Date: 20240717
Dossier: 572-02-45476
Référence: 2024 CRTESPF 95
relations de travail et de l’emploi
dans le secteur public fédéral et
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entre
Conseil du Trésor
et
Alliance de la Fonction publique du Canada
Répertorié
Conseil du Trésor c. Alliance de la Fonction publique du Canada
Devant : Christopher Rootham, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour le demandeur : Larissa Volinets Schieven, avocate
Pour la défenderesse : Janson LaBond, Alliance de la Fonction publique du Canada
Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 22 mars et les 12 et 18 avril 2024.
(Traduction de la CRTESPF)
MOTIFS DE DÉCISION
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(TRADUCTION DE LA CRTESPF)
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I. Aperçu
[1] Le Conseil du Trésor (l’« employeur ») a présenté une demande visant à exclure le poste de gestionnaire, Gestion des affaires (poste no 22259; « le poste de GGA »), d’une unité de négociation représentée par l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« AFPC »). Le poste est situé au ministère de la Justice (JUS) et fournit des services au cabinet du ministre, ainsi que certains services au cabinet du sous-ministre. Le poste supervise également un groupe d’employés. J’ai décidé de ne pas exclure le poste de GGA parce que l’employeur n’a pas démontré que les fonctions confidentielles qu’il exerce sont liées aux relations de travail. Les fonctions du cabinet du ministre ne peuvent pas être liées aux relations de travail parce que le personnel ministériel n’est pas syndiqué. En ce qui concerne les autres fonctions, l’employeur a organisé ses affaires de façon à ce que le GGA soit exclu de toute discussion confidentielle portant sur des questions de relations de travail de nature délicate. Il ne m’a pas convaincu que cette organisation a été si lourde qu’il est justifié d’exclure le poste de GGA. Par conséquent, je rejette la présente demande. Mes motifs sont les suivants.
II. Historique de la procédure
[2] La présente décision est rendue en même temps que cinq autres décisions concernant des demandes présentées par un employeur en vue d’exclure un poste ou un groupe de postes visés au paragraphe 59(1) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »). Les six décisions portent les numéros de référence neutres 2024 CRTESPF 90 à 95.
[3] Pour situer le contexte, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») a le pouvoir de trancher toute affaire ou question dont elle est saisie sans tenir d’audience; voir l’article 22 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) et Walcott v. Public Service Alliance of Canada, 2024 FCA 68. Lorsque la Commission met au calendrier une audience portant sur un cas d’exclusion, elle dure habituellement de un à deux jours au plus. Toutefois, un grand nombre de demandes d’exclusion ont été déposées avant 2023. Par conséquent, la Commission a recensé 53 dossiers plus anciens qui sont susceptibles d’être tranchés par écrit.
[4] Les employeurs et les agents négociateurs ont tous deux intérêt à ce que les décisions soient rendues rapidement dans les cas d’exclusion. Le fait de mettre au calendrier 53 jours d’audience retarderait le règlement de bon nombre de ces cas d’exclusion, ainsi que l’audience d’autres cas que la Commission n’a pas encore mis au calendrier. Les cas d’exclusion conviennent également aux audiences par voie d’arguments écrits parce que, la plupart du temps, les éléments de preuve concernant les fonctions exercées par le poste en litige ne sont pas contestés et peuvent être fournis par l’employeur au moyen d’une combinaison de documents (y compris une description de travail) et de résumés de témoignages.
[5] Par conséquent, la Commission a écrit à trois employeurs et à deux agents négociateurs concernés par ces 53 dossiers. Une paire d’employeur et d’agent négociateur ont identifié une demande plus récente qui était semblable à d’autres demandes existantes, de sorte que la Commission a émis des directives concernant environ 54 dossiers, dont certains concernaient plusieurs employés. Les directives fournissaient à l’employeur et à l’agent négociateur, dans chaque cas, un échéancier pour déposer des arguments écrits. Les parties dans chaque cas ont également eu l’occasion de demander une audience en personne; aucune ne l’a fait. Dans de nombreux cas, la Commission a prorogé le délai pour présenter les premiers arguments de l’employeur afin de permettre aux parties de discuter de ces demandes d’exclusion. À la suite de ces discussions, la Commission n’avait qu’à trancher 21 dossiers concernant deux employeurs et deux agents négociateurs. Deux groupes composés de ces 21 dossiers ont été formés parce qu’ils soulevaient tous la même question, à savoir un groupe de 14 (dans 2024 CRTESPF 91) et un groupe de trois (dans 2024 CRTESPF 90).
