne peut s’appliquer à des faits antérieurs, soit le cumul de service avant le 1er mars 2011.

[20] L’employeur rappelle les principes d’interprétation qui s’appliquent aux conventions collectives : il s’agit de discerner l’intention des parties, et d’interpréter les mots dans leur sens commun et ordinaire, tout en tenant compte de l’ensemble de la convention collective. Il faut éviter d’en arriver à un résultat absurde.

[21] Le changement opéré dans la Convention collective est de reconnaître, pour les personnes employées pour une période déterminée, le cumul de service, qu’il soit continu ou discontinu. Auparavant, il fallait 52 semaines consécutives pour avoir droit à l’augmentation d’échelon.

[22] L’employeur s’appuie sur une interprétation donnée par le Secrétariat du Conseil du Trésor, datée du 8 juin 2012, qui précise ce qui suit :

[…]

A compté [sic] des dates de signature de la convention collective allant de l’avant, les augmentations salariales doivent tenir compte du service cumulatif, continu ou discontinu, exercé au sein de l’administration publique centrale. Les périodes de service avant les dates de signature ne comptent pas dans le calcul des augmentations salariales.

From the date of signing of the collective agreements going forward, pay increments are to be based on cumulative service, whether continuous or discontinuous, within the Core Public Administration. Service prior to the dates of signing does not count in calculating pay increments.

[…]

 

[23] L’employeur soutient que lorsque les parties sont d’avis que l’application de la convention collective se fait à une date autre que celle de la signature, le texte l’exprime clairement. C’est le cas notamment pour les augmentations rétroactives qui ont des dates antérieures au 1er mars 2011.

[24] L’employeur invoque le principe qu’il faut une expression claire de l’intention de conférer un avantage qui comporte un coût financier.

[25] Il est difficile de croire que c’était l’intention de l’employeur d’accepter le coût énorme qu’entraînerait la reconnaissance du cumul de service, continu et discontinu, avant le 1er mars 2011. Il est évident, à la lecture de la disposition, que l’employeur s’engageait pour l’avenir, et non pour le passé.

[26] Si telle était l’intention de l’agent négociateur, il aurait fallu clairement l’exprimer dans les négociations et dans le texte de la Convention collective.

[27] Accorder le cumul de service antérieur au 1er mars 2011 signifie accorder aux fonctionnaires un bénéfice salarial auquel ils n’avaient pas droit avant le 1er mars 2011. Ce serait modifier la convention collective, ce qui est interdit par l’article 229 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2).

C. Réplique et sur-réplique

[28] Les fonctionnaires soutiennent qu’ils ne cherchent pas une application rétroactive de l’article 3 de l’Appendice A-2 de la Convention collection. L’augmentation prendrait effet le 1er mars 2011, comme le prévoit la clause 66.02. Toutefois, cette augmentation serait due au cumul de service, qui ayant déjà eu lieu, devrait compter à partir du 1er mars 2011.

[29] L’employeur a soumis une brève sur-réplique, à laquelle les fonctionnaires ont répondu. On y traite notamment du fait que Mme Costamis a eu droit au calcul de cumul de service à partir du 20 décembre 2010, et non à partir du 1er mars 2011.

IV. Analyse

[30] La question en litige est la suivante : pour les personnes nommées pour une période déterminée (tels les fonctionnaires), les périodes de service discontinu précédant le 1er mars 2011 comptent-elles pour l’augmentation d’échelon de rémunération prévue à l’article 3 de l’Appendice A-2 de la Convention collective?

[31] Il s’agit donc d’interpréter la nouvelle disposition de la Convention collective qui permet désormais le cumul du service continu et discontinu pour les personnes nommées pour une période déterminée.

[32] Il est utile de rappeler les principes d’interprétation d’une convention collective, résumés comme suit dans la décision Duhamel c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2022 CRTESPF 87 :

[…]

[59] Selon la présomption fondamentale, les parties sont censées avoir voulu les termes exprimés dans cette disposition.

