Décisions de la CRTESPF
Informations sur la décision
Le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé un grief individuel – il soutient que le comité de sélection pour le poste d’officier de la sécurité générale de l’unité (OSGU) au groupe et au niveau AS-04 a omis de considérer son statut d’employé prioritaire à la suite d’un réaménagement des effectifs – l’employeur a soulevé une objection préliminaire à la compétence de la Commission et soutient que le recours approprié dans les circonstances est une plainte relative à la dotation en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; LEFP) – il soutient que la compétence de la Commission est limitée par les articles 208 et 209 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi ») et qu’un grief ne peut être présenté si un autre recours administratif de réparation est disponible – la Commission a conclu qu’elle avait compétence pour entendre le grief étant donné que la procédure de plainte en vertu de la LEFP n’est pas applicable dans les circonstances du présent cas, car il n’y a eu aucun processus de nomination externe ou interne – il n’existe aucune autre procédure administrative pouvant répondre aux préoccupations du fonctionnaire s’estimant lésé aux questions en litige – par conséquent, l’objection de l’employeur a été rejetée en vertu du paragraphe 208(2) de la Loi – de plus, la Commission a rejeté l’argument de l’employeur que le grief est théorique – l’employeur a soumis que l’Appendice I sur le réaménagement des effectifs de la convention collective (l’« Appendice I ») n’était pas applicable puisque le poste que le fonctionnaire s’estimant lésé convoitait constituait une promotion – bien que la Commission soit d’accord avec l’employeur que l’Appendice I a pour objectif de maximiser le maintien d’emploi au sein de ses employés, elle a déterminé que le caractère véritable du grief porte sur la revendication du fonctionnaire s’estimant lésé d’accéder au poste AS-04, soit directement par le fait qu’il bénéficiait d’une priorité, soit à la suite d’une formation payée par l’employeur afin de se qualifier pour le poste.
Objection rejetée.
Contenu de la décision
Date: 20240916
Dossier: 566-02-13796
Référence: 2024 CRTESPF 127
relations de travail et de l’emploi
dans le secteur public fédéral et
Loi sur les relations de travail
dans le secteur public fédéral
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ENTRE
Sacha sylvain
fonctionnaire s’estimant lésé
et
Conseil du trésor
(ministère de la Défense nationale)
employeur
Répertorié
Sylvain c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale)
Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage
Devant : Chantal Homier-Nehmé, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Guido Miguel Delgadillo, Alliance de la Fonction publique du Canada
Pour l’employeur : Andréanne Laurin, avocate
Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés les 11, 18 et 22 décembre 2023.
MOTIFS DE DÉCISION
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I. Demande devant la Commission
[1] Sacha Sylvain, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire ») a déposé un grief le 27 janvier 2015. Le grief a été renvoyé à l’arbitrage le 17 février 2017. La convention collective en vigueur au moment du renvoi était celle intervenue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada expirant le 4 août 2014 pour le groupe Services de l’exploitation (la « convention collective »).
[2] Le grief comporte sept pages détaillant tous les faits qui ont mené au dépôt du grief. En somme, le fonctionnaire soutient que le comité de sélection pour le poste d’officier de la sécurité générale de l’unité (OSGU) au groupe et au niveau AS-04 devait considérer son statut d’employé prioritaire à la suite d’un réaménagement des effectifs.
[3] En tant que mesure corrective, le fonctionnaire demande que le ministère de la Défense nationale (l’« employeur ») respecte l’entente de médiation signée en juin 2014 et que sa candidature soit reconsidérée pour le poste d’OSGU. Il demande que l’employeur prenne en considération son statut d’employé prioritaire, l’option d’un retour aux études prévue dans l’entente de médiation, son expérience comme OSGU intérimaire et son évaluation de rendement positive.
[4] En réponse au renvoi du grief, l’employeur a soulevé une objection préliminaire à la compétence de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »). L’employeur soutient que le recours approprié dans les circonstances est une plainte relative à la dotation en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; LEFP). Il soutient que la compétence de la Commission est limitée par les articles 208 et 209 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi ») et qu’un grief ne peut être présenté si un autre recours administratif de réparation est disponible.
[5] Pour les raisons qui suivent, l’objection est rejetée. Le fonctionnaire allègue la violation de la convention collective. L’essence du grief porte sur l’interprétation et l’application de l’Appendice I sur le réaménagement des effectifs de la convention collective (l’« Appendice I ». D’après les soumissions écrites de l’agent négociateur, la question en litige porte sur le statut du fonctionnaire s’estimant lésé au moment où il a été informé qu’il était un employé touché et ses droits en fonction de l’Appendice I.