[6] J’ai été chargé de trancher chacun de ces dossiers. Après les avoir examinés, j’ai conclu qu’ils pouvaient être tranchés par voie d’arguments écrits. Dans le présent cas, j’avais une question de suivi sur les dates d’entrée en vigueur de certains documents, mais autrement, j’ai pu trancher le cas sur la base des documents déposés, des résumés de témoignages de l’employeur et des arguments écrits des deux parties.
[7] Enfin, je tiens à remercier toutes les parties (les deux employeurs et les deux agents négociateurs) de la qualité de leurs arguments. Il était clair que les employeurs et les agents négociateurs ont travaillé fort pour régler la majorité de ces cas par eux-mêmes et que les cas restants soulevaient des questions de principe importantes ou étaient des cas limites en fonction de leurs faits (comme le présent cas). Il ne s’agissait pas de cas faciles; les arguments des parties les ont rendus plus faciles. Je les en remercie.
III. Fondement de la demande de l’employeur
[8] L’employeur a déposé la présente demande en vertu de l’alinéa 59(1)h) de la Loi. Cet alinéa exclut les postes d’une unité de négociation lorsque les conditions suivantes sont remplies :
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[9] Comme il ressort clairement de son texte, l’alinéa 59(1)h) comporte trois éléments. Le titulaire du poste doit exercer des fonctions et des responsabilités (1) auprès du titulaire d’un poste exclu en vertu des quatre alinéas énumérés, (2) qui sont confidentiels par rapport à ce poste et (3) qui sont liés aux relations de travail.
[10] Je suis d’accord avec les parties pour dire que l’employeur a satisfait aux deux premiers éléments de ce critère.
[11] Selon le premier élément du critère, le poste doit être confidentiel auprès d’un autre poste exclu en vertu de l’un des quatre alinéas énumérés. À l’origine, l’employeur a demandé l’exclusion de ce poste parce qu’il alléguait qu’il était confidentiel auprès d’une série de cadres supérieurs de JUS. Toutefois, dans ses arguments écrits, il a précisé qu’il soutient que le poste est confidentiel auprès du poste de directeur, Gestion des affaires. Ce poste fait partie du groupe professionnel de la direction et, par conséquent, il est visé par l’alinéa 59(1)b) de la Loi. Cela satisfait au premier élément du critère.
[12] Selon le deuxième élément du critère, le poste doit être confidentiel. Comme la Commission l’a déclaré dans Conseil du Trésor c. Association des juristes de Justice, 2020 CRTESPF 3, au paragraphe 69 (« AJJ no 1 »; confirmée dans 2021 CAF 37) :
[69] […] Pour qu’il y ait exclusion en raison de fonctions confidentielles, il doit exister entre l’employeur et l’employé « un rapport dont la nature diffère des rapports généraux habituels et qui comporte un certain degré de confiance ». Il doit également exister un élément de confiance personnelle qui permet de « penser tout haut » à certaines questions […]
[13] Selon les éléments de preuve de l’employeur, le titulaire du poste de GGA participe aux réunions de l’équipe de la haute direction au cours desquelles des questions confidentielles sont discutées. À titre de mesure provisoire en attendant l’exclusion éventuelle de ce poste, le GGA est invité à quitter la salle pendant certaines discussions de nature délicate (comme la planification d’urgence en cas de grève). Enfin, le GGA travaille en étroite collaboration avec le directeur sur des questions que l’employeur qualifie de questions de relations de travail et à propos desquelles le directeur (et d’autres cadres supérieurs) « songent à haute voix » en présence du GGA – sinon ils ne disposeraient pas de mesures provisoires en attendant l’exclusion éventuelle du GGA. L’AFPC ne conteste pas que le poste de GGA est confidentiel auprès du directeur.
[14] Cela satisfait au deuxième élément du critère. La relation du GGA avec le directeur, Gestion des affaires, présente le certain degré de confiance requis pour être visé par l’alinéa 59(1)h) de la Loi.
IV. Le poste est-il confidentiel en matière de relations de travail?
[15] Le litige entre les parties porte sur le troisième élément du critère, soit la question de savoir si les fonctions confidentielles sont « en matière de relations de travail ».
A. Le sens du terme « relations de travail »
[16] Pour commencer, les parties divergent sur le sens du terme « relations de travail ». L’employeur soutient que la Commission a rendu deux décisions contradictoires en 2020 qui définissent ce terme, et il fait valoir que je devrais adopter l’une plutôt que l’autre. L’AFPC invoque simplement la décision qui a le sens le plus étroit de « relations de travail », sans aborder la deuxième décision.
