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Date: 20240402

Dossier: 560-02-44468

 

Référence: 2024 CRTESPF 48

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Code canadien du travail

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

Entre

 

JAMES STEWART

plaignant

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(Service correctionnel du Canada)

 

défendeur

Répertorié

Stewart c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant une plainte déposée en vertu de l’article 133 du Code canadien du travail

Devant : John G. Jaworski, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant : Corinne Blanchette, Syndicat des agents correctionnels du Canada – Union of Canadian Correctional Officers – CSN

Pour le défendeur : Mathieu Cloutier, avocat

Affaire entendue à Abbotsford, en Colombie-Britannique

du 10 au 13 janvier 2023.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Plainte devant la Commission

[1] Le 1er avril 2022, James Stewart (le « plaignant ») a déposé une plainte auprès de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), désignant comme défendeurs Leanne Anderson, gestionnaire correctionnelle (GC; elle occupait un poste de GC par intérim au moment en question), et le Service correctionnel du Canada (SCC), conformément à l’article 133 du Code canadien du travail (L.R.C. (1985), ch. L–2; le « Code »). L’énoncé concis de chaque acte, omission ou autre question ayant donné lieu à la plainte est le suivant :

[Traduction]

[…]

Le 12 janvier 2022, à son entrée à l’Établissement de Mountain pour son quart de travail de jour, le plaignant a été informé qu’il devrait porter un écran facial, ce que le plaignant a refusé de faire. La gestionnaire correctionnelle par intérim, Leanne Anderson, lui a dit que s’il ne le faisait pas, elle ne le laisserait pas travailler et qu’il serait renvoyé chez lui. Le plaignant a demandé à Mme Anderson si elle voulait connaître les raisons de son refus de travailler. Le plaignant a expliqué qu’il avait été agressé dans le passé et qu’il avait besoin voir ce qui se passait devant lui. L’écran facial, en raison de la formation d’une buée importante, gêne considérablement la vision des agents correctionnels. La gestionnaire n’a pas suivi la procédure prévue par le Code canadien du travail en cas de refus de travailler et a renvoyé le plaignant chez lui. Le plaignant a appris plus tard que l’employeur avait simplement utilisé ses heures de congé de maladie pour couvrir son absence, sans que le plaignant n’en ait fait la demande ou n’en ait eu connaissance.

[…]

 

[2] À titre de mesure corrective, le plaignant demande à la Commission de rendre toute ordonnance qu’elle juge appropriée dans les circonstances ainsi qu’une ordonnance de rétablissement des heures de congé de maladie du plaignant qui ont été utilisées unilatéralement par l’employeur ou une ordonnance de versement au plaignant d’une indemnité équivalente aux heures de congé de maladie qui ont été utilisées unilatéralement.

[3] Le 21 janvier 2022, avant de déposer la présente plainte, le plaignant a déposé un grief qui a découlé d’une rencontre avec la GC Leanne Anderson le matin du 12 janvier 2022, qui fait l’objet de la présente plainte, bien que le grief indique par erreur que le fait ayant donné lieu à la plainte s’est déroulé le matin du 14 janvier 2022. Voici le libellé du grief :

[Traduction]

[…]

DETAILS OF GRIEVANCE / DESCRIPTION DU GRIEF

2022-01-14 VERS 0620 JE ME SUIS PRÉSENTÉ AU TRAVAIL ET ON M’A DEMANDÉ DE PORTER UN ÉCRAN FACIAL. J’AI DÉCLARÉ QUE JE NE LE FERAIS PAS. LA GC PAR INTÉRIM LEANNE ANDERSON M’A DIT « NOUS NE VOUS LAISSERONS PAS ENTRER À MOINS QUE VOUS N’EN PORTIEZ UN ». JE L’AI INFORMÉE QUE JE N’EN PORTAIS PAS POUR DES RAISONS DE SANTÉ ET DE SÉCURITÉ, EN PRÉCISANT QUE, AYANT DÉJÀ ÉTÉ AGRESSÉ, JE VOULAIS POUVOIR VOIR CE QUI SE PASSE DEVANT MOI ET QUE LES ÉCRANS FACIAUX GÊNAIENT MA VISION. ELLE M’A RÉPONDU QUE JE POUVAIS L’ENLEVER LORSQUE J’INTERVENAIS EN CAS D’INCIDENT. JE LUI AI DIT QUE JE NE SAVAIS PAS QUAND JE SERAIS AGRESSÉ. ELLE N’A PAS RÉPONDU. ON M’A REFUSÉ LE DROIT DE REFUSER DE TRAVAILLER POUR DES RAISONS DE SANTÉ ET DE SÉCURITÉ. LE LENDEMAIN, J’AI APPRIS AVOIR ÉTÉ MIS EN CONGÉ DE MALADIE.

CORRECTION [sic] ACTION REQUIRED / MESURES CORRECTIVES DEMANDÉES

RÉCUPÉRATION DES HEURES DE MALADIE POUR LA JOURNÉE, EXCUSES POUR LA VIOLATION DE MES DROITS, 50 000 $ (CINQUANTE MILLE DOLLARS)

ÊTRE INDEMNISÉ INTÉGRALEMENT

[…]

 

[4] Aucune audience au premier palier n’a été tenue, mais une réponse au premier palier rejetant le grief a été fournie. Une audience au deuxième palier a eu lieu et une réponse au deuxième palier a été fournie, dans laquelle le grief a été accueilli en partie, accordant au plaignant la restitution de son jour de congé de maladie payé utilisé le 12 janvier 2022 et le remplaçant par un jour de congé non payé (CNP). Au moment de l’audience, le plaignant s’était vu créditer les heures en question et celles-ci avaient été remplacées par l’équivalent d’un jour de CNP.

[5] Une copie de la transmission par le plaignant de son grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs a été déposée en preuve. Rien n’indique que le grief ait été entendu au dernier palier ou qu’il y ait eu une réponse au dernier palier; rien n’indique non plus que le grief ait été renvoyé à la Commission pour arbitrage en vertu de l’article 209 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »).

[6] Avant l’audience et de nouveau au début de celle-ci, le défendeur a soulevé des objections préliminaires quant à la compétence de la Commission. Il était entendu avant le début de l’audience que je devrais recueillir des preuves pour être en mesure de statuer sur les objections, et j’ai donc recueilli toutes les preuves des parties et les arguments sur les objections ainsi que sur le bien-fondé de la plainte.

II. Résumé de la preuve

A. Contexte

[7] Le sigle « EPI » est utilisé dans les preuves orale et documentaire et signifie « équipement de protection individuelle ». Dans les preuves orale et documentaire, les détenus sont parfois appelés « délinquants ».

[8] Le libellé des paragraphes 128(1) et (2) du Code est le suivant :

128 (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, l’employé au travail peut refuser d’utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d’accomplir une tâche s’il a des motifs raisonnables de croire que, selon le cas :

128 (1) Subject to this section, an employee may refuse to use or operate a machine or thing, to work in a place or to perform an activity, if the employee while at work has reasonable cause to believe that

a) l’utilisation ou le fonctionnement de la machine ou de la chose constitue un danger pour lui-même ou un autre employé;

(a) the use or operation of the machine or thing constitutes a danger to the employee or to another employee;

b) il est dangereux pour lui de travailler dans le lieu;

(b) a condition exists in the place that constitutes a danger to the employee; or

c) l’accomplissement de la tâche constitue un danger pour lui-même ou un autre employé.

(c) the performance of the activity constitutes a danger to the employee or to another employee.

(2) L’employé ne peut invoquer le présent article pour refuser d’utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d’accomplir une tâche lorsque, selon le cas :

(2) An employee may not, under this section, refuse to use or operate a machine or thing, to work in a place or to perform an activity if

a) son refus met directement en danger la vie, la santé ou la sécurité d’une autre personne;

(a) the refusal puts the life, health or safety of another person directly in danger; or

b) le danger visé au paragraphe (1) constitue une condition normale de son emploi.

(b) the danger referred to in subsection (1) is a normal condition of employment.

 

[9] L’expression [traduction] « invoquer un 128 » a été utilisée dans de nombreux documents et par plusieurs témoins, ou il a été fait référence à [traduction] « un 128 ». Il s’agit d’une expression utilisée lorsqu’un employé exerce son droit de refuser de travailler parce qu’il croit qu’il existe un danger et que son action est conforme à son droit en vertu du paragraphe 128(1) du Code.

[10] Le plaignant a commencé à travailler au SCC en 2001 en tant qu’agent correctionnel (CX) classifié au groupe et au niveau CX-01. Il a déclaré avoir ensuite occupé un poste CX-02, mais qu’il était revenu plus tard à un poste CX-01. Il a passé toute sa carrière dans la région du Pacifique du SCC. Au moment des faits à l’origine de la plainte, et pendant environ huit ans, il était CX-01 à l’Établissement de Mountain (« Mountain » ou l’« Établissement »). Il s’agit d’un pénitencier fédéral à sécurité moyenne pour hommes géré par le SCC dans la région du Pacifique à Agassiz, en Colombie-Britannique.

[11] Outre son poste de CX, le plaignant a été, entre 2008 et 2009, délégué syndical pour son syndicat, l’Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN (UCCO-SACC-CSN; le « syndicat »), ainsi qu’agent désigné de la santé et la sécurité au travail (SST) pour le syndicat, lorsqu’il travaillait à l’Établissement Kent, un pénitencier fédéral à sécurité maximale pour hommes géré par le SCC sur la même propriété fédérale que Mountain. Il a confirmé que le syndicat lui avait offert une formation de délégué syndical, mais qu’il n’avait pas reçu de formation d’agent syndical de SST. Lorsqu’on lui a demandé s’il avait été impliqué dans des refus de travailler en vertu de l’article 128 en tant que délégué syndical, il a répondu « non », mais a précisé qu’il n’en était pas certain.

[12] Au moment de l’audience, Nathan Stone occupait un poste de CX-01 à Mountain. Il était membre de la direction de la section locale du syndicat à Mountain depuis environ un an.

[13] Au moment de l’audience, Roger Sehra était le directeur adjoint par intérim responsable des interventions à Mountain. Son poste d’attache était celui de directeur adjoint des opérations à Mountain, qu’il occupait depuis mai 2021 et qu’il occupait au moment des faits ayant donné lieu à la plainte. Il est au service du SCC depuis 23 ans.

[14] Au moment de l’audience et des faits à l’origine de la plainte, Morgan Andreassen était le directeur de l’Établissement de Mountain.

[15] Au moment de l’audience, Leanne Anderson occupait un poste de GC à Mountain. Au moment des faits à l’origine de la plainte, elle était GC par intérim et responsable de la gestion de la COVID-19 à Mountain.

[16] La discussion du 12 janvier 2022, qui a donné lieu à la plainte et au grief (l’« incident du 12 janvier »), s’est déroulée dans un bâtiment indépendant et séparé situé à l’extrémité nord-est de l’Établissement, qui se trouve en grande partie à l’extérieur de la clôture qui entoure ce dernier et qui en constitue l’entrée principale (le « bâtiment comportant l’EP »). Il coupe en deux la clôture d’enceinte près de la partie arrière du bâtiment. Un schéma du bâtiment comportant l’EP a été versé à la preuve. Légèrement au sud et à l’est du bâtiment et adjacent à celui-ci est situé le stationnement de l’Établissement, qui est accessible par une route locale. Les personnes qui travaillent à Mountain ou qui s’y rendent pour une visite peuvent garer leur voiture dans ce stationnement.

[17] L’entrée du bâtiment comportant l’EP se trouve du côté est, à côté du stationnement de l’Établissement. Elle se compose d’une porte extérieure et d’une porte intérieure, avec un petit vestibule entre les deux portes, indiqué sur le schéma par la mention « E101 ». La porte extérieure permet d’accéder au stationnement et d’en provenir. La porte intérieure mène de l’E101 au hall principal du bâtiment comportant l’EP, identifié sur le schéma par la mention « E100 ». Toute personne sortant de la zone E101 et entrant dans la zone E100 doit passer par un dispositif de sécurité qui n’est pas sans rappeler le dispositif de contrôle de sécurité d’un aéroport par lequel les passagers doivent passer pour se rendre de la zone non sécurisée de l’aéroport à la zone sécurisée où se trouvent les portes d’embarquement.

[18] Le dispositif de sécurité du bâtiment comportant l’EP se compose d’une machine à rayons X pour les sacs, d’un détecteur de métaux et d’un bureau (ou d’une table) derrière lequel se trouve le CX qui gère le dispositif. Il s’agit du poste de contrôle de l’entrée principale (PCEP). Toute personne souhaitant accéder en toute légalité à l’Établissement doit entrer par les portes extérieures du bâtiment comportant l’EP dans la zone E101, puis sortir de la zone E101 et franchir les portes intérieures pour entrer dans la zone E100. Elle doit ensuite se rendre au PCEP et passer par le dispositif de sécurité et être autorisée à le franchir et à aller derrière lui. En passant, la personne présente sa carte d’employé sur une bande magnétique à une porte marquée « E106 » (la « porte E106 »).

[19] Une fois qu’une personne a été admise après avoir franchi le PCEP, elle se retrouve dans une petite zone ouverte derrière le PCEP, appelée « E106 ». À côté de la zone E106 se trouve une pièce, E105, à laquelle on ne peut accéder qu’en passant par la zone E106. Les CX qui se présentent au travail et qui sont passés par le PCEP enfilent leurs EPI, notamment des gilets pare-balles, ainsi que leurs ceintures de service, dans cette zone comprenant E105 et E106. Ils peuvent ensuite sortir du bâtiment comportant l’EP par une porte située à l’ouest, la porte E106A. Une fois qu’une personne est sortie par la porte E106A, elle n’est plus à l’extérieur de la clôture d’enceinte de l’Établissement, mais à l’intérieur. La preuve a révélé que la plupart des jours, le PCEP est géré par un CX et que, normalement, aucun GC ne se trouve à cet endroit.

