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Date: 20240327

Dossiers: 566‑02‑11785 et 11786

 

Référence: 2024 CRTESPF 46

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

Angela Jones

fonctionnaire s’estimant lésée

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(Service correctionnel du Canada)

 

employeur

Répertorié

Jones c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

Devant : Audrey Lizotte, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée : Zachary Rodgers, avocat

Pour l’employeur : Lauren Benoit, avocate

Affaire entendue par vidéoconférence

le 13 septembre 2023.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Introduction

[1] Les 22 et 28 octobre 2013, Angela Jones, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), a déposé deux griefs individuels distincts alléguant un paiement incorrect d’une indemnité intitulée Indemnité de facteur pénologique (IFP). La présente décision porte sur une objection préliminaire concernant ma compétence pour entendre ces griefs.

[2] Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365; LCRTEFP) a été proclamée en vigueur (TR/2014‑84), créant ainsi la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (CRTEFP) pour remplacer l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique et l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi n2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40; la « Loi no 2 sur le PAE ») sont aussi entrées en vigueur (TR/2014‑84). Conformément à l’article 393 de la Loi no 2 sur le PAE, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; LRTFP) avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la LRTFP, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le PAE.

[3] Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la CRTEFP et le titre de la LCRTEFP et de la LRTFP pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral.

[4] Pendant toute la période visée par les griefs, la fonctionnaire travaillait à titre d’agente de libération conditionnelle pour le Service correctionnel du Canada (l’« employeur ») et était assujettie à la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») pour le groupe Services des programmes et de l’administration, qui a expiré le 20 juin 2014 (la « convention collective »).

[5] L’article 58 de la convention collective régit le moment auquel les employés ont droit à une IFP et la façon dont ils y ont droit. Il prévoit un paiement à trois niveaux différents selon le niveau sécuritaire d’un établissement, soit maximal, moyen ou minimal.

[6] Le contexte des griefs est important. Ils ont été déposés après que le lieu de travail de la fonctionnaire a été déplacé de l’Unité d’évaluation de Millhaven (UEM) à l’Unité d’évaluation de Joyceville (UEJ) de l’employeur en décembre 2012. L’UEJ fait partie de l’Établissement de Joyceville (EJ) de l’employeur, qu’il a désigné comme un établissement à sécurité moyenne, tandis que l’UEM fait partie de l’Établissement de Millhaven (EM) de l’employeur, qui est un établissement à sécurité maximale. À la suite de ce changement, le niveau d’IFP de la fonctionnaire a été réduit.

[7] Chaque grief comporte des allégations d’une prétendue violation de la clause 58.08 de la convention collective, qui est essentiellement la disposition de l’article 58 relative à la rémunération d’intérim. Selon les griefs, la fonctionnaire aurait dû recevoir le montant maximal de l’IFP pendant les périodes où des détenus d’un établissement à sécurité maximale lui avaient été assignés alors qu’elle travaillait à l’UEJ.

[8] Les griefs devaient être entendus les 13 et 14 septembre 2023. Au cours des discussions préalables à l’audience entre les représentants des parties, un différend est survenu quant à ma compétence pour entendre les griefs. L’employeur s’est opposé à ma compétence pour deux motifs.

[9] En premier lieu, l’employeur a soutenu que la fonctionnaire cherchait à modifier la nature des griefs en soulevant de nouveaux motifs qui n’ont pas été discutés dans le cadre de la procédure de règlement des griefs interne. Il s’est appuyé sur Burchill c. Le procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109 (C.A.), pour faire valoir que la fonctionnaire n’avait pas le droit de modifier la nature des griefs et que je n’ai pas compétence pour entendre ce qui équivaut à de nouveaux griefs.

[10] En deuxième lieu, l’employeur a soutenu que l’un des nouveaux motifs invoqués par la fonctionnaire faisait l’objet d’un grief distinct et que des modalités de règlement ont été établies qui ont entièrement réglé cette question.

[11] Une audience a été tenue le 13 septembre 2023 au sujet de l’objection préliminaire. Aucune des parties n’a choisi de citer des témoins. L’employeur a fourni les documents suivants pour étayer sa position :

· une copie de l’article 58 de la convention collective;

· le grief individuel de la fonctionnaire portant le numéro 50291 et daté du 20 février 2013;

· son grief individuel portant le numéro 51764 et daté du 28 octobre 2013 (dossier de la Commission 566‑02‑11786);

· son grief individuel portant le numéro 51732 et daté du 22 octobre 2013 (dossier de la Commission 566‑02‑11785);

· un grief collectif auquel elle est partie portant le numéro 52802 et daté du 18 juin 2014;

· la décision de l’employeur relative au grief collectif, datée du 3 juillet 2014;

· les notes d’audience au dernier palier (non datées) pour les deux griefs en litige;

· les notes manuscrites de l’audience du grief datées du 20 janvier 2015;

· les modalités de règlement de la partie du grief collectif de la fonctionnaire, datées du 26 août 2016.

 

[12] Le représentant de la fonctionnaire n’a ni contesté les documents de l’employeur ni fourni de documents supplémentaires.

[13] Au cours de leurs argumentations, les deux parties ont fait référence à des faits supplémentaires qui ne figuraient pas dans les documents énumérés au paragraphe précédent. Les deux parties ont soulevé une objection, car aucun tel élément de preuve n’avait été déposé. Par conséquent, la présente décision est fondée uniquement sur les faits qui ont été clairement acceptés, soit les documents qui m’ont été fournis (énumérés ci‑dessus) et les réponses au grief de l’employeur qui font partie du dossier public.

[14] Les parties ont demandé que les modalités de règlement datées du 26 août 2016 soient mises sous scellés, car elles ont été acceptées sous toutes réserves et sont assujetties à une clause de confidentialité.

[15] Pour les motifs qui suivent, l’objection préliminaire de l’employeur est accueillie en partie, et les modalités de règlement datées du 26 août 2016 doivent être mises sous scellés.

II. Chronologie des faits pertinents

[16] Le 20 février 2013, la fonctionnaire a déposé un grief dont je ne suis pas saisie (portant le numéro 50291). Son contexte est important pour comprendre la série d’événements qui se sont déroulés après son dépôt. Il est fondé sur les clauses 58.03 et 58.04 de la convention collective.

[17] La clause 58.03 prévoit que le paiement de l’IFP est fondé sur le niveau sécuritaire d’un établissement, tel que déterminé par l’employeur. Dans le cas des établissements dotés de plus d’un niveau sécuritaire (c.‑à‑d. les établissements multiniveaux), l’IFP est payable au taux d’IFP le plus élevé. La clause 58.04 établit trois niveaux pour l’IFP. Pour les établissements à sécurité maximale, elle s’élève à 2 000 $ et pour les établissements à sécurité moyenne et minimale, elle s’élève à 1 000 $ et à 600 $, respectivement.

[18] Le grief portant le numéro 50291 indique ce qui suit :

[Traduction]

J’ai reçu une lettre datée du 30 novembre 2012 qui indiquait qu’en raison du transfert de l’Unité d’évaluation de Millhaven (UEM) à l’Établissement de Joyceville (EJ), mon indemnité de facteur pénologique (IFP) serait réduite, passant de 2000 $ à un maximum de 1000 $ à la date de mon entrée en fonction. (Annexe A)

Le 17 décembre 2012, je me suis présentée à l’EJ, tel qu’on me l’a demandé. Nous avons été informés qu’aucun délinquant nécessitant un niveau de sécurité maximal ne serait détenu en population carcérale générale à l’UEJ de l’EJ. Ils seraient transférés automatiquement à l’EM ou placés en isolement en attendant leur transfert.