[17] Les deux décisions qui, selon l’employeur, sont contradictoires sont AJJ no 1 et Conseil du Trésor (ministère de la Justice) c. Association des juristes de Justice, 2020 CRTESPF 59 (« AAJ no 2 »; confirmée par 2021 CAF 87). Dans AJJ no 1, l’employeur a demandé l’exclusion de trois postes du groupe Praticiens du droit (LP) qui fournissaient des conseils à l’équipe du droit public et du droit du travail du ministère de la Défense nationale. L’employeur a présenté sa demande en vertu des alinéas 59(1)c) et h) de la Loi, qui prévoient tous deux comme condition préalable que les avis ou la relation de confiance soient en matière de « relations de travail ». La Commission a déclaré au paragraphe 29 que le sens ordinaire du terme « relations de travail » désigne la relation entre la main-d’œuvre, en tant que collectif ou groupe, et son employeur. La Commission a également souligné aux paragraphes 31 à 33 que le terme « relations du travail » ou son équivalent anglais « labour relations » n’est utilisé que dans la partie I de la Loi, qui régit les relations collectives entre la main-d’œuvre et la direction. Aux paragraphes 34 et 35, la Commission a conclu que le fait que le titre de la partie I soit « Relations de travail » constituait également un élément contextuel important pour définir ce terme. La Commission a également conclu, aux paragraphes 37 à 39, qu’une définition aussi étendue du terme « relations du travail », qui englobe tout ce qui est visé par l’expression anglaise « employee-employer relationship », était incompatible avec le libellé de l’alinéa 59(1)c) de la Loi, qui utilise la phrase « les relations de travail, la dotation en personnel ou la classification », et a conclu qu’une telle définition aussi étendue du terme « relations de travail » rendrait redondants les mots subséquents. La Commission a conclu en disant ce qui suit : « […] pour que cette question soit considérée comme une question de relations de travail en vertu de l’al. 59(1)c) ou h), les avis ou les fonctions et responsabilités connexes en cause doivent être liés à une question qui relève de la partie 1 de la Loi. »
[18] L’un des témoins à l’audience qui a mené à AJJ no 1 a fait référence au travail concernant « purement » les relations de travail (voir le par. 49); la Commission a également fait référence à ce concept comme des questions « fondamentales » des relations de travail (voir le par. 73).
[19] La Cour d’appel fédérale a confirmé cette décision. Toutefois, la Cour d’appel (au par. 9) a indiqué clairement que la décision de la Commission dans AJJ no 1 constituait une interprétation raisonnable de la Loi, et non la seule interprétation raisonnable.
[20] Dans AJJ no 2, l’employeur a présenté une demande en vertu des alinéas 59(1)c) et g) de la Loi en vue d’exclure un avocat général à JUS qui fournissait des conseils juridiques relatifs au droit en matière de protection des renseignements personnels et d’accès à l’information. La Commission a exclu le poste parce que l’avocat général était un cadre supérieur et qu’il fournissait des conseils qui touchaient les relations de travail, la dotation en personnel et la classification. L’employeur dans le présent cas invoque le paragraphe 39 d’AJJ no 2, et je vais donc le citer dans son intégralité :
[39] La preuve a établi que le CDIPRP reçoit des demandes de renseignements d’autres unités de services juridiques au sein de JUS, y compris des demandes de conseils concernant des questions touchant le travail et l’emploi qui comporteraient par ailleurs la corrélation entre la Loi sur la protection des renseignements et la Loi sur l’accès à l’information. La capacité de fournir des conseils juridiques complets en ce qui a trait aux questions concernant l’accès à l’information et la protection des renseignements personnels, étant donné qu’elles touchent les relations de travail, la dotation en personnel et la classification exigeraient que la personne qui fournit ces conseils soit tenue, dans bon nombre de cas, de connaître l’ampleur de la question liée aux relations de travail, à la dotation en personnel ou à la classification et, pourrait donc être en situation de conflit d’intérêts. Cela ne permettrait toutefois pas à ce poste d’être visé par l’exclusion énoncée à l’al. 59(1)c), car une exclusion en vertu de cet alinéa précise que le poste est un poste qui dispense des avis sur les relations de travail, la dotation en personnel ou la classification, ce qui n’est pas tout à fait exact. Il est toutefois ressorti de la preuve qu’il existe un lien suffisant entre les questions touchant les relations de travail, la dotation en personnel et la classification et le mandat du CDIPRP qui justifie l’exclusion du poste LP‑04.
