Date: 20240813
Dossiers: 566-02-44552
568-02-45153
Référence: 2024 CRTESPF 109
Loi sur la Commission des relations
de travail et de l’emploi dans le
secteur public fédéral et Loi sur les
relations de travail dans le secteur
public fédéral |
|
ENTRE
lyne desjardins
fonctionnaire s’estimant lésée
et
CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement)
employeur
Répertorié
Desjardins c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement)
Devant : Renaud Paquet, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour la fonctionnaire s’estimant lésée : Katty Duranleau, avocate
Pour l’employeur : Andréa Baldy, avocate
Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 23 au 26 avril et du 29 avril au 3 mai 2024,
et par vidéoconférence le 30 mai et le 11 juillet 2024.
MOTIFS DE DÉCISION |
I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage
[1] Le 16 juin 2021, Lyne Desjardins, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire ») a déposé quatre griefs contre le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (l’« employeur »). La fonctionnaire est en retraite médicale depuis juin 2017. À compter de 1998, elle occupait un poste d’agente de sécurité de la technologie de l’information de groupe et niveau CS-02 à l’Agence canadienne de développement internationale (ACDI), une organisation qui fait maintenant partie de l’employeur. Au cours des années où elle a travaillé pour l’employeur, la fonctionnaire a aussi occupé, sur une base intérimaire, un poste de groupe et niveau CS-03. La convention collective applicable est celle entre le Conseil du Trésor et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») pour le groupe Systèmes d’ordinateurs, dont la date d’expiration était le 21 décembre 2010 (la « convention collective »).
[2] Le premier grief de la fonctionnaire porte le numéro 2021-GR-21 (le « grief 21 »). La section « énoncé du grief » se lit comme suit :
Je dépose un grief parce que mon employeur n’a entrepris aucune action afin que cesse le harcèlement au travail dont j’ai été victime et a eu à mon endroit un comportement discriminatoire, abusif et de mauvaise foi, notamment en raison des faits suivants […]
· Ignorer le harcèlement que je subissais de la part de Charlene Caines-Lufman qui s’est soldé par un congé de maladie, et puis en congé de maladie non payé pour raison d’invalidité
· La rémunération continue à me faire payer des primes d’assurance de la Sunlife pendant mon congé sans solde pour raison d’invalidité alors que j’étais exonérée de les payer (lettre du 24 mars 2010)
· La rémunération néglige de maintenir la couverture de la Sunlife pendant les 6 mois suivant ma retraite médicale (lettre du 3 décembre 2020)
· La rémunération coupe mes bénéfices d’assurance dentaire (Great West) rétroactivement au 29 janvier 2016 alors que j’étais encore une employée. Et j’ai dû absorber tous les coûts
· Luc Raymond et Christine Sabourin ont ignoré le pronostic favorable du médecin spécialiste de la Sunlife
· L’employeur me faire payer pour des examens médicaux exigés par celui-ci
[…]
· Luc Raymond et Christine Sabourin ont décidé pour moi que la retraite médicale était préférable à un retour au travail et ont pris les mesures pour m’y contraindre sans que je puisse bénéficier d’un retour au travail
· Ni Luc Raymond ou Christine Sabourin ne m’a informé des options d’un retour au travail avec accommodements ou de façon progressive
· La gestion m’a contraint de signer un consentement à me soumettre à une évaluation de l’aptitude au travail sans me donner l’information sur ce document
· Ni Christine Sabourin ou Santé Canada n’a discuté avec moi ou mon médecin concernant les mesures d’accommodement ou un retour progressif
· Christine Sabourin a tenté de me référer immédiatement à santé Canada sans consulter mon médecin
· Christine Sabourin m’a retourné mes effets personnels à la maison alors que j’étais encore une employée
· Sans m’en avertir, en août 2012, Christine Sabourin a écrit à mon médecin pour demander un avis médical sur mon aptitude au travail
· Sans préavis, Luc Raymond m’a fait parvenir les documents pour une retraite médicale alors que je n’en avais jamais exprimé le désir ou fait la demande
[…]
· Nathalie Godin m’informe d’une fin d’emploi par la haute gestion si je ne prenais pas une retraite médicale
· Tentatives de me faire démissionner rétroactivement par Jean‑François Landry et Danielle Dauphinais
· Danielle Dauphinais me contraint à prendre une retraite médicale pour avoir accès à la couverture de mes assurances
· Danielle Dauphinais m’informe que c’est impossible de retourner au travail puisque mon dossier est approuvé par Santé Canada
· Charlene Janvier accepte ma démission alors qu’elle n’est pas mon superviseur
· Le 15 juin 2017, la rémunération me fait parvenir une lettre mettant fin à l’emploi à mon adresse courriel pour une retraite médicale rétroactive au 29 janvier 2016
· Luc Raymond ou Christine Sabourin ne m’a pas donné l’information sur les impacts d’un réaménagement des effectifs tel que mentionné dans la lettre du 16 avril 2012
· Luc Raymond a coupé mon poste substantif (SAP-4902) le 7 janvier 2014 et ce, sans m’en aviser alors que j’étais encore employé
· Luc Raymond ne m’a pas déclaré optante comme mes collègues
[…]
· Derrick Stewart a coupé mon nouveau poste (419822) le 10 août 2016, et ce sans m’en aviser alors que j’étais encore employée sans offre de retour au travail
· Marie-Claude Boisvert ne m’a pas informé que Derrick Stewart était mon nouveau superviseur
· J’ai été sans poste substantif entre le 7 janvier 2014 et le 31 mars 2014, je n’ai donc pas de poste pour un retour au travail
· J’ai été sans poste substantif entre le 10 août 2016 et le 15 juin 2017, je n’ai donc pas de poste pour un retour au travail
· Le 28 juillet 2017, Charlene Janvier accepte ma démission en date du 15 juin 2017, alors qu’elle n’est pas mon superviseur
· Le 4 février 2021, Luc Raymond m’informe que mon poste substantif (SAP-4902) a été aboli le 16 juin 2017 lorsque celui-ci a été aboli le 7 janvier 2014
Je conteste également que mon employeur a préconisé la retraite médicale au lieu d’un retour au travail avec mesure d’adaptation ou progressif.
[Sic pour l’ensemble de la citation]
[3] Le deuxième grief de la fonctionnaire porte le numéro 2021-GR-28 (le « grief 28 »). La section « énoncé du grief » se lit comme suit :
Je dépose un grief parce que mon employeur m’a donné de l’information fautive en affirmant que je ne pouvais pas retourner au travail puisque Santé Canada avait approuvé ma retraite médicale et que si je ne la prenais pas, on mettrait fin à mon emploi avec des impacts sur mon indemnité de départ. Je conteste également le fait que mon Employeur ne s’est pas assuré de mettre en place des mesures d’adaptation me permettant de revenir au travail suivant mon congé pour invalidité ce qui contrevient à son obligation d’accommodement.
Sa dévaluation de ma personne en tant qu’employée a eu de graves impacts sur ma santé psychologie et causé des préjudices financiers.
[Sic pour l’ensemble de la citation]
[4] Le troisième grief de la fonctionnaire porte le numéro 2021-GR-29 (le « grief 29 »). La section « énoncé du grief » se lit comme suit :
Je dépose un grief pour réclamer des sommes d’argent qui me sont dues pour:
· Paiement de mon indemnité de départ (subsidiairement au rejet de mon grief 2)
· Paiement du solde de mes congés annuels et de mon temps supplémentaire accumulé (subsidiairement au rejet de mon grief 2)
· Remboursement des sommes d’argent que j’ai encourues pour des examens médicaux exigés par mon employeur, Santé Canada et Sun Life.
· La rémunération continue de me faire payer des primes d’assurance de la Sunlife pendant mon congé sans solde pour raisons d’invalidité alors que j’étais exonérée de les payer (lettre du 24 mars 2010)
· La rémunération néglige de maintenir la couverture de la Sunlife pendant les 6 mois suivant ma retraite médicale (lettre du 3 décembre 2020)
· La rémunération coupe mes bénéfices d’assurances dentaires (Great West) rétroactivement au 29 janvier 2016 alors que j’étais encore une employée, et j’ai dû absorber tous les coûts
[Sic pour l’ensemble de la citation]
[5] Le quatrième grief de la fonctionnaire porte le numéro 2021-GR-30 (le « grief 30 »). La section « énoncé du grief » se lit comme suit :
Je dépose un grief pour contester la réclamation de toutes les cotisations de pension et assurances en souffrance, liées à une période de congé non payé antérieur.
[6] Les mesures correctives demandées par la fonctionnaire pour les griefs 21, 28, 29 et 30 se résument comme suit :
· Le versement de sommes d’argent pour compenser les dommages moraux subis à la suite du harcèlement au travail et de la discrimination;
· Être reportée à l’effectif rétroactivement au 2 février 2010;
· Être déclarée excédentaire rétroactivement au 17 avril 2014;
· Être déclarée « optante » à la date du règlement du grief;
· Le remboursement par l’employeur de toutes les sommes que ces mesures impliquent, ainsi que le paiement par l’employeur des répercussions fiscales;
· Le remboursement des sommes qui lui sont encore dues à ce jour.
[7] L’employeur a répondu au palier final de la procédure de règlement des griefs le 9 mars 2022, et les quatre griefs ont été renvoyés à l’arbitrage le 14 avril 2022 avec l’appui de l’agent négociateur. Pour les fins de l’arbitrage, les quatre griefs forment un seul dossier, soit le dossier 566-02-44552.
