Décisions de la CRTESPF

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Date: 20240925

Dossiers: 566-02-42033 et 42034

 

Référence: 2024 CRTESPF 131

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

Patrick Simard

fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(ministère de l’Emploi et du Développement social)

 

employeur

Répertorié

Simard c. Conseil du Trésor (ministère de l’Emploi et du Développement social)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

Devant : Guy Grégoire, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Kundera Provost-Yombo, avocat

Pour l’employeur : Caroline Richard, avocate

Affaire entendue par vidéoconférence,

les 23 et 24 octobre et les 22 et 23 novembre 2023.

Soumissions écrites déposées le

28 novembre, et les 4 et 5 décembre 2023.


MOTIFS DE DÉCISION

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

[1] Patrick Simard, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire ») travaillait pour le ministère de l’Emploi et du Développement social (l’« employeur ») au Programme des travailleurs étrangers temporaires (le « PTET ») à Montréal, au Québec, depuis le 26 juin 2018 jusqu’à son licenciement en cours de stage le 31 mai 2019.

[2] Le fonctionnaire a alors déposé deux griefs auprès de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») : 566-02-42033 contestant son licenciement en cours de stage et le second, 566‐02‐42034, contestant son évaluation du rendement annuelle (ERA).

[3] L’employeur a soulevé une objection voulant que la Commission n’avait pas compétence en la matière au motif qu’il s’agit d’un renvoi en cours de stage tel qu’il est prévu dans la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; LRTSPF) et la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; LEFP).

II. Objection liée à la compétence de la Commission

[4] La représentante de l’employeur a fait valoir que le fonctionnaire était en cours de stage comme il est prévu aux articles 61 et 62 de la LEFP. Elle a soutenu que ce dernier connaissait ses conditions d’emploi et il se savait en cours de stage. Elle a affirmé que le licenciement du fonctionnaire est survenu durant cette période de stage et qu’en application de l’article 211 de la LRTSPF, qui stipule que les articles 209 et 209.1 n’ont pas pour effet de permettre le renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel portant sur tout licenciement prévu sous le régime de la LEFP.

[5] Le fonctionnaire a soutenu que la preuve sur le mérite doit être entendue pour que je puisse disposer de l’objection.

[6] J’ai décidé de prendre l’objection en délibéré pour entendre la preuve et établir le mérite avancé par le fonctionnaire avant de trancher cette objection.

[7] Ces griefs ont été entendus durant 5 jours au terme desquels, à la demande de la Commission, les parties ont soumis leurs arguments écrits (41 pages pour l’employeur, 69 pages pour le fonctionnaire et 10 autres pages en réplique pour l’employeur).

III. Résumé de la preuve

A. L’employeur

[8] Le fonctionnaire a été nommé au poste d’agent de programme au groupe et au niveau PM-02 le 22 juin 2018 en vertu d’un contrat au sein du groupe du PTET. Il s’agissait d’un poste d’une durée déterminée d’un an, du 26 juin 2018 au 25 juin 2019, au terme duquel, si le fonctionnaire obtenait la mention « Réussi » dans son ERA de fin d’année, le terme de son emploi serait modifié à durée indéterminée.

[9] La nomination du fonctionnaire au sein du PTET était consécutive à un Protocole de règlement (le « Protocole ») intervenu entre le fonctionnaire, l’employeur, représenté par Esther Lessard, et Sylvain Archambault, représentant syndical.

[10] Outre la nomination du fonctionnaire et diverses autres clauses, le Protocole prévoyait que l’employeur s’engageait à mettre en place des mesures d’adaptation telles que décrites dans le « Formulaire de demande et d’entente – Mesures d’adaptation » (le « Formulaire » ou l’« entente »), à assurer un suivi concernant le rendement du fonctionnaire et à convertir la durée du poste de durée déterminée à indéterminée si le fonctionnaire obtenait la cote « Réussi » dans son ERA de 2018-2019.

[11] Les mesures d’adaptation visaient essentiellement à accommoder le fonctionnaire dans la gestion de son horaire.

[12] Les agents de programme interagissent avec divers partenaires externes dont : le ministère de l’immigration de diversité et d’inclusion du Québec (le « MIDI »), Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), des employeurs du secteur privé et d’autres personnes. Il s’agit de fait du traitement de demandes d’employeurs privés pour l’embauche de travailleurs étrangers temporaires et de la détermination de la recevabilité de la demande. Il existe au moins deux voies de traitement des demandes : le traitement simplifié (TS) et le traitement régulier (TR). Chacun ayant ses spécificités, le premier étant plus simple, le second exige plus en termes de documentation des demandeurs et de traitement des membres du PTET.

[13] La structure organisationnelle du PTET était la suivante : une directrice générale, un gestionnaire et une chef d’équipe. Il revenait à cette dernière de voir à la saine gestion des mesures d’adaptation, de contrôler les arrivées et départs du fonctionnaire et de produire les évaluations du rendement de mi-année et annuelle.

[14] En cours d’année, en octobre 2018, une nouvelle condition médicale est survenue affectant le fonctionnaire et le contraignant à prendre des pauses au-delà de celles prévues dans la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada pour le groupe Services des programmes et de l’administration, expiration le 20 juin 2025 (la « convention collective »).

[15] Il fut entendu par les parties que les mesures d’adaptation soient modifiées afin de prendre en compte la nouvelle condition du fonctionnaire et de lui permettre de prendre des pauses supplémentaires requises en raison de sa nouvelle condition. Le fonctionnaire pouvait prendre les pauses dont il avait besoin, mais il devait soit remettre son temps en travaillant plus tard soit soumettre des feuilles de temps de congés de maladie pour les périodes non travaillées durant la journée. Dans l’éventualité où le fonctionnaire épuiserait sa banque d’heures de congés de maladie, il devait prendre un congé sans solde. Il ne pouvait y substituer un congé annuel ou tout autre congé prévu dans la convention collective.

[16] L’évaluation du rendement de mi-année couvrait la période de la date d’embauche du 21 juin 2018 au 30 septembre 2018. Le fonctionnaire avait obtenu en général la cote « En voie d’atteindre » les objectifs. Elle contenait une suggestion voulant que le fonctionnaire porte une attention particulière à l’information contenue dans les dossiers afin d’éviter des allers-retours avec les employeurs et deux rappels, soit de fermer son ordinateur lorsqu’il quitte le bureau et de ne pas laisser de documents « protégé B » sur son bureau à la vue de tous à son départ.

[17] Par la suite, des problèmes de rendement et d’assiduité sont survenus qui ont nécessité plusieurs rencontres et courriels. Tant et si bien qu’à l’ERA de fin d’année, le fonctionnaire s’est vu octroyer la cote « Réussi moins » pour cause d’assiduité déficiente et rendement insuffisant, s’en est suivi son licenciement.

B. Ahmad Haidar, gestionnaire du PTET

[18] En juin 2018, M. Haidar était le gestionnaire du PTET. À ce titre, il était responsable des opérations d’environ 80 employés et de 5 chefs d’équipe. Le PTET vise l’embauche de travailleurs étrangers temporaires pour travailler au Canada. Les demandes viennent d’entreprises canadiennes privées. Les agents du PTET travaillent étroitement avec les employés de diverses organisations, dont IRCC, le MIDI et des entreprises privées.

[19] Il a expliqué sommairement le processus d’embauche de travailleurs étrangers. Le PTET reçoit une demande d’embauche d’employeurs privés, pour le Québec, et une vérification est faite auprès du MIDI. Un commis reçoit la demande et l’agent de programme (le poste du fonctionnaire), fait un tri des demandes en fonction du type d’emploi. Le traitement varie d’un type à l’autre. La personne s’assure que la demande est complète et, éventuellement, rend une décision, acceptant ou refusant la demande. Le processus prend normalement un mois à s’accomplir. Il y a un coût financier rattaché à la demande d’un employeur pour un travailleur étranger.

[20] M. Haidar a expliqué qu’il était le gestionnaire de la chef d’équipe, Émilie Audet-Labonté, de qui relevait le fonctionnaire. Il a soumis en preuve la lettre d’offre du 22 juin 2018 faite au fonctionnaire. La lettre prévoyait que l’emploi débutait le 26 juin 2018, que le fonctionnaire était assujetti à un horaire de travail de 7,5 heures par jour et 37,5 heures par semaine. La lettre stipulait aussi, entre autres, ce qui suit : « Toutes les nominations [...] provenant de l’extérieur de la fonction publique sont sujettes à une période de stage de 12 mois [...] ». M. Haidar a affirmé que le fonctionnaire avait accepté ses conditions d’emploi en signant la lettre d’offre. Il est à noter qu’une lettre d’offre modifiée avait été envoyée au fonctionnaire qui avait pour but d’amender le numéro du poste qu’avait occupé le fonctionnaire et n’avait pas d’autre incidence dans le présent cas.

[21] M. Haidar a présenté l’entente qui avait été initiée par sa prédécesseuse, en juin 2018, mais elle avait été signée par lui le 10 juillet 2018.

[22] La seconde page de l’entente énumérait les mesures d’adaptation mises en place pour le fonctionnaire. L’une d’entre elles permettait au fonctionnaire d’arriver au bureau entre 7 h et 10 h selon ses besoins. Il devait toutefois quitter au plus tard à 18 h, sauf lorsque le temps supplémentaire était autorisé.

[23] M. Haidar a fait référence à un courriel du 16 août 2018 qui avait pour sujet « Suivi de nos rencontres ». Il s’agit d’un compte rendu produit par la chef d’équipe d’une rencontre entre le fonctionnaire, son chef d’équipe et M. Haidar.

[24] Sous la rubrique gestion de l’horaire, M. Haidar mentionne spécifiquement un événement au cours duquel le fonctionnaire occupait une salle de formation, qu’il n’avait pas réservée, pour faire un appel téléphonique personnel alors que la même salle était réservée pour de la formation. De plus, dans ce document, on mentionne que le fonctionnaire doit respecter tous ses rendez-vous (ceux avec ses clients, ceux des rencontres de collègues au bureau et ceux avec l’employeur).

[25] Dans ce compte rendu, la gestion fait un retour sur la condition médicale affectant le fonctionnaire qui l’obligeait à passer plus de temps aux toilettes. Le fonctionnaire aurait expliqué qu’il s’agissait d’une situation ponctuelle. On y indique toutefois que, s’il s’agit d’une situation récurrente, un billet du médecin serait requis du fonctionnaire.

[26] M. Haidar a indiqué que le compte rendu écrit de la rencontre du 16 août 2018, et tous les autres comptes rendus écrits au dossier, s’inscrivent dans les mesures d’adaptation qui spécifient que chaque rencontre avec le fonctionnaire doit faire l’objet d’un compte rendu écrit.

[27] Il a affirmé que plusieurs personnes-ressources étaient mises à la disposition du fonctionnaire pour répondre à ses questions dans le cadre de ses fonctions, notamment sa chef d’équipe et deux agents de projets principaux (PM-04). De plus, il a témoigné que le fonctionnaire posait beaucoup de questions et qu’il les soumettait au fur et à mesure qu’elles survenaient. Par souci d’efficacité, la chef d’équipe lui a demandé de regrouper ses questions dans le courant de la journée et de les poser toutes en même temps.

[28] M. Haidar a présenté, sous forme de lettre au Dr Pierre Charbonneau, datée du 16 août 2018 et signée par lui-même, une demande d’évaluation de l’aptitude au travail et des capacités fonctionnelles. La demande précisait que le soussigné voulait connaître « [...] de façons [sic] précise les capacités [du fonctionnaire] ainsi que toutes limitations fonctionnelles ». La demande informait le médecin que le fonctionnaire s’absentait de son poste de travail entre 20 et 60 minutes pour aller aux toilettes en dehors des pauses accordées.

[29] M. Haidar a présenté la réponse du médecin par le formulaire d’évaluation de l’aptitude au travail et des capacités fonctionnelles daté du 1er octobre 2018 complété et signé par ce dernier. M. Haidar a affirmé que le rapport ne faisait pas état d’autres mesures d’adaptation à instaurer que celles déjà en place.

[30] Dans un courriel du 24 octobre 2018, soumis en preuve par M. Haidar, la chef d’équipe a pris acte de la condition médicale du fonctionnaire qui l’oblige à prendre des pauses pour aller aux toilettes en dehors des pauses normales. Voici l’extrait pertinent du courriel :

[...]

Suite à la réception de ton billet médical qui indique que tu as [condition médicale], nous comprenons que tu as besoin de temps hors de tes pauses pour aller aux toilettes. Je te demanderais donc de m’envoyer un courriel lorsque tu t’absentes de ton bureau en dehors des heures normales de pause et lorsque tu reviens à ton bureau (comme tu le fais déjà pour tes entrées/sorties du bureau et pour le lunch). Il faudra que tu reprennes le temps ou [sic] tu n’es pas à ton bureau en dehors de tes heures de pause accordées selon la convention collective.

[...]

 

[31] M. Haidar a fait référence à l’évaluation du rendement de mi-année du 22 novembre 2018. Il a indiqué que, lorsque l’ERA fait mention de recommandations, c’est parce qu’il y a des manquements de la part du fonctionnaire. Il a précisé qu’en septembre et octobre, le fonctionnaire était en « post-formation », c’est-à-dire qu’il avait terminé sa formation mais qu’il devait néanmoins soumettre son travail pour révision avant de le conclure. D’autre part, les mentions « En voie de répondre aux attentes » n’ont pas nécessairement une connotation négative.

[32] M. Haidar a fait référence à un courriel du 10 décembre 2018 dans lequel la chef d’équipe demande des clarifications du temps de pause et demande que le fonctionnaire envoie un courriel pour rapporter toute pause dépassant le temps permis par la convention collective, c’est-à-dire 15 minutes le matin et 15 minutes l’après-midi. Ce courriel fait partie d’une chaîne de courriels se terminant le 20 décembre 2018 et est en rapport avec l’assiduité du fonctionnaire. La chef d’équipe l’informe du caractère laborieux du suivi de ses pauses et lui demande de l’aviser au fur et à mesure des dépassements de pauses.

[33] M. Haidar a discuté d’une erreur de traitement, par le fonctionnaire, soulevée par une autre chef d’équipe voulant qu’un dossier était clairement identifié pour « traitement simplifié », mais que le fonctionnaire l’avait trié comme « traitement régulier ». Cette erreur de classification a eu pour conséquences de demander plus de documentation que nécessaire de la part de l’employeur privé qui faisait la demande, de faire appel au service des relations publiques, d’abaisser la confiance du public (employeurs privés domestiques et les personnes à l’étranger en attente) dans les services rendus par l’employeur, d’engendrer des coûts financiers supplémentaires de l’employeur privé et de devoir communiquer avec le MIDI pour clarifier la situation. Cette autre chef d’équipe informait la chef d’équipe du fonctionnaire dans son courriel qu’elle avait discuté avec celui-ci de la situation et lui avait « [...] demandé d’apporter plus d’attention lors du triage ».