[20] La preuve a révélé que les différents quarts de travail des CX (à l’exclusion des GC) peuvent être décomposés en un quart de travail matinal de durée variable qui commence le soir d’un jour et se termine le matin du jour suivant, ou un quart de travail de jour de durée variable qui commence à 6 h 30 et se termine à des heures variables. Lorsqu’il arrive à l’Établissement pour un quart de travail, un CX entre par le bâtiment comportant l’EP de la manière que je viens de décrire, et une fois qu’il a revêtu son EPI et est sorti du bâtiment comportant l’EP par la porte E106A, il se rend d’abord au bureau des GC pour recevoir son affectation pour son quart de travail, puis se rend à la salle de breffage de l’Établissement. Les CX qui commencent leur service à 6 h 30 doivent être présents dans la salle de breffage à 6 h 30. Après la séance d’information, les CX se rendent au poste qui leur a été assigné.

[21] La preuve a révélé qu’à 6 h 30, les détenus étaient toujours enfermés dans les unités d’habitation. M. Sehra a déclaré que l’unité d’habitation la plus proche du bâtiment comportant l’EP se trouvait à environ 200 mètres. Il a ajouté qu’il y avait six portes sécurisées entre le bâtiment comportant l’EP et la cellule d’un détenu dans une unité d’habitation.

[22] Une copie de la description de travail d’un CX-01 a été déposée en preuve. Les passages de la description de travail qui sont pertinents pour la présente décision sont les suivants :

[Traduction]

Working Conditions – Conditions de travail

(1) Environnement de travail

[…]

ENVIRONNEMENT DE TRAVAIL PHYSIQUE

Le travail est effectué dans un établissement à accès contrôlé, doté de multiples barrières et contrôles de sécurité, et implique d’assurer la sécurité dans les unités d’habitation des détenus. Le titulaire du poste est quotidiennement exposé à des images, des sons et des odeurs désagréables.

Lors de la fouille ou de l’immobilisation des détenus, il existe un risque d’exposition à des fluides corporels et à du matériel biologique dangereux pouvant véhiculer des maladies transmissibles (par exemple, des excréments, de l’urine, des crachats, de la salive ou du sang). Des vêtements de protection sont portés lorsque le contact avec les détenus est inévitable afin de minimiser les risques […]

[…]

(2) Risque pour la santé

Il existe un risque d’agression verbale ou physique ou de traumatisme psychologique en raison de l’exécution quotidienne de fonctions de sécurité en contact direct avec des détenus potentiellement instables qui peuvent avoir de faibles capacités cognitives et des valeurs/attitudes sociales différentes. Le titulaire du poste est tenu de surveiller étroitement les détenus tout au long de son service et peut être amené à diffuser des informations défavorables.

[…]

 

[23] En contre-interrogatoire, le plaignant a reconnu :

· qu’il existait un risque que les détenus s’en prennent à lui, ce qui est un risque inhérent au poste;

· qu’il comprenait ses obligations en vertu de l’article 126 du Code;

· qu’il comprenait ses obligations en vertu de l’article 126 du Code le 12 janvier 2022;

· qu’il comprenait qu’il était tenu de porter un EPI;

· qu’il avait compris, le 12 janvier 2022, qu’il était tenu de porter un EPI.

 

[24] Le libellé du paragraphe 126(1) du Code est le suivant :

126 (1) L’employé au travail est tenu :

126 (1) While at work, every employee shall

a) d’utiliser le matériel, l’équipement, les dispositifs et les vêtements de sécurité que lui fournit son employeur ou que prévoient les règlements pour assurer sa protection;

(a) use any safety materials, equipment, devices and clothing that are intended for the employee’s protection and furnished to the employee by the employer or that are prescribed;

b) de se plier aux consignes réglementaires en matière de santé et de sécurité au travail;

(b) follow prescribed procedures with respect to the health and safety of employees;

c) de prendre les mesures nécessaires pour assurer sa propre santé et sa propre sécurité, ainsi que celles de ses compagnons de travail et de quiconque risque de subir les conséquences de ses actes ou omissions;

(c) take all reasonable and necessary precautions to ensure the health and safety of the employee, the other employees and any person likely to be affected by the employee’s acts or omissions;

d) de se conformer aux consignes de l’employeur en matière de santé et de sécurité au travail;

(d) comply with all instructions from the employer concerning the health and safety of employees;

e) de collaborer avec quiconque s’acquitte d’une obligation qui lui incombe sous le régime de la présente partie;

(e) cooperate with any person carrying out a duty imposed under this Part;

f) de collaborer avec le comité d’orientation et le comité local ou le représentant;

(f) cooperate with the policy and work place committees or the health and safety representative;

g) de signaler à son employeur tout objet ou toute circonstance qui, dans un lieu de travail, présente un risque pour sa santé ou sa sécurité ou pour celles de ses compagnons de travail ou des autres personnes à qui l’employeur en permet l’accès;

(g) report to the employer any thing or circumstance in a work place that is likely to be hazardous to the health or safety of the employee, or that of the other employees or other persons granted access to the work place by the employer;

h) de signaler, selon les modalités réglementaires, tout accident ou autre incident ayant causé, dans le cadre de son travail, une blessure à lui-même ou à une autre personne;

(h) report in the prescribed manner every accident or other occurrence arising in the course of or in connection with the employee’s work that has caused injury to the employee or to any other person;

i) de se conformer aux instructions verbales ou écrites du chef ou du Conseil en matière de santé et de sécurité des employés;

(i) comply with every oral or written direction of the Head or the Board concerning the health and safety of employees; and

j) de signaler à son employeur toute situation qu’il croit de nature à constituer, de la part de tout compagnon de travail ou de toute autre personne – y compris l’employeur –, une contravention à la présente partie.

(j) report to the employer any situation that the employee believes to be a contravention of this Part by the employer, another employee or any other person.

 

B. La pandémie de COVID-19

[25] À la fin de l’année 2019, le monde a pris conscience d’un risque sanitaire croissant dû à un virus, la COVID-19. Vers la mi-mars 2020, la COVID-19 a été désignée comme étant une pandémie mondiale. À cette époque, les Canadiens ont été confinés. Toutes les personnes qui pouvaient travailler à domicile l’ont fait. Les entreprises, à l’exception de celles jugées essentielles, ont été fermées. Il n’est pas exagéré d’affirmer que l’économie mondiale, à bien des égards, a failli s’arrêter. Les autorités compétentes ont déclaré l’état d’urgence aux niveaux national, provincial et local.

[26] Aucun vaccin n’a été mis à la disposition du public avant le début de l’année 2021. Pour certains des vaccins proposés, deux doses devaient être administrées à plusieurs mois d’intervalle. Alors que la recherche et la production de vaccins s’intensifiaient, le virus a muté et le monde a commencé à observer des vagues dans lesquelles la maladie s’atténuait pendant un certain temps avant de repartir à la hausse. Les vaccins n’étaient pas efficaces à 100 % et leur efficacité était remise en question lorsque le virus mutait. Au fur et à mesure des mutations, les vaccins ont été adaptés et des doses de rappel ont commencé à être administrées.

[27] Au cours de la pandémie, les autorités locales, régionales, provinciales et nationales ont pris différentes mesures et imposé des restrictions pour protéger la population des effets du virus. Le port d’un masque et le lavage ou la désinfection des mains sont deux des mesures universelles qui s’imposaient en cas de sortie du domicile. L’obligation de porter un masque couvrant la bouche et le nez a été imposée parce que le virus se transmettait par l’air et par la respiration (ce qui semble avoir été déterminé et communément accepté par les autorités sanitaires mondiales).

[28] En décembre 2021 et janvier 2022, la pandémie se trouvait dans ce que les autorités de santé publique considéraient comme sa quatrième vague. Dans l’ensemble du pays, le port du masque était encore largement obligatoire lorsque l’on se trouvait dans un lieu fermé et hors de son domicile. Les règles exactes concernant le nombre de personnes autorisées à pénétrer dans les espaces intérieurs pouvaient être et étaient définies par les autorités sanitaires locales, régionales et provinciales. À ce moment-là, la première dose de rappel du vaccin était devenue disponible, ce qui n’était pas le cas de la seconde.

[29] Pendant la pandémie, certaines institutions et certains postes aux niveaux local, régional, provincial et fédéral étaient essentiels à la poursuite des activités de notre pays et des communautés qui le composent. Il s’agit par exemple de la production et de la fourniture des produits de première nécessité, tels que les denrées alimentaires et les produits et services de santé. Les établissements pénitentiaires fédéraux, qui relèvent du SCC, en font partie. Le SCC héberge, dans des établissements fédéraux à travers le pays, des hommes et des femmes qui ont été condamnés à une peine d’emprisonnement de deux ans ou plus.

[30] M. Sehra a déclaré que la COVID-19 représentait un risque sanitaire important dans un établissement comme Mountain, car les détenus vivent dans des espaces étroits et ne peuvent pas sortir. Il a déclaré que Mountain comptait un grand nombre de détenus âgés et de détenus ayant des problèmes de santé, qui seraient susceptibles d’être exposés à un risque plus élevé en raison de la COVID-19. L’Établissement étant une structure fermée, le virus ne se serait pas simplement déclaré au sein de la population; une personne de l’extérieur venue travailler au sein de l’Établissement ou venue y faire une visite aurait pu l’y faire pénétrer.

[31] M. Sehra a déclaré que le SCC avait établi certains protocoles de protection en matière de santé et de sécurité spécifiques à la pandémie de COVID-19, qui ont été présentés à la Commission sous le nom de [traduction] « Cadre intégré de gestion du risque » (CIGR). Ce cadre définit cinq niveaux de menace (ou de risque) selon un code couleur. Le niveau le plus faible est le vert, suivi, en ordre croissant, du gris, du jaune, de l’orange et du rouge.

[32] La couleur jaune correspondait à un risque modéré et indiquait que la COVID-19 était présente au sein de la communauté (de l’Établissement), qu’elle était susceptible de se propager et que les taux d’incidence étaient en augmentation. La couleur orange correspondait à un risque modéré à élevé et décrivait la situation dans l’ensemble de l’Établissement si un détenu était atteint de la COVID-19. La couleur rouge était attribuée à la zone où se trouvait le détenu, tandis que la couleur orange était attribuée au reste de l’Établissement.

[33] Les procès-verbaux du Comité de gestion sur les interventions préventives de la région Pacifique ou « CGIP » (« CGIP de la RP ») ont été versés en preuve. M. Sehra a déclaré qu’un CGIP est convoqué dans une zone précise; il peut être convoqué dans un établissement, une région ou à l’échelle nationale, en fonction de l’objet de sa mise en place. Dans le présent cas, le CGIP de la RP a été mis en place pour faire face à la pandémie de COVID-19. M. Sehra a déclaré que des gestionnaires nationaux et régionaux du SCC ainsi que d’autres membres du personnel de santé fédéral extérieurs au SCC et des conseillers régionaux en matière de santé de la communauté de la vallée du Fraser (C.-B.) y participaient. Ils avaient la responsabilité d’évaluer les risques liés à la pandémie et de décider si le SCC et ses établissements devaient élever ou abaisser le niveau de menace du CIGR.

C. Début 2022 : la période précédant l’incident

[34] M. Sehra a déclaré qu’en janvier 2022, le variant Omicron de la COVID-19 était la principale souche nuisant à la santé publique.

[35] La preuve a révélé que deux types d’écrans faciaux étaient utilisés dans les installations du SCC : le premier était un écran facial complet, en plastique transparent, qui couvrait le visage de la partie supérieure des yeux jusqu’à la bouche et était attaché par une bande de mousse qui passait derrière la tête du porteur, et le second était un ensemble de lunettes transparentes qui s’attachaient comme des lunettes et disposaient d’un écran transparent qui s’étendait à partir d’elles jusqu’au-dessous de la bouche. Les écrans faciaux sont considérés comme des EPI.

[36] Le 4 janvier 2022, M. Andreassen, le directeur de l’Établissement, a envoyé un courriel à l’ensemble du personnel de gestion de Mountain (la « consigne du 4 janvier ») :

[Traduction]

[…]

Merci d’insister sur l’utilisation des EPI auprès de votre personnel. Nous sommes actuellement au niveau JAUNE et devons porter des masques et des écrans faciaux de qualité médicale lorsque nous ne sommes pas seuls dans un bureau. Des exceptions sont prévues lorsque l’écran présente un risque, par exemple lorsque nous conduisons, lorsque nous nous trouvons dans la communauté avec une arme de poing ou lorsque nous travaillons dans la cuisine et qu’il y a de la vapeur. Toute autre préoccupation doit être soumise au chef de division concerné pour examen et décision.

Je sais que c’est nul, mais c’est ce que nous devons faire pour éviter les expositions potentielles au variant Omicron sur le lieu de travail.

[…]

 

[37] M. Andreassen a déclaré qu’il avait donné la consigne du 4 janvier parce que la question du port d’écrans faciaux était un sujet brûlant. Il a déclaré qu’une préoccupation avait été soulevée au sujet du port de l’écran facial et qu’il avait retardé la mise en œuvre d’une consigne exigeant le port de l’écran facial jusqu’à ce qu’une décision ait été prise au sujet d’un refus de travailler en vertu de l’article 128 dans un autre établissement de la région du Pacifique du SCC.

[38] La preuve a révélé que le 29 décembre 2021, à 11 h 42, heure locale, un refus de travailler a été formulé par John Randle, un CX à l’Établissement du Pacifique d’Abbotsford (C.-B.) (le « refus de M. Randle »). L’Établissement du Pacifique fait également partie de la région du Pacifique du SCC et se trouve à environ 61 kilomètres de Mountain.

[39] Les faits relatifs à ce refus de travailler sont exposés dans un rapport publié le 19 janvier 2022 par Gurmeet Lidder, l’agent de santé et de sécurité (ASS) d’Emploi et Développement social Canada (EDSC) qui a enquêté sur le refus de travailler et qui, le 31 décembre 2021, a rendu une décision sur le refus de M. Randle dans laquelle il a déclaré qu’il [traduction] « n’existe pas de danger ».