[8] L’employeur s’est opposé à ma compétence d’entendre les griefs sur la base que, lors de leur dépôt, la fonctionnaire n’était plus une employée de la fonction publique depuis plusieurs années. De plus, les griefs auraient été déposés en dehors du délai prescrit par la convention collective. Je reviendrai plus loin sur ces objections et je les traiterai avant de me prononcer sur le fond des griefs.
II. Résumé de la preuve
[9] De façon générale, les faits relatifs aux griefs ne sont pas contestés. Je présenterai donc ensemble la preuve soumise par les parties.
[10] La fonctionnaire a d’abord témoigné. Elle a présenté 138 documents en preuve. Elle a aussi appelé Chloé Charbonneau-Jobin comme témoin. Lors de la période sur laquelle porte son témoignage, elle était agente syndicale pour l’agent négociateur. Mme Charbonneau-Jobin est avocate. L’employeur a appelé Charlène Janvier, Jean‑François Landry et Luc Raymond comme témoins. Lors de la période sur laquelle porte leur témoignage, ces témoins travaillaient pour l’employeur. Mme Janvier était conseillère en relations de travail, puis gestionnaire du programme de gestion de l’incapacité au travail, M. Landry était gestionnaire de la rémunération et M. Raymond était directeur par intérim de la sécurité ministérielle de l’infrastructure et des services de gestion. M. Raymond a aussi géré le programme de réduction des effectifs pour l’employeur. L’employeur a déposé 75 documents en preuve.
[11] La fonctionnaire a été embauchée par l’employeur en 1998 dans un poste de sécurité des systèmes informatiques. Au cours des années 2008 à 2010, la fonctionnaire a vécu des moments très difficiles, à la fois sur le plan personnel et sur le plan professionnel. Elle était alors mère monoparentale sans aide. Un de ses enfants a perdu la vue. Au travail, sa relation avec sa superviseure n’était pas bonne. Selon la fonctionnaire, sa superviseure lui faisait sentir qu’elle ne faisait pas un bon travail. Elle lui aurait aussi crié par la tête. Toute cette situation a grandement affecté la fonctionnaire et provoqué chez elle un épisode de dépression sévère. Le 20 février 2010, la fonctionnaire est partie en congé de maladie. Elle n’est d’ailleurs jamais retournée au travail par la suite.
[12] Le 24 mars 2010, l’employeur a écrit à la fonctionnaire lui confirmant qu’elle serait en congé de maladie non payé à compter du 20 février 2010, et lui expliquant ses options et ses responsabilités, entre autres, concernant les prestations d’invalidité, le programme de réadaptation, le régime de pensions du Canada, le régime des rentes du Québec, la retraite pour raisons de santé, ainsi que les déductions applicables. La fonctionnaire a témoigné qu’elle avait reçu la lettre du 24 mars 2010, mais qu’elle ne l’avait peut-être pas lue à l’époque.
[13] La fonctionnaire a éventuellement demandé de l’aide à l’agent négociateur. Au départ, une représentante de la section locale de l’agent négociateur a examiné son dossier, puis elle a référé la fonctionnaire à Mme Charbonneau-Jobin. Cette dernière a suggéré à la fonctionnaire de rédiger par écrit ses allégations contre l’employeur. Selon le contenu des allégations, elle pourrait alors lui recommander soit de déposer un grief, soit de présenter une plainte de harcèlement. Mme Charbonneau-Jobin a aussi fait part à la fonctionnaire des délais liés à l’une ou l’autre de ces procédures.
[14] Le 27 juillet 2010, la Sun Life, détentrice du contrat collectif d’assurance invalidité de la fonction publique fédérale à l’époque, a avisé la fonctionnaire qu’elle acceptait de lui verser des prestations d’assurance invalidité rétroactivement au 4 mai 2010, à raison de 70 % de son salaire. La Sun Life a aussi avisé la fonctionnaire qu’elle devrait présenter régulièrement des attestations médicales confirmant son état de santé.
[15] Entre-temps, en mai 2010, une conseillère en rémunération de l’employeur a demandé à la fonctionnaire si elle désirait payer à l’avance ses cotisations au régime de soins de santé afin de maintenir sa couverture. Il s’est avéré plus tard que la fonctionnaire était alors exemptée du paiement de ces cotisations.
[16] Selon les notes du 27 octobre 2010 au dossier de la Sun Life, la fonctionnaire a expliqué au représentant de la Sun Life que son état de santé ne lui permettait pas de travailler. Elle était alors en attente d’une chirurgie en plus de souffrir de dépression. La fonctionnaire aurait alors aussi dit qu’elle aimerait retourner au travail, une fois sa santé physique et mentale rétablie.
[17] Le 22 décembre 2010, Louis Demers, médecin de famille de la fonctionnaire, a écrit à la Sun Life que la fonctionnaire souffrait toujours de dépression majeure d’intensité sévère. Selon le Dr Demers, la date de retour au travail était alors impossible à déterminer. Il retenait par contre la date du 11 avril 2011 comme date possible de retour au travail. Il a aussi mentionné que la fonctionnaire aurait alors surement besoin d’aide pour ce retour, qui devrait être progressif.
[18] Le 1er avril 2011, Marie-Hélène Lyon, la gestionnaire de la fonctionnaire, lui a écrit pour s’enquérir de son état de santé. Elle lui a écrit que son bureau était toujours inoccupé et qu’elle espérait que sa santé aille mieux. Elle lui a demandé si elle prévoyait revenir au travail en juillet, si c’était à temps plein ou à temps partiel et de lui laisser savoir si elle avait des restrictions au travail. La fonctionnaire a répondu le 5 avril 2011 que le certificat médical était valide jusqu’à la mi-juillet 2011, et que son état de santé était régulièrement évalué par ses médecins traitants. Elle a ajouté qu’elle était entre les mains de professionnels et qu’il lui était impossible d’en dire plus pour le moment. La fonctionnaire a témoigné que l’employeur ne lui avait alors rien proposé pour faciliter son retour au travail.
[19] Je note que la fonctionnaire a obtenu en 2023, à la suite d’une demande d’accès à son dossier, une note d’une représentante de la Sun Life à savoir que Mme Lyon aurait dit à cette représentante le 18 avril 2011 que l’employeur entreprendrait bientôt des démarches pour combler le poste de la fonctionnaire de façon permanente et qu’elle devrait s’informer pour savoir si le poste de la fonctionnaire serait toujours disponible en juillet 2011. Mme Lyon a aussi dit à la représentante de la Sun Life qu’elle avait besoin de connaître les restrictions et limitations de la fonctionnaire avant de se prononcer sur sa capacité de prendre des mesures d’adaptation à son égard lors de son retour au travail.
[20] Le 26 avril 2011, le Dr Demers a fourni à la Sun Life un rapport médical détaillé faisant état de l’incapacité immédiate de la fonctionnaire de retourner au travail. Il a indiqué ce qui suit en ce qui concerne si elle pouvait bénéficier de l’aide du service de réadaptation de la Sun Life lorsqu’elle serait prête à retourner au travail : « dans 2-3 mois peut-être? » Une rencontre a eu lieu le 26 mai 2011 entre une consultante de la Sun Life et la fonctionnaire. Le même jour, la consultante de la Sun Life a écrit à la fonctionnaire que le plan de réadaptation comprenait une communication avec l’employeur concernant la disponibilité de son poste et la détermination des balises de retour au travail dans des conditions favorables, l’offre par la Sun Life du paiement de huit sessions de psychothérapie, un suivi hebdomadaire sur l’évolution de l’état de la fonctionnaire en vue de son retour au travail et l’élaboration d’un plan de retour au travail avec la participation des parties impliquées. La fonctionnaire a témoigné qu’elle avait amorcé la thérapie, mais que l’employeur n’avait jamais communiqué avec elle concernant le plan de réadaptation.
[21] Le 6 juin 2011, la fonctionnaire a écrit à Mme Lyon pour lui demander ce qui advenait de son poste. Le 17 juin 2011, Mme Lyon lui a répondu que son poste n’avait pas été doté lors de son absence et que ses « circonstances d’emploi » seraient les mêmes si elle revenait au travail en juillet. Elle lui a fait part qu’elle était heureuse d’apprendre qu’elle travaillait avec la Sun Life pour planifier son retour au travail. Elle lui a aussi demandé de lui faire part d’une date de retour possible et de restrictions particulières qu’elle aurait. Elle lui a écrit que l’employeur ferait tout le nécessaire pour que son retour au travail soit un succès. Enfin, elle lui a fait part que l’employeur avait le droit de doter le poste d’un fonctionnaire après une absence excédant une année.
[22] Le 4 décembre 2011, le Dr Demers a écrit à la Sun Life que la condition médicale de la fonctionnaire était encore perturbée par sa dépression majeure. Le Dr Demers a écrit que la fonctionnaire ne pouvait reprendre le travail même en réadaptation. Il n’a alors mentionné aucune date possible de retour au travail.
[23] Le 9 janvier 2012, la Sun Life a donné le mandat à Édouard Cattan, psychiatre, de fournir une expertise médicale sur l’état de santé de la fonctionnaire. Cette dernière a rencontré le Dr Cattan le 13 janvier 2012. La consultation médicale a duré 2 heures et demie. Le Dr Cattan a immédiatement suggéré des changements à la médication de la fonctionnaire. Il a d’ailleurs inscrit ces changements sur un bout de papier, de sorte que la fonctionnaire puisse dès lors en bénéficier. Par ailleurs, la fonctionnaire a témoigné n’avoir jamais vu le rapport détaillé du Dr Cattan, si ce n’est que plusieurs années plus tard à la suite d’une demande d’accès à l’information. Dans son rapport, le Dr Cattan a écrit que la fonctionnaire n’était alors pas prête à retourner travailler, mais que ses limitations n’étaient pas permanentes. Selon le Dr Cattan, la fonctionnaire devrait envisager un retour graduel au travail dans les 8 à 12 prochaines semaines.