[60] Les termes utilisés doivent être interprétés dans leur sens ordinaire et simple, à moins qu’une telle interprétation ne soit susceptible de donner lieu à une absurdité ou ne serait pas conforme avec l’ensemble de la convention collective.

[61] Un arbitre de grief doit tenir compte de la convention collective dans son ensemble, car l’entente globale forme le contexte dans lequel les termes utilisés doivent être interprétés.

[62] Dans le cas où l’arbitre de grief doit choisir entre deux interprétations linguistiques acceptables, l’arbitre de grief peut être guidé par ce qui suit :

· l’objet de la disposition particulière;

· le caractère raisonnable de chaque interprétation possible;

· la faisabilité administrative;

· la question de savoir si une des interprétations possibles entraînerait des anomalies.

[63] Le fait qu’une disposition particulière puisse sembler injuste n’est pas une raison pour qu’un ou une arbitre de grief en fasse abstraction si elle est clairement formulée.

[64] La décision de l’arbitre de grief ne peut avoir pour effet d’exiger la modification d’une convention collective ou d’une décision arbitrale.

[…]

 

[33] Je pense qu’il est utile, pour situer la disposition en litige dans son contexte, de faire le contraste entre ce que prévoyait la convention collective précédente et la Convention collective signée le 1er mars 2011 :

Convention collective en vigueur du 29 janvier 2009 au 20 juin 2011, Appendice A-2 :

Appendice A-2

Appendix A-2

PM - Groupe Administration des programmes

Notes sur la rémunération

PM - Programme Administration Group

Pay Notes

Augmentation d’échelon de rémunération pour les employé-e-s à temps plein et à temps partiel

Pay Increment for Full-Time and Part-Time Employees

1. La période d’augmentation d’échelon de rémunération pour les employé-e-s au niveau PM-PERF est de vingt-six (26) semaines et pour les employé-e-s aux niveaux PM-1 à PM-6 est de cinquante-deux (52) semaines. L’augmentation d’échelon de rémunération sera au taux suivant de l’échelle de taux.

1. The pay increment period for employees at level PM-DEV is twenty-six (26) weeks and for employees at levels PM-1 to PM-6 is fifty-two (52) weeks. A pay increment shall be to the next rate in the scale of rates.

**

**

2. La date d’augmentation d’échelon de rémunération de l’employé-e qui, par suite d’une promotion, d’une rétrogradation ou à son entrée dans la fonction publique, est nommé à un poste de l’unité de négociation après le 23 avril 1976, est la période d’augmentation d’échelon de rémunération, tel que calculé à compter de la date de la promotion, de la rétrogradation ou de l’entrée dans la fonction publique.

2. The pay increment date for an employee appointed to a position in the bargaining unit on promotion, demotion or from outside the public service after April 23, 1976, shall be the pay increment period as calculated from the date of the promotion, demotion or appointment from outside the public service.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

 

 

Convention collective en vigueur du 1er mars 2011 au 20 juin 2014, Appendice A-2 :

APPENDICE A-2

APPENDIX A-2

PM - GROUPE ADMINISTRATION DES PROGRAMMES

NOTES SUR LA RÉMUNÉRATION

PM - PROGRAMME ADMINISTRATION GROUP

PAY NOTES

AUGMENTATION D’ÉCHELON DE RÉMUNÉRATION POUR LES EMPLOYÉ-E-S À TEMPS PLEIN ET À TEMPS PARTIEL

PAY INCREMENT FOR FULL-TIME AND PART-TIME EMPLOYEES

1. La date de l’augmentation d’échelon de rémunération pour les employé-e-s nommés pour une période indéterminée aux niveaux PM-PERF à PM-6 est la date d’anniversaire de leur nomination à leur poste. L’augmentation correspond au salaire de l’échelon suivant de l’échelle de rémunération.

