Décisions de la CRTESPF
Informations sur la décision
Le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé un grief concernant un processus de nomination pour un poste d’agent de recherche (astronome) au Bureau canadien Gemini, alléguant que le défendeur ne l’avait pas traité équitablement, qu’il avait enfreint l’article sur les droits de la direction de la convention collective pertinente en administrant ses politiques de dotation de façon déraisonnable et arbitraire, et qu’il avait enfreint le par. 30(2) et l’al. 77(1)a) de la LEFP – le défendeur a soulevé une objection préliminaire selon laquelle la Commission n’avait pas compétence pour trois motifs – premièrement, le défendeur n’est pas assujetti à la LEFP, ce que le fonctionnaire s’estimant lésé a concédé par la suite – deuxièmement, la dotation ne relève pas du pouvoir décisionnel de la Commission en vertu de l’al. 209(1)a) de la LRTSPF – troisièmement, l’article sur les droits de la direction de la convention collective pertinente ne créait pas d’obligation et, par conséquent, n’était pas susceptible de faire l’objet d’un arbitrage en vertu de la LRTSPF – la Commission a conclu que la nature essentielle du grief était la dotation, qui ne relève pas de son pouvoir en vertu de l’al. 209(1)a) de la LRTSPF – elle a en outre conclu que l’article sur les droits de la direction était un énoncé général du pouvoir du défendeur de gérer son lieu de travail, et non la source d’une obligation exécutoire.
Grief rejeté.
Contenu de la décision
Date: 20240711
Dossier: 566-09-47450
Référence: 2024 CRTESPF 88
Entre
Joel Roediger
fonctionnaire s’estimant lésé
et
Conseil national de recherches du Canada
employeur
Roediger c. Conseil national de recherches du Canada
Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage
Devant : Joanne Archibald, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Chris Finding, Institut professionnel de la fonction publique du Canada
Pour l’employeur : Benoit Nadeau, conseiller principal en relations de travail
Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 23 juin, le 31 juillet et le 10 août 2023.
(Traduction de la CRTESPF)
MOTIFS DE DÉCISION
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(TRADUCTION DE LA CRTESPF)
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I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage
[1] Le 23 mai 2023, Joel Roediger, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a déposé un grief individuel auprès de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») concernant un processus de nomination pour le poste d’astronome, classifié au groupe et au niveau RO-03 (le « processus de nomination »), et l’application prétendument déraisonnable et arbitraire des droits de gestion par le Conseil national de recherches du Canada (le « CNR »).
II. Objection préliminaire
[2] Le fonctionnaire est un astronome qui occupe un poste classifié au groupe et au niveau RO-03. Il est membre de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (« IPFPC »). Son emploi est assujetti à la convention collective des agents de recherches et des agents du Conseil de recherches entre le CNR et l’IPFPC, qui a expiré le 19 juillet 2022 (la « convention collective »).
[3] Le fonctionnaire a posé sa candidature dans le cadre d’un processus RO-03 et n’a pas été retenu pour une nomination. Il a déposé un grief conformément à l’article 9 de la convention collective, comme suit :
[Traduction]
Je dépose un grief concernant le processus de dotation et les résultats de l’action de dotation de l’agent de recherche (astronome) - Bureau Gemini du Canada (14301), car je n’ai pas été traité équitablement dans l’application de la Politique et des procédures d’embauche du CNRC, comme il est indiqué à l’article 2.1.14.1 du Manuel de GRH du CNRC, une application déraisonnable et arbitraire de l’article 4 - Droits de la direction de la convention collective et un abus de pouvoir fondé sur le mérite, contrairement au paragraphe 30(2) et à l’alinéa 77(1)a) de la LEFP.
[4] Le CNR a rejeté le grief aux deux paliers. Le fonctionnaire l’a ensuite renvoyé à la Commission.
[5] Le CNR s’oppose à la compétence de la Commission à l’égard du grief. Premièrement, il soutient que la Loi sur le Conseil national de recherches (L.R.C. (1985), ch. N-15; la « Loi sur le CNR ») lui confère le pouvoir de gérer sa dotation. Il n’est pas assujetti à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; LEFP), à laquelle le fonctionnaire fait référence. Deuxièmement, la dotation ne relève pas du pouvoir décisionnel de la Commission en vertu du paragraphe 209(1) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; « LRTSPF »). Troisièmement, les droits de la direction prévus à l’article 4 de la convention collective ne créent pas d’obligation et ne sont donc pas susceptibles d’arbitrage en vertu de la LRTSPF.
[6] En réponse à l’objection, le fonctionnaire reconnaît que le CNRC n’est pas assujetti à la LEFP. Toutefois, il soutient que, pendant le processus de nomination, le CNR a agi de façon déraisonnable dans l’administration de ses politiques de dotation. De plus, le grief porte sur l’interprétation de l’article 4 de la convention collective et a été renvoyé à juste titre à la Commission dans son rôle d’arbitre de grief tiers.
[7] Conformément à l’article 22 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365), la Commission peut trancher toute question dont elle est saisie sans tenir d’audience.