[24] Le 11 janvier 2012, M. Raymond a écrit à la fonctionnaire, lui soulignant que son dernier certificat médical impliquait que son absence du travail dépasserait les deux ans. Il lui a demandé si son absence se poursuivrait au-delà d’avril 2012. Il lui a aussi demandé s’il était possible de la rencontrer ou de tenir une conférence téléphonique le lundi suivant en compagnie de Christine Sabourin, des relations de travail. N’ayant pas eu de réponse, M. Raymond a écrit de nouveau à la fonctionnaire le 16 janvier 2012. Il lui a alors écrit que la date de deux ans d’absence approchait et que cela pourrait donner lieu à d’importants changements. La fonctionnaire lui a répondu le 17 janvier 2012, suggérant une rencontre pour la semaine suivante, ailleurs que dans des locaux de l’employeur et en présence d’une représentante de l’agent négociateur.
[25] Après quelques échanges, il a été convenu que la rencontre se tiendrait le 24 janvier 2012 à 10 h au bureau de M. Raymond, et que la fonctionnaire participerait par téléphone. La fonctionnaire en a été informée par courriel. La rencontre a cependant été reportée, car Mme Charbonneau-Jobin n’était plus disponible à cause d’un imprévu. Cependant, le 23 janvier 2012, il y a eu une rencontre entre la représentante de la section locale de l’agent négociateur, Mme Charbonneau-Jobin et la fonctionnaire.
[26] Le 27 janvier 2012, Mme Charbonneau-Jobin a écrit à la fonctionnaire lui indiquant qu’elle essayait de fixer de nouveau la rencontre qui devait avoir lieu avec M. Raymond le 24 janvier 2012. Rien dans la preuve ne vient expliquer ce qui est arrivé avec cette demande de rencontre. La fonctionnaire a témoigné que la rencontre en question n’avait jamais eu lieu. Puis, le 14 février 2012, Mme Charbonneau-Jobin a écrit à la fonctionnaire. Elle l’a informée qu’elle avait demandé à la Direction des relations de travail que l’employeur ne tente pas d’entrer directement en contact avec la fonctionnaire. Elle l’a aussi informée qu’elle serait absente pour les deux prochaines semaines.
[27] Le 23 mars 2012, Mme Sabourin a écrit à Mme Charbonneau-Jobin, lui transmettant un formulaire de consentement pour que la fonctionnaire accepte de se soumettre à une évaluation de son aptitude au travail par son médecin traitant. Lors de cette évaluation, le médecin traitant devait fournir un pronostic pour un retour au travail dans les six mois, ainsi que les restrictions ou limitations fonctionnelles dans le cas d’un retour au travail. Le médecin devait aussi indiquer s’il y avait lieu d’envisager une retraite médicale dans l’éventualité où la fonctionnaire n’était plus en mesure de retourner au travail. Le 26 mars 2012, Mme Sabourin a écrit à M. Raymond pour lui indiquer que Mme Charbonneau-Jobin était d’accord pour qu’il envoie directement à la fonctionnaire le formulaire de consentement. Puis, le 5 avril 2012, M. Raymond a fait parvenir le formulaire de consentement à la fonctionnaire. Elle lui a répondu qu’elle remettrait le formulaire en question au Dr Demers le 7 mai 2012. Elle avait au préalable fait parvenir à l’employeur un nouveau certificat pour maladie jusqu’en juillet 2012.
[28] Le 5 avril 2012, M. Raymond a aussi informé la fonctionnaire qu’il y avait une rencontre de tous les employés de sa direction générale dans le but de les informer de l’impact des réductions budgétaires sur les employés. Plus tard le même jour, Mme Charbonneau-Jobin a demandé à M. Raymond s’il suggérait que la fonctionnaire se présente à la rencontre de tous les employés. Elle lui a rappelé que la fonctionnaire était en congé sans solde pour raison de maladie. Puis, le 16 avril 2012, l’employeur a écrit à la fonctionnaire l’informant que son poste portant le numéro SAP-4902 avait été identifié comme un poste affecté. L’employeur a écrit que la fonctionnaire était désormais considérée comme une employée affectée, puisque ses services pourraient ne plus être requis à la suite de l’exercice de réaménagement des effectifs. La fonctionnaire a témoigné que la réception de cette lettre l’avait rendue très anxieuse. Elle a dit avoir alors appelé l’agent négociateur pour demander ce que cela voulait dire. Elle n’a pas communiqué avec l’employeur pour avoir plus d’explications. Elle a témoigné qu’elle était toujours en attente d’une rencontre avec l’employeur.
[29] Le 26 avril 2012, la fonctionnaire a demandé à la Sun Life une copie du rapport du Dr Cattan. Le 5 juin 2012, le Dr Demers a lui aussi demandé à la Sun Life une copie du même rapport. La fonctionnaire a témoigné que le Dr Demers voulait voir ce rapport avant de conclure sur son état de santé. Ni la fonctionnaire ni le Dr Demers n’ont alors reçu le rapport du Dr Cattan.
[30] Au début juin 2012, il y a eu plusieurs échanges de courriels entre la fonctionnaire et l’agent négociateur au sujet de la retraite médicale et les prestations de la Sun Life. Le 4 juin 2012, la fonctionnaire a écrit à Mme Charbonneau-Jobin lui demandant de lui expliquer ce qu’impliquait une retraite médicale. Elle voulait alors savoir si elle conserverait alors son lien d’emploi, si elle recevrait toujours 70 % de son salaire, si elle recevrait des prestations de retraite en plus des prestations de la Sun Life et quelles étaient les implications pour le régime des rentes du Québec. Elle voulait aussi connaître les implications d’une retraite médicale sur ses assurances de fonctionnaire. Mme Charbonneau-Jobin a alors adressé la fonctionnaire à Bernard Dussault, le spécialiste de l’agent négociateur en matière de pension et d’avantages sociaux. M. Dussault a répondu par courriel à chacune des questions de la fonctionnaire en fin de journée le 4 juin 2022. Le 7 juin 2022, la fonctionnaire a demandé quelques précisions à M. Dussault au sujet de ses réponses et ce dernier lui a répondu plus tard la même journée.
[31] Le 5 juillet 2012, le Dr Demers a fourni un nouveau certificat médical indiquant ce qui suit pour un retour possible au travail : « En octobre 2012 ? »
[32] Selon le document déposé en preuve, la fonctionnaire a signé le formulaire de consentement que l’employeur lui avait fourni le 5 avril 2012. Elle a dit qu’elle le remettrait au Dr Demers le 7 mai 2012. Puis, elle a signé le formulaire le 10 août 2012 et elle l’a fait parvenir à M. Raymond le lendemain. Le 22 août 2012, Mme Charbonneau‑Jobin a avisé la fonctionnaire que le formulaire de consentement devait plutôt être remis au Dr Demers. Elle lui a aussi écrit que, selon l’évaluation médicale du Dr Demers, il était possible que l’employeur décide d’envoyer son dossier à Santé Canada. La fonctionnaire a répondu à Mme Charbonneau-Jobin qu’elle avait laissé le formulaire de consentement au bureau du Dr Demers, mais que ce dernier ne serait de retour de vacances que le 27 août 2012.
[33] Le 29 août 2012, Mme Sabourin a écrit au Dr Demers pour lui demander de fournir un avis médical concernant l’aptitude au travail de la fonctionnaire et sa capacité à accomplir les fonctions de son poste. Elle a fourni une description de travail uniquement en anglais au Dr Demers. Elle lui a aussi demandé s’il y avait lieu d’envisager une retraite médicale si la fonctionnaire n’était plus en mesure de réintégrer ses fonctions. La fonctionnaire a témoigné que c’était la première fois que l’employeur lui parlait de retraite médicale, qu’elle ne savait pas ce que cela impliquait et que le Dr Demers ne le savait pas non plus. Elle a aussi témoigné que le Dr Demers avait demandé qu’une description de travail en français lui soit transmise.
[34] Le 24 août 2012, un adjoint au directeur a informé Mme Sabourin qu’il avait depuis un certain temps des effets personnels appartenant à la fonctionnaire et qu’il aimerait lui faire parvenir. Mme Sabourin a transmis la demande à Mme Charbonneau-Jobin pour obtenir son avis. Cette dernière en a informé la fonctionnaire pour obtenir ses instructions.
[35] Le 12 novembre 2012, Mme Charbonneau-Jobin a écrit à Mme Sabourin qu’elle comprenait que l’employeur ferait parvenir sous peu à la fonctionnaire une lettre accompagnée des formulaires requis afin d’entamer le processus d’approbation de la retraite médicale par Santé Canda. Elle a informé Mme Sabourin qu’elle avait parlé à la fonctionnaire et qu’elle lui avait conseillé de communiquer avec M. Dussault. Mme Charbonneau-Jobin l’a également informée qu’elle quittait en congé de maternité le 16 novembre 2012, et que Sara Boulé-Perroni la remplacerait. Elle a aussi témoigné à l’audience qu’elle sentait qu’elle s’était acquittée de son rôle de représentation par rapport à la fonctionnaire.
