Décisions de la CRTESPF
Informations sur la décision
Le plaignant a présenté une plainte de pratique déloyale de travail, alléguant que les défendeurs présumés avaient entrepris des mesures de représailles contre lui pour les griefs qu’il avait déposés et pour l’obliger à s’abstenir de déposer un grief ou une plainte – il avait déposé des griefs auprès de la direction de la Commission de la fonction publique (CFP) au sujet d’une lettre de réprimande, d’une suspension de cinq jours sans solde et de la cessation de son emploi – les parties ont réglé les griefs – le plaignant a fini par prendre sa retraite – après avoir pris sa retraite, le Centre des services de paye lui a demandé de rembourser une somme d’argent, qu’il a allégué être de l’extorsion car il avait déposé des griefs – il a énuméré 10 défendeurs allégués – la Commission a trouvé que le seul défendeur approprié était le Conseil du Trésor en tant qu’employeur légal des employés de la CFP, contre qui une plainte de pratique déloyale de travail avait été présentée, étant donné que le plaignant était un employé de la CFP avant de prendre sa retraite – la Commission a rejeté la demande qui avait été faite à l’encontre d’employés précis qui représentaient le défendeur, au motif qu’il ne servirait à rien de les nommer séparément en tant que défendeurs – elle a rejeté la demande du plaignant d’inscrire l’Association canadienne des employés professionnels en tant que défendeur étant donné qu’il s’agit d’une organisation syndicale – le plaignant a formulé des allégations sur des événements qui remontaient loin dans le temps, la cessation de son emploi, des problèmes relatifs au règlement des griefs renvoyés à la Commission, des difficultés concernant la mise en œuvre d'un règlement conclu pour ces griefs, des problèmes avec le Centre des services de paye et des problèmes concernant le rapprochement de ses retenues d’impôt et de ses obligations – le plaignant a allégué que ces actes s’ajoutaient à une tendance de harcèlement et de préjudice intentionnel parce qu’il avait déposé des griefs, ce qui équivalait à une pratique déloyale de travail – en outre, il a allégué une fraude, la falsification de documents fiscaux et une inconduite en vertu du Code de déontologie du Barreau de l’Ontario – en vertu de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2), la Commission a le pouvoir de rendre des décisions sur les plaintes de pratiques déloyales de travail – elle n’a pas le pouvoir de rendre des décisions sur des violations présumées du Code criminel (L.R.C. (1985), ch. C-46), de la Loi de l’impôt sur le revenu (L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.)), ou du Code de déontologie du Barreau de l’Ontario – par conséquent, la Commission n’avait pas compétence pour déterminer les violations alléguées – quant au respect des délais de la plainte, la Commission a conclu qu’une seule allégation de la plainte relevait de sa compétence, c.-à-d. que la demande de remboursement du montant par le plaignant en raison d’un trop-payé constituait une pratique déloyale de travail – la Commission a conclu qu’il n’avait pas établi de cause défendable – il n’a pas plaidé des faits qui auraient permis à la Commission de conclure que la demande constituait des représailles contre lui pour avoir déposé un grief ou une plainte, pour avoir participé à un processus de grief ou de plainte, ou pour l’obliger à s’abstenir de présenter un grief équivalant à une pratique déloyale de travail.
Plainte rejetée.
Contenu de la décision
Date: 20240722
Dossier: 561-02-44559
Référence: 2024 CRTESPF 97
relations de travail et de l’emploi
dans le secteur public fédéral et
Loi sur les relations de travail
dans le secteur public fédéral
|
|
ENTRE
Neil Killips
plaignant
et
Conseil du Trésor
(Commission de la fonction publique)
Répertorié
Killips c. Conseil du Trésor (Commission de la fonction publique)
Devant : David Orfald, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour le plaignant : Lui-même
Pour le défendeur : Emily Rahn, avocate
Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 12 avril et les 3 et 29 juin 2022,
et le 31 août, le 27 septembre et le 19 octobre 2023.
(Traduction de la CRTESPF)
MOTIFS DE DÉCISION
|
(TRADUCTION DE LA CRTESPF)
|
I. Introduction
[1] Un ancien collègue a mentionné l’importance, lorsqu’il s’agit de trancher un grief ou une plainte de pratique déloyale de travail, de déterminer d’abord la nature ou le caractère « essentiel » de ce grief ou de cette plainte.
[2] Dan Butler était récemment commissaire à temps partiel de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et a aussi été commissaire à temps plein d’un prédécesseur de la Commission, la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la Commission actuelle et ses prédécesseurs sont collectivement appelés dans la présente décision la « Commission »). Plusieurs des décisions que M. Butler a rendues pour le compte de la Commission parlaient de l’importance de déterminer le caractère essentiel d’un différend; voir Amos c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2008 CRTFP 74, aux paragraphes 75 et 102 (confirmée dans Canada (Procureur général) c. Amos, 2011 CAF 38); Malette c. Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 99, aux paragraphes 31, 42 et 43; Boshra c. Association canadienne des employés professionnels, 2009 CRTFP 100, au par. 23 (confirmée dans 2011 CAF 98, voir le par. 41); Manella c. Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 128, au par. 19.
[3] Les différends sous-jacents dans ces quatre décisions variaient, mais l’approche commune adoptée par la Commission était de déterminer le caractère essentiel du différend avant de rendre une décision. Il fallait parfois exécuter cette tâche afin de déterminer si la Commission avait compétence pour entendre l’affaire (dans Amos et Malette) ou si le défaut de respecter les délais l’emportait sur la compétence de la Commission (dans Boshra). Dans le cas de Manella, la tâche était de déterminer l’essence de la préoccupation du plaignant et chercher à savoir si cette préoccupation constituait une pratique déloyale de travail de la part des prétendus défendeurs de la plainte.
[4] J’ai gardé ce principe à l’esprit pendant l’examen de la plainte de pratique déloyale de travail devant moi.
[5] Le 12 avril 2022, Neil Killips (le « plaignant ») a présenté une plainte de pratique déloyale de travail à la Commission en vertu de l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »). Les deux premiers paragraphes de la plainte se lisaient comme suit :
[Traduction]
Cette plainte découle d’un courriel envoyé au défendeur le 9 février 2022 par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada dans lequel il extorquait 7 746,70 $ au plaignant. Le défendeur avait connaissance ou aurait dû avoir connaissance du fait que le plaignant ne lui devait pas ce montant.
Le défendeur a extorqué de l’argent au plaignant parce que le plaignant avait déposé deux griefs et avait ensuite emmené le défendeur devant la Commission lorsque ce dernier n’avait pas respecté une entente découlant des griefs.
[Le passage en évidence l’est dans l’original]
[6] Faisant fond sur cette description plutôt convaincante, le plaignant a énuméré 8 défendeurs potentiels (ce nombre est ensuite passé à plus de 10). Il a fait des allégations concernant des événements remontant à 2015, la cessation de son emploi en 2018, des problèmes concernant le règlement des griefs qui avaient été renvoyés à la Commission en 2019, des difficultés concernant la mise en œuvre d’un règlement conclu en 2020 pour ces griefs, des problèmes avec le centre des services de paye de la fonction publique et des problèmes concernant le rapprochement de ses déductions et obligations liées à l’impôt sur le revenu.
[7] En bref, le plaignant a allégué que ces actes s’ajoutaient à des actes de harcèlement et de préjudice intentionnel parce qu’il a déposé des griefs, ce qui équivalait à une pratique déloyale de travail interdite par la Loi. Les mesures de réparation qu’il demandait comprenaient 10 points différents qui dépassaient 2,5 millions de dollars en paiements ponctuels, en plus d’une rente à vie de 125 000 $.
[8] Comme il est indiqué dans les motifs qui suivent, la Commission a demandé aux parties de présenter leurs arguments au sujet de la portée de la plainte, des défendeurs appropriés pour celle-ci et de la compétence de la Commission d’examiner les allégations et d’accorder les mesures de réparation demandées par le plaignant.
[9] Je suis convaincu de pouvoir rendre une décision sur cette plainte sans tenir d’audience orale, comme le prévoit l’article 22 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365; la « Loi sur la Commission »).
[10] Après avoir examiné les longs arguments écrits des parties, je reviens à la nécessité de déterminer le caractère essentiel ou la nature de cette plainte. L’événement qui a déclenché la plainte a été la demande faite par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC), maintenant connu sous le nom de Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC), par l’intermédiaire de son Centre des services de paye (le « Centre des services de paye de SPAC »), pour le remboursement d’un trop-payé versé au plaignant. De toute évidence, il ne voulait pas rembourser le montant et il ne pensait pas qu’il devait le rembourser. Il a déposé la présente plainte en réponse.
[11] Dans l’analyse définitive, je conclus que la question essentielle dont la Commission est saisie est de savoir si le plaignant a établi une cause défendable selon laquelle la demande de remboursement du Centre des services de paye de SPAC était un acte de représailles qui constituait une pratique déloyale de travail en vertu de la Loi. Pour les motifs qui suivent, je conclus qu’il n’a pas établi une cause défendable selon laquelle le défendeur, défini plus tard sous le nom de Conseil du Trésor (Commission de la fonction publique), a commis une pratique déloyale de travail, et la plainte est rejetée.