Le 14 février 2013, j’ai traité le cas d’un délinquant qui se trouvait en population carcérale générale et qui résidait dans la rangée réservée aux détenus ayant des besoins spéciaux aux fins de placement dans un établissement à sécurité maximale en raison du fait que sa cote de l’Échelle de classement par niveau de sécurité était « maximale ».

Par conséquent, conformément à la clause 58.03 de la convention collective, pour les établissements dotés de plus d’un (1) niveau de sécurité désigné (c.‑à‑d. les établissements multiniveaux), l’IFP doit être déterminée en fonction du niveau de sécurité maximal de l’établissement. Je crois que j’ai droit à mon IFP antérieure de 2 000 $, car l’UEJ n’est pas un établissement à sécurité moyenne, mais un établissement multiniveaux (abritant des délinquants nécessitant un niveau de sécurité minimal, moyen et maximal). Je désire être indemnisée intégralement.

 

[19] En résumé, selon le grief, le 14 février 2013, alors qu’elle travaillait à l’UEJ, la fonctionnaire se serait vu attribuer des fonctions relatives à un détenu nécessitant un niveau de sécurité maximal et qu’elle a droit à l’IFP maximale en vertu de la clause 58.03, puisque l’UEJ est un établissement multiniveaux qui abrite des délinquants nécessitant des niveaux de sécurité minimal, moyen et maximal. En d’autres termes, le grief est fondé sur la clause 58.03 et conteste la désignation de sécurité pour l’UEJ.

[20] En octobre 2013, la fonctionnaire a déposé les deux griefs dont je suis saisie (dossiers de la Commission 566‑02‑11785 et 11786). Dans chacun des griefs, elle allègue une violation de la clause 58.08 de la convention collective, que son représentant a appelé la disposition de l’article 58 relative à la rémunération d’intérim.

[21] La clause 58.08 de la convention collective est reproduite ci‑dessous. J’inclus également la clause 58.09 puisqu’elle est mentionnée à la clause 58.08 et qu’elle est pertinente à la présente décision. Les clauses se lisent comme suit :

58.08 Sous réserve des dispositions du paragraphe 58.09 ci‑dessous, l’IFP est rajustée lorsque le titulaire d’un poste auquel s’applique l’IFP est nommé à un autre poste auquel un niveau différent d’IFP s’applique ou s’en voit attribuer les fonctions, que cette nomination ou affectation soit temporaire ou permanente, et, pour chaque mois au cours duquel l’employé‑e remplit des fonctions dans plus d’un poste auquel s’applique l’IFP, il ou elle touche l’indemnité la plus élevée, à condition qu’il ou elle ait rempli les fonctions pendant au moins dix (10) jours en tant que titulaire du poste auquel s’applique l’indemnité la plus élevée.

58.08 Except as provided in clause 58.09 below, the PFA shall be adjusted when the incumbent of a position to which the PFA applies, is appointed or assigned duties in another position to which a different level of PFA applies, regardless of whether such appointment or assignment is temporary or permanent, and for each month in which an employee performs duties in more than one position to which the PFA applies, the employee shall receive the higher allowance, provided he or she has performed duties for at least ten (10) days as the incumbent of the position to which the higher allowance applies.

58.09 Lorsque le titulaire d’un poste auquel s’applique l’IFP est temporairement affecté à un poste auquel un niveau différent d’IFP s’applique, ou auquel nulle IFP ne s’applique, et lorsque la rémunération mensuelle de base à laquelle il ou elle a droit pour le poste auquel il ou elle est temporairement affecté, y compris l’IFP, le cas échéant, est moins élevée que la rémunération mensuelle de base, plus l’IFP, à laquelle il ou elle a droit dans son poste normal, il ou elle touche l’IFP applicable à son poste normal.

58.09 When the incumbent of a position to which the PFA applies, is temporarily assigned a position to which a different level of PFA, or no PFA, applies, and when the employee’s basic monthly pay entitlement in the position to which he or she is temporarily assigned, plus the PFA, if applicable, would be less than his or her basic monthly pay entitlement plus the PFA in his or her regular position, the employee shall receive the PFA applicable to his or her regular position.

 

[22] Le premier des deux griefs (dossier de la Commission 566‑02‑11785) a été déposé le 22 octobre 2013 et indique ce qui suit :

[Traduction]

Le 16 septembre 2013, j’ai traité le cas du délinquant [G] aux fins d’un transfert involontaire à l’Unité d’évaluation de Millhaven (établissement à sécurité maximale). Il a été transféré à l’UEM le 18 septembre 2013, mais il faisait toujours partie de ma charge de travail pendant qu’il résidait dans un établissement à sécurité maximale. J’ai continué de surveiller son cas et d’effectuer toutes les évaluations nécessaires prescrites par la politique. Je crois que je devrais recevoir l’IFP maximale conformément à la clause 58.0[8] de la convention collective qui stipule que […] [cite la clause 58.08 dans son intégralité].

Mesure corrective demandée

Je devrais recevoir mon IFP à un taux de sécurité maximal de 2 000 $ et je devrais continuer à la recevoir à ce taux pendant toute la période au cours de laquelle le délinquant fait partie de ma charge de travail. Je demande également que cette mesure s’applique aux délinquants précédents qui ont fait partie de ma charge de travail et qui ont été transférés à un établissement à sécurité maximale, mais qui ont continué de faire partie de ma charge de travail, ainsi qu’à tout délinquant futur.

 

[23] Le formulaire de grief du 22 octobre 2013 indique que le grief est fondé sur « Services de l’administration – Convention collective – 58.09 ». Toutefois, le représentant de la fonctionnaire a convenu qu’il s’agissait d’une erreur puisque le libellé du grief cite la clause 58.08.

[24] Le formulaire de grief ne précise pas non plus la date à laquelle chaque action, omission ou autre question ayant donné lieu au grief s’est produite.

[25] Pour résumer, selon le grief du 22 octobre 2013, le 16 septembre 2013, la fonctionnaire a traité un détenu nécessitant un niveau de sécurité maximal et ce détenu a continué de faire partie de sa charge de travail après avoir été transféré à l’UEM le 18 septembre 2013. Le grief prétend qu’elle a droit à l’IFP maximale en vertu de la clause 58.08, pour toute la période où le détenu était affecté à sa charge de travail, ainsi qu’à l’égard d’un événement semblable antérieur et pour tout événement futur. En d’autres termes, le grief allègue une violation de la clause 58.08 en raison du fait que des détenus nécessitant un niveau de sécurité maximal ont été affectés à sa charge de travail alors qu’elle travaille dans un établissement à sécurité moyenne.

[26] Le deuxième grief (dossier de la Commission 566‑02‑11786) a été déposé le 28 octobre 2013 et il indique ce qui suit :

[Traduction]

Le 22 février 2013, j’ai demandé si je recevrais l’IFP selon la cote de sécurité maximale (2 000 $) relativement à un délinquant qui avait été transféré de l’UEJ à l’UEM en raison de sa cote de sécurité maximale et qui a continué de faire partie de ma charge de travail en tant qu’agente de libération conditionnelle. J’ai été informée que cette question ainsi que d’autres questions relatives à ces types de cas (transférés de l’UEJ à un établissement à sécurité maximale en raison du fait qu’il nécessite un niveau de sécurité maximal) faisaient l’objet de discussions.

Cela fait six mois depuis que j’ai présenté ma demande de renseignements et je crois que cela constitue une période suffisante pour prendre une décision. S. Layne m’a informé le 22 octobre 2013 qu’aucune décision n’avait été prise à ce jour.

Je crois que, conformément à la clause 58.08 de la convention collective, qui stipule que […] [cite la clause 58.08 dans son intégralité].