[34] M. Haidar a soumis un courriel du 16 janvier 2019 relatant les points importants d’une réunion de gestion avec l’ensemble de son personnel, tenue le 9 janvier 2019. Ce courriel était adressé à tous les employés sous sa responsabilité. Il y a traité des heures et des horaires normaux de travail pour tous, mentionnant spécifiquement que chacun inscrive son horaire de travail sur un tableau. Il donnait aussi la flexibilité à ceux qui désiraient prendre plus de 30 minutes pour le dîner, d’ajouter ce temps à la fin de leur journée de travail.

[35] M. Haidar a relaté le suivi de l’ERA, en s’appuyant sur le compte rendu du 20 mars 2019 d’une rencontre dont avaient participé le fonctionnaire, son représentant syndical et sa chef d’équipe. L’ERA avait confirmé que le fonctionnaire ne satisfaisait pas à ses objectifs, qu’il commettait un nombre élevé d’erreurs et que plusieurs suivis concernant la reprise de son temps avaient été faits tant oralement que par écrit. L’ERA a confirmé que seulement trois dossiers avaient été rapportés comme erronés, mais que d’autres erreurs avaient été commises sans avoir été documentées. Il a relaté que plusieurs dossiers avaient été retournés par la chef d’équipe et qu’ils concernaient des erreurs de mélanges entre employeurs, clients du ministère.

[36] M. Haidar a mentionné que le fonctionnaire commettait plusieurs erreurs lors de sa participation au comité de triage. Il s’agit d’un comité opérationnel chargé d’analyser les dossiers entrants, de les trier et de les acheminer vers les sections responsables du traitement du type de demande. Ce travail s’apparente à un travail d’équipe. Il a affirmé que le nombre d’erreurs commises par le fonctionnaire s’était accru depuis le mois d’octobre 2018.

[37] Il a témoigné que le fonctionnaire ne faisait pas les suivis requis concernant ses absences et son devoir de reprendre le temps qu’il devait remettre. Il a témoigné qu’il y avait une incohérence entre le nombre de courriels envoyés pour aviser d’une absence par le fonctionnaire (22 courriels envoyés du 21 février au 8 avril 2019) et l’absence complète de courriel pour la période antérieure. Il a affirmé que le fonctionnaire ne déclarait ses absences supplémentaires que lorsqu’il était observé.

[38] M. Haidar a fait référence à un courriel du 10 avril 2019 ayant comme objet « RE : Compte-rendu – Rencontre du 21 février 2019 ». Il s’agit du même courriel portant sur le suivi de l’ERA dans lequel on peut lire les commentaires du fonctionnaire exprimés par le représentant syndical et la réplique de l’employeur.

[39] Il a affirmé qu’en avril 2019 l’employeur avait offert toutes les mesures d’adaptation au fonctionnaire et a fait valoir que ni le fonctionnaire ni son représentant syndical ne s’étaient plaints d’un manque de coopération de l’employeur. Il a affirmé que le fonctionnaire avait reçu à maintes reprises de la rétroaction concernant son travail.

[40] M. Haidar a expliqué que les conditions de travail à l’égard du fonctionnaire avaient été resserrées à partir du 11 avril 2019, tel qu’en fait foi le courriel de la même date. Désormais, le fonctionnaire devait envoyer un courriel au début et à la fin de chaque pause de 15 minutes, comme il le faisait pour ses arrivées et départs du bureau ou pour les pauses de dîner. Les heures qui seraient considérées seraient celles des courriels, et non celles proposées par le fonctionnaire dans ses courriels. Son heure d’arrivée restait flexible entre 7 h et 10 h, mais ses heures de pauses et de dîner seraient fixes et elles correspondaient aux heures que le fonctionnaire avait déterminé lui-même. L’heure de départ obligatoire demeurait 18 h et ce, pour se conformer aux avis de risque pour la sécurité des personnes, puisque les lieux devenaient vides à cette heure. Le courriel avisait le fonctionnaire de ce qui suit : « À défaut de [se] conformer à ces exigences, des mesures administratives et/ou disciplinaires pourraient être prises pouvant aller jusqu’au licenciement en période de stage. » M. Haidar a reconnu que, tel que le stipule le compte rendu, cette mise en garde au fonctionnaire ne lui avait pas été faite lors de la rencontre. Durant cette rencontre, M. Haidar relate que de la formation supplémentaire était prévue et qu’une personne-ressource lui était désignée pour l’appuyer dans son travail.

[41] Il a affirmé que ces mesures étaient prises parce que le fonctionnaire prenait plus de pauses pour faire autre chose que celles requises par sa condition médicale, par exemple pour aller se chercher un café.

[42] M. Haidar a fait référence à un courriel du représentant syndical du 17 avril 2019 qui revenait sur le compte rendu du 11 avril 2019. Il a affirmé qu’il ne croyait pas que les resserrements des conditions de travail du fonctionnaire s’éloignaient des recommandations proposées par le médecin. Il a affirmé qu’il revenait au fonctionnaire de demander la révision de ses mesures d’adaptation s’il en ressentait le besoin.

[43] M. Haidar a fait référence à une note médicale du Dr Charbonneau du 15 mai 2019 qui diagnostique un trouble de déficit de l’attention chez le fonctionnaire et il a affirmé que le médecin ne demandait aucune nouvelle mesure d’adaptation. Il a affirmé ne pas avoir reçu une lettre du neuropsychologue du 29 mai 2019, décrivant les caractéristiques d’ « un des symptômes fréquents d’un TDAH ».

[44] Dans une chaîne de courriels du 28 mai 2019, M. Haidar a expliqué que l’employeur tentait d’organiser une rencontre avec le fonctionnaire et son représentant syndical, mais que des conflits d’horaire rendaient la chose difficile. Il a terminé son courriel en informant que la rencontre devait avoir lieu malgré l’absence du représentant syndical, à qui il offrait de se faire représenter par quelqu’un d’autre. La convocation a ultimement été fixée pour le vendredi 31 mai à 10 h.

[45] M. Haidar a fait référence au courriel du 31 mai 2019 qui accompagne ses évaluations du rendement de mi-année et de fin d’année du fonctionnaire. Il a affirmé que le fonctionnaire n’avait pas atteint ses objectifs. Dans son témoignage, il est revenu sur divers manquements énumérés dans l’ERA de fin d’année du fonctionnaire, dont une contravention à la sécurité due au fait qu’il ne fermait pas son ordinateur lorsqu’il quittait son bureau à la fin de la journée, mettant à risque l’information. Il a affirmé que l’employeur tirait une conclusion négative du fait que le fonctionnaire ne vérifiait pas ses heures de congé disponibles avant de soumettre une demande de congé aussi du fait qu’il n’acceptait pas les conseils qui lui étaient donnés par sa chef d’équipe ou ses collègues.

[46] M. Haidar a affirmé que la lettre de licenciement en cours de stage du 31 mai 2019 avait été remise en mains propres au fonctionnaire. La lettre faisait référence aux problèmes persistants d’assiduité et à ses manquements à déclarer ses pauses. Il a insisté que le fonctionnaire n’avait pas été licencié à cause des pauses requises pour aller aux toilettes, des exigences liées aux mesures d’adaptation, de ses heures flexibles ou de ses conditions médicales.

C. Émilie Audet-Labonté, chef d’équipe

[47] Mme Audet-Labonté était la chef d’équipe du fonctionnaire pour toute la durée de son emploi au PTET. Elle a témoigné avoir commencé sa carrière dans la fonction publique fédérale en novembre 2013.

[48] Mme Audet-Labonté a affirmé connaître l’entente de mesures d’adaptation signée par le fonctionnaire et le gestionnaire. Elle a indiqué que les mesures d’adaptation pour le fonctionnaire étaient les suivantes : accorder au fonctionnaire des heures d’arrivée et de départ flexibles (il pouvait arriver entre 7 h et 10 h et devait quitter au plus tard à 18 h); produire des comptes rendus écrits après chaque rencontre avec le fonctionnaire; il était assujetti aux heures de pause et de dîner qu’il se fixait lui-même; informer sa chef d’équipe lorsqu’il dépassait le temps de ses pauses.

[49] Elle a expliqué que c’était pour se conformer à l’entente qu’elle avait produit tous les courriels adressés au fonctionnaire faisant suite à ses rencontres avec lui. Elle a d’ailleurs fait référence à celui du 9 juillet 2018, lequel faisait suite à leur rencontre du 6 juillet 2018. Elle lui offrait des façons de faire pour l’aider à accomplir ses tâches parce qu’elle était au courant de ses limitations.

[50] Elle a témoigné, en s’appuyant sur un compte rendu d’une rencontre du 11 juillet 2018, dans un courriel du 17 juillet 2018, que l’heure de la rencontre prévue avec le fonctionnaire avait dû être déplacée de 13 h à 13 h 30 pour l’accommoder et lui permettre d’aller aux toilettes.

[51] Mme Audet-Labonté a fait référence à un compte rendu dans un courriel du 16 août 2018 d’une rencontre du 10 août 2018 entre le fonctionnaire, le gestionnaire et elle. Il s’agissait d’un suivi de leur rencontre concernant les mesures d’adaptation. Elle est revenue sur le fait que le fonctionnaire utilisait des salles de réunion, sans les réserver, pour des appels personnels. Mme Audet-Labonté a aussi affirmé qu’il n’y avait pas de rencontre bilatérale prévue, mais qu’elle rencontrait le fonctionnaire aussi souvent que possible pour l’aider à accomplir ses tâches.

[52] Elle a fait référence à un compte rendu d‘une rencontre du 20 septembre 2018 dans un courriel du 21 septembre 2018, dans lequel elle énumère une liste d’instructions opérationnelles et de mise en garde comme suit : « [...] svp assure-toi d’écrire le bon titre de courriel en te servant du gabarit [...] » Elle conclut le compte rendu en lui faisant part qu’elle avait reçu des commentaires positifs des conseillers en expertises opérationnelles qui avaient évalué ses premiers dossiers et reconnaissaient que le fonctionnaire appliquait la rétroaction qu’on lui avait donnée pour ne pas répéter les erreurs pour lesquelles on lui avait donné des outils.

[53] Elle a témoigné que, le 19 septembre 2018, le fonctionnaire avait été libéré de sa formation et qu’il n’avait plus besoin de suivi.

[54] Elle a témoigné qu’un courriel de procédures avait été envoyé à tous les agents de programme le 20 septembre 2018, mais qu’elle l’avait renvoyé spécifiquement au fonctionnaire le 16 octobre 2018 lui rappelant d’utiliser les gabarits proposés pour sa correspondance.

[55] Elle a témoigné que, dans un courriel du 24 octobre 2018, elle informait le fonctionnaire qu’il devait reprendre le temps quand il allait aux toilettes en lien avec sa condition médicale.

[56] Elle a fait référence à un courriel du gestionnaire au représentant syndical du fonctionnaire du 30 novembre 2018. Il y est précisé que le fonctionnaire doit reprendre le temps de travail qu’il passe aux toilettes et qu’il est de sa responsabilité d’en informer sa chef d’équipe au départ et à son retour. Elle a dit que le fonctionnaire devait l’aviser chaque fois qu’il quittait son poste de travail et en revenait. De plus, s’il ne reprenait pas son temps de travail, il devrait soumettre un formulaire de congé de maladie. S’il n’avait plus de crédits de congé de maladie, il devait prendre un congé sans solde.

[57] Mme Audet-Labonté a discuté de l’évaluation du rendement de mi-année du fonctionnaire qui couvrait la période du début de sa nomination au 30 septembre 2018. C’est elle qui l’avait préparée et avait rédigé les commentaires qui l’accompagnaient. Elle l’a envoyée par courriel au fonctionnaire le 22 novembre 2018. Elle a affirmé qu’en général l’ERA était bonne et que les commentaires « En voie de répondre aux attentes » ne signifiaient pas nécessairement qu’il y avait un besoin d’amélioration. Elle a indiqué, dans la partie pour les commentaires, qu’elle lui rappelait qu’il devait porter une attention particulière au triage, que les demandes soient complètes, que tous les documents requis étaient présents et que le paiement était fait. Elle a fait référence à des faiblesses auxquelles le fonctionnaire devait pallier, par exemple envoyer des convocations par Outlook lorsqu’il voulait rencontrer sa chef d’équipe pour des questions comme il avait été entendu entre eux précédemment, mais qu’il ne l’avait jamais encore fait.

[58] Elle a discuté de deux courriels des 10 et 11 décembre 2018 qui faisaient état d’un besoin de formation pour deux personnes, dont le fonctionnaire, parce que des erreurs avaient été vues dans leur travail. Les erreurs sont survenues lors du triage, alors qu’une demande de TS avait été soumise comme une demande de TR. Les initiales de l’agent responsable sont indiquées sur le dossier pour savoir qui a commis l’erreur, le cas échéant. Les conséquences d’une telle erreur sont importantes, a-t-elle affirmé, puisqu’elle entraîne le rejet de la demande au montant de 1 000 $ pour l’employeur qui en avait fait la demande et l’oblige à soumettre une nouvelle demande au montant de 1 000 $ une seconde fois et ajoute des délais supplémentaires pour corriger les erreurs et traiter la demande comme il se doit. Mme Audet-Labonté a confirmé que la formation avait bel et bien été offerte au fonctionnaire par un courriel du 12 décembre 2018.

[59] Mme Audet-Labonté a discuté d’une chaîne de courriels du 10 au 20 décembre 2018 qu’elle avait envoyée au fonctionnaire pour clarifier la gestion de ses pauses. Elle a dit lui avoir rappelé que tout le temps pris pour cause de maladie devait être repris ou qu’une feuille de congé de maladie devait être soumise. Elle lui a rappelé qu’il devait envoyer un courriel chaque fois qu’il quittait son poste de travail et qu’il y revenait et que, depuis le 23 novembre 2018, elle n’en avait reçu aucun. Elle y a aussi discuté d’une absence de deux heures le 12 décembre sans explication. Le fonctionnaire s’était absenté, et ce n’est qu’après qu’elle avait su qu’il avait eu un rendez-vous médical. Elle l’a avisé que ces demandes devaient être faites avant de prendre le congé, et non après avoir pris le congé.

[60] Elle a fait référence, dans la même chaîne de courriels, au courriel du 20 décembre 2018, à un tableau présentant les absences, les raisons et le temps à reprendre par le fonctionnaire entre le 12 décembre et le 20 décembre comme suit : 2 heures le 12 décembre, pour un rendez-vous médical, il avait oublié d’en informer sa chef d’équipe à l’avance; 1,75 heure le 19 décembre pour un autre rendez-vous médical, il avait oublié d’en informer sa chef d’équipe à l’avance; 0,5 heure le 20 décembre à cause du transport en commun et qu’il a dû aller chercher son fils. Dans ce même courriel, elle l’avisait que « ce genre de suivi était laborieux » et elle lui demandait de l’informer au fur et à mesure de ses dépassements de pauses et de ses absences et aussi de l’informer à l’avance de la façon qu’il entendait reprendre son temps.

[61] Elle a témoigné à savoir qu’une autre chef d’équipe, Hélène Grégoire (sans lien avec le soussigné), dans un courriel du 9 janvier 2019, discute d’une arrivée tardive du fonctionnaire. Elle a confirmé qu’exceptionnellement il pouvait reprendre ses 45 minutes dû à son retard du matin et son départ hâtif en fin de journée. La chef d’équipe lui répétait qu’il devait reprendre son temps dans la même journée sinon il devait faire une demande de congé.