II. La structure de cette décision
[12] J’ai structuré ces motifs de décision sous les titres suivants :
· « La plainte », qui présente le contenu de la plainte;
· « Mesures de gestion des cas » décrit les mesures prises par la Commission pour gérer le dossier de plainte et inviter les parties à présenter d’autres arguments;
· « Le contexte factuel de la plainte » s’appuie sur les arguments des parties afin d’établir certains faits essentiels pertinents à la détermination de la plainte;
· « Le ou les défendeurs appropriés à la plainte » : J’analyse les arguments des parties sur la question des défendeurs appropriés pour la plainte et je rends une décision à cet égard;
· « La portée de la compétence de la Commission » : J’analyse les arguments des parties sur la question de la compétence de la Commission et je rends une décision à cet égard;
· « Autres décisions de gestion des cas » fournit mes décisions sur d’autres questions soulevées pendant la présentation des arguments des parties;
· « L’analyse de la cause défendable » indique la place d’une analyse de cas discutable dans l’évaluation des plaintes de pratiques déloyales de travail;
· « Analyse et motifs » résume les positions des parties quant à savoir si le plaignant a établi une cause défendable selon laquelle le défendeur a commis une pratique déloyale du travail et fournit les motifs pour lesquels j’ai rejeté la plainte.
[13] Dans la présente décision, je fais référence aux documents suivants soumis par les parties :
· la plainte déposée le 12 avril 2002, comprenant 17 pages (la « plainte »);
· la réponse du défendeur à la plainte du 3 juin 2022, comprenant 4 pages (la « réponse du défendeur de juin 2022 »);
· la réponse du plaignant du 29 juin 2022 à la réponse du défendeur en juin 2022, comprenant 7 pages (la « réponse du plaignant de juin 2022 »);
· les arguments écrits du défendeur, comprenant 6 pages, en date du 31 août 2023 (les « arguments du défendeur d’août 2023 »);
· les arguments écrits du plaignant, comprenant 20 pages, en date du 27 septembre 2023 (les « arguments du plaignant de septembre 2023 »);
· les arguments en réplique du défendeur, comprenant 3 pages, en date du 19 octobre 2023 (les « arguments du défendeur d’octobre 2023 »).
III. La plainte
[14] Je commencerai par expliquer la plainte en détail.
[15] Comme il a été mentionné, les deux premiers paragraphes de la plainte portaient sur le contenu d’un courriel adressé au plaignant le 9 février 2022 par le Centre des services de paye de SPAC. Il a dit que le courriel demandait le remboursement d’un trop-payé de 7 746,70 $. Il a dit que la demande équivalait à une extorsion et que les défendeurs présumés savaient ou auraient dû savoir qu’il ne devait pas ce montant au défendeur.
[16] Le plaignant a allégué que les actes du défendeur constituaient une pratique déloyale en vertu des alinéas 186(2)a) et c) de la Loi. Il a allégué que le remboursement demandé était [traduction] « […] le dernier acte d’une campagne de six ans de malveillance juridique dirigée contre le plaignant » et qu’il équivalait à un harcèlement criminel.
[17] En plus d’alléguer une violation de la Loi, le plaignant a allégué des violations du Code criminel (L.R.C. (1985), ch. C-46), en particulier la fraude, l’extorsion et le harcèlement criminel. Il a dit que les défendeurs présumés avaient enfreint la Loi de l’impôt sur le revenu (L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.)), notamment en produisant de [traduction] « faux documents fiscaux ». Il a également allégué qu’un avocat employé par le ministère de la Justice avait enfreint le Code de déontologie du Barreau de l’Ontario en commettant une inconduite.
[18] Les défendeurs énumérés dans la plainte comprenaient : le gouvernement du Canada, la Commission de la fonction publique, le ministère de la Justice, le ministre de la Justice, l’Agence du revenu du Canada, le ministre des Finances, le Centre des services de paye et le ministre des Services publics et de l’Approvisionnement du Canada.
[19] En ce qui concerne les mesures correctives, le plaignant a demandé une ordonnance de restriction à l’encontre du gouvernement du Canada interdisant toute communication future avec lui, sauf en ce qui concerne la présente plainte.
[20] Il a aussi demandé que la Commission ordonne aux défendeurs de faire ce qui suit :
[Traduction]
[…]
1. verser au plaignant 200 000 $ afin qu’il retienne les services d’un avocat compétent pour réparer le gâchis que le défendeur a causé au plaignant, y compris le règlement du cas du plaignant;
2. verser au plaignant 125 000 $ (le salaire du plaignant au moment de quitter son emploi) par année pour les années 2016 à 2021 inclusivement afin d’indemniser le plaignant pour les pertes de salaire pendant cette période,
3. verser au plaignant 250 000 $ par année pour les années 2016 à 2021 inclusivement afin d’indemniser le plaignant des souffrances et douleurs qu’il a connues parce qu’il a été victime de harcèlement criminel et d’attaques pendant six ans par le gouvernement du Canada pendant qu’il était invalide et en congé de maladie;
4. verser au plaignant une rente viagère de 125 000 $ afin de l’indemniser pour ses pertes de revenu – puisque le plaignant est devenu invalide de façon permanente pendant qu’il était victime de harcèlement criminel de la part du défendeur – selon ses propres experts médicaux;
5. verser au plaignant 300 000 $ en remplacement d’un compte rendu définitif et exact, puisque le défendeur a déjà démontré très clairement qu’il n’était pas disposé à rédiger un tel compte rendu;
6. rectifier de façon satisfaisante la situation fiscale du plaignant en « ramenant à zéro » le compte du plaignant et en versant au plaignant une indemnité de 100 000 $ pour les milliers inconnus et innombrables que l’ARC a déjà injustement pris du plaignant;
7. verser au plaignant 400 000 $ afin qu’il retienne les services d’un comptable professionnel et compétent et d’un avocat compétent pour s’assurer que le défendeur s’est conformé de façon satisfaisante à toutes les ordonnances que la Commission peut émettre et de répondre à tout autre harcèlement et à toute autre question juridique découlant du manquement inévitable du défendeur à l’une ou l’autre des ordonnances de la Commission;
8. se référer à la police pour enquêter sur la violation des paragraphes 346(1), 380(1), 366(1), 264(1), 372(1) et 372(3) du Code criminel et du paragraphe 239(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu;
9. imposer une amende de 10 000 $ au défendeur pour avoir enfreint le paragraphe 186(2) de la Loi en harcelant un employé actuel et ancien au moyen des ressources du gouvernement du Canada, y compris, mais sans s’y limiter, le ministère de la Justice et l’Agence du revenu du Canada;
[…]
[21] Dans sa réponse de juin 2022, le défendeur a soutenu que la demande de remboursement de février 2022 avait été faite par le Centre des services de paye de SPAC pour un montant net de 3 162,21 $, en raison des paiements versés au plaignant pendant une période de congé non payé du 5 mai au 2 juin 2016. Il a nié l’existence d’un lien entre la demande de remboursement et l’exercice des droits qui lui sont conférés par la Loi. Il a affirmé que le plaignant n’avait pas réussi à établir une cause défendable selon laquelle il avait enfreint la Loi et a demandé que la Commission rejette la plainte.
IV. Étapes de gestion des cas
[22] Je décrirai brièvement les mesures prises par la Commission pour gérer le dossier de plainte et inviter les parties à présenter d’autres arguments.
[23] Comme il a été mentionné, la plainte a été présentée le 12 avril 2022. Le 3 octobre 2022, elle m’a été confiée afin que je détermine si elle pouvait être résolue par une gestion des cas ou par des arguments écrits.
[24] Après avoir communiqué avec les parties pour connaître leur disponibilité, le 19 janvier 2023, j’ai convoqué une conférence de gestion des cas (CGC) par audioconférence téléphonique.
[25] À la suite de la CGC, sous la forme d’une lettre de décision datée du 27 janvier 2023 (la « lettre de décision »), j’ai fourni des directives demandant aux parties de présenter des arguments écrits sur les quatre questions suivantes concernant la plainte :
[Traduction]
[…]
1) Qui sont les défendeurs appropriés pour la présente plainte?
2) Quels aspects de la plainte relèvent de la compétence de la Commission et lesquels, le cas échéant, ne relèvent pas de la compétence de la Commission?
3) En ce qui concerne le fond de la plainte, la partie souhaite-t-elle ajouter quelque chose aux arguments présentés à ce jour? (À ce stade, les parties voudront peut-être soumettre des documents et fournir d’autres références de jurisprudence à l’appui de leur position.)
4) Parmi les mesures de réparation demandées dans la plainte, lesquelles relèvent des pouvoirs de la Commission et lesquelles (s’il y a lieu) n’en relèvent pas?
[…]
[26] La lettre de décision précisait également que [traduction] « à la suite du processus de présentation d’arguments écrits, la Commission peut rendre une décision écrite sur la plainte, organiser une autre conférence de gestion des cas, demander d’autres arguments écrits ou planifier une audience orale pour l’instruction de la plainte ».
[27] À la suite de la lettre de décision rendue, les parties ont convenu de participer à la médiation de la plainte en recourant aux services des Services de médiation et de règlement des différends (SMRD) de la Commission. Par conséquent, le 21 février 2023, j’ai suspendu le processus d’arguments écrits.
[28] Après avoir appris que la médiation n’avait pas permis de résoudre la plainte, j’ai ordonné la reprise du processus d’arguments écrits. Le 16 juillet 2023, un échéancier a été établi pour la présentation des arguments des parties. Il en a découlé les arguments d’août 2023 du défendeur, les arguments de septembre 2023 du plaignant et les arguments du défendeur d’octobre 2023.
V. Le contexte factuel de la plainte
[29] Il s’agit d’une plainte de pratique déloyale de travail, dans laquelle il est allégué que les défendeurs (allégués) ont pris des mesures de représailles contre le plaignant pour des griefs qu’il a déposés, en violation de l’alinéa 186(2)a) de la Loi, et l’ont obligé à s’abstenir de déposer un grief ou une plainte, en violation de l’alinéa 186(2)c). À la lumière de cette information, il est important de prendre note de certains faits concernant deux griefs que le plaignant avait déposés et renvoyés à la Commission. Ces faits sont tirés des arguments des parties et du dossier dont la Commission est saisie.