II. Résumé de la preuve
[6] Les parties ont produit un énoncé conjoint des faits. J’ai reproduit ci-dessous les faits saillants sur lesquels je me suis fondée pour trancher l’objection de l’employeur à la compétence de la Commission.
[7] Le fonctionnaire occupait un poste de technicien câbleur, au groupe et au niveau GL-EIM-09, correspondant à une classification équivalente à un niveau AS-02.
[8] Le 26 septembre 2013, le fonctionnaire a reçu une lettre l’avisant qu’il était un employé touché dans le cadre du réaménagement des effectifs en raison d’un manque de travail ou de la suppression d’une fonction.
[9] Le 25 novembre 2013, il a reçu une lettre d’options. Puisqu’il n’avait pas choisi d’option, le fonctionnaire a reçu une lettre l’avisant qu’il était réputé avoir choisi l’option « A », c’est-à-dire qu’il bénéficierait du statut de priorité d’employé excédentaire jusqu’au 28 mars 2015.
[10] Le 8 juillet 2014, un avis d’intérêt pour le poste d’OSGU au groupe et au niveau AS-04 a été partagé avec certains employés. L’avis mentionnait que l’intention était de doter temporairement un poste par l’entremise d’une affectation intérimaire pour une durée de 4 mois moins un jour.
[11] Le 14 juillet 2014, pour donner suite à un avis d’intérêt transmis par l’employeur, le fonctionnaire a soumis sa candidature pour le poste intérimaire d’OSGU. Le 18 juillet 2014, l’employeur a avisé le fonctionnaire que sa candidature était retenue pour une période intérimaire de 4 mois moins un jour.
[12] Le fonctionnaire a occupé le poste intérimaire d’OSGU au groupe et au niveau AS-04 du 15 septembre 2014 au 15 janvier 2015. Pendant cette période intérimaire, le fonctionnaire a manifesté son intérêt afin d’occuper le poste de manière permanente.
[13] Le 12 janvier 2015, l’employeur a informé le fonctionnaire qu’il ne satisfaisait pas les critères de mérite, plus précisément le critère des études puisqu’il n’avait pas de certificat en santé et sécurité au travail d’une université reconnue et qu’il ne rencontrait pas non plus, la possibilité d’agencement acceptable puisqu’une expérience, limitée seulement qu’à une participation à un comité de la Santé et de la sécurité au travail à titre de membre local, ne pouvait être considéré comme suffisante pour occuper le poste d’OSGU pour une période indéterminée.
[14] Le 27 janvier 2015, le fonctionnaire a déposé un grief contestant la décision de l’employeur. Le grief a été rejeté à tous les paliers de la procédure de règlement des griefs interne.
[15] Le 27 février 2015, le fonctionnaire a reçu une lettre l’avisant qu’il sera mis en disponibilité à compter du 28 mars 2015. Cependant, le 17 mars 2015, il a accepté une lettre d’offre au poste de conseiller santé-sécurité au travail et projets ressources humaines pour une période indéterminée. Ce poste, au groupe et au niveau AS-02, est un poste à niveau.
[16] Le fonctionnaire n’a jamais été mis en disponibilité et n’a eu aucun bris de son lien d’emploi durant cette période.
III. Résumé de l’argumentation
A. L’objection de l’employeur
[17] L’employeur soutient que le paragraphe 208(2) de la Loi et la clause 18.10 de la convention collective interdisent le renvoi d’un grief à l’arbitrage lorsqu’un recours administratif de réparation est prévu sous le régime d’une autre loi fédérale. Ces dispositions évitent la multiplicité des recours et obligent les fonctionnaires de poursuivre un recours spécifique aux enjeux qu’ils soulèvent.
[18] Selon l’employeur, les revendications du fonctionnaire portent sur des questions de dotation. Le fonctionnaire allègue que l’énoncé des critères de mérite pour le poste qu’il convoitait n’était pas adéquat et que l’employeur aurait dû utiliser un autre énoncé des critères de mérite. Le fonctionnaire allègue qu’il est en désaccord avec la conclusion de l’employeur à savoir qu’il ne satisfaisait pas aux qualifications essentielles du poste. En lien avec ces allégations, le fonctionnaire demande la réévaluation de sa candidature.