1. The pay increment period for indeterminate employees at levels PM-DEV to PM-6 is the anniversary date of such appointment. A pay increment shall be to the next rate in the scale of rates.

2. La période d’augmentation d’échelon de rémunération pour les employé-e-s nommés pour une période déterminée aux niveaux PM-PERF à PM-6 est de cinquante-deux (52) semaines. L’augmentation correspond au salaire de l’échelon suivant de l’échelle de rémunération.

2. The pay increment period for term employees at levels PM-DEV to PM-6 is fifty-two (52) weeks. A pay increment shall be to the next rate in the scale of rates.

3. Une personne nommée pour une période déterminée recevra une augmentation d’échelon de rémunération après avoir accumulé cinquante-deux (52) semaines de service cumulatif. Pour plus de précision, « service cumulatif » s’entend de tout service, continu ou non, dans l’administration publique centrale dans le même groupe professionnel et au même niveau.

3. An employee appointed to a term position shall receive an increment after having reached fifty-two (52) weeks of cumulative service. For the purpose of defining when a determinate employee will be entitled to go the next salary increment, “cumulative” means all service, whether continuous or discontinuous within the core public administration at the same occupational group and level.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

 

 

[34] Dans ses arguments, l’employeur précise ce qui suit :

[…]

21. […] avant le 1er mars, 2011, un bris de service dans une période de 52 semaines suffisait pour empêcher un fonctionnaire nommé pour une période déterminée de se voir accorder une augmentation d’échelon de rémunération.

22. C’est dans ce contexte que les parties ont convenu au libellé de l’article 3 de l’Appendice A-2 dans la Convention Collective signée le 1er mars 2011. L’intention des parties était de faire en sorte que les « services continu(s) et non continu(s) » d’une personne nommée pour une période déterminée, comptent pour l’augmentation d’échelon de rémunération.

[…]

 

[35] Autrement dit, la personne qui auparavant avait 52 semaines continues dans un même poste avait droit à l’augmentation, qu’elle ait été nommée pour une période déterminée ou indéterminée. Le changement apporté par le nouvel article 3 de l’Appendice A-2 de la Convention collective est de permettre le cumul de périodes discontinues pour les personnes nommées pour une période déterminée.

[36] L’article 2 de l’Appendice A-2 précise que, pour les personnes nommées pour une période déterminée, la période pour l’augmentation d’échelon est de 52 semaines, comme auparavant. Toutefois, on modifie le calcul à l’article 3 de cet appendice : il peut désormais inclure les périodes discontinues d’emploi.

[37] Le calcul pour les employés nommés pour une période indéterminée se fonde sur leur date de nomination au poste. Pour les personnes nommées pour une période déterminée, il faut accumuler 52 semaines.

[38] Considérons l’effet de l’Appendice A-2 de la Convention collective : à chaque année (52 semaines), un employé qui travaille de façon continue a droit à une augmentation d’échelon.

[39] Pour les personnes qui travaillent par contrats discontinus, on voit l’iniquité : une personne pourrait avoir travaillé cinq ans dans le même poste, sans jamais avoir eu d’augmentation d’échelon si la période n’est pas continue.

[40] C’est justement cette iniquité que l’article 3 de l’Appendice A-2 de la Convention collective cherche à corriger : désormais, après 52 semaines dans un même poste, même discontinues, l’employé a droit à une augmentation d’échelon.

[41] Il n’y a rien dans l’article qui indique le point de départ du calcul des 52 semaines. Le seul point de départ donné est pour les employés nommés pour une période indéterminée, soit la date de nomination. C’est également le point de départ qui s’appliquait à tous les employés dans la convention collective antérieure.

[42] Il n’y a aucune indication que le début du calcul a été modifié. Autrement dit, c’est la date de nomination qui continue d’être le point de départ. Si les parties avaient voulu préciser une autre date de départ, elles l’auraient fait.