[30] Avant de déposer cette plainte, le plaignant était un employé de la Commission de la fonction publique (la « CFP »).
[31] Le 26 novembre 2015, le plaignant a présenté un grief à la direction de la CFP au sujet d’une lettre de réprimande et d’une suspension sans solde de cinq jours qui lui a été signifiée le 26 novembre 2015. Ce grief a été renvoyé à l’arbitrage devant la Commission le 25 mars 2019 et est devenu le dossier de la Commission 566-02-40246.
[32] Le 25 septembre 2018, le plaignant a déposé un grief à la CFP concernant la cessation de son emploi le 21 septembre 2018. Ce grief a été renvoyé à l’arbitrage le 26 août 2019 et est devenu le dossier de la Commission 566-02-40917.
[33] Au moment où les deux renvois ont été faits, le plaignant était représenté par son agent négociateur, l’Association canadienne des employés professionnels (ACEP). Les deux renvois ont été faits aux termes de l’alinéa 209(1)b) de la Loi. Les deux renvois comprenaient un avis à la Commission canadienne des droits de la personne selon lequel les griefs soulevaient des allégations de discrimination.
[34] Avec l’aide des SMRD de la Commission, le 30 janvier 2020, les parties ont conclu le règlement des griefs dans les dossiers de la Commission 566-02-40246 et 40917 et ont signé une entente à cet égard (l’« entente de règlement »).
[35] En novembre 2020, la Commission a demandé une mise à jour sur l’état d’avancement de la mise en œuvre de l’entente de règlement. Le 26 novembre 2020, l’ACEP a envoyé un avis selon lequel le plaignant ne souhaitait plus être représenté par elle, et la Commission a commencé à communiquer directement avec lui au sujet des deux griefs.
[36] Entre décembre 2020 et septembre 2022, la Commission a discuté à de nombreuses reprises avec les parties de l’état d’avancement de la mise en œuvre de l’entente de règlement. Les détails complets de ces arguments ne sont pas pertinents à la présente plainte. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’en juin 2021, puis de nouveau en juin 2022, le défendeur a estimé qu’il s’était acquitté de toutes ses obligations en vertu de l’entente de règlement, mais que le plaignant ne s’était pas acquitté de l’une de ses obligations, en particulier le retrait des deux renvois à l’arbitrage. Le défendeur a demandé que la Commission ferme les dossiers.
[37] Lorsque cette plainte a été présentée, le 12 avril 2022, les deux dossiers de griefs de la Commission étaient toujours ouverts.
[38] Le 8 septembre 2022, une autre formation de la Commission a ordonné la clôture des deux renvois à l’arbitrage, c’est-à-dire les dossiers de la Commission 566‑02-40246 et 40917. Cette même formation de la Commission a ordonné la mise sous scellés d’un argument du plaignant et d’un argument en réplique du défendeur parce qu’ils parlaient d’aspects confidentiels de l’entente de règlement que les parties avaient conclue.
[39] La décision de la formation de fermer ces dossiers faisait référence au fait que, dans la présente plainte, le plaignant a déclaré ce qui suit : [traduction] « Plus d’un an après la signature de l’entente, au printemps ou à l’été 2021, le défendeur a finalement respecté suffisamment l’entente pour satisfaire le plaignant. »
[40] Je prends également note du fait que le 3 novembre 2020, le plaignant a présenté une plainte à la Commission contre l’ACEP, alléguant qu’elle avait commis une pratique déloyale du travail en ne s’acquittant pas de son devoir de représentation équitable en vertu de l’article 187 de la Loi, plus précisément en ce qui concerne les dossiers de griefs devant la Commission. Cette plainte a reçu le numéro de dossier de la Commission 561-02-42264. Le 21 juin 2021, une autre formation de la Commission a fermé ce dossier, car le plaignant n’avait pas respecté trois délais pour présenter les arguments que la formation de la Commission avait ordonnés.
[41] Enfin, je prends note du fait que, dans la présente plainte, le plaignant a déclaré que sa dernière journée de travail à la CFP était en 2015 et qu’il avait pris sa retraite de la fonction publique à la [traduction] « […] fin du printemps ou début de l’automne 2021 […] ». Dans ses arguments d’août 2023, le défendeur a déclaré que le plaignant avait pris sa retraite de la CFP le 9 juillet 2021, soit environ neuf mois avant que la plainte ne soit présentée.
VI. Le ou les défendeurs appropriés à la plainte
[42] J’en viens maintenant à l’analyse des arguments des parties sur les quatre questions auxquelles je leur ai demandé de répondre dans leurs arguments écrits, à commencer par le défendeur approprié pour la plainte.
[43] Comme il a déjà été mentionné, les défendeurs énumérés dans la plainte comprenaient : « le gouvernement du Canada, la Commission de la fonction publique, le ministère de la Justice, le ministre de la Justice, l’Agence du revenu du Canada, le ministre des Finances, le Centre des services de paye et le ministre des Services publics et de l’Approvisionnement du Canada. »
[44] Le défendeur a soutenu que le seul défendeur approprié est le « Conseil du Trésor (Commission de la fonction publique) ». Il a fait référence au paragraphe 190(1) de la Loi, qui permet de porter plainte contre un employeur, une organisation syndicale ou une personne. Il a déclaré que le plaignant était employé par la CFP jusqu’à sa retraite le 9 juillet 2021, et que, conformément à l’article 2 de la Loi et de l’annexe IV de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F-11; la « LGFP »), le Conseil du Trésor était son employeur aux fins de l’instruction d’une plainte en vertu du paragraphe 190(1) devant la Commission. Il a également déclaré qu’il n’avait allégué aucune circonstance pouvant constituer une pratique déloyale de travail de la part d’une organisation syndicale ou d’une personne.
[45] Dans ses arguments de septembre 2023, le plaignant a soutenu que les défendeurs appropriés à la plainte comprennent le Conseil du Trésor, qui regroupe toutes les entités nommées aux annexes I et V de la LGFP, ainsi que l’Agence du revenu du Canada. Il a également soutenu que l’ACEP devrait être ajoutée à titre de défendeur, ainsi que deux personnes précises (Allison Donker et Patrick Turcot). Il a dit qu’il prévoyait de nommer d’autres personnes à mesure que les éléments de preuve étaient présentés.
[46] Aucune des parties n’a cité de jurisprudence dans ses arguments sur cette question.
[47] Il s’agit d’une plainte présentée en vertu du paragraphe 190(1) de la Loi, qui prévoit ce qui suit :
|
|
|
|
[Je mets en évidence]
|
|
[48] Au moment où la plainte a été présentée, l’article 2 de la Loi définit le terme « employeur » comme suit :
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
[49] Avant son départ de la fonction publique fédérale, le plaignant était un employé de la CFP. La CFP est énumérée à l’annexe IV de la LGFP. Les griefs qu’il a renvoyés à la Commission (dans les dossiers de la Commission 566-02-40246 et 40917) ont été présentés à l’origine à la CFP. La CFP y a répondu. Une fois les griefs renvoyés à la Commission, le Conseil du Trésor a assumé la responsabilité de représenter l’employeur relativement aux griefs.
[50] Conformément à l’article 2 de la Loi, le Conseil du Trésor est l’employeur légal des employés de la CFP. Conformément à la LGFP, certaines fonctions liées aux ressources humaines sont déléguées aux administrateurs généraux des organismes et des ministères énumérés aux annexes I et IV, qui leur confèrent des pouvoirs décisionnels sur des employés comme le plaignant; voir Marleau c. Conseil du Trésor (Gendarmerie royale du Canada), 2023 CRTESPF 47, au par. 22, et Hager c. Opérations d’enquête statistique et le ministre responsable de Statistique Canada, 2009 CRTFP 80, au par. 51.
[51] Compte tenu de ces faits et du libellé de la Loi, je conclus que le défendeur pertinent pour la plainte est le Conseil du Trésor (Commission de la fonction publique).
[52] Par conséquent, aucune des entités ou personnes suivantes, énumérées par le plaignant, n’est correctement définie en tant que défendeurs dans la présente plainte : le gouvernement du Canada, le ministère de la Justice, le ministre de la Justice, l’Agence du revenu du Canada, le ministre des Finances, le Centre des services de paye ou le ministre de SPAC. Le gouvernement du Canada est représenté par le Conseil du Trésor, qui était l’employeur du plaignant. Il n’était pas un employé du ministère de la Justice, de l’Agence du revenu du Canada ou du Centre des services de paye de SPAC. Aucun fait plaidé ou argument ne justifierait l’ajout de l’un des trois ministres de la Couronne qui sont inscrits comme défendeurs à la présente plainte.
[53] Je rejette la demande formulée dans les arguments de septembre 2023 du plaignant visant à ajouter l’ACEP en tant que défendeur à la présente plainte. Les plaintes de pratiques déloyales de travail à l’égard d’une organisation syndicale relèvent de l’article 187 de la Loi. Cette plainte a été présentée aux termes de l’article 186. Comme il a déjà été mentionné, il a présenté une plainte contre l’ACEP (dans le dossier de la Commission 561-02-42264) au sujet de son devoir de représentation équitable dans les griefs qu’il a renvoyés à la Commission. Comme il a également été mentionné, une autre formation de la Commission a ordonné la clôture de ce dossier, car il ne lui avait pas fourni les arguments qu’elle lui avait demandés, même après trois rappels.
