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Date: 20240524

Dossier: 771-02-42911

 

Référence: 2024 CRTESPF 71

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur l’emploi dans la

fonction publique

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

Entre

 

Anda Carabineanu

plaignante

 

et

 

Administrateur Général

(ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux)

 

intimé

et

AUTRES PARTIES

 

Répertorié

Carabineanu c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux)

Affaire concernant une plainte d’abus de pouvoir aux termes de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique

Devant : Marie-Claire Perrault, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la plaignante : Elle-Même

Pour l’intimé : Neil Dzuba et Zoriana Priadka, avocats

Pour la Commission de la fonction publique : Maude Bissonnette Trudeau, analyste principale

Affaire entendue par vidéoconférence,

les 18 et 19 décembre 2023.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Plainte devant la Commission

[1] Le 12 août 2020, le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, également connu sous le nom de Services publics et Approvisionnement Canada (l’« intimé »), a annoncé un processus (numéroté 2020-SVC-IA-HQ-372955; le « processus ») pour doter, pour une période indéterminée, le poste de gestionnaire de la recherche sur l’opinion publique, des connaissances et des pratiques, classifié au groupe et au niveau EC-07.

[2] Anda Carabineanu (la « plaignante ») a présenté une demande dans le cadre du processus, mais elle a été éliminée à la présélection parce que, selon l’intimé, elle n’avait pas réussi à démontrer dans sa demande écrite qu’elle satisfaisait à l’un des critères de mérite : expérience dans l’établissement de partenariats efficaces avec des intervenants internes et externes.

[3] Le 13 avril 2021, l’intimé a annoncé la nomination pour une période indéterminée de Nadia Nappert (la « personne nommée »). Le 26 avril 2021, la plaignante a présenté une plainte auprès de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), alléguant un abus de pouvoir de la part de l’intimé dans la nomination.

[4] Plus précisément, la plaignante a allégué qu’elle avait été évaluée à tort et que la personne nommée ne satisfaisait pas aux qualifications essentielles et qu’elle avait été nommée en raison de favoritisme personnel. La plaignante a également allégué que l’abus de pouvoir était attribuable au fait que les connaissances n’étaient pas évaluées comme un critère de mérite.

[5] La Commission de la fonction publique n’a pas comparu à l’audience, mais elle a présenté des arguments écrits généraux et précis sur sa politique de nomination. Elle n’a pas pris position sur le bien-fondé du cas.

[6] Pour les motifs qui suivent, je conclus qu’il y a eu abus de pouvoir dans l’évaluation de la plaignante. Cependant, je conclus qu’il n’y a pas eu d’abus de pouvoir dans la nomination de la personne nommée.

II. Résumé des éléments de preuve

[7] La plaignante a témoigné au sujet de son expérience à la Direction de la recherche en opinion publique (DROP), où elle a été analyste principale pendant une dizaine d’années au groupe et au niveau EC-06. Elle a contribué à la recherche et a été responsable de nombreux projets. En 2018, le gestionnaire de la Gestion du savoir a annoncé sa retraite. En novembre 2019, Tina Casey, directrice de la DROP, a sollicité des avis d’intérêt pour une nomination intérimaire afin de pourvoir le poste, en attendant un processus annoncé pour le doter pour une période indéterminée.

[8] La plaignante a présenté une demande pour l’affectation temporaire. On lui a offert le poste à titre intérimaire, à compter du 6 janvier 2020. La période d’intérim a été prolongée du 6 mai au 31 octobre 2020, mais elle a pris fin abruptement le 15 octobre 2020.

[9] La personne nommée avait été le premier choix de Mme Casey pour combler le poste de façon intérimaire, et elle a occupé le poste pour le mois de décembre 2019. Elle est partie en congé parental à la fin de décembre 2019 et est revenue le 19 octobre 2020.

[10] Le processus annoncé pour combler le poste pour une période indéterminée a commencé en août 2020. La nomination a été faite en avril 2021. Entre-temps, le nom de la personne nommée apparaissait sur l’organigramme du poste de gestionnaire. Toutefois, le nom apparaît entre parenthèses, ce qui tend à confirmer le poste intérimaire qu’elle occupait.