[62] Mme Audet-Labonté a fait référence à un autre courriel du 9 janvier 2019 à savoir que l’autre chef d’équipe l’avait informée que le fonctionnaire avait commis une erreur de triage et de traitement d’une demande et qu’elle l’avait rencontré pour revoir « [...] les points avec lui, et lui ai demandé d’apporter plus d’attention lors du triage ». Elle a soutenu que, si l’erreur n’avait pas été découverte à temps, la demande aurait été jugée incomplète, entraînant des délais et des coûts supplémentaires. Elle a affirmé que le fonctionnaire avait pourtant reçu une formation supplémentaire concernant le triage en décembre 2018.

[63] Elle a témoigné que, le 15 janvier 2019, appuyé par son courriel du même jour, le fonctionnaire est resté 15 minutes après l’heure de départ fixée de 18 h. Elle a affirmé que c’est par mesure de sécurité que tous les employés devaient quitter à 18 h, sauf lorsque le travail supplémentaire était approuvé.

[64] Elle a présenté le courriel du 23 janvier 2019, pour relater que le fonctionnaire avait mélangé différents profils d’employeurs et que l’un d’eux avait reçu la correspondance d’un autre. Cette erreur, a-t-elle affirmé, remettait en cause la confiance du public. Elle a élaboré sur l’erreur en précisant qu’il l’avait en partie corrigée, mais qu’elle avait dû intervenir pour finaliser la correction.

[65] Elle a témoigné qu’elle avait dû clarifier l’horaire de travail du fonctionnaire concernant ses pauses. Elle avait constaté qu’à l’heure prévue du retour du dîner, il n’était pas à son bureau et qu’il n’avait pas envoyé de courriel pour l’en aviser. Dans son courriel du 23 janvier 2019, elle lui a rappelé des heures qu’il devait respecter. Elle a affirmé que le fonctionnaire lui aurait dit que son retard n’était pas dû à sa condition médicale.

[66] Elle a soumis en preuve une chaîne de courriels du 13 décembre 2018 au 7 février 2019 et a fait état de différentes circonstances lorsque le fonctionnaire s’est absenté sans l’aviser et qu’elle ne se souvenait pas s’il avait repris le temps qu’il devait reprendre.

[67] Elle a fait référence à un courriel du 6 février 2019 qu’elle avait envoyé au fonctionnaire. Il s’agit d’un courriel relativement long, d’une page, débutant par sa réitération au fonctionnaire: « [...] l’importance de bien vérifier tous les documents dans un dossier quand tu analyses une demande ». Elle y faisait état d’une erreur de traitement dans un dossier qui aurait pu être évitée par une analyse plus approfondie du dossier. Au-delà de ce manquement, elle l’informait qu’il avait « [...] envoyé une lettre de décision avec des informations erronées. »

[68] Elle a aussi fait référence à un échange de courriels du 13 février 2019 entre le fonctionnaire et elle-même concernant un matin de neige où il est arrivé au travail avec une heure trente de retard sans l’avoir avisée. Elle lui rappelait qu’il devait l’appeler avant 10 h s’il prévoyait arriver en retard selon les termes de l’entente des mesures d’adaptation.

[69] Elle a témoigné que les courriels du 18 février 2019 faisaient état d’une autre erreur de traitement de dossier. Elle a affirmé que l’erreur dont elle parlait ici était une autre erreur que mentionnée précédemment, et que cette erreur avait d’abord été causée par l’employeur client.

[70] Elle a témoigné que le fonctionnaire s’était présenté avec 15 minutes de retard à un comité de travail le 19 février 2019, tel qu’en faisait foi le courriel du même jour. Le fonctionnaire a reconnu son retard et aussi le fait qu’il ne l’avait pas signalé et avait offert de reprendre son temps.

[71] Elle a fait référence à une série de courriels du 18 février au 20 février 2019 concernant une autre erreur commise par le fonctionnaire qui avait fermé un dossier par erreur. Elle lui avait alors expliqué les conséquences de cette erreur en termes de perte de productivité.

[72] Elle a fait référence au courriel du 20 mars 2019 qui se voulait un compte rendu de leur rencontre du 21 février 2019 faisant un suivi de l’évaluation du rendement de mi-année. Elle a témoigné que tous les commentaires inclus dans ce document étaient appuyés par une justification. Elle a nié qu’elle surveillait le fonctionnaire dans ses déplacements, mais il lui arrivait de voir qu’il n’était pas à son poste de travail.

[73] Elle a soumis en preuve un courriel du 4 mars 2019 venant d’elle concernant une autre erreur commise par le fonctionnaire rapportée par une autre chef d’équipe dans le traitement d’une demande simplifiée. Une autre erreur est rapportée dans le courriel du 5 mars 2019, alors qu’un employeur a soumis deux demandes simultanées que le fonctionnaire a traitées comme étant une seule demande. Elle a affirmé que les impacts étaient majeurs. Elle a précisé que le fonctionnaire avait bénéficié d’une formation à son arrivée et aussi en décembre sur le même sujet.

[74] Elle a témoigné d’une autre erreur commise par le fonctionnaire rapportée dans un courriel du 13 mars 2019 qui a impliqué le MIDI causée par une confusion entre une demande simplifiée et une demande régulière. Une autre erreur est rapportée dans le courriel du 20 mars 2019. Elle a énuméré les six conséquences de l’erreur. Elle a affirmé que toutes ces conséquences auraient pu être évitées si le dossier avait été analysé correctement. Elle a témoigné d’autres erreurs identifiées dans deux courriels du 27 et 28 mars 2019. Une autre erreur a été identifiée dans le courriel du 2 avril 2019.

[75] Elle a déposé un tableau des absences du fonctionnaire présentant le temp à reprendre et les absences pour lesquelles aucun courriel n’avait été reçu confirmant qu’il avait effectivement repris son temps. Elle a affirmé qu’il aurait dû envoyer des courriels à cet effet. Les absences vont de 0,25 à 0,5 heures. Concernant ses absences, elle avait répété au fonctionnaire dans un courriel du 29 mars 2019 qu’il devait soumettre le temps passé aux toilettes comme un congé de maladie lorsque ces absences survenaient à l’extérieur du temps de sa pause normale.

[76] Dans ce même tableau, elle a fait état qu’il n’avait plus suffisamment de congé de maladie pour couvrir sa demande et qu’il devra prendre un congé sans solde. Elle a affirmé que le fonctionnaire avait alors choisi de prendre un congé sans solde au lieu de reprendre le temps pris pour sa condition médicale.

[77] Elle a fait référence à une chaîne de courriels du 29 mars au 2 avril 2019 par laquelle il l’informait qu’il devait quitter plus tôt et qu’elle lui avait permis dans les circonstances d’utiliser du temps compensatoire et de reprendre une partie du temps en travaillant.

[78] Elle a témoigné d’erreurs de traitement de deux dossiers documentés par les courriels du 2 au 4 avril 2019. Les erreurs avaient été rapportées par une autre chef d’équipe. Elles concernaient deux dossiers distincts qui empêchaient la finalisation de leur traitement respectif.

[79] Elle a témoigné, appuyé par le courriel du 9 avril 2019, que le fonctionnaire travaillait encore à un dossier passé 18 h; il était 18 h 04, alors que l’heure de départ était 18 h. Elle lui avait rappelé que cela était par mesure de sécurité et lui avait renvoyé le courriel de janvier portant sur ce sujet. Elle a répété que son entente sur les mesures d’adaptation lui permettait la flexibilité de quitter entre 15 h et 18 h, et que la seule exception de départ après 18 h était lorsque les employés étaient autorisés à travailler en temps supplémentaire. Dans ce cas-ci, il n’y avait pas d’autorisation à effectuer du temps supplémentaire.

[80] Elle a témoigné sur un courriel qu’elle avait envoyé à Dimitrios Panagakos, gestionnaire de suivi, qui avait le même titre que M. Haidar, le 9 avril 2019, dans lequel elle faisait état comme suit des commentaires de Marie-Hélène Dagenais, agente principale de projet (APP) :

[...]

[...] elle trouvait que Patrick était rarement à son bureau. Il lui pose souvent des questions opérationnelles et elle m’a dit qu’elle passe souvent à son bureau pour en discuter, mais qu’il n’est jamais présent. Elle m’a aussi mentionné qu’il est souvent en retard au comité bas salaire et qu’elle doit fréquemment le ramener à l’ordre.

[...]

 

[81] Mme Audet-Labonté a témoigné avoir rappelé au fonctionnaire de prendre des notes lorsqu’il assistait à des réunions, que c’était sa responsabilité. Elle le lui avait écrit dans le courriel du 9 avril 2019.

[82] Elle a fait référence à un courriel de M. Panagakos au représentant syndical du 10 avril 2019 concernant l’ERA du fonctionnaire depuis leur dernière rencontre de novembre 2018. Elle a mis l’accent sur l’affirmation que le fonctionnaire devait faire son bout de chemin parce que l’employeur considérait avoir fait le sien. Elle a reconnu que la condition médicale contraignait le fonctionnaire à prendre davantage de pauses pour aller aux toilettes, mais que le temps pris pour ces pauses devait être pris en congé de maladie. Elle a affirmé que les limitations fonctionnelles ne l’empêchaient pas d’effectuer son travail; elles n'affectaient que son temps de travail. Elle a poursuivi en affirmant que le fonctionnaire devait faire preuve d’intégrité et reprochait qu’entre juillet et novembre 2018, ce dernier avait pris des pauses liées à sa condition mais ne les avait jamais rapportées. Elle a précisé qu’en termes de comparaison, plus de 20 courriels concernant ces pauses avaient été envoyés entre le 28 janvier et le 19 mars 2019.

[83] Elle a témoigné que le fonctionnaire avait commis une autre erreur dans le traitement d’un dossier deux semaines avant son courriel de compte rendu du 11 avril 2019. Dans ce courriel, elle avait relaté toutes les implications et les efforts qui avaient dû être effectués pour régler la situation. Elle y avait répété ce qui suit : « [...] l’importance de regarder tous les éléments dans un dossier avant de le confirmer. » Cette erreur avait entraîné le recours à beaucoup de ressources additionnelles au sein du PTET, mais aussi de l’employeur et du MIDI. Elle a témoigné qu’après cette erreur elle lui avait réécrit toutes les étapes requises pour le traitement de ce type de demande dans le but de le former et aussi d’éviter de commettre les mêmes erreurs dans l’avenir.

[84] Elle a rappelé que tous les comptes rendus par courriels, auxquels elle avait fait référence durant son témoignage, avaient été préparés pour respecter les mesures d’adaptation qui requéraient de tels comptes rendus pour s’assurer de la bonne compréhension des messages transmis durant les réunions par le fonctionnaire.

[85] Elle a fait référence à un second courriel du 11 avril 2019 pour indiquer qu’elle avait donné l’instruction suivante au fonctionnaire : « À partir de maintenant, je te demande de m’envoyer un courriel au début et à la fin de tes pauses de 15 minutes, comme tu le fais déjà pour ton entrée / départ du bureau et pour tes lunchs, en plus de tes courriels lorsque tu dois prendre du temps. » Elle l’avait aussi avisé que les heures considérées seraient celles estampillées par les courriels et non celles indiquées par le fonctionnaire dans son courriel. Elle l’avait informé aussi qu’à défaut de se conformer à ces exigences, il s’exposait à des mesures administratives ou disciplinaires. Elle a reconnu que cette dernière mise en garde n’avait pas été mentionnée lors de leur rencontre, mais qu’elle avait voulu lui en faire part quand même. Elle a affirmé que ces mesures étaient devenues nécessaires parce que le fonctionnaire accolait ses pauses à celles prévues pour le dîner et son départ. Elle a affirmé que ces exigences ne s’appliquaient pas pour les pauses pour aller aux toilettes, mais qu’il devait quand même soumettre une feuille de temps.

[86] Elle a témoigné que son gestionnaire l’avait mandatée pour surveiller les allées et venues du fonctionnaire durant deux jours, soit les 8 et 9 avril 2023. Elle avait compté 1,25 heure sans travailler et sans déclarer le temps pour la première journée et 64 minutes pour la deuxième journée.

[87] Elle a fait référence à une série de courriels du 11 avril au 17 mai 2019 qui faisait suite à l’entrée en vigueur de nouvelles exigences mentionnées précédemment. Ces courriels décrivent une discussion entre le fonctionnaire et Mme Audet-Labonté. Il y est aussi question de l’horaire de travail et des heures à reprendre par le fonctionnaire. Elle a fait référence au courriel du 9 mai 2019 pour témoigner qu’elle revenait sur les points abordés lors de leur rencontre du 11 avril 2019. Elle a témoigné être revenue sur l’importance du respect de l’horaire et du temps des pauses et des dîners. Dans un courriel du 17 mai 2019, elle a informé le fonctionnaire qu’une autre chef d’équipe la remplacera durant son absence et que toutes les procédures existantes à l’égard de son horaire de travail et d’exigence de courriel demeuraient en place.

[88] Elle a fait référence à un courriel du 17 mai 2019 qui faisait état d’une autre erreur de traitement d’un dossier du fonctionnaire.

[89] Elle a fait référence à l’ERA de fin d’année et elle a affirmé que c’est elle qui avait rédigé tous les commentaires. Elle a affirmé que toutes les erreurs mentionnées dans les courriels avaient été discutées avec le fonctionnaire. Elle a affirmé avoir accordé la cote « N’a pas atteint les objectifs ». Cette évaluation avait été écrite dans le logiciel Word et non pas dans le système des ressources humaines.

[90] Elle a donné un exemple de commentaire qui se trouvait sous la rubrique « Faire preuve d’initiative et être orienté vers l’action ». Elle a affirmé que le fonctionnaire ne prenait pas d’initiative et ne proposait pas de solution. Elle avait écrit entre autres ce qui suit :

[...]

Patrick n’a pas démontré qu’il fait preuve d’initiative ou qu’il est orienté vers l’action dans l’analyse de ses dossiers. Dès qu’il y a un enjeu, il transfère les courriels à sa chef d’équipe ou à un agent principal de programmes (APP) pour que ceux-ci prennent action pour régler une situation problématique. Patrick peut transférer jusqu’à 5 courriels par jour à sa chef d’équipe. Il soulève les diverses situations auxquelles il est confronté dans son travail, mais s’attend à ce que sa chef d’équipe ou son APP fasse le suivi. Il ne prend jamais action lui-même et ne propose pas de solutions possible [sic].

[...]

 

[91] Elle a aussi discuté de son assiduité et de son intégrité comme suit :

[...]

Patrick s’absente souvent de son bureau sans que la gestion ne sache ce qu’il fait. Le lien de confiance a été brisé et la gestion doit maintenant demander à Patrick d’envoyer au minimum 8 courriels par jour (entrée et sorties pour les 2 pauses et le lunch, arrivée et départ du bureau plus tout temps additionnel pris en dehors des pauses) afin de s’assurer qu’il respecte son horaire de travail. Un horaire fixe a été implanté pour Patrick.