[54] Je rejette la demande formulée dans les arguments de septembre 2023 du plaignant visant à ajouter Mme Donker et M. Turcot en tant que défendeurs à la présente plainte. Mme Donker est une employée du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et M. Turcot est un employé du ministère de la Justice chargé de représenter le Conseil du Trésor. Ils représentent le défendeur. Le défendeur est déjà responsable de ses actes liés à ce dossier. Je considère qu’il ne serait pas utile de les nommer séparément comme défendeurs.
VII. La portée de la compétence de la Commission
[55] J’en viens aux arguments des parties sur la deuxième question que je leur ai posée dans la lettre de décision : quels aspects de la plainte relèvent de la compétence de la Commission et lesquels, le cas échéant, ne relèvent pas de la compétence de la Commission?
[56] Le défendeur a soutenu que la Commission n’avait compétence que pour les plaintes portant sur des actes présumés d’un employeur qui contreviennent au paragraphe 186(2) de la Loi. L’article interdit certaines pratiques déloyales de travail, et pour que la Commission ait compétence, les actes allégués doivent être commis dans les circonstances et aux fins énoncées au paragraphe 186(2). À cette fin, les allégations soulevées par le plaignant qui ne relèvent pas de la compétence de la Commission comprennent une analyse ou une détermination des allégations d’affaires criminelles, fiscales et de conduite professionnelle impliquant des parties externes à la plainte pour pratique déloyale de travail.
[57] De plus, le défendeur a soutenu que la compétence de la Commission est limitée par le délai prescrit pour présenter une plainte en vertu du paragraphe 190(2) de la Loi, qui indique qu’une plainte doit être présentée à la Commission « […] dans les 90 jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu ou, de l’avis de la Commission, aurait dû avoir connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu ». La seule pratique déloyale de travail alléguée qui s’est produite dans les 90 jours précédant la plainte était la demande de remboursement d’un trop-payé envoyée le 9 février 2022 au plaignant. Le reste des incidents allégués qu’il a soulevés sont non seulement contestés par le défendeur, mais se sont également produits bien au-delà du délai obligatoire de 90 jours autorisé par la Loi, selon ce que soutient le défendeur.
[58] Le plaignant a soutenu que le paragraphe 190(1) de la Loi prévoit que la Commission « instruit toute plainte » dont elle est saisie au sujet d’une pratique déloyale de travail. Il a fait valoir que la Loi n’exclut aucune affaire criminelle, fiscale ou de conduite professionnelle. Il a soutenu que ses allégations concernant le Code criminel, la Loi de l’impôt sur le revenu et le Code de déontologie du Barreau de l’Ontario décrivent des menaces, des intimidations ou d’autres types de mesures disciplinaires à son égard parce qu’il a exercé son droit de déposer un grief.
[59] Il a soutenu que l’objet de la Loi est de protéger les droits des employés et de maintenir des relations de travail équitables. Par conséquent, la Loi contient une définition large des pratiques déloyales de travail; elle ne limite pas sa portée à des actes précis, mais englobe toutes les mesures prises par les employeurs qui pourraient nuire à la relation de travail ou aux droits des employés, comme il est indiqué au paragraphe 186(2).
[60] Si la Commission refusait de statuer sur les questions qui peuvent comporter des activités criminelles, fiscales ou professionnelles liées à l’emploi, cela porterait atteinte à l’objet de la Loi et laisserait les employés sans le recours dont ils ont besoin pour régler ces questions, selon ce qu’a soutenu le plaignant. Si ces affaires étaient exclues de la compétence de la Commission, les employeurs pourraient se livrer à des actes criminels en toute impunité, les droits des employés seraient violés, la confiance entre les employeurs et les employés s’éroderait et la Loi serait affaiblie. Comme il l’a soutenu, les employés peuvent hésiter à faire valoir leurs droits ou à exprimer leurs préoccupations, craignant des représailles ou des actions illégales.
[61] En ce qui a trait aux objections du défendeur concernant le respect des délais, le plaignant a soutenu qu’une doctrine de violation continue s’applique dans les cas de harcèlement. Une violation est considérée comme continue lorsqu’elle implique une série d’actes connexes, dont certains auraient pu se produire en dehors du délai de 90 jours. Il a fait valoir que seul le dernier incident de harcèlement doit se situer dans le délai de 90 jours, s’il s’inscrit dans une tendance plus générale de harcèlement. Une interprétation étroite de la limite de 90 jours pourrait entraîner l’exclusion de preuves et d’incidents cruciaux simplement parce qu’ils se sont produits légèrement plus tôt que d’autres, même s’ils s’inscrivent dans un comportement continu.
[62] Le plaignant a soutenu que, dans le contexte du harcèlement continu, le paragraphe 190(2) de la Loi exige de la Commission qu’elle se demande quand le plaignant aurait raisonnablement reconnu qu’il était victime de harcèlement. Il a affirmé qu’il est tout à fait raisonnable pour lui de ne pas avoir reconnu le harcèlement plus tôt, compte tenu de la nature complexe et graduelle du harcèlement en milieu de travail.
[63] Encore une fois, aucune des parties n’a cité de jurisprudence dans ses arguments.
[64] En ce qui concerne la question de la compétence générale de la Commission, les arguments du plaignant démontrent un manque de compréhension des sujets sur lesquels la Commission peut et ne peut rendre des décisions. Je préciserai la portée de la compétence de la Commission le plus clairement possible, afin de lui exposer les aspects de sa plainte sur lesquels la Commission peut se prononcer et ceux sur lesquels elle ne peut pas se prononcer.
[65] La Commission est ce qu’on appelle un « tribunal administratif ». Au Canada, des tribunaux administratifs ont été créés afin de donner accès à la justice pour toute une série de raisons précises. Par exemple, le Tribunal canadien des droits de la personne pour les affaires fédérales de droits de la personne, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié en matière d’immigration et de demandes d’asile et le Tribunal de la sécurité sociale pour les plaintes relatives au Régime de pensions du Canada et à l’assurance-emploi. Contrairement à certains tribunaux, les tribunaux administratifs n’ont pas compétence résiduelle pour examiner une affaire ou mener des enquêtes. Ils tirent leur origine de la loi ou des lois qui les établissent, et leur compétence se limite aux questions qui sont énoncées dans ces lois; pour une explication de ce principe, voir Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, au par. 108.
[66] Pour la Commission, cette restriction est reflétée à l’article 19 de la Loi sur la Commission, qui se lit comme suit :
|
|
|
|
[67] En vertu de la Loi, la Commission a le pouvoir de rendre des décisions sur les griefs, à condition qu’ils lui soient renvoyés en vertu des dispositions de la partie II de la Loi, par exemple, pour les griefs individuels qui lui sont renvoyés en vertu du paragraphe 209(1). Par exemple, la Commission a le pouvoir de rendre des décisions relatives aux droits de négociation et à la négociation collective en vertu d’articles de la Loi comme l’article 64 (accréditation) et l’article 122 (services essentiels).
[68] Fait particulièrement important à propos de cette plainte, la Commission a le pouvoir de rendre des décisions sur les plaintes relatives à des pratiques déloyales de travail en vertu de l’article 190 de la Loi.
[69] Nulle part dans la Loi la Commission n’a le pouvoir de rendre des décisions concernant des violations présumées du Code criminel. Nulle part dans la Loi la Commission n’a le pouvoir d’enquêter sur une allégation selon laquelle un avocat a enfreint le code de déontologie qui le régit. Nulle part dans la Loi la Commission n’a le pouvoir de déterminer si l’Agence du revenu du Canada a mal appliqué la Loi de l’impôt sur le revenu. Ni le Code criminel ni la Loi de l’impôt sur le revenu ne confèrent de pouvoirs à la Commission.
[70] Les limites de la compétence de la Commission ont été clairement énoncées dans Green c. Administrateur général (ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2017 CRTEFP 17, qui disait ce qui suit au paragraphe 340 :
340 La Commission tire son origine de la loi et n’est pas un tribunal jouissant d’une compétence inhérente. Les parties ne peuvent pas lui conférer compétence lorsqu’elle n’en a aucune. Pour que les actions dont s’est plainte la fonctionnaire relèvent de la compétence de la Commission, elles doivent être visées par les questions établies à l’article 209 de la Loi […]
[71] Pour en savoir plus sur ce principe, voir aussi Serediuk c. Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN (UCCO-SACC-CSN), 2023 CRTESPF 71, au par. 51.
[72] On trouve une application de ces principes à l’égard d’un comportement criminel présumé dans le contexte d’une plainte de pratique déloyale de travail dans la décision de la Commission dans Theaker c. Syndicat des employés du solliciteur général, 2021 CRTEFP 127 (« Theaker 2021 »), au par. 50, qui se lit comme suit :
[50] Les allégations d’ingérence criminelle soulevées dans la plainte ne relèvent pas du régime de relations de travail du secteur public fédéral. Comme la Cour l’a fait remarquer en rejetant sa requête, la voie appropriée pour les plaintes relatives à des activités criminelles présumées est celle du service de police compétent. Les agents négociateurs ne sont pas tenus de déposer des griefs relatifs à des affaires criminelles alléguées. Par conséquent, cette allégation n’étaye pas une conclusion de manquement au devoir de représentation équitable.
[73] La décision de la Cour mentionnée dans la décision de la Commission était Theaker c. Canada (Justice), 2018 CF 662, dans laquelle la Cour fédérale déclarait ce qui suit au paragraphe 49 :
[49] Il est clair que la Cour n’a pas compétence pour enquêter sur des activités criminelles présumées ou pour ordonner la tenue d’une enquête. On reconnaît généralement que lorsqu’une personne a été victime ou témoin d’un crime reproché, elle devrait signaler l’incident à la police ou faire une dénonciation devant le service de police compétent. Ce dernier évaluera les renseignements et décidera s’il est nécessaire de tenir une enquête. […]
[74] Cela ne veut pas dire que la Commission n’entend pas de preuves de violations présumées ou fondées du Code criminel ou d’autres questions qui ne relèvent pas de sa compétence dans le cadre d’un grief ou d’une plainte dont elle est saisie à juste titre. Des renseignements sur des actes criminels présumés peuvent être fournis, par exemple, dans le contexte d’un grief concernant le licenciement d’un employé. Toutefois, à la lumière de ma lecture de la Loi et des principes énoncés dans Green, Serediuk et Theaker 2021, je conclus que la Commission n’a pas compétence pour analyser ou déterminer les violations présumées du Code criminel.
