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Dossier: 585-02-48834

 

 

 

 

 

 

AFFAIRE CONCERNANT

LA LOI SUR LES RELATIONS DE TRAVAIL DANS LE SECTEUR PUBLIC FÉDÉRAL

et un différend entre

L’Institut professionnel de la fonction publique, l’agent négociateur,

et le Conseil du Trésor, l’employeur,

relativement à l’unité de négociation composée de l’ensemble

du groupe Commerce et achat (CP) pour les fonctionnaires occupant des postes dans les classifications professionnelles CO et PG

 

 



 

 

Devant : William Kaplan, président,

Scott Streiner, personne nommée par le Conseil du Trésor,

Joe Herbert, personne nommée par l’Institut

 

 

 

Pour l’agent négociateur : Denise Doherty-Delorme, négociatrice, responsable technique de l’équipe

Franco Amato, négociateur

Ryan Campbell, chef d’équipe, recherche

 

Pour l’employeur : Katia Morinville, négociatrice, Gestion de la rémunération et de la négociation collective

 

 

Entendu à Ottawa le 12 septembre 2024. La Commission s’est réunie en séance exécutive le 11 octobre 2024.

(Traduction de la CRTESPF)

 


Décision

Introduction

[1] L’Institut professionnel de la fonction publique (l’« Institut ») est l’agent négociateur du groupe Commerce et achat (CP). Le Conseil du Trésor est l’employeur de l’Administration publique centrale (APC), qui comprend le groupe CP et ses plus de 6 300 employés répartis dans l’ensemble du Canada et travaillant dans divers ministères. Il existe deux classifications professionnelles : Commerce (CO) et Achat et approvisionnement (PG) (2 825 CO et 3 408 PG)

[2] La convention collective précédente a expiré le 21 juin 2022. Un avis de négociation a été signifié le 9 juin 2022. Les parties ont commencé à négocier en janvier 2023 et ont poursuivi les négociations jusqu’au mois de novembre suivant, moment où une impasse a été déclarée. Les parties ont été en mesure de s’entendre sur bon nombre des questions en suspens de manière bilatérale et dans le cadre de la médiation (et d’autres ententes ont été conclues même après l’impasse et le renvoi du litige à l’arbitrage de différends, comme indiqué dans les mémoires et à l’audience). Il est juste de dire qu’il existe une question importante qui empêche la conclusion d’une nouvelle convention collective : la rémunération, en particulier la demande de l’Institut d’un ajustement du marché de 4 %.

[3] Une audience a été tenue à Ottawa le 12 septembre 2024. La Commission s’est réunie en séance exécutive le 11 octobre 2024. La nouvelle convention collective comprendra les modalités de la convention collective expirée, les éléments convenus dans le cadre de la négociation, y compris avant et pendant l’audience, et les modalités de la présente décision. Toute question de l’Institut ou de l’employeur qui n’est pas directement traitée dans la présente décision est réputée rejetée.

Les critères

[4] L’article 148 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (LRTSPF) énonce les critères pertinents dont la Commission doit tenir compte pour trancher les questions en suspens en litige :

a) la nécessité d’attirer au sein de la fonction publique des personnes ayant les compétences voulues et de les y maintenir afin de répondre aux besoins des Canadiens;

b) la nécessité d’offrir au sein de la fonction publique une rémunération et d’autres conditions d’emploi comparables à celles des personnes qui occupent des postes analogues dans les secteurs privé et public, notamment les différences d’ordre géographique, industriel et autre qu’il juge importantes;

c) la nécessité de maintenir des rapports convenables, quant à la rémunération et aux autres conditions d’emploi, entre les divers échelons au sein d’une même profession et entre les diverses professions au sein de la fonction publique;

d) la nécessité d’établir une rémunération et d’autres conditions d’emploi justes et raisonnables compte tenu des qualifications requises, du travail accompli, de la responsabilité assumée et de la nature des services rendus;

e) l’état de l’économie canadienne et la situation fiscale de l’État fédéral.