[Je mets en évidence]
[21] Dans AJJ no 2, la Commission a conclu que le poste ne pouvait pas être exclu en vertu de l’alinéa 59(1)c) parce que cet alinéa exige que les avis concernent les « relations de travail » et que les questions liées à la protection des renseignements personnels et à l’accès à l’information qui touchent la relation d’emploi ne constituent pas des « relations de travail ». Elle a exclu le poste en vertu de l’alinéa 59(1)g) parce que cet alinéa n’exige pas que le poste exécute des fonctions liées aux « relations de travail ».
[22] Contrairement à ce que soutient l’employeur, il n’existe aucune contradiction entre les conclusions d’AJJ no 1 et d’AJJ no 2 que je dois trancher ou entre lesquelles je dois choisir. AJJ no 1 et AJJ no 2 ont toutes deux appliqué le même sens étroit du terme « relations de travail ». La différence est le fait que l’employeur a présenté sa demande en vertu de l’alinéa 59(1)g) ainsi que de l’alinéa 59(1)c) dans AJJ no 2.
[23] L’employeur a présenté deux autres arguments que j’aborderai.
[24] En premier lieu, l’employeur a soutenu que l’interprétation que la Commission a donnée au terme « relations du travail » dans AJJ no 1 est incompatible avec les interprétations plus larges de ce terme données par d’autres commissions des relations de travail en Ontario, en Colombie-Britannique et en Nouvelle-Écosse, ainsi que par le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI).
[25] Je fais remarquer que l’employeur a fait valoir en réponse que [traduction] « […] la Commission n’est pas liée par les conclusions d’autres commissions des relations de travail […] » lorsqu’il a répondu à un argument présenté par l’AFPC dans l’un des dossiers parallèles. Comme je l’ai indiqué dans cette affaire (2024 CRTESPF 92), j’y souscris dans la mesure où la Commission n’est pas tenue de suivre les résultats d’autres commissions des relations de travail, mais je n’y souscris pas dans la mesure où l’employeur soutient que la Commission ne devrait pas tenir compte d’autres commissions des relations de travail.
[26] Toutefois, comme je l’ai également indiqué dans 2024 CRTESPF 92, la Commission peut s’écarter des autres commissions des relations de travail lorsque la loi l’exige. Le présent cas est un tel cas. La Loi est formulée et structurée différemment des autres lois sur les relations de travail au Canada. La différence importante dans le présent cas est que les autres lois sur les relations de travail ne sont pas divisées en parties dont une seule est intitulée « relations de travail ». Les lois qui sont divisées en parties utilisent des termes différents (comme « relations industrielles » dans le Code canadien du travail (L.R.C. (1985), ch. L-2)). La Commission s’est fondée sur ce contexte législatif (soit le libellé et la structure de la Loi) pour interpréter le terme « relations de travail » figurant au paragraphe 59(1). D’autres commissions des relations de travail ont interprété le terme de façon plus large parce que leurs lois respectives ne comportaient pas ce contexte législatif. Je fais également remarquer que tous les cas provinciaux et du CCRI cités par l’employeur ont été tranchés avant AJJ no 1. Il ne s’agit pas d’un cas où AJJ no 1 n’est plus compatible avec un ensemble de jurisprudence en constante évolution, ce que je souligne parce qu’une évolution du droit est l’une des principales caractéristiques d’une situation où une cour ou un tribunal peut s’écarter d’une décision antérieure. Cette caractéristique est remarquablement absente dans le présent cas.
[27] En deuxième lieu, l’employeur a soutenu que l’expression « en matière de » énoncée dans l’alinéa 59(1)h) exige un [traduction] « cadre d’analyse plus large ». Même si l’employeur ne le dit pas tout à fait de cette façon, j’interprète son argument comme signifiant qu’un lien indirect avec les « relations de travail » suffit pour déclencher l’application de l’alinéa 59(1)h). Cela signifierait que le « lien avec […] les relations de travail » (extrait de AJJ no 2) qui constitue un facteur à prendre en considération pour trancher une demande présentée en vertu de l’alinéa 59(1)g) satisferait également à la condition préalable à une exclusion en vertu de l’alinéa 59(1)h). L’employeur invoque Keyes, Executive Legislation, 2ᵉ éd., qui se lit comme suit :
[Traduction]
[…]
Ce genre de mots de liaison [« régir et respecter »] permet généralement une grande marge de manœuvre pour établir un lien entre les mesures législatives du pouvoir exécutif et ses questions autorisées. L’une des interprétations les plus souvent citées de la signification de l’expression « quant à » est celle du juge Dickson dans R. c. Nowegijick :
À mon avis, les mots « quant à » ont la portée la plus large possible. Ils signifient, entre autres, « concernant », « relativement à » ou « par rapport à ». Parmi toutes les expressions qui servent à exprimer un lien quelconque entre deux sujets connexes, c’est probablement l’expression « quant à » qui est la plus large.