[36] Le 21 novembre 2012, la fonctionnaire a reçu une lettre de M. Raymond l’informant qu’à la suite de la réception de l’avis médical fourni par le Dr Demers, l’employeur communiquerait avec Santé Canada afin d’obtenir sa recommandation de lui octroyer une retraite anticipée pour raison médicale. M. Raymond lui a également fourni deux formulaires à être remplis par le Dr Demers.
[37] La fonctionnaire a témoigné qu’elle n’avait jamais demandé de prendre une retraite médicale et que l’employeur ne lui avait jamais demandé si elle voulait prendre une retraite médicale. Il s’agissait d’une initiative de l’employeur. Elle a dit avoir été poussée au pied du mur, car on ne lui avait laissé que trois options : démissionner, revenir au travail dans les six mois ou prendre une retraite médicale. La fonctionnaire a aussi témoigné qu’elle n’avait jamais reçu de lettre de l’employeur lui expliquant ses options. Mme Charbonneau-Jobin a témoigné qu’une telle lettre était normalement fournie dans des situations comme celle de la fonctionnaire. La fonctionnaire a dit qu’elle ne comprenait pas alors quel était le rôle de Santé Canada, et qu’on lui avait demandé de remplir des formulaires sans explications du contenu. Elle a témoigné qu’à cette époque, elle ne connaissait pas les étapes menant à la retraite médicale et qu’elle n’avait jamais rencontré de médecin de Santé Canada.
[38] Quoiqu’il en soit, la fonctionnaire a déposé en preuve sa demande écrite de retraite médicale et l’approbation par Santé Canada. Le 18 février 2013, la fonctionnaire a signé la déclaration du requérant qui se lit comme suit : « Je déclare avoir volontairement soumis cette demande de retraite pour cause de maladie. » Elle a témoigné qu’elle n’avait alors pas porté attention à ce qu’elle avait signé. Le 18 février 2013, le médecin traitant de la fonctionnaire, le Dr Demers, a signé la déclaration suivante :
Je soussigné, médecin traitant dûment autorisé, certifie avoir fait subir un examen minutieux au fonctionnaire susnommé et être d’avis que cette personne : est incapable de façon permanente d’exercer régulièrement une occupation sensiblement rémunératrice […]
[39] Le 14 juin 2013, Joanna Bostwick, de Santé Canada, a approuvé la demande de retraite médicale de la fonctionnaire. La signature de la Dr Bostwick est précédée de cette mention : « La demande de cette personne de prendre sa retraite aux termes de la Loi sur la pension de la fonction publique, EST APPROUVÉE au nom du sous-ministre de Santé Canada. » La fonctionnaire a témoigné avoir reçu ce document d’approbation de la retraite médicale.
[40] Le 9 août 2013, Nathalie Godin, gestionnaire à la rémunération, a écrit à M. Raymond lui indiquant qu’elle avait discuté avec la fonctionnaire et que, d’un point de vue d’avantages sociaux, la meilleure date de retraite pour la fonctionnaire serait le 28 décembre 2013. Puis, le 10 janvier 2014, Mme Godin a écrit à la fonctionnaire lui demandant de lui confirmer le plus rapidement possible la date de retraite choisie. Le 22 janvier 2014, la fonctionnaire a écrit à Mme Godin et à une autre personne au sujet du rachat de service d’une courte période d’emploi en 1999. La fonctionnaire y indique qu’il manque un document de l’employeur pour compléter le rachat. Mme Godin a répondu le 27 janvier 2014 que la fonctionnaire devait aussi signer un formulaire pour le rachat de service.
[41] Selon la preuve déposée, il ne s’est rien passé au cours des 22 mois qui suivirent dans le dossier de retraite médicale de la fonctionnaire. Puis, le 10 décembre 2015, la fonctionnaire a écrit à M. Dussault, le spécialiste de l’agent négociateur en matière de pension et d’avantages sociaux. Elle lui a alors relaté l’information que Mme Godin lui avait laissée sur sa boîte vocale et la discussion subséquente. Mme Godin a alors insisté pour que la fonctionnaire lui donne une date de retraite, car Mme Godin devait absolument fermer le dossier avant son départ pour de nouvelles fonctions. Elle aurait dit à la fonctionnaire qu’autrement le dossier serait remis à la direction, et que cette dernière mettrait fin à son emploi. Cela pouvait avoir un impact sur son indemnité de départ. Elle aurait aussi dit à la fonctionnaire qu’elle ne pouvait retourner au travail une fois que la retraite médicale avait été approuvée. Enfin, Mme Godin a alors fortement suggéré à la fonctionnaire de prendre sa retraite le 23 décembre 2015. Elle a ajouté que l’employeur avait accepté d’attendre pour permettre à la fonctionnaire de régler son rachat de service et de bénéficier des ajustements de salaire applicables au groupe CS.
[42] Le 11 décembre 2015, la fonctionnaire a écrit à M. Landry, gestionnaire à la rémunération, l’avisant que sa date de fin d’emploi serait « […] le 28 janvier 2016 et ce, pour une retraite médicale effective à compter du 29 janvier 2016 ». M. Landry a informé l’agent négociateur le 15 décembre 2015 qu’il allait aviser le centre des pensions et le centre de paie à Miramichi pour que ce dernier complète les derniers documents et ferme le dossier de paye. Puis, le 20 avril 2016, un représentant de l’agent négociateur a écrit à la Direction des relations de travail de l’employeur pour l’informer que la fonctionnaire avait communiqué avec lui pour lui dire qu’elle n’avait rien reçu du centre des pensions depuis l’acceptation de sa date de retraite du 29 janvier 2016. La fonctionnaire a elle aussi fait un suivi auprès de M. Landry le 29 avril 2016 pour demander ce qui se passait. Elle a témoigné qu’elle n’avait jamais reçu de réponse de M. Landry.
[43] Le 16 juin 2016, Mélissa Leblanc, experte stagiaire en pension du Centre de pension, a écrit à la fonctionnaire l’informant qu’elle comprenait que sa date de retraite « […] serait peut-être le 29 janvier 2016 ». Elle a aussi écrit qu’elle attendait toujours les documents de retraite des Ressources humaines de l’employeur. Elle a aussi demandé à la fonctionnaire de l’aviser si elle contestait sa date de retraite.
[44] Selon la preuve déposée, il semble ne s’être rien passé dans le dossier de retraite de la fonctionnaire entre juin 2016 et juin 2017. Il n’y a eu aucune nouvelle information médicale transmise lors de cette période. Entre-temps, la fonctionnaire a continué à recevoir ses prestations d’invalidité de la Sun Life.
[45] Le 15 juin 2017, le Centre de paye de la fonction publique a écrit à la fonctionnaire pour l’informer que sa date en vigueur de cessation d’emploi était le 29 janvier 2016. On lui a alors fourni l’impact de cette cessation d’emploi sur les différents avantages auxquels elle avait droit. À la suite de la réception de cette lettre, la fonctionnaire a communiqué avec M. Landry et avec l’agent négociateur. Elle a témoigné qu’il était inacceptable pour elle qu’on la force à prendre une retraite rétroactive de 17 mois.
[46] La fonctionnaire a témoigné qu’elle n’avait pas reçu la trousse de retraite normalement envoyée aux fonctionnaires qui prennent leur retraite. Cependant, le 7 juillet 2017, M. Landry a envoyé un courriel aux Relations de travail, avec copie à l’agent négociateur, que cette trousse avait été envoyée à deux reprises à la fonctionnaire en décembre 2015, puis en mai 2016.
[47] Le 26 juillet 2017, Jean Ouellette, un agent des relations de travail de l’agent négociateur, a écrit à la directrice des Relations de travail de l’employeur, Danielle Dauphinais, demandant que la date de retraite du 29 janvier 2016 soit changée au 15 juin 2017. Mme Dauphinais a accepté la demande de M. Ouellette de changer la date de retraite au 15 juin 2017. Dans sa lettre du 28 juillet 2017, elle écrit ce qui suit : « Nous acceptons la date de retraite modifiée conformément à l’article 63 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP) ». La signature sur la lettre est illisible, on peut cependant y voir : « Pour Danielle Dauphinais. » Or, selon la preuve déposée et les témoignages de M. Landry, de M. Raymond et de Mme Janvier, cette lettre est habituellement signée par le gestionnaire délégué. En l’occurrence, ce gestionnaire était M. Raymond.
[48] La fonctionnaire a témoigné qu’elle avait eu de sérieux problèmes de santé de mai 2019 à novembre 2020 en raison d’une bactérie infectieuse. Elle a aussi témoigné que son état de santé était stable de 2015 à 2018. Elle a témoigné qu’elle était alors fonctionnelle à part quand elle avait des « stresseurs » à gérer. Elle a aussi témoigné que son état de santé s’améliorait graduellement au début 2012. Puis, on a commencé à lui parler de « l’ultimatum » après deux ans en invalidité, ce qui ne l’a pas aidée.
[49] Le 13 octobre 2020, la fonctionnaire a écrit à Andrea Lawrie, une représentante de l’agent négociateur, pour lui faire part des préjudices qu’elle aurait subis pendant un processus de réaménagement des effectifs. Elle a écrit que l’employeur n’aurait alors pas respecté ses obligations en vertu de la convention collective. Elle a aussi écrit que l’employeur aurait alors exercé une pression indue sur elle pour qu’elle prenne une retraite médicale. Le 1er décembre 2020, la fonctionnaire a repris à peu près ces mêmes propos dans une lettre adressée à Claude Houde, directeur général des relations en milieu de travail et santé organisationnelle de l’employeur. Elle voulait entre autres savoir si elle avait reçu tout ce à quoi elle avait droit dans le cadre du réaménagement des effectifs, et si sa retraite médicale avait été approuvée en conformité avec la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; LEFP).