[11] La plaignante a été éliminée à la présélection parce que, selon l’intimé, sa demande ne démontrait pas qu’elle satisfaisait à l’exigence suivante : [traduction] « Expérience dans l’établissement de partenariats efficaces avec des intervenants internes et externes pour appuyer la prestation d’activités de sensibilisation. »

[12] Lors de l’audience, la plaignante a cité à témoigner Inga Petri, ancienne présidente de l’Association de la recherche et de l’intelligence marketing (ARIM), un organisme de l’industrie de la recherche qui réunissait des entreprises de recherche privées et des organismes de sondage du secteur public. Le Conseil de recherche et d’intelligence marketing canadien l’a remplacé en 2018.

[13] Mme Petri a témoigné de l’ampleur des activités de l’ARIM et de son importance dans le monde de la recherche d’opinion. La plaignante était un membre actif et participait activement à la planification de différentes activités.

[14] La plaignante a également témoigné au sujet des différentes activités auxquelles elle avait participé qui montraient comment elle avait effectivement établi des partenariats efficaces avec des intervenants internes et externes.

[15] La question complète dans le formulaire de demande se lisait comme suit :

Avez-vous de l’expérience de la création de partenariats efficaces avec des intervenants internes et externes pour appuyer l’exécution d’activités de sensibilisation?

[...]

À l’aide d’exemples concrets, décrivez où, quand et comment vous avez acquis cette expérience. Les exemples donnés doivent témoigner de la profondeur, de la diversité et de l’étendue de votre expérience.

[...]

 

[16] Dans sa demande, la plaignante a décrit l’expérience pertinente comme suit :

[Traduction]

[...]

Intervenants internes : 2010-2019 - à titre de conseillère principale à la DROP et 2020 à ce jour à titre de gestionnaire intérimaire de la gestion et des pratiques du savoir :

· Établissement de bonnes relations de travail avec la Direction de l’approvisionnement en communications, le Secrétariat du Conseil du Trésor, le Bureau du Conseil privé et Bibliothèque et Archives Canada, en particulier pendant les affectations intérimaires d’EC 7 qui ont eu lieu dans le passé. Ils ont joué un rôle essentiel dans l’interprétation de la politique, l’approbation et la rétroaction sur le processus de passation des marchés.

· Participation à la conférence Engagement de la fonction publique, installation d’un kiosque et sensibilisation à nos programmes et services.

· Participation au Forum sur le service à la clientèle pour présenter les services offerts par la Direction de la recherche en opinion publique.

· Préparation de rencontres pour les collègues internes (Gazette du Canada, Direction de l’édition et de l’approvisionnement en communications) et pour le coordonnateur régional qui se rend à Ottawa en provenance des régions.

· Aide à la nomination du gestionnaire de la gestion des connaissances pour recevoir une bourse de recherche de l’Association de la recherche et de l’intelligence marketing. Travail avec un comité externe formé de membres de la recherche pour préparer et soumettre la candidature.

· Participation au Programme de reconnaissance des employés de la Direction générale du service intégré en nommant trois collègues différents. Des exemples de projets et de tâches remarquables réalisés par les employés ont été recueillis et ont mis en évidence leurs réalisations et leur expérience.

· Établissement de liens et de partenariats avec un certain nombre d’équipes opérationnelles internes, comme la communication, le développement Web et la publication, tout en préparant la publication du Rapport annuel 2009-2010 pour la ROP.

· 2010-2019 à titre de conseillère principale à la DROP - Collaboration avec la Société de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, Affaires autochtones du Canada et Statistique Canada à titre d’experts clés en recherche sur l’opinion publique. Ils ont participé à des discussions techniques telles que les questions démographiques à inclure dans les instruments d’enquête; les règlements pour les appels aux répondants, appelant les répondants à l’aide d’une réponse vocale interactive.

· Communauté de pratique - 2010-2019 - Conseillère principale à la DROP Participation à des groupes de travail pour s’assurer que le logiciel d’enquête satisfait aux besoins des clients du gouvernement, en particulier les capacités en français. Poursuite de la conversation sur les plateformes de sondage et information des clients et de la direction sur les changements apportés aux caractéristiques et leurs répercussions sur notre programme.

Intervenants externes :

· 2011-2015 - Directrice de programme à l’Association de la recherche et de l’intelligence marketing (ARIM), section d’Ottawa - Directrice de programme élue pour la section d’Ottawa Conseil d’administration de l’Association de la recherche et de l’intelligence marketing. Les exigences pour le poste comprenaient le fait d’être membre en règle de l’ARIM, de résider dans la région de la capitale nationale et d’être nommé par un autre membre en règle de l’Association. Des relations professionnelles ont été établies avec les PDG, les directeurs, les vice-présidents et les directeurs principaux tout en offrant un certain nombre de séances de recherche.

· 2010 à aujourd’hui - à la DROP - Participation à des cours, à des conférences et à des webinaires d’associations de l’industrie donnés par des experts, participation active aux discussions et prestation de conseils d’experts gouvernementaux sur demande. Ces projets ont contribué à établir des partenariats avec des experts dans le domaine.

· De 2010 à 2019, à titre de conseillère principale à la Direction de la recherche en opinion publique - établissement de relations de travail avec les fournisseurs pour la mise en œuvre des premières normes qualitatives et l’examen des normes quantitatives. Gestion et supervision du contrat avec les experts qui ont aidé notre équipe à rédiger les rapports d’examen de la documentation. De plus, j’ai travaillé avec l’équipe de communication de SPAC pour diffuser les normes sur Twitter, les bulletins de SPAC et le site Web principal.

· 2010 à aujourd’hui - Conférencière invitée pour la conception de questionnaires dans le cadre du Programme de recherche en marketing et de veille économique du Collège Algonquin.

· 2001-2009 - Présentation lors de conférences nationales et internationales en collaboration avec le Bureau du vérificateur général et la Commission canadienne du tourisme.

[...]

 

[17] La plaignante a également témoigné que, lors de la discussion informelle tenue après avoir reçu le courriel l’informant que sa demande ne serait pas retenue, elle s’est fait dire que non seulement sa réponse était insuffisante, mais que, même en considérant l’ensemble de sa demande, son expérience dans l’établissement de partenariats avec les intervenants n’était pas suffisamment détaillée. Au cours de son témoignage, elle a souligné dans sa demande plusieurs références à l’établissement de relations avec les intervenants, notamment en assistant à des conférences et en donnant des conférences sur la recherche sur l’opinion.

[18] Lors de l’audience, Mme Casey a expliqué pourquoi la réponse de la plaignante avait été jugée insuffisante pour démontrer l’expérience acquise dans l’établissement de relations avec des intervenants internes et externes. Une consultante, Joslyn Brodeur, a procédé à la présélection, ce que Mme Casey a examiné. Toutes deux ont convenu que la réponse n’expliquait pas la façon dont les partenariats étaient établis, mais qu’elle énumérait simplement plusieurs contacts.

[19] La personne nommée a répondu de la façon suivante à la même question :

[...]

Au cours de ma carrière professionnelle et en qualité de conseillère pour la Direction de la recherche en opinion publique, j’ai été appelée à créer et à développer des partenariats efficaces avec divers intervenants, tant à l’interne qu’à l’externe du gouvernement pour appuyer l’exécution d’activités de sensibilisation.

Par exemple, à l’automne 2019, j’ai travaillé en étroite collaboration avec mes collègues du Bureau du Conseil privé ainsi que la Direction générale des approvisionnements de Services publics et Approvisionnement Canada afin d’élaborer une présentation à l’intention des membres de l’Institut des biens immobiliers du Canada, membres regroupant des fonctionnaires fédéraux, provinciaux et municipaux de partout au Canada. Cette expérience m’a offert une occasion unique de réseautage tant à l’interne et à l’externe auprès de collègues ayant des besoins spécifiques et des attentes variées. Afin de mener à bien ce projet, j’ai été appelée à développer mes compétences afin de mobiliser divers intervenants vers l’atteinte des objectifs communs et de mettre en œuvre diverses stratégies pour de faire face aux multiples béabas qu’un projet multidisciplinaire et interministériel impliquent.

Depuis les 5 dernières années, j’ai participé activement au renforcement des partenariats entre Direction de la recherche en opinion publique, la Direction des services de publicité et le Programme d’autorisation pour les médias protégés par les droits d’auteur via les rencontres trimestrielles du Bureau de la collectivité des communications qui regroupent les responsables des diverses Communautés de pratiques. Ces rencontres ont permis aux directions mentionnées ci-haut de consolider leurs ressources vers l’atteinte d’objectifs communs pour nos communautés, soit de sensibiliser et de promouvoir les outils d’information qui sont mis à la disposition des clients. Qui plus est, ces occasions de réseautage permettent aux membres des différentes communautés d’échanger sur divers enjeux et de travailler en collaboration afin de résoudre des problématiques communes. Par exemple, j’ai organisé depuis les dernières années plusieurs activités en partenariat avec ces communautés mentionnées ci-haut en planifiant des événements conjoints comme 3 séances d’information sur les audiences cibles et les milléniaux canadiens et 2 autres séances sur les valeurs sociales des Canadiens ou encore en faisant la promotion d’un outil d’analyse comme celui de l’Observateur des médias.

Enfin, j’ai été appelée à créer et à renforcer de nombreux partenariats tant avec l’industrie (Quorus, Phoenix SPI, Ekos) qu’avec une institution académique (Collège Algonquin) pour l’organisation et la tenue d’événements et des séances d’information destinés à nos ministères-clients. Par exemple, j’ai travaillé en étroite collaboration avec Quorus pour le renouvellement du matériel de formation sur les méthodes quantitatives et une autre sur les techniques pour les sondages en ligne.

[...]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

[20] La plaignante a contesté le fait que la description de travail avait été modifiée et que les connaissances n’étaient plus une exigence de la liste. Selon elle, les connaissances doivent être une exigence au groupe et au niveau EC-07, puisque le poste exige une connaissance approfondie de la méthodologie de recherche, pour être en mesure de diriger l’équipe efficacement.

[21] Mme Casey a témoigné que la description de travail avait été modifiée pour mieux refléter ce qui était nécessaire, c’est-à-dire un chef d’équipe qui avait non seulement une connaissance du travail, mais aussi la capacité de diriger habilement les autres.

[22] La plaignante a demandé si la personne nommée avait vraiment l’expérience qu’elle prétendait. Selon la plaignante, dans sa demande, la personne nommée s’est vu attribuer le mérite de mesures vagues et mal définies. Mme Casey a expliqué que l’expérience avait été validée au cours du processus subséquent au cours de l’entrevue et de la vérification des références.

[23] La plaignante a également demandé si la personne nommée avait le niveau linguistique requis pour occuper le poste. Selon elle, la nomination a été retardée afin que la personne nommée puisse obtenir le niveau linguistique nécessaire, puisqu’elle ne l’avait pas au moment où le processus était en cours. L’avis indiquait que l’exigence linguistique serait évaluée plus tard.

[24] La plaignante a appelé comme témoin Garwood Tripp, conseiller principal en communications. De septembre 2015 à juillet 2019, M. Tripp a travaillé à des affectations de six mois à la DROP pour produire trois rapports annuels de la DROP.

[25] M. Tripp a témoigné qu’il avait travaillé avec la plaignante et la personne nommée. Lorsqu’on a insisté pour comparer leurs contributions respectives, il a déclaré que, dans une équipe, chacun contribue à ce à quoi il est le mieux placé. La plaignante possédait de vastes connaissances et la personne nommée était une bonne organisatrice.

[26] La plaignante a allégué que la personne nommée avait été nommée par favoritisme personnel, donnant comme exemple que Mme Casey et la personne nommée avaient de longs dîners ensemble. Mme Casey a nié toute relation personnelle avec la personne nommée et a nié avoir socialisé avec elle à l’extérieur du milieu de travail

[27] Il y avait 18 candidats dans le processus. Quatre ont été présélectionnés, dont trois ont été jugés qualifiés et un s’est retiré du processus.

III. Questions

[28] Ces trois questions découlent des allégations de la plaignante et seront examinées : s’il y a eu abus de pouvoir dans l’évaluation de la plaignante, si la personne nommée satisfaisait aux qualifications essentielles et s’il y a eu favoritisme personnel dans la nomination.

[29] Le terme « abus de pouvoir » n’est pas défini dans la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; LEFP), c’est pourtant le fondement de cette plainte déposée en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la LEFP, qui se lit comme suit :

77 (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement de la Commission des relations de travail et de l’emploi, présenter à celle-ci une plainte selon laquelle elle na pas été nommée ou fait lobjet dune proposition de nomination pour lune ou lautre des raisons suivantes :

77 (1) When the Commission has made or proposed an appointment in an internal appointment process, a person in the area of recourse referred to in subsection (2) may — in the manner and within the period provided by the Board’s regulations — make a complaint to the Board that he or she was not appointed or proposed for appointment by reason of

a) abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l’administrateur général dans l’exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2);

a) an abuse of authority by the Commission or the deputy head in the exercise of its or his or her authority under subsection 30(2) ....

 

[30] Le paragraphe 30(2) suit le paragraphe 30(1), qui stipule qu’une nomination doit être faite sur la base du mérite. Il se lit comme suit :

30 (2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

30 (2) An appointment is made on the basis of merit when

a) selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles — notamment la compétence dans les langues officielles — établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir;

a) the Commission is satisfied that the person to be appointed meets the essential qualifications for the work to be performed, as established by the deputy head, including official language proficiency; and

(b) la Commission prend en compte :

b) the Commission has regard to

(i) toute qualification supplémentaire que l’administrateur général considère comme un atout pour le travail à accomplir ou pour l’administration, pour le présent ou l’avenir,

(i) any additional qualifications that the deputy head may consider to be an asset for the work to be performed, or for the organization, currently or in the future,

(ii) toute exigence opérationnelle actuelle ou future de l’administration précisée par l’administrateur général,

(ii) any current or future operational requirements of the organization that may be identified by the deputy head, and

(iii) tout besoin actuel ou futur de l’administration précisé par l’administrateur général.

(iii) any current or future needs of the organization that may be identified by the deputy head.

 

[31] Le seul guide interprétatif de l’expression « abus de pouvoir » se trouve au paragraphe 2(4) de la LEFP et se lit comme suit :

2 (4) Il est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par abus de pouvoir la mauvaise foi et le favoritisme personnel.

2 (4) For greater certainty, a reference in this Act to abuse of authority shall be construed as including bad faith and personal favouritism.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

 

[32] La Commission, et avant elle, le Tribunal de la dotation de la fonction publique (TDFP), ont défini l’« abus de pouvoir ».

[33] La décision Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8, a fait jurisprudence sur la définition de l’abus de pouvoir. Le préambule de la LEFP sert de guide. La LEFP est conçue pour donner aux gestionnaires un pouvoir discrétionnaire et une souplesse considérables lorsqu’ils choisissent un employé pour un poste donné, mais ce pouvoir discrétionnaire n’est pas illimité. Il s’agirait notamment d’un abus de pouvoir si l’on se fonde sur des renseignements inadéquats pour prendre une décision.

A. Y a-t-il eu abus de pouvoir dans l’évaluation de la plaignante?

[34] Dans son témoignage, la plaignante a amplement démontré qu’effectivement, au fil des ans, elle avait établi des relations avec plusieurs intervenants, tant au sein du gouvernement fédéral qu’à l’extérieur.

[35] Je conviens avec l’intimé qu’il incombe aux candidats de démontrer dans leur demande qu’ils ont l’expérience recherchée. L’administrateur général peut décider des méthodes d’évaluation à utiliser (voir le paragraphe 36(1) de la LEFP), par exemple, il peut déterminer si les connaissances personnelles seront utilisées. Dans le présent cas, Mme Casey a témoigné que la présélection des candidats s’était faite strictement sur la base des demandes. Par conséquent, il n’était pas pertinent de savoir si elle était au courant des relations de la plaignante avec les intervenants puisque le comité d’évaluation ne s’était pas fondé sur sa connaissance personnelle des candidats.

[36] Cela dit, je ne vois pas en quoi le long exposé de la plaignante au sujet de la qualification liée à l’« Expérience de la création de partenariats efficaces avec des intervenants internes et externes pour appuyer l’exécution d’activités de sensibilisation » est déficient en quoi que ce soit par rapport à la réponse de la personne nommée. L’intimé n’a pas expliqué en quoi la réponse de la plaignante était déficiente ou en quoi elle différait de celle de la personne nommée. Ils ont tous deux donné des exemples de relations qu’ils avaient établies et quelques exemples d’activités – préparation d’une conférence, conférences, etc. – qui ont fourni des exemples concrets.

[37] Par conséquent, à la lumière de la preuve, je conclus que la façon dont la plaignante a été évaluée constitue plus qu’une simple erreur; il s’agit d’une erreur tellement flagrante qu’elle constitue un abus de pouvoir.

B. La personne nommée satisfaisait-elle aux qualifications essentielles?

[38] Dans son témoignage, la plaignante a fortement insisté sur le fait qu’elle avait joué un rôle plus axé sur les connaissances au sein de la DROP que la personne nommée, qui semble avoir joué un rôle plus axé sur la coordination.

[39] L’administrateur général (voir le paragraphe 31(1) de la LEFP) établit les qualifications requises pour un poste. Le gestionnaire délégué pourrait réviser la description de travail pour mieux satisfaire aux besoins de la DROP. La plaignante croit qu’elle était mieux qualifiée que la personne nommée et que la personne nommée était sous-qualifiée puisqu’elle n’avait pas contribué à la recherche sur l’opinion du marché de la même façon que la plaignante.

[40] Toutefois, il n’appartient pas aux candidats de déterminer quelles qualifications sont recherchées. Encore une fois, comme Mme Casey l’a indiqué dans son témoignage, elle a cherché quelqu’un qui serait en mesure de diriger une équipe pour produire les produits livrables de la DROP. Rien ne permet de croire que la personne nommée n’a pas satisfait à ces exigences.

[41] La décision Beyak c. le sous-ministre de Ressources naturelles Canada, 2009 TDFP 35, est un exemple de mépris flagrant des règles lors de la dotation d’un poste et donc d’abus de pouvoir. La personne nommée dans ce cas a d’abord été nommée à un poste intérimaire, puis à un nouveau poste, avec une nouvelle classification, dans le cadre d’un processus non annoncé. Il était clair que la personne nommée ne satisfaisait pas aux qualifications essentielles du poste. Le TDFP a conclu qu’il y avait eu abus de pouvoir, car l’énoncé des critères de mérite avait été modifié pour satisfaire aux critères du candidat choisi par le gestionnaire. Dans ce cas, l’écart entre les fonctions exercées par la personne nommée et les attentes du poste était si grand que l’abus de pouvoir était évident.

[42] Dans le présent cas, je ne considère pas que le réalignement des priorités pour le poste EC-07 constituait un abus de pouvoir. À titre de directrice, Mme Casey pouvait décider des besoins opérationnels de la DROP et de la façon dont les activités seraient menées. On pouvait justifier que l’accent soit mis sur le leadership d’équipe plutôt que sur les connaissances. Le gestionnaire est responsable de la livraison des produits et doit coordonner son équipe pour ce faire.

[43] La plaignante a également cherché à souligner le fait que, pendant le processus, la personne nommée ne satisfaisait pas aux exigences linguistiques. L’affiche annonçant le poste indiquait que la compétence linguistique serait évaluée plus tard. L’exigence linguistique ne s’appliquait pas lorsque les candidats avaient présenté leur candidature, mais elle s’appliquait à la nomination. D’après la preuve, au moment de sa nomination, la personne nommée satisfaisait aux exigences linguistiques.

[44] Je conclus que je n’ai reçu aucune preuve qui indiquerait que la personne nommée n’était pas qualifiée pour le poste.

C. Le favoritisme personnel a-t-il joué un rôle dans la nomination de la personne nommée?

[45] Il est révélateur que la LEFP donne comme exemples d’abus de pouvoir la « mauvaise foi » et le « favoritisme personnel ». Le favoritisme personnel n’est pas simplement la préférence professionnelle qui peut se développer au cours d’une relation de travail. Il doit s’agir de quelque chose de plus, comme une relation personnelle entre la personne qui fait la nomination et la personne nommée, la nomination d’un ami personnel ou d’un membre de la famille, ou une nomination pour obtenir une faveur (voir Glasgow c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2008 TDFP 7).

[46] Rien n’indique que le favoritisme personnel ait joué un rôle. Il semble que Mme Casey ait jugé que la personne nommée était mieux adaptée au poste de gestionnaire EC-07. La personne nommée était son premier choix pour combler le poste intérimaire, en attendant sa dotation permanente. Cela ne correspond pas au niveau de favoritisme personnel. Comme l’indique l’extrait suivant de la décision Desalliers c. Administrateur général (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2022 CRTESPF 70, une relation professionnelle amicale n’est pas en soi la marque d’un favoritisme personnel :

[...]