 

Arguments de l’Institut

[5] L’Institut a fourni les justifications de ses propositions et a soutenu qu’elles étaient justifiées par l’application appropriée des critères applicables.

[6] Pour ce qui est de ces critères, l’Institut a fait valoir qu’il y avait des défis évidents en matière de recrutement et de maintien en poste. En effet, les éléments de preuve ont établi une pénurie mondiale de professionnels en approvisionnement. La pandémie de COVID-19 a mis en évidence le rôle important de l’approvisionnement dans la chaîne d’approvisionnement et, par conséquent, les employés possédant une expertise et des connaissances en approvisionnement sont de plus en plus demandés.

[7] L’Institut a soutenu que cette situation avait eu des répercussions évidentes et inévitables sur les deux classifications, ce qui a présenté des problèmes de recrutement de nouveaux employés et de maintien en poste des employés existants (surtout dans certains ministères comme le ministère de la Défense nationale (MDN)). La rémunération insuffisante constituait l’une des raisons expliquant le problème et justifiant l’ajustement du marché proposé et d’autres augmentations globales de la rémunération.

[8] L’augmentation du coût de la vie a également appuyé sa demande d’ajustement du marché et d’autres augmentations supérieures aux modèles de l’APC. L’inflation, même si elle avait commencé à diminuer, continuait d’avoir des conséquences néfastes et les employés des deux classifications prenaient du retard. Les augmentations des modèles de l’APC n’ont tout simplement pas suivi le rythme de ce qui sont maintenant des hausses inflationnistes intégrées du coût de la vie.

[9] La comparabilité constituait un troisième facteur à prendre en compte. Lorsque les deux classifications ont été comparées, tant à l’interne qu’à l’externe, il était très clair, de l’avis de l’Institut, qu’elles avaient pris du retard par rapport à leurs comparateurs directs (déterminés par l’Institut et précisés dans son mémoire et à l’audience, ci-dessous). La comparabilité avec ces autres groupes a milité fortement en faveur d’un ajustement du marché et d’une augmentation supérieure aux modèles.

[10] À un moment donné, l’Institut a fait remarquer que la rémunération des CO et des EC était étroitement harmonisée, mais qu’en raison d’une décision arbitrale en 2012 et des développements ultérieurs, un écart a été créé, et il s’est élargi. L’Institut a fait valoir qu’une comparaison des CO et des EC ne laisse aucun doute quant au chevauchement entre les deux classifications. De même, l’Institut a fait valoir qu’il y avait des arguments convaincants selon lesquels le groupe PG devrait être amené au niveau des SP de l’ARC.

[11] En d’autres termes, l’Institut a soutenu que lorsque les détails de ces classifications et de leurs comparateurs applicables ont été examinés, il a été facile de conclure qu’il y avait suffisamment de similitudes dans la nature des obligations et de l’expertise pour que les taux des CO et des PG soient ajustés à la hausse. Au lieu de cela, un écart s’est creusé, ce qui était tout à fait contraire aux exigences de l’alinéa 148c).

[12] L’Institut a soutenu que cela a donné lieu à une autre conséquence malheureuse qui revêt une importance particulière pour les CO : une mobilité réduite lors d’une mutation. Les CO n’étaient plus admissibles à une mutation latérale à des postes EC équivalents en fonction des critères de mutation du Conseil du Trésor. Les CO pouvaient présenter une demande de promotion, mais leur mobilité professionnelle et leurs aspirations professionnelles étaient par ailleurs restreintes par un écart de rémunération tout à fait injuste et insupportable.

[13] Quoi qu’il en soit, l’Institut a fait valoir que dans les deux classifications – les CO et les PG –il existait une injustice : des salaires injustes, ce qui était évident lorsque ces classifications étaient comparées à des comparateurs pertinents. Un ajustement du marché était donc pleinement justifié.

