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Date: 20240827

Dossier: 561-02-47560

 

Référence: 2024 CRTESPF 119

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

Kristina Takhmi Joseph

plaignante

 

et

 

Conseil du Trésor

(ministère de l’Emploi et du Développement social)

 

défendeur

Répertorié

Takhmi Joseph c. Conseil du Trésor (ministère de l’Emploi et du Développement social)

Affaire concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant : Adrian Bieniasiewicz, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la plaignante : Elle-même

Pour le défendeur : Philippe Lacasse et Isabelle Tremblay, analystes, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés
les 21 avril, 6 juin, 5 juillet, 2 août et 1er décembre 2023,
et le 3 janvier 2024
.


MOTIFS DE DÉCISION

I. Plainte devant la Commission

[1] Le 21 avril 2023, Kristina Takhmi Joseph (la « plaignante ») a déposé une plainte de pratique déloyale en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi ») contre le ministère de l’Emploi et du Développement social (le « défendeur »). Elle allègue que le défendeur l’a menacée ou a pris des mesures coercitives à son endroit en lien avec sa situation du congé sans solde. De plus, elle soumet que le défendeur l’a intimidée en l’informant que le contrat d’emploi qu’elle a accepté alors qu’elle était en congé sans solde devra être corrigé pour refléter qu’elle était en situation de double emploi. Selon la plaignante, il s’agit là de pratiques déloyales, interdites par le sous-alinéa 186(2)a)(iv) et l’article 189 de la Loi.

[2] Les faits sous-jacents aux allégations de pratiques déloyales, tel que présentés dans la plainte, manquent de clarté et sont parfois difficiles à suivre. Selon ce que j’en comprends, en août 2021, le défendeur a informé la plaignante que sa demande de prolonger son congé non payé pour s’occuper de ses enfants avait été approuvée jusqu’au 2 septembre 2022. Le défendeur l’a aussi avisée que son poste d’attache (AS-03) pourrait être doté de manière permanente, car son congé sans solde dépassait un an. Dans ce contexte, le défendeur a demandé à la plaignante de prendre connaissance des modalités entourant les congés sans solde de plus d’un an et du processus de priorités.

[3] Pendant l’été 2021, la plaignante aurait dénoncé au Syndicat de l’Emploi et de l’Immigration du Canada – Région de la Capitale Nationale (SEIC-RCN ou le « syndicat ») des situations qu’elle qualifie d’abusives et de discriminatoires de la part du défendeur. Elle souhaitait porter plainte. Le SEIC-RCN a répondu qu’il allait d’abord voir ce qu’il en était avec la direction. Selon la plaignante, l’absence de communication de la part du défendeur, l’omission de partager de l’information « essentielle et cruciale » à la prise d’une décision éclairée des ressources humaines concernant un employé « […] sont des pratiques déloyales de travail et de l’abus de pouvoir qui mettent en jeu la sécurité de la fonctionnaire […] ».

[4] En mai 2022, soit quelques mois avant la fin de son congé sans solde, le poste de la plaignante a été doté de façon indéterminée, rendant ainsi la plaignante admissible à un statut de priorité de la Commission de la fonction publique pendant son congé et l’année suivant son congé.

[5] En raison de circonstances familiales, la plaignante a décidé de retourner au travail en juillet 2022. Puisque son poste d’attache avait été doté, elle a accepté un contrat pour une nomination intérimaire (IS-04) du 4 juillet 2022 au 21 octobre 2022, dans l’équipe des Communications, au sein de Service Canada, dans la région du Québec. Toutefois, en raison de ses obligations familiales, elle a mis fin à ce contrat d’emploi vers le 28 septembre 2022.