[…]
[28] Avec égards pour l’auteur de ce texte, l’expression « quant à » n’est pas toujours interprétée aussi largement qu’elle l’a été dans Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 RCS 29. Par exemple, dans Northern Thunderbird Air Ltd. v. Royal Oak & Kemess Mines Inc., 2002 BCCA 58, la même phrase dans la Builders Lien Act (S.B.C. 1997, c. 45) de la Colombie-Britannique a été interprétée de manière à signifier [traduction] « en relation directe avec » ou [traduction] « en relation avec une partie intégrante » [je mets en évidence] (voir le par. 56) de sorte que le transport aérien des travailleurs de la construction n’était pas « en relation avec » la construction de la mine vers laquelle ils étaient transportés afin d’y construire. Dans Ontario (Ministry of Agriculture, Food and Rural Affairs), 1996 CanLII 7647 (ON CIPVP), le Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario (CIPVP) a conclu que l’expression « à l’égard de » au paragraphe 65(6) de la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (L.R.O. 1990, ch. F.31), qui autorise à une institution de refuser de divulguer des renseignements qui sont « à l’égard » d’instances « en ce qui a trait aux » relations de travail ou à l’emploi d’une personne, nécessite un lien [traduction] « assez important » entre le document et l’instance.
[29] Ce que je veux dire, c’est que l’expression « quant à » dans une loi prend son sens de son contexte – ce que la Cour suprême du Canada a dit explicitement dans Markevich c. Canada, 2003 CSC 9, au paragraphe 26. Souvent, l’expression est large, mais parfois le contexte exige une interprétation plus étroite du terme. La décision de la Commission dans AJJ no 1 a interprété l’alinéa 59(1)h) en fonction du contexte. L’employeur ne m’a pas convaincu que la Commission avait tort de le faire.
[30] En conclusion, j’appliquerai le sens de « relations de travail » énoncé dans AJJ no 1, à savoir que le terme « relations de travail » concerne la relation collective entre un employeur et une organisation syndicale régie par la partie 1 de la Loi.
B. La décision factuelle concernant ce poste
[31] J’examine maintenant les faits du présent cas pour déterminer si le poste de GGA est un poste de confiance auprès du directeur quant aux « relations de travail ». J’ai tiré ces faits du résumé de témoignage de l’employeur et de la description de travail.
1. Les descriptions de travail
[32] En ce qui concerne les descriptions de travail, l’employeur en a déposé deux. Après quelques brèves précisions de la part de l’employeur, il appert que l’une date de décembre 2021 et l’autre de février 2024. L’employeur a déposé la présente demande en 2022. Comme la Commission l’a déclaré dans Conseil du Trésor c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2024 CRTESPF 13, au paragraphe 122, les éléments de preuve à l’appui d’une demande visant à exclure un poste d’une unité de négociation doivent porter sur les fonctions de ce poste au moment de la demande, sauf si les éléments de preuve postérieurs à la demande clarifient rétrospectivement la nature du poste avant la demande. L’AFPC s’est opposée à ce que l’employeur invoque la description de travail de 2024 pour ce motif.
[33] Après avoir examiné la description de travail de 2024, je constate qu’elle ne diffère pas de manière importante de celle de 2021. J’ai considéré les différences mineures entre les deux descriptions de travail, car celle de 2024 clarifie rétrospectivement la nature des fonctions du poste.
[34] La description de travail en indique très peu sur la participation du GGA aux relations de travail. Elle s’en rapproche le plus lorsqu’elle décrit une partie des connaissances requises du titulaire du poste, comme suit :
[Traduction]
[…]
Connaissance des politiques et directives en matière de finances, de ressources humaines et d’administration, ainsi que des lois connexes (par exemple, la Loi sur l’accès à l’information et la Loi sur la protection des renseignements personnels, la Loi fédérale sur la responsabilité, l’accès à l’information et la protection des renseignements personnels (AIPRP), la Loi sur la gestion des finances publiques, la Loi sur l’emploi dans la fonction publique et la Loi canadienne sur les droits de la personne) afin d’orienter la gestion des ressources humaines et financières et d’orienter les changements organisationnels en réponse à l’évolution des questions et des besoins; et connaissance des conventions collectives, des principes et des pratiques en matière de relations de travail afin d’assurer une organisation efficace et efficiente.