Le délinquant en question était [L]. Il a été transféré à l’Unité d’évaluation de Millhaven le 8 mars 2013, puis au pénitencier de Kingston le 9 mai 2013. Il a finalement été transféré à Port-Cartier le 26 août 2013. [L] a été affecté à ma charge de travail pour toute la période pendant laquelle il était en détention à sécurité maximale en Ontario. J’ai rédigé plusieurs rapports sur ce délinquant pendant cette période et je me suis également rendue au pénitencier de Kingston pour rencontrer ce délinquant, mais je n’ai jamais été payée au taux d’IFP à sécurité maximale.

Je demande à recevoir mon IFP au taux de sécurité maximale (2000 $) pour la période pendant laquelle j’ai été désignée comme agente de libération conditionnelle affectée au dossier de [L]. De plus, je demande également, pour toute période pendant laquelle j’ai été désignée et que je suis demeurée l’agente de gestion de cas pour les délinquants transférés dans des établissements à sécurité maximale, actuels et passés, à recevoir l’IFP au taux de sécurité maximale de 2000 $ par année, conformément à la clause 58.08 de la convention collective.

 

[27] Le formulaire de grief précise qu’il est fondé sur la « [clause] 58.08 » et que la date à laquelle chaque action, omission ou autre question ayant donné lieu au grief s’est produite à compter du 18 mars 2013 jusqu’au 26 août 2013.

[28] Le grief du 28 octobre 2013 est fondé sur la même question que celle soulevée dans le grief du 22 octobre 2013. Selon le grief, le 8 mars 2013, la fonctionnaire a traité un détenu nécessitant un niveau de sécurité maximal et ce détenu a continué de faire partie de sa charge de travail jusqu’au 26 août 2013. Le grief prétend qu’elle a droit à l’IFP maximale en vertu de la clause 58.08, pour toute la période où le dossier de L lui a été affecté à titre d’agente de libération conditionnelle, ainsi que pour tout événement semblable antérieur et tout événement futur. En d’autres termes, le grief allègue encore une fois une violation de la clause 58.08 en raison du fait que des détenus nécessitant un niveau de sécurité maximal sont affectés à sa charge de travail pendant qu’elle travaille dans un établissement à sécurité moyenne.

[29] Le 8 novembre 2013, l’employeur a fourni une réponse conjointe au premier palier aux griefs des 22 et 28 octobre 2013. Il n’y a aucune mention de la clause 58.08. Il a plutôt supposé que ces deux griefs étaient identiques à celui qui a été déposé en février 2013 au sujet du niveau de sécurité de l’établissement (le grief portant le numéro 50291). La réponse se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

À titre préliminaire, la clause 18.15 de la convention collective du groupe PA prévoit qu’un employé peut présenter un grief au premier (1er) palier de la procédure de la manière prescrite à la clause 18.08, au plus tard le vingt‑cinquième (25e) jour qui suit la date à laquelle il est notifié, oralement ou par écrit, ou prend connaissance, pour la première fois, de l’action ou des circonstances donnant lieu au grief. Vous avez été informée par écrit le 30 novembre 2012 de la modification de votre IFP.

Comme votre grief n’a pas été présenté dans les délais définis dans votre convention collective, votre grief est jugé hors délai.

De plus, vous avez déjà déposé un grief portant sur ce sujet en février 2013 et l’avez transmis au troisième palier de la procédure de règlement des griefs le 29 avril 2013. Ce grief (no 50291) est toujours actif.

Étant donné que vous avez déjà un grief actif qui porte sur cette question et que le présent grief est hors délai, votre grief est rejeté.

 

[30] Les griefs des 22 et 28 octobre 2013 ont été portés au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs le 14 novembre 2013. Le 22 novembre ou le 22 décembre 2013 (la date a été rayée, ce qui la rend difficile à déterminer), l’employeur a fourni sa réponse au deuxième palier. Encore une fois, la réponse ne faisait aucune référence à la clause 58.08. Il a réitéré le contenu de la réponse au premier palier et a ajouté ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Je vais toutefois répondre au contenu de votre grief.

L’IFP n’est pas définie par la classification de sécurité d’un détenu. L’IFP est déterminée par l’article 58.03 de votre convention collective, qui stipule que le paiement de l’IFP est déterminé « selon le niveau sécuritaire de l’établissement tel que déterminé par le Service correctionnel du Canada (SCC) ». SCC a déterminé le niveau de sécurité de tous les établissements figurant dans la DC 706 – Classification des établissements où l’Établissement de Joyceville (EJ) est désigné comme un établissement à sécurité moyenne. L’EJ n’est pas classifié comme un établissement multiniveaux dans la DC 706. L’article 58.04 de votre convention collective indique que l’IFP de sécurité moyenne est de 1 000 $. Vous recevez 1000 $ au titre de l’IFP de niveau moyen. Par conséquent, l’employeur n’a pas enfreint votre convention collective.

 

[31] Les griefs ont été portés au troisième et dernier palier de la procédure de règlement des griefs le 24 janvier 2014.

[32] Toutefois, avant qu’ils ne soient présentés au dernier palier, un autre grief a été déposé, qui est également pertinent au présent cas. Le 18 juin 2014, l’agent négociateur a déposé un grief collectif, dont la portée englobait la fonctionnaire. Le grief collectif fait référence à des lettres qu’elle et d’autres personnes ont reçues en date du 10 juin 2014, qui étaient liées au changement de lieu de travail de l’UEM à l’UEJ. Aucune copie de la lettre ne m’a été fournie. Le grief collectif indique ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] La lettre indiquait également que nous devions soumettre nos noms pour déterminer si nous avions droit à l’aide à la réinstallation conformément à la Directive du CNM.

La question à laquelle il n’a pas encore [été] répondu est celle de savoir de quel pouvoir relève l’application de la Directive sur la réinstallation appliquée et en vertu de quel pouvoir ou de quelle directive avons‑nous été réinstallés de l’UEM à l’EJ. De plus, sommes-nous en statut de voyage depuis le premier jour de notre arrivée à l’UEJ.

Compte tenu du caractère vague de cette lettre et de l’aveu de SCC selon lequel il a mal interprété et mal appliqué des directives, nous présentons un grief collectif en vertu des articles 7.01, 7.02, 7.03, 7.04 et 18.01 de la convention collective et de l’article 15 du Règlement du CNM – Règlement des griefs, car nous n’avons toujours pas reçu de directive claire.

[…]

 

[33] En ce qui concerne la mesure corrective, le grief collectif demande ce qui suit :

[Traduction]

Une indication claire par SCC de la directive et du pouvoir en vertu desquels nous avons été réinstallés de l’UEM à l’EJ. Nous voulons également que toutes les directives déterminées qui s’appliquent à cette réinstallation soient suivies sans exception ou en partie seulement. Que nous soyons indemnisés intégralement.

 

[34] Une copie de la réponse de l’employeur au grief collectif au deuxième palier, datée du 3 juillet 2014, m’a été fournie et elle se lit comme suit :

[Traduction]

La présente est en réponse à votre grief déposé le 18 juin 2014 dans lequel vous invoquez vos droits relatifs à la réinstallation et contestez le pouvoir utilisé concernant votre réinstallation physique de l’Établissement de Millhaven (UEM) à l’Établissement de Joyceville (UEJ).

En ce qui concerne vos droits relatifs à la réinstallation, je vous renvoie à la lettre que vous avez reçue de M. Scott Edwards, le sous‑commissaire adjoint par intérim, Services intégrés, le 10 juin 2014. La lettre précise clairement qu’un grief a été accueilli par le Conseil national mixte lié à la Directive sur la réinstallation pour les employés qui ont été déplacés d’une unité de travail à une autre. Elle indique clairement que vous pouvez avoir droit à une aide à la réinstallation et identifie Lisa Littlefield comme point de contact régional à cet égard. D’après ce que je comprends, deux d’entre vous ont en fait déjà communiqué avec les Finances de l’AR et ont été informés de votre admissibilité aux droits après que le grief a été accueilli par le Conseil national mixte.