[50] Le 13 décembre 2020, M. Houde a répondu à la fonctionnaire qu’il avait demandé à Mme Janvier et M. Landry de répondre aux questions qu’elle soulevait dans sa lettre du 1er décembre 2020. S’en suivirent des échanges entre la fonctionnaire, Mme Janvier, M. Landry, M. Raymond et Marie-Claude Boisvert-Bégin, conseillère en gestion de l’incapacité pour l’employeur.
[51] Le 4 février 2021, M. Raymond a écrit à la fonctionnaire qu’en 2012, au moment du réaménagement des effectifs, l’employeur préconisait que les personnes en congé de maladie ne devaient pas être déclarées excédentaires jusqu’à ce qu’elles reviennent au travail. Comme la fonctionnaire n’était jamais revenue au travail et qu’elle avait opté pour une retraite médicale, aucune option de réaménagement des effectifs ne lui avait alors été présentée.
[52] Dans les semaines qui suivirent, il y a eu d’autres échanges peu significatifs entre la fonctionnaire et les représentants de l’employeur. Le 5 mai 2021, la fonctionnaire n’avait toujours pas reçu de réponses aux questions soumises à M. Houde. Le 7 mai 2021, Daniel Pilon, directeur général de la planification des locaux nationaux, approvisionnements et gestion des biens pour l’employeur, a écrit à la fonctionnaire qu’il avait pris connaissance de son dossier à la suite du départ à la retraite de M. Raymond, et qu’il était satisfait que des réponses à ses questions lui avaient été fournies et que son dossier avait reçu toute l’attention qu’il méritait. Le 25 mai 2021, la fonctionnaire a écrit à M. Pilon qu’elle était en désaccord avec lui et qu’elle n’avait toujours pas reçu de réponses à ses questions. La fonctionnaire a témoigné qu’à partir de ce moment, elle a essayé d’obtenir de l’aide pour poursuivre son dossier.
[53] Le 17 juin 2021, la fonctionnaire a écrit à la sous-ministre de l’employeur. Elle lui a fait part d’une partie de ses récriminations et lui a transmis les quatre griefs dont il est ici question. Elle a alors expliqué sommairement les raisons qui justifiaient le délai à déposer ses griefs.
[54] La fonctionnaire a témoigné qu’elle avait multiplié les démarches entre octobre 2020 et juin 2021 pour faire avancer son dossier. Elle a écrit à l’agent négociateur pour demander de l’aide. Quelqu’un a alors été désigné à son dossier. Le 1er décembre 2020, elle a écrit à M. Houde. S’en sont suivis plusieurs échanges avec l’employeur. Puis, en mai 2021, l’agent négociateur lui aurait dit qu’il ne la représenterait pas. Par la suite, la fonctionnaire a consulté une avocate qui l’a aidée.
[55] La fonctionnaire a soumis en preuve divers documents relatifs à des problèmes ou erreurs de remboursement de réclamations médicales faites aux assurances. Elle a aussi soumis des documents relatifs à des erreurs de calcul quant à l’indemnité de départ, au calcul des congés fériés, du temps supplémentaire et d’autres avantages payables. Une partie de ces problèmes ou erreurs avait déjà été corrigée avant la présente audience.
[56] La fonctionnaire a témoigné que l’employeur ne l’avait jamais rencontrée pour discuter avec elle du processus de réaménagement des effectifs. La fonctionnaire n’a pas participé aux séances d’information de groupe données par l’employeur. Elle n’a jamais non plus reçu d’information écrite de l’employeur de ce qui arrivait de son poste. La fonctionnaire a déposé en preuve un document de l’employeur obtenu à la suite d’une demande d’accès à l’information. Ce document contient la mention suivante datée du 2 juillet 2013 : « Mme Desjardins a été acceptée pour une retraite médicale avant d’être déclarée optante. Doit confirmer avec la gestion si elle veut qu’on la « détouche » [sic]. En attente – congé maladie prolongé - DI ». M. Raymond et Mme Janvier ont témoigné que la pratique de l’employeur était de ne présenter les options de réaménagement des effectifs aux employés en congé d’invalidité que lors de leur retour au travail.
[57] Lors du contre-interrogatoire, la fonctionnaire a témoigné qu’entre février 2010 et le 15 juin 2017, la date d’entrée en vigueur de sa retraite médicale, elle n’avait jamais soumis un certificat médical qui confirmait qu’elle était apte au travail. Elle a aussi témoigné qu’elle n’avait jamais soumis de demande de mesure d’adaptation au travail, appuyée par une recommandation d’un médecin. Mme Janvier a aussi témoigné qu’on ne lui avait jamais parlé d’un possible retour au travail de la fonctionnaire. Enfin, la fonctionnaire a témoigné qu’elle n’avait pas toujours été bien conseillée par l’agent négociateur, qui aurait dû exercer plus de pressions sur l’employeur pour qu’une rencontre ait lieu en 2012. Selon elle, des solutions auraient alors pu être trouvées.
III. Résumé de l’argumentation sur les objections et la prorogation de délai
A. Pour l’employeur
[58] Il ressort de la preuve que la fonctionnaire a été absente du travail à partir du 2 février 2010 et qu’elle a commencé à recevoir des prestations d’invalidité le 4 mai 2010. Elle reçoit d’ailleurs encore ces prestations.
[59] Selon les documents médicaux au dossier, la fonctionnaire est devenue totalement invalide en 2010. Le 10 septembre 2012, le médecin de la fonctionnaire a signé le formulaire amorçant le processus de retraite médicale. Il y déclare que la fonctionnaire « […] est incapable de façon permanente d’exercer régulièrement une occupation sensiblement rémunératrice […] ». Puis, le 18 février 2013, la fonctionnaire signe le même formulaire déclarant avoir volontairement soumis une demande de retraite pour cause de maladie. Par la suite, soit le 14 juin 2013, Santé Canada a approuvé la demande de retraite médicale.
[60] La retraite médicale a été reportée à la fin 2013, puis en janvier 2016, et enfin en juin 2017. À la suite d’une demande de l’agent négociateur, l’employeur a accepté que la date de retraite médicale soit le 15 juin 2017. C’est à partir de cette date que la fonctionnaire est devenue éligible aux prestations de retraite. Cependant, ses prestations d’invalidité sont rajustées à la baisse.
[61] En 2020, soit plus de trois ans après la fin de son emploi, la fonctionnaire a signifié à l’employeur qu’elle avait été victime de préjudices. S’en suivirent des échanges écrits avec l’employeur qui se terminèrent le 7 mai 2021, alors que l’employeur a informé la fonctionnaire qu’il avait répondu à toutes ses questions. Quelques semaines plus tard, soit le 16 juin 2021, la fonctionnaire a déposé ses griefs.
[62] La fonctionnaire ne peut argumenter que ses griefs sont des griefs continus. Ces griefs traitent d’enjeux dont la fonctionnaire connaissait l’existence bien avant le délai de 25 jours prescrit par la convention collective. On ne peut laisser traîner une situation préjudiciable, puis prétendre beaucoup plus tard qu’il s’agissait d’une situation continue.
[63] Les griefs ont été déposés plusieurs années en retard et la Commission devrait refuser la demande de la fonctionnaire de lui accorder une prorogation de délai. Selon la jurisprudence, le facteur le plus important pour accepter une telle demande est la présence de motifs clairs et convaincants pour justifier le retard à déposer un grief. Or, dans le présent cas, de tels motifs n’existent pas. La fonctionnaire aurait pu agir bien avant. Elle a attendu plusieurs années pour le faire. De plus, elle était activement représentée par l’agent négociateur et elle aurait pu facilement déposer des griefs dans le délai prescrit. Elle ne peut non plus prétendre qu’elle était dans l’incapacité médicale d’agir. En effet, au cours de la période où elle aurait pu déposer des griefs, elle a fait des demandes d’accès à l’information, a échangé avec l’agent négociateur, a échangé avec l’employeur et a communiqué avec un avocat. Elle était clairement capable d’organiser sa pensée.
[64] Certains des griefs renvoient à des sommes qui sont dues à la fonctionnaire. Or, cette dernière savait, au plus tard en 2017, que ces sommes lui étaient supposément dues. Elle a pourtant attendu en 2021 pour déposer un grief visant cet enjeu.
[65] L’employeur s’oppose aussi à la compétence de la Commission d’intervenir dans une situation de fin d’emploi volontaire. Dans le présent cas, la fonctionnaire cherche à annuler sa retraite médicale et à réintégrer son poste. La fonctionnaire a volontairement demandé une retraite médicale et l’employeur n’a exercé aucune coercition ou pression pour la forcer à la prendre. La Commission ne peut donc intervenir en annulant la retraite et en imposant la réintégration.
[66] L’employeur s’est aussi opposé à ma compétence du fait que la fonctionnaire n’avait plus le statut de fonctionnaire lorsqu’elle a déposé ses griefs. Elle a perdu ce statut en juin 2017, quand elle a pris sa retraite et ses griefs ont été déposés en 2021.