[40] La déclaration de M. Randle concernant son refus de travailler le 29 décembre 2021 était qu’il estimait que le fait de travailler à proximité de détenus tout en portant l’écran facial constituait un danger pour lui dans certaines circonstances, qu’un écran facial embué pouvait créer une situation d’agression soudaine, que l’écran facial pouvait se briser à la suite d’un impact soudain et le blesser, et qu’un écran facial brisé pouvait être utilisé comme une arme contre lui.

[41] Le 11 janvier 2022, à 17 h 42, M. Sehra a envoyé un courriel à l’ensemble du personnel de Mountain, dans lequel il était indiqué ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Un certain nombre de cas de non-conformité du port des EPI (masques médicaux et écrans faciaux) ont été récemment signalés. À la suite des inquiétudes soulevées, une réunion d’urgence des membres de la SST a été tenue ce matin afin d’aborder les préoccupations directement liées à la santé et à la sécurité du personnel travaillant à Mountain. Des représentants syndicaux et des cadres qui n’assistent pas normalement aux réunions de la SST ont été invités à la réunion pour discuter de ce sujet important. Toutes les personnes présentes à la réunion ont eu l’occasion de s’adresser au groupe pour exprimer leurs préoccupations. Les directives et mesures suivantes sont le résultat de cette réunion.

Le personnel doit se conformer aux directives relatives à l’EPI telles qu’elles sont définies dans le CIGR au niveau JAUNE actuel. Cela inclut l’utilisation du masque médical et de l’écran facial. L’équipe de gestion sera plus présente et donnera des directives de manière plus ferme pour favoriser le respect de ces règles dans l’ensemble de l’établissement. Les écrans faciaux doivent être portés en permanence, sauf si vous êtes seul. Lorsque vous mangez ou buvez une boisson, vous devez trouver un espace à l’écart des autres avant d’enlever l’écran facial et le masque.

Comme le précise le courriel ci-dessous, il existe des exceptions au port d’un écran facial. Ces exceptions ne sont pas généralisées et ne sont spécifiques qu’à certaines tâches (par exemple, la conduite automobile, le travail à l’extérieur et à distance physique, le travail à proximité de vapeur ou de couteaux dans la cuisine, la réponse à une situation de sécurité). D’autres exceptions raisonnables peuvent être envisagées, mais une déclaration de portée générale sur la formation de buée sur les écrans faciaux n’est pas considérée comme une exception.

Un autre type d’écran facial (avec les demi-lunettes attachées à l’écran facial) a été acheté. Ce nouveau type d’écran facial est distribué aux membres du personnel par l’intermédiaire de leur gestionnaire. Le nombre de ce type d’écran facial est limité et vous sera distribué par l’intermédiaire de votre gestionnaire. Les écrans faciaux sont des articles réutilisables, veuillez donc vous assurer de les réutiliser. L’écran facial sera remplacé s’il est endommagé, usé ou perdu, dans la limite du stock existant.

Veuillez tenir compte des stratégies de réduction de la propagation de la COVID-19 dans vos activités quotidiennes. Le variant Omicron est hautement transmissible et ces efforts nous permettront de maintenir des habitudes raisonnables pendant le pic de cette nouvelle vague de la pandémie.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

D. L’incident du 12 janvier

[42] M. Sehra a déclaré qu’il avait pris une décision pour la matinée du 12 janvier 2022, qui exigeait que tout le personnel porte des masques médicaux et des écrans faciaux. Il a déclaré qu’il avait demandé à ce que la GC Anderson soit présente au PCEP lorsque le personnel arriverait pour le début des quarts de jour, car elle était la responsable de la gestion de la COVID-19 au sein de l’Établissement. Il a déclaré qu’il avait agi ainsi parce qu’habituellement, c’est un CX-01 qui travaille au PCEP et qu’il serait difficile pour quelqu’un de ce niveau de donner des instructions à ses pairs ou à des agents plus anciens pour qu’ils portent l’écran facial et le masque médical.

[43] Les deux seules personnes qui ont témoigné de ce qui s’est passé ce jour-là et qui étaient effectivement présentes au moment des faits sont le plaignant et la GC Anderson.

[44] La GC Anderson a déclaré que, le 11 janvier 2022, M. Sehra lui avait demandé de se rendre à l’Établissement tôt le lendemain matin pour faire respecter le port de l’écran facial. Elle a déclaré qu’elle se trouvait dans le bâtiment comportant l’EP, au PCEP, et qu’elle était postée dans la zone marquée E106, derrière le bureau ou la table et l’appareil à rayons X qui créaient une barrière entre E106 et E100.

[45] Elle a déclaré que, ce matin-là, certaines personnes étaient perplexes, car d’habitude, il n’y avait pas de GC au PCEP. Elle a déclaré que les membres du personnel l’avaient vue, ainsi que les écrans faciaux, et que certains semblaient mécontents. Elle a déclaré que le niveau de bruit était plus élevé que d’habitude. Elle a dit avoir informé les membres du personnel entrants que le port de l’écran facial était obligatoire et leur avoir montré comment retirer le film protecteur de l’écran.

[46] La GC Anderson a déclaré que le plaignant était arrivé au bâtiment comportant l’EP vers 6 h 15 ou 6 h 20, tandis que le plaignant a déclaré qu’il était arrivé vers 6 h 20. La GC Anderson a déclaré qu’à l’intérieur de la zone E100, il portait un masque médical, mais pas d’écran facial, avant de s’approcher du PCEP, où elle se trouvait. Elle a raconté qu’il s’était approché de la machine à rayons X pour y déposer son sac et qu’il lui avait dit [traduction] « Bonjour ». La GC Anderson a dit qu’elle lui avait expliqué qu’il était obligatoire de porter un écran facial pour entrer dans l’Établissement. Elle a dit qu’il avait demandé ce qui se passerait s’il ne mettait pas d’écran facial, ce à quoi elle a répondu qu’il ne serait pas autorisé à entrer. Après qu’elle lui a dit cela, il a ramassé son sac et s’est éloigné du PCEP pour retourner à l’entrée du bâtiment, à la zone E101. La GC Anderson a déclaré que ce faisant, il s’est tourné vers elle et lui a dit [traduction] « Tu ne veux pas savoir pourquoi? », avant de lui dire qu’il avait été agressé dans le passé et qu’il avait entendu dire que d’autres CX avaient été agressés alors qu’ils portaient un écran facial. La GC Anderson lui a répondu qu’il pouvait enlever l’écran facial s’il intervenait en cas d’alerte ou s’il sentait qu’il allait être attaqué. Elle a ajouté qu’il lui avait répondu qu’il ne pouvait pas prévoir quand il serait attaqué.

[47] La GC Anderson a déclaré qu’à ce moment de leur conversation, l’espace situé devant le PCEP, dans la zone E100, était devenu assez occupé, et elle lui a donc répété qu’il ne pouvait pas entrer dans l’Établissement sans écran facial. Elle a dit qu’il s’est retourné, a levé les mains en l’air, a haussé les épaules, a dit de le mettre en congé de maladie et a entrepris de sortir du bâtiment comportant l’EP.

[48] Dans son interrogatoire principal, le plaignant a déclaré que lorsqu’il était dans le bâtiment comportant l’EP, le CX travaillant au PCEP lui avait dit qu’il devait porter un écran facial. Il a déclaré que la GC Anderson lui avait également donné cette directive. Il a déclaré que les mots utilisés par la GC Anderson étaient les suivants : [traduction] « Vous devez porter un écran facial; je ne peux pas vous autoriser à entrer dans l’Établissement si vous n’en portez pas ». Son représentant lui a demandé ce qui s’était passé ensuite, et il a répondu qu’il avait demandé à Mme Anderson si elle voulait savoir pourquoi il ne voulait pas en porter un; il a dit qu’elle avait répondu [traduction] « D’accord ». Il lui a dit qu’il s’agissait pour lui d’un problème de santé et de sécurité, en particulier parce que cela gênait sa vision. Il a ajouté qu’en tant que personne ayant déjà été agressée, il serait dangereux pour lui de devoir en porter un.

[49] Lorsque son représentant lui a demandé quelle avait été la réponse de la GC Anderson, il a répondu qu’elle lui avait dit qu’il pouvait enlever l’écran facial lorsqu’il interviendrait, ce à quoi il a répondu qu’il pourrait être trop tard, car il ne saurait pas à quel moment il serait attaqué. Il a ensuite déclaré qu’elle lui avait dit que s’il ne portait pas d’écran facial, il ne serait pas autorisé à entrer dans l’Établissement. Il a dit que sa réponse avait été la suivante : [traduction] « Je ne peux donc pas aller travailler », puis il est parti. Lorsque son représentant lui a dit que, selon l’employeur, il avait demandé à la GC Anderson de le mettre en congé de maladie, il a répondu qu’il n’avait jamais demandé à être mis en congé de maladie. Il a déclaré qu’il ne s’était pas mis en congé de maladie, mais qu’on lui avait refusé l’entrée dans l’Établissement. Lorsqu’on lui a demandé ce qu’il pensait que serait son statut de congé, il a répondu qu’il pensait qu’il s’agirait d’un CNP.

[50] Le plaignant a déclaré avoir quitté l’Établissement. Il a dit avoir tenté de communiquer avec le syndicat, mais en vain. Il a dit avoir travaillé le lendemain et avoir porté un écran facial. Il a également dit que le lendemain, il a appris que l’employeur avait utilisé ses heures de congé de maladie.

[51] Lors du contre-interrogatoire, le plaignant a confirmé qu’on lui avait dit qu’on lui refuserait l’entrée dans l’Établissement s’il ne portait pas d’écran facial et que cela s’était passé avant qu’il ne soulève la moindre question relative à la santé et à la sécurité. Il lui a également été demandé quand, avant le 12 janvier 2022, il avait porté pour la dernière fois un écran facial, ce à quoi il a répondu qu’il ne s’en souvenait pas. Une copie de son dossier de formation a été déposée en preuve, et l’avocat de l’employeur lui a présenté une inscription indiquant qu’il avait suivi, le 7 décembre 2020, une formation sur les [traduction] « Principes de prévention des infections » (la « formation sur la prévention des infections »). Il lui a été demandé si cela lui rafraîchissait la mémoire, ce à quoi il a répondu qu’il se souvenait avoir suivi la formation. Toutefois, lorsqu’il lui a été demandé s’il se souvenait d’avoir reçu une formation sur le port d’un écran facial pendant la formation sur la prévention des infections, il a répondu qu’il ne s’en souvenait pas.

[52] Lors du contre-interrogatoire, il a été demandé au plaignant s’il s’était senti en danger d’être attaqué dans la zone de l’entrée principale (le bâtiment comportant l’EP) de l’Établissement, ce à quoi il a répondu par la négative. Il a confirmé qu’au moment où on lui avait demandé de porter l’écran facial à proximité du PCEP, il n’était pas en danger. Il a également confirmé qu’après avoir franchi le PCEP, il aurait assisté au breffage du matin et qu’avant cela, il n’aurait eu aucun contact avec les détenus. Plus précisément, il a confirmé qu’une fois passé le PCEP et à l’intérieur de l’Établissement, entre le PCEP et la salle de breffage, il n’aurait pas eu de contact avec les détenus. Il a déclaré qu’il aurait pu porter l’écran facial jusqu’à ce qu’il soit en contact avec des détenus, et ensuite invoquer l’article 128.

[53] En contre-interrogatoire, le plaignant a confirmé que la GC Anderson ne lui avait pas demandé de rentrer chez lui.

[54] Le 27 avril 2022, le plaignant et M. Stone ont assisté à une audience de grief avec le directeur de l’Établissement, M. Andreassen, au sujet du grief déposé dans la présente affaire. Le directeur de l’Établissement a indiqué se souvenir que l’audience s’était déroulée en personne, tandis que le plaignant et M. Stone ont indiqué se souvenir qu’elle s’était déroulée par vidéoconférence. Que la réunion ait eu lieu en personne ou non, M. Andreassen et le plaignant se souviennent tous deux que ce dernier a dit au directeur de l’Établissement qu’il pensait que les écrans faciaux étaient une véritable farce, et tous deux se souviennent d’avoir discuté de l’incident du 12 janvier. M. Andreassen a déclaré avoir demandé au plaignant pourquoi il n’avait pas invoqué l’article 128 et le plaignant a répondu qu’il ne voulait pas le faire.

[55] Lors du contre-interrogatoire, on a demandé au plaignant s’il se souvenait d’avoir dit au directeur de l’Établissement qu’il ne voulait pas invoquer l’article 128, ce à quoi il a répondu qu’il ne voulait pas le faire. On lui a ensuite demandé s’il se souvenait d’avoir dit [traduction] « J’aurais pu invoquer un 128 », ce à quoi il a répondu ceci : [traduction] « Oui, j’ai dit cela ».

[56] Le directeur de l’Établissement, M. Andreassen, dans sa réponse au grief au deuxième palier, datée du 28 avril 2022, a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Une audience de grief au deuxième palier a eu lieu le 27 avril 2022. Vous m’avez dit qu’à votre arrivée à l’Établissement, la gestionnaire correctionnelle par intérim (GC par intérim) Anderson vous a dit de porter un écran facial, sans quoi vous ne pourriez pas entrer dans l’Établissement. Vous m’avez dit qu’à votre avis, il n’y avait pas eu suffisamment de dialogue avec la GC par intérim Anderson au sujet de votre crainte que l’écran facial nuise à votre vision en cas d’incidents avec des délinquants. Vous avez déclaré que vous n’avez pas déclenché un refus de travail en vertu de l’article 128 du CCT parce que vous vouliez « résoudre le problème au niveau le plus bas ». Vous avez déclaré que le port d’un écran facial était selon vous une « farce complète » et qu’il n’était pas raisonnable. À ce titre, vous estimez que vos droits ont été violés.

Comme cela a été discuté au cours de l’audience, vous n’avez pas invoqué votre droit de vous prévaloir d’un refus de travail en vertu de l’article 128 du CCT, ce qui aurait permis d’engager une procédure et un dialogue plus approfondis sur vos préoccupations. Je comprends que vous essayiez de résoudre vos problèmes au niveau le plus bas, mais l’employeur a exigé le port d’un écran facial en raison des stratégies de réduction de la propagation de la COVID‑19 […]

[…]

 

[57] Lors du contre-interrogatoire, le plaignant a été interrogé sur le dépôt de la plainte, qu’il n’a pas signée. Il a déclaré qu’il ne l’avait pas vue avant qu’elle ne soit déposée. Il a déclaré qu’il avait échangé des courriels avec le personnel du syndicat avant qu’elle ne soit déposée.