Le pouvoir concernant la réinstallation physique de votre unité de travail de l’Établissement de Millhaven à l’Établissement de Joyceville relève du Service correctionnel du Canada. Je ferai remarquer que dans vos arguments relatifs au grief, vous indiquez que vous êtes en déplacement depuis votre arrivée à l’UEJ. Je dois faire remarquer que vous n’êtes pas en déplacement depuis votre arrivée à l’Établissement de Joyceville, car votre statut de déplacement doit être approuvé au préalable et aucune autorisation de voyager signée n’est en vigueur à votre égard.

Pour les motifs qui précèdent, je rejette votre grief et la mesure corrective demandée.

 

[35] Le grief collectif a donné lieu à des modalités de règlement. Toutefois, avant de parvenir au règlement, une présentation au dernier palier a eu lieu le 20 janvier 2015 pour les griefs en litige des 22 et 28 octobre 2013.

[36] Selon le document intitulé [traduction] « Audience des griefs 51732 et 51764 d’Angela Jones au dernier palier » (correspondant aux griefs des 22 et 28 octobre 2013 et aux dossiers de la Commission 566‑02‑11785 et 11786 respectivement) et les notes manuscrites datées du 20 janvier 2015, la fonctionnaire a dit à l’employeur qu’il n’avait pas répondu aux bons griefs dans ses réponses au premier et au deuxième paliers. Les deux documents indiquent que les deux griefs en litige sont fondés sur la clause 58.08 et que la fonctionnaire prétend qu’on lui doit 14 mois au niveau maximal de l’IFP. Ils indiquent que la période de 14 mois correspond à la période totale au cours de laquelle elle a été affectée à des détenus nécessitant un niveau de sécurité maximal alors qu’elle travaillait à l’UEJ. Le document intitulé [traduction] « Audience des griefs 51732 et 51764 d’Angela Jones au dernier palier » ajoute ce qui suit :

[Traduction]

[…]

La question concernant l’indemnité attribuée au titre de l’IFP constitue un problème depuis sa réinstallation à l’EJ. Depuis février 2012, elle a présenté des demandes de renseignements et déposé des griefs pour régler ce problème. Elle croit que son indemnité devrait être portée à un taux maximal pour la période au cours de laquelle elle est désignée comme agente de libération conditionnelle d’un délinquant nécessitant un niveau de sécurité maximal. Des délinquants nécessitant un niveau de sécurité maximal avaient été affectés à sa charge de travail lorsqu’ils étaient à l’UEJ, puis lorsqu’ils ont été transféré à l’Établissement de Millhaven (EM), puis au pénitencier de Kingston, et des situations semblables sont survenues à maintes reprises. Néanmoins, pendant la durée de sa détention en sécurité maximale en Ontario, un délinquant continuait d’être affecté à sa charge de travail (environ huit mois) voir (1). Elle a rédigé plusieurs rapports sur le délinquant et s’est rendue au pénitencier de Kingston pour tenir une entrevue avec le délinquant. Elle a également été consultée au sujet des interactions entre les délinquants de niveau maximal, a participé à des conférences de cas, a été consultée par divers secteurs des deux établissements à sécurité maximale et a été informée de toute préoccupation concernant le comportement des délinquants de ce niveau par le personnel des établissements de classification supérieure. Cela s’est produit à deux autres occasions à l’égard de deux délinquants différents. [G], qui a été transféré à l’EM et qui a continué d’être affecté à sa charge de travail […] afin d’accomplir toutes les tâches de gestion de cas pour ces cas semblables au premier.

Même si elle n’a pas été nommée ou affectée à un autre poste de niveau supérieur auquel s’applique un niveau différent d’IFP, pour une période consécutive d’au moins 10 jours, elle a exercé toutes les fonctions requises qu’un agent de libération conditionnelle d’un établissement de niveau de sécurité supérieur est tenu d’accomplir.

Lorsqu’elle a reçu l’ordre de se présenter à l’UEJ, la fonctionnaire a été informée qu’aucun détenu nécessitant un niveau de sécurité maximal ne serait détenu à l’Unité d’évaluation de Joyceville (UEJ). Une fois que des délinquants nécessitant un niveau de sécurité maximal ont commencé à résider à l’UEJ, elle a été amenée à croire qu’aucun délinquant ne serait détenu dans la population carcérale générale à l’UEJ une fois identifié comme un délinquant nécessitant un niveau de sécurité maximal à leur arrivée. Ils seraient automatiquement transférés à l’Établissement de Millhaven (EM) ou placés en isolement. La fonctionnaire et ses collègues s’attendaient à travailler dans un établissement à sécurité moyenne et donc à s’occuper de délinquants nécessitant un niveau de sécurité moyen. La fonctionnaire n’a pris connaissance du fait qu’elle traitait avec des délinquants nécessitant un niveau de sécurité maximal que le jour où elle a traité un délinquant nécessitant un niveau de sécurité maximal, en 2013.

Selon l’argument principal, même si certains détenus de niveau maximal sont transférés à l’Établissement de Millhaven (EM), il reste un nombre important de détenus dans l’Unité d’évaluation et la population de détenus temporaires à Joyceville qui sont identifiés ultérieurement comme des délinquants nécessitant un niveau de sécurité maximal en vertu du processus d’évaluation.

[…]

La seule chose qui a changé lorsque l’unité d’évaluation a été transférée à Joyceville, c’est que tous les condamnés à perpétuité ont été orientés vers Millhaven au lieu de Joyceville, puisque les condamnés à perpétuité sont automatiquement considérés comme nécessitant un niveau de sécurité maximal au moment de la détermination de la peine. Les agents de libération conditionnelle qui se trouvent dans les zones d’évaluation de l’Établissement de Joyceville continuent d’évaluer et de traiter d’autres délinquants qui peuvent être considérés par la suite comme des délinquants nécessitant un niveau de sécurité maximal et, dans certains cas, ils continuent de faire partie de leur charge de travail pendant plusieurs mois.

[…]

Conclusion

[…]

L’UEJ est un établissement à sécurité moyenne, et les éléments de preuve permettent d’établir que les responsabilités et les affectations d’un agent de libération conditionnelle et la garde de délinquants de niveau de sécurité supérieur à celui de l’établissement figurant à sa charge de travail devrait lui donner droit à une IFP de niveau plus élevé, quel que soit le niveau de sécurité de l’établissement auquel il est affecté.

Même si la fonctionnaire est affectée à un poste à l’EJ (établissement à sécurité moyenne), elle s’est vue confier des fonctions dans un établissement à sécurité maximale en vertu du protocole d’entente conclu entre les directeurs de l’UEJ et de l’EM et, à ce titre, elle devrait avoir droit à l’IFP à un niveau de sécurité maximal pour la période au cours de laquelle un délinquant nécessitant un niveau de sécurité maximal était affecté à sa charge de travail à titre d’agente de libération conditionnelle et en transition vers un établissement à niveau de sécurité plus élevé.