[…]
[35] Le fait que la Loi n’est pas énumérée parmi les lois que le GGA devrait connaître est pertinent (mais pas déterminant).
[36] Lorsqu’elle décrit les principales activités du GGA, la description de travail est silencieuse au sujet des relations de travail. Le paragraphe 8 des principales activités s’en rapproche le plus et il se lit comme suit :
[Traduction]
8. Gère les ressources humaines, financières, matérielles et technologiques qui lui sont attribuées, y compris l’établissement des priorités, l’attribution du travail, la gestion du rendement, l’encadrement et la formation du personnel, ainsi que la préparation, la gestion et le suivi des salaires et des fonds non salariaux. Gère le personnel aux niveaux subalterne et intermédiaire et dirige des équipes de projets multidisciplinaires.
[37] Cependant, l’employeur n’a pas demandé d’exclure le GGA parce qu’il exerce d’importantes fonctions de gestion. Il a demandé de l’exclure parce qu’il s’agit d’un poste de confiance auprès du directeur en matière de relations de travail. Le fait que le GGA aide également à gérer une équipe ne suffit pas à satisfaire aux exigences de l’alinéa 59(1)h).
2. Le résumé de témoignage
[38] Étant donné que la description de travail ne démontre pas en soi que le poste de GGA est visé par l’alinéa 59(1)h) de la Loi, j’examinerai le résumé de témoignage de l’employeur. Les parties les plus importantes de ce résumé de témoignage figurent aux paragraphes 103 à 121 et 125 à 129 des arguments de l’employeur. Après avoir examiné les fonctions énoncées dans le résumé de témoignage, j’ai divisé les fonctions de ce poste, dans la mesure où elles peuvent être liées aux relations de travail, en trois catégories :
1) appuyer le cabinet du ministre;
2) superviser les quelque 12 employés de la région de la capitale nationale;
3) appuyer le cabinet du sous-ministre (et le bureau des conflits).
[39] Je me pencherai sur chacune de ces trois catégories à tour de rôle.
3. Le fait d’appuyer le cabinet du ministre n’est pas lié aux relations de travail
[40] Le résumé de témoignage indique que le GGA traite soigneusement les questions liées à l’emploi au sein du cabinet du ministre. Ce travail englobe l’embauche, les licenciements, les augmentations salariales discrétionnaires pour le personnel ministériel et d’autres questions liées aux ressources humaines.
[41] Le travail visant à appuyer le cabinet du ministre ne concerne pas les « relations de travail ». Les membres du personnel ministériel sont nommés par le ministre en vertu de l’article 128 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13). Ils ne sont pas employés dans la « fonction publique » au sens de la définition prévue au paragraphe 2(1) de la Loi, car ils ne sont pas employés dans un des ministères, des secteurs ou des organismes énumérés aux annexes I, IV ou V de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F-11). Cela signifie qu’ils ne relèvent pas de la portée de la Loi. Ils ne peuvent pas se syndiquer en vertu de la Loi et n’ont aucune relation collective avec leur employeur. Par conséquent, tout soutien que le GGA fournit au cabinet du ministre au sujet des conditions d’emploi des membres du personnel ministériel n’est pas lié aux « relations de travail ».
4. Le fait de superviser l’unité du poste n’est pas lié aux relations de travail
[42] En deuxième lieu, le GGA aide à gérer les 12 employés dans la région de la capitale nationale. À un moment donné, le résumé de témoignage indique que le GGA « gère » cette équipe et est chargé de la gestion des conditions d’emploi de ses membres. Toutefois, l’employeur n’a pas demandé l’exclusion de ce poste en vertu de l’alinéa 59(1)d) de la Loi – c’est-à-dire, que le titulaire du poste exerce d’importantes fonctions de gestion. L’employeur a présenté la demande en vertu de l’alinéa 59(1)h). À cet égard, j’ai également remarqué que la description de travail de 2024 indique que le GGA est chargé de [traduction] « superviser jusqu’à 10 employés », alors que la description de travail de 2021 indique que le poste [traduction] « gère des employés ». Après avoir examiné ces fonctions attentivement, je constate qu’elles sont plus étroitement liées à la supervision qu’à la gestion, ce qui peut expliquer la raison pour laquelle l’employeur n’a pas demandé l’exclusion du GGA en vertu de l’alinéa 59(1)d) de la Loi. L’AFPC souligne également que le GGA exerce des fonctions de supervision et non de gestion.