[6] Le 13 février 2023, une conseillère principale en ressources humaines a contacté la plaignante pour l’aviser que son contrat pour la nomination intérimaire au poste IS‑04 devait être corrigé pour refléter qu’elle était en situation de double emploi, car elle était toujours une employée de la fonction publique à statut indéterminé durant la période en question, bien qu’elle fût en congé sans solde. Par conséquent, elle aurait dû se faire offrir un contrat pour une période déterminée plutôt qu’une nomination intérimaire. La conseillère a encouragé la plaignante à s’inscrire au Système de gestion de l’information des priorités (SGIP) de la Commission de la fonction publique. Moultes échanges de courriels entre la conseillère et la plaignante s’en sont suivis afin d’éclaircir la situation de double emploi, de régulariser le contrat obtenu à l’été 2022 et de répondre aux questions de la plaignante concernant son droit de priorité. Selon la plaignante, c’est la première fois qu’il était question de situation de double emploi, malgré que les Ressources humaines avaient procédé à des vérifications de son dossier avant le 13 février 2023. La plaignante allègue qu’à la suite d’échanges de courriels qui s’en sont suivis et l’intimidation qu’elle a subie, le 13 mars 2023, elle a déposé deux griefs; le 28 mars 2023, elle a déposé une plainte à la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP). Le 21 avril 2023, elle a déposé la présente plainte à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »).

[7] Selon la plaignante, le défendeur a procédé à la correction de son contrat de travail IS-04, qui était un contrat intérimaire à durée déterminée « pour masquer » son retour au travail « […] le 4 juillet 2022 et avant la période d’un an de son congé non payé afin de justifier sa mise en disponibilité mentionnant qu’elle était en situation de double emploi […] ». Le défendeur continue d’omettre de lui fournir des informations essentielles pour qu’elle puisse se prévaloir de son congé non payé et conserver son lien d’emploi. Le défendeur l’a inscrite au SGIP sans son consentement le 12 août 2022 alors qu’elle travaillait en tant que IS-04, en contravention à la Loi sur la protection des renseignements personnels (L.R.C. (1985), ch. P-21).

[8] Selon la plaignante, le défendeur « […] préfère maintenant coder du double emploi dans [son] dossier […] et lui demander de rembourser des sommes […] », contrairement à la convention collective pertinente. De plus, elle est d’avis que les Ressources humaines prennent des actions qui contreviennent à la loi et ne tiennent pas compte de sa réalité familiale.

[9] En réponse à la demande de précisions formulée par la Commission, la plaignante a confirmé par courriel, en date du 27 avril 2023, que les menaces ou mesures coercitives de la part du défendeur (et de l’équipe des Ressources humaines), dont il est question dans sa plainte, avaient eu lieu le 4 août 2021 (situation de congé sans solde) et le 24 février 2023 (intimidation en lien avec la correction de son contrat IS-04).

II. Objections préliminaires

A. Pour le défendeur

[10] Le défendeur demande à la Commission de rejeter la plainte au motif que les faits qui y sont allégués n’établissent pas une cause défendable. De plus, selon lui, l’allégation concernant les mesures que le défendeur aurait prises contre la plaignante vers le 4 août 2021 est prescrite.

[11] Plus précisément, le défendeur soumet que la plaignante ne peut pas alléguer qu’elle a subi des menaces ou des mesures coercitives en raison de l’exercice de ses droits en relations de travail ou contenus dans la partie 2 de la Loi (dépôt d’un grief) étant donné que les événements décrits dans sa plainte se sont produits le 4 août 2021 et le 24 février 2023, soit avant le dépôt de ses griefs le 13 mars 2023. Sur ce, le défendeur me renvoie à la décision Marleau c. Conseil du Trésor (Gendarmerie royale du Canada), 2023 CRTESPF 47, aux paragraphes 24 et 25.

[12] De plus, le défendeur soumet que la plaignante ne décrit pas dans sa plainte en quoi les gestes qui lui sont reprochés étaient des mesures de représailles motivées par l’exercice d’un droit de recours. Selon le défendeur, la plainte n’établit pas une cause défendable d’une violation du sous-alinéa 186(2)a)(iv) et de l’article 189 de la Loi. Par conséquent, elle devrait être rejetée (voir Hager c. Opérations des enquêtes statistiques, 2009 CRTFP 80, au par. 34).