[8] Pour les motifs qui suivent, l’objection préliminaire du CNR est accueillie et le grief est rejeté.
III. Analyse
[9] En vertu de l’annexe V de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F-11), le CNR est un organisme distinct du gouvernement du Canada. Il a le pouvoir de négocier des conventions collectives avec ses employés.
[10] L’alinéa 5(1)g) de la Loi sur le CNR prévoit ce qui suit :
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[11] Le fonctionnaire, un employé du CNR, a déposé un grief concernant un processus de nomination, conformément au processus défini par la convention collective. Le CNR a rejeté le grief et le fonctionnaire l’a renvoyé à la Commission.
[12] La Commission est un tribunal administratif créé par la loi. Son pouvoir décisionnel est circonscrit par le paragraphe 209(1) de la LRTSPF. En ce qui concerne le renvoi par le fonctionnaire de son grief à la Commission, il prévoit ce qui suit :
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[13] Comme indiqué, la compétence de la Commission s’étend à l’interprétation ou à l’application d’une convention collective ou d’une décision arbitrale et aux mesures disciplinaires entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire.
[14] Si on lit simplement la disposition législative, la dotation n’entre dans aucune des catégories énumérées. Il s’ensuit donc que la Commission n’a pas le pouvoir d’entendre les aspects du grief qui portent sur la question de la dotation.
[15] Le fonctionnaire allègue également [traduction] « [...] l’application déraisonnable et arbitraire de l’article 4 – Droits de la direction [...] ».
[16] L’article 4 de la convention collective se lit comme suit :
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[17] Dans Pepper c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2008 CRTFP 8, au par. 100, un arbitre de grief de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, un prédécesseur de la Commission, a traité des droits de la direction dans le contexte d’une convention collective comme suit :
100 [...] Selon M. Pepper, son grief porte sur l’interprétation de la convention collective parce qu’il allègue que l’employeur n’a pas bien appliqué ses politiques de gestion. Toutefois, et bien que l’employeur assume dans la convention collective l’obligation de traiter ses employés équitablement en appliquant ses politiques, l’existence de cette clause ne crée aucune obligation dont on puisse imposer le respect. [...]
[18] Le raisonnement dans Pepper s’applique au présent cas. L’article 4 est un énoncé général du pouvoir du CNR de gérer son lieu de travail, mais il ne constitue pas la source d’une obligation exécutoire qui serait assujettie au pouvoir de la Commission. Par conséquent, la Commission n’a pas le pouvoir d’examiner ce grief en vertu de l’alinéa 209(1)a). Il ne soulève pas de question juridictionnelle concernant l’application ou l’interprétation des droits de la direction énoncés à l’article 4 de la convention collective.
[19] Je conclus plutôt que la nature essentielle de ce grief est la dotation. La dotation n’est pas visée par l’alinéa 209(1)a). Comme l’arbitre de grief l’a conclu dans Malette c. Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 99, aux paragraphes 43 et 44 :
[43] [...] Dans la mesure où l’employeur ait pu avoir de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi à l’endroit de la fonctionnaire s’estimant lésée en ce qui concerne l’examen écrit ou autre élément semblable – une possibilité sur laquelle je ne me prononce pas – toute évaluation raisonnable de ces mesures est indissociable du contexte d’un concours mené par l’employeur en vue de doter des postes.
[44] L’alinéa 209(1)a) de la Loi ne prévoit pas de recours en matière de dotation. Aussi récemment que la décision dans Hureau c. Conseil du Trésor (ministère de l’Environnement), 2008 CRTFP 47, un arbitre de grief a confirmé au paragraphe 27 que « [...] tout argument ou tout redressement demandé par le fonctionnaire s’estimant lésé qui concerne le processus de dotation sera considéré comme en dehors du champ de [la] compétence [d’un arbitre de grief]». La décision dans Hureau était fondée en partie sur le paragraphe 208(2) de la Loi qui est libellé comme suit :
208. (2) Le fonctionnaire ne peut présenter de grief individuel si un recours administratif de réparation lui est ouvert sous le régime d’une autre loi fédérale, à l’exception de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
La décision Dhudwal et al et la décision de la Cour fédérale dans Institut professionnel de la fonction publique du Canada, citées par l’employeur, offrent une solide confirmation que le programme de dotation de l’employeur constitue un « recours administratif de réparation » – le mécanisme de réparation qui s’applique aux différends dont la nature essentielle concerne la dotation. Même si les deux décisions ont été rendues en application de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35, art. 1, elles demeurent pertinentes en vertu de la nouvelle Loi, comme en témoigne Hureau.
[20] Par conséquent, la Commission n’a aucun pouvoir sur le grief qui a été renvoyé à l’arbitrage.
[21] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :
(L’ordonnance apparaît à la page suivante)
IV. Ordonnance
[22] Comme la Commission n’a pas compétence pour examiner cette affaire, l’objection préliminaire est accueillie.
[23] Le grief est rejeté.
Le 11 juillet 2024.
Traduction de la CRTESPF
Joanne Archibald,
une formation de la Commission des relations de
travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral