Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

L’Agence du revenu du Canada (ARC) a présenté une demande pour exclure trois postes d’une unité de négociation en vertu de l’alinéa 59(1)h) de la Loi, y compris un poste de gestionnaire, un poste d’analyste principal et un poste d’analyste – l’alinéa 59(1)h) exige que les trois conditions suivantes soient satisfaites : 1) les postes doivent avoir des fonctions et des responsabilités à l’égard de l’occupant d’un poste qui est lui-même exclu en vertu des alinéas 59(1)b), c), d) ou f); 2) les fonctions et responsabilités sont confidentielles pour le poste; 3) les fonctions sont liées à des questions de relations de travail – l’ARC n’a pas contesté le premier élément du critère – toutefois, elle n’a pas démontré le deuxième élément du critère – il n’y avait aucun élément de réflexion à haute voix qui suggérait une qualité de confiance entre les analystes et les destinataires de leur analyse – le fait qu’un employé avait accès à des renseignements confidentiels n’était pas déterminant – la Commission a conclu qu’il n’y avait pas de lien immédiat et direct entre la négociation collective et l’analyse effectuée par les trois postes, même si l’analyse portait sur les relations de travail – l’ARC a démontré le troisième élément du critère, à savoir que les relations de travail constituaient une partie importante et régulière des fonctions des postes – la Commission a conclu que l’ARC n’avait pas satisfait aux trois éléments du critère et a rejeté la demande.

Demande rejetée.

Contenu de la décision

Date: 20240717

Dossiers: 572-34-40472 à 40474

 

Référence: 2024 CRTESPF 90

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

Entre

 

Agence du revenu du Canada

demanderesse

 

et

 

Institut professionnel de la fonction publique du Canada

 

défendeur

Répertorié

Agence du revenu du Canada c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada

 

Affaire concernant une demande, déposée en vertu du paragraphe 71(1) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral, pour une ordonnance déclarant qu’un poste est un poste de direction ou de confiance

Devant : Christopher Rootham, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la demanderesse : Natalie Atherton, représentante

Pour le défendeur : Vance Coulas, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 28
février et les 20 et 27 mars 2024.

(Traduction de la CRTESPF)

 


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Aperçu

[1] L’Agence du revenu du Canada (ARC) a présenté une demande d’exclusion de trois postes de l’unité de négociation Vérification, finances et sciences représentée par l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC). Les trois postes sont rattachés à la Section de l’analyse démographique et de l’effectif de l’ARC. Cette section fournit des analyses statistiques et démographiques de l’effectif de l’ARC à ses cadres supérieurs. L’ARC a demandé l’exclusion de 3 des 14 postes de cette section : un poste de gestionnaire, un poste d’analyste principal et un poste d’analyste. L’ARC a fondé sa demande sur l’alinéa 59(1)h) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »).

[2] L’alinéa 59(1)h) de la Loi exige trois choses du titulaire du poste : (1) qu’il ait des fonctions et des responsabilités à l’égard du titulaire d’un poste qui est exclu en vertu de l’alinéa 59(1)b), c), d) ou f); (2) que ses fonctions et responsabilités soient confidentielles par rapport à ce poste; (3) que ses fonctions soient liées à des questions de relations de travail. J’ai conclu que l’ARC n’a pas démontré le deuxième élément de ce critère. Par conséquent, je rejette les demandes.

II. Contexte procédural

[3] La présente décision est émise en même temps que cinq autres décisions concernant des demandes présentées par un employeur en vue d’exclure un poste ou un groupe de postes visés au paragraphe 59(1) de la Loi. Les six décisions portent les numéros de référence neutre 2024 CRTESPF 90 à 95.

[4] Pour situer le contexte, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») est autorisée à trancher toute affaire sans tenir d’audience; voir l’article 22 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) et Walcott c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2024 CAF 68. Lorsque la Commission planifie une audience en personne pour une affaire d’exclusion, celle-ci dure généralement un ou deux jours au plus. Cependant, un grand nombre de demandes d’exclusion ont été déposées avant 2023. Par conséquent, la Commission a recensé 53 dossiers plus anciens susceptibles d’être tranchés par écrit.

[5] Les employeurs et les agents négociateurs ont tous deux intérêt à ce que les décisions soient rendues rapidement dans les cas d’exclusion. Le fait de prévoir 53 jours d’audience retarderait le règlement de bon nombre de ces cas d’exclusion, ainsi que les audiences relatives à d’autres cas que la Commission n’a pas encore prévus. Les cas d’exclusion se prêtent également bien aux audiences par écrit parce que, la plupart du temps, la preuve concernant les fonctions exercées par le poste en question n’est pas contestée et peut être fournie par l’employeur au moyen d’une combinaison de documents (y compris une description de poste) et de résumés de témoignages.

[6] Par conséquent, la Commission a écrit à trois employeurs et à deux agents négociateurs concernés par ces 53 dossiers. Une paire d’employeurs et d’agents négociateurs a identifié une demande plus récente qui était semblable à d’autres demandes existantes, de sorte que la Commission a émis des directives concernant environ 54 dossiers, dont certains concernaient plusieurs employés. Les directives fournissaient à l’employeur et à l’agent négociateur, dans chaque cas, un échéancier pour le dépôt des arguments écrits. Dans chaque cas, les parties ont également eu la possibilité de demander une audience en personne; aucune ne l’a fait. Dans de nombreux cas, la Commission a prolongé la période prévue pour la présentation des arguments initiaux de l’employeur afin de permettre aux parties de discuter de ces demandes d’exclusion. À la suite de ces discussions, la Commission n’a eu à se prononcer que sur 21 dossiers impliquant deux employeurs et deux agents négociateurs. Deux groupes constitués de ces 21 dossiers ont été regroupés parce qu’ils soulevaient tous la même question : un groupe de 14 (dans 2024 CRTESPF 91) et le présent groupe de 3.

[7] J’ai été chargé de trancher chacun de ces dossiers. Après les avoir examinés, j’ai conclu qu’ils pouvaient être tranchés par le moyen d’arguments écrits. Dans 2024 CRTESPF 95, j’ai posé une question complémentaire sur les dates d’entrée en vigueur de certains documents, mais autrement, j’ai pu trancher le cas en me fondant sur les documents déposés, les résumés de témoignages de l’employeur et les arguments écrits des deux parties. J’ai également déterminé que les trois demandes étaient fondées sur les mêmes motifs; j’ai donc ordonné aux parties de traiter ces trois cas ensemble et je ne rends qu’une seule décision pour les trois postes.

[8] Enfin, je tiens à remercier toutes les parties (les deux employeurs et les deux agents négociateurs) pour la qualité de leurs argumentations. Il était clair que les employeurs et les agents négociateurs ont travaillé fort pour résoudre la majorité de ces cas par eux-mêmes et que les cas restants soulevaient d’importants points de principe ou étaient des cas limites en raison de leurs faits (comme le présent cas). Ces cas n’étaient pas faciles; les arguments des parties les ont rendus plus faciles. Je les en remercie.

III. Les postes en question

[9] Ces trois postes sont rattachés à la Section de l’analyse démographique et de l’effectif de l’ARC. L’ARC explique que la section [traduction] « [...] fournit des services et des conseils en matière de démographie et effectue des analyses statistiques sur l’effectif de l’ARC qui répondent aux besoins des intervenants en ressources humaines au sein de l’ARC ». Par conséquent, les employés de cette section [traduction] « […] fournissent des renseignements, du soutien et des analyses de l’effectif aux cadres supérieurs et intermédiaires et aux divers spécialistes des ressources humaines dans l’ensemble de l’ARC [...] ».

[10] L’ARC a demandé l’exclusion de 3 des 14 postes de cette section, soit les postes de gestionnaire, Analyse de l’effectif et évaluation du rendement (classifié au groupe et au niveau MG-06); d’analyste principal de l’effectif (classifié au groupe et au niveau ES-05); et d’analyste de l’effectif (classifié au groupe et au niveau ES-04). Selon l’organigramme que l’ARC m’a fourni, 5 des autres postes de cette section sont vacants : un analyste, trois analystes subalternes et un poste intitulé Agent de soutien des programmes des RH. Parmi les postes dotés, 2 sont destinés à des étudiants de premier cycle universitaire, 1 est un stagiaire, 1 est un analyste subalterne, 1 est un analyste et il y a 1 autre analyste de l’effectif.

[11] Les arguments de l’ARC pour les trois postes sont pratiquement identiques. J’ai reproduit les arguments pour le poste de gestionnaire. L’IPFPC a également convenu que la preuve de l’ARC était pratiquement identique pour les trois postes. Ces arguments indiquent ce qui suit :

[Traduction]

[...]

20. Les analyses de l’effectif élaborées par les titulaires contribuent à l’élaboration de la politique de l’ARC en matière de ressources humaines en tant qu’employeur distinct. À la lumière des demandes qu’ils reçoivent et des rapports qu’ils préparent, ils sont informés des changements proposés au programme des ressources humaines du gouvernement du Canada et de l’ARC afin de déterminer l’incidence nationale sur l’organisation. Les titulaires contribuent aux plans de surveillance des programmes de ressources humaines qui évaluent l’efficacité et la conformité des politiques de l’ARC. Ils sont en mesure de voir les tendances et les modèles dans les demandes reçues, et les données générées en réponse. Lors de la préparation des données, ils voient les informations brutes, tandis que de petits nombres seront supprimés lorsque les informations seront divulguées pour protéger l’identité des employés. Ainsi, ils pourraient prendre connaissance des circonstances associées à des cas particuliers.

21. La Direction générale des ressources humaines (DGRH) et l’ARC reconnaissent l’importance d’utiliser la capacité analytique et les données sur les RH de l’Agence pour maximiser leur capacité de prendre des décisions éclairées fondées sur des preuves. La Stratégie relative aux données de la DGRH, publiée en novembre 2018, établit plusieurs objectifs qui sont liés à la vision de l’Agence sur les données et l’analytique, notamment : le savoir-faire en matière de données et l’analytique avancée (mener des recherches à l’aide des données sur les RH). Le savoir-faire en matière de données est nécessaire pour garantir des attentes appropriées sur ce que les données peuvent et ne peuvent pas dire, sur la manière dont les données sont traitées et sur le processus de nettoyage de base. Il existe de nombreuses façons de saisir et d’interpréter des données dans les systèmes qui peuvent produire des données, des conclusions et/ou des recommandations inexactes, conduisant à des décisions fondées sur des informations incorrectes. L’analytique avancée commence par une question à laquelle il faut répondre et la méthodologie choisie pour y répondre, afin de s’assurer que la réponse obtenue est fiable et valide.

22. Comme les titulaires de ces postes sont représentés, il arrive que la direction ou les intervenants du secteur des ressources humaines doivent limiter la quantité d’informations qu’ils communiquent avec leurs demandes. Il pourrait devenir difficile pour les titulaires de démontrer qu’ils maîtrisent bien les données et de mettre au point des analyses avancées s’ils ne reçoivent pas des renseignements complets sur le problème ou les questions à l’étude. Il s’agit d’une lacune importante pour l’ARC, car les titulaires possèdent des connaissances et des compétences particulières liées à la collecte, à la manipulation, à l’analyse et à l’interprétation des données et des renseignements qui ne sont pas pleinement utilisées. Il serait avantageux pour presque tous les intervenants des ressources humaines et les secteurs de programme de tirer parti de cette expertise.

23. Par exemple, les titulaires ne fournissent actuellement pas de conseils et d’orientations sur les documents confidentiels en cours de négociation, car ils ne sont pas exclus, ce qui pourrait les placer en situation de conflit d’intérêts. En cas d’exclusion des titulaires, ceux-ci seraient appelés à participer au processus de négociation de manière ouverte et transparente (de la planification à l’exécution en passant par le suivi), ce qui les mettrait au courant des documents confidentiels des négociations (par exemple, mandats, propositions, etc.). Ils pourraient analyser l’incidence des modifications proposées sur l’organisation et fournir une interprétation des documents liés à la préparation du mandat de l’employeur, à l’élaboration des propositions et aux réponses aux propositions des agents négociateurs. Il serait avantageux pour le processus de négociation que les titulaires participent davantage à l’élaboration de la stratégie de négociation.

[...]

 

 

[12] L’IPFPC souligne que les descriptions de travail des trois postes ne fournissent pas cette explication des fonctions de ces postes. L’IPFPC souligne que des trois descriptions de travail, seule celle du gestionnaire fait référence à la négociation collective de quelque façon que ce soit – et cette description de travail ne la mentionne qu’une seule fois. J’ai trouvé instructive la référence à la négociation collective dans la description de travail et, par conséquent, je la reproduis intégralement ci-dessous :

[Traduction]

[...]

Gère l’analyse des données démographiques et autres concernant l’effectif de l’ARC, les compare aux données des secteurs public et privé, et fournit des conseils et des opinions sur l’interprétation et l’application de ces données au ministre, au commissaire, au Comité de gestion de l’Agence et aux équipes de la haute direction des directions générales et des régions. L’information est utilisée pour élaborer des stratégies et des plans de ressourcement, de maintien en poste, d’apprentissage, d’organisation et de classification, de relations de travail, de négociation collective et d’autres stratégies et plans de gestion des ressources humaines.

[...]

 

 

[13] Je remarque que la description de travail ne précise pas que le poste est responsable de la négociation collective. La description de travail indique plutôt que le titulaire du poste fournit de l’information qui est utilisée par d’autres personnes pour élaborer des stratégies de négociation collective.

IV. Fondement de la demande

[14] Comme je l’ai mentionné dans l’aperçu, l’ARC a demandé l’exclusion de ces trois postes en vertu de l’alinéa 59(1)h) de la Loi. Cet alinéa se lit comme suit :

59(1)h) poste de confiance occupé, en matière de relations de travail, auprès des titulaires des postes visés aux alinéas b), c), d) et f).

59(1)h) the occupant of the position has, in relation to labour relations matters, duties and responsibilities confidential to the occupant of a position described in paragraph (b), (c), (d) or (f).

 

[15] Comme en témoigne son texte, l’alinéa 59(1)h) comporte trois éléments. Le titulaire du poste doit avoir des fonctions et des responsabilités (1) à l’égard du titulaire d’un poste exclu en vertu des quatre alinéas énumérés, (2) confidentielles à l’égard de ce poste et (3) liées à des questions de relations de travail.

[16] L’ARC soutient que les trois postes satisfont aux trois éléments. Comme je vais l’expliquer, je ne suis pas d’accord.

A. Fonctions et responsabilités envers le titulaire d’un poste exclu

[17] L’ARC indique que ces postes remplissent des fonctions pour la [traduction] « haute direction », et les descriptions de travail font référence au commissaire ou aux commissaires adjoints de l’ARC comme destinataires de leurs rapports. L’IPFPC ne conteste pas que les fonctions et responsabilités sont exercées pour des postes exclus en vertu de l’alinéa 59(1)b), c), d) ou f) de la Loi. Par conséquent, l’ARC s’est acquittée du fardeau qui lui incombait de satisfaire à cet élément.