[75] Le plaignant n’a cité aucune jurisprudence de la Commission dans laquelle la Commission a rendu des conclusions ou des ordonnances concernant des violations présumées du Code criminel, de la Loi de l’impôt sur le revenu ou des Code de déontologie du Barreau de l’Ontario, et je n’en connais aucune.
[76] Par conséquent, compte tenu de cette analyse, je déclare que la Commission n’a pas compétence pour statuer, rendre des ordonnances ou accorder des réparations relativement aux allégations particulières suivantes dans la plainte :
· harcèlement criminel en vertu du Code criminel (la plainte, page 6 au paragraphe 3, page 14 au paragraphe 3, et page 15 aux paragraphes 6 et 7);
· l’extorsion en vertu du Code criminel (la plainte, page 11 au paragraphe 5);
· l’émission de feuillets fiscaux frauduleux en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la plainte, page 11 au paragraphe 6);
· la fraude en vertu du Code criminel (la plainte, page 11 au paragraphe 7, et page 12 au paragraphe 1);
· les violations du Code de déontologie du Barreau de l’Ontario (la plainte, page 12 au paragraphe 1, et page 13);
· la contrefaçon en vertu du Code criminel (la plainte, page 13 au paragraphe 5);
· les renseignements faux et les communications de harcèlement en vertu du Code criminel (la plainte, page 14 aux paragraphes 5 et 6);
· l’obstruction au déroulement de la justice en vertu du paragraphe 139(2) du Code criminel (arguments du plaignant de septembre 2023, page 13 au paragraphe 8).
[77] En ce qui a trait au délai de 90 jours pour présenter une plainte de pratique déloyale de travail, le paragraphe 190(2) se lit comme suit :
|
|
|
|
[78] La Commission n’a pas le pouvoir discrétionnaire de prolonger la période visée au paragraphe 190(2) sauf dans des circonstances limitées et exceptionnelles; voir Beaulieu c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2023 CRTESPF 100, aux paragraphes 19, 20 et 44.
[79] Le plaignant a raison lorsqu’il affirme que le paragraphe 190(2) confère à la Commission le pouvoir discrétionnaire de déterminer la date à laquelle le plaignant a eu ou « aurait dû avoir connaissance » des mesures ayant donné lieu à sa plainte. Il a également raison, du moins en principe, de dire qu’un seul événement pourrait être l’événement culminant ou cristallisant qui fait comprendre à un plaignant qu’il a subi des représailles. Dans ce contexte, il a affirmé que la demande de remboursement de février 2022 était la « goutte d’eau qui a fait déborder le vase » dans une série d’événements.
[80] Je suis d’accord avec le plaignant pour dire que, dans de telles circonstances, les événements qui se sont déroulés en dehors de la période de 90 jours pourraient être pertinents pour établir le contexte dans lequel on peut déterminer si un événement qui s’est déroulé à l’intérieur de la période de 90 jours constituait une pratique déloyale de travail.
[81] Toutefois, dans la présente affaire, les allégations détaillées du plaignant, faites dans plusieurs pages, indiquent qu’il connaissait parfaitement les actions du défendeur avant le courriel de remboursement du trop-payé de février 2022 et que les actions précédentes ont eu lieu bien avant le délai de 90 jours qui s’applique à la présente plainte. C’est évident en grande partie parce qu’il a déposé des griefs relativement à ces événements, jusqu’à la cessation de son emploi et au moment de celui-ci. Il a renvoyé ces griefs à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi. Il s’est entretenu avec une autre formation de la Commission de la mise en œuvre de l’entente de règlement qu’il a conclue avec l’employeur au sujet de ces griefs. Après avoir déposé des griefs sur ces questions, et même après avoir réglé ces griefs, il ne peut prétendre qu’il n’était pas au courant des prétendues actions du défendeur de 2015 à 2022.
[82] À la page 6 de sa plainte, le plaignant a écrit ce qui suit :
[Traduction]
La campagne du défendeur contre le plaignant a commencé à la fin de 2015 ou au début de 2016, lorsque le plaignant a déposé un grief. Sur l’avis du syndicat du plaignant, le plaignant a immédiatement mis le grief en suspens tandis qu’il attendait que le défendeur lui fournisse les documents dont le plaignant avait besoin pour le grief.
[83] Compte tenu du paragraphe 190(2) de la Loi, je ne peux pas conclure que les événements de 2015 et 2016 qui ont fait l’objet d’un grief déposé par le plaignant pourraient faire partie des allégations à déterminer dans la présente plainte; voir Andruszkiewicz c. Agence des services frontaliers du Canada, 2021 CRTESPF 72, au par. 21.
[84] Plus important encore, les allégations qui se trouvent dans la majeure partie de la plainte (de la page 7 à la page 11) portent sur les griefs qui sont devenus le dossier de la Commission 566-02-40246 et 40917. Les allégations font état de la cessation de l’emploi du plaignant et du fait que les parties sont parvenues à un règlement de ces griefs. Les allégations portent sur le fait qu’il a éprouvé beaucoup de difficulté à ce que le défendeur réconcilie correctement son solde de rémunération et de congé, à ce qu’il l’indemnise correctement pour ce qui avait été convenu, à ce qu’il modifie correctement ses feuillets d’impôt et à ce qu’il traite correctement sa retraite. Il a également allégué qu’en 2021, il avait appris qu’il avait droit à une indemnisation pour les dommages causés par le système de paye Phénix, utilisé par le Centre des services de paye de SPAC, et que le défendeur avait refusé de lui verser ces dommages.
[85] Je compatis à la liste des difficultés du plaignant en ce qui a trait au système de paye Phénix et les difficultés qu’il a éprouvées à comprendre certaines transactions, ainsi que les obstacles qu’il a éprouvés à voir ses feuillets T4 émis ou réémis.
[86] Toutefois, le fait que ces actions alléguées aient eu lieu pendant que le plaignant poursuivait activement la mise en œuvre de l’entente de règlement dans les dossiers de la Commission 566-02-40246 et 40917 démontre qu’il savait ou aurait dû savoir que ces actions avaient eu lieu. Les délais pour déposer une plainte de pratique déloyale de travail à l’égard de ces actions ont expiré bien avant que la présente plainte n’ait été déposée et ne relèvent donc pas de la compétence de la Commission; voir Andruszkiewicz.
[87] Au-delà du respect des délais pour leur présentation, les allégations liées aux difficultés du plaignant à faire appliquer l’entente de règlement font face à un autre défi de compétence, lié au paragraphe 191(2) de la Loi, qui se lit comme suit :
|
|
|
|
[88] Lorsque la plainte a été présentée, le plaignant participait activement à un processus de présentation d’arguments à la Commission au sujet des griefs dans les dossiers de la Commission 566-02-40246 et 40917. Lorsque cette plainte a été présentée, ces dossiers étaient toujours ouverts. Dans la mesure où l’une quelconque de ses allégations a trait à la mise en œuvre du règlement de ces griefs, le lieu approprié pour trancher ces allégations se situait dans les paramètres de ce processus. Cette plainte ne peut pas être une tentative de retracer ce qui se trouvait dans ces griefs ou les mesures de réparation qui ont été traitées dans cette entente de règlement. Une autre formation de la Commission a décidé de fermer ces dossiers de griefs parce qu’elle a déterminé que l’entente de règlement conclue par les parties dans ces dossiers avait été pleinement mise en œuvre. Cette plainte ne peut être utilisée pour rouvrir ces dossiers de griefs ou pour déterminer de nouveau si l’entente de règlement a été entièrement mise en œuvre.
[89] À la suite de l’analyse connexe qui vient d’être décrite, je conclus qu’une seule allégation de la plainte relève de la compétence de la Commission et dans le délai de 90 jours fixé par le paragraphe 190(2) : l’allégation selon laquelle la demande (alléguée) du défendeur pour que le plaignant rembourse 7 746,70 $ en raison d’un trop-payé constituait une pratique déloyale de travail interdite par l’alinéa 186(2)a) ou c) de la Loi.
VIII. Autres décisions relatives à la gestion des cas
[90] Avant de passer à cette allégation, je présenterai mes décisions sur deux autres questions soulevées au cours de la présentation des arguments par les parties.
[91] Comme il a été mentionné plus tôt, le plaignant a demandé dans sa plainte que la Commission rende une ordonnance d’interdiction exigeant du défendeur qu’il cesse immédiatement de communiquer avec lui, sauf en ce qui concerne la présente plainte.
[92] Dans la lettre de décision, j’ai rejeté la demande d’ordonnance de restriction pour les raisons suivantes :
[Traduction]
[…]
La Commission a déterminé qu’elle ne rendra pas l’ordonnance de restriction demandée. Les pouvoirs de la Commission en vertu du paragraphe 192(1) de la Loi reposent sur le fait que la Commission a déterminé que la plainte est fondée. La Commission n’a pas fait cette détermination. Même si la Commission avait compétence pour rendre une ordonnance d’interdiction à l’encontre de l’ensemble du gouvernement du Canada en vertu du paragraphe 192(1) de la Loi, ou en vertu d’une autre partie de la Loi, le commissaire n’est pas convaincu qu’il soit nécessaire, pratique ou réalisable de rendre l’ordonnance de restriction. La Commission ne considère pas les arguments du défendeur comme l’admission d’une des allégations du plaignant; le défendeur a demandé le rejet de la plainte.