[58] Une copie d’un courriel daté du 28 janvier 2022 et envoyé par la GC Anderson à M. Sehra a été versée en preuve. L’objet était [traduction] « Grief », et en voici les passages pertinents :

[Traduction]

[…]

La date de mon échange avec le CX1 Stewart était le 12 janvier.

Il s’est déroulé entre 6 h 15 et 6 h 20.

[…]

L’agent Stewart a franchi les portes de l’espace du poste de sécurité des visiteurs en ne portant qu’un masque médical.

J’ai informé l’agent Stewart qu’il devait désormais porter un écran facial.

Il m’a demandé ce qui se passerait s’il n’en portait pas et je lui ai répondu que je ne pourrais pas le laisser entrer.

Il m’a alors déclaré qu’il ne porterait pas l’écran facial en raison du risque d’agression et m’a informé que des agents avaient été agressés à d’autres établissements à cause des écrans. Il m’a expliqué qu’il se sentait en danger s’il en portait un. J’ai tenté de lui expliquer que l’écran facial pouvait être enlevé lors d’un incident ou d’une intervention en cas de déclenchement du dispositif d’alarme personnelle portative.

Il a déclaré – je ne suis pas sûre de la formulation exacte – qu’il ne serait pas en mesure de prévoir quand une agression se produirait.

J’ai dit à l’agent Stewart que, là encore, le port d’un écran facial était obligatoire.

Il m’a dit de le mettre en congé de maladie.

L’agent Stewart n’a pas fait de nouvelle tentative ce matin-là, car ce n’était ni le moment ni l’endroit, compte tenu du nombre d’agents correctionnels et de travailleurs des services de santé qui se présentaient au travail.

Les tensions étaient vives et de nombreux membres du personnel, et pas seulement l’agent Stewart, faisaient des commentaires et posaient des questions sur les écrans. En outre, le port des écrans faciaux n’était pas une surprise, il était obligatoire depuis la montée au niveau jaune.

C’est pour cette raison que ses préoccupations n’ont pas été prises en compte à ce moment-là.

Une fois le flux de personnes redescendu, j’ai pu signaler à M6 qu’un agent voulait annuler ses heures supplémentaires et qu’un autre agent était rentré chez lui parce qu’il refusait de porter un écran facial.

Je ne me souviens pas si j’ai dit à M6 de le mettre en congé de maladie ou si la possibilité d’un CNP a été abordée.

[…]

 

[59] Lors du contre-interrogatoire, il a été demandé à la GC Anderson de préciser si le plaignant lui avait fait part de ses inquiétudes, ce dont elle a convenu. Elle a également déclaré qu’au lieu de dialoguer, il lui avait dit de le mettre en congé de maladie et qu’il avait quitté l’Établissement. Le représentant du plaignant a alors demandé à la GC Anderson si le plaignant aurait pu invoquer le Code, ce à quoi elle a répondu [traduction] « s’il n’avait pas quitté l’Établissement ».

[60] Les éléments de preuve suivants ont été produits :

· un [traduction] « avis de refus de travailler » en vertu de l’article 128 du Code donné par Dylan Medway, CX-02 par intérim, à Mountain le 14 janvier 2022, à 9 h 45 (le « refus de travailler de M. Medway en vertu de l’article 128 »);

· la [traduction] « réponse de l’employeur » au refus de travailler de M. Medway en vertu de l’article 128, datée du 14 janvier 2022 et rédigée par Alan Cramm, un GC à Mountain;

· la [traduction] « décision de l’employeur » concernant le refus de travailler de M. Medway en vertu de l’article 128, datée du 19 janvier 2022 et rédigée par Mark Bussey, directeur adjoint de l’Établissement de Mountain;

· le [traduction] « rapport d’enquête des représentants de la santé et de la sécurité au travail de Mountain » sur le refus de travailler de M. Medway en vertu de l’article 128, daté du 2 février 2022 et rédigé par un représentant de l’employeur et un représentant syndical;

· la lettre de décision de l’ASS Arshdeep Rattan, datée du 16 février 2022, indiquant qu’une conclusion [traduction] « d’absence de danger » avait été rendue concernant le refus de travailler de M. Medway en vertu de l’article 128;

· le [traduction] « rapport d’enquête » d’EDSC et la décision de l’ASS Rattan, datés du 16 février 2022, concernant le refus de travailler de M. Medway en vertu de l’article 128.

 

[61] Le motif du refus de travailler énoncé dans le refus de travailler de M. Medway en vertu de l’article 128, tel qu’énoncé par le GC Cramm et attesté par le CX Medway, était le suivant :

[Traduction]

Le 14 janvier 2022, vers 9 h 45, l’agent CX02 par intérim Medway s’est approché de moi et m’a fait part de ses préoccupations concernant le port d’écrans faciaux dans les rangées de l’unité d’habitation lorsqu’il effectue des patrouilles de sécurité. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi, l’agent Medway a donné les raisons suivantes :

· Marches dans les rangées – Impossibilité de voir correctement dans la cellule à cause de l’éblouissement, donc impossibilité de voir clairement les menaces.

· L’ouïe est déformée, il est difficile de percevoir les sons à un volume audible normal ou de savoir d’où ils proviennent.

· Les masques s’abîment facilement, nous sommes censés les porter à nouveau, de sorte que l’usure et les déchirures aggravent les problèmes de visibilité.

· Si l’agent porte des lunettes de vue, il y a maintenant un double éblouissement. Les lunettes offrent une correction établie par un médecin et l’écran facial a un impact sur la correction, ce qui peut entraîner des problèmes. Il gêne l’appareil médical de quelqu’un. (Il s’agit d’un problème potentiel pour les agents en dehors des patrouilles de sécurité [exprimé verbalement])

· Il serait possible d’atténuer ce problème en portant des lunettes de protection ou en ne portant pas d’écran facial lors des marches dans les rangées. (Le port de l’écran facial vers le haut n’est pas un compromis, car il rend l’écran facial inutile et va à l’encontre du but recherché.)

· Possibilité de recours spontané à la force

· L’écran facial risque de s’embuer (exprimé verbalement)

Suggestions de l’employé pour résoudre le problème (le cas échéant) : Les écrans faciaux ne devraient pas être utilisés lors des patrouilles de sécurité dans l’unité d’habitation.

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[62] Une série de courriels échangés le 14 janvier 2022 entre le plaignant et Mme Blanchette, du syndicat, a été déposée en preuve :

[Traduction]

[Le plaignant à Mme Blanchette, à 15 h :]

[…]

Je suis l’agent au sujet duquel Julia de Mountain vous a contactée en ce qui concerne la plainte relative aux droits de la personne.

Ma plainte ne concerne pas l’EPI. Elle concerne le fait que lorsque j’ai soulevé un problème de santé et de sécurité, on m’a refusé l’entrée dans l’Établissement, on m’a renvoyé chez moi et on m’a considéré en congé de maladie.

J’ai clairement expliqué pourquoi je n’allais pas porter d’écran facial en invoquant des problèmes de santé et de sécurité, en particulier le fait que j’avais déjà été agressé par un détenu et que le masque gênait mon champ de vision, alors que je veux pouvoir avoir une vision complète pour identifier les menaces, et c’est pourquoi je refuse d’en porter un […] La gestionnaire n’avait rien d’autre à dire et ne m’a proposé aucune autre option que de me dire que je ne serais pas autorisé à entrer si je n’en portais pas. Je suis rentré chez moi et j’ai informé mon syndicat de ce qui s’était passé.

Le lendemain, je me suis présenté au travail et j’ai appris que j’avais été mis en congé de maladie.

À aucun moment je n’ai pris de congé de maladie. J’ai refusé de travailler en invoquant des raisons de santé et de sécurité. Ces préoccupations ont été ignorées et j’ai été renvoyé chez moi. Mes droits ont été enfreints. Telle est la nature de ma plainte en matière de droits de la personne. Un grief va être déposé.

[…]

[Le plaignant à Mme Blanchette, à 15 h 48 :]

[…]

Le 12 janvier 2022, vers 6 h 20, à l’EP, le CX qui travaillait à la réception m’a informé que je devais porter un écran facial. Je l’ai informé que je n’en portais pas. La GC par intérim Anderson était présente à l’EP et a dit quelque chose du genre « si vous n’en portez pas, nous ne vous laisserons pas entrer ». J’ai demandé si on allait me renvoyer chez moi. Elle a confirmé. J’ai alors déclaré : « Vous ne voulez pas savoir pourquoi je ne veux pas en porter un? », puis je lui ai dit : « J’ai déjà été agressé, je veux voir venir les attaques. Le port d’un écran facial m’empêche de voir venir les attaques ». Elle m’a alors répondu : « Vous pouvez l’enlever en cas d’incident ». Je lui ai dit « je ne sais pas quand un détenu va m’agresser ». Elle n’a rien dit d’autre.

Je suis rentré chez moi et j’ai immédiatement contacté le vice-président de ma section syndicale locale par courrier électronique pour lui signaler que mon droit de refuser de travailler avait été violé […]

Le lendemain, je me suis présenté au travail et j’ai vu dans ma boîte électronique que j’avais été mis en congé de maladie.

On m’a refusé l’entrée sur le lieu de travail alors que j’avais invoqué un problème de sécurité. Je n’ai pas pris de congé de maladie.

[Le plaignant à Mme Blanchette, à 16 h 36 :]

L’article 128 a été invoqué pour la question des écrans faciaux pendant les marches dans les rangées. Ce n’est pas moi qui l’ai fait.

La raison pour laquelle j’ai repris le travail et porté l’écran était que j’ai besoin d’être payé et que j’allais étudier la question des violations de mes droits tout en gérant le risque.

 

[63] Un échange de courriels daté du 30 mars 2022 entre le plaignant et Melissa Saunders, du syndicat, a été versé en preuve; le poste de Mme Saunders au sein du syndicat ne m’a pas été précisé. L’échange était le suivant :

[Traduction]

[Le plaignant à Mme Saunders, à 16 h 58 :]

 

[…]

Lorsque je suis arrivé à l’Établissement et que j’ai franchi l’EP, le CX1 Bazleyvich m’a demandé de porter un écran facial et m’a dit qu’ils étaient « là-bas », faisant signe vers une table dans l’EP.

Je l’ai informé que je n’allais pas en porter.

La GC par intérim Anderson, qui se tenait derrière Baz, a alors dit quelque chose du genre « si vous n’en portez pas, nous ne pouvons pas vous laisser entrer ».

J’ai alors expliqué pourquoi je n’allais pas en porter un, en exprimant clairement mes préoccupations en matière de santé et de sécurité, en particulier le fait que j’ai déjà été agressé par un détenu et que le masque gêne mon champ de vision, alors que je veux pouvoir avoir une vision complète pour identifier les menaces. On m’a ensuite informé que je pouvais retirer le masque lorsque j’intervenais en cas d’incident. J’ai répliqué que je ne savais pas quand je serais agressé. La gestionnaire n’avait rien d’autre à dire et ne m’a proposé aucune autre option que de me dire que je ne serais pas autorisé à entrer si je ne portais pas de masque.

J’ai perçu cela comme une instruction de quitter l’Établissement. J’ai quitté l’Établissement peu de temps après en envoyant un courriel au vice-président Min pour lui résumer la situation. Pendant le reste de la journée, je n’ai pas eu de nouvelles de la section locale du syndicat.

Plus tard dans la matinée, j’ai contacté le GC Jason Denham, qui n’était pas sur place je crois, et je l’ai informé de ce qui se passait. Croyant que j’étais en CNP et ne pouvant pas me permettre de ne pas être payé en permanence, j’ai déclaré au GC Denham que je gérerais mon anxiété en portant un masque et que je reviendrais le lendemain puisque personne ne me proposait d’autres options possibles.

[…]

[Mme Saunders au plaignant, à 17 h 36 :]

[…]

L’employeur reconnaît-il qu’il vous a renvoyé chez vous ce jour-là ou le conteste-t-il?

[…]

[Le plaignant à Mme Saunders, à 17 h 44 :]

[…]

Je ne sais pas s’il le conteste ou non.

Au cours de la tentative de résolution informelle, la GC par intérim Anderson a reconnu et s’est excusée de ne pas m’avoir contacté parce qu’il y avait « beaucoup de choses à faire ». Je dirais donc qu’ils n’ont pas directement contesté lors de cette réunion le fait qu’ils ont refusé de me renvoyer chez moi.

J’ai dit que je pensais avoir été renvoyé chez moi. Je ne pense pas que cela ait été réfuté.

Lors de la réunion de résolution informelle, j’ai déclaré que j’avais l’impression d’avoir invoqué un 128 et qu’on m’avait renvoyé chez moi pour cela. Elle n’a jamais réfuté cette affirmation. Elle a ensuite présenté une sorte d’excuse pour ne pas avoir donné suite à mon refus de porter un écran facial.

Nathan confirme que c’est ce qu’il pense avoir été communiqué lors de la réunion.

 

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le plaignant

[64] Le plaignant a invoqué White c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2022 CRTESPF 52 (« White 2022 »), Martin-Ivie c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2013 CRTFP 40, Chaves c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 45, LeClair c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 49, Noel v. VIA Rail Canada Inc, 1986 CarswellNat 896, Atkinson v. VIA Rail Canada Inc, 1992 CarswellNat 915, Lequesne c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, 2004 CCRI 276, Chaney c. Auto Haulaway Inc., 2000 CCRI 47, B.M.W.E. v. Canadian National Railway, 1986 CarswellNat 998, Conteh c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2014 CRTFP 36, Kinhnicki c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2003 CRTFP 52, Canada (Procureur général) c. Laycock, 2018 CF 750, Service correctionnel du Canada c. Laycock, 2017 TSSTC 21, Verville c. Canada (Service correctionnel), 2004 CF 767, Armstrong c. Canada (Service correctionnel), 2010 TSSTC 6, MacNeal c. Service correctionnel du Canada, 2020 TSSTC 7, Service correctionnel du Canada c. Courtepatte, 2018 TSSTC 9, Zimmerman c. Canada (Service correctionnel), 2013 TSSTC 34, Marois c. Transport Norcité Inc., 2020 CCRI 951, et Burchill c. Procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109 (C.A.).