Comme il a été précisé ci‑dessus, la fonctionnaire s’est vue confier des fonctions d’agente de libération conditionnelle dans un établissement à sécurité maximale pour plusieurs délinquants et, à ce titre, elle devrait avoir droit à l’IFP à un niveau de sécurité maximal pour la période au cours de laquelle des délinquants qui ont été placés dans un établissement à sécurité maximale en Ontario continuent d’être affectés à sa charge de travail à titre d’agente de libération conditionnelle en attendant un transfert interrégional vers d’autres provinces.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[37] Au cours de la présentation au dernier palier, la fonctionnaire a également soutenu que les détenus nécessitant un niveau de sécurité maximal ne devraient pas se retrouver dans des établissements à sécurité moyenne et que, si cela s’est produit, l’employeur devrait réexaminer la désignation de sécurité de l’établissement et lui verser, ainsi qu’à ses collègues, l’IFP au taux approprié. Elle a fait valoir qu’elle devrait avoir droit à l’IFP maximale, car l’UEJ était un établissement multiniveaux qui abritait des détenus nécessitant des niveaux de sécurité minimal, moyen et maximal.

[38] Le 20 août 2015, l’employeur a fourni une réponse au troisième palier, dans laquelle il a réitéré son objection relative au respect des délais, mais a néanmoins abordé le bien‑fondé des griefs, comme suit :

[Traduction]

[…]

Je crois comprendre que des délinquants nécessitant un niveau de sécurité maximal à l’Unité d’évaluation de Joyceville (UEJ) ont été affectés à votre charge de travail à la suite de la réinstallation de l’Unité d’évaluation de Millhaven (UEM) à l’Établissement de Joyceville (EJ). Je fais remarquer que votre IFP a été réduite, passant du taux de 2 000 $ au taux de 1 000 $, étant donné que l’EJ n’est pas classifié comme un établissement à sécurité maximale conformément à la Directive du commissaire 706. Conformément à la clause 58.03 de la convention collective du groupe PA, c’est le niveau de sécurité désigné du pénitencier et non le niveau de sécurité des détenus qui détermine le niveau approprié du droit à l’IFP. Étant donné que l’IFP applicable dans ce contexte est de niveau moyen, je conclus que la direction était justifiée de vous informer du changement apporté à votre IFP et que l’article 58 de la convention collective du groupe PA n’a pas été enfreinte.

[…]

 

[39] Le 27 novembre 2015, les griefs des 22 et 28 octobre 2013 ont été renvoyés à la Commission pour arbitrage. Dans le renvoi, leur sujet a été désigné comme étant « Article 58 – Indemnité de facteur pénologique ». Il convient de noter que l’employeur n’a soulevé aucune objection quant au respect des délais.

[40] Le grief daté du 20 février 2013 (portant le numéro 50291) n’a pas été renvoyé à la Commission pour arbitrage.

[41] Le 26 août 2016, les parties ont conclu un règlement pour régler la partie du grief collectif qui se rapportait à la fonctionnaire. Il prévoit que les modalités de règlement ont été conclues de manière à [traduction] « […] résoudre entièrement toutes les allégations contre l’employeur liées d’une façon quelconque aux présentes questions et aux questions qui ont donné lieu au présent grief, notamment la réinstallation de l’unité d’évaluation (UEM) de l’Établissement de Millhaven à l’Établissement de Joyceville ».

[42] Les modalités de règlement contiennent une disposition d’exception qui se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

[…] les griefs nos 51732, 51764 [dossiers de la Commission 566‑02‑11785 et 11786], 55911 et 56068 ne sont pas touchés par les modalités du présent règlement. Toutefois, l’employeur se réserve le droit de soulever des objections auprès de la CRTEFP, de la Commission des droits de la personne du Canada ou de toute autre partie pertinente, s’il y a lieu, relativement aux dossiers de griefs susmentionnés.

[…]

 

[43] Aucune copie des griefs portant les numéros 55911 et 56068 ne m’a été fournie et je ne suis donc pas au courant de leurs sujets.

[44] Les deux parties ont convenu qu’au cours des semaines précédant les dates prévues de l’audience, le représentant de la fonctionnaire a informé l’employeur, pour la première fois, qu’il avait l’intention de présenter un autre argument fondé sur la clause 58.09. Plus particulièrement, il prévoyait faire valoir que la fonctionnaire avait droit à l’IFP au taux maximal puisque son lieu de travail n’avait pas été réinstallée correctement de l’UEM à l’UEJ. Formulé différemment, il prévoyait soutenir que le poste de la fonctionnaire demeurait à l’UAM, mais qu’elle avait été affectée à l’UEJ jusqu’à ce que sa réinstallation soit rectifiée.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

[45] L’employeur affirme que le différend découle du transfert de la fonctionnaire de l’UEM à l’UEJ. Il déclare que cela l’a amenée à déposer plusieurs griefs, dans lesquels elle a affirmé qu’elle devrait recevoir le taux d’IFP le plus élevé.

[46] L’employeur fait valoir que la véritable nature des griefs des 22 et 28 octobre 2013 porte sur l’allégation de la fonctionnaire selon laquelle l’UEJ n’avait pas le niveau approprié de désignation de sécurité.

[47] À l’appui de sa position, l’employeur fait référence au premier grief (portant le numéro 50291), qui contestait expressément le niveau de sécurité de l’UEJ. L’employeur affirme que même si le libellé des deux griefs subséquents (les griefs des 22 et 28 octobre 2013 en litige dans la présente décision) diffère de celui du premier, la fonctionnaire a néanmoins fait valoir le même argument selon lequel elle devrait avoir droit au taux maximal de l’IFP, en se fondant sur la désignation de sécurité incorrecte de l’UEJ. Il fait référence aux notes sur la présentation des griefs au dernier palier pour le prouver. Il soutient que le premier grief (portant le numéro 50291) et les griefs des 22 et 28 octobre 2013 portent tous sur la même question.

[48] L’employeur invoque Burchill et soutient que, puisque la véritable nature des griefs est la contestation de la fonctionnaire du niveau de sécurité de l’UEJ, elle ne pouvait pas présenter de nouveaux arguments qui modifiaient la nature des griefs.

[49] L’employeur soutient que cette situation est identique à celle présentée dans Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, 2017 CRTEFP 41 (« IPFPC »). Dans IPFPC, la Commission a refusé d’entendre un grief après avoir conclu que sa véritable essence était la désignation de sécurité d’un centre médical situé au sein d’un pénitencier, à l’égard de laquelle elle n’avait aucune compétence.

[50] L’employeur affirme que, dans les semaines précédant les dates prévues de l’audience, il a fourni au représentant de la fonctionnaire une copie d’IPFPC. Il déclare qu’il a ensuite été informé pour la première fois que la fonctionnaire avait l’intention de faire valoir qu’elle avait droit à l’IPF maximale en vertu de la clause 58.09 parce qu’elle n’avait pas été réinstallée correctement à l’UEJ en décembre 2012.

[51] L’employeur fait référence au libellé des griefs et aux notes sur la présentation des griefs au dernier palier comme preuve que la fonctionnaire n’a jamais soulevé cette question dans le cadre de la procédure de règlement des griefs interne.

[52] L’employeur soutient qu’il ressort clairement de la jurisprudence qu’un fonctionnaire s’estimant lésé ne peut pas modifier la véritable nature d’un grief à l’arbitrage. En plus de Burchill et d’IPFPC, il invoque également Shneidman c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 192, et Smith c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2019 CRTESPF 116. Ces décisions constituent des exemples de fonctionnaires s’estimant lésés qui n’ont pas été autorisés à soulever à l’arbitrage des questions qui n’ont pas été discutées aux différents paliers de la procédure de règlement des griefs interne.

[53] À titre de motif secondaire de son objection, l’employeur soutient que la fonctionnaire ne pouvait pas faire valoir qu’elle avait droit à une IFP plus élevée parce qu’elle n’avait pas été réinstallée correctement, puisque cette question fait l’objet de modalités de règlement distinctes conclues entre les parties.

[54] L’employeur invoque le libellé des modalités de règlement, qui prévoit que le règlement résout entièrement toutes les allégations contre l’employeur liées d’une façon quelconque à la réinstallation de l’unité d’évaluation de l’EM à l’EJ.