La Commission est d’accord avec le défendeur pour dire que divers ministères doivent communiquer avec des particuliers comme le plaignant au sujet de la paye, de la pension, des impôts, des demandes de passeport ou d’autres motifs. À titre d’exemple, puisqu’il a présenté cette demande d’ordonnance d’interdiction, la Commission a dû communiquer avec le plaignant au sujet de l’état des dossiers de griefs qui étaient ouverts devant lui, jusqu’au 8 septembre 2022.
Le plaignant n’a pas convaincu la Commission qu’il est submergé par les communications du défendeur ou d’autres parties du gouvernement du Canada en ce qui concerne des questions qui ne se rapportent pas à la présente plainte. Dans la plainte elle-même, en faisant référence à la période de 2015 à 2021, le plaignant a déclaré : « […] les seules interactions que le plaignant a eues avec le défendeur sont les griefs du plaignant ou la réponse au harcèlement du défendeur découlant des griefs ». Cela donne à penser que les principales interactions entre le plaignant et le défendeur au cours de cette période sont liées aux griefs qu’il avait formulés.
Enfin, la Commission conclut que le plaignant n’a pas fait valoir un préjudice qui exige son intervention pour l’instant et qui n’a pu être réparé ultérieurement par une indemnité. Si la Commission détermine que la plainte est fondée, elle examinera le préjudice qui a été démontré et les mesures de réparation qui lui sont conférés en vertu du paragraphe 192(1) pour réparer ce préjudice.
[…]
[Le passage en évidence l’est dans l’original]
[93] La deuxième question sur laquelle je me pencherai dans cette section est une demande, présentée dans la réponse du plaignant en juin 2022, de modifier sa plainte. Il a affirmé que, dans la réponse du défendeur de juin 2022, il a commis une pratique déloyale de travail supplémentaire parce qu’il a déclaré que les parties avaient réglé les griefs dans les dossiers de la Commission 566-02-40246 et 40917 et que l’entente de règlement incluait un engagement de sa part de retirer les griefs et une plainte de harcèlement. C’est la raison pour laquelle il a demandé à modifier sa plainte.
[94] Le plaignant a soutenu que l’une des autres modalités de l’entente de règlement était que les autres modalités devaient rester confidentielles. Il a soutenu que le défendeur avait enfreint les modalités de l’entente de règlement en divulguant que l’entente incluait son engagement de retirer les griefs et la plainte de harcèlement et qu’il avait fait cette divulgation pour l’intimider pour avoir présenté cette plainte. Il a fait valoir que le défendeur cherchait, par voie de divulgation inappropriée, à l’obliger à s’abstenir de participer à une procédure en vertu de la partie 1 de la Loi, à savoir l’instruction de la présente plainte. Par conséquent, le plaignant soutient que le défendeur a enfreint les alinéas 186(2)a) et c) de la Loi.
[95] Le plaignant a déclaré que s’il n’était pas autorisé à modifier sa plainte, il ferait une nouvelle plainte de pratique déloyale de travail.
[96] Le défendeur a estimé que la prétendue divulgation des modalités de l’entente de règlement ne peut pas constituer une pratique déloyale de travail au sens du paragraphe 186(2). Malgré cela, il a consenti à ce que cette allégation soit ajoutée à la plainte pour des raisons d’efficacité, plutôt que de proposer que le plaignant dépose une nouvelle plainte.
[97] Je conclus que la demande du plaignant visant à modifier sa plainte et à ajouter une allégation supplémentaire est sans fondement. L’énoncé de la réponse du défendeur de juin 2022 – à savoir que l’entente de règlement incluait une entente de sa part pour retirer ses renvois à l’arbitrage – fait déjà partie du dossier de la Commission sur les griefs dans les dossiers 566-02-40246 et 40917. Lorsque la réponse du défendeur de juin 2022 a été déposée, ces dossiers étaient toujours ouverts et les parties au grief présentaient activement des arguments à la Commission pour savoir si l’entente avait été pleinement mise en œuvre ou non. Dans ce processus, l’employeur avait affirmé que toutes les modalités de l’entente de règlement avaient été mises en œuvre, sauf l’engagement du plaignant de retirer les griefs. Comme il est indiqué précédemment dans la présente décision, les parties ont échangé des positions sur cette question plusieurs fois au cours d’une période d’environ 22 mois.
[98] De plus, rien dans la déclaration de l’employeur ne reflète la divulgation d’un aspect confidentiel du règlement. Lorsque les parties règlent un grief, il est d’usage que le fonctionnaire s’estimant lésé s’engage à le retirer de la Commission une fois l’entente de règlement mise en œuvre.
[99] Il n’aurait peut-être pas été exigé que le défendeur indique également que, dans l’entente de règlement, le plaignant s’était également engagé à retirer une plainte de harcèlement qu’il avait déposée en 2016. Toutefois, toute sa plainte équivaut à une allégation selon laquelle il a été victime de harcèlement de la part du défendeur. Il mentionne expressément dans sa plainte d’avoir déposé un grief de harcèlement à la fin de 2015 ou au début de 2016. Dans ce contexte, je comprends pourquoi le défendeur indique à la Commission que l’entente de règlement contenait un engagement de sa part de retirer à la fois les griefs et la plainte de harcèlement.
[100] En outre, le plaignant a lui-même divulgué certains détails de l’entente de règlement dans sa plainte (voir les paragraphes 3 et 4 de la page 8), qui étaient de nature plus précise que ce qui a été abordé dans la réponse du défendeur en juin 2022.
[101] Je prends note du fait que, lorsque la formation de la Commission chargée des dossiers de la Commission 566-02-40246 et 40917 a décidé de fermer ces dossiers, elle a également ordonné que l’entente de règlement soit mise sous scellés parce qu’elle était confidentielle. Les modalités complètes de l’entente de règlement n’ont pas été divulguées par l’une ou l’autre des parties dans le cadre de la présente plainte.
IX. L’analyse de la cause défendable
[102] Comme il a été mentionné plus tôt, la question qui reste à trancher est de savoir si l’allégation selon laquelle la demande (alléguée) du défendeur pour que le plaignant rembourse 7 746,70 $ en raison d’un trop-payé constituait une pratique déloyale de travail interdite par les alinéas 186(2)a) ou c) de la Loi.
[103] Je discuterai d’abord de l’objet d’une analyse de la cause défendable dans l’évaluation des plaintes de pratique déloyale de travail.
[104] Je sais que lorsqu’une plainte de ce genre est déposée, la charge de la preuve est inversée et repose sur le défendeur, en vertu du paragraphe 191(3) de la Loi, qui se lit comme suit :
|
|
|
|
[105] Dans sa jurisprudence, la Commission a conclu que pour faire entrer en jeu la disposition de charge inversée prévue au paragraphe 191(3), le plaignant doit d’abord établir une cause défendable selon laquelle il y a eu une pratique déloyale de travail. J’estime que c’est dans Quadrini c. Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 37, une autre décision rendue au nom de la Commission par son ancien commissaire, M. Butler, que l’on en trouve la meilleure définition.
[106] L’analyse de Quadrini s’enracine dans l’explication de la Commission quant à l’objet de l’interdiction de pratique déloyale de travail du paragraphe 186(2) : interdire les représailles contre les employés qui exercent leur droit de déposer un grief ou de porter plainte en vertu de la Loi. La Commission a déclaré ce qui suit au paragraphe 45 :
45 Il est encore et toujours essentiel, pour assurer l’intégrité des régimes des relations de travail créés par la nouvelle Loi et l’ancienne Loi, que les personnes aient la possibilité d’exercer les droits qui leur ont été accordés par ces lois sans avoir à craindre des représailles. S’il en était autrement, étant donné la possibilité qu’il y ait abus de pouvoir dans le cadre de la relation employeur-employé, l’effet dissuasif qu’aurait la menace de représailles pour qui exerce ses droits acquis découlant de la loi pourrait faire en sorte d’atténuer la force réelle de ces droits.
[107] La Commission a ajouté que le concept de représailles « […] constitue le contexte fondamental dans lequel une plainte de pratique déloyale de travail de ce genre doit être examinée » (voir Quadrini, au par. 47).
[108] Dans Quadrini, la Commission a exigé que le plaignant démontre d’abord qu’il avait une cause défendable, en précisant ce qui suit au paragraphe 32 :
32 Au bout du compte, le critère de la preuve prima facie fait appel au bon sens. S’il suffisait de déposer une plainte dans laquelle on affirme que le paragraphe 186(2) de la nouvelle Loi a été violé pour faire en sorte que le défendeur soit automatiquement soumis à l’obligation légale de prouver le contraire, cela ouvrirait toute grande la porte aux plaintes vexatoires. Il faut qu’une allégation de violation du paragraphe 186(2) soit raisonnablement défendable à première vue. Comme je l’ai indiqué plus haut, la question essentielle à trancher est la suivante : si l’on tient pour acquis que tous les faits allégués dans la plainte sont vrais, y a-t-il une preuve soutenable que les défendeurs ont violé les sous-alinéas 186(2)a)(iii) ou (iv) de la nouvelle Loi?