[65] Le plaignant a fait valoir que la Commission a une compétence limitée. La question n’est pas de déterminer si un danger existait; il s’agit de déterminer si l’employeur a imposé une sanction en raison de l’exercice de droits en vertu de la partie II du Code.

[66] Le plaignant a fait valoir qu’il n’est pas contesté que la plainte a été déposée dans le délai imparti. Il a ajouté que pour exercer son droit en vertu de l’article 133, il devait se conformer au paragraphe 128(6) du Code. Il affirme que cela a été fait puisqu’il a informé la GC Anderson de ses préoccupations. Une fois que le plaignant a pris ces mesures, le fardeau incombe à l’employeur.

[67] Un écran facial est une chose et est donc visé par les droits énoncés au paragraphe 128(1) du Code. Le plaignant a déclaré que la raison pour laquelle la GC Anderson n’a pas considéré ses actes du 12 janvier 2022 comme un refus de travailler n’est pas évidente, étant donné le compte rendu écrit de ces actes qui a été déposé en preuve.

[68] La décision White 2022 confirme qu’il n’est pas nécessaire de prononcer des mots en particulier pour invoquer un refus de travailler en vertu de l’article 128 du Code. Dans White 2022, on a demandé à M. White d’amener un détenu quelque part, mais il ne se sentait pas en sécurité. Techniquement, il n’a pas refusé de travailler. Ce point est important, car le plaignant a déclaré qu’il n’avait pas invoqué l’article 128. Les employés ne sont pas des représentants expérimentés en relations de travail ou des avocats; ce sont des gens ordinaires.

[69] Le plaignant a fait valoir qu’il n’est pas nécessaire de consigner le refus par écrit. Il n’est pas nécessaire qu’il y ait un danger; il faut qu’il y ait, selon la personne, un véritable problème de sécurité. Il a déclaré qu’il avait été attaqué et agressé et qu’il était légitime de vouloir voir sans être gêné.

[70] Le plaignant s’est référé aux paragraphes 13 à 15 de Noel, dans lesquels le Conseil canadien des relations du travail a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

13 Il est clair que M. Noel avait un motif raisonnable de croire qu’il existait dans l’atelier de réparation automobile une situation qui constituait un danger imminent pour sa sécurité. Il a fait part de cette conviction à son employeur lorsqu’il s’est adressé à son superviseur et au contremaître général. Il n’a peut-être pas utilisé le libellé juridique de l’article 82.1 du Code, mais son message était sans ambiguïté :

– les propres règles de sécurité de VIA Rail concernant la circulation des trains n’étaient pas respectées;

– les trains étaient susceptibles d’être déplacés sans avertissement – ce qui créait une situation de danger imminent pour lui et, par conséquent, il n’allait pas travailler jusqu’à ce que le problème soit résolu.

L’envoyer travailler sur d’autres wagons stationnés sur une autre voie ne constituait pas une solution, car le problème à l’origine du danger imminent était général et affectait l’ensemble de l’installation et pouvait facilement réapparaître en relation avec cette autre série de wagons et cette autre voie.

14 Il est peu probable que M. Noel ait utilisé le mot « imminent » lorsqu’il s’est adressé au superviseur et au contremaître général, mais il a cherché à transmettre l’idée qu’il se croyait en danger en raison du non-respect constant des règles relatives à la circulation des trains dans l’installation. Le Conseil a déjà affirmé que le mot « imminent » ne constitue pas une sorte d’incantation magique, dont l’utilisation est une condition sine qua non pour invoquer à bon droit l’article 82.1. En tout état de cause, son superviseur l’a entendu faire référence à la partie IV du Code au cours de leur conversation, bien qu’il ait affirmé dans une déclaration déposée auprès du Conseil qu’il ne s’était pas rendu compte à l’époque que M. Noel faisait état d’un danger imminent.

15 Comme il a été indiqué, le Conseil estime que M. Noel a effectivement fait part à son employeur de son refus de travailler, conformément à l’article 82.1. La possibilité qu’il ait été mal compris par le superviseur et le contremaître général ne l’invalide pas et ne donne pas à l’employeur la possibilité de ne pas s’acquitter des responsabilités qui lui incombent en vertu de la loi.

 

[71] Le plaignant a soutenu que la GC Anderson n’avait pas mal compris et qu’elle, ainsi que M. Sehra et M. Andreassen, avaient été informés de la raison pour laquelle il refusait de porter l’écran facial. Le SCC n’a pas laissé entendre à l’époque qu’il doutait de l’authenticité de la préoccupation du plaignant. Si c’était le cas, il avait l’obligation d’enquêter sur le refus. En outre, le Code prévoit une enquête d’EDSC. EDSC a enquêté à la fois sur le refus de M. Randle et sur le refus de M. Medway de travailler en vertu de l’article 128. Il peut refuser d’enquêter si le refus est de mauvaise foi. La situation dans laquelle s’est produit le refus de M. Randle était la même que celle du plaignant. Dans les deux cas, il s’agissait d’écrans faciaux et il n’est pas indiqué que les refus étaient frivoles, vexatoires ou de mauvaise foi. La subjectivité est importante, et un employé qui exerce un droit a le droit de se tromper.

[72] Le SCC aurait dû procéder à une enquête en présence de l’employé. Cela n’a pas eu lieu. Il a rejeté son refus de manière superficielle. S’il y avait eu une enquête et si l’on avait décidé qu’il n’y avait pas de danger, il y aurait eu un rapport. Le refus aurait pu se poursuivre et EDSC aurait été appelé à intervenir. En ne suivant pas la procédure, le SCC a privé le plaignant de sa capacité à faire valoir ses arguments et à maintenir sa position.

[73] Que le SCC ait utilisé un congé de maladie ou simplement un CNP, il s’agissait d’une sanction et elle était visée par l’article 147 du Code. L’objectif du Code est de protéger les employés et ils ne devraient pas être sanctionnés. Le plaignant a déclaré qu’il n’avait jamais demandé à être mis en congé de maladie. Il convient de croire son récit. Son récit a été consigné immédiatement après l’incident du 12 janvier, tandis que celui de la GC Anderson a été rédigé 16 jours plus tard.

[74] La position du SCC n’a aucun sens. Pourquoi le plaignant aurait-il demandé à être mis en congé de maladie alors qu’il avait présenté un refus en vertu du Code? Pourquoi aurait-il dit qu’il préférait être mis en CNP? Il ne suggère pas que la GC Anderson a menti; peut-être a-t-elle mal compris. Aucune des réponses au grief au premier ou au deuxième palier ne mentionne le congé de maladie comme ayant été accordé à la demande du plaignant.

[75] La GC Anderson aurait pu demander au plaignant d’attendre dans sa voiture et de revenir après l’affluence au PCEP; ils auraient alors pu en discuter. Même si le plaignant n’a pas attendu, le SCC aurait pu ouvrir une enquête. Le paragraphe 128(12) du Code prévoit qu’une enquête peut se dérouler sans l’employé.

[76] Le fait que le plaignant soit retourné au travail le lendemain et qu’il ait porté un écran facial n’est pas une excuse pour rejeter sa préoccupation.

[77] Le SCC a admis que le plaignant avait refusé d’utiliser un écran facial et que, par conséquent, l’accès à l’Établissement lui avait été interdit. Il n’a pas été autorisé à entrer; il n’aurait peut-être pas été renvoyé chez lui, mais en même temps, on lui a refusé l’entrée. Il ne pouvait rien faire. Il devait rester à l’extérieur de l’Établissement.

[78] Le lien a été établi entre le refus de travailler et les représailles et, à ce titre, la plainte devrait être accueillie.

[79] La mesure corrective demandée est le paiement de la journée de salaire perdue, qui aurait été une journée de 8,75 heures.

B. Pour les défendeurs

[80] Les défendeurs m’ont renvoyé au Code, ainsi qu’à Vallée c. Conseil du Trésor (Gendarmerie royale du Canada), 2007 CRTFP 52, White c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 63 (« White 2013 »), Nash c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTEFP 4, Vanegas c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2018 CRTESPF 60, Walker c. Administrateur général (ministère de l’Environnement et du Changement climatique), 2018 CRTESPF 78, Burlacu c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2022 CRTESPF 51, Saumier c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 51, Green c. Administrateur général (ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2017 CRTEFP 17, et Gill c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2018 CRTESPF 55.

[81] La Commission est saisie d’une plainte déposée en vertu des articles 133 et 147 du Code, selon laquelle la mise du plaignant en congé de maladie constituait une mesure de représailles pour avoir soulevé une question de santé et de sécurité. Le critère pour en juger est énoncé dans Vallée, au paragraphe 64 :

[64] Le plaignant devait donc démontrer :

a) qu’il a exercé ses droits en vertu de la partie II du CCT (l’article 147);

b) qu’il a subi des représailles (articles 133 et 147 du CCT);

c) que ces représailles sont de nature disciplinaire telles que définies dans le CCT (l’article 147);

d) qu’il existe un lien direct entre l’exercice de ses droits et les mesures subies.

 

[82] La compétence de la Commission n’est pas de déterminer si un danger existait. Cependant, la Commission doit analyser le contexte des faits survenus le matin du 12 janvier 2022, c’est-à-dire le quoi, le où, le quand et le pourquoi, afin de déterminer s’il existe un lien entre la mise du plaignant en congé de maladie et un refus de travailler en vertu du paragraphe 128(1) du Code.

[83] Pour que le plaignant satisfasse au premier volet du critère énoncé dans Vallée, il doit établir qu’il a exercé un droit en vertu du Code. Dans le présent cas, il doit démontrer qu’il a exercé son droit de refuser de travailler en vertu de l’article 128 du Code. Pour ce faire, il doit avoir été « au travail ». Le sens de l’expression « au travail » est expliqué dans Saumier, White 2013 et Green.

[84] Les faits démontrent que, le matin du 12 janvier 2022, le plaignant s’est vu refuser l’entrée dans l’Établissement avant le début de son quart de travail et qu’il n’a jamais dépassé le PCEP. Il a confirmé dans son témoignage qu’avant de quitter le bâtiment comportant l’EP, la GC Anderson lui avait donné à deux reprises des instructions concernant l’obligation de porter un écran facial avant d’être autorisé à pénétrer dans l’Établissement. Il a ensuite confirmé qu’il avait dit à peu près ceci : [traduction] « Je ne peux donc pas aller travailler. » Puis, il a quitté le bâtiment de son propre chef.

[85] Le plaignant n’était donc pas « au travail » au sens de l’article 128 du Code. S’il n’était pas « au travail », il ne peut pas satisfaire au premier volet du critère établi dans Vallée; il n’a pas exercé son droit de refuser de travailler en vertu du paragraphe 128(1) du Code et, à ce titre, aucune procédure de plainte ne peut être engagée. Au titre de ce seul motif, la plainte devrait être rejetée.

[86] En outre, comme condition préalable à l’invocation de la procédure de plainte en vertu des articles 133 et 147 du Code, le plaignant doit, en plus d’être « au travail », établir qu’il a également satisfait aux dispositions des alinéas 128(2)a) et 128(2)b) du Code, à savoir que le refus de travailler ne met pas directement en danger la vie, la santé ou la sécurité d’une autre personne et que le danger qui fait l’objet du refus de travailler n’est pas une condition normale de son emploi.

[87] Les défendeurs font valoir que le plaignant n’a fait aucune mention dans ses arguments de la COVID-19, la pandémie qui différencie ce cas de tous les autres. Le plaignant demande à la Commission d’ignorer que la COVID-19 était au cœur de l’affaire et qu’elle constituait le danger. Il ignore que son refus de porter un écran facial a mis en danger la vie, la santé et la sécurité d’autres personnes en raison de la COVID-19. M. Sehra a expliqué pourquoi l’obligation de porter un écran facial a été mise en place, afin d’empêcher la propagation du virus de la COVID-19 au sein d’une population isolée. Il a fait allusion au fait que l’Établissement était comme un navire et que les détenus y étaient piégés. Le SCC a une obligation à l’égard des détenus ainsi que des personnes qui travaillent dans ses établissements ou qui s’y rendent.

[88] Les avantages de la prévention de la propagation de la COVID-19 l’emportent sur le risque d’une éventuelle agression par un détenu, qui n’existe pas. Ainsi, le plaignant n’a pas satisfait aux exceptions prévues à l’alinéa 128(2)a) parce que l’omission de porter un écran facial a mis en danger la vie, la santé et la sécurité de toute autre personne se trouvant dans l’Établissement en raison du risque lié à la COVID-19.

[89] La description de travail prévoit que le risque d’être attaqué par un détenu est une condition normale de l’emploi. À ce titre, le plaignant ne satisfait pas aux exceptions énoncées à l’alinéa 128(2)b) du Code.

[90] La GC Anderson a déclaré qu’elle avait compris que le plaignant voulait être mis en congé de maladie, alors elle l’a fait. Son témoignage ne révèle pas qu’elle avait compris qu’il exerçait un refus de travailler en vertu de l’article 128 du Code.

[91] Rien ne se passait au moment où le plaignant a fait part de ses préoccupations en matière de santé et de sécurité, le 12 janvier 2022, qui suggérait qu’il ne pouvait pas mettre un écran facial puis, une fois dans l’Établissement, avoir une discussion sur ses préoccupations.

[92] Il n’appartient pas non plus à la Commission de déterminer si la procédure prévue par le Code a été suivie. Encore une fois, l’examen de la question de savoir si la procédure prévue par le Code a été suivie n’a pour but que de fournir un contexte à la question des représailles alléguées. Si la procédure n’a pas été suivie, c’est à une autre instance de se pencher sur la question.