B. L’exigence de confidentialité

[18] La principale décision rendue dans la présente administration au sujet de la signification des fonctions confidentielles demeure Canada (Conseil du Trésor) c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Groupe des services correctionnels), [1979] C.R.T.F.P.C. no 9 (QL), au paragraphe 48 (« Sisson »). La Commission continue d’appliquer les principes énoncés dans Sisson, comme en témoignent les décisions Conseil du Trésor c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2017 CRTEFP 11, au paragraphe 37, et Conseil du Trésor c. Fédération de la police nationale, 2023 CRTESPF 110, au paragraphe 205. Dans Conseil du Trésor c. Association des juristes de Justice, 2020 CRTESPF 3, au paragraphe 69 (confirmée dans 2021 CAF 37), la Commission a résumé les principes de Sisson comme suit (et les citations proviennent de Sisson, aux par. 48 à 51) :

a. Le simple fait qu’un employé a accès à des renseignements confidentiels ne signifie pas en soi qu’il est préposé à des fonctions confidentielles.

b. Pour qu’il y ait exclusion en raison de fonctions confidentielles, il doit exister entre l’employeur et l’employé « un rapport dont la nature diffère des rapports généraux habituels et qui comporte un certain degré de confiance ». Il doit également exister un élément de confiance personnelle qui permet de « penser tout haut » à certaines questions.

c. Dans de nombreux cas, la nature même des renseignements exige que ceux-ci ne soient révélés à aucun des membres d’un groupe dont la plupart des employés font partie.

d. Les questions confidentielles auxquelles la personne a accès doivent avoir trait aux relations industrielles.

e. La divulgation des renseignements pourrait nuire à l’employeur.

f. L’accès à ce genre de renseignements doit entrer dans le cadre des fonctions importantes et habituelles de l’employé. Il ne suffit pas que l’accès soit occasionnel.

[Traduction]

g. L’exclusion visant le poste de confiance doit être interprétée de façon restrictive afin d’éviter des circonstances dans lesquelles l’employeur désigne un nombre disproportionné de personnes comme titulaires de postes de confiance et de s’assurer que le nombre maximal de personnes ait le droit et les libertés découlant de la négociation collective.

h. Le refus des droits de négociation collective aux personnes occupant un poste de confiance est fondé sur un motif ayant trait au conflit d’intérêts. L’employeur a l’obligation d’organiser ses affaires de façon que ses employés ne soient pas occasionnellement placés en conflits d’intérêts éventuels si ce résultat peut être facilement évité.

 

 

[19] L’ARC n’a fourni aucune preuve qui répondrait au deuxième de ces huit principes. Les employés occupant ces postes reçoivent et analysent des données. Selon l’ARC, ces employés [traduction] « fournissent des renseignements, du soutien et des analyses de l’effectif ». Rien de tout cela n’indique qu’il y ait une certaine forme de confidentialité entre les analystes et les bénéficiaires de ces analyses.

[20] Ce fait ressort particulièrement des parties des descriptions de travail sur lesquelles l’ARC s’est appuyée dans ses réfutations écrites. En réponse à un argument de l’IPFPC selon lequel les descriptions de travail ne fournissaient pas un lien suffisant avec les [traduction] « relations de travail » (question sur laquelle je reviendrai plus tard), l’ARC a cité un paragraphe de chacune des descriptions de travail.

[21] Dans la description de travail de l’analyste de l’effectif, on peut lire ce qui suit : [traduction] « Fournit des analyses et des interprétations détaillées des données démographiques et du marché du travail en réponse aux demandes d’information du Conseil de direction [...] » [je mets en évidence]. Il n’y a pas d’élément de [traduction] « réflexion à haute voix » – il y a une demande d’information et une analyse de cette information.

[22] D’après la description de travail de l’analyste principal de l’effectif, il [traduction] « élabore des présentations PowerPoint qui seront présentées par la haute direction [...] » lors de différents forums. Il n’y a aucun élément de [traduction] « réflexion à haute voix » – ils rédigent une présentation PowerPoint et ne collaborent pas de façon confidentielle avec la haute direction.