[14] L’application appropriée des autres critères appuyait également l’ajustement du marché proposé, ainsi que d’autres augmentations de la rémunération supérieures aux modèles. Selon l’évaluation de l’Institut, les finances publiques étaient solides; les recettes étaient à la hausse. Les prévisions économiques indiquaient une reprise avec un atterrissage en douceur, et non une récession. La situation financière de l’employeur ne présentait aucun obstacle aux ajustements proposés. En effet, le gouvernement disposait des recettes nécessaires pour accorder aux employés des augmentations qui correspondent à l’inflation, respectent la comparabilité et répondent aux conditions du marché (et, selon l’Institut, la comparaison avec des comparateurs externes appuyait également l’ajustement du marché). L’Institut a également fait remarquer qu’au cours de la ronde actuelle, plusieurs groupes, énumérés dans son mémoire, avaient reçu des ajustements du marché en fonction des mêmes facteurs que ceux invoqués dans le présent cas, tandis que le groupe CP ne s’est vu offrir que le modèle de base, sans tenir compte des critères applicables et sans remédier aux nombreuses inégalités accumulées au fil du temps.

[15] Comme il a été indiqué au début, la principale question en litige est celle de la rémunération. L’Institut a proposé ce qui suit :

APPENDICE A – TAUX DE RÉMUNÉRATION

 

22 juin 2022 – Augmentation des taux de rémunération : 3,50 %

22 juin 2022 – Ajustement du marché ou parité : 4,00 %

22 juin 2022 – Ajustement salarial : 1,25 %

22 juin 2023 – Augmentation des taux de rémunération : 3,00 %

22 juin 2023 – Ajustements aux échelons salariaux : 0,50 %

22 juin 2024 – Augmentation des taux de rémunération : 2,00 %

22 juin 2024 – Ajustement salarial : 0,25 %

22 juin 2025 – Augmentation des taux de rémunération : 2,50 %

 

Indemnité unique liée à l’exercice des fonctions régulières :

 

L’employeur versera une indemnité forfaitaire unique de deux mille cinq cents dollars (2 500 $) aux titulaires de postes au sein du groupe CP à la date de signature de la convention collective pour l’exécution des fonctions et des obligations régulières associées à leur poste. L’indemnité unique ouvre droit à pension.

 

[16] Voici les caractéristiques notables de la proposition de l’Institut :

(i) un ajustement du marché de 4 % proposé le 22 juin 2022,

(ii) un ajustement supplémentaire de 0,50 % en 2023 (à l’audience, l’employeur a reconnu que cet ajustement était harmonisé avec les ententes qu’il avait conclues avec plusieurs groupes, mais pas tous) et

(iii) une augmentation proposée de 2,5 % le 22 juin 2025 (au lieu du modèle de 2 %).

 

[17] Parmi les autres propositions présentées par l’Institut figure une amélioration demandée des congés annuels – une accumulation plus rapide – en vue d’accroître la productivité, d’améliorer le moral, de réduire l’épuisement professionnel, de promouvoir un meilleur équilibre entre le travail et la vie personnelle, de traiter les problèmes en matière de recrutement et de maintien en poste et d’encourager la créativité. Selon l’Institut, l’amélioration des congés annuels donnerait lieu à des employés plus motivés, loyaux et plus performants et serait conforme aux améliorations obtenues par d’autres unités de négociation de l’APC. Il a également été proposé d’élargir la définition de la disposition relative au congé de deuil, d’améliorer le congé payé pour obligations familiales et de modifier la disposition relative aux droits d’inscription. L’Institut a demandé que toutes ses propositions soient accueillies.

Arguments de l’employeur

[18] L’employeur a présenté ses arguments en donnant d’abord un aperçu de son approche – et des résultats largement convenus – lors de la ronde de négociation de 2021-2022. Des ententes ont été conclues avec 20 des 28 unités de négociation représentant 98 % de la population de l’APC. Il y avait un modèle bien établi, notamment une indemnité unique de 2 500 $ et, pour de nombreuses ententes, un ajustement de 0,50 % aux échelons salariaux en 2023. De plus, 25 des 29 unités de négociation d’organismes distincts financés par l’État avaient également suivi ce modèle. L’employeur avait accepté de suivre ce modèle dans le présent cas. Ce à quoi il ne souscrivait pas, c’était soit l’ajustement du marché de 4 % proposé par l’Institut, soit l’augmentation de 2,5 % supérieure au modèle (une augmentation supplémentaire de 0,50 %) en 2025. Ni un ajustement du marché ni une augmentation supérieure au modèle au cours de la dernière année n’était justifié par l’application de l’un ou l’autre des critères.