[43] L’employeur a invoqué le bulletin du Secrétariat du Conseil du Trésor pour étayer sa position que le calcul doit débuter le 1er mars 2011. Avec égards, cette interprétation est celle d’une des deux parties à la Convention collective. Elle ne fait pas partie de la Convention collective, et n’a pas l’aval de l’autre signataire.

[44] Les parties ont fait référence à des décisions qui portent sur les principes d’interprétation et de rétroactivité. Je retiens celles qui me semblent les plus pertinentes.

[45] Dans Bunka c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires étrangères et du Commerce international), 2002 CRTFP 15 (demande de contrôle judiciaire rejetée, Bunka c. Canada (Procureur général), 2003 CFPI 807), l’arbitre a jugé qu’un nouveau mode de rémunération pour les postes intérimaires ne s’appliquait pas avant la date d’entrée en vigueur de la convention collective.

[46] Dans Brault c. Agence du revenu du Canada, 2007 CRTFP 108, M. Brault avait payé ses cotisations à son ordre professionnel deux jours avant l’entrée en vigueur d’une nouvelle convention collective qui prévoyait le remboursement des cotisations professionnelles. L’employeur a refusé de rembourser les cotisations, et l’arbitre de grief lui a donné raison. La convention collective n’avait pas d’effet rétroactif.

[47] Dans le cas présent, les parties s’accordent que le changement de rémunération débute à la date de la signature de la Convention collective. L’enjeu est le calcul du service.

[48] L’argument de l’employeur selon lequel la rétroactivité doit clairement être indiquée (par exemple, dans les échelles de rémunération antérieures au 1er mars 2011) se bute à l’ensemble des dispositions de l’Appendice A-2 de la Convention collective qui concerne le groupe PM, dans une perspective historique.

[49] Le changement n’est pas le cumul de service. Le changement est l’ajout de service discontinu aux fins du calcul.

[50] Dans leurs arguments, les fonctionnaires se sont notamment appuyés sur le principe d’ancienneté, principe fondamental en droit du travail.

[51] Je ne vois pas vraiment son application en l’occurrence. Il s’agit de déterminer si la nouvelle clause de la Convention collective s’appliquait au cumul de service antérieur à la date d’entrée en vigueur de la clause. Il n’est pas question d’ancienneté, mais bien d’une augmentation d’échelon après 52 semaines de service.

[52] L’ancienneté ne peut s’appliquer comme principe ici parce qu’avant le 1er mars 2011, pour les employés engagés pour une période déterminée, le cumul des périodes d’emploi discontinues n’était pas reconnu. Il ne fait pas de doute que les fonctionnaires ont accumulé au moins 52 semaines avant le 1er mars 2011; toutefois la reconnaissance de ces 52 semaines discontinues n’était pas prévue par les conventions collectives antérieures.

[53] Cela permet de différencier deux décisions citées par les fonctionnaires. Dans l’affaire BCGEU and Prt Growing Services Ltd. (Johnson), Re, 2019 CarswellBC 3652, 142 C.L.A.S. 56 (BC Arb.), les parties à la convention collective avaient convenu de nouveaux chiffres pour accumuler les heures de travail qui donneraient droit à une hausse de classification. La question était de savoir si les heures travaillées avant la ratification de la nouvelle convention collective seraient comptées selon la formule du nouveau calcul. L’employeur soutenait qu’il fallait recommencer le compte d’heures à zéro, à partir de la date d’entrée en vigueur de la convention collective.

[54] Le nouveau calcul entraînait deux changements importants : le nombre d’heures requis pour atteindre la classification suivante, et le fait que désormais les heures n’avaient pas à être travaillées dans une même année civile. La convention collective comportait une clause stipulant que les changements entraient en vigueur au moment de la ratification. L’arbitre a jugé que cela ne signifiait pas que le calcul des heures recommençait à zéro. Il n’y avait rien dans le texte pour indiquer que les heures déjà travaillées ne devraient pas compter.