[13] Enfin, le défendeur s’oppose à la compétence de la Commission d’entendre l’allégation concernant les événements qui se sont produits le 4 août 2021, en lien avec la situation de congé sans solde, car elle n’a pas été présentée à l’intérieur de 90 jours, comme requis en vertu du paragraphe 190(2) de la Loi.

B. Pour la plaignante

[14] En réponse à l’objection du défendeur, la plaignante soumet que les nouvelles actions prises en février 2023, en lien avec la correction de son contrat en double emploi, résultent de la situation qui existait en juillet 2021. Elle a eu connaissance de ce nouveau fait le 13 février 2023.

[15] Le 3 mars 2023, la plaignante a informé son représentant syndical que le fait de lui « […] imposer une correction erronée à [s]on contrat malgré [s]a ferme opposition et [s]es arguments constituait de l’abus de pouvoir et une pratique déloyale […] ». La plaignante précise qu’en raison de la correction de son contrat, qui selon elle ne fait aucun sens, elle a déposé deux griefs le 13 mars 2023, une plainte devant la CCDP le 28 mars 2023, et la présente plainte devant la Commission.

[16] Je note que la réponse de la plaignante face à l’objection du défendeur se résume à une réitération des faits exposés dans sa plainte initiale. Plus exactement, elle y aborde de nouveau la question de son inscription au SGIP sans son consentement et la correction de son contrat. La plaignante ne répond pas à l’essence même de l’objection du défendeur selon laquelle les menaces ou les mesures coercitives alléguées précèdent l’exercice de ses droits, à savoir le dépôt de ses griefs (voir le sous-alinéa 186(2)a)(iv) et l’alinéa 189(1)b) de la Loi).

[17] En ce qui a trait à l’objection du défendeur selon laquelle l’allégation concernant les événements qui se sont produits le 4 août 2021 est prescrite, la réponse de la plaignante manque de clarté. D’après ce que j’en comprends, la plaignante soumet qu’il « […] n’était aucunement raisonnable de s’attendre […] » qu’elle dépose sa plainte dans les délais prescrits, considérant « […] le volume de [s]es allégations de pratiques déloyales […] ». Je retiens aussi de sa réponse que les événements du 4 août 2021 semblent faire « partie du contexte historique ».

C. Demande d’« observations supplémentaires »

[18] Afin de disposer des objections du défendeur, j’ai invité les parties à soumettre des observations supplémentaires. Dans ma directive du 23 janvier 2024, j’ai informé la plaignante que, pour l’accommoder compte tenu de ses obligations familiales, j’étais flexible en ce qui a trait à la date butoir pour le dépôt de ses observations. L’objectif était de lui donner suffisamment de temps pour répondre aux objections du défendeur, étant donné leur impact potentiel sur sa plainte. J’ai précisé que, si les parties choisissaient de ne pas fournir d’observations supplémentaires, je statuerais sur la demande du défendeur de rejeter la plainte en me basant sur les documents déjà au dossier. Le défendeur m’a informé qu’il ne souhaitait pas soumettre d’observations supplémentaires en lien avec ses objections.

[19] Le 24 janvier 2024, la plaignante a précisé que « […] les parties ont déjà eu la possibilité d’échanger et de partager des documents au sujet des objections […] » du défendeur. Vers la fin de son courriel, elle a ajouté ce qui suit :

[…]

Ainsi, aucune observation supplémentaire ne sera déposé en lien avec la plainte […] puisque les documents introductifs requis ont été envoyés aux fins de contexte pour établir une preuve prima facie nécessaire pour ce type de plainte en relations de travail, soit 30 pages explicatives et des annexes correspondants aux faits mentionnés à l’ouverture du dossier reçus par la Commission le 21 avril 2023. Les objections de l’employeur ont déjà été soulevées, répondues par la plaignante et l’employeur puis conclus par l’employeur lors de l’échange documentaire préalable […]

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

 

[20] Le 1er mai 2024, la Commission a demandé à la plaignante de lui transmettre le document de 30 pages explicatives et les annexes auxquelles elle fait référence dans son courriel du 24 janvier 2024 afin d’en prendre connaissance. Dans sa réponse du 5 mai 2024, la plaignante s’est contentée de référer la Commission aux documents déjà au dossier, sans fournir les documents demandés. Vers la fin de son courriel, elle a écrit ce qui suit :

[…]

Ainsi, en tenant compte des divers échanges tenus avec la Commission et l’employeur référant aux divers documents d’informations envoyés avec la plainte 561-02-47560 depuis avril 2023, les réponses obtenus [sic] par l’employeur à la plainte, à l’objection de la plaignante et à la production documentaire, puis les réponses obtenus [sic] de la Commission le 27 juillet et le 21 septembre 2023 au sujet des procédures de traitement de la Commission pour ce type de plainte, je demande à obtenir le jugement et la décision du Commissaire à partir des informations disponibles lors des échanges de 2023.

[…]

 

[21] J’ai examiné attentivement les arguments écrits ainsi que les documents déposés par les parties en lien avec les objections préliminaires du défendeur. Pour les raisons exposées dans la présente décision, je fais droit aux objections et rejette la plainte.

III. Motifs

[22] Le défendeur demande que je rejette la plainte au motif qu’elle n’établit pas une cause défendable. De plus, il soumet que l’allégation concernant les mesures que le défendeur aurait prises contre la plaignante le ou vers le 4 août 2021 est prescrite. En premier lieu, je traiterai de l’objection concernant la prescription de l’allégation en question. Ensuite, je déterminerai si la plainte, ou ce qu’il en reste, établit une cause défendable.

A. L’allégation de pratique déloyale survenue vers le 4 août 2021 est prescrite

[23] La plaignante allègue que le défendeur l’a menacée ou a pris des mesures coercitives à son endroit en lien avec sa situation de congé sans solde le 4 août 2021. Il n’est pas clair ce que la plaignante reproche exactement au défendeur. La plaignante ne précise ni la nature des menaces ou mesures coercitives, ni le contexte dans lequel elles ont été prises.

[24] Cela étant dit, la plaignante ne conteste pas qu’elle avait connaissance de ces mesures ou circonstances alléguées en juillet et août 2021. Dans sa réplique à l’objection du défendeur, elle prétend plutôt que cette situation est en lien avec les actions prises par le défendeur en février 2023 et qu’elle fait partie du contexte historique.

[25] De plus, la plaignante semble indiquer qu’il n’était pas raisonnable de s’attendre qu’elle soumette la plainte dans les 90 jours en raison du « […] volume de [s]es allégations de pratiques déloyales […] ». Cette explication ne tient pas la route eu égard à la trame factuelle pertinente.

[26] Le paragraphe 190(2) de la Loi prévoit que la plainte doit être présentée dans les 90 jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu, ou, selon la Commission, aurait dû avoir connaissance des mesures ou des circonstances qui y ont donné lieu. Étant donné que la plaignante n’a pas déposé sa plainte dans les 90 jours suivant les mesures que le défendeur aurait prises contre elle à l’été 2021, cette partie de la plainte est considérée comme hors délai. Par conséquent, je n’ai pas la compétence pour l’entendre.

B. La plainte de pratique déloyale en lien avec la correction de son contrat de travail (février 2023) n’établit pas de cause défendable

[27] La Commission applique souvent l’analyse de la cause défendable lorsqu’elle est saisie d’une plainte de pratique déloyale présentée notamment en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi. Dans le cadre de cette analyse, la question clé à résoudre est de déterminer si, en partant du principe que tous les faits allégués dans la plainte sont vrais, il existe une preuve soutenable montrant que le défendeur s’est livré à une pratique déloyale au sens de l’article 185 de la Loi (voir Gray c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 11, au par. 79; Manella c. Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, 2010 CRTFP 128, au par. 31; Hager, au par. 34). En d’autres mots, si, en supposant que les faits allégués dans la plainte sont vrais, il s’avère qu’on ne peut pas prouver que le défendeur s’est livré à une pratique déloyale de travail au sens de l’article 185 de la Loi, alors la plainte peut être rejetée pour ce seul motif (voir Quadrini c. Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 37, au par. 21).

[28] La plaignante allègue que le défendeur s’est livré à une pratique déloyale, en contravention du sous-alinéa 186(2)a)(iv) et de l’article 189 de la Loi, en l’intimidant, en la menaçant ou encore en prenant des mesures coercitives contre elle. Cette pratique déloyale découlerait du fait que le défendeur l’aurait informée que son contrat de travail pour le poste IS-04 devait être corrigé afin de refléter qu’elle était en situation de double emploi. Ce qui précède constitue, à mon avis, l’essence de sa plainte.

1. Sous-alinéa 186(2)a)(iv) de la Loi

[29] Le sous-alinéa 186(2)a)(iv) de la Loi interdit à l’employeur de prendre certaines actions contre un employé qui a exercé un droit prévu par les parties 1, 2 ou 2.1 de la Loi. L’objectif derrière cette disposition est de protéger les intérêts des employés qui exercent leurs droits prévus dans les parties de la Loi en question (voir Hughes c. ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences, 2012 CRTFP 2, au par. 364). Par souci de commodité, je reproduis le sous-alinéa 186(2)a)(iv) de la Loi :

Pratiques déloyales par l’employeur

Unfair labour practices — employer

186 (2) Il est interdit à l’employeur, à la personne qui agit pour le compte de celui-ci ainsi qu’au titulaire d’un poste de direction ou de confiance, à l’officier, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada ou à la personne qui occupe un poste détenu par un tel officier, qu’ils agissent ou non pour le compte de l’employeur :

186 (2) No employer, no person acting on the employer’s behalf, and, whether or not they are acting on the employer’s behalf, no person who occupies a managerial or confidential position and no person who is an officer as defined in subsection 2(1) of the Royal Canadian Mounted Police Act or who occupies a position held by such an officer, shall

a) de refuser d’employer ou de continuer à employer une personne donnée, ou encore de la suspendre, de la mettre en disponibilité, de la licencier par mesure d’économie ou d’efficacité à la Gendarmerie royale du Canada ou de faire à son égard des distinctions illicites en matière d’emploi, de salaire ou d’autres conditions d’emploi, de l’intimider, de la menacer ou de prendre d’autres mesures disciplinaires à son égard pour l’un ou l’autre des motifs suivants :

(a) refuse to employ or to continue to employ, or suspend, lay off, discharge for the promotion of economy and efficiency in the Royal Canadian Mounted Police or otherwise discriminate against any person with respect to employment, pay or any other term or condition of employment, or intimidate, threaten or otherwise discipline any person, because the person

[…]

(iv) elle a exercé tout droit prévu par la présente partie ou les parties 2 ou 2.1 […]

(iv) has exercised any right under this Part or Part 2 or 2.1 ….

 

[30] Le paragraphe 191(3) de la Loi renverse le fardeau de la preuve. Il précise que toute plainte formulée conformément au paragraphe 186(2) constitue une preuve de la contravention alléguée. Ainsi, il incombe à la partie contestant la plainte de démontrer qu’aucune infraction n’a été commise. Ce renversement du fardeau est inhabituel dans la Loi et constitue une exception (voir Quadrini, au par. 25).

[31] Cela étant dit, afin que la charge inverse de la preuve s’applique et que le défendeur soit tenu de prouver que l’infraction reprochée n’a pas été commise, la plaignante doit démontrer que sa plainte établit une cause défendable : « Avant d’obliger le défendeur à se défendre contre des accusations, le tribunal doit être convaincu que les faits allégués par le plaignant — en tenant pour acquis qu’ils sont vrais — révèlent qu’il y a une cause soutenable » (voir Hager, au par. 38; voir aussi Gray, au par. 79 et Marleau, au par. 24).

[32] La plaignante allègue que le défendeur l’a intimidée, menacée ou a pris des mesures coercitives contre elle en voulant corriger son contrat de travail pour le poste IS-04 afin de refléter qu’elle était en situation de double emploi. Cette situation est survenue, selon la plaignante, en février 2023. Aux fins de l’analyse de cause défendable, j’accepte cette allégation comme avérée. Toutefois, la plaignante ne précise pas l’exercice de quel(s) droit(s) en vertu de la partie 1, 2 ou 2.1 de la Loi aurait conduit le défendeur à prendre les actions reprochées. Il ne suffit pas de démontrer que le défendeur a pris une des actions énumérées à l’alinéa 186(2)a) de la Loi. Il faut que l’action interdite soit prise en réponse à l’exercice par l’employé d’un droit prévu aux parties 1, 2 ou 2.1 de la Loi.