[...]

 

D. Contre-interrogatoire de Mme Audet-Labonté

[92] Mme Audet-Labonté a témoigné avoir pris connaissance des mesures d’adaptation prises par l’employeur et que c’est elle qui les avait mises en place. Selon son témoignage, en échange de son horaire flexible, le fonctionnaire acceptait d’informer sa chef d’équipe par courriel de ses arrivées et départs. Ces mesures étaient les seules mesures mises en place.

[93] Elle a témoigné que, du 26 juin au 30 septembre 2018, le fonctionnaire performait bien. Elle avait toutefois remarqué qu’en juillet et août il prenait des pauses plus longues. Elle l’avait d’ailleurs noté dans l’évaluation du rendement de mi-année. Elle y avait aussi suggéré des méthodes pour l’aider dans sa gestion d’horaire. Elle a affirmé qu’il s’agissait de suggestions et non pas d’une obligation à l’égard du fonctionnaire.

E. Caroline Harès, directrice générale

[94] Mme Harès était directrice générale du PTET en 2018. Elle travaillait alors avec Service Canada depuis 2015. Son rôle était, en autres, de gérer les opérations par l’entremise de ses gestionnaires. Elle a témoigné que le nombre de demandes avait doublé et que la période du printemps et de l’été avait été très occupée. Les employeurs privés étaient mécontents du service qu’ils recevaient du PTET.

[95] En juin 2018, sa prédécesseuse, Mme Lessard, lui avait demandé d’intégrer le fonctionnaire à son équipe parce que les choses ne s’étaient pas bien passées dans son équipe. Mme Lessard avait exprimé le souhait que le fonctionnaire réussisse dans son équipe, et lui avait exprimé qu’elle avait foi en elle et qu’elle pourrait réussir à l’intégrer au sein du PTET.

[96] Elle a fait référence au Protocole de règlement (le « protocole ») intervenu entre le fonctionnaire, Mme Lessard et le représentant syndical, signé le 27 juin 2018. Elle a affirmé qu’en vertu du paragraphe 9 du protocole, le fonctionnaire était embauché comme un nouvel employé et il était assujetti aux mêmes conditions que tout autre nouvel employé. L’employeur s’engageait, en vertu du paragraphe 11, « [...] à mettre en place des mesures d’adaptation telles que décrites dans le formulaire d’entente de mesure d’adaptation en annexe ». Elle a précisé qu’en accord avec le paragraphe 12, si le fonctionnaire obtenait la cote « Réussi » dans son ERA, il serait confirmé dans son poste d’agent de programme au groupe et au niveau PM-02 pour une période indéterminée. En vertu du paragraphe 13, l’employeur s’engageait à assurer un suivi auprès du fonctionnaire et à tenir des rencontres aux deux mois avec sa chef d’équipe selon la disponibilité des parties. Elle a affirmé que des suivis avec la chef d’équipe avaient eu lieu à une plus grande fréquence qu’aux deux mois.

[97] En référence au formulaire, elle a affirmé avoir discuté de la condition du fonctionnaire avec son représentant syndical bien qu’elle ne se souvienne pas de la date exacte ni s’il y avait d’autres personnes présentes à ce moment. Lors de cette rencontre, le représentant syndical aurait affirmé que le fonctionnaire n’était pas satisfait de la façon dont il était accommodé. Elle lui aurait dit qu’elle désirerait que le fonctionnaire soit effectivement mieux accommodé, et qu’une seconde rencontre serait planifiée pour en discuter.

[98] Elle a fait référence à une longue chaîne de courriels du 16 août au 7 décembre 2018, particulièrement au courriel du 7 décembre 2018 de M. Archambault, le représentant syndical, à elle-même. La discussion rapportée au paragraphe précédent faisait suite à ce courriel. Trois points avaient été discutés : la flexibilité du temps de pause accordée au fonctionnaire (15 minutes le matin, 30 minutes pour le dîner et 15 minutes l’après-midi); le recours au congé compensatoire au lieu du congé de maladie lorsque le fonctionnaire s’absentait pour ses besoins liés à sa condition médicale; elle ne se souvenait plus du troisième point.

[99] Elle a témoigné avoir cherché à savoir pourquoi l’on ne permettait pas au fonctionnaire d’utiliser le temps compensatoire au lieu du congé de maladie et avoir consulté les Ressources humaines. Ces derniers l’auraient avisée que cette décision était prise dans le respect de la convention collective, et que le temps pris par le fonctionnaire en lien avec sa condition médicale devait être pris en congé de maladie.

[100] Elle a affirmé qu’elle s’attendait à être impliquée dans toutes les décisions concernant le fonctionnaire et elle a exprimé son désir de voir le fonctionnaire réussir. Elle a affirmé que son équipe avait tout mis en place pour assurer le succès du fonctionnaire dans son poste. Elle a affirmé avoir été informée de l’évaluation du rendement de mi-année du fonctionnaire. Elle a reconnu que ce dernier était en voie d’atteindre ses objectifs, mais qu’il était encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives.

[101] Elle a affirmé qu’il y avait deux enjeux importants dans le rendement du fonctionnaire : 1) sa gestion du temps et son assiduité à son poste de travail; 2) son rendement au travail. Il commettait plusieurs erreurs.

[102] Elle a fait référence à l’ERA de fin d’année. Elle a témoigné que le fonctionnaire n’avait pas atteint ses objectifs, qu’il n’avait pas respecté sa part des mesures d’adaptation en regard de son assiduité au travail et que l’analyse de son rendement démontrait des déficiences dans son analyse des dossiers d’employeurs. Elle a affirmé que, malgré tout l’encadrement du fonctionnaire pour l’aider à atteindre ses objectifs, il avait échoué, ce qui avait mené à la lettre de licenciement du 31 mai 2019.

[103] Elle a affirmé que le licenciement n’était absolument pas en lien avec le fait que le fonctionnaire avait besoin de mesures d’adaptation ou à cause de sa condition médicale.

F. Sommaire de la preuve du fonctionnaire s’estimant lésé

[104] Le fonctionnaire a dit travailler présentement pour Uber Eats et faire de la suppléance scolaire à l’occasion depuis mai 2019. Il a affirmé détenir un baccalauréat en éducation depuis 2008. Il a commencé à travailler au gouvernement fédéral en 2009 au programme Nouveaux horizons, un programme s’adressant aux ainés, et par la suite il a obtenu divers postes occasionnels. En 2015, il a obtenu un poste à durée déterminée et c’est alors qu’il occupait ce poste qu’est intervenu le protocole signé le 18 juin 2018. Lors de cet emploi, il a dû quitter en congé de maladie. Il a consulté un neuropsychologue qui a produit un rapport le 10 février 2017. Au terme de ce contrat, sa nomination n’a pas été renouvelée, ce qui a entraîné le dépôt d’un grief qui a engendré le protocole.

[105] Le protocole inclut un bref paragraphe introductif, 17 paragraphes numérotés et un paragraphe de conclusion. Le fonctionnaire avait convenu de différents points numérotés de 5 à 8, et l’employeur avait convenu de différents points énumérés du paragraphe 9 à 17.

[106] Le protocole prévoyait entre autres que le fonctionnaire retire son grief et qu’il accepte un poste à durée déterminée d’un an avec période de stage d’un an. Il était prévu que s’il obtenait la cote « Réussi, » son poste à durée déterminée serait converti en poste à durée indéterminée. L’employeur s’engageait à assurer un suivi concernant le rendement du fonctionnaire par des rencontres avec sa chef d’équipe aux deux mois selon la disponibilité des parties. L’employeur s’engageait également à mettre en place des mesures d’adaptation telles que décrites dans le formulaire. L’employeur s’engageait aussi à réviser l’ERA du fonctionnaire et d’y retirer tous commentaires en référence à ses limitations fonctionnelles.

[107] Le fonctionnaire a témoigné que deux conditions médicales l’affligeaient, la première est un TDAH, tel qu’il a été diagnostiqué par un neuropsychologue, et la deuxième est une condition médicale l’obligeant à se rendre aux toilettes plus souvent. Il a témoigné que la deuxième condition médicale n’avait pas été prise en compte lors de la mise en place des mesures d’adaptation. Il a affirmé qu’il ignorait lui-même souffrir de cette deuxième condition médicale à cette époque. Ce n’est que plus tard qu’il a été diagnostiqué avec cette condition. Il a affirmé que cette condition était liée au stress qu’il subissait.

[108] Il a témoigné que les conclusions dans les notes supplémentaires du neuropsychologue indiquent qu’il présente des difficultés à gérer son temps, mais qu’il peut maintenir du travail à temps plein. Le neuropsychologue indique : « En somme, les résultats obtenus [d’un test] sont marqués par une certaine désorganisation et une certaine impulsivité. ». Le formulaire de détermination des capacités fonctionnelle, par le Dr Charbonneau du 29 mars 2016, indique comme mesure d’adaptation des heures de travail flexibles, et qu’un horaire de travail flexible serait souhaitable.

[109] Le fonctionnaire a témoigné que, selon lui, l’employeur était au courant du rapport du 21 avril 2016 et qu’il identifiait des limites cognitives liées à la vigilance constante, à la concentration soutenue, au sens de l’organisation et de la gestion du temps. Il a témoigné que les mesures d’adaptation prévoyaient qu’il pouvait arriver au travail entre 7 h et 10 h.

[110] Il a témoigné qu’à son arrivée en poste au PTET, accompagné de son représentant syndical, il avait rencontré Mme Fernandez, gestionnaire à l’époque, pour discuter des mesures d’adaptation. Il a d’abord occupé un poste de commis pour parfaire sa formation jusqu’au mois d’août et ensuite il a occupé le poste d’agent de programme. La problématique des toilettes est survenue durant la période de formation et le formateur lui avait demandé de reprendre le temps qu’il passait aux toilettes.

[111] Il a témoigné que les tâches de commis comportaient une analyse des demandes pour en faire le triage et effectuer de la saisie de données. Par la suite, l’analyse des dossiers, selon divers critères et différents volets du PTET, menait à l’émission d’un avis concernant la demande. Il a affirmé qu’au début, la rétroaction était positive, bien qu’il a reconnu avoir probablement commis quelques erreurs et avait des aspects de son travail à améliorer. Il a affirmé que cela allait également bien avec sa chef d’équipe, jusqu’à l’apparition de son problème médical. Il a affirmé s’être senti incompétent lorsque le réaménagement des bureaux a placé sa chef d’équipe tout près de lui. Il se sentait épié et surveillé.

[112] Le fonctionnaire a fait référence au courriel servant de compte rendu du 9 juillet 2018 de sa chef d’équipe faisant suite à leur rencontre du 6 juillet 2018. Il a reconnu que ces courriels, servant de compte rendu, respectent les mesures d’adaptation prescrites de fournir un compte rendu écrit de chacune de leur rencontre. Il a affirmé que pour les deux premières semaines, il se sentait à l’aise et tout allait bien. C’est durant cette rencontre qu’il lui a exprimé son incapacité à prendre des notes et aussi qu’il n’avait pas eu de suivi de formation. Elle lui avait fait part de trucs pour faciliter son apprentissage et son travail au sein du PTET. Il a affirmé que c’est à partir de ce courriel qu’il avait commencé à moins bien se sentir.

[113] Il a discuté du courriel du 17 juillet 2018, qui est un compte rendu de la réunion du 11 juillet 2018 lors de laquelle divers sujets avaient été discutés, dont la formation au PTET 101 et la charge de travail, la prise de notes et la gestion du temps. Dans le courriel, la chef d’équipe a écrit ce qui suit : « Voici ce que nous avons convenu pour améliorer la gestion de ton temps [...] » Il a affirmé qu’il n’avait jamais consenti aux mesures proposées mais n’avait pas senti qu’il pouvait s’y opposer. Il a ajouté qu’on ne lui avait pas offert d’être accompagné par son représentant syndical. Désormais, il lui faudrait utiliser le temps de ses pauses du matin, de l’après-midi et de son dîner pour aller aux toilettes. Il a affirmé que cela était très difficilement réalisable. De même que de regrouper toutes ses questions pour ne les soumettre qu’à un moment précis de la journée. Pour quelqu’un affecté par un TDAH, cela était très difficilement réalisable puisqu’il ne pouvait mettre un dossier de côté en attendant la réponse; le dossier lui restait dans la tête. Il a affirmé que cela et l’obligation d’envoyer une multitude de courriel ont eu un impact sur son rendement. Cela le déconcentrait dans son travail. Il sentait qu’il travaillait sur deux plans, le travail lui-même et la gestion de courriels. Il avait l’impression de marcher sur des œufs. Se faire taper sur les doigts lui causait de commettre des erreurs.

[114] Le courriel du 16 août 2018 constitue le compte rendu pour deux rencontres, soit celle du 10 et celle du 15 août 2018. Il a affirmé avoir rencontré l’employeur, sans la présence de son représentant syndical, concernant la gestion de son horaire, sa condition médicale, son utilisation des toilettes, d’un billet médical et du respect de son temps de pauses et de dîner. On lui reprochait aussi de faire des appels personnels, mais il a affirmé qu’il n’avait pas le choix de les faire puisque lorsqu’il reprenait son temps et restait plus tard que prévu au bureau, il devait faire des arrangements concernant sa conciliation travail-famille. Il a senti que la discussion concernant ses absences pour aller aux toilettes, lors de sa formation, était comme un interrogatoire de police. Il a affirmé qu’en date du 15 août 2018, au moment de cette réunion, il ignorait encore souffrir d’une condition médicale.

[115] Le 16 août 2018, l’employeur a soumis une « Demande d’évaluation de l’aptitude au travail et des capacités fonctionnelles » du fonctionnaire au Dr Charbonneau. La demande indique que la fréquence de visites aux toilettes augmente. Le fonctionnaire a expliqué que vu sa condition, il ne pouvait prévoir quand et combien de fois il devrait se rendre aux toilettes.

[116] Le fonctionnaire a témoigné que, dans un courriel du 16 août 2018, la chef d’équipe lui réclamait la reprise d’une heure de travail pour compenser ses absences, qui cumulaient une heure, durant la formation. Il a indiqué que cette dernière s’était ravisée et ne lui réclamait plus la reprise du temps après une rencontre avec le syndicat reconnaissant ce qui suit : « [...] l’horaire de formation strict n’était pas l’idéal si tu avais besoin d’aller aux toilettes ».

[117] Il a témoigné que sa chef d’équipe avait eu des commentaires positifs à son égard, dans son courriel du 21 septembre 2018, reconnaissant qu’il avait fait une bonne analyse de ses dossiers et qu’il ne commettait plus les mêmes erreurs. Cependant, il a témoigné ne pas avoir été à l’aise avec les deux derniers points de la liste, l’un l’invitant à ne pas aller voir ses collègues de façon répétitive pour leur poser des questions, mais bien d’aller voir sa « coach » pour ainsi avoir des réponses uniformes, et que toutes les questions en rapport avec le MIDI devaient être adressées à la chef d’équipe. Il a affirmé que cela avait eu un impact négatif sur son rendement et le portait à commettre des erreurs dans ses dossiers. Cela l’incitait également à prendre des décisions qui parfois étaient bonnes, parfois non. Il a affirmé qu’il lui arrivait de compléter que 3 dossiers parce qu’il n’avait pu poser ses questions, mais que s’il avait pu les poser, il en aurait complété 10.