[93] Les défendeurs estiment que la plainte est sans objet parce que le plaignant s’est vu réattribuer le jour de congé de maladie perdu, pour le 12 janvier 2022, dans le cadre de la procédure de règlement des griefs. Le plaignant a déposé un grief et l’a transmis aux deux premiers paliers de la procédure de règlement des griefs; à l’un des paliers, il a été décidé de lui restituer un jour de congé de maladie. Bien qu’il ait déclaré dans son témoignage qu’il croyait qu’il aurait dû être mis en CNP lorsqu’il n’a pas travaillé le 12 janvier 2022, cette question, comme toute autre question salariale, aurait dû être traitée dans le cadre de la procédure de règlement des griefs. En vérité, la procédure de règlement des griefs a eu pour résultat de qualifier le congé du 12 janvier 2022 de CNP, ce à quoi le plaignant s’attendait. En outre, il n’a pas poursuivi la procédure de règlement des griefs. Le fait qu’il aurait pu le faire et qu’il ne l’a pas fait signifie que le fait de revenir sur cette question par le biais de la plainte pour la même affaire constitue un abus de procédure.

[94] Il n’y a pas de lien qui permettrait un refus de travailler en vertu du paragraphe 128(1) du Code dans le présent cas. Il n’y avait pas de danger lorsque le plaignant a déclaré qu’il avait fait part de ses préoccupations en matière de santé et de sécurité au sujet de l’écran facial. Il n’y a aucune preuve que la GC Anderson avait l’intention de prendre des mesures disciplinaires à l’encontre du plaignant. Il n’a pas été renvoyé chez lui. Il l’a admis. Plus important encore, lorsqu’il a fait part de ses préoccupations en matière de santé et de sécurité, il s’était déjà vu refuser l’entrée dans l’Établissement. Son absence au travail devait être justifiée. Il devait s’agir d’une forme de congé.

[95] Le libellé de la plainte indique que le plaignant s’est vu [traduction] « refuser le droit de refuser de travailler ». On lui a refusé l’entrée dans l’Établissement et il a ensuite quitté le bâtiment comportant l’EP de son propre chef. Par conséquent, il n’était pas « au travail » au sens du Code.

[96] Les actes du plaignant dans la matinée du 12 janvier 2022 constituent de l’insubordination. Un ordre clair a été donné, il l’a compris, la GC Anderson avait l’autorité de le donner et il n’a pas obéi, ce qu’il a confirmé dans son témoignage.

[97] Le problème de santé et de sécurité qui préoccupait le plaignant était la prétendue formation de buée sur l’écran facial. Il n’existe aucune preuve que les écrans faciaux s’embuent. En contre-interrogatoire, il a déclaré qu’il avait peut-être ou peut-être pas utilisé un écran facial pendant sa formation sur la prévention des infections en décembre 2020 et qu’il ne se souvenait pas s’il avait essayé d’utiliser un écran facial entre cette date et le 12 janvier 2022. Il n’a pas mentionné si la formation de buée était un problème. La GC Anderson n’a pas eu de problème avec l’écran facial, et personne n’a signalé de problème de buée sur les écrans faciaux. Le témoignage de M. Sehra a révélé que le SCC utilisait deux types d’écrans faciaux. Le plaignant n’a pas déclaré dans son témoignage que les écrans faciaux disponibles le 12 janvier 2022 étaient du type qui s’embuait ou qui gênait sa vision. Ses préoccupations étaient de pures conjectures.

[98] Les défendeurs soutiennent que la Commission n’a pas compétence et que la plainte devrait être rejetée.

C. La réponse du plaignant

[99] Le plaignant a soutenu que les défendeurs ne peuvent pas se prévaloir de l’argument qu’il n’était pas au travail puisqu’il n’en a jamais été question avant l’audience; il s’agit donc d’une violation de la règle établie dans Burchill. Il a été pris par surprise. Il m’a renvoyé à Gill, aux paragraphes 187 et 188.

[100] Le plaignant ne peut pas avoir fait preuve d’insubordination s’il n’était pas au travail.

[101] La décision dans Saumier se distingue du présent cas par le fait que le plaignant dans cette affaire était en congé de maladie. En l’espèce, le plaignant était au travail la veille et le lendemain. La décision dans Green se distingue également du présent cas, car le plaignant dans cette affaire n’était pas au travail. En outre, le plaignant m’a renvoyé à Marois, au paragraphe 54.

[102] En ce qui concerne le fait que le plaignant n’a pas indiqué quel écran facial posait problème, il m’a renvoyé à la décision concernant le refus de M. Medway de travailler en vertu de l’article 128, qui était mentionnée dans les documents. La Commission devrait donner un sens large et libéral au Code.

[103] Le SCC est tenu d’enquêter sur un refus de travailler; il ne l’a pas fait. Le Code exige également un rapport écrit; il n’y en a pas. Le défendeur aurait dû poursuivre la procédure.

[104] Le fait que le plaignant ait perdu une journée de salaire peut constituer une sanction. Il peut s’agir d’une sanction non intentionnelle.

[105] Le fardeau de la preuve incombe au SCC une fois que le plaignant a satisfait au critère de l’article 133. Le plaignant est d’avis qu’il s’est acquitté de ce fardeau, ce qui fait qu’il incombe au SCC de réfuter la plainte.

[106] En ce qui concerne la question du caractère théorique, le Code ne contient aucune disposition à ce sujet.

[107] L’argument des défendeurs selon lequel être agressé fait partie du travail n’est pas exact et a été traité dans Verville, Laycock et MacNeal.

D. La réfutation des défendeurs

[108] Burchill traite de la question de l’introduction de questions nouvelles et différentes à l’arbitrage. La décision a été rendue dans le contexte d’un grief et confirme la proposition selon laquelle un plaignant ne peut pas ajouter de nouvelles allégations à un grief. Le plaignant ne peut pas utiliser Burchill pour suggérer qu’il a été pris par surprise en ce qui concerne le fait de s’être initialement acquitté de son fardeau. Il s’agit d’une question de droit. Il aurait dû prévoir qu’il devrait établir qu’il avait invoqué un refus de travailler en vertu de l’article 128 du Code. Aucun fait nouveau ou différent n’a été présenté ou allégué. Il n’y a pas de nouvelle question en litige. Dans Gill, Burchill a été appliqué parce que l’employeur cherchait à modifier le motif du licenciement, qui était le fondement même du grief. Dans le présent cas, aucun des faits n’a changé, pas plus que la plainte, dans laquelle il était allégué que le refus de travailler avait donné lieu à des représailles.

IV. Motifs

[109] Avant d’aborder l’objection des défendeurs à ma compétence, j’aborderai l’objection du plaignant, fondée sur Burchill, à l’argument des défendeurs selon lequel le plaignant n’était pas au travail et n’aurait donc pas pu invoquer l’article 128 du Code et, par conséquent, n’aurait pas pu déposer la présente plainte (l’« objection du plaignant fondée sur Burchill »).

A. L’objection du plaignant fondée sur Burchill

[110] Pour les motifs qui suivent, l’objection du plaignant fondée sur Burchill est rejetée.

[111] Dans Gill, j’ai affirmé ceci à propos de Burchill :

187 Il ne s’agit pas d’un nouveau principe de droit. Dans Burchill, la Cour d’appel fédérale a tranché la question relative à la modification du fondement d’un grief au cours de la procédure de règlement des griefs. Dans cette affaire, la question tranchée pendant la procédure de règlement des griefs consistait à savoir si M. Burchill était un employé nommé pour une période indéterminée, malgré le fait qu’il a accepté un poste à durée déterminée. La Cour a souligné que cette question pouvait être tranchée dans le cadre de la procédure de règlement des griefs, mais qu’elle ne pouvait pas être renvoyée à l’arbitrage. Lorsqu’il n’a pas eu gain de cause au dernier palier, M. Burchill a tenté de le renvoyer à l’arbitrage au motif qu’il avait été licencié pour des raisons disciplinaires et la Cour a conclu qu’il ne pouvait pas le faire.

188 Le principe dans Burchill s’applique également à l’employeur. Le fait que le fonctionnaire doive, plus de six ans et demi après son licenciement, tenter de se défendre contre des allégations dont il n’avait pas été entièrement informé et auxquelles il n’était pas tenu de répondre lorsque son grief a suivi son cours dans le cadre des procédures de règlement des griefs et d’arbitrage, était injuste et préjudiciable pour lui.

 

[112] Dans Gill, le fonctionnaire s’estimant lésé avait été licencié en vertu du paragraphe 62(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; la « LEFP »), apparemment pendant sa période de stage fixée par le Règlement du Conseil du Trésor (le « Règlement régissant les stages »), établi en vertu de l’article 61 de la LEFP. Le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé un grief à l’encontre de son licenciement, et l’employeur s’est opposé à la compétence de la Commission pour entendre l’affaire en se fondant sur l’alinéa 211a) de la Loi, qui prévoit qu’aucune disposition de l’article 209 de la Loi, soit l’article qui permet le renvoi des griefs à la Commission pour arbitrage, ne doit être interprétée ou appliquée comme permettant le renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel concernant les licenciements en vertu de la LEFP.

[113] Au cours de l’audience relative à cette affaire, il m’est apparu clairement que le fonctionnaire s’estimant lésé avait probablement été licencié en dehors de la période de stage fixée par le Règlement régissant les stages. J’ai donc sollicité des arguments sur cette question.

[114] Dans le cadre de ces arguments, l’employeur a fait valoir qu’il [traduction] « aurait pu », comme autre option, (au fait que le licenciement avait eu lieu dans les délais et au cours de la période de stage prévue par le Règlement régissant les stages) licencier le plaignant pour rendement insatisfaisant. J’ai rejeté cet argument en me fondant sur des décisions de la Cour d’appel fédérale, à savoir Canada (Procureur général) c. Heyser, 2017 CAF 113, et Bergey c. Canada (Procureur général), 2017 CAF 30, qui constituaient toutes deux des contrôles judiciaires de décisions de la Commission, et sur Burchill.

[115] Même si Burchill, Heyser, Bergey et Gill concernaient à l’origine des griefs qui ont été traités par la Commission ou l’un de ses prédécesseurs (avant que trois d’entre elles ne soient soumises à la Cour d’appel fédérale), le raisonnement qui y est appliqué n’est pas exclusif aux griefs et peut être utilisé dans d’autres types de procédures.

[116] En termes simples, la règle énoncée dans Burchill prévoit qu’une fois qu’une partie engage une procédure et fait certaines allégations dans cette procédure qui forment le fondement de la mesure corrective qu’elle demande à l’encontre de l’autre partie ou des autres parties, elle ne peut pas plus tard, au cours de la procédure, changer ses allégations pour les remplacer par autre chose. La règle vise à empêcher une partie de modifier le raisonnement ou la nature d’une plainte ou d’un grief, de sorte que l’autre partie doive répondre à des allégations différentes et peut-être à un critère juridique différent.

[117] Dans Gill, même si M. Gill était le plaignant et qu’il avait déposé un grief contre son licenciement, c’est à l’employeur qu’incombait le fardeau initial de la preuve et il était tenu d’avancer et de prouver (selon la prépondérance des probabilités) les raisons pour lesquelles il avait licencié le plaignant. L’employeur a déclaré qu’il avait renvoyé M. Gill en cours de stage en vertu de l’article 62 de la LEFP; c’était la raison du licenciement et le critère juridique en découlait. Il ne pouvait pas changer cette raison (bien des années plus tard et au cours de l’audience) et prétendre que le licenciement était fondé sur un « rendement insuffisant ». Cela aurait été contraire à la règle énoncée dans Burchill.

[118] L’objection du plaignant fondée sur Burchill ne peut pas être retenue parce que c’est lui qui a déposé la plainte. Il sait pourquoi il l’a déposée. Il allègue que des représailles ont été exercées contre lui parce qu’il a exercé ses droits en vertu de l’article 128 du Code. Dans le cas d’une plainte de ce type, le Code établit le fondement sur lequel une telle plainte peut être déposée. Il prévoit que le plaignant doit simplement établir qu’il a déposé une plainte au titre du paragraphe 133(1) et 1) que la plainte est liée à l’exercice d’un droit en vertu de l’article 128 ou 129, et 2) que la plainte a été déposée dans les 90 jours suivant la date à laquelle le plaignant a eu connaissance, ou aurait dû avoir connaissance, selon la Commission, de l’action ou des circonstances ayant donné lieu à la plainte. C’est le seul fardeau qui pèse sur le plaignant.

[119] Ensuite, il incombe au défendeur de prouver qu’il n’y a pas eu de représailles. Si le plaignant ne peut pas établir que la plainte a été déposée dans les délais et qu’elle vise l’exercice d’un droit en vertu de l’article 128 ou 129 du Code, l’enquête prend fin, car la Commission n’a pas compétence pour entendre la plainte.

[120] Je souscris à l’argument du défendeur selon lequel le plaignant savait ou aurait dû savoir quel était son fardeau parce qu’il est énoncé dans le Code. Les défendeurs n’admettent nulle part qu’il s’est acquitté de son fardeau initial, tel qu’il est énoncé à l’article 133 du Code, et ils n’étaient pas tenus de le faire. Étant donné que c’est le plaignant qui a déposé la plainte, c’est à lui qu’il incombait de répondre aux exigences minimales énoncées dans le Code.