[19] Selon l’argument de l’employeur, il n’y avait aucun problème de recrutement et de maintien en poste; aucun problème du tout. Il y avait un grand nombre de candidats qualifiés et aucune difficulté à doter les postes. Par ailleurs, le taux de départ était extrêmement faible, même inférieur à la moyenne de l’APC, inférieur à ce qui a été constaté dans les gouvernements provinciaux et inférieur au secteur privé. Selon l’employeur, une augmentation de rémunération non normative n’était pas nécessaire pour attirer les employés et les maintenir en poste. Un ajustement du marché n’était pas non plus nécessaire à des fins de comparabilité.

[20] L’employeur a rejeté l’affirmation selon laquelle les CO ont été comparés à bon droit aux EC. À son avis, il n’existait aucun comparateur direct pour les CO. Les fonctions et les obligations étaient différentes, de même que les principales compétences et les compétences de base. Au risque d’une simplification excessive, l’employeur a fait remarquer que le travail des CO était pratique – un travail important dans l’exécution des programmes – tandis que le travail des EC – le comparateur le plus utilisé par l’Institut – était davantage axé sur l’analyse. Il y avait aussi beaucoup d’autres différences. Selon l’argument de l’employeur, un seuil élevé était requis pour établir une allégation de comparabilité directe, et ce seuil n’avait pas été atteint et il ne pouvait pas non plus être atteint en fonction des éléments de preuve présentés (et l’employeur a de nouveau souligné que dans quelques autres cas où un ajustement du marché a été convenu ou accordé, il l’a été en raison d’éléments de preuve convaincants – par exemple, des difficultés établies en matière de recrutement ou de maintien en poste nécessitant une réparation sous forme d’augmentation de la rémunération – un élément qui n’existe pas dans le présent cas).

[21] L’employeur a également signalé une étude externe qu’il avait préparée et qui établissait que les salaires actuels étaient entièrement concurrentiels avec le secteur privé. En fait, les éléments de preuve, que l’employeur a examinés, ont démontré que les taux horaires des CP étaient considérablement plus élevés que ceux du secteur privé; la rémunération des CP était, en d’autres termes, tout à fait concurrentielle par rapport au marché extérieur. Selon l’employeur, il faudrait aussi ajouter à la combinaison les conditions de travail généralement supérieures, y compris la rémunération totale composée de la pension, des congés payés, des avantages sociaux et des diverses primes, sans compter la stabilité de l’emploi que procure un emploi dans le secteur public fédéral. L’employeur était d’avis qu’il y avait des différences importantes entre les propositions salariales des parties. La proposition de l’employeur était celle qui était liée à la réalité économique. Elle était également celle qui a reproduit le modèle accepté par presque toutes les unités de négociation et englobant presque tous les employés du secteur public fédéral.

[22] L’employeur a fait valoir que le groupe CO n’avait pas établi une base pour une augmentation salariale fondée sur un comparateur et que le groupe PG ne l’avait pas fait non plus. Selon l’employeur, un examen minutieux des éléments de preuve a établi que les arguments de l’Institut en matière de comparabilité directe entre les PG et les SP n’avaient pas été établis. Il s’agissait d’emplois complètement différents, comportant des fonctions et des obligations différentes.