[67] En appui à ses arguments, l’employeur m’a renvoyé aux décisions suivantes : Belisle c. Administrateur général (ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord), 2016 CRTEFP 88; Borowski c. Canada (Procureur général), 1989 CanLII 123 (CSC), [1989] 1 R.C.S.; Bowden c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2021 CRTESPF 93; Canada (Procureur général) c. Duval, 2019 CAF 290; Canada (Procureur général) c. Santawirya, 2019 CAF 248; Copp c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires étrangères et du Commerce international), 2013 CRTFP 33; Dodd c. Agence du revenu du Canada, 2015 CRTEFP 8; Grouchy c. Administrateur général (ministère des Pêches et des Océans), 2009 CRTFP 92; Hassard c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2014 CRTFP 32; Lagacé c. Conseil du Trésor (Commission de l’immigration et du statut de réfugié), 2011 CRTFP 68; Mutart c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2013 CRTFP 90; Nash c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2023 CRTESPF 35; Nehme c. Agence du revenu du Canada, 2023 CRTESPF 99; Osborne c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2024 CRTESPF 5; Pajic c. Opérations des enquêtes statistiques, 2012 CRTFP 70; Popov c. Canada (Procureur général), 2019 CAF 177; Salain c. Agence du revenu du Canada, 2010 CRTFP 117; Schenkman c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2004 CRTFP 1; Stevenson c. Conseil du Trésor (ministère de l’Emploi et du Développement social), 2016 CRTEFP 17; Tuplin c. Agence du revenu du Canada, 2021 CRTESPF 29.
B. Pour la fonctionnaire
[68] La fonctionnaire a d’abord présenté un document de six pages qui, selon elle, résume bien la preuve présentée lors de l’audience. Il n’est pas utile de revenir sur ce document, la preuve ayant déjà été résumée dans la section précédente de cette décision.
[69] L’employeur a tout simplement ignoré les informations médicales qui lui ont été soumises et qui étaient favorables au retour au travail de la fonctionnaire. Il a plutôt choisi de privilégier la retraite médicale. En agissant comme il l’a fait, l’employeur a fait preuve de discrimination envers la fonctionnaire au sens de la convention collective et de la LCDP.
[70] Mme Dauphinais, agissant au nom de l’employeur, a refusé en décembre 2015 d’envisager un retour au travail de la fonctionnaire. De plus, la retraite médicale n’a jamais été approuvée par le gestionnaire responsable, tel que le prévoit l’article 63 de la LEFP.
[71] Les griefs ne sont pas prescrits, la fonctionnaire ayant agi quand elle a eu accès à l’information à la base des griefs. La fonctionnaire n’a d’ailleurs eu accès au rapport du Dr Cattan qu’après le dépôt des griefs.
[72] Elle n’a aussi appris qu’après le dépôt des griefs que sa retraite médicale aurait dû être approuvée par son gestionnaire en vertu de l’article 63 de la LEFP. En 2021, la fonctionnaire a posé des questions et personne chez l’employeur n’a pu retrouver la lettre d’approbation de la retraite médicale. Tout ce qui existe au dossier est une lettre signée par quelqu’un au nom de Mme Dauphinais qui occupait un poste de direction en gestion des ressources humaines.
[73] Le dossier a été très évolutif et on ne peut blâmer le système Phénix pour tous les retards. Dans l’ensemble des questions visées par les griefs, ces derniers ont été soumis dans le délai. Cela inclut les questions du réaménagement des effectifs. Plusieurs des informations pertinentes n’ont été connues de la fonctionnaire qu’à la suite de ses demandes d’accès à l’information. Par ailleurs, la fonctionnaire a témoigné de façon transparente, limpide et crédible.
[74] Le délai ne peut commencer en juin 2017, soit à la date de la retraite. La fonctionnaire n’a appris qu’en mars 2021 que sa retraite n’avait pas été approuvée conformément à l’article 63 de la LEFP. Elle a persisté à poser des questions à l’employeur, et ce n’est que le 7 mai 2021 que ce dernier a considéré le dossier clos et qu’il n’avait plus rien à lui dire. Puis, il y a aussi le rapport du Dr Cattan auquel la fonctionnaire n’avait pas eu accès en 2017.
[75] Si la Commission conclut que les griefs ont été présentés en dehors du délai prescrit, la fonctionnaire demande que le délai pour déposer les griefs soit prorogé par souci d’équité, comme le prévoit l’alinéa 61b) du Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (DORS/2005-79; le « Règlement »).
[76] Pendant une grande partie de la période visée, la fonctionnaire était dans une situation vulnérable à cause de son état de santé. Elle était sans cesse en train d’essayer d’obtenir de l’information et cela était très difficile. Sa retraite médicale a été mise en œuvre en juin 2017, mais le document d’approbation par la gestion de la retraite médicale ne lui a jamais été envoyé. Ce n’est que bien plus tard, à la suite de ses demandes d’accès à l’information et des conseils ou éclairages apportés par des personnes qu’elle connaît, que la fonctionnaire a compris que ses droits n’avaient pas été respectés.
[77] La durée du retard à déposer des griefs est explicable par le fait que la fonctionnaire n’avait pas accès à l’information. Peu de temps après avoir eu l’information, elle a agi. Elle a alors fait preuve de diligence. De plus, elle n’a jamais cessé de faire des démarches pour obtenir l’information auprès de l’employeur.
[78] Quant au préjudice relatif à un refus d’accepter la demande de prorogation, il serait dévastateur pour la fonctionnaire sur le plan professionnel et sur le plan financier. Cela doit primer sur les préjudices que pourrait subir l’employeur.
[79] Le dernier facteur à considérer a trait aux chances de succès des griefs. Ce facteur est peu considéré, sauf si un grief n’a aucune chance de succès. Ce n’est certainement pas le cas des griefs de la fonctionnaire.
[80] La fonctionnaire n’est pas d’accord avec l’employeur qui s’oppose à la compétence de la Commission sur la base que cette dernière ne peut intervenir sur une question de retraite médicale, cette dernière étant un départ volontaire. Selon la fonctionnaire, ce qui est en jeu dans ces griefs n’est pas le départ volontaire, mais plutôt les conditions d’emploi, la convention collective, la discrimination et l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. La Commission a pleinement compétence pour examiner les griefs.
[81] La fonctionnaire n’est pas non plus d’accord avec l’objection de l’employeur à savoir que la fonctionnaire n’était plus une fonctionnaire au sens de la Loi lorsqu’elle a déposé ses griefs, car elle n’était plus une employée de l’employeur. Tous les faits au soutien des griefs sont antérieurs au 15 juin 2017, même si la fonctionnaire ne les connaissait pas tous à cette date. Cette objection doit donc être rejetée.
[82] En appui à ses arguments, la fonctionnaire m’a renvoyé aux décisions suivantes : Santawirya; Nehme; Kokozaki c. Agence du revenu du Canada, 2022 CRTESPF 75; Gosselin c. Canada (Procureur général), 2023 CF 853; Tremblay c. Conseil du Trésor (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2020 CRTESPF 82; Richard c. Agence du revenu du Canada, 2005 CRTFP 180.
IV. Motifs sur les objections et la prorogation de délai
A. Les griefs ont-ils été déposés en dehors du délai prescrit?
[83] Pour répondre à cette question, je dois tout d’abord identifier le caractère véritable ou l’essence même de ces griefs. Rappelons que ces griefs comprennent quelque 38 sous-énoncés et plusieurs mesures correctives.
[84] Dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences, 2012 CRTFP 84, l’arbitre a écrit ce qui suit au paragraphe 41 :
[41] […] L’agent négociateur a aussi déclaré que l’essence du grief doit être déterminée en examinant le grief dans son ensemble, ce qui signifie qu’il faut également tenir compte de la mesure corrective demandée. Je suis d’accord avec cette proposition.
[85] Une partie de ce qui est inclus dans les énoncés des griefs ne peut faire l’objet d’un renvoi à l’arbitrage. La fonctionnaire ne me semble pas prétendre le contraire, cette question n’ayant d’ailleurs pas été abordée lors de l’audience. Je vois plutôt dans ces énoncés des éléments ou des arguments à l’appui de la thèse de la fonctionnaire à savoir qu’elle aurait été victime de harcèlement, qu’elle n’aurait pas été traitée correctement dans le processus qui a mené à sa prise de retraite médicale et dans le processus de réaménagement des effectifs. À priori, l’essence même des griefs ou leur nature profonde semble donc viser le harcèlement que la fonctionnaire aurait subi, la façon dont l’employeur l’aurait traitée eu égard à la retraite médicale, la façon dont l’employeur l’aurait traitée eu égard au réaménagement des effectifs et les erreurs quant aux bénéfices et avantages auxquels la fonctionnaire avait droit.
[86] Cette interprétation est confirmée en examinant les mesures correctives demandées par la fonctionnaire. En effet, elle demande ce qui suit : a) des indemnisations financières pour le harcèlement qu’elle a subi; b) une remise à l’effectif rétroactivement à 2010; c) une déclaration de fonctionnaire excédentaire rétroactivement à 2014 et « optante », d) le remboursement par l’employeur des sommes et des répercussions fiscales que ces mesures impliquent. De plus, la preuve présentée lors de l’audience et la plaidoirie de la représentante de la fonctionnaire visent avant tout ces quatre sujets.
[87] Je vais traiter tour à tour de ces éléments et je vais déterminer, sur la base de ce qui m’a été soumis par les parties, si la fonctionnaire a déposé ses griefs dans le délai de 25 jours prescrit par la clause 33.12 de la convention collective. Cette clause se lit ainsi :
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[88] Rappelons que les griefs ont été déposés le 16 juin 2021.