[109] Si un plaignant fait valoir une cause défendable, il appartient alors au défendeur de démontrer qu’il avait une raison opérationnelle légitime pour ses actions et qu’il n’a pas commis un acte de représailles, comme il est expliqué ci-après dans Hager, au par. 33 :
33 Puisqu’il s’agit d’une plainte alléguant la violation d’une interdiction mentionnée au paragraphe 186(2) de la Loi, le paragraphe 191(3) s’applique. […] Dans le contexte de la présente affaire, le paragraphe 191(3) signifie que les défendeurs doivent prouver que, selon la prépondérance des probabilités, ils n’ont pas fait à l’égard des plaignantes des distinctions illicites en matière d’emploi parce qu’elles avaient adhéré à une organisation syndicale ou en étaient des dirigeantes. Autrement dit, les défendeurs doivent démontrer que la décision de retirer les plaignantes de l’équipe principale du Nord s’expliquait par des raisons opérationnelles et n’avait rien à voir avec leur appartenance à l’agent négociateur ou le rôle qu’elles y jouaient.
[110] Cette approche a été suivie par la Commission dans un grand nombre de cas; voir Laplante c. Conseil du Trésor (ministère de l’Industrie et le Centre de recherches sur les communications), 2007 CRTFP 95, au par. 88; Manella, au par. 24; Grey c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 11, au par. 79; Choinière Lapointe c. Service correctionnel du Canada, 2019 CRTESPF 68, aux paragraphes 11 à 21; Joe c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2021 CRTESPF 10, aux paragraphes 40, 41 et 46; Joe c. Marshall, 2021 CRTESPF 27, au par. 108; Coupal c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2021 CRTESPF 124, aux paragraphes 225 et 226.
[111] Lorsqu’elle applique une analyse de la cause défendable, la Commission doit examiner les faits allégués comme vrais par le plaignant puis déterminer si ce dernier a établi une cause défendable selon laquelle la Loi a été violée; voir Messer c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2024 CRTEFP 6, au par. 5; Burns c. Section locale no 2182 d’Unifor, 2020 CRTESPF 119, aux paragraphes 82 à 84; Abi-Mansour c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2022 CRTESPF 48, aux paragraphes 48 et 49; Corneau c. Association des juristes de Justice, 2023 CRTESPF 16, aux paragraphes 17 et 25 à 34.
[112] Pour déterminer si une cause défendable a été établie, il ne suffit pas d’accepter les allégations d’un plaignant comme étant vraies. Comme cela arrive souvent, le plaignant mentionne certains faits puis allègue (ou soutient) que certaines actions ou inactions de la part du défendeur ont été arbitraires, discriminatoires ou commises de mauvaise foi en vertu du paragraphe 186(2). La question à trancher pour la Commission est de savoir si les faits présentés par le plaignant, ou fournis par le défendeur et confirmés par le plaignant, atteignent le degré d’une plainte qui a une chance raisonnable de succès; voir Corneau, au par. 34.
X. Analyse et motifs
[113] En cherchant à savoir si le plaignant a présenté une cause défendable que le défendeur a enfreint la Loi, je prends note du fait que, dans la plainte et dans la réponse du plaignant de juin 2022 à la réponse du défendeur de juin 2022, il a soutenu qu’il avait établi une cause défendable selon laquelle le défendeur avait violé la Loi. Cela m’indique qu’il savait qu’il était tenu de respecter cette norme avec sa plainte.
[114] Dans la lettre de décision, j’ai invité le plaignant (et le défendeur) à présenter des arguments supplémentaires au sujet du bien-fondé de la plainte et à joindre à ces arguments tous les documents qu’ils souhaitaient ajouter à l’appui de leurs positions.
[115] Aux fins de la présente analyse, j’accepte comme exact que le 9 février 2022, le plaignant a reçu un courriel du Centre des services de paye de SPAC, dans lequel on affirmait qu’il devait rembourser un trop-payé de 7 746,70 $. Le défendeur a fait valoir qu’il avait pu confirmer auprès du Centre des services de paye de SPAC qu’il avait envoyé une lettre l’avisant d’un trop-payé net d’un montant de 3 161,21 $ et que le montant dû était attribuable au fait qu’on avait continué de le payer au cours d’une période où il était en congé non payé du 5 mai au 1er juin 2016. En dépit de mon invitation aux parties de soumettre un document à l’appui, ni l’un ni l’autre ne l’a fait, je n’ai donc pas revu le contenu du courriel ou de la lettre.
[116] Je prends note du fait que les arguments des deux parties confirment que l’emploi du plaignant à la CFP a pris fin le 21 septembre 2018, qu’il avait renvoyé deux griefs à l’arbitrage de la Commission en mars et août 2019 et qu’en janvier 2020, les parties ont conclu l’entente de règlement à l’égard de ces griefs. Le dossier devant la Commission indique qu’entre novembre 2020 et septembre 2022, les parties lui ont présenté des arguments concernant l’état de mise en œuvre de l’entente de règlement. Je prends également note de la déclaration du plaignant selon laquelle il a pris sa retraite de la fonction publique à la [traduction] « […] fin du printemps ou début de l’automne 2021 […] » et que le défendeur a soutenu que la date réelle du départ à la retraite était le 9 juillet 2021. J’ai reconnu que ce dernier point était exact.
[117] Le courriel ou la lettre qui a donné lieu à la présente plainte a été envoyé le 9 février 2022, soit sept mois après la date de la retraite de la fonction publique du plaignant. La présente plainte a été présentée trois mois plus tard. Comme il a déjà été indiqué, au moment où la plainte a été présentée, les griefs dans les dossiers de la Commission 566-02-40246 et 40917 étaient toujours actifs. La formation de la Commission saisie de ces dossiers a décidé de les fermer seulement en septembre 2022.
[118] Le plaignant a fait valoir que les faits cités dans sa plainte constituent une cause défendable selon laquelle le défendeur a fait preuve de discrimination à son égard en ce qui concerne la rémunération et l’emploi et qu’il l’a intimidé, menacé ou sanctionné pour avoir déposé des griefs contre lui. Il a soutenu que les faits établissaient un lien clair et probable entre les actions du défendeur et ses griefs.
[119] Dans sa réponse de juin 2022, le défendeur a soutenu qu’il incombait au plaignant de démontrer un lien entre la violation alléguée de la Loi (courriel de février 2022) et sa participation à un processus de grief ou de plainte. Il n’a pas démontré que les actions du défendeur visaient à le dissuader de participer au processus de grief ou de plainte, a-t-il déclaré. Il a estimé que l’avis de sa dette à la Couronne était attribuable à un trop-payé qui lui avait été versé pendant sa période de congé non payé en 2016. Les paiements en trop ont été calculés par le Centre des services de paye de SPAC et n’étaient pas liés aux griefs déposés antérieurement et réglés par la suite entre les parties. Il a soutenu que le plaignant n’avait ni établi de lien ni démontré comment le défendeur, ou toute personne agissant en son nom, lui avait envoyé la lettre de recouvrement de trop-payé pour l’intimider ou le menacer, lui imposer une pénalité financière ou l’obliger à s’abstenir de témoigner ou de participer à un processus de grief ou de plainte.
[120] Dans sa réponse de juin 2022, le plaignant a soutenu que [traduction] « […] le lien le plus fiable, le plus durable et le plus nécessaire pour démontrer la causalité […] » entre les actions du défendeur et son recouvrement de trop-payé est [traduction] « […] le lien temporel ». Il a ajouté ce qui suit :
[Traduction]
[…]
[…] Sans le temps, il n’y aurait pas de causalité, et le plaignant a démontré que les actions du défendeur avaient commencé immédiatement après le dépôt du grief du plaignant, et que la seule interaction entre le plaignant et le défendeur était fondée sur les griefs du plaignant. Autrement dit, le plaignant prouve l’existence d’un lien temporel; le plaignant dépose un grief, le défendeur répond par une croisade. Le plaignant démontre également un lien entre le plaignant et le défendeur par l’intermédiaire du ou des griefs.
[…]
[Le passage en évidence l’est dans l’original]
[121] Le plaignant a soutenu que si un employé est connu coupable d’un acte de fraude et qu’il est congédié le lendemain sans explication, il est probable ou du moins possible que l’employé ait été congédié à cause de cet acte de fraude. Supposons que l’employé n’ait pas commis de fraude, mais qu’il ait plutôt déposé un grief et qu’il ait néanmoins été congédié sans explication, puis en utilisant le même raisonnement, il y a au moins la possibilité que l’employé ait été congédié à cause du grief. Il a cité Hager, aux paragraphes 39 à 41, en tant que cause faisant autorité, faisant valoir que ce raisonnement est suffisant pour satisfaire au critère de la cause défendable.
[122] Le plaignant a soutenu que l’une des principales activités du défendeur est de payer et d’indemniser financièrement ses employés. Il a fait valoir qu’il a commis des fraudes, du harcèlement et de l’extorsion en présentant la demande de remboursement. Il les a liées à ses allégations de violation du Code criminel.
[123] Dans les arguments du plaignant de septembre 2023, il a fait référence à un courriel d’août 2021 du défendeur. D’après sa description, il semble lié à l’état de mise en œuvre de l’entente de règlement de ses griefs devant la Commission et à sa retraite de la fonction publique en juillet 2021. Il a déclaré que, dans ce courriel, le défendeur s’engageait à examiner et à réconcilier tous les paiements en trop pour les années 2016 à 2020 et à réconcilier et à modifier tous les feuillets d’impôt, y compris pour les années 2017 et 2018, et à fournir une ventilation de tous les paiements en trop et des feuillets T4 d’ici le 31 août 2021. Il a fait valoir qu’il avait manqué à cette promesse, ce qui démontrait un manque d’intégrité et de responsabilité et lui causait encore plus de stress et d’incertitude. Il soutient qu’étant donné que ces actes faisaient partie d’un plus vaste ensemble de harcèlement, ils constituent une pratique déloyale de travail visant à l’intimider ou à le punir.