[23] D’autres critères étaient également pertinents et devaient être pris en considération, notamment l’état de l’économie canadienne et la situation fiscale de l’État. L’employeur a rejeté l’opinion optimiste de l’Institut quant à la situation économique globale, en faisant remarquer que, au contraire, il y aura de nombreux défis économiques et budgétaires à l’avenir, notamment une croissance plus faible du produit intérieur brut (PIB) réel, une inflation continue, une hausse du chômage, une dette publique importante et croissante et un besoin déclaré et effectivement évident de réduire les dépenses publiques. Dans ce contexte, la demande globale de rémunération de l’Institut (y compris ses diverses autres propositions monétaires comme l’amélioration des congés annuels) n’était pas seulement injustifiée et inabordable, mais était dépourvue de toute justification établie par un besoin avéré. En outre, elle était tout à fait contraire à l’application des principes directeurs de la reproduction.

[24] Selon l’employeur, l’octroi d’une rémunération supplémentaire au groupe CP constituerait une dépense déraisonnable et non justifiée des fonds publics. Dans l’ensemble, et en conclusion, l’employeur a fait valoir qu’il n’y avait aucun argument en faveur d’un ajustement du marché : aucun des critères applicables n’a été déclenché par la proposition et elle était complètement dépourvue de justification (par rapport, comme il a déjà été mentionné, à quelques cas dans l’APC où les ajustements du marché ont été convenus au cours de la ronde actuelle).

[25] Selon l’argument de l’employeur, ce qui serait justifié, ce sont ses diverses propositions, y compris une modification de la disposition sur les heures supplémentaires qui était justifiée par la reproduction; il était maintenant largement accepté que les employés qui travaillent des heures supplémentaires à domicile n’ont pas à être remboursés pour les repas. Selon l’employeur, ce qui était maintenant également tout à fait normatif dans l’APC était son Appendice E – Protocole d’entente relatif à la mise en œuvre de la convention collective. L’employeur a conclu son argumentation en demandant que ses propositions soient accueillies.

Analyse

[26] Il ne fait aucun doute que les membres du groupe CP fournissent des services essentiels et apportent une contribution particulière aux travaux du gouvernement au profit du pays. Leur travail essentiel contribue au bon fonctionnement et à l’efficacité des opérations gouvernementales et à la croissance économique du Canada.

[27] Après avoir examiné attentivement les arguments des parties – dans leurs mémoires et à l’audience – nous ne pouvons pas conclure qu’une augmentation du marché et qu’une augmentation supérieure au modèle au cours de la dernière année sont justifiées (ce que nous avons, en tout état de cause, renvoyé aux parties). À notre avis, l’application appropriée des critères applicables ne peut pas donner lieu à un tel résultat; il s’agit plutôt d’un cas où l’application du principe de la reproduction exige que le modèle soit suivi, sauf pour la dernière année que nous avons renvoyée aux parties tout en restant saisis, car il est trop tôt, à notre avis, pour déterminer et ensuite suivre un modèle applicable.

[28] La principale question en litige – et les parties en ont convenu – a été la demande de l’Institut d’un ajustement du marché fondé sur tous les critères prévus par la loi, mais plus particulièrement la comparabilité entre les CO et les EC, et entre les PG et les SP. Les éléments de preuve ne suffisent pas à établir le bien-fondé d’un ajustement du marché.

Comparabilité

[29] De toute évidence, la LRTSPF exige une relation appropriée quant à la rémunération entre les différents niveaux de classification au sein d’une profession et entre les professions. Les classifications CO et PG sont différentes, bien sûr, et le plus grand argument en faveur d’une comparaison – et d’un ajustement du marché – est entre les CO et les EC. Toutefois, après avoir examiné attentivement tous les renseignements, nous ne pouvons trouver aucun fondement pour conclure que les chevauchements (contestés) étayent l’ajustement du marché demandé pour l’un ou l’autre des groupes.