[89] Selon les griefs et le témoignage de la fonctionnaire, cette dernière aurait été harcelée par sa superviseure au plus tard en 2010, ce qui aurait provoqué chez elle une dépression sévère qui a mené à un congé de maladie en février 2010. Par la suite, la fonctionnaire n’est jamais retournée au travail.
[90] La fonctionnaire pourrait aussi argumenter que certaines des actions, décisions ou comportements de Mme Sabourin, de Mme Godin ou de M. Raymond entre 2012 et 2017 constituaient du harcèlement. Je ne serais pas nécessairement d’accord avec un tel argument, du moins sur la base de la preuve présentée, mais là n’est pas la question pour l’instant.
[91] La preuve révèle que la fonctionnaire était alors régulièrement en contact avec l’agent négociateur. Elle n’a cependant déposé aucun grief pour contester le comportement supposément fautif de l’employeur, même si elle aurait pu le faire.
[92] Même si la fonctionnaire n’a pris sa retraite qu’en juin 2017, elle en a fait la demande formelle le 18 février 2013 et elle a alors déclaré que sa demande était soumise sur une base volontaire. Son médecin traitant, qui la suivait depuis plusieurs années, a alors certifié que la fonctionnaire était incapable de « […] façon permanente d’exercer régulièrement une occupation sensiblement rémunératrice […] ». En février 2013, Santé Canada a approuvé la retraite médicale. Cela dit, la fonctionnaire a témoigné qu’elle n’avait jamais demandé de prendre une retraite médicale. Selon elle, il s’agissait là d’une initiative de l’employeur qui l’aurait poussée au pied du mur en ne lui laissant que trois options, soit de démissionner, de revenir travailler dans les six mois ou de prendre une retraite médicale.
[93] Pour diverses raisons, les choses ont traîné pendant quelques années. Puis, en décembre 2015, la fonctionnaire a eu des échanges avec l’agent négociateur à la suite de demandes de l’employeur qui voulait qu’elle choisisse une date prochaine de retraite. Le 11 décembre 2015, la fonctionnaire a avisé l’employeur que sa date de fin d’emploi serait le 28 janvier 2016 et que sa retraite médicale débuterait le lendemain. Les choses ont encore traîné. Puis, le 15 juin 2017, le centre de paye de l’employeur a avisé la fonctionnaire que sa date de retraite serait le 29 janvier 2016. La fonctionnaire a alors communiqué avec l’agent négociateur pour dénoncer le fait qu’on lui imposait une retraite rétroactive de 17 mois. L’agent négociateur a demandé que la date de retraite soit changée pour le 15 juin 2017. Mme Dauphinais, agissant au nom de l’employeur, a accepté la demande de l’agent négociateur.
[94] Encore une fois, la preuve révèle que la fonctionnaire était en contact constant avec l’agent négociateur au sujet de sa prise de retraite. Entre 2012 et 2017, la fonctionnaire aurait pu déposer un grief pour contester le fait que l’employeur l’aurait poussée à prendre sa retraite ou encore le long délai administratif ou tout autre comportement supposément fautif de l’employeur. Or, elle ne l’a pas fait.
[95] Selon la preuve présentée, l’employeur a avisé la fonctionnaire par écrit le 16 avril 2012 que son poste avait été identifié comme un poste « touché » et que ses services pourraient ne plus être requis au terme du processus de réaménagement des effectifs. La fonctionnaire a dit avoir appelé l’agent négociateur à la suite de la réception de cette lettre. La preuve révèle que la fonctionnaire était en attente d’une rencontre avec l’agent négociateur et l’employeur pour discuter de la situation, mais pour diverses raisons, cette rencontre n’a jamais eu lieu. Rappelons que la fonctionnaire a présenté une demande formelle de retraite médicale en 2013.
[96] Ce n’est qu’en 2020 que la question du réaménagement des effectifs a refait surface dans une lettre que la fonctionnaire a envoyée à l’employeur. Selon elle, l’employeur n’aurait alors pas respecté les obligations que lui impose la convention collective. Selon M. Raymond, l’employeur avait décidé en 2012 que les personnes en congé de maladie ne seraient pas déclarées excédentaires tant qu’elles étaient absentes du travail. Selon lui, aucune option ne fut offerte à la fonctionnaire, car elle avait opté pour une retraite médicale.
[97] En 2012, la fonctionnaire avait des contacts fréquents avec l’agent négociateur lors du processus de réaménagement des effectifs. Même si elle aurait pu le faire, la fonctionnaire n’a cependant déposé aucun grief pour contester le fait que l’employeur ne lui a pas offert les avantages prévus dans la convention collective dans les cas de réaménagement des effectifs.
[98] Enfin, la fonctionnaire a soumis en preuve divers documents relatifs à des problèmes ou erreurs de remboursement de réclamations médicales, des erreurs de calcul quant à l’indemnité de départ, du calcul des congés fériés, du temps supplémentaire et d’autres avantages payables lors de son départ en juin 2017.
[99] La fonctionnaire était bien au fait de ces enjeux dans les semaines qui ont suivi son départ à la retraite en juin 2017. Elle n’a cependant déposé aucun grief pour corriger la situation.
[100] Bien après sa prise de retraite, la fonctionnaire a obtenu des informations supplémentaires concernant sa prise de retraite et le processus de réaménagement des effectifs. Puis, en octobre 2020, elle a écrit à l’agent négociateur pour lui faire part des préjudices qu’elle croyait avoir subis. En décembre 2020, elle s’est adressée à l’employeur, lui faisant part de ses préoccupations. Elle lui a aussi demandé si elle avait reçu tout ce à quoi elle avait droit lors du processus de réaménagement des effectifs et si sa retraite médicale avait été approuvée en conformité avec la LEFP. S’en suivirent divers échanges entre la fonctionnaire et l’employeur, jusqu’en mai 2021, où l’employeur a avisé la fonctionnaire que son dossier avait reçu toute l’attention qu’il méritait. La fonctionnaire a témoigné que l’agent négociateur lui aurait dit en mai 2021 qu’il ne la représenterait pas. Elle a alors consulté une avocate qui l’a aidée. S’en suivit le dépôt des griefs le 17 juin 2021, soit jour pour jour, quatre ans après la retraite de la fonctionnaire.
[101] La fonctionnaire prétend avoir été victime de harcèlement, injustement traitée dans le processus de réaménagement des effectifs et poussée contre son gré à prendre sa retraite, d’autant plus que cette retraite n’aurait pas été approuvée comme elle aurait dû l’être selon la LEFP. Elle savait ou aurait dû savoir tout ça en juin 2017, quand elle a pris sa retraite. Jusqu’en juin 2017, elle a été accompagnée dans tous les moments importants par l’agent négociateur et ses spécialistes. Certes, les arguments pour appuyer sa prétention à savoir que ses droits n’auraient pas été respectés ont été étayés par les documents qu’elle a reçus à la suite de demandes d’accès à l’information. Toutefois, il n’en demeure pas moins que l’essence des enjeux sur lesquels portent les griefs aurait dû être connue en juin 2017 ou dans les semaines qui suivirent pour certains.
[102] Ce n’est pas quand un fonctionnaire réalise quelques années plus tard qu’il a peut-être été lésé que commence le délai de 25 jours prévu à la convention collective. C’est plutôt quand il est informé ou devient conscient de l’action ou des circonstances donnant lieu au grief. Il y a là une nuance importante. En juin 2017 ou dans les semaines qui suivirent, la fonctionnaire était consciente ou, à tout le moins aurait dû l’être, qu’elle aurait été harcelée, qu’elle aurait indûment été « poussée » vers la retraite médicale et que l’employeur n’aurait pas respecté ses droits dans le processus de réaménagement des effectifs. La fonctionnaire était d’autant plus consciente des actions ou circonstances donnant lieu au grief qu’elle était accompagnée et conseillée par l’agent négociateur. Certes, elle prétend que l’agent négociateur ne voulait plus la représenter, mais ce supposé refus s’est produit en 2021 et non pas en 2017.
[103] Je peux comprendre qu’à cause de son état de santé, la fonctionnaire n’était pas capable en tout temps entre 2010 et 2017 de déposer un grief. Cependant, il y a des périodes au cours de ces quelques sept années où elle était en mesure de le faire, d’autant plus qu’entre 2010 et 2017, au risque de me répéter, elle avait alors des contacts réguliers avec l’agent négociateur. Elle a d’ailleurs témoigné que son état de santé était stable entre 2015 et 2018 et qu’elle était alors fonctionnelle.
[104] La fonctionnaire a choisi d’attendre plusieurs années pour déposer ses griefs. Ses multiples demandes d’accès à l’information lui ont donné plus d’arguments en appui à ses griefs. Toutefois, cela ne change pas le fait que ce qui est contesté s’est produit bien longtemps avant le dépôt des griefs.
[105] J’accueille donc l’objection de l’employeur à savoir que les griefs n’ont pas été déposés à l’intérieur du délai prévu à la convention collective.
B. La demande de prorogation de délai pour déposer un grief
[106] La demande de la fonctionnaire de proroger le délai pour déposer des griefs est présentée aux termes de l’alinéa 61b) du Règlement. Cet alinéa se lit comme suit :
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[107] Les parties ont soulevé, à juste titre, que les critères élaborés dans Schenkman sont habituellement utilisés par la Commission pour analyser les demandes de prorogation de délai. Ces critères sont les suivants : le retard est justifié par des raisons claires, logiques et convaincantes; la durée du retard; la diligence raisonnable du demandeur; l’équilibre entre l’injustice causée au demandeur et le préjudice que subit le défendeur si la prorogation est accordée; les chances de succès du grief.