[55] L’employeur reconnaît la disposition d’exception figurant dans les modalités de règlement. Toutefois, il fait valoir qu’elle est fondée sur les motifs énoncés dans les griefs des 22 et 28 octobre 2013 et que les griefs ne comportent aucune mention d’une contestation de la formalité de la réinstallation du poste de la fonctionnaire.

[56] L’employeur affirme qu’il n’aurait pas accepté la disposition d’exception s’il avait eu connaissance de l’intention de la fonctionnaire de modifier la nature des griefs.

[57] L’employeur exhorte la Commission à appliquer le même raisonnement que dans IPFPC et à rejeter les griefs. Par ailleurs, il demande que la fonctionnaire soit empêchée de soulever des arguments concernant la réinstallation de son poste en vertu de Burchill et des modalités de règlement.

B. Pour la fonctionnaire

[58] Le représentant de la fonctionnaire affirme qu’ils n’ont pas l’intention de contester le niveau de sécurité de l’UEJ. Ils déclarent que le grief portant le numéro 50291, concernant le niveau de sécurité de l’UEJ, n’a pas été renvoyé à l’arbitrage. Ils reconnaissent que le niveau de sécurité de l’UEJ a été discuté au cours de la présentation des griefs au dernier palier pour les deux griefs en litige (les griefs des 22 et 28 octobre 2013). Toutefois, ils soutiennent que la procédure de règlement des griefs vise à permettre aux parties de discuter des questions de façon générale et que les parties ne devraient pas être liées au contenu de ces discussions, puisqu’il ne s’agissait pas d’une procédure judiciaire.

[59] Le représentant de la fonctionnaire affirme que les griefs sont liés aux clauses 58.08 et 58.09 de la convention collective. Il déclare que ces dispositions interagissent de concert. La clause 58.08 prévoit le paiement de l’IFP à un taux plus élevé lorsqu’un employé se voit confier des fonctions de niveau supérieur, tandis que la clause 58.09 est l’inverse et protège le salaire d’un employé lorsqu’il se voit attribuer temporairement des fonctions de niveau inférieur.

[60] Le représentant de la fonctionnaire affirme que le cœur de l’argumentation de la fonctionnaire est que son travail n’a pas changé de façon significative lorsqu’elle a été transférée de l’UEM à l’UEJ. Il soutient que le transfert était essentiellement une affectation et qu’elle avait été affectée à l’UEJ.

[61] Le représentant de la fonctionnaire confirme qu’avant les dates prévues de l’audience, l’employeur lui a fourni une copie d’IPFPC. Il confirme en outre qu’après avoir pris connaissance de cette décision, il a informé l’employeur qu’il ne contesterait pas le niveau de sécurité approprié de l’UEJ. Toutefois, il a informé l’employeur qu’il soutiendrait que la fonctionnaire s’était vu confier des fonctions en vertu de la clause 58.08, ou encore que, comme elle n’avait pas été officiellement réinstallée à l’UEJ, elle pourrait avoir droit à l’IFP en vertu de la clause 58.09.

[62] Le représentant de la fonctionnaire souligne que les griefs ont été déposés en 2013, tandis qu’IPFPC a été rendue en 2017. Il fait valoir qu’il est important que les parties puissent adapter leurs arguments en fonction de l’évolution du droit.

[63] Le représentant de la fonctionnaire affirme que ces griefs ont toujours porté sur la clause 58.08 et la rémunération d’intérim à laquelle la fonctionnaire a droit. À l’appui, il fait référence au libellé des griefs et aux notes sur la présentation des griefs au dernier palier. Toutefois, le représentant de la fonctionnaire estime qu’il est également libre de soulever, à titre d’argument subsidiaire, le droit à l’IFP en vertu de la clause 58.09, puisque la question a toujours visé le paiement approprié de l’IFP à la suite de son transfert de l’UEM à l’UEJ. Il soutient que la réparation demandée est demeurée la même.

[64] Le représentant de la fonctionnaire déclare que Burchill confirme le principe selon lequel un fonctionnaire s’estimant lésé ne peut pas présenter un grief nouveau ou différent à l’arbitrage. Toutefois, il existe une distinction entre un nouveau grief et un nouvel argument. Il invoque Delage c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2008 CRTFP 56, et Anderson c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2023 CRTESPF 75, et affirme que la jurisprudence est claire sur le fait que tant que l’objet du grief et la réparation sont les mêmes, il est loisible aux parties de présenter de nouveaux arguments à l’appui de leurs allégations.

[65] Le représentant de la fonctionnaire déclare que les griefs concernent la clause 58.08. Toutefois, la fonctionnaire est libre de préciser ses arguments à l’approche de l’audience. Il fait valoir qu’elle a toujours affirmé que si des détenus de l’UEM étaient affectés à sa charge de travail, elle devrait recevoir l’IFP au taux de l’UEM. Il affirme que la principale préoccupation de Burchill est de protéger l’employeur contre les surprises. Toutefois, l’employeur a reçu un avis dès le départ que la fonctionnaire ne souscrivait pas à un certain nombre de points concernant la façon dont le transfert a été effectué.

[66] En ce qui a trait aux modalités de règlement, le représentant de la fonctionnaire soutient que l’intention du règlement est claire. Il a réglé tout ce qui avait trait à la réinstallation de la fonctionnaire, sauf quatre griefs particuliers, dont les deux en litige (dossiers de la Commission 566‑02‑11785 et 11786). Il soutient que les parties ont effectivement convenu d’être parés à l’égard de ces griefs, et que l’employeur se réservait le droit de soulever des objections.

[67] Par conséquent, il demande que l’objection préliminaire de l’employeur soit rejetée pour tous ces motifs.

IV. Analyse et motifs

[68] La fonctionnaire demande à être payée au taux maximal de l’IFP pour les périodes au cours desquelles des détenus nécessitant un niveau de sécurité maximal étaient affectés à sa charge de travail à titre d’agente de libération conditionnelle pendant qu’elle travaillait à l’UEJ, un établissement à sécurité moyenne. Ses griefs des 22 et 28 octobre 2013 font particulièrement référence à la clause 58.08 comme fondement de sa revendication. Toutefois, au cours des semaines qui ont précédé l’audience sur le fond de ces griefs, le représentant de la fonctionnaire a informé l’employeur qu’il soutiendrait en tant qu’argument subsidiaire que la fonctionnaire avait droit au taux maximal de l’IFP en vertu de la clause 58.09, à la lumière des irrégularités procédurales concernant la réinstallation de la fonctionnaire de l’UEM à l’UEJ.

[69] L’employeur soulève deux motifs pour rejeter les griefs des 22 et 28 octobre 2013. Le premier est fondé sur les principes énoncés dans Burchill, et le deuxième sur les modalités de règlement conclues entre les parties le 26 août 2016.

[70] Pour les motifs qui suivent, je ne suis pas d’accord avec l’employeur pour dire que les griefs devraient être rejetés, mais je conviens que je n’ai pas compétence pour entendre les arguments de la fonctionnaire en vertu de la clause 58.09 de la convention collective, dans la mesure où ils découlent de la réinstallation incorrecte de la fonctionnaire à l’UEJ.

A. Les griefs devraient‑ils être rejetés en vertu de Burchill?

[71] L’employeur invoque Burchill et soutient que la véritable nature des griefs est la contestation de la fonctionnaire du niveau de sécurité de l’UEJ et que, par conséquent, elle ne peut pas présenter de nouveaux arguments qui modifient la nature des griefs. Par souci de clarté, il prétend que les allégations de la fonctionnaire en vertu des clauses 58.08 et 58.09 sont toutes deux nouvelles.