[30] En bref, l’Institut a soutenu qu’un ajustement du marché était justifié pour le groupe CO parce que la rémunération pour le groupe EC est plus élevée, alors que les compétences et les obligations des employés des deux groupes sont similaires. Toutefois, il existe des différences importantes dans les définitions des groupes et dans le travail effectué par les membres des groupes CO et EC. Comme l’Institut l’a lui-même indiqué :

Les postes CO sont davantage axés sur le développement économique, le commerce et l’industrie, et comportent souvent des activités de réglementation et de promotion. En revanche, les postes EC mettent l’accent sur la recherche et l’analyse en économie, en sociologie et en sciences sociales, en se concentrant sur le développement et l’évaluation. Le groupe CO a tendance à travailler sur des applications pratiques liées au commerce et à la croissance industrielle, alors que le groupe EC participe davantage à la recherche et à l’analyse des données. Les CO participent à des activités telles que l’analyse du marché, la conformité financière et la promotion industrielle. Les EC sont plus susceptibles de mener des recherches socio-économiques et de formuler des recommandations stratégiques.

[Traduction de la CRTESPF]

 

Il existe bien sûr des similitudes. Toutefois, à notre avis, l’argument en faveur d’un ajustement du marché fondé sur la comparabilité n’a pas été étayé.

[31] En d’autres termes, le genre d’éléments de preuve convaincants nécessaires pour étayer une analyse de comparabilité est absent (et le résultat recherché n’est pas non plus justifié par aucun des autres critères invoqués). L’affirmation de l’Institut selon laquelle l’écart salarial a une incidence négative sur la mutation – l’employeur conteste cette affirmation – ne constitue pas en soi un élément de preuve convaincant qui justifie l’octroi d’un rajustement salarial.

[32] Nous avons examiné attentivement la décision d’arbitrage de différends de 2012 que l’Institut invoque (SCT et ACEP, le 12 juillet 2012, dossier de la Commission : 585-02-38), qui a accordé au groupe EC un rajustement salarial et ainsi modifié sa relation salariale antérieure avec le groupe CO. Selon l’argument de l’Institut, l’ajustement que les EC ont reçu était fondé sur une nouvelle exigence de spécialisation au sein du groupe EC dans le domaine respectif d’un employé, un critère auquel l’Institut affirme le groupe CO satisfait également à compter de juin 2021. Cela ne constitue toutefois pas le raisonnement de la décision de 2012, et ce n’est pas non plus ce qu’indique la décision. Le groupe EC a bénéficié d’un ajustement parce que la Commission a été convaincue, selon les éléments de preuve dont elle était saisie, que le groupe EC accusait un retard par rapport aux comparateurs appropriés (voir les par. 12 et 49 de cette décision). Le groupe CO ne constituait pas l’un de ces comparateurs. Dans le présent cas, nous n’avons aucun élément de preuve comparable.

[33] En ce qui concerne le groupe PG, nous ne sommes pas convaincus par l’argument de l’Institut selon lequel ils sont comparés à bon droit aux SP à l’ARC ou à tout autre comparateur présenté, comme ceux de Nav Canada et de la Commission de la capitale nationale (CCN) (mais nous n’avons aucun problème à comparer les classifications de l’APC et des organismes distincts). Les éléments de preuve dont nous sommes saisis ne suffisent pas à étayer l’affirmation de l’Institut.

[34] Les PG et les SP effectuent tous les deux un travail essentiel. Les PG jouent un rôle essentiel dans les grands projets d’infrastructure et gèrent les achats à grande échelle liés à la défense, entre autres obligations importantes. Ces tâches et les tâches connexes sont essentielles, mais notre examen nous a permis de conclure que les emplois de PG et de SP ne sont pas facilement comparables et que les chevauchements qui pourraient exister ne suffisent pas à établir un droit à une augmentation salariale sous forme d’ajustement du marché. Nous parvenons à la même conclusion lorsque les autres critères applicables prévus à l’article 148 sont examinés.