[23] Enfin, dans la description de travail du gestionnaire, on peut lire ceci : [traduction] « Gère l’élaboration des rapports liés aux cadres, processus, normes et méthodes de collecte, de compilation, d’analyse et de présentation de l’information sur les effectifs et les programmes à la haute direction de l’Agence [...] » [je mets en évidence] et « [...] donne des conseils et des opinions sur l’interprétation et l’application de ces données [...] » à la haute direction. La présentation de renseignements à un employé occupant un poste de niveau supérieur n’est pas la même chose que le fait d’être confidentiel à l’égard de ce poste.

[24] J’ai également cité la dernière partie concernant la prestation de conseils par le gestionnaire, car il convient de noter que l’ARC n’a pas demandé l’exclusion de ce poste en vertu de l’alinéa 59(1)c) de la Loi (c.-à-d. qu’il fournit des conseils en matière de relations de travail). Puisque l’alinéa 59(1)c) exclut les postes qui fournissent des conseils en matière de relations de travail, le fait de fournir des conseils ne peut pas être ce que le législateur envisageait dans une relation confidentielle en vertu de l’alinéa 59(1)h) – sinon, la disposition serait redondante.

[25] L’ARC a également fait valoir que les postes devraient être exclus parce que, lorsqu’ils préparent leurs analyses des données, les titulaires verront les [traduction] « renseignements bruts », ce qui signifie que [traduction] « ils pourraient prendre connaissance des circonstances associées à des cas particuliers ». Toutefois, comme la Commission l’a souligné à maintes reprises de Sisson à Association des juristes de Justice, « [l]e simple fait qu’un employé a accès à des renseignements confidentiels ne signifie pas en soi qu’il est préposé a des fonctions confidentielles » (voir Association des juristes de Justice, au par. 69). Pourtant, c’est exactement ce que l’ARC fait valoir dans le présent cas : que le fait d’avoir accès à de l’information rend leur poste confidentiel à l’égard d’un cadre supérieur. Ce n’est pas le cas.

[26] Enfin, comme je l’ai souligné précédemment, un employeur a l’obligation d’organiser ses affaires de façon à ce que ses employés ne soient pas placés en situation de conflit d’intérêts si cela peut être évité. C’est exactement ce que l’ARC a fait. L’ARC reconnaît que [traduction] « [...] les titulaires ne fournissent actuellement pas de conseils et d’orientation sur les documents confidentiels en cours de négociation, car ils ne sont pas exclus, ce qui pourrait les placer en situation de conflit d’intérêts ». L’ARC ajoute qu’il [traduction] « serait avantageux » pour elle que la Commission exclue ces postes afin que ces derniers puissent participer plus intensément aux négociations collectives.

[27] La demande d’un employeur d’exclure des postes doit être fondée sur les fonctions que le poste exécute – pas sur les fonctions que l’employeur aimerait que le poste exécute à l’avenir; voir CUPE v. Resort Village of Candle Lake, 2022 CarswellSask 340, au paragraphe 80, et Peel Children’s Aid Society v. CUPE, 2015 CarswellOnt 13808, au paragraphe 22. De même, l’ARC peut ne pas justifier l’exclusion d’un poste parce qu’elle veut lui assigner de nouvelles fonctions à l’avenir. Cela irait à l’encontre de l’obligation de l’ARC d’organiser ses affaires afin de réduire au minimum les exclusions prévues à l’alinéa 59(1)h) de la Loi. Elle l’a déjà fait, et elle n’a pas expliqué pourquoi elle ne pourrait pas continuer à le faire.

[28] Enfin, j’ai examiné des cas où des commissions du travail ont exclu des employés qui fournissent des analyses financières à un employeur, comme O.P.E.I.U., Local 166 v. Spruce Falls Power & Paper Co, 1980 CarswellOnt 885, et York University Staff Assn. v. York University, 1975 CarswellOnt 795. Dans ces cas, les commissions du travail ont exclu les employés qui fournissaient une analyse financière à un employeur au sujet des coûts des propositions de négociation collective faites par un syndicat. La relation entre la négociation collective et l’analyse fournie était immédiate et directe. Dans le présent cas, il n’y a pas de lien immédiat et direct entre la négociation collective et l’analyse effectuée. Comme je l’expliquerai plus loin, j’accepte que l’analyse effectuée par ces postes porte sur les relations de travail; toutefois, les postes n’ont toujours pas la relation immédiate et directe avec un autre employé exclu qui caractérise les autres décisions.