[19] De plus, l’employeur soumet que l’Appendice I n’est pas applicable puisque le poste que le fonctionnaire convoitait constituait une promotion. L’Appendice I sur le réaménagement des effectifs a pour objectif de maximiser le maintien d’emploi au sein de ses employés. La garantie d’une offre d’emploi raisonnable comprend une offre d’emploi à un niveau équivalent ou inférieur. Elle ne donne pas droit à un poste à un niveau supérieur. Le fonctionnaire occupait un poste de technicien câbleur équivalent à un poste au groupe et au niveau AS-02. Le poste d’OSGU que le fonctionnaire convoitait était un poste au groupe et au niveau AS-04. Le 17 mars 2015, le fonctionnaire a accepté un poste de conseiller santé-sécurité au travail et projets ressources humaines au groupe et au niveau AS-02. Le fonctionnaire n’a jamais été mis en disponibilité et n’a eu aucun bris de service durant cette période.
[20] L’employeur soumet également que le grief est théorique. Si la Commission conclut que l’Appendice I est applicable, la question soulevée par le fonctionnaire est purement théorique. Le fonctionnaire s’est vu offrir un poste à un niveau équivalent avant qu’il soit mis en disponibilité. Le fonctionnaire a accepté cette offre. Il n’y a eu aucun bris du lien d’emploi. Il serait donc purement théorique que la Commission se penche sur la question de savoir si l’employeur a respecté son obligation dans le cadre du réaménagement des effectifs.
[21] Pour toutes ces raisons, l’employeur maintient que le recours approprié dans les circonstances est une plainte relative à la dotation. À l’appui de ses arguments, l’employeur m’a renvoyée aux décisions suivantes : Canada (Procureur général) c. Boutilier, [2000] 3 C.F. 27 (CAF); Burlacu c. Canada (Procureur général), 2022 CF 1112; Fang c. Administrateur général (ministère de l’Industrie) (ministère de l’Industrie), 2023 CRTESPF 52.
B. La réponse du fonctionnaire s’estimant lésé
[22] Le fonctionnaire affirme que la Commission a compétence pour entendre le grief puisque c’est le seul recours disponible pour contester la décision de l’employeur. Au moment du dépôt du grief, il n’y avait aucun processus de dotation ou de nomination interne en cours ouvrant droit à un recours en vertu de la LEFP.
[23] Dans son grief, le fonctionnaire allègue qu’il y a eu violation de l’Appendice I et il conteste le fait qu’il n’a pas été retenu pour le poste d’OSGU. Il est d’avis que ses droits, tel qu’il est prévu dans l’Appendice I, ne sont pas limités par le fait que le poste d’OSGU constituait une promotion. Le fonctionnaire soutient qu’au moment du dépôt du grief, il était un employé prioritaire et qu’il avait droit au recyclage selon l’Appendice I. Par conséquent, le recours approprié dans les circonstances est un grief.
[24] Le fonctionnaire soutient qu’il était un employé prioritaire et qu’il satisfaisait aux critères de mérite ou qu’il pouvait les satisfaire après avoir exercé son droit au recyclage selon les dispositions de l’Appendice I. Le fait que l’employeur a refusé de le nommer au poste d’OSGU était une violation de ses droits, tel qu’il est prévu dans l’Appendice I. Bien qu’il soit en désaccord avec les critères de mérite, ce n’est pas le fond du grief.
[25] Le fonctionnaire soumet que c’est la violation potentielle de son droit de priorité et de son droit au recyclage selon l’Appendice I qui doit être examiné par la Commission. Le grief ne conteste pas la nomination de la personne qui a ultimement été nommée au poste. Le fonctionnaire revendique son droit de priorité et de recyclage prévu dans l’Appendice I en vue d’une nomination possible au poste d’OSGU.
[26] Bref, le fonctionnaire est d’avis qu’il était un employé prioritaire, qu’il existait un poste pour lequel il était qualifié ou qu’il pouvait satisfaire aux critères de mérite après avoir exercé son droit au recyclage. Enfin, l’employeur a violé l’Appendice I en omettant de lui offrir le recyclage.
[27] Le fonctionnaire ne souscrit pas à l’argument de l’employeur voulant que le grief soulève une question théorique. Il soumet que sa carrière a été affectée négativement par la décision prise par l’employeur. N’eût été la violation de l’Appendice I, il aurait occupé le poste en question. Ce refus a eu un impact important sur son salaire et son cheminement de carrière. Le fonctionnaire n’a soumis aucune jurisprudence à l’appui de son argument
IV. Analyse
[28] Le paragraphe 208(1) de la Loi établit le droit d’un fonctionnaire à présenter un grief. Le paragraphe 208(2) de la Loi limite ce droit, et prescrit que, si un recours administratif de réparation lui est ouvert sous le régime d’une autre loi fédérale, un fonctionnaire ne peut pas présenter de grief individuel.