Aucun problème de recrutement ou de maintien en poste

[35] Nous ne concluons pas, comme l’a soutenu l’Institut, qu’il existe des problèmes de recrutement et de maintien en poste qui doivent être réglés au moyen d’un ajustement du marché. La population de CP est stable, voire en croissance, ce qui est reflété par un intérêt démontrable relatif aux possibilités d’emploi indiqué par les demandes d’emploi et par un grand bassin de candidats qualifiés. En 2020-2021, l’embauche a diminué pour des raisons évidentes, mais il y a eu un rebond marqué dans les groupes CO et PG depuis. Les taux de départ sont faibles et stables, les départs à la retraite étant la principale explication des départs. À notre avis, le recrutement et le maintien en poste ne constituent pas des facteurs qui justifient une dérogation du modèle. L’Institut a signalé de nombreux postes vacants au MDN. Toutefois, ce n’est pas un manque de candidats qui explique les postes vacants dans ce ministère; l’explication, telle qu’elle a été fournie à l’audience, était le besoin de candidats bilingues, l’obtention des autorisations sécuritaires et la limitation des dépenses.

Autres critères

[36] Lorsque certains des autres critères sont examinés, la conclusion selon laquelle les arguments justifiant un ajustement du marché n’ont pas été étayés est renforcée. Il ne fait aucun doute qu’il existe de graves pressions budgétaires qui touchent les dépenses publiques. Néanmoins, des augmentations supérieures au modèle peuvent être nécessaires en raison de l’application des critères, mais seulement si elles sont justifiées. Cela est démontré par les ajustements du marché convenus par (et accordés à) d’autres groupes. Toutefois, le fait qu’un ajustement du marché soit faisable ne constitue pas, à notre avis, et indépendamment d’une autre raison convaincante, un motif pour accorder un tel ajustement. Le fait que d’autres aient reçu des augmentations du marché – dans le cadre de la négociation collective libre ou d’une décision arbitrale – ne justifie pas que tout le monde en reçoive une.

[37] Il existe un modèle de rémunération librement négocié – et nous rejetons toute proposition selon laquelle ce modèle n’incluait pas au moins un ajustement supplémentaire de 0,50 % en 2023 – qui est également indiqué dans les décisions arbitrales donnant effet à ce modèle. C’est ce qu’exige la reproduction et, en l’absence d’une application des critères menant à un résultat différent, c’est ce que nous accordons. Toutefois, comme nous l’avons déjà mentionné, nous estimons qu’il est trop tôt pour déterminer un modèle de règlement salarial applicable pour 2025, et nous avons donc renvoyé cette question aux parties tout en en demeurant saisis. (Un résultat qui correspond à ce qui a été accordé dans Conseil du Trésor et GMMC, dossier de la Commission : 585-02-44668, le 21 décembre 2023).

Décision

Durée

[38] Tel que cela a été convenu, quatre ans avec une date d’expiration du 21 juin 2026.

Salaires

APPENDICE A – TAUX DE RÉMUNÉRATION

 

22 juin 2022 – Augmentation des taux de rémunération : 3,50 %

22 juin 2022 – Ajustement salarial : 1,25 %

22 juin 2023 – Augmentation des taux de rémunération : 3,00 %

22 juin 2023 – Ajustements aux échelons salariaux: 0,50 %

22 juin 2024 – Augmentation des taux de rémunération : 2,00 %

22 juin 2024 – Ajustement salarial : 0,25 %

22 juin 2025 – Renvoyé aux parties. La Commission en demeure saisie.

 

Indemnité unique liée à l’exercice des fonctions régulières : 2 500 $. Cette indemnité unique ouvre droit à pension et sera versée aux titulaires de postes au sein des groupes CO et PG à la date de la décision du conseil d’arbitrage concernant l’exécution des fonctions et des obligations régulières associées à leur poste.

 

Heures supplémentaires

[39] Modifier l’alinéa 9.06c) :

[40] Les alinéas 9.06a) et b) ne s’appliquent pas [traduction] « à l’employé qui a obtenu l’autorisation de travailler à son domicile ou à un autre endroit accepté par l’employeur ». Nous comprenons que cette disposition a été négociée avec succès à l’égard de chacun des autres groupes de l’IPFPC dans l’ensemble de l’APC.