[124] La question à laquelle je dois répondre est de savoir si le plaignant a établi une cause défendable selon laquelle le défendeur a commis une pratique déloyale de travail interdite par la Loi lorsque le Centre des services de paye de SPAC a envoyé sa demande de paiement en trop le 9 février 2022.
[125] Ce faisant, je reviendrai sur les conclusions de la Commission dans Quadrini, aux paragraphes 45 et 47, qui sont les dispositions prévues aux alinéas 186(2)a) et c) de la Loi qui visent à interdire les représailles contre un employé pour avoir déposé un grief ou présenté une plainte ou pour avoir participé à un processus de règlement des griefs ou de plainte.
[126] Dans le présent cas, je conclus que le plaignant n’a pas invoqué des faits qui me permettraient de conclure que la demande de remboursement d’un trop-payé de février 2022 était une mesure de représailles.
[127] L’argument principal du plaignant porte sur le temps. Il a déposé deux griefs puis les a réglés et a rencontré des problèmes importants dans la mise en œuvre du règlement, et la demande de remboursement d’un trop-payé a suivi. Il a affirmé qu’il est probable ou possible que la demande de remboursement soit des représailles pour avoir déposé le grief ou ait été conçue pour l’obliger à s’abstenir de traiter le grief.
[128] Il faut plus qu’un lien dans le temps pour établir une causalité probable ou possible entre un événement et un autre.
[129] L’échéancier complet est que le plaignant a d’abord reçu une suspension disciplinaire, puis qu’il a été licencié. Il a déposé des griefs sur ces deux affaires. Il les a renvoyés à la Commission. Avec l’aide de son agent négociateur, il les a résolus et a signé l’entente de règlement avec le défendeur. Certaines difficultés ont été rencontrées dans le processus de mise en œuvre de l’entente. Il a commencé à se représenter lui-même dans des discussions avec la Commission au sujet de l’état de mise en œuvre de l’entente de règlement (et a déposé une plainte relative au devoir de représentation équitable contre son agent négociateur). Les discussions entre la Commission et les parties au sujet de l’état d’avancement de la mise en œuvre de l’entente de règlement ont eu lieu sur une période de 22 mois, de novembre 2020 à septembre 2022. En septembre 2022, une autre formation de la Commission a ordonné la fermeture des dossiers de griefs au motif que le défendeur avait pleinement respecté ses engagements en vertu de l’entente de règlement. En juin 2021, une autre formation de la Commission a fermé la plainte relative au devoir de représentation équitable, après que le plaignant n’ait pas répondu à trois rappels d’une date limite pour présenter des arguments sur la plainte.
[130] Cette plainte a été présentée en avril 2022, à un moment où les dossiers de griefs étaient encore ouverts et que le processus de présentation d’arguments sur l’état d’avancement de la mise en œuvre de l’entente était toujours en cours.
[131] Le plaignant a soutenu que le harcèlement qu’il avait subi avait commencé [traduction] « immédiatement après » avoir déposé ses griefs. Le plaignant a déposé ses griefs en 2015 et en 2018. J’ai déjà conclu que cette plainte était limitée par le délai de 90 jours pour présenter une plainte en vertu du paragraphe 190(2) de la Loi et que toute plainte concernant des actions qui ont suivi immédiatement le dépôt de ses griefs était hors délai. J’ai conclu que le seul aspect des allégations du plaignant qui se trouve dans le délai de 90 jours était la demande de remboursement de février 2022. Pour être clair, la demande de remboursement du trop-payé n’a pas suivi « immédiatement » le dépôt de ses griefs. Elle a été présentée plusieurs années après le dépôt des griefs et sept mois après que le plaignant ait pris sa retraite de la fonction publique.
[132] Je comprends que le plaignant ait éprouvé des difficultés importantes à l’égard de la fin de son emploi chez l’employeur. Il a clairement établi au moins une cause défendable selon laquelle il y a eu des retards et des délais non respectés dans la conciliation de sa rémunération liée à la fin de son emploi et des erreurs ou des retards dans la production d’un rapprochement exact des feuillets T4 de ses années antérieures. Il a établi au moins une cause défendable selon laquelle il avait donc éprouvé des problèmes en ce qui concerne le rapprochement exact de ses déclarations de revenus avec l’Agence du revenu du Canada.
[133] Toutefois, il n’a pas plaidé des faits qui me permettraient de conclure qu’il avait une cause défendable selon laquelle le défendeur a présenté le 9 février 2022 une demande de remboursement comme un acte de représailles ou pour l’obliger à s’abstenir de présenter un grief équivalant à une pratique déloyale de travail.
[134] J’ai déjà conclu que TPSGC et le Centre des services de paye de SPAC ne sont pas des défendeurs à la présente plainte. Aucun fait n’a été plaidé et aucun document fourni ne donneraient à penser que le Centre des services de paye de SPAC savait que le plaignant avait déposé un grief. Aucun fait n’a été plaidé qui indiquerait que le défendeur en l’espèce, le Conseil du Trésor (Commission de la fonction publique), a demandé au Centre des services de paye de SPAC de présenter la demande de remboursement du trop-payé.
[135] Le défendeur a soutenu que le trop-payé avait eu lieu en ce qui a trait à la rémunération pendant une période de congé non payé en 2016 et qu’il n’était aucunement lié aux griefs déposés par le plaignant. Il s’agit d’une explication crédible qui n’a été contrecarrée par aucun fait présenté par lui.
[136] J’ai fait remarquer qu’en présentant la présente plainte, le plaignant a souligné que [traduction] « […] le défendeur avait connaissance ou aurait dû avoir connaissance du fait que le plaignant ne lui devait pas ce montant » décrit dans la demande de remboursement. Il n’a plaidé aucun fait qui me permettrait de conclure que le défendeur avait connaissance ou aurait dû avoir connaissance du fait que le trop-payé initial n’avait pas eu lieu, ou qu’il n’était pas responsable du remboursement.
[137] Je prends note de l’avis d’arbitrage qu’il y a eu de nombreux problèmes de retards dans le rapprochement des trop-payés et des sous-paiements par l’entremise du Centre des services de paye de SPAC et du programme de logiciel de rémunération connu sous le nom de « Phénix »; voir, par exemple, Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, 2019 CRTESPF 27, au par. 150; Burns, au par. 37; le rapport de la Commission de l’intérêt public dans Alliance de la Fonction publique du Canada et du Conseil du Trésor du Canada, 2020 CanLII 12252 (CRTESPF), aux paragraphes 13 à 15.
[138] Je comprends que la demande de remboursement du 9 février 2022 n’a pas été anticipée par le plaignant et qu’elle a mené à la présentation de cette plainte. Je soupçonne que la demande de remboursement a été présentée dans le cadre d’un rapprochement de la rémunération du plaignant, à la suite du règlement de ses griefs et de sa retraite de la fonction publique. Toutefois, comme je l’ai déjà conclu, cette plainte ne peut être utilisée pour régler les questions abordées dans ses griefs. Une autre formation de la Commission a décidé de fermer ses dossiers de griefs parce qu’elle a déterminé que l’entente de règlement avait été pleinement mise en œuvre par le défendeur. Cette plainte ne peut être utilisée pour rouvrir ces dossiers de griefs ou pour déterminer de nouveau si l’entente de règlement a été entièrement mise en œuvre.
[139] Il est facile de distinguer cette plainte de Hager, qui a été cité par le plaignant comme un fondement de sa position selon laquelle il a établi une cause défendable. Dans ce cas, les plaignantes avaient plaidé des faits alléguant qu’un gestionnaire avait dit qu’ [traduction] « […] à force de [se] plaindre et d’insister pour avoir gain de cause, [elles allaient] finir par se retrouver dans une mauvaise posture » (voir le paragraphe 12) et qu’après avoir porté plainte au sujet du traitement des heures supplémentaires, elles ont été retirées d’une équipe de travail. La Commission s’est appuyée sur ces faits allégués pour conclure que les plaignantes avaient établi une cause défendable selon laquelle leur retrait de l’unité de travail constituait des représailles; voir le paragraphe 40.
[140] Dans le présent cas, le plaignant n’a pas plaidé des faits semblables à ceux qui ont été présentés dans Hager suggérant que le défendeur aurait pu tenter de le dissuader de présenter un grief ou de le punir de le faire.
[141] En tout état de cause, dans Hager, la Commission a déclaré que les plaignantes n’avaient présenté qu’un cas « ténu » de cause soutenable; voir le paragraphe 41. En outre, une fois la plainte passée à une audience orale, elle a été rejetée; voir Hager c. Statistique Canada, 2011 CRTFP 79, au par. 136.
[142] Étant donné que j’ai déterminé que le plaignant n’a pas réussi à établir une cause défendable selon laquelle le défendeur a commis une pratique déloyale de travail interdite par la Loi, j’ordonne le rejet de la plainte.
[143] Étant donné que j’ai rejeté la plainte, je n’ai pas besoin d’examiner en détail les éléments des mesures de réparation demandées par le plaignant qui pourraient relever de la compétence de la Commission et ceux qui ne le sont pas, qui étaient la quatrième question de la lettre de décision. Il suffit de dire que la plupart des mesures de réparation qu’il a demandées étaient liées à des allégations qui, selon moi, ne relèvent pas de la compétence de la Commission. De plus, la portée et l’ampleur des mesures de réparation qu’il a demandées dépassent de plusieurs ordres de grandeur la demande de remboursement de 7 746,70 $ qu’il prétend avoir reçue.
[144] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :
(L’ordonnance apparaît à la page suivante)
XI. Ordonnance
[145] La plainte est rejetée.
Le 22 juillet 2024.
Traduction de la CRTESPF
David Orfald,
une formation de la Commission
des relations de travail et de l’emploi
dans le secteur public fédéral