[43] Toutefois, l’employeur a présenté la demande en vertu de l’alinéa 59(1)h). Par conséquent, je dois déterminer si les fonctions confidentielles exercées par le GGA pour le directeur sont liées aux relations de travail, et non si le GGA gère d’autres employés.
[44] J’aurais franchement souhaité que le résumé de témoignage ait fait une distinction plus claire entre les fonctions de supervision du GGA et ses fonctions confidentielles envers le directeur. Je reconnais qu’il y a probablement beaucoup de chevauchement entre les fonctions de supervision et les fonctions confidentielles, de sorte qu’il n’est pas facile de les distinguer. Cependant, ce sera le cas de tout superviseur : tous les superviseurs doivent relever d’un gestionnaire sur les questions de ressources humaines et de relations de travail. Cela ne fait pas en sorte que tous les superviseurs sont visés par l’alinéa 59(1)h) de la Loi. La Commission a clairement indiqué à maintes reprises que les superviseurs ne doivent pas être exclus en vertu de l’alinéa 59(1)d) de la Loi, malgré le fait qu’un superviseur communique à un gestionnaire de façon confidentielle au sujet de ses subordonnés (voir Canada (Conseil du Trésor) c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Groupe des services correctionnels), [1979] C.R.T.F.P.C. no 9 (QL) (« Sisson »), au par. 54; voir également, par exemple, Conseil du Trésor c. Association des gestionnaires financiers de la fonction publique, [1998] C.R.T.F.P.C. no 106 (QL), au par. 84). Je ne suis pas disposé à exclure le GGA parce que le poste discute de façon confidentielle avec le directeur au sujet des employés qu’il supervise.
5. Le fait d’appuyer le cabinet du sous-ministre et le bureau des conflits n’est pas lié aux relations de travail
[45] En troisième lieu, le GGA appuie le cabinet du sous-ministre. Le résumé de témoignage indique également que le GGA appuie le Bureau de résolution des conflits, mais il est silencieux en ce qui concerne tout autre aspect du bureau, sauf le fait que le bureau [traduction] « gère les conflits qui surviennent entre les employés de JUS ». Je n’ai aucun renseignement sur la nature de ces conflits ou sur le rôle joué par le GGA dans la gestion des conflits. J’ai donc mis l’accent sur le cabinet du sous-ministre.
[46] Malheureusement, le résumé de témoignage n’indique pas clairement ce qu’englobe ce soutien au cabinet du sous-ministre. Le résumé de témoignage indique que le GGA [traduction] « […] est principalement chargé du cabinet du ministre et du cabinet du sous-ministre, y compris les deux SMA » [je mets en évidence]. Toutefois, lorsqu’il décrit les détails de ce soutien en ce qui a trait aux relations de travail, le résumé de témoignage met l’accent sur le soutien fourni au cabinet du ministre. Le résumé de témoignage décrit les augmentations de salaire [traduction] « à la discrétion du ministre » (qui ne peut concerner que le personnel ministériel), le licenciement d’employés [traduction] « […] y compris du personnel du cabinet du ministre […] » [je mets en évidence] et la formulation de [traduction] « […] recommandations au cabinet du ministre, notamment en matière de ressources humaines et de relations de travail ».
[47] Lorsque le résumé de témoignage devient plus générique, par exemple lorsqu’il indique que le GGA [traduction] « […] donne des avis au [directeur] et à son équipe sur les politiques et les processus en matière de relations de travail » ou sur [traduction] « l’intégration et la gestion des départs », il n’indique pas si ces avis concernent le cabinet du ministre, les 12 employés de la région de la capitale nationale ou d’autres tâches au sein du cabinet du sous-ministre. De même, lorsque le résumé de témoignage indique que le GGA est [traduction] « […] chargé des questions de relations de travail comme l’interprétation et l’application des conventions collectives […] », il n’est pas précisé pour qui, c’est-à-dire pour les employés que le GGA supervise ou pour un groupe plus large du cabinet du sous-ministre.
[48] Le résumé de témoignage décrit la présence du GGA dans ce que l’employeur appelle l’équipe de direction. La Commission a décrit le concept d’équipe de direction dans 2024 CRTESPF 92 aux paragraphes 44 et suivants, et je ne répéterai pas cette description.
[49] L’AFPC soutient que le concept d’équipe de direction ne s’applique pas à l’alinéa 59(1)h) de la Loi. Je ne suis pas du même avis. Les renseignements confidentiels liés aux relations de travail peuvent être communiqués lors d’une réunion de l’équipe de direction. L’employeur ne fait pas valoir que le GGA est un membre de son équipe de direction (ce qui pourrait justifier son exclusion en vertu de l’alinéa 59(1)g) de la Loi); l’employeur soutient que le GGA assiste aux réunions de son équipe de direction et que pendant ces réunions, il a connaissance de discussions confidentielles liées aux relations de travail.