B. L’objection des défendeurs

[121] La compétence de la Commission pour instruire les plaintes en vertu du Code découle de l’article 240 de la Loi, dont voici le libellé :

240 La partie II du Code canadien du travail s’applique à la fonction publique et aux personnes qui y sont employées comme si la fonction publique était une entreprise fédérale visée par cette partie, sous réserve de ce qui suit :

240 Part II of the Canada Labour Code applies to and in respect of the public service and persons employed in it as if the public service were a federal work, undertaking or business referred to in that Part except that, for the purpose of that application,

a) en ce qui concerne la terminologie :

(a) any reference in that Part to

(i) « arbitrage » renvoie à l’arbitrage des griefs sous le régime de la partie 2 ou de la section 2 de la partie 2.1,

(i) “arbitration” is to be read as a reference to adjudication under Part 2 or Division 2 of Part 2.1,

(ii) […] Conseil s’entend de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique,

(ii)Board is to be read as a reference to the Public Service Labour Relations and Employment Board,

(iii) « convention collective » s’entend au sens du paragraphe 2(1),

(iii) a “collective agreement” is to be read as a reference to a collective agreement within the meaning of subsection 2(1),

(iv) « employé » s’entend d’une personne employée dans la fonction publique,

(iv) “employee” is to be read as a reference to a person employed in the public service, and

(v) « syndicat » s’entend de l’organisation syndicale au sens du paragraphe 2(1) […];

(v) a “trade union” is to be read as a reference to an employee organization within the meaning of subsection 2(1) …;

b) [Abrogé, 2017, ch. 20, art. 396]

(b) [Repealed, 2017, c. 20, s. 396]

c) les dispositions de la présente loi s’appliquent, avec les adaptations nécessaires, aux affaires instruites par la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral.

(c) the provisions of this Act apply, with any necessary modifications, in respect of matters brought before the Federal Public Sector Labour Relations and Employment Board.

 

[122] L’article 133 du Code établit la procédure de présentation des plaintes en vertu du Code, et les paragraphes pertinents dans le présent cas sont les suivants :

Plainte au Conseil

Complaint to Board

133 (1) L’employé – ou la personne qu’il désigne à cette fin – peut, sous réserve du paragraphe (3), présenter une plainte écrite au Conseil au motif que son employeur a pris, à son endroit, des mesures contraires à l’article 147.

133 (1) An employee, or a person designated by the employee for the purpose, who alleges that an employer has taken action against the employee in contravention of section 147 may, subject to subsection (3), make a complaint in writing to the Board of the alleged contravention.

(2) La plainte est adressée au Conseil dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date où le plaignant a eu connaissance – ou, selon le Conseil, aurait dû avoir connaissance – de l’acte ou des circonstances y ayant donné lieu.

(2) The complaint shall be made to the Board not later than ninety days after the date on which the complainant knew, or in the Board’s opinion ought to have known, of the action or circumstances giving rise to the complaint.

(3) Dans les cas où la plainte découle de l’exercice par l’employé des droits prévus aux articles 128 ou 129, sa présentation est subordonnée, selon le cas, à l’observation du paragraphe 128(6) par l’employé ou à la réception par le chef des rapports visés au paragraphe 128(16).

(3) A complaint in respect of the exercise of a right under section 128 or 129 may not be made unless the employee has complied with subsection 128(6) or the Head has received the reports referred to in subsection 128(16), as the case may be, in relation to the matter that is the subject-matter of the complaint.

[…]

(6) Dans le cas où la plainte découle de l’exercice par l’employé des droits prévus aux articles 128 ou 129, sa seule présentation constitue une preuve de la contravention; il incombe dès lors à la partie qui nie celle-ci de prouver le contraire.

(6) A complaint made under this section in respect of the exercise of a right under section 128 or 129 is itself evidence that the contravention actually occurred and, if a party to the complaint proceedings alleges that the contravention did not occur, the burden of proof is on that party.

 

[123] L’article 147 du Code interdit à un employeur de prendre des mesures de représailles à l’encontre d’un employé et stipule ce qui suit :

Interdiction générale à l’employeur

General prohibition re employer

147 Il est interdit à l’employeur de congédier, suspendre, mettre à pied ou rétrograder un employé ou de lui imposer une sanction pécuniaire ou autre ou de refuser de lui verser la rémunération afférente à la période au cours de laquelle il aurait travaillé s’il ne s’était pas prévalu des droits prévus par la présente partie, ou de prendre – ou menacer prendre – des mesures disciplinaires contre lui parce que :

147 No employer shall dismiss, suspend, lay off or demote an employee, impose a financial or other penalty on an employee, or refuse to pay an employee remuneration in respect of any period that the employee would, but for the exercise of the employee’s rights under this Part, have worked, or take any disciplinary action against or threaten to take any such action against an employee because the employee

a) soit il a témoigné – ou est sur le point de le faire – dans une poursuite intentée ou une enquête tenue sous le régime de la présente partie;

(a) has testified or is about to testify in a proceeding taken or an inquiry held under this Part;

b) soit il a fourni à une personne agissant dans l’exercice de fonctions attribuées par la présente partie un renseignement relatif aux conditions de travail touchant sa santé ou sa sécurité ou celles de ses compagnons de travail;

(b) has provided information to a person engaged in the performance of duties under this Part regarding the conditions of work affecting the health or safety of the employee or of any other employee of the employer; or

c) soit il a observé les dispositions de la présente partie ou cherché à les faire appliquer.

(c) has acted in accordance with this Part or has sought the enforcement of any of the provisions of this Part.

 

[124] L’article 128 est l’article du Code qui permet à un employé de refuser de travailler dans certaines situations de danger. Les paragraphes pertinents pour le présent cas sont les suivants :

128 (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, l’employé au travail peut refuser d’utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d’accomplir une tâche s’il a des motifs raisonnables de croire que, selon le cas :

128 (1) Subject to this section, an employee may refuse to use or operate a machine or thing, to work in a place or to perform an activity, if the employee while at work has reasonable cause to believe that

a) l’utilisation ou le fonctionnement de la machine ou de la chose constitue un danger pour lui-même ou un autre employé;

(a) the use or operation of the machine or thing constitutes a danger to the employee or to another employee;

b) il est dangereux pour lui de travailler dans le lieu;

(b) a condition exists in the place that constitutes a danger to the employee; or

c) l’accomplissement de la tâche constitue un danger pour lui-même ou un autre employé.

(c) the performance of the activity constitutes a danger to the employee or to another employee.

(2) L’employé ne peut invoquer le présent article pour refuser d’utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d’accomplir une tâche lorsque, selon le cas :

(2) An employee may not, under this section, refuse to use or operate a machine or thing, to work in a place or to perform an activity if

a) son refus met directement en danger la vie, la santé ou la sécurité d’une autre personne;

(a) the refusal puts the life, health or safety of another person directly in danger; or

b) le danger visé au paragraphe (1) constitue une condition normale de son emploi.

(b) the danger referred to in subsection (1) is a normal condition of employment.

[…]

(6) L’employé qui se prévaut des dispositions du paragraphe (1) ou qui en est empêché en vertu du paragraphe (4) fait sans délai rapport sur la question à son employeur.

(6) An employee who refuses to use or operate a machine or thing, work in a place or perform an activity under subsection (1), or who is prevented from acting in accordance with that subsection by subsection (4), shall report the circumstances of the matter to the employer without delay.

[…]

(8) Si, à la suite de son enquête, l’employeur reconnaît l’existence du danger, il prend sans délai les mesures qui s’imposent pour protéger les employés; il informe le comité local ou le représentant de la situation et des mesures prises.

(8) If, following its investigation, the employer agrees that a danger exists, the employer shall take immediate action to protect employees from the danger. The employer shall inform the work place committee or the health and safety representative of the matter and the action taken to resolve it.

(9) En l’absence de règlement de la situation au titre du paragraphe (8), l’employé, s’il y est fondé aux termes du présent article, peut maintenir son refus; il présente sans délai à l’employeur et au comité local ou au représentant un rapport circonstancié à cet effet.

(9) If the matter is not resolved under subsection (8), the employee may, if otherwise entitled to under this section, continue the refusal and the employee shall without delay report the circumstances of the matter to the employer and to the work place committee or the health and safety representative.

[…]

 

[125] Le paragraphe 128(4) du Code n’est pas pertinent dans le présent cas, car il doit être lu conjointement avec le paragraphe 128(3), qui porte sur les situations qui surviennent à bord d’un navire ou d’un aéronef en exploitation; il n’y a pas de navire ou d’aéronef en cause en l’espèce.

[126] L’article 240 de la Loi indique que la partie II du Code s’applique à la fonction publique et aux personnes qui y sont employées. Les articles 128, 133 et 147 du Code relèvent tous de la partie II, et puisqu’une plainte a été déposée en vertu de l’article 133 du Code dans laquelle on allègue des représailles en vertu de l’article 147, j’ai compétence pour instruire et trancher l’affaire, si le plaignant s’acquitte par ailleurs du fardeau établi aux paragraphes 133(2) et 133(3) du Code.

[127] Conformément au paragraphe 133(6) du Code, une fois présentée, la plainte elle-même constitue la preuve que la contravention a effectivement eu lieu, et si une partie à la procédure de plainte allègue que la contravention n’a pas eu lieu, il lui incombe de prouver que la contravention n’a pas été commise.

[128] Le fardeau initial de la preuve incombe au plaignant, qui doit seulement prouver 1) qu’il a déposé une plainte en vertu du paragraphe 133(1) du Code et que la plainte vise un droit exercé en vertu de l’article 128 ou 129 du Code; et 2) que la plainte a été présentée au plus tard 90 jours après la date à laquelle le plaignant a eu connaissance, ou aurait dû avoir connaissance, selon la Commission, de l’action ou des circonstances ayant donné lieu à la plainte.

[129] La plainte a été présentée à la Commission le 1er avril 2022, soit dans les 90 jours suivant l’incident du 12 janvier. À ce titre, le délai prévu au paragraphe 133(2) du Code est respecté.

[130] Il reste au plaignant à prouver que la plainte découle de l’exercice d’un droit en vertu de l’article 128 ou 129 du Code.

[131] Pour les motifs qui suivent, j’estime que le plaignant ne s’est pas acquitté de ce fardeau initial, qui consiste à prouver que la plainte découle d’un refus de travailler invoqué en vertu de l’article 128 du Code.

[132] Dans la plainte, lorsqu’il est question de l’échange avec la GC Anderson au PCEP le 12 janvier 2022 au sujet du port de l’écran facial, on peut lire ceci : [traduction] « La gestionnaire correctionnelle par intérim, Leanne Anderson, lui a dit que s’il ne le faisait pas, elle ne le laisserait pas travailler et qu’il serait renvoyé chez lui ». Un peu plus loin, on peut lire ceci : [traduction] « La gestionnaire n’a pas suivi la procédure prévue par le Code canadien du travail en cas de refus de travailler et a renvoyé le plaignant chez lui. »

[133] Dans son grief, le plaignant a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

[…] VERS 0620, JE ME SUIS PRÉSENTÉ AU TRAVAIL ET ON M’A DEMANDÉ DE PORTER UN ÉCRAN FACIAL. J’AI DÉCLARÉ QUE JE NE LE FERAIS PAS. LA GC PAR INTÉRIM LEANNE ANDERSON M’A DIT « NOUS NE VOUS LAISSERONS PAS ENTRER À MOINS QUE VOUS N’EN PORTIEZ UN » […] ON M’A REFUSÉ LE DROIT DE REFUSER DE TRAVAILLER POUR DES RAISONS DE SANTÉ ET DE SÉCURITÉ […]

 

[134] Dans son premier courriel à Mme Blanchette, le 14 janvier 2022 à 15 h, le plaignant a écrit ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Ma plainte ne concerne pas l’EPI. Elle concerne le fait que lorsque j’ai soulevé un problème de santé et de sécurité, on m’a refusé l’entrée dans l’Établissement, on m’a renvoyé chez moi et on m’a considéré en congé de maladie.

[…] La gestionnaire n’avait rien d’autre à dire et ne m’a proposé aucune autre option que de me dire que je ne serais pas autorisé à entrer si je n’en portais pas […]

[…]

À aucun moment je n’ai pris de congé de maladie. J’ai refusé de travailler en invoquant des raisons de santé et de sécurité. Ces préoccupations ont été ignorées et j’ai été renvoyé chez moi […]

[…]

 

[135] Dans son deuxième courriel à Mme Blanchette, le 14 janvier 2022 à 15 h 48, le plaignant a écrit ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] La GC par intérim Anderson était présente à l’EP et a dit quelque chose du genre « si vous n’en portez pas, nous ne vous laisserons pas entrer ». J’ai demandé si on allait me renvoyer chez moi. Elle a confirmé […]

Je suis rentré chez moi et j’ai immédiatement contacté le vice-président de la section syndicale locale par courrier électronique pour lui signaler que mon droit de refuser de travailler avait été violé […]

[…]

On m’a refusé l’entrée sur le lieu de travail alors que j’avais invoqué un problème de sécurité. Je n’ai pas pris de congé de maladie.

 

[136] Dans son premier courriel adressé à Mme Saunders du syndicat, le 30 mars 2022 à 16 h 58, le plaignant a écrit ce qui suit :

[Traduction]

[…]

La GC par intérim Anderson, qui se tenait derrière Baz, a alors dit quelque chose du genre « si vous n’en portez pas, nous ne pouvons pas vous laisser entrer ».

[…] La gestionnaire n’avait rien d’autre à dire et ne m’a proposé aucune autre option que de me dire que je ne serais pas autorisé à entrer si je ne portais pas de masque.

J’ai perçu cela comme une instruction de quitter l’Établissement. J’ai quitté l’Établissement peu de temps après en envoyant un courriel au vice-président Min pour lui résumer la situation […]

[…]

 

[137] Mme Saunders a répondu au courriel du plaignant du 30 mars 2022 à 16 h 58, lui demandant si l’employeur reconnaissait l’avoir renvoyé chez lui le 12 janvier 2022. Il a répondu le 30 mars 2022, à 17 h 44, comme suit :

[Traduction]

[…]

Je ne sais pas s’il le conteste ou non.

[…]

J’ai dit que je pensais avoir été renvoyé chez moi. Je ne pense pas que cela ait été réfuté.

[…]

 

[138] Les deux seules personnes qui ont témoigné et qui étaient présentes lors de l’incident du 12 janvier sont le plaignant et la GC Anderson. Dans leurs témoignages devant moi, ils ont tous deux déclaré que la GC Anderson avait refusé de le laisser entrer dans l’Établissement. Ils ont également tous deux déclaré que la GC Anderson ne l’avait pas renvoyé chez lui et, encore une fois, ils ont tous deux dit qu’il avait quitté le bâtiment comportant l’EP. En outre, il a confirmé qu’avant qu’il ne soulève des préoccupations en matière de santé et de sécurité, la GC Anderson lui avait dit que le port de l’écran facial était obligatoire et que s’il n’en mettait pas un, il ne serait pas autorisé à entrer dans l’Établissement. L’entretien entre les deux a duré, au mieux, quelques minutes.