Protocole d’entente

[41] Le protocole d’entente relatif à la mise en œuvre de la convention collective de l’employeur a fait l’objet de négociations semblables dans chacune des autres conventions collectives de l’IPFPC dans l’APC (en distinguant le présent cas du résultat obtenu dans Conseil du Trésor et GMMC, dossier de la Commission : 585-02-44668, le 21 décembre 2023, par exemple), et nous l’accordons dans le présent cas.

Congés annuels

[42] Enfin, la Commission comprend que la proposition de l’Institut visant à réduire le seuil pour le droit à quatre semaines de congés annuels a maintenant été négociée de façon uniforme, au cours de la ronde actuelle ou antérieure, à l’égard d’autres groupes de l’IPFPC dans l’ensemble de l’APC – TI, SP, NR et RE – ce qui laisse le présent groupe comme le seul groupe où le seuil plus élevé existe toujours. Par conséquent, nous accueillons la proposition de l’Institut visant à réduire ce seuil à sept ans, ce qui rend la présente convention collective conforme à ce que nous croyons être le modèle SCT/IPFPC dans l’ensemble de l’APC.

Conclusion

À la demande des parties, nous demeurons saisis de la mise en œuvre de notre décision.

Le 1 novembre 2024.

« William Kaplan »

William Kaplan, président

« Scott Streiner »

Scott Streiner, personne nommée par le Conseil du Trésor

« Joe Herbert », addenda ci-joint.

Joe Herbert, personne nommée par l’Institut

 

ADDENDA

  1. En ce qui concerne le groupe CO, qui fait l’objet du cas dont nous sommes saisis, il m’a semblé contre-intuitif qu’un employé de la classification dont le taux maximal est le plus bas mette plus de temps à atteindre ce taux qu’un employé de la classification dont la rémunération est la plus élevée (EC). Habituellement, les échelles salariales varient en longueur en fonction du temps que l’on estime nécessaire pour qu’un employé type soit en mesure d’exécuter le travail de la manière la plus efficace possible. En d’autres termes, les professions qui exigent un niveau de compétence plus élevé ont généralement une grille plus longue. Compte tenu de la conclusion du président, il se peut fort bien que les parties souhaitent réduire le temps nécessaire pour atteindre le taux de rémunération maximal dans la grille des CO.

  2. Par ailleurs, encore une fois en ce qui a trait aux CO, la question « fondamentale » indiquée par les employés semblait être moins l’insuffisance du taux maximal que l’effet de ce taux sur la mutation par rapport aux employés de la classification EC. Il ressort clairement de ce que nous ont dit les employés à l’audience que la limitation des possibilités de mutation en raison de cet écart est considérée à la fois comme injuste et démoralisante et, à mon avis, l’employeur ferait bien de tenir compte de ces préoccupations plutôt que de les minimiser. La question de la mutation peut être traitée directement dans les négociations futures entre les parties afin de répondre à ces préoccupations légitimes.

  3. Enfin, en ce qui concerne le groupe PG, le président indique que les éléments de preuve étaient insuffisants pour justifier un ajustement salarial. J’avais des préoccupations selon lesquelles les éléments de preuve présentés par l’employeur (tout en admettant qu’il incombait au syndicat d’étayer sa cause) portaient davantage sur ce qui pourrait être considéré comme des [traduction] « mots à la mode » que sur le fond. Par exemple, il est facile de dire simplement qu’une autre classification (le groupe SP à l’ARC) a des emplois qui sont plus [traduction] « analytiques », mais j’aurai souhaité que cette affirmation soit étayée par des exemples plutôt que d’être simplement affirmée. De plus, après avoir entendu l’employeur sur ce point, je me suis demandé qui à l’ARC, s’il ne s’agit pas de la classification SP, a la même fonction de base que celle des PG? Cette question, ainsi que les questions concernant l’organisation du travail en général aux deux endroits (à l’ARC et au MDN en particulier) ont été laissées quelque peu sans réponse.

Le 21 octobre 2024.

Joe Herbert

 

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