[29] En conclusion, l’ARC n’a pas démontré que ces trois postes sont confidentiels pour la haute direction. Les employés occupant ces trois postes analysent des données et présentent cette analyse à la haute direction. L’ARC n’a fourni aucune preuve ni même affirmé que les employés occupant ces postes participent aux délibérations de la haute direction sur les questions de relations de travail ou sont présents lorsque la haute direction [traduction] « réfléchit à haute voix » au sujet de ces questions. En ce qui concerne les éléments de preuve fournis par l’ARC, les employés occupant ces postes reçoivent des données (dont certaines sont confidentielles) et sont invités à produire des rapports ou des présentations à partir de ces données. Le fait d’analyser les données et d’en rendre compte ne crée pas le genre de relation confidentielle visée à l’alinéa 59(1)h) de la Loi.

C. L’exigence des relations de travail

[30] L’IPFPC soutient que ni les griefs ni les relations de travail ne constituent une partie importante ou régulière du travail effectué par ces postes. Comme l’indique Association des juristes de Justice, les critères de confidentialité et de relations de travail énoncés à l’alinéa 59(1)h) sont liés de telle sorte que le contact avec des questions confidentielles de relations de travail doit constituer une partie importante et régulière des fonctions de ces postes.

[31] L’argument principal de l’IPFPC est que des renseignements démographiques et statistiques ne peuvent pas être de l’information sur les « relations de travail ». Je suis respectueusement en désaccord. La Commission, dans Association des juristes de Justice, a défini « relations de travail » aux fins des alinéas 59(1)c) et h) de la Loi comme étant les types de questions qui relèvent de la partie I de la Loi. L’IPFPC m’exhorte à adopter ce sens, et je l’ai fait.

[32] Cependant, le travail effectué porte sur la négociation collective, entre autres. La description de travail du gestionnaire indique que l’information est utilisée pour la [traduction] « négociation collective ». La relation avec les relations de travail est claire dans ce cas. Les autres descriptions de travail précisent que les employés qui occupent ces postes fournissent de l’information qui sert à [traduction] « élaborer des stratégies et des plans de ressourcement des RH » et à [traduction] « élaborer des stratégies de recrutement et de perfectionnement ». Le recrutement et le maintien en poste sont des facteurs clés de la stratégie de négociation collective, comme en témoigne leur inclusion dans la liste des facteurs pris en considération par les conseils d’arbitrage en vertu de l’alinéa 148a) de la Loi.

[33] En ce qui concerne l’exigence selon laquelle il s’agit d’une partie [traduction] « importante et régulière » des fonctions du poste, je conclus également que l’ARC l’a démontré. Le travail de cette section répond aux besoins de tous les intervenants en ressources humaines à l’ARC. Bien que le terme « relations de travail », tel que défini dans Association des juristes de Justice, soit plus étroit que tous les aspects des « ressources humaines », les types d’information analysés et relayés dans ce cas peuvent tous avoir une application en matière de relations de travail ainsi qu’une application à d’autres aspects des ressources humaines. L’intersection avec les relations de travail est importante et régulière.

[34] Par conséquent, j’ai conclu que l’ARC a satisfait à l’exigence prévue à cet élément de l’alinéa 59(1)h) de la Loi.

[35] Toutefois, l’ARC doit satisfaire aux trois éléments prévus à l’alinéa 59(1)h) de la Loi. Elle n’a pas démontré qu’elle satisfaisait au deuxième élément – à savoir, démontrer que les postes sont vraiment « confidentiels » pour les autres postes exclus.

[36] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[37] La demande est rejetée.

Le 17 juillet 2024.

Traduction de la CRTESPF

Christopher Rootham,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

 

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