[139] Lors du contre-interrogatoire, le plaignant a également admis ce qui suit :

· qu’il ne sentait pas qu’il risquait d’être agressé dans le bâtiment comportant l’EP;

· qu’il ne s’est pas senti en danger lorsqu’on lui a dit qu’il devait mettre un écran facial au PCEP, faute de quoi il ne serait pas autorisé à entrer;

· qu’il n’aurait pas été en contact avec des détenus entre le PCEP et la salle de breffage;

· qu’il aurait pu porter un écran facial jusqu’à ce qu’il soit en contact avec un ou des détenus et refuser ensuite de travailler en vertu de l’article 128 du Code;

· qu’il n’a pas refusé de travailler en vertu de l’article 128 du Code, déclarant qu’il ne voulait pas le faire;

· qu’il a dit avoir admis lors de l’audience relative au grief qu’il aurait pu refuser de travailler en vertu de l’article 128 du Code, mais qu’il ne l’a pas fait;

· qu’il a dit qu’il n’avait pas invoqué un refus de travailler en vertu de l’article 128 parce qu’il voulait régler la situation au niveau le plus bas possible.

 

[140] Le directeur de l’Établissement, M. Andreassen, a rédigé la décision relative au grief au deuxième palier, dans laquelle il a fait état de la discussion qu’il a eue avec le plaignant le 27 avril 2022, au cours de laquelle le plaignant a déclaré qu’il n’avait pas invoqué un refus de travailler en vertu de l’article 128.

[141] Le plaignant a fait valoir qu’il n’y a pas de mots précis à prononcer pour déclencher un refus de travailler en vertu de l’article 128 du Code. Je suis d’accord. La plupart des employés de première ligne ne sont probablement pas familiers avec le libellé du Code et ne connaissent pas les détails exacts de ce qui doit être dit ou fait en vertu de celui-ci. Ses dispositions sont là pour assurer la sécurité des personnes. Toutefois, les documents rédigés par le plaignant ainsi que son témoignage devant moi concernant son opinion sur ce qu’il a fait sont contradictoires.

[142] Par exemple, dans son premier courriel à Mme Blanchette le 14 janvier 2022, à 15 h, il a déclaré que sa plainte ne concernait pas l’EPI. Pourtant, il s’agit bien de l’écran facial, qui est un EPI. Plus loin dans ce courriel, il a dit qu’il avait refusé de travailler. Dans son grief, daté du 21 janvier 2022, il a dit qu’on lui avait refusé le droit de refuser de travailler. Lors de l’audience relative au grief devant M. Andreassen, il a déclaré qu’il n’avait pas invoqué l’article 128, ce qui est indiqué dans la réponse au deuxième palier du grief du directeur de l’Établissement. Dans son témoignage devant moi, il a également déclaré qu’il n’avait pas invoqué l’article 128.

[143] L’article 128 du Code n’est pas un ensemble de règles exhaustives en matière de santé et de sécurité sur le lieu de travail. L’article 128 est une mesure extraordinaire qui permet à un employé de refuser de travailler en cas de danger au travail.

[144] La Cour d’appel fédérale s’est penchée sur la signification de l’expression « au travail » dans Saumier, aux paragraphes 50 à 52, en déclarant ce qui suit :

[50] […] Le simple fait que la demanderesse se soit présentée physiquement au bureau de son employeur le 27 septembre 2005, après une absence de plusieurs mois, ne faisait pas en sorte qu’elle était « au travail » au sens du paragraphe 128(1) du Code. En d’autres mots, l’employée n’est pas « au travail » en se présentant pour quelques minutes au bureau de son employeur pour l’aviser qu’elle refuse de travailler pour des motifs de santé, peu importe la ou les tâches qui lui seront confiées.

[51] Dans ce contexte, il est important de noter que lorsque la demanderesse se présentait au bureau de son employeur le 27 septembre 2005, accompagnée du s.é.-m. Delisle, elle indiquait à son employeur qu’elle refusait de travailler parce qu’elle ne voulait pas aggraver ses problèmes de santé. Plus particulièrement, elle indiquait au s.é.– m. Vaillancourt, qui lui avait demandé de préciser les tâches qu’elle refusait d’accomplir, qu’elle refusait de travailler « pour sa santé ». De même, le 20 décembre 2005, la demanderesse se présentait à nouveau au bureau de son employeur et indiquait au caporal Léo Monbourquette qu’elle refusait de travailler pour ne pas aggraver sa situation médicale.

[52] Par conséquent, la plainte de la demanderesse n’était pas recevable parce qu’elle n’était pas « au travail » lorsqu’elle a invoqué le paragraphe 128(1) du Code au soutien de son refus de travailler.

 

[145] Dans Green, j’ai abordé la question du fait d’être « au travail » lorsqu’un refus de travailler est invoqué. Aux paragraphes 437 à 439, 445 et 446, j’ai déclaré ce qui suit :

437 Même si je conclus que la plainte de la fonctionnaire en vertu de l’article 133 du Code doit être rejetée, au motif qu’elle ne s’est pas conformée au paragraphe 128(6), je dois également rejeter la plainte au motif qu’elle ne s’est pas non plus conformée au paragraphe 128(1).

438 Le paragraphe 128(1) du Code prévoit les conditions dans lesquelles, dans certaines situations dangereuses, un employé peut refuser de travailler. Il précise qu’un « […] employé peut refuser […] de travailler dans un lieu ou d’accomplir une tâche s’il a des motifs raisonnables de croire que […] b) il est dangereux pour lui de travailler dans le lieu ».

439 Dans White, le plaignant a refusé de travailler en vertu de l’article 128 du Code et a allégué qu’un danger existait, car il était tenu de porter sa veste de protection contre les armes tranchantes pendant qu’il était au travail, ce qui, selon lui, était contraignant et, lorsque jumelé à la chaleur dans le lieu de travail, faisait en sorte qu’il était difficile de respirer. Même s’il était au travail lorsqu’il a refusé de travailler en vertu de l’article 128, la chose causant le danger allégué, soit la veste, ne s’y trouvait pas. Je suis arrivé à la conclusion qu’il ne pouvait pas avoir été en danger en raison du fait qu’il portait sa veste, car il ne l’avait pas avec lui. En conséquence, il n’avait pas adéquatement exercé un refus de travailler en vertu de l’article 128. Par conséquent, j’ai conclu que la condition préalable établie par le paragraphe 128(1) n’existait pas.

[…]

445 Comme il est établi au paragraphe 128(1) du Code, un employé peut refuser [traduction] « […] de travailler dans un lieu ou d’accomplir une tâche s’il a des motifs de croire que […] ». Selon la fonctionnaire, M. B était la source du danger. Cependant, il avait été absent du lieu de travail depuis février 2013 et elle ne l’avait pas vu depuis. En effet, elle avait été absente du lieu de travail du 22 juillet 2013 jusqu’au 16 septembre 2013, et a recommencé le 26 septembre 2013. Aucune preuve n’a été présentée selon laquelle la fonctionnaire était au courant que M. B était au travail ou qu’il était au travail dans son lieu de travail en tout temps après avoir reçu et avoir lu sa plainte, jusqu’au moment où elle a écrit au SM dans l’après-midi du 4 octobre 2013.

446 La fonctionnaire était manifestement absente du travail lorsqu’elle a refusé de travailler, ce qui est une exigence incontestable établie dans le paragraphe 128(1) du Code à titre de condition préalable pour un refus de travailler.

 

[146] Comme il est indiqué dans Saumier, Green et White, pour qu’un employé puisse se prévaloir de la protection prévue à l’article 240 de la Loi, il doit effectivement être au travail. Les protections prévues par le Code ne sont pas des protections générales pour les gens en général. Il s’agit de protections pour les employés lorsqu’ils sont à leur poste de travail, en train de travailler. Le fait d’être au travail ne signifie pas seulement être sur le lieu de travail. Une personne peut se trouver sur le lieu de son travail et ne pas être au travail ou en train de travailler.

[147] La question de savoir si une personne est au travail ou non est une question de fait et dépend des circonstances particulières du type de travail effectué par la personne. En effet, un lieu de travail ne correspond pas toujours à un endroit particulier. Un exemple simple, utilisant le SCC et les CX comme exemple, est le suivant : un CX peut être au travail dans un établissement, comme Mountain; cependant, le même CX, en escortant un détenu à l’hôpital, serait toujours au travail lorsqu’il escorte ce détenu à l’extérieur de l’établissement.

[148] Il arrive un moment où le travail commence et où l’on considère qu’une personne est au travail et n’est plus dans son temps libre. C’est lorsqu’elle est au travail qu’elle bénéficie de la protection de l’article 128 du Code; lorsqu’elle n’est pas au travail, mais dans son temps libre, elle ne bénéficie pas de cette même protection.

[149] L’incident du 12 janvier ne s’est pas non plus produit lorsque le plaignant était au travail ou travaillait. La preuve a révélé que les quarts de travail des CX commençaient à 6 h 30, qu’ils obtenaient leur affectation dans le bureau des GC et qu’ils se rendaient ensuite dans une salle de breffage pour une séance d’information sur leur quart de travail. L’incident du 12 janvier s’est déroulé en quelques minutes entre 6 h 15 et 6 h 20, lorsque le plaignant a tenté d’entrer dans l’Établissement avant le début de son service. Il n’a pas été autorisé à entrer dans l’Établissement, où il travaillait. Après le bref échange avec la GC Anderson, il est parti. Il n’a pas franchi le contrôle de sécurité du PCEP, son sac n’est pas passé par la machine à rayons X, il n’a pas glissé sa carte d’accès pour entrer dans l’Établissement, il n’est pas allé dans la zone du bâtiment comportant l’EP où les CX revêtent leur EPI, il n’est pas sorti du bâtiment comportant l’EP à l’intérieur de l’enceinte de l’Établissement pour se rendre au bureau des GC afin d’obtenir son affectation, il n’a pas assisté au breffage du matin à 6 h 30 au début de son quart de travail et il ne s’est jamais rendu à un poste de travail.

[150] En résumé, lorsque le plaignant a déclaré qu’il n’allait pas porter l’écran facial, il n’était pas encore au travail. En fait, dans son témoignage, il a admis qu’avant de soulever toute préoccupation relative à la santé et à la sécurité ce matin-là, on lui avait dit que s’il ne portait pas d’écran facial, il ne serait pas autorisé à entrer dans l’Établissement. Il se rendait encore à son travail et n’avait pas encore pénétré dans l’enceinte de l’Établissement. Sa situation n’aurait pas été différente de celle de toute autre personne, qu’elle soit employée par le Conseil du Trésor et travaille au SCC ou qu’elle soit une simple citoyenne, qui se trouvait dans le bâtiment comportant l’EP et n’avait pas encore été admise à franchir le PCEP. De plus, il ne pouvait pas refuser de travailler, puisqu’on lui avait déjà dit qu’il ne serait pas admis dans l’Établissement s’il ne portait pas d’écran facial.

[151] Le plaignant n’a pas satisfait au critère consistant à être « au travail », tel qu’énoncé dans Saumier, Green et White, qui est une exigence énoncée au paragraphe 128(1) du Code en tant que condition préalable à un refus de travailler

[152] Le plaignant m’a renvoyé à Marois, une décision récente du Conseil canadien des relations industrielles (CCRI). Cette affaire concernait un conducteur de camion-citerne (M. Marois) qui travaillait pour une entreprise qui transportait de l’essence vers des stations-service au Québec. M. Marois alléguait qu’il avait été licencié parce qu’il avait exercé son droit de refuser de travailler en raison d’un danger. Il ressort de la décision que M. Marois devait effectuer un quart de travail en fin de journée et qu’un avertissement de vents violents avait été émis par Environnement Canada, avec des vents avoisinant les 40 kilomètres à l’heure.

[153] La décision précise que le plaignant n’a pas quitté son domicile et qu’il ne s’est pas rendu dans un centre de répartition. L’employeur a soutenu que la plainte ne pouvait pas être retenue parce que le plaignant n’était pas au travail lorsqu’il a refusé de travailler. La décision rendue dans Saumier a été examinée. Au paragraphe 54, le CCRI a conclu que le fait de conclure que M. Marois n’était pas au travail lorsqu’il a refusé d’effectuer son quart de travail le soir en question constituerait une application trop stricte de l’article 128 du Code, et il a conclu qu’il était « au travail » au sens du Code.

[154] Je ne suis pas disposé à accepter que Marois renverse le sens de l’expression « au travail » tel que défini par la Cour d’appel fédérale dans Saumier et par la Commission. Marois ne contient pas suffisamment de renseignements factuels pour appliquer le raisonnement énoncé au paragraphe 54 aux faits de la présente affaire. Dans Marois, le CCRI a tenu compte du fait que le répartiteur de l’employeur et le plaignant communiquaient habituellement par courriel ou par message texte pour déterminer la disponibilité et l’affectation du plaignant; que le plaignant travaillait de nuit; et que le plaignant ne travaillait pas sur le site de l’entreprise, mais qu’il conduisait plutôt un camion-citerne selon une affectation envoyée par l’employeur, souvent par voie électronique. Marois concernait un contexte d’emploi particulier, qui diffère radicalement de celui du travail effectué par le plaignant dans le présent cas.

[155] Pour ces motifs, j’estime que je n’ai pas compétence et la plainte est rejetée.

[156] Puisque j’ai conclu que le plaignant n’a pas réussi à établir la condition préalable pour présenter une plainte en vertu de l’article 133 du Code, je n’ai pas besoin de poursuivre mon analyse et de traiter les autres arguments avancés par les parties.

[157] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[158] Je n’ai pas compétence pour traiter la présente plainte.

[159] La plainte est rejetée.

Le 2 avril 2024

Traduction de la CRTESPF

 

John G. Jaworski,

une formation de la Commission des relations de

travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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