[108] Même si ces critères sont évalués dans leur ensemble, l’importance accordée à chacun d’eux n’est pas nécessairement la même (voir entre autres Schenkman et Lagacé). Il faut examiner l’ensemble des faits qui sont soumis afin de décider de la valeur probante à accorder à chaque critère. Il arrive que certains critères ne s’appliquent pas ou qu’il y en ait seulement un ou deux qui pèsent dans la balance. En l’absence de raisons logiques, claires et convaincantes pour justifier le retard, les autres critères perdent une bonne partie de leur importance.
[109] La jurisprudence est claire en ce sens que le délai sur lequel les parties se sont entendues et qu’elles ont inscrit dans la convention doit être respecté. La prorogation de ce délai devrait être une mesure d’exception et non pas la règle. Sur ce point, je partage entièrement les propos du commissaire dans Salain, repris par la suite dans Tuplin. Le paragraphe 44 dans Salain se lit comme suit : « Les limites de temps sont censées être respectées par les parties et devraient être prorogées uniquement dans des circonstances exceptionnelles. Ces circonstances dépendent toujours des faits entourant chaque cas. »
[110] Dans le même sens, dans Grouchy, le commissaire a écrit au paragraphe 46 ce qui suit :
[46] Avant d’appliquer ces critères aux faits de la présente affaire, je voudrais formuler les observations générales suivantes. En principe, les délais fixés par la Loi et par le Règlement sont exécutoires et doivent être respectés par toutes les parties. L’imposition de délais relativement courts s’accorde avec les principes voulant que les conflits de travail doivent être résolus rapidement et que les parties doivent être en droit de tenir pour acquis qu’un différend a pris fin dès que le délai prescrit est expiré. Les délais ne sont pas élastiques et leur prorogation doit demeurer une décision exceptionnelle qui survient seulement après que l’auteur de la décision a procédé à une évaluation prudente et rigoureuse des circonstances.
[111] Je ne vois pas quelles sont les circonstances exceptionnelles entourant le retard de la plaignante à déposer ses griefs. En fait, sur la base de ce qui m’a été soumis, je conclus que la fonctionnaire n’a pas justifié ce retard par des raisons claires, logiques et convaincantes.
[112] Je ne reprendrai pas en détail les circonstances entourant le retard de la fonctionnaire à déposer ses griefs en dehors du délai de 25 jours prévu à la convention collective. Toutefois, ces circonstances sont révélatrices des raisons justifiant le retard. La fonctionnaire semble avoir réalisé quelques années en retard qu’elle avait peut-être été lésée quand elle aurait été harcelée, qu’elle aurait indûment été « poussée » vers la retraite médicale et que l’employeur n’aurait pas respecté ses droits dans le processus de réaménagement des effectifs. Il semble que ce soit en révisant des documents reçus à la suite de demandes d’accès à l’information, en examinant des réponses fournies par l’employeur en 2020 et 2021, puis en consultant un avocat qu’elle a décidé de déposer des griefs. Certes, cela explique sans doute pourquoi elle n’a déposé ses griefs qu’en 2021, mais il ne s’agit certainement pas là de raisons convaincantes au sens de la jurisprudence pour justifier le retard, d’autant plus que la fonctionnaire était accompagnée de représentants de l’agent négociateur entre 2010 et 2017.
[113] L’état de santé fragile de la fonctionnaire pourrait expliquer une partie du retard, mais comme dans Osborne, seulement une partie de ce retard. Entre 2010 et 2017, la preuve révèle que la fonctionnaire était très malade pour certaines périodes. Toutefois, pour d’autres, elle était capable d’agir, en ce sens qu’elle demandait régulièrement conseil à l’agent négociateur. Elle a d’ailleurs témoigné qu’elle était fonctionnelle entre 2015 et 2018. Puis, après 2017, elle a fait plusieurs demandes d’accès à l’information. Enfin, à partir de la fin 2020, elle s’est encore une fois adressée à l’agent négociateur et a formulé diverses demandes à l’employeur. Rappelons que ce n’est qu’en juin 2021 qu’elle a déposé ses griefs.
[114] J’ajouterai que rien dans la preuve ne me laisse croire à des erreurs de l’agent négociateur qui pourraient expliquer le retard à déposer un grief, comme dans Tremblay, par exemple. Certes, la fonctionnaire a témoigné que l’agent négociateur n’avait pas voulu l’aider en 2021. Cependant, ce dernier n’est aucunement responsable du retard de plus de trois années à déposer des griefs.
[115] En somme, la fonctionnaire ne m’a pas présenté de motifs clairs, logiques et convaincants en appui à sa demande de prorogation de délai.
[116] La durée du retard varie selon les enjeux au sujet desquels des griefs ont été déposés. Si la fonctionnaire a été harcelée par sa supérieure, elle l’a été une dizaine d’années avant le dépôt des griefs. Quant aux autres situations de harcèlement qu’elle aurait subies, elles se seraient produites entre 2012 et 2017. Le retard de la fonctionnaire à contester sa retraite médicale est d’au moins quatre années et celui à contester le processus de réaménagement des effectifs est encore plus long.
[117] Il s’agit là de retards considérables. Il est vrai que la fonctionnaire ne pouvait agir pour une partie de ces périodes de retard, mais elle était capable d’agir pendant plusieurs mois, voire quelques années au cours de cette période (voir Popov et Osborne).
[118] La fonctionnaire n’a pas fait preuve de diligence pour contester les décisions de l’employeur. Elle a attendu plusieurs années avant de le faire. Elle n’a déposé des griefs qu’après avoir obtenu des informations à la suite de demandes d’accès à l’information et d’avoir consulté un avocat. La diligence doit être évaluée, non pas à partir du moment où la fonctionnaire croit qu’elle a des chances de succès en déposant des griefs, mais plutôt à partir du moment où elle est informée ou consciente des éléments pouvant donner lieu aux griefs. Elle connaissait ces éléments au plus tard en 2017.
[119] Quant à l’équilibre entre l’injustice causée au demandeur et le préjudice que subit le défendeur si la prorogation est accordée, il me semble à priori que les conséquences négatives de refuser la demande de prorogation sont plus grandes pour la fonctionnaire qu’elles ne le seraient pour l’employeur si j’acceptais la demande. En effet, si je refuse la demande, la fonctionnaire perd ses recours. Pour l’employeur, les conséquences négatives seraient que j’accepte la demande et que, subséquemment, je donne droit en partie ou en totalité aux griefs. Quoiqu’il en soit, en l’absence de raisons claires, logiques et convaincantes pour justifier le retard, ce critère perd de son importance.
[120] À la demande de l’agent négociateur et compte tenu de la nature du présent cas, j’avais accepté d’entendre toute la preuve et les arguments à la fois sur les objections et sur le bien-fondé avant de me prononcer sur les objections. Je suis donc en mesure de déterminer si les griefs de la fonctionnaire ont des chances d’être accueillis. Il convient davantage de me demander à cette étape de l’analyse si les griefs n’ont « aucune chance » d’être accueillis. Si, à première vue, les griefs n’étaient pas du tout fondés, il pourrait alors s’agir d’un facteur à prendre en considération (voir Schenkman, au par. 83). Dans le présent cas, je ne peux dire que les griefs n’auraient aucune chance d’être accueillis.
[121] En somme, je ne vois pas en quoi, au nom de l’équité, j’accepterais dans le présent cas de proroger le délai de 25 jours dont les parties ont convenu quand elles ont négocié la convention collective, compte tenu que la fonctionnaire n’a pas justifié son retard de quelques années à présenter ses griefs par des raisons claires, logiques et convaincantes.
C. Les autres objections de l’employeur
[122] Puisque j’ai conclu que les griefs ont été déposés en retard et que j’ai refusé la demande de prorogation de délai, il n’est pas nécessaire d’analyser les autres objections de l’employeur.
V. Motifs sur le bien-fondé des griefs
[123] Comme j’en ai fait mention plus tôt, j’avais accepté la demande de l’agent négociateur d’entendre toute la preuve des parties à la fois sur les objections, la demande de prorogation de délai et le bien-fondé des griefs lors d’une seule et même audience. Cette audience unique s’est déroulée en trois parties, soit neuf jours pour entendre la preuve et deux autres jours pour les arguments des parties.
[124] Compte tenu que j’ai déjà accueilli l’objection de l’employeur à savoir que les griefs ont été déposés en dehors du délai prévu à la convention collective et que j’ai rejeté la demande de la fonctionnaire de proroger le délai pour déposer ses griefs, il n’est d’aucune utilité d’inclure dans ma décision un résumé des arguments des parties sur le bien-fondé des griefs.
[125] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :
(L’ordonnance apparaît à la page suivante)
VI. Ordonnance
[126] L’objection de l’employeur à savoir que les griefs n’ont pas été présentés à l’intérieur du délai prévu à la convention collective est accueillie.
[127] La demande de prorogation de délai est rejetée.
[128] Les griefs n’ayant pas été présentés à l’intérieur du délai prévu à la convention collective, ils ne peuvent être renvoyés à l’arbitrage. Le dossier 566-02-44552 est clos.
Le 13 août 2024.
Renaud Paquet,
une formation de la Commission des
relations de travail et de l’emploi
dans le secteur public fédéral