[29] La Cour fédérale, dans Katoch c. Canada (Procureur général), 2024 CF 744, au par. 9, a tout récemment statué que, avant que le paragraphe 208(2) puisse s’appliquer pour empêcher la présentation d’un grief individuel sous le paragraphe 208(1) de la Loi, le recours administratif en question doit offrir une « vrai mesure de redressement » qui offre un « bénéfice personnel » au fonctionnaire (voir Johal c. Agence du revenu du Canada, 2009 CAF 276, au par. 35; Chickoski c. Canada (Procureur général), 2017 CF 772, au par. 81.
[30] En matière de dotation, la jurisprudence de la Cour fédérale, ainsi que de cette Commission, est consistante. Le paragraphe 208(2) de la Loi a été adopté pour éviter la possibilité de faire double emploi de procédures en vertu de la Loi, d’une part, et de la LEFP, d’autre part (voir Boutilier, Burlacu, Fang et Chopra c. Canada (Conseil du Trésor), [1995] 3 CF 445, à la p. 452).
[31] Dans Fang, au par. 10, la Commission a statué que le paragraphe 208(2) de la Loi prévoit qu’un fonctionnaire « [...] ne peut présenter de grief individuel si un recours administratif de réparation lui est ouvert sous le régime d’une autre loi fédérale [...] ». Tout comme dans Fang, la convention collective en vigueur entre les parties au moment du dépôt du grief énonce que la présentation d’un grief est assujettie à l’article 208 (voir la clause 18.10 de la convention collective).
[32] Dans Boutilier, la Cour d’appel fédérale a statué comme suit que la réparation disponible dans l’autre procédure administrative n’avait pas à fournir une réparation égale, à condition qu’elle traite la plainte de façon raisonnable et efficace quant au fond du grief : « [...] Que le recours administratif soit différent, même s’il s’agit d’une « réparation moindre », il n’en demeure pas moins un recours » (voir le par. 23).
[33] La Cour fédérale, dans Burlacu, a interprété ces paragraphes dans le même sens voulant que le recours administratif disponible visé au paragraphe 208(2) de la Loi ne doit pas nécessairement fournir au fonctionnaire une réparation égale ou supérieure. Toutefois, il doit offrir une réparation véritable, qui traite de façon raisonnable et efficace le fond du grief (voir Boutilier, au par. 23, et Burlacu, au par. 21).
[34] Les circonstances étayées dans le grief du fonctionnaire diffèrent des circonstances dans Chopra, Boutilier, Burlacu et Fang. Dans Boutilier, Burlacu et Fang, le grief était à la base liée à un processus de nomination interne pour lequel la LEFP prévoyait un recours administratif de réparation.
[35] Au contraire, les allégations et les revendications formulées par le fonctionnaire font référence à l’interprétation et l’application de l’Appendice I sur le réaménagement des effectifs. Bien que le fonctionnaire conteste le fait qu’il ne satisfaisait pas au critère de mérite pour le poste d’OSGU au groupe et au niveau AS-04, ce qui est à la base de son grief, c’est sa revendication à un présumé droit au recyclage prévu dans l’Appendice I. Le fonctionnaire prétend avoir droit au recyclage et qu’il devrait être considéré en priorité pour le poste d’OSGU. À titre d’employé excédentaire, il prétend avoir droit au recyclage pour une nomination à un poste de groupe et niveau AS-04, un poste qui constitue une promotion. Le recours approprié dans les circonstances est donc un grief et non une plainte en vertu de la LEFP.