[118] Il a soutenu que l’exigence de regrouper ses questions pour les soumettre toutes en même temps était une incohérence avec le rapport du neuropsychologue. Il éprouvait beaucoup de difficulté à se conformer à cette exigence. Il a affirmé ne pas avoir consenti à cette directive. Il a soutenu que le fait de ne pas la respecter démontrait clairement qu’il n’y consentait pas.

[119] Le fonctionnaire a témoigné que l’évaluation du rendement de mi-année était généralement positive et qu’il était en voie de répondre aux attentes. Il en ressortait qu’il apprenait de ses erreurs et il considérait qu’il était normal de commettre des erreurs dans un nouveau poste. Il a affirmé qu’il ne se sentait pas bien dans son poste deux semaines après le début.

[120] Il a témoigné avoir remis le formulaire d’évaluation d’aptitude au travail et des capacités fonctionnelles à son représentant syndical qui lui, l’aurait remis à l’employeur. Il a soutenu que le rapport faisait état qu’il avait besoin de pauses pour aller aux toilettes lorsque nécessaire et que ses limitations aux exigences cognitives liées au TDAH étaient déjà connues. Il a affirmé que sa condition médicale se manifestait surtout en période de stress, comme quand il sait qu’il doit rapporter son temps passé aux toilettes. Il a ajouté que le stress lui causait des maux d’estomac et de ventre, surtout devant un horaire fixe. Il a répété qu’il avait besoin d’un horaire flexible, et que lorsqu’il n’avait pas à se dépêcher, il n’éprouvait pas ces sensations. Il a témoigné souffrir des mêmes maux lorsqu’il a la garde de son fils et qu’il craint d’arriver en retard à l’école. Il vit ce même problème chaque fois qu’il a un échéancier.

[121] Il a témoigné que, par le courriel du 24 octobre 2018, l’employeur avait accusé réception du billet médical qu’il avait soumis confirmant une condition médicale, mais il n’avait pas offert d’autres mesures d’adaptation. Plutôt, sa chef d’équipe lui avait demandé d’envoyer des courriels lorsqu’il s’absentait de son bureau (au départ et au retour). Il a affirmé que cette nouvelle mesure ne faisait qu’ajouter du stress et empirait sa condition. Il a affirmé n’avoir pas consenti à cette mesure. Lorsqu’il avait reçu le courriel, il avait cru qu’il s’agissait d’une blague. Il a affirmé qu’il était incapable de se conformer à une telle demande à cause de son TDAH. Il a témoigné avoir attendu à la fin de son quart de travail pour aller aux toilettes, mais il s’était fait réprimander pour avoir quitté le bureau après 18 h. Il a témoigné que cette mesure avait eu un impact sur lui dans le milieu de travail, de voir ses allées et venues contrôlées de la sorte, et il considérait que cette mesure ne se conformait pas aux mesures prévues dans le protocole. Il a affirmé s’être senti très mal, au point où il a songé à prendre un congé de maladie.

[122] Le fonctionnaire a fait référence à une série de courriels du 10 au 20 décembre 2018 concernant son assiduité à son poste de travail. La chef d’équipe répétait qu’il ne devait pas excéder ses temps de pause, ce à quoi il avait répliqué qu’il ne les avait pas excédés sauf les 4 et 6 décembre. Elle lui avait imposé qu’il lui envoie ses courriels avant de partir de son poste de travail et lorsqu’il y revenait, et si elle remarquait son absence sans qu’un courriel ne lui ait été envoyé, elle lui demanderait de reprendre son temps. Il a affirmé s’être senti très mal après la réception de ce courriel et que cela avait eu un impact sur son rendement au travail. Il a aussi affirmé s’être senti insulté de se faire dire qu’on voulait l’aider par ces mesures. Il a affirmé que ces courriels, ajoutés à la nécessité de vérifier qu’il lui restait du temps de congé ou de voir s’il pouvait reprendre son temps en fin de journée et de prendre des arrangements pour ses obligations familiales, ajoutaient considérablement à sa charge de travail. De plus, il sentait un ton très moralisateur dans ces courriels.

[123] Le fonctionnaire, dans son courriel du 8 janvier 2019, a confirmé être arrivé en retard ce jour à cause de la neige et d’avoir apporté son fils à l’école. Il a témoigné qu’il avait une garde partagée de son fils avec un horaire variable.

[124] Le fonctionnaire a témoigné au sujet d’un échange de courriels du 15 janvier 2019 dans lequel on lui reprochait d’avoir quitté le bureau à 18 :16, soit après l’heure de départ prévue de 18 h. On lui avait aussi demandé des précisions sur son absence de son bureau vers 17 h. Il a témoigné que ce courriel l’avait beaucoup insulté, qu’on lui demande s’il était allé aux toilettes durant sa pause de l’après-midi et, il s’était senti énormément surveillé. Il a affirmé que ces demandes avaient comme impact de le déconcentrer dans son travail alors qu’il tentait au maximum de réduire ses visites aux toilettes. Il a admis qu’il lui arrivait d’oublier d’envoyer ses courriels. De plus, à cette occasion, il n’avait pas remarqué qu’il dépassait 18 h parce qu’il n’avait plus de batteries dans son téléphone et il n’avait pas vu l’heure. Il a aussi témoigné que, s’il arrivait à 10 h, cela ne lui permettait pas de reprendre son temps après 18 h et que, s’il ne le reprenait pas, il devait prendre un congé sans solde. Cela lui causait un stress supplémentaire.

[125] Le fonctionnaire a commenté la chaîne de courriels du 23 janvier 2019. Dans le premier courriel, la chef d’équipe l’interrogeait à savoir s’il avait pris sa pause matinale à 10 h. Il avait répondu que c’était sa pause du dîner qu’il avait prise à 10 h. Il a maintenu qu’il n’avait pas besoin de 30 minutes pour dîner. Il a répété que ce courriel l’avait insulté au point où il avait dû recourir au service du programme d’aide aux employés. Il a affirmé que l’employeur n’avait jamais révisé ses obligations par rapport à l’envoi de courriels.

[126] Le fonctionnaire a commenté les courriels du 23 janvier 2019, du 6 février et du 20 février 2019. Il a affirmé qu’il s’agissait d’erreurs qu’on lui reprochait. Il a qualifié ces erreurs d’ « erreurs d’inattention », et il en a imputé la responsabilité au climat de travail qui le déconcentrait ainsi qu’à tous ces courriels démoralisateurs. Il a affirmé que sa chef d’équipe lui mettait de la pression; il se sentait surveillé. Il a soutenu qu’elle pouvait même voir son écran à partir de son bureau. Il sentait qu’il avait toujours le patron par-dessus son épaule, que cela lui causait beaucoup de stress, que cela augmentait le besoin de ses visites aux toilettes et qu’il se sentait incompétent. Il s’est plaint que sa chef d’équipe ne rapportait que les dossiers comportant des erreurs et ne commentait jamais ceux qu’il faisait correctement.

[127] Il a fait référence à son courriel du 6 février et à la réponse de la chef d’équipe du 7 février 2019. Il informait sa chef d’équipe qu’il avait dépassé son temps de pause de 15 minutes parce qu’il était allé aux toilettes. En réponse, elle l’avait remercié et avait exprimé son appréciation pour son honnêteté. Il a affirmé que c’était le type de courriel qu’il devait envoyer et il considérait que cette façon de faire n’accommodait pas sa condition médicale.

[128] Dans un autre échange de courriels, le 18 février 2019, la chef d’équipe lui a reproché de ne pas avoir envoyé son courriel pour la pause du dîner et d’être arrivé en retard de 15 minutes au comité « bas salaires ». Il a témoigné que, de mémoire, il était allé aux toilettes. Il a affirmé que sa chef d’équipe passait tout son temps à le surveiller.

[129] Le fonctionnaire a reconnu dans l’échange de courriels des 18 et 19 février 2019 avoir omis d’envoyer son courriel de départ pour le dîner et d’être arrivé en retard au comité des « bas salaires » et que sa chef d’équipe lui demandait quand il comptait reprendre son temps. Il a répété que le courriel de sa chef d’équipe l’avait fait se sentir mal.

[130] Il a reconnu avoir commis une erreur en fermant un dossier par erreur et que les courriels confirment qu’il l’avait corrigé rapidement. Il a témoigné que l’obligation d’envoyer une multitude de courriels à sa chef d’équipe et le ton moralisateur qu’elle utilise, entraînait une réduction de sa productivité. Il a soutenu que l’atmosphère de travail n’était pas optimale. Il se sentait constamment observé et micro-géré. Il a affirmé qu’il ne sentait pas que ses besoins personnels étaient accommodés. L’employeur n’a jamais révisé les mesures d’adaptation ni demandé d’autres certificats médicaux.

[131] Le fonctionnaire a mentionné que les courriels des 4, 5 et 20 mars 2019 concernent des erreurs qu’il a commises. Il a soutenu qu’il s’agissait d’erreurs d’inattention, qui, dans un cas, n’ont pas eu d’impact puisque les commis les avaient vues à temps. Il a soutenu que s’il s’agissait d’erreurs de compréhension ou si sa compétence avait été mise en doute, il osait croire que l’employeur lui aurait offert de la formation.

[132] Le fonctionnaire a fait référence au courriel du 27 mars 2019 de M. Archambault, son représentant syndical, de qui il a affirmé partager les propos à savoir que l’évaluation générale de son évaluation du rendement de mi-année était « ok », et que lui-même faisait preuve d’initiative. Il a demandé pourquoi l’employeur ne lui avait pas demandé de trouver une autre façon de contrôler son assiduité que par des courriels. Il a affirmé ne pas avoir eu de réponse à cette question. Il a affirmé qu’il se sentait toujours aussi mal, que l’atmosphère était très lourde et qu’il sentait subir un interrogatoire avec chaque courriel. Tout cela requérait beaucoup d’énergie de sa part et avait une incidence directe sur sa concentration et accroissait d’autant son besoin d’aller aux toilettes.

[133] Il a précisé que les courriels du 22 et du 27 mars 2019 faisaient état d’autres erreurs d’inattention. La chaîne de courriels du 22 au 28 mars relatait une autre erreur et la chef d’équipe lui avait rappelé la marche à suivre pour compléter le dossier. Il a répété que ces erreurs en étaient d’inattention.

[134] Le fonctionnaire a discuté du courriel de sa chef d’équipe du 29 mars 2019 concernant son obligation de soumettre une feuille de temps pour ses absences aux toilettes, en congé de maladie ou en congé sans solde. Il a affirmé qu’il n’arrivait pas à reprendre son temps en travaillant à cause d’obligations familiales. Il a affirmé ne pas avoir consenti à cette obligation puisqu’il ne pouvait consentir à des mesures qui n’étaient pas prévues à l’entente. De plus, il a soutenu que son syndicat n’avait pas été consulté par rapport à cette obligation.

[135] Il a discuté des courriels des 1er et 2 avril 2019 alors qu’il posait une question à sa chef d’équipe concernant une correspondance avec le MIDI. Il affirmé que sa réponse l’avait fait sentir « comme stupide voire comme non pertinent » alors qu’elle lui avait répondu : « En tant qu’agent, il fait partie de tes tâches de t’assurer que la lettre de décision est conforme, donc tu peux relancer le MIDI toi-même. »

[136] Il a soutenu qu’un autre courriel, du 2 avril 2019, démontrait le genre de correspondance relative au temps de congé disponible dans sa banque de congés. Sa chef d’équipe lui avait demandé de reprendre le temps manquant ou de le prendre en congé sans solde. Il a affirmé que durant la journée, il n’avait pas vraiment de temps de pause puisqu’il le passait aux toilettes. Même durant ses pauses, il subissait du stress de peur d’excéder son temps de pause. Il a affirmé qu’il mangeait en travaillant.

[137] Il a affirmé que le courriel du 4 avril 2019 faisait état d’une autre erreur d’inattention alors qu’il avait inscrit 2018 au lieu de 2019. Il a témoigné que, dans le courriel du 9 avril 2019, sa chef d’équipe lui reprochait d’être encore au travail après 18 h. Il avait répondu qu’elle aussi était restée après 18 h. Il a soutenu que l’employeur n’avait jamais révisé son obligation de quitter avant 18 h.

[138] Dans un autre courriel du 9 avril 2019, la chef d’équipe lui rappelait sa responsabilité de prendre des notes lors des réunions. Il a affirmé que l’entente n’exprimait pas qu’il avait une obligation de prendre des notes.

[139] Le fonctionnaire a fait référence au courriel du 11 avril 2019 de sa chef d’équipe auquel étaient mis en copie leur gestionnaire et le représentant syndical. Ce courriel faisait le point sur les points discutés le même jour en matinée. Il s’agit d’un courriel relativement long contenant plusieurs directives. La chef d’équipe lui demandait de lui envoyer un courriel pour l’aviser de ses départs et retours des pauses comme il le faisait déjà pour ses arrivées et départs du bureau et pour ses dîners. Elle l’informait que les heures retenues seraient celles des courriels et non celles qu’il indiquerait dans le courriel. Elle y affirmait qu’ils avaient convenu, la chef d’équipe et le fonctionnaire, d’heures fixes pour ses pauses et ses dîners et qu’il pourrait arriver au travail entre 9 h et 10 h. Dans ce courriel, elle lui a donné des directives générales et l’a informé de ce qui suit, malgré qu’ils n’en avaient pas discuté lors de leur rencontre matinale : « À défaut de te conformer à ces exigences, des mesures administratives et/ou disciplinaires pourraient être prises pouvant aller jusqu’au licenciement en période de stage. »

[140] Le courriel se poursuivait avec des directives quant au temps à reprendre ou à prendre en congé sans solde. Elle l’informait aussi des mesures prises pour l’appuyer dans son apprentissage et qu’il devait se référer exclusivement à « Sylvia » s’il avait des questions. Elle l’informait qu’elle le libérait de ses fonctions durant deux heures le lendemain pour relire sa documentation et s’auto-former sur les procédures. Enfin, elle lui demandait de lui envoyer une convocation s’il voulait la rencontrer, parce que ses visites à son bureau quand il avait une question l’empêchaient, elle, d’accomplir ses tâches.

[141] Le fonctionnaire a témoigné ne pas avoir consenti à toutes ces mesures, ni même d’y avoir convenues. Il a affirmé ne pas avoir discuté de ces mesures ni du risque de licenciement avec sa chef d’équipe après la rencontre ni après le courriel compte rendu. Il a soutenu que l’établissement d’un horaire fixe allait à l’encontre du protocole. Il a affirmé qu’il n’était pas arrivé à satisfaire son employeur et c’est pourquoi il a été licencié.