[72] L’employeur soutient que les faits dans le présent cas sont identiques à ceux dans IPFPC, dans laquelle la Commission a appliqué Burchill et a refusé d’entendre un grief après avoir conclu que la véritable essence était la désignation de sécurité d’un centre médical situé au sein d’un pénitencier, à l’égard de laquelle elle n’avait aucune compétence.

[73] Il est bien établi que Burchill défend le principe selon lequel seuls les griefs qui ont été présentés dans le cadre de la procédure de règlement des griefs interne peuvent ensuite être renvoyés à l’arbitrage.

[74] Dans Shneidman, la Cour d’appel fédérale a précisé le rôle de la procédure de règlement des griefs interne pour clarifier les questions soulevées dans un grief lorsque son libellé manque de clarté. Cette décision donne les conseils utiles suivants :

[…]

[24] J’estime toutefois qu’il fallait, avant d’examiner la portée du grief, se demander si Mme Shneidman avait « porté » jusqu’au dernier palier, au sens du texte introductif du paragraphe 92(1) de la LRTFP, un grief concernant la violation des droits prévus à l’article 17.02 de la convention collective. Peu importe que le libellé du grief soit suffisamment large pour inclure une plainte de violation de la convention collective ou non, la plainte ne pourra être renvoyée à l’arbitrage – et à la compétence de l’arbitre – que si elle a été portée au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Or, ni l’arbitre ni la juge Simpson ne se sont posé la question préliminaire suivante : les prétentions soumises à l’arbitre par Mme Shneidman avaient‑elles été portées jusqu’au dernier palier? Après avoir examiné cette question, je ne vois aucune raison de modifier la conclusion de la juge Simpson selon laquelle l’arbitre a commis une erreur en exerçant sa compétence à l’égard de la plainte de Mme Shneidman, laquelle alléguait que les droits qui lui étaient conférés par la convention collective avaient été violés.

[…]

[26] Pour renvoyer une plainte à l’arbitrage, l’employée s’estimant lésée doit avoir informé son employeur de la nature exacte de ses doléances tout au long de la procédure interne de grief […]

[…]

[27] Lorsque le grief est suffisamment détaillé à première vue, l’employeur sera au courant de la nature de celui‑ci à tous les paliers. Par contre, lorsque, comme en l’espèce, le grief n’indique pas clairement à première vue les motifs d’illégalité sur lesquels elle s’appuiera, l’employée doit préciser, à chaque étape de la procédure interne de grief, la nature exacte de sa plainte si elle entend renvoyer l’affaire à l’arbitrage.

[…]

 

[75] La Cour d’appel fédérale a ajouté que, même si le grief de Mme Shneidman était suffisamment large pour englober le nouveau motif qu’elle souhaitait invoquer, une personne qui lirait le grief n’aurait pas su qu’elle avait l’intention d’alléguer une violation de la disposition de la convention collective en question. Par conséquent, la Cour a conclu que Mme Shneidman devait présenter des arguments à ce sujet dans le cadre de la procédure de règlement des griefs interne. Comme elle ne l’a pas fait, elle n’a pas pu présenter cet argument à l’arbitrage.

[76] Dans le présent cas, il ressort clairement de la lecture simple des griefs et des notes sur la présentation des griefs au dernier palier que la fonctionnaire invoque deux motifs pour justifier son droit au taux maximal de l’IFP. D’abord et avant tout, elle prétend avoir droit au taux maximal de l’IFP en vertu de la clause 58.08 de la convention collective puisque des détenus d’un établissement à sécurité maximale avaient été affectés à sa charge de travail pendant qu’elle travaillait à un établissement à sécurité moyenne. Elle affirme également qu’elle a droit au taux maximal de l’IFP puisque l’UEJ est incorrectement désignée comme un établissement à sécurité moyenne, alors qu’elle abrite des détenus nécessitant un niveau de sécurité maximal.

[77] Les faits du présent cas sont donc clairement différents de ceux dans IPFPC. Il ressort clairement des griefs et des notes sur la présentation des griefs que l’essentiel des griefs est fondé sur la clause 58.08.

[78] Entendre l’allégation de la fonctionnaire selon laquelle elle a le droit d’être rémunérée au taux maximal de l’IFP en vertu de la clause 58.08 puisque des détenus d’un établissement à sécurité maximale ont été affectés à sa charge de travail pendant qu’elle travaillait dans un établissement à sécurité moyenne relève donc manifestement de ma compétence. Puisque le représentant de la fonctionnaire affirme qu’il n’avait pas l’intention de soulever des arguments concernant le niveau de sécurité de l’UEJ, il n’est pas nécessaire que je me penche sur ma compétence relative à cette question.

[79] Passons maintenant à l’argument subsidiaire de la fonctionnaire selon lequel elle a droit au taux maximal de l’IFP en vertu de la clause 58.09 de la convention collective en raison de questions concernant le statut de sa réinstallation de l’UEM à l’UEJ.

[80] Il n’est pas contesté que cette question n’a pas été soulevée dans les griefs des 22 et 28 octobre 2013, ni dans la présentation des griefs au dernier palier.

[81] Selon les renseignements limités qui m’ont été fournis, il semble que la question du statut de la réinstallation de la fonctionnaire ait été signalée en juin 2014, soit environ neuf mois après le dépôt des griefs. Toutefois, la présentation des griefs au dernier palier a eu lieu en janvier 2015, bien après que ces renseignements ont été révélés. Si elle croyait qu’une violation possible de la clause 58.09 en découlait, elle aurait dû faire valoir ce point lors de sa présentation des griefs au dernier palier. Comme elle ne l’a pas fait, elle ne peut pas soulever cette question à l’arbitrage.

[82] Le représentant de la fonctionnaire a invoqué Delage et Anderson pour faire valoir que tant que l’objet du grief et la réparation sont les mêmes, les parties sont libres de présenter de nouveaux arguments à l’appui de leurs allégations.

[83] Je conclus que les deux décisions se distinguent du présent cas.

[84] Delage concernait un fonctionnaire s’estimant lésé dont le poste avait été reclassifié alors qu’il était en congé parental, mais qui n’a reçu un paiement rétroactif qu’après son retour au travail. Le grief alléguait qu’en vertu de la convention collective, le paiement rétroactif aurait dû inclure la période au cours de laquelle il touchait des prestations parentales. À l’arbitrage, M. Delage a soulevé pour la première fois l’argument selon lequel la disposition de la convention collective qu’il cherchait à faire respecter ne pouvait pas être interprétée de manière discriminatoire, contrairement à la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP) (L.R.C. (1985), ch. H‑6). L’employeur s’est opposé à cet argument, en vertu de Burchill, et a prétendu qu’il n’avait pas été soulevé dans le cadre de la procédure de règlement des griefs interne. L’arbitre de grief a conclu ce qui suit :

[…]

14 Le fait que le fonctionnaire s’estimant lésé n’ait pas présenté aux divers paliers de la procédure de règlement des griefs un argument basé sur les droits de la personne et qu’il ne le fasse qu’à l’étape de l’arbitrage ne vient en rien changer la nature du grief. L’énoncé du grief, de même que les mesures correctives demandées, demeurent exactement les mêmes.

[…]

 

[85] L’arbitre de grief a conclu que l’argument selon lequel la clause de la convention collective qui était contestée ne pouvait pas être interprétée d’une manière qui contrevenait aux dispositions de la LCDP n’était que cela – un argument. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas cherché à modifier la nature du grief en alléguant un droit en vertu d’une autre disposition de la convention collective ou en demandant une nouvelle réparation.