[33] La plainte révèle que la plaignante a exercé son droit en vertu de la partie 2 de la Loi en déposant deux griefs le 13 mars 2023. Ces griefs sont en lien avec la correction de son contrat. Toutefois, ce droit a été exercé après que le défendeur aurait prétendument pris, en février 2023, des actions interdites par l’alinéa 186(2)a) contre la plaignante. La plaignante ne précise pas comment les actions reprochées constituent des représailles à la suite des griefs qu’elle a déposés. Cela est problématique, étant donné que ces griefs ont été soumis après les infractions alléguées, et non avant, comme cela est requis (voir Marleau, aux paragraphes 24 à 25). La plainte ne révèle pas que le défendeur a pris des mesures interdites par l’alinéa 186(2)a) en réponse à l’exercice par la plaignante d’un droit prévu aux parties 1, 2 ou 2.1 de la Loi.

[34] La plaignante indique dans sa plainte qu’en juillet ou en août 2021 elle a soulevé des situations abusives et discriminatoires du défendeur auprès de son syndicat et souhaitait porter plainte. Toutefois, elle ne l’a pas fait car le syndicat voulait « […] d’abord voir ce qu’il en était avec la Direction ». Le fait de soulever de manière informelle ce type de situations auprès de son syndicat n’équivaut pas à l’exercice d’un droit au sens du sous-alinéa 186(2)a)(iv) de la Loi.

[35] Par conséquent, je détermine que la plainte n’établit pas de cause défendable que le défendeur a pris des mesures de représailles contre la plaignante parce qu’elle a exercé un droit prévu aux parties 1, 2 ou 2.1 de la Loi.

2. Article 189 de la Loi

[36] La plaignante allègue que le défendeur a également contrevenu à l’article 189 de la Loi, pour les mêmes raisons que celles évoquées au soutient de sa plainte au sous-alinéa 186(2)a)(iv). Le paragraphe 189(1) de la Loi se lit comme suit :

Pratiques déloyales par quiconque

Unfair labour practices — persons

189 (1) Sous réserve du paragraphe (2), il est interdit à quiconque de chercher, par menace ou mesures coercitives, à obliger un fonctionnaire :

189 (1) Subject to subsection (2), no person shall seek by intimidation or coercion to compel an employee

a) à adhérer ou à s’abstenir ou cesser d’adhérer à une organisation syndicale, ou encore, sauf disposition contraire dans une convention collective, à continuer d’y adhérer;

(a) to become, refrain from becoming or cease to be, or, except as otherwise provided in a collective agreement, to continue to be, a member of an employee organization; or

b) à s’abstenir d’exercer tout autre droit qu’accorde la présente partie ou les parties 2 ou 2.1.

(b) to refrain from exercising any other right under this Part or Part 2 or 2.1.

 

[37] La plaignante ne soutient pas que le défendeur l’aurait menacée ou aurait pris des mesures coercitives contre elle afin qu’elle adhère ou s’abstienne ou cesse d’adhérer à une organisation syndicale ou continue d’y adhérer.

[38] En ce qui a trait à l’alinéa 189(1)b) de la Loi, la plainte n’établit pas une cause défendable que le défendeur, ou quiconque, l’a menacée ou a pris des mesures coercitives à son endroit pour l’obliger à s’abstenir d’exercer tout droit prévu dans la partie 1, 2 ou 2.1 de la Loi. En effet, la plaignante n’allègue pas que le défendeur, ou quiconque, a essayé, par ses actions, de l’obliger à s’abstenir d’exercer les droits en question.

[39] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


IV. Ordonnance

[40] La plainte est rejetée.

Le 27 août 2024.

Adrian Bieniasiewicz,

une formation de la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

 

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