[142] Il a affirmé que toutes ces mesures avaient contribué à accroitre son anxiété et le risque de commettre des erreurs. Il a soutenu que cela allait à l’encontre des recommandations du neuropsychologue, dans son rapport du 10 février 2017, à savoir que « [...] le travail sera plus efficace dans une pièce calme, si possible à l’écart des pairs » pour éviter le bruit et la déconcentration. Il a affirmé qu’il se sentait constamment surveillé et que cela le dissuadait d’aller aux toilettes. Il a reconnu qu’il arrivait normalement au travail entre 9 h et 10 h et que l’employeur lui avait imposé des mesures en sachant qu’il ne pourrait s’y conformer. Il témoigné qu’il arrondissait ses heures lorsqu’il comptabilisait son temps, par exemple 20 minutes d’absence étaient arrondies à 15 minutes et 25 minutes à 30 minutes.

[143] La réponse au courriel précédent s’est faite par une chaîne de courriels du 11 au 17 avril 2019. Le fonctionnaire y avait exprimé son désir de consulter son représentant syndical avant de lui répondre, ce à quoi elle lui avait accordé jusqu’au lendemain pour lui répondre concernant la reprise de son temps, sinon elle considérera le temps pris en congé sans solde.

[144] Le 17 avril 2019, le représentant syndical a écrit au gestionnaire de la chef d’équipe pour dire qu’il jugeait que les mesures exprimées par la chef d’équipe eu égard aux procédures de numérisation étaient nettement exagérées, et il a exprimé ses critiques par rapport aux autres mesures prises. Il a cité le gestionnaire, qui lui affirmait ne pas être dans une situation disciplinaire, malgré la mise en garde de licenciement en cas de défaut de la part du fonctionnaire. Il a conclu son courriel en affirmant ce qui suit :

[...]

Finalement, nous savons que nous sommes tous (gestion, monsieur Simard et syndicat) liés à une entente de mesures d’adaptation. Celle-ci est directement liée aux limitations fonctionnelles de monsieur Simard. Il aurait lieu, selon moi, que nous prenions le temps de les revoir, car je crois que vous vous éloignez des recommandations du médecin spécialiste.

[...]

 

[145] Le fonctionnaire a affirmé que son représentant syndical demandait la révision de ses mesures d’adaptation. Il a affirmé qu’il n’avait pas eu de contact avec l’employeur ni demandé de nouveaux rapports médicaux de leur part.

[146] Il a fait référence à un autre échange de courriels des 7 et 9 mai 2019 qui commence par le fonctionnaire informant sa chef d’équipe à 14 h 35 qu’il prenait sa pause-repas plus tard puisqu’il n’avait pas faim à 14 h. Elle lui a répondu que l’horaire qu’ils avaient fixé visait à l’aider à mieux gérer son horaire. Le fonctionnaire a répondu en demandant en quoi un horaire fixe l’aiderait, et elle lui a répondu dans un autre courriel d’une page. Il a soutenu que l’exigence d’envoi de courriels contribuait à augmenter son stress et le risque de commettre des erreurs.

[147] Le fonctionnaire a affirmé s’être senti insulté de savoir qu’il avait fait l’objet d’une surveillance de sa chef d’équipe les 8 et 9 avril 2019. Il a passé beaucoup de temps à valider l’information inscrite dans le tableau rapportant son temps que sa chef d’équipe voulait qu’il reprenne en dehors des heures de travail. Il a témoigné que cela aussi avait augmenté son niveau de stress, ses risques d’erreurs et son besoin d’aller aux toilettes.

[148] Il a fait référence à une chaîne de courriels du 11 avril au 17 mai 2019, principalement au courriel du 7 mai 2019 du fonctionnaire à sa chef d’équipe. Il s’agissait d’une réponse détaillée du fonctionnaire aux préoccupations soulevées par sa chef d’équipe. Il a affirmé faire son témoignage de tout ce qui était écrit en bleu. Il a soutenu que toutes les mesures mises en place étaient demeurées les mêmes jusqu’à la fin, et ce, malgré la demande du représentant syndical de revoir les mesures d’adaptation.

[149] Le fonctionnaire a témoigné ne pas avoir été surpris de son évaluation du rendement de fin d’année puisque sa condition médicale n’avait pas fait l’objet de mesures d’adaptation. Il a soutenu que le ton moralisateur de tous les courriels de sa chef d’équipe, bien qu’il ne savait pas comment, avait eu un impact négatif sur lui et que le fait que ses erreurs en étaient d’inattention n’avait pas été pris en compte dans son ERA.

[150] Il a fait référence à un document du neuropsychologue du 29 mai 2019 qui discute de la condition liée aux symptômes du TDAH. Il a affirmé avoir soumis ce document au syndicat mais pas à son employeur.

[151] Il a témoigné que son licenciement avait eu un impact énorme sur sa vie personnelle, qu’il occupe un emploi de livreur et qu’il travaille 12 heures par jour. Cela lui a causé un stress financier important. Il vit encore avec les conséquences de sa condition physique de maux de ventre et d’avoir besoin d’aller aux toilettes souvent. Il n’a jamais réussi à retrouver un emploi au gouvernement fédéral puisqu’on lui demande toujours des références de son dernier employeur.

G. Contre-interrogatoire du fonctionnaire

[152] Le fonctionnaire a reconnu que le formulaire de détermination des capacités fonctionnelles avait identifié les seules limitations fonctionnelles qui s’appliquaient à sa condition. Il a admis qu’on ne lui avait jamais reproché sa productivité ni le nombre de dossiers qu’il traitait par jour ou qu’il ne subissait pas de pression pour accroître son volume de travail, mais qu’il devait accroître la qualité de son travail. Lui-même ne s’est jamais plaint que sa charge de travail était trop lourde; il se plaignait seulement des courriels.

[153] Il a reconnu qu’au moment de signer le protocole ainsi que le « Formulaire de demande et d’entente – Mesures d’adaptation », il était représenté par son représentant syndical et qu’il l’avait signé sans pression ni coercition et ce faisant, il acceptait un poste à durée déterminée qui serait converti au bout d’un an si l’ERA portait la cote « Réussi ». Il a admis avoir signé la lettre d’offre qui comportait une période de stage de 12 mois. Il a reconnu qu’au moment de signer le protocole, celui-ci respectait l’entente de limitation à ce moment, entre autres de travailler 37,5 heures par semaine et 7,5 heures par jour; qu’il pouvait arriver au travail entre 7 h et 10 h et que cela représentait la seule flexibilité dans l’entente; qu’il devait respecter ses heures de travail et de pauses telles que prévues à la convention collective; d’envoyer un courriel à son arrivée au travail et au départ du travail à sa chef d’équipe; que, selon ses retards, il devait fournir un plan de reprise du temps manqué. Il a reconnu que le protocole serait révisé tous les quatre mois.

[154] Il a reconnu ne pas s’être opposé à l’envoi de courriels concernant ses arrivées et départs et qu’il devait quitter au plus tard à 18 h. Il a confirmé que son horaire de travail se trouvait entre 7 h et 18 h. Il a affirmé ne pas se souvenir d’avoir informé sa chef d’équipe que son obligation d’envoyer des courriels le déconcentrait dans son travail ou que cela lui causait un stress élevé. Il n’a jamais été empêché par l’employeur d’être accompagné de son représentant syndical lors de ses rencontres avec sa chef d’équipe. Il a affirmé qu’il ne savait pas qu’il pouvait rapporter ses heures en fractions d’heure, par exemple 20 minutes en 0,33 heure.

[155] Il a reconnu que le « Formulaire d’évaluation d’aptitude au travail et des capacités fonctionnelles » avait été rempli par son médecin qui lui reconnaissait des limitations cognitives et mentales, et que celles-ci avaient fait l’objet de mesures d’adaptation, ainsi que les pauses pour aller aux toilettes lorsque nécessaire. Il a reconnu que l’employeur lui avait identifié une personne-ressource pour l’aider dans son travail et que son représentant syndical, dans son courriel du 10 septembre 2018, concédait que, si le fonctionnaire excédait le temps accordé pour ses pauses, il prendrait un arrangement pour reprendre le temps manquant.

[156] Le fonctionnaire a reconnu ne pas avoir déposé de grief par rapport au refus de l’employeur de modifier sa façon de procéder par courriels pour faire le suivi de son assiduité ou de modifier ses mesures d’adaptation. Il a admis que l’employeur ne l’avait jamais empêché d’aller aux toilettes. Il a aussi reconnu que l’employeur avait l’obligation de l’aviser de ses erreurs, mais pas sur un ton moralisateur, a-t-il précisé. Il a affirmé que, chaque fois qu’un courriel mentionnait « il a été convenu », cela n’avait pas été convenu, mais plutôt imposé.

[157] Le fonctionnaire a admis avoir remis la note médicale du Dr Charbonneau du 15 mai 2019 à son représentant syndical, mais pas à sa chef d’équipe, et qu’il ignorait s’il l’avait transmis à l’employeur. Il a convenu que cette note ne démontrait rien de nouveau à sa condition médicale et de fait, confirmait ce qui était déjà connu, c’est-à-dire qu’il avait besoin d’un horaire flexible. Il en allait de-même pour la note du neuropsychologue du 29 mai 2019. Elle a été remise au représentant syndical par lui, et il ne savait pas si l’employeur l’avait reçue. Il a reconnu ne pas avoir discuté du ton moralisateur à sa chef d’équipe, seulement à son représentant syndical.

[158] Il a témoigné que, depuis son licenciement, il a travaillé comme professeur suppléant de 2019 à 2022. Il n’a jamais postulé pour un poste d’enseignant à temps plein pour des raisons personnelles.

IV. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

[159] La représentante de l’employeur soumet les questions en litige comme suit :

1) L’ERA a-t-elle été faite de bonne foi, pour un motif lié à l’emploi, sans subterfuge ni camouflage ni discrimination?

2) Le licenciement du fonctionnaire en cours de stage a-t-il été fait pour un motif lié à l’emploi, sans subterfuge ni camouflage ni discrimination?

3) La Commission a-t-elle la compétence d’accorder les mesures correctives demandées par le fonctionnaire?

 

1. L’ERA a-t-elle été faite de bonne foi, pour un motif lié à l’emploi, sans subterfuge ni camouflage ni discrimination?

[160] L’employeur fait valoir, en s’appuyant sur Mazerolle c. Administrateur général (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2012 CRTFP 6, que le pouvoir de l’arbitre est limité quant à l’évaluation du contenu d’une évaluation du rendement, et que sa compétence se limite à l’examen du caractère raisonnable de l’évaluation. Elle fait valoir que ce critère est plus élevé que celui imposé à l’employeur qui licencie un employé en cours de stage, mais que, malgré ce fait, l’ERA a été faite de bonne foi, pour un motif lié à l’emploi, sans subterfuge ni discrimination. Elle soumet que l’employeur a accommodé les limitations fonctionnelles du fonctionnaire, que l’ERA en a tenu compte et que l’ERA s’est fondée sur le rendement du fonctionnaire tel qu’accommodé et que, malgré ses mesures d’adaptation, le fonctionnaire « [...] a été incapable pour des raisons non-reliées à ses limitations fonctionnelles ou ses conditions médicales de rencontrer les normes attendues pour un agent de programme ».

[161] L’employeur fait valoir que des normes de rendement appropriées avaient été fixées et affirme qu’il est raisonnable de croire que le fonctionnaire ne les contestait pas. Les normes utilisées pour l’évaluation du rendement de mi-année sont les mêmes que celles pour une évaluation du rendement de fin d’année, et ce n’est qu’à la fin de l’année qu’il les conteste. L’employeur tire donc la conclusion que les normes de rendement utilisées étaient appropriées.

[162] Il soutient que les normes de rendement ont été clairement communiquées au fonctionnaire et il prétend qu’il est raisonnable de conclure que le fonctionnaire n’allègue pas le contraire. Il énumère les occasions de cette communication : lors de l’évaluation du rendement de mi-année, le 23 novembre 2018; lors d’une rencontre avec le représentant syndical et le fonctionnaire, le 21 février 2019; le 31 mai 2019, à l’occasion de l’évaluation du rendement de fin d’année.

[163] L’employeur fait valoir que le recours à une autre façon de présenter l’ERA, autrement que par le formulaire type, est le reflet d’un problème administratif qui n’a pas d’impact sur le fond de l’ERA.

[164] L’employeur affirme avoir donné au fonctionnaire les outils, la formation et l’encadrement nécessaires pour lui permettre d’atteindre les normes de rendement fixées dans un délai raisonnable. D’ailleurs, durant son témoignage, le fonctionnaire a témoigné que ses erreurs en étaient d’inattention, pas de compréhension. Le fonctionnaire avait de plus reconnu, en contre-interrogatoire, que l’intimé lui avait identifié une personne-ressource pour répondre à ses questions bien qu’il aurait voulu lui poser ses questions chaque fois qu’il en avait une à poser.

[165] L’employeur soumet que le protocole lui offrait la souplesse de choisir la personne-ressource et d’encadrer la façon dont elle répondrait aux demandes du fonctionnaire. Il soumet qu’il était raisonnable que la chef d’équipe décourage le fonctionnaire de poser ses questions aux membres de l’équipe pour que la personne-ressource donne seule les réponses et ainsi assurer la constance des réponses et ne pas l’induire en erreur. De plus, cet encadrement était nécessaire puisque le fonctionnaire avait l’habitude d’interrompre sa chef d’équipe plusieurs fois par semaine. Il soumet que cela était conforme aux recommandations du neuropsychologue et du protocole.

[166] L’employeur a affirmé avoir averti par écrit le fonctionnaire des conséquences de ne pas atteindre les normes de rendement fixées dans son courriel du 11 avril 2019. L’employeur affirme que l’omission d’en avoir discuté lors de leur rencontre préalable n’a eu aucun impact sur le fonctionnaire ni sur le syndicat, et qu’ils auraient pu se prononcer contre après avoir reçu le courriel compte rendu.

[167] L’employeur soumet que le fonctionnaire n’a pas satisfait aux normes de rendement fixées. Il soutient que, dès l’évaluation du rendement de mi-année, le fonctionnaire avait été avisé de lacunes dans son rendement et que, malgré ces mises en garde, il avait continué à accumuler des erreurs dans l’analyse de ses dossiers et que ces erreurs avaient des impacts importants. Il soutient que le fonctionnaire a été de nouveau informé de ses manquements lors d’une rencontre du 21 février 2019, confirmée par le compte rendu du 20 mars 2019. Malgré des directives claires, il a continué de commettre des erreurs importantes après la réception de ce dernier courriel.

[168] Il soutient que le fonctionnaire prétend que ce sont des erreurs d’inattention et en minimise l’importance. Par contre, sa chef d’équipe a témoigné des impacts importants pour ses collègues et ses clients. L’argument du fonctionnaire est contredit, affirme-t-il, par le neuropsychologue qui indique qu’il est apte à effectuer le travail avec les mesures d’adaptation suivantes : « La disponibilité de temps supplémentaire pourra lui permettre de limiter les erreurs [...] » Il soutient qu’en contre-interrogatoire, le fonctionnaire a reconnu que l’employeur ne lui imposait pas de nombre, ni de délai pour analyser ses dossiers.