[86] Dans Anderson, la question portait sur des griefs alléguant que l’employeur n’avait pas accordé d’augmentations d’échelon de rémunération aux dates appropriées. À l’arbitrage, les fonctionnaires s’estimant lésés ont modifié leur argument. Ils ont choisi d’invoquer une lecture stricte de la clause d’augmentation d’échelon de rémunération de leur convention collective plutôt que l’argument fondé sur le service continu dont ils avaient discuté dans le cadre de la procédure interne de règlement des griefs. Comme dans Delage, la Commission a conclu que les fonctionnaires s’estimant lésés étaient libres de soulever le nouvel argument à l’arbitrage comme sujet du grief, et que la réparation demeurait inchangée (c.‑à‑d. le paiement de la première augmentation d’échelon de rémunération en fonction des dates d’entrée en fonctions initiales des fonctionnaires s’estimant lésés). Il convient de noter que le nouvel argument portait sur la même clause de la convention collective et n’invoquait pas des faits qui n’avaient pas été soulevés au cours de la procédure de présentation des griefs.

[87] Toutefois, on ne peut pas en dire autant dans le présent cas. Le nouvel argument de la fonctionnaire porte sur une clause différente de la convention collective, soit la clause 58.09, et repose sur un scénario de fait différent – son statut de réinstallation.

[88] La réparation est également différente, car la réparation en cas de violation de la clause 58.08 n’est pas la même que pour une violation de la clause 58.09.

[89] Les griefs en vertu de la clause 58.08 ne visent l’indemnisation que pour les périodes au cours desquelles des détenus nécessitant un niveau de sécurité maximal faisaient partie de la charge de travail de la fonctionnaire. La réparation en vertu de la clause 58.09 est beaucoup plus large, car elle est fondée sur l’ensemble de la période d’affectation à un poste dont le taux de l’IFP est plus faible.

[90] Les principes énoncés dans Burchill et Shneidman assurent l’équité et des relations de travail saines en s’assurant que l’employeur est au courant de ce qui est contesté et qu’il a la possibilité de répondre à ces préoccupations dans le cadre de la procédure de règlement des griefs interne. Lorsque la véritable nature d’un grief est modifiée, la Commission n’a pas compétence pour l’entendre, car il ne s’agit pas du grief qui a été présenté et discuté dans le cadre de la procédure de règlement des griefs interne.

[91] Dans le présent cas, aucune mention n’a été faite dans les griefs des 22 et 28 octobre 2013, ni dans le cadre de la procédure de règlement des griefs interne, d’une violation de la clause 58.09 ou de problèmes concernant la question de savoir si la fonctionnaire avait été réinstallée correctement. Il s’agit, à tous les égards, d’une question nouvelle, et pas simplement d’un nouvel argument. Par conséquent, je n’ai pas compétence pour entendre des arguments sur ces fondements.

B. Les griefs devraient‑ils être rejetés en raison des modalités de règlement conclues entre les parties?

[92] En tant que motif secondaire de son opposition, l’employeur fait valoir que la fonctionnaire n’a pas le droit de soulever de nouveaux arguments liés à sa réinstallation à la suite des modalités de règlement conclues par les parties le 26 août 2016. Je suis du même avis.

[93] En effet, dans le cas où je me trompe sur mon interprétation de Burchill, je conclus également que je n’ai pas compétence en raison des modalités de règlement conclues le 26 août 2016. J’en arrive à cette conclusion pour les motifs qui suivent.

[94] Le 10 juin 2014, des questions semblent avoir été soulevées au sujet de la réinstallation de la fonctionnaire lorsqu’une lettre de son employeur lui a été envoyée. Cet élément a été contesté dans un grief collectif le 18 juin 2014 et a donné lieu à des modalités de règlement conclues entre l’employeur et la fonctionnaire le 26 août 2016.

[95] Avant de conclure ces modalités de règlement, la fonctionnaire a eu l’occasion de soulever des questions concernant le statut de sa réinstallation dans le cadre de la présentation des griefs au dernier palier qui a eu lieu le 20 janvier 2015. Toutefois, elle ne l’a pas fait. Par conséquent, et comme je l’ai conclu précédemment, elle ne peut pas maintenant chercher à soulever la question.

[96] Les modalités de règlement ont été conclues expressément de manière à [traduction] « […] résoudre entièrement toutes les allégations contre l’employeur liées d’une façon quelconque aux présentes questions et aux questions ayant donné lieu au présent grief, notamment la réinstallation de l’unité d’évaluation (UEM) de l’Établissement de Millhaven à l’Établissement de Joyceville » [je mets en évidence].

[97] La disposition d’exception prévue dans les modalités de règlement prévoit que les griefs des 22 et 28 octobre 2013 (ainsi que deux autres griefs) ne sont pas touchés par les modalités de règlement.

[98] Les griefs des 22 et 28 octobre 2013 et les notes sur la présentation des griefs au dernier palier ne font référence qu’à 1) une prétendue violation de la clause 58.08 en raison du fait que des détenus nécessitant un niveau de sécurité maximal ont été affectés à la charge de travail de la fonctionnaire alors qu’elle travaille dans un établissement à sécurité moyenne et 2) au fait que UEJ n’est pas correctement désignée.

[99] La fonctionnaire a eu l’occasion de soulever des motifs supplémentaires à l’appui de sa demande d’une IFP plus élevée dans le cadre de la procédure de présentation des griefs au dernier palier. Puisqu’elle ne l’a pas fait, ces questions sont visées par la portée des modalités de règlement, car elles résolvent entièrement toutes les allégations liées d’une façon quelconque à la réinstallation de l’unité d’évaluation (UEM) de l’Établissement de Millhaven à l’Établissement de Joyceville.

[100] L’exception ne protégeait ses griefs, tels qu’ils ont été définis, que jusqu’au 26 août 2016, date à laquelle les modalités de règlement ont été acceptées. Après cette date, elle n’était plus libre de modifier ses griefs des 22 et 28 octobre 2013 en raison de la portée de cette entente.

V. Ordonnance de mise sous scellés

[101] Les parties ont demandé que les modalités de règlement soient assujetties à une ordonnance de mise sous scellés.

[102] La Commission respecte le principe de la transparence judiciaire. Le critère à appliquer pour accorder une ordonnance de confidentialité a été énoncé dans Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41, et a été récemment reformulé par la Cour suprême du Canada dans Sherman (Succession) c. Donovan, 2021 CSC 25, comme suit :

[…]

[38] […] la personne qui demande au tribunal d’exercer son pouvoir discrétionnaire de façon à limiter la présomption de publicité doit établir que :

(1) la publicité des débats judiciaires pose un risque sérieux pour un intérêt public important;

(2) l’ordonnance sollicitée est nécessaire pour écarter ce risque sérieux pour l’intérêt mis en évidence, car d’autres mesures raisonnables ne permettront pas d’écarter ce risque; et

(3) du point de vue de la proportionnalité, les avantages de l’ordonnance l’emportent sur ses effets négatifs.

[…]

 

[103] J’estime que les éléments du critère sont respectés dans le présent cas.

[104] Les modalités de règlement ont été négociées sur une base confidentielle et sous toutes réserves. Je suis d’accord pour dire qu’elles devraient être mises sous scellés, car les avantages d’assurer la confidentialité de telles ententes l’emportent sur les effets négatifs de les rendre publiques.

[105] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI. Ordonnance

[106] L’objection préliminaire est accueillie en partie. Les griefs sont limités aux motifs qui y sont énoncés et qui ont été clarifiés dans le cadre de la procédure de règlement des griefs interne.

[107] Les modalités de règlement doivent être mises sous scellés.

[108] Les griefs seront mis au rôle pour une audience conformément à la pratique habituelle de la Commission.

Le 27 mars 2024.

Traduction de la CRTESPF

Audrey Lizotte,

une formation de la Commission des relations de

travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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