[36] Dans Fang, l’employeur avait soulevé une objection en vertu du paragraphe 208(2) de la Loi. La Commission avait examiné le grief et la plainte que le fonctionnaire s’estimant lésé avait renvoyés à l’arbitrage. La Commission avait remarqué que la plainte déposée en vertu de la LEFP portait sur le même processus de nomination soulevé dans le grief. Dans son grief, le fonctionnaire s’estimant lésé revendiquait des dommages pour la perte de salaire parce qu’il n’avait pas été promu. Il avait présenté la même demande de réparation dans sa plainte en vertu de la LEFP. La Commission avait déterminé que cette réparation n’était pas disponible dans une plainte en vertu de la LEFP. De plus, le fonctionnaire s’estimant lésé revendiquait des dommages en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H-6; LCDP) dans son grief et dans sa plainte. La Commission avait statué que l’article 77 de la LEFP autorisait l’interprétation et l’application de la LCDP et lui accordait le pouvoir d’ordonner une réparation, conformément à l’alinéa 53(2)e) et au paragraphe 53(3) de la LCDP. La Commission avait rejeté le grief pour défaut de compétence et avait accueilli la plainte en vertu de la LEFP.
[37] Dans la décision Boutilier, on soutient que les faits reprochés doivent être essentiellement les mêmes que ceux dans l’autre processus de recours. Cette décision énonce également que le paragraphe 91(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.R.C. (1985), ch. P-35) (l’équivalent du paragraphe 208(2) de la Loi) « [...] n’exige pas [qu’] une autre loi [...] prévoie le même recours [le passage en évidence l’est dans l’original] » ou que le recours soit égal ou supérieur à celui demandé dans le grief.
[38] Contrairement aux faits soulevés dans toutes ces décisions, les allégations et les revendications du fonctionnaire ne peuvent être remédiées par une plainte relative à la dotation déposée en vertu de la LEFP. La LEFP prévoit une réparation aux fonctionnaires lésés par les nominations pour une période indéterminée – soit auprès de la Commission de la fonction publique si la nomination a été effectuée dans le cadre d’un processus de nomination externe (voir l’art. 66 de la LEFP) ou auprès de la Commission si la nomination a été effectuée dans le cadre d’un processus de nomination interne (voir le par. 77(1) de la LEFP).
[39] Une plainte relative à la dotation en vertu de l’article 77, c’est-à-dire à la suite d’une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne prévoit que la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixé par règlement de la Commission des relations de travail et de l’emploi, présenter une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination pour l’une ou l’autre des raisons qui y sont énumérées. Comme je l’ai mentionné plus haut, dans les circonstances du grief du fonctionnaire, il n’y a eu aucun processus de nomination interne. De plus, le fonctionnaire n’a formulé aucune allégation d’abus de pouvoir.
[40] Je conclus que la Commission a compétence pour entendre le grief, étant donné que la procédure de plainte en vertu de la LEFP n’est pas applicable dans les circonstances du présent cas car il n’y a eu aucun processus de nomination externe ou interne. Il n’existe aucune autre procédure administrative pouvant répondre aux préoccupations du fonctionnaire aux questions en litige. Par conséquent, je rejette l’objection de l’employeur en vertu du paragraphe 208(2) de la Loi.
[41] De plus, je rejette l’argument de l’employeur que le grief est théorique. L’employeur soumet que l’Appendice I n’est pas applicable puisque le poste que le fonctionnaire convoitait constituait une promotion. Le fonctionnaire n’a jamais été mis en disponibilité et n’a eu aucun bris de lien d’emploi durant cette période. Selon l’employeur, la garantie d’une offre d’emploi raisonnable comprend une offre d’emploi à un niveau équivalent ou inférieur. Elle ne donne pas droit à un poste à un niveau supérieur. Ceci est le caractère véritable du grief.
[42] Bien que je sois d’accord avec l’employeur que l’Appendice I sur le réaménagement des effectifs a pour objectif de maximiser le maintien d’emploi au sein de ses employés, le caractère véritable du grief porte sur la revendication du fonctionnaire d’accéder au poste AS-04, soit directement par le fait qu’il bénéficiait d’une priorité ou à la suite d’une formation payée par l’employeur afin de se qualifier pour le poste.
[43] Conformément à l’article 22 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365), la Commission peut trancher toute affaire ou question dont elle est saisie sans tenir d’audience. Par conséquent, l’audience sur le fond du grief procédera par voie d’arguments écrits sur la question de savoir si le fonctionnaire pouvait revendiquer ses droits en vertu de l’Appendice I pour des postes qui constitueraient une promotion. La Commission communiquera avec les parties pour organiser une conférence préparatoire et établir un calendrier pour le dépôt des arguments écrits.
[44] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :
(L’ordonnance apparaît à la page suivante)
V. Ordonnance
[45] L’objection préliminaire de l’employeur est rejetée.
Le 16 septembre 2024.
Chantal Homier-Nehmé,
une formation de la Commission
des relations de travail et de l’emploi
dans le secteur public fédéral