[169] L’employeur soutient que la preuve démontre que, malgré ses mesures d’adaptation et le fait qu’aucun délai n’était imposé au fonctionnaire, il continuait de commettre des erreurs ayant des impacts importants. Il affirme qu’outre une erreur, les erreurs rapportées ne sont pas d’inattention et elles ne sont pas liées à ses conditions médicales ou à ses limitations fonctionnelles.

[170] L’employeur soutient que le fonctionnaire se plaint de devoir envoyer jusqu’à huit courriels par jour pour démontrer sa présence à son poste de travail et que cela n’était pas prévu au protocole, et que son ERA aurait porté sur cet élément. Le fonctionnaire a allégué que cela avait rendu l’ERA discriminatoire et de mauvaise foi. L’employeur argumente que le protocole prévoyait que le fonctionnaire devait informer son chef d’équipe pour tout dépassement de pause. L’employeur a choisi que la meilleure façon de l’informer était par l’envoi de courriels à la chef d’équipe. Il soumet que le défaut du fonctionnaire de se conformer à cette demande contrevient à l’entente et pouvait être pris en compte dans son ERA. Il affirme que cette consigne a été mise en place dès le 17 juillet 2018 parce que le fonctionnaire n’informait pas la chef d’équipe de ses dépassements de pause.

[171] L’employeur soutient que cette consigne était raisonnable; elle permettait la flexibilité demandée par le fonctionnaire selon ses besoins, mais lui enjoignait l’obligation d’en informer sa chef d’équipe. D’autre part, aucun billet médical n’a indiqué quelque contrainte qui empêcherait le fonctionnaire de se soumettre à l’obligation d’envoyer les courriels exigés.

[172] L’employeur fait valoir que le fonctionnaire n’a pas soumis son billet médical du 15 mai 2019 à l’employeur et que, par conséquent, il n’a pu en prendre compte dans son ERA de 2019.

[173] L’employeur affirme que le fonctionnaire a admis avoir commis des erreurs et, de ce fait, ne pas satisfaire aux normes fixées. Ces erreurs répétées ne sont pas dues au fait qu’il devait envoyer ses courriels ou à ses limitations fonctionnelles puisqu’il ne subissait aucune contrainte de temps pour faire l’analyse de ses dossiers.

[174] L’employeur cite longuement Mazerolle pour affirmer que la preuve démontre que l’évaluation du rendement de fin d’année était raisonnable, qu’elle prenait en compte les limitations fonctionnelles du fonctionnaire et qu’elle était fondée sur des erreurs importantes commises et admises par le fonctionnaire. Enfin, il soumet que l’ERA a été effectuée de bonne foi, sans camouflage, subterfuge ni discrimination.

2. Le licenciement du fonctionnaire en cours de stage a-t-il été fait pour un motif lié à l’emploi, sans subterfuge ni camouflage ni discrimination?

[175] L’employeur fait valoir que le fonctionnaire a été licencié en cours de stage de bonne foi et pour un motif lié à l’emploi. Il soumet que la preuve démontre que l’employeur a accommodé toutes les limitations fonctionnelles du fonctionnaire; que l’ERA a tenu compte de ses limitations fonctionnelles; que l’ERA est fondée sur le rendement du fonctionnaire tel qu’accommodé; que, malgré les mesures d’adaptation, le fonctionnaire a été incapable de satisfaire aux normes attendues pour le poste d’agent de programme. Elle fait référence au paragraphe 62(1) de la LEFP et à l’arrêt Jacmain c. Procureur général (Canada), [1978] 2 R.C.S. 15 de la Cour suprême du Canada, qui fait référence elle-même à Re United Electrical Workers v. Square D. Co. Ltd, (1956), 6 Lab. Arb. Cas. 289. Il fait aussi référence à Tello c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 134.

[176] L’employeur soumet que le fonctionnaire a été nommé pour une période déterminée du 26 juin 2018 au 25 juin 2019, et qu’il était assujetti à une période de stage de 12 mois, tel qu’il est spécifié dans la lettre d’offre d’emploi. Le fonctionnaire, accompagné de son représentant syndical, a été avisé de son licenciement durant leur rencontre du 31 mai 2019. La lettre de licenciement en énonce les motifs et le fonctionnaire a reçu une indemnité de préavis de deux semaines en conformité avec le paragraphe 62(2) de la LEFP. L’employeur conclut qu’il a satisfait à son fardeau de prouver qu’il avait un motif lié à l’emploi pour le renvoi du fonctionnaire en cours de stage.

[177] L’employeur fait valoir qu’il a fait des efforts entre 2018 et 2019 pour aider le fonctionnaire dans son emploi et qu’il a négocié, avec le syndicat et le fonctionnaire, une entente d’accommodement fondée sur les limitations fonctionnelles de ce dernier selon les recommandations de son neuropsychologue et de son médecin. L’employeur soutient aussi que le fonctionnaire a reçu plusieurs formations et suivis pour l’accomplissement de ses tâches. Il affirme que le fonctionnaire a témoigné que ses erreurs n’étaient pas causées par un manque de compréhension et que cela confirme qu’il a reçu une formation complète et que toutes les erreurs qu’il a commises ne sont pas attribuables à l’employeur. Il soutient que le fonctionnaire n’a jamais avisé sa chef d’équipe que l’exigence de fournir de nombreux courriels aurait été la cause des erreurs qu’il a commises.

[178] L’employeur affirme que le fonctionnaire a témoigné ne pas avoir été surpris par son ERA et que cela démontre qu’il était au courant que l’employeur avait des motifs liés à l’emploi pour conclure qu’il ne satisfaisait pas à ses objectifs.

[179] L’employeur affirme que, malgré son encadrement de l’employeur, l’assiduité du fonctionnaire s’est avérée être problématique. Les témoignages de M. Haidar et de Mme Harès sont sans équivoque; le fonctionnaire n’a pas été licencié à cause de ses limitations fonctionnelles, de ses conditions médicales ou de ses pauses fréquentes pour aller aux toilettes. Il soutient que les manquements du fonctionnaire ont été causés par son manque d’initiative et de la prise en charge de ses propres mesures d’adaptation.

[180] L’employeur renvoie aux décisions Currie c. Administrateur général (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 10 et Barber c. York Street District School Board, [2011] O.H.R.T. No. 206, qui renvoie à l’arrêt de la Cour suprême du Canada, Central Okanagan School District No.23 c. Renaud, 1992 CanLII 81 (CSC), qui concluent à la responsabilité du fonctionnaire à contribuer à trouver les mesures d’adaptation les plus appropriées si celles en place ne suffisent pas.

[181] L’employeur soutient que le fonctionnaire n’a jamais entrepris de discussion avec sa chef d’équipe pour discuter de la façon dont il faisait état de mesures d’adaptation, et que cela constitue un manquement de sa part au devoir de collaborer au processus d’adaptation. Il soutient que, si le fonctionnaire considérait que les mesures d’adaptation dont il bénéficiait étaient insuffisantes, il avait l’obligation de fournir des informations supplémentaires à son employeur. Il a témoigné qu’il n’en avait discuté qu’avec son syndicat, qui en a fait part à l’employeur dans une remarque en passant dans son courriel d’avril 2019.

[182] L’employeur renvoie à « A » c. Service canadien du renseignement de sécurité, 2013 CRTFP 3, pour supporter son argument que je n’ai pas compétence pour trancher ce grief. Il affirme que le fonctionnaire n’a pas fourni la preuve que la décision de le licencier en cours de stage était discriminatoire et demande le rejet du grief.

3. La Commission a-t-elle la compétence d’accorder les mesures correctives demandées par le fonctionnaire?

[183] L’employeur soutient que, si je conclus au bien-fondé du grief, s’appuyant sur Mazerolle, je n’ai pas compétence pour substituer ou ordonner à l’employeur de modifier ou de réévaluer le rendement du fonctionnaire. Compte tenu de cette assertion, la mesure corrective demandée par le fonctionnaire doit être rejetée et l’évaluation du rendement de fin d’année doit demeurer inchangée.

[184] L’employeur renvoie à Rabah c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2008 CRTFP 83 et à Chouinard c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2010 CRTFP 133, citant Rabah, qui concluent que je n’ai pas la compétence pour ordonner la réintégration du fonctionnaire dans son poste à l’échéance du terme de son poste à durée déterminée. Il soumet que le fonctionnaire a reçu le redressement prévu par la LEFP, soit le préavis payé de deux semaines. Il demande le rejet de la demande de réintégration du fonctionnaire.

[185] L’employeur soutient que le fonctionnaire n’a pas droit aux dommages prévus par la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H-6; LCDP) puisqu’il n’a pas établi avoir subi un préjudice moral que la conduite de l’employeur lui a causé conformément à l’alinéa 53(2)e) de la LCDP. Il soutient que les pertes financières subies par la fonctionnaire ne constituent pas un préjudice moral ou une perte de dignité, mais bien un préjudice typique vécu par un employé perdant son emploi.

[186] Il soumet que toutes les interactions orales et écrites, entre la chef d’équipe et le fonctionnaire, étaient factuelles, professionnelles et respectueuses. Il n’y a eu aucun langage vulgaire, inapproprié, humiliant ou embarrassant qui aurait pu être interprété comme insultant ou démoralisant.

[187] Si je concluais à un préjudice moral ou à une atteinte à la dignité, l’employeur suggère 2 000 $ pour préjudice moral en vertu du paragraphe 52(2) de la LCDP et aucune somme en vertu du paragraphe 53(3) de la LCDP.

[188] Ultimement, l’employeur soutient que, selon la preuve orale et testimoniale, je n’ai pas compétence pour trancher le grief sur le licenciement en cours de stage et demande que je rejette le grief sur l’ERA.

B. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

[189] Le représentant du fonctionnaire revient sur le protocole et l’entente de mesures d’adaptation qui en a découlé pour rappeler qu’ils résultaient du fait qu’il vit avec un TDAH. Il affirme que dès son entrée en poste, il a été victime de micro-gestion qui lui a fait développer une condition médicale.

[190] Il soumet qu’il n’a jamais consenti aux obligations supplémentaires de fournir des courriels au-delà de ceux prévus dans l’entente.

[191] Le représentant du fonctionnaire fait référence à une chaîne de courriels de novembre 2018 et indique que le représentant syndical s’était opposé aux mesures proposées et suggérait que le fonctionnaire puisse reprendre son temps seulement lorsque les pauses dépassaient 20 minutes en dehors de ses pauses prévues dans la convention collective. Il soutient que, malgré ce courriel, le gestionnaire suggère qu’une entente est intervenue entre eux et que le fonctionnaire devait reprendre tout le temps pris en dehors de ses pauses. Il prétend que le représentant syndical n’y avait pas consenti.

[192] Voici les questions en litige selon le fonctionnaire :

1) La Commission a-t-elle la compétence pour trancher la question du renvoi en cours de stage du fonctionnaire?

2) Le renvoi en cours de stage du fonctionnaire était-il basé sur un motif discriminatoire?

3) Le renvoi en cours de stage du fonctionnaire a-t-il été fait de mauvaise foi?

4) L’évaluation du rendement de fin d’année était-elle déraisonnable?

5) Quelles sont les mesures correctives appropriées dans le présent cas?

 

1. La Commission a-t-elle la compétence pour trancher la question du renvoi en cours de stage du fonctionnaire?

[193] Le représentant du fonctionnaire soumet que la jurisprudence est bien établie que la Commission a compétence sur un licenciement en cours de stage si le fonctionnaire réussi à établir, selon la prépondérance de la preuve, que le renvoi en cours de stage était de mauvaise foi, discriminatoire ou un subterfuge, et donc référable à l’arbitrage en vertu des alinéas 209(1)a) et 209(1)b) de la LRTSPF. Il renvoie à Hamel c. Agence Parcs Canada, 2022 CRTESPF 61, pour soutenir cet argument.

[194] Il soumet que le licenciement était de mauvaise foi et pour des motifs discriminatoires et que, par conséquent, je possède la compétence nécessaire pour trancher le grief par rapport au licenciement en cours de stage et je dois rejeter la requête préliminaire de l’employeur.

[195] Il allègue que le licenciement a été fait en contravention de l’article 19 de la convention collective interdisant tout traitement discriminatoire, et donc pouvait être renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)a) de la LRTSPF. Il propose en alternative que le licenciement a été fait de mauvaise foi, et constituait une mesure disciplinaire déguisée, et donc sujet à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la LRTSPF.

[196] Il soumet que l’objection préliminaire ne concerne que le grief portant le numéro 566-02-42033 en rapport avec le licenciement et que, nonobstant ma décision sur l’objection préliminaire, je détiens d’office la compétence sur le grief portant le numéro 566-02-42034 concernant l’évaluation du rendement de fin d’année.

2. Le renvoi en cours de stage du fonctionnaire était-il basé sur un motif discriminatoire?

[197] Le représentant du fonctionnaire fait valoir que son licenciement a résulté d’un traitement différentiel sur la base de sa déficience. Il fait référence aux décisions Moore c. Colombie-Britannique (Éducation), 2012 CSC 61 et Kirby c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2015 CRTEFP 41, pour définir le critère applicable, à deux volets, pour conclure à la présence de discrimination.

[198] Il soutient que le premier volet du critère est incontestable. Le fonctionnaire souffrait d’un TDAH lorsqu’il est arrivé chez l’employeur et sa condition médicale s’est développée peu de temps après son arrivée. Selon sa prétention, cela satisfait au premier volet du critère à savoir qu’il possédait une caractéristique protégée et qu’elle a été « [...] un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable » (Moore). Il affirme que, dès la réception de son billet médical, l’employeur lui a imposé des obligations qui non pas été imposées aux autres employés, à savoir l’obligation d’envoyer des courriels lorsqu’il s’absentait de son bureau et de reprendre le temps qu’il passait aux toilettes en dehors des heures de pause. Il soumet qu’objectivement, il a été traité de façon différente sur la base de sa déficience.

[199] Il soumet que le manquement du fonctionnaire à son obligation d’envoyer une multitude de courriels a expressément fait partie de son ERA et de sa lettre de renvoi en cours de stage. L’employeur lui reprochait dans son ERA d’avoir manqué d’assiduité dans son envoi de courriels chaque jour; la lettre de renvoi en fait également mention.

[200] Il soumet que le second volet du critère est incontesté, c’est-à-dire que la discrimination a été établie, puisque la preuve documentaire établit qu’il a été licencié en cours de stage; l’employeur a alors le fardeau de justifier sa conduite (Moore).

[201] Le représentant du fonctionnaire soumet que, sans la déficience dont le fonctionnaire est atteint, l’employeur n’aurait pas imposé ces obligations de courriels, qui ne sont imposées à aucun autre employé, et n’auraient pas pu servir de fondement pour son renvoi en cours de stage. Il soutient que c’est à cause de sa déficience que le fonctionnaire a été licencié.

[202] Il soutient que le traitement différentiel imposé au fonctionnaire sur la base de sa déficience a eu un effet négatif sur son rendement, qui a également contribué à son licenciement. Il fait valoir qu’il y a une corrélation directe entre son niveau d’erreurs et le traitement différentiel dont il a été victime. Il affirme que l’employeur a même limité le nombre de personnes à qui il pouvait poser des questions et la fréquence à laquelle il pouvait les poser.