[55] À la différence du présent cas, la nature des heures n’avait pas changé. Dans le cas qui nous occupe, ce qui est désormais compté ne l’a jamais été, soit les périodes discontinues. On ne peut modifier rétroactivement ce qui est compté.

[56] Dans l’affaire Ottawa-Carleton (Regional Municipality) v. CUPE, Local 503, 1990 CarswellOnt 4230, [1990] O.L.A.A. No 145 (Ont Arb) (QL), l’employeur contestait la compétence du conseil d’arbitrage de décider des griefs, qui portaient sur l’accumulation des congés de vacances pendant un congé parental. Les congés avaient été accumulés avant l’entrée en vigueur de la convention collective qui donnait sa compétence au conseil d’arbitrage.

[57] Dans ce cas, il y avait continuité dans l’accumulation des congés; il n’y avait pas eu de changement dans le texte de la convention collective. La question portait étroitement sur la compétence du conseil d’arbitrage. Celui-ci a jugé qu’il avait compétence pour décider des congés accumulés des plaignants, puisque le droit aux congés se fondait sur l’ensemble de la durée d’emploi.

[58] Dans le présent cas, l’accumulation de service pour les fins de l’augmentation d’échelon est modifiée. À partir du 1er mars 2011, toutes les périodes compteront pour les employés nommés pour une période déterminée.

[59] La question est donc de savoir à partir de quel moment on commence à compter les 52 semaines de service : avant le 1er mars 2011, ou à partir du 1er mars 2011?

[60] Le calcul du service cumulatif octroie aux employés nommés pour une période déterminée un nouveau droit : désormais, toutes les périodes d’emploi compteront.

[61] Les fonctionnaires réclament que l’employeur tienne compte des périodes discontinues antérieures au 1er mars 2011. Je suis d’accord avec l’employeur que la nouvelle disposition ne peut avoir un effet rétroactif, qui ferait compter les périodes discontinues qui, avant le 1er mars 2011, n’étaient pas comptées pour l’augmentation d’échelon, sauf si la période d’emploi dépassait 52 semaines.

[62] Toutefois, je ne pense pas que le point de départ pour le nouveau calcul est le 1er mars 2011. Le fait est que la Convention collective est silencieuse quant au début du cumul des heures. L’augmentation d’échelon avec 52 semaines de service cumulatif prend effet le 1er mars 2011. Toutefois, le service à partir de la date de nomination commence pour les fonctionnaires avant le 1er mars 2011. La date appropriée est plutôt la date de nomination. Cela a été reconnu pour Mme Costamis qui, le 20 décembre 2010, débutait une période d’emploi continu. C’est la date à laquelle l’employeur a reconnu que commençait le calcul des 52 semaines.

[63] M. Béland Falardeau et Mme Vingerhoeds-Carbino ont été nommés à un poste PM-02, respectivement le 17 novembre 2010 et le 20 décembre 2010, et occupaient ce poste au moment où la Convention collective est entrée en vigueur. Compte tenu de la modification qui fait que toutes les périodes d’emploi, quelle que soit leur durée, sont comptées, il me semble logique de débuter le compte de 52 semaines à la date de nomination. Cela est conforme à ce qui existait, et qui n’a pas été expressément supprimé dans la Convention collective, à savoir que le calcul débute à la date de nomination. Les périodes antérieures ne sont pas comptées, car la Convention collective ne s’y appliquait pas.

[64] Les dates qui servent de point de départ au cumul des semaines de service, continues ou discontinues, sont donc les dates de nomination des fonctionnaires qui ont précédé l’entrée en vigueur de la Convention collective.

[65] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[66] Les griefs sont partiellement accueillis.

[67] La date à partir de laquelle commence le cumul de service aux fins de l’augmentation d’échelon est la date de nomination qui précède l’entrée en vigueur de la Convention collective.

Le 15 mai 2024.

Marie-Claire Perrault,

une formation de la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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