[50] Le problème avec l’argument de l’employeur est qu’il va à l’encontre du principe selon lequel un employeur est tenu d’organiser ses affaires de manière à limiter le nombre d’employés exclus; voir Sisson, au paragraphe 50, et Conseil du Trésor c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2017 CRTEFP 11, au paragraphe 42. Il faut reconnaître que c’est précisément ce qu’a fait l’employeur. Le résumé de témoignage de l’employeur indique que le GGA est [traduction] « […] parfois appelé à ne pas participer à certains aspects de ces réunions […] » lorsque les réunions portent sur des questions de relations de travail particulièrement délicates, comme la planification d’une grève. L’employeur affirme que cela crée des [traduction] « difficultés opérationnelles exigeantes » parce que les cadres supérieurs présents à la réunion ne peuvent [traduction] « réfléchir à haute voix » pendant que le GGA est présent. Malheureusement, l’employeur n’explique pas la raison pour laquelle il est [traduction] « exigeant » de demander au GGA de quitter la salle lorsque les cadres supérieurs souhaitent discuter de questions de relations de travail. Si le statu quo est véritablement exigeant, l’employeur aurait pu fournir des renseignements plus concrets sur ce qui le rend exigeant. Au lieu de cela, il n’a pu donner qu’un seul exemple : le GGA n’a pas été autorisé à participer à la planification de la grève pendant la récente grève de l’AFPC. L’employeur n’explique jamais la raison pour laquelle l’absence du GGA est exigeante. Il a dû composer avec les inconvénients liés au fait de ne pas pouvoir faire participer le GGA à la planification de la grève; toutefois, il n’a fourni aucun élément de preuve indiquant ce qui rendait cette façon de faire exigeante.
[51] Il ne s’agit pas d’un cas comme Conseil du Trésor c. Fédération de la police nationale, 2023 CRTESPF 110, dans laquelle l’employeur gérait les risques en attendant une décision de la Commission sur la question de savoir si elle devait exclure un poste. Dans ce cas, la Commission a conclu que le statu quo n’était pas viable parce qu’il n’y avait aucune mesure de protection pour prévenir les conflits d’intérêts (voir le par. 201). Dans le présent cas, il y a des mesures de protection. Les réunions des cadres supérieurs auxquelles assistent des employés subalternes sont souvent tenues à huis clos et excluent les employés subalternes lorsque des renseignements confidentiels ou de nature délicate sont discutés. C’est exactement ce que fait l’employeur dans le présent cas, et il n’a pas expliqué la raison pour laquelle il est « exigeant » de continuer à le faire. Contrairement à Fédération de la police nationale, l’employeur ne gère pas un risque inévitable en attendant une exclusion; il a plutôt éliminé le risque.
[52] Enfin, l’employeur souligne que la Commission a récemment exclu le poste de gestionnaire, Services de gestion des affaires, du Portefeuille du droit des affaires et du droit réglementaire en vertu de l’alinéa 59(1)h) de la Loi. Toutefois, contrairement à la décision connexe 2024 CRTESPF 93, l’employeur n’a pas fourni à la Commission la description de travail de ce poste exclu. L’employeur affirme que cet autre poste est [traduction] « identique » à celui du GGA, mais cela n’est pas suffisant dans le présent cas, contrairement à 2024 CRTESPF 93, dans laquelle l’employeur a indiqué que les trois postes exclus avaient des fonctions essentiellement semblables. Par exemple, il est possible que ce qui rend ces deux postes [traduction] « identiques » soit le fait que le poste exclu fait pour un groupe d’employés syndiqués ce que le GGA fait pour le personnel ministériel – auquel cas le poste exclu pourrait être confidentiel en matière de relations de travail. Je ne peux pas conclure que les fonctions des postes sont identiques ou essentiellement semblables en me fondant uniquement sur des titres d’emploi dont le libellé est semblable et sur le résumé de témoignage de l’employeur selon lequel ils sont [traduction] « identiques » sans décrire en quoi ils sont [traduction] « identiques ».
[53] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :
(L’ordonnance apparaît sur la page suivante)
V. Ordonnance
[54] La demande est rejetée.
Le 17 juillet 2024.
Traduction de la CRTESPF
Christopher Rootham,
une formation de la Commission
des relations de travail et de l’emploi
dans le secteur public fédéral