[147] Il est possible pour un gestionnaire d’avoir, dans le cours de sa carrière, l’occasion de se lier d’amitié avec d’anciens collègues qui, un jour, pourraient être des candidats intéressants pour une nomination au sein de son équipe. Il m’est impossible d’en arriver à une conclusion selon laquelle toute nomination d’un ami ou ancien collègue constituerait du favoritisme personnel. Une telle nomination peut en être une qui repose sur le mérite si le candidat retenu satisfait à l’ensemble des critères de mérite. [...]

[...]

 

[47] Mme Casey a témoigné qu’elle n’avait pas socialisé avec la personne nommée en dehors des heures de travail. La plaignante a allégué qu’ils avaient pris de longs dîners ensemble. Je n’ai aucun doute que Mme Casey et la personne nommée se sont bien entendues. En soi, cela ne peut pas mener à la conclusion que la nomination était fondée sur le favoritisme personnel plutôt que sur le mérite.

[48] Contrairement à la décision Beyak, la description de travail a été modifiée avant que le processus de dotation du poste pour une période indéterminée ait eu lieu, et le processus a été annoncé. Plusieurs candidats ont posé leur candidature et quatre ont été jugés qualifiés. La plaignante a eu l’occasion d’occuper le poste, encore une fois contrairement aux faits dans la décision Beyak. Le fait que Mme Casey ait trouvé la personne nommée plus apte à occuper le poste tel qu’elle l’envisageait ne constitue pas en soi un favoritisme personnel ou un abus de pouvoir.

IV. Conclusion et redressements

[49] La plaignante a établi que l’intimé avait abusé de son pouvoir lorsqu’il l’avait éliminée du processus.

[50] Toutefois, elle n’a pas démontré qu’il y a eu abus de pouvoir en raison de favoritisme personnel ou dans l’évaluation de la personne nommée. Je n’ai aucune preuve démontrant que la personne nommée ne satisfaisait pas aux critères de mérite précisés par l’administrateur général.

[51] La plaignante a demandé trois redressements : que la nomination soit révoquée, qu’elle soit présélectionnée dans le bassin de candidats EC-07 qualifiés et qu’elle reçoive un accusé de réception écrit de la présélection inappropriée de sa candidature.

[52] Comme j’ai conclu qu’il n’y avait aucune preuve démontrant que la personne nommée ne satisfaisait pas aux critères de mérite tels que définis, je n’ai aucun motif de révocation de la nomination.

[53] Comme le bassin de candidats est maintenant fermé (cela a été confirmé à l’audience), il ne serait pas utile que la plaignante soit réévaluée pour ce poste. Enfin, cette décision sert à reconnaître que la plaignante a été écartée de façon déraisonnable.

[54] Par conséquent, je conclus que le redressement approprié dans le présent cas consiste à déclarer qu’il y a eu abus de pouvoir dans l’évaluation de la plaignante. Compte tenu de la preuve, il était déraisonnable de l’écarter sur la base de partenariats avec des intervenants.

[55] Je n’ai aucune preuve pour conclure que la personne nommée ne satisfaisait pas aux qualifications établies pour le poste. La plaignante n’est pas d’accord. Elle a beaucoup insisté sur l’importance des connaissances pour le rôle.

[56] Je peux comprendre pourquoi la plaignante estime qu’elle était plus qualifiée pour le poste, tel qu’elle l’a défini, comme un rôle axé sur les connaissances. Toutefois, l’administrateur général a choisi de ne pas définir les choses de cette façon. L’administrateur général a certainement le pouvoir de définir les besoins opérationnels, la façon dont les différents postes satisferont à ces besoins et, par conséquent, les qualifications requises des personnes qui combleront ces postes.

[57] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[58] La plainte est accueillie en partie.

[59] Je déclare que l’intimé a abusé de son pouvoir dans l’évaluation de la plaignante lorsqu’il l’a éliminée du processus de nomination.

Le 24 mai 2024.

Traduction de la CRTESPF

Marie-Claire Perrault,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

 

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