[203] Il affirme dans son argumentation ce qui suit :

[...]

i. L’obligation d’inhiber ses questions lui causes un stress important, car il était difficile pour lui de ne pas poser ses questions lorsqu’elles lui venaient en tête. Il devait agir à contre nature, à l’encontre de sa condition médicale, pour essayer de contenir son envie de poser des questions à travers la journée.

[...]

 

[204] Il soumet que cette restriction le menait à deviner la procédure à suivre, causant ainsi des erreurs.

[205] Il argumente que le fonctionnaire ne disposait pas des mêmes 7,5 heures de travail comme les autres employés puisqu’il devait envoyer un minimum de huit courriels par jour, en plus des démarches qu’il devait prendre pour planifier la reprise du temps. Il soumet qu’il était inévitable que le fonctionnaire fasse plus d’erreurs dans ses dossiers puisqu’il ne disposait pas du même temps que les autres pour s’assurer qu’il complète ses dossiers sans erreur chaque jour. Il n’avait pas non plus accès aux mêmes ressources que les autres, ni à la fréquence d’accès à ces ressources, et cela accroissait son niveau de stress. Il soumet que le niveau de stress est directement lié au traitement différentiel de l’employeur. Il affirme que, selon le témoignage du fonctionnaire, la preuve médicale au dossier confirme qu’en situation de stress, il est plus sujet à des erreurs d’inattention. Il a même témoigné qu’une panoplie des erreurs répertoriées dans la preuve n’étaient que des erreurs d’inattention, comme l’inscription de la mauvaise date 2018 au lieu de 2019.

[206] Le représentant du fonctionnaire soutient que le renvoi en cours de stage du fonctionnaire résulte du non-respect de ses limitations fonctionnelles et des mesures d’adaptation. Il s’appuie sur les décisions Seeley c. Canadian National Railway, 2010 TCDP 23; Richards c. Canadian National Railway, 2010 TCDP 24 et Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3. Il affirme qu’un employeur a l’obligation substantive et procédurale d’accommoder un employé qui nécessite des mesures d’adaptation engendrées par ses limitations fonctionnelles liées à sa déficience. Il argumente que ce devoir est fluide et qu’il ne s’arrête pas à l’implantation des premières mesures d’adaptation. L’employeur a l’obligation de revoir les mesures d’adaptation au besoin pour s’assurer qu’elles accommodent l’employé selon l’évolution de sa condition. Il considère que, dans le présent cas, l’employeur a été téméraire et a agi sans égard aux limitations fonctionnelles tout au long de son emploi, manquant clairement à son devoir de prendre des mesures d’adaptation substantif et procédural.

[207] Le représentant du fonctionnaire fait une longue énumération des arguments démontrant les manquements de l’employeur à son devoir d’accommodement substantif. Je ne les énumérerai pas tous ici, mais en résumerai quelques-uns. Il renvoie au rapport du neuropsychologue qui énumère une série de limitations fonctionnelles du fonctionnaire liées à son TDAH et affirme que l’employeur les connaissait. Il savait que le fonctionnaire nécessitait un horaire de travail flexible, de plus de temps pour accomplir ses tâches et qu’il avait une tendance à l’impulsivité qui rendait difficile l’inhibition de son envie de poser des questions.

[208] Il soutient que, malgré la connaissance de l’employeur des limitations fonctionnelles nommées, il lui a imposé un horaire fixe de travail et de pauses. L’employeur lui a imposé des limitations systématiquement plus restrictives quant à la possibilité de poser des questions, d’abord par une plage horaire fixe pour les questions à sa chef d’équipe et à une personne-ressource jusqu’à l’interdiction de consulter ses collègues. Cette limite à pouvoir poser ses questions était en contradiction directe avec ses limitations fonctionnelles.

[209] La contrainte de temps s’appliquait également à son heure de départ qui ne pouvait dépasser 18 h, ce qui l’empêchait de reprendre son temps. Cela ajoutait à sa préoccupation de compléter le même volume de dossier que ses collègues alors qu’il ne disposait pas des mêmes 7,5 heures de travail par jour en raison de ses absences liées à sa condition médicale. Il prétend que cette contrainte de temps l’obligeait à être plus efficace que ses collègues pour produire autant qu’eux mais en moins de temps.

[210] Le représentant du fonctionnaire a fait valoir que l’employeur a pris connaissance de la nouvelle condition médicale du fonctionnaire, celle qui l’obligeait à se rendre aux toilettes plus souvent, le 2 octobre 2018. L’employeur lui a accordé d’aller aux toilettes au besoin, en dehors de ses pauses normales, à condition de reprendre le temps de travail manqué. L’employeur a refusé de limiter le temps de reprise aux seules pauses pour aller aux toilettes qui excédaient 20 minutes.

[211] Il argumente que l’obligation imposée au fonctionnaire de reprendre son temps n’était pas réalisable puisque, selon l’entente, il pouvait arriver au travail entre 7 h et 10 h et quitter au plus tard à 18 h. Par exemple, s’il débutait son quart de travail à 10 h et qu’il devait accomplir 7,5 heures de travail plus une pause pour le dîner de 30 minutes, cela le menait inexorablement à 18 h et, par conséquent, il ne pouvait reprendre son temps et devait donc prendre un congé sans solde.

[212] Le représentant du fonctionnaire prétend que le fait que le fonctionnaire avait de la difficulté à envoyer tous les courriels qu’il devait envoyer aurait dû être indicatif que ces mesures n’étaient pas appropriées pour ses circonstances. Il soutient que l’employeur s’« [...] est sciemment voilé les yeux à travers l’emploi [...] » du fonctionnaire. L’employeur n’a jamais revu les mesures d’adaptation malgré les « demandes explicites » du représentant syndical de les revoir. Il affirme qu’en plus de la demande de révision des mesures d’adaptation, l’entente prévoyait qu’elle devait être révisée aux quatre mois, mais elle ne l’a pas été.

[213] Il affirme que l’employeur n’a jamais fait appel au médecin traitant du fonctionnaire avant d’imposer les obligations supplémentaires. Il soumet que l’entente intervenue en juillet 2018 n’était pas une autorisation à l’employeur pour qu’il impose les obligations qu’il voulait. Il soumet que l’employeur avait l’obligation de s’assurer que les obligations supplémentaires respectaient les limitations fonctionnelles du fonctionnaire.

[214] Le représentant affirme que l’employeur a clairement violé son devoir de prendre des mesures d’adaptation procédural puisqu’il n’a jamais revu les mesures d’adaptation du fonctionnaire. Il prétend que l’employeur savait, ou aurait dû savoir, que les conditions médicales du fonctionnaire auraient pu être l’une des causes de son incapacité à satisfaire à ses obligations supplémentaires. Selon le représentant du fonctionnaire, l’employeur aurait dû consulter le médecin du fonctionnaire avant de lui imposer de nouvelles obligations ou obtenir le consentement du fonctionnaire. Il allègue qu’avant de procéder au renvoi en cours de stage du fonctionnaire, l’employeur aurait dû faire plus de recherche pour savoir si ses lacunes auraient pu être liées à sa condition médicale. Il soutient que l’employeur aurait dû savoir que les problèmes de rendement du fonctionnaire étaient liés à sa condition médicale, et il aurait dû faire plus de démarche pour déterminer s’il aurait pu accommoder le fonctionnaire d’une autre manière.

[215] Il soumet qu’il aurait été possible de permettre au fonctionnaire de reprendre son temps en utilisant son temps compensatoire ou ses congés annuels, mais l’employeur a refusé. De même que l’employeur n’était pas obligé d’exiger que le fonctionnaire reprenne son temps dans la même semaine de travail. Il soumet qu’il aurait été facile de lui permettre de reprendre son temps à un moment opportun. Finalement, il propose que l’employeur aurait pu lui permettre de rester après 18 h puisqu’il accordait la permission à d’autres employés de le faire. Ainsi, le fonctionnaire n’aurait pas à subir la pression additionnelle de soumettre des demandes de congé sans solde. De plus, l’employeur n’a pas démontré que de permettre au fonctionnaire de rester après 18 h constituait une contrainte excessive.

[216] Il soumet que, se fondant sur les arguments qui précèdent, il est apparent que l’employeur a manqué à son devoir de prendre des mesures d’adaptation substantif et procédural. Il prétend que le fonctionnaire n’a pas obtenu une juste chance de bien performer dans son milieu de travail puisque ses limitations personnelles n’ont pas fait l’objet de mesures d’adaptation appropriées et que la Commission doit renverser son licenciement en cours de stage.

3. Le renvoi en cours de stage du fonctionnaire a-t-il été fait de mauvaise foi?

[217] Le représentant du fonctionnaire soumet que le renvoi en cours de stage du fonctionnaire a été fait de mauvaise foi, en partie pour des motifs autres que liés à l’emploi, et constituait une mesure disciplinaire déguisée. Il affirme que le fonctionnaire n’a pas eu une chance juste et équitable de réussir dans son milieu de travail parce que son employeur lui a imposé systématiquement des obligations supplémentaires qui l’avaient voué à l’échec. Il soumet que l’employeur a démontré sa mauvaise foi : en limitant les moments durant lesquels le fonctionnaire pourrait poser des questions; en limitant les personnes à qui il pouvait poser ses questions; en l’empêchant de poser des questions à ses collègues; par les courriels moralisateurs que lui envoyait sa chef d’équipe; en se faisant répondre qu’il devrait savoir les réponses aux questions qu’il posait; en tirant la conclusion dans l’ERA que le fonctionnaire ne posait pas assez de questions et qu’il posait trop de questions à sa chef d’équipe. Il prétend que cela démontre l’incohérence de l’ERA ainsi que l’intention de l’employeur de trouver n’importe quel « point insubstantiel » pour justifier son renvoi.

[218] Il soumet que l’employeur a tiré une conclusion négative du fait que le fonctionnaire n’adopte pas les suggestions faites par sa chef d’équipe considérant qu’il ne s’agissait pas d’obligations auxquelles il devait se conformer. Il en conclut que ceci démontre que l’employeur a essayé de trouver des motifs non liés à la qualité de son travail pour justifier son renvoi en cours de stage.

[219] Il plaide encore que l’employeur a tiré une conclusion négative dans l’ERA que le fonctionnaire ait soumis des demandes de congé de maladie alors qu’il n’avait plus les crédits nécessaires.

[220] Il soumet que l’employeur a augmenté la charge de travail du fonctionnaire en l’obligeant à soumettre une multitude de courriels sans en prendre compte lorsqu’on alléguait qu’il commettait des erreurs dans l’analyse de ses dossiers. Il assimile cette situation à celle vécue dans Pugh c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2013 CRTFP 123.

[221] Il affirme que l’employeur a cultivé un environnement de travail toxique et non propice à la performance en surveillant les moindres gestes du fonctionnaire. Il est revenu sur l’incident au cours duquel la chef d’équipe avait surveillé ses allées et venues pendant deux jours consécutifs à la minute près. Il soumet qu’il est impensable pour un employé de performer à son mieux sous ces conditions.

[222] Il affirme que la mauvaise foi se poursuit jusqu’à son congédiement dans le courriel du 11 avril 2019, relatant une réunion en présence du représentant syndical, mais cachant le fait qu’un manquement à ses obligations supplémentaires pourrait entraîner son renvoi en cours de stage. Il prétend que, lorsque le représentant syndical a demandé pour une rencontre subséquente, celle-ci a été ignorée. De même, lorsqu’est venu le temps de discuter de l’évaluation du rendement de fin d’année, l’employeur a attendu que le représentant syndical ne soit pas disponible pour assister à la rencontre pour ajouter un point de discussion, soit le contrat d’emploi du fonctionnaire. Cela a mené au licenciement du fonctionnaire sans la présence de M. Archambault.

[223] Il soutient que, selon les arguments qui précèdent, la conduite de l’employeur constituait de la mauvaise foi ainsi qu’une mesure disciplinaire déguisée, et que la Commission se doit de répudier son renvoi en cours de stage.

4. L’évaluation du rendement de fin d’année était-elle déraisonnable?

[224] Le représentant du fonctionnaire rappelle que le grief portant le numéro 566-02-42034 allègue que l’évaluation du rendement de fin d’année était déraisonnable, viciant la décision de renvoyer le fonctionnaire en cours de stage.

[225] Il affirme être d’accord avec l’application du critère relatif à cette détermination proposé par l’employeur et appuyé par Mazerolle. Il reconnait que l’employeur a fixé des normes de rendement appropriés, qu’elles ont été clairement données au fonctionnaire et qu’il a été avisé des conséquences, par écrit, s’il ne satisfaisait pas aux normes fixées.

[226] Il soutient par contre que l’employeur n’a pas agi de bonne foi dans le contexte de l’évaluation du rendement de fin d’année, et qu’il ne lui a pas fourni les mesures d’adaptation nécessaires de sorte qu’il n’a pas fourni l’encadrement nécessaire pour qu’il atteigne les normes fixées dans un délai raisonnable. Il appuie son argument sur ceux soulevés précédemment dans son argumentation. Il prétend que l’ERA est entièrement arbitraire, teintée de mauvaise foi et que je dois conclure qu’elle est viciée.

[227] Il soumet que l’ERA n’a pas été soumise dans le format approprié. Il prétend que le format normalement utilisé comporte des normes d’évaluation objectives alors que le format utilisé par l’employeur ne comporte que des normes subjectives, c’est-à-dire des commentaires subjectifs sans aucune norme d’évaluation objective. Il soumet que l’employeur n’a présenté aucune preuve quant à une norme d’évaluation objective appliquée à l’ERA du fonctionnaire. Il prétend que le fonctionnaire aurait pu se voir octroyer la cote « Réussi » si le formulaire d’ERA objectif avait été utilisé. Il considère que, sans cette évaluation objective, l’évaluation est arbitraire parce que dépourvue d’objectivité.

[228] Il soumet ce qui suit : « [...] si la Commission permet à l’Employeur d’utiliser un formulaire fabriqué, entièrement subjectif, et seulement applicable à un seul employé, c’est de donner une licence à l’Employeur d’amender les normes d’évaluation à sa guise, pour les employés qu’il désire ». Il prétend que cela permettrait à l’employeur d’évaluer ses employés sans normes uniformes ou objectives. Il soumet qu’une telle conclusion est particulièrement problématique dans le présent cas alors que nous sommes « [...] en situation de mesures d’adaptations ou [sic] un biais peut facilement s’infiltrer dans l’évaluation de l’employé ».

[229] En conclusion de son argumentation, le représentant du fonctionnaire soumet que je devrais conclure que le renvoi du fonctionnaire en cours de stage est fondé sur des motifs discriminatoires et de mauvaise foi selon une ERA déraisonnable.

5. Quelles sont les mesures correctives appropriées dans le présent cas?

[230] Le fonctionnaire a demandé ce qui suit :

1) une déclaration que l’employeur a violé l’article 19 de la convention collective qui interdit la discrimination dans le milieu de travail ainsi que de la LCDP;

2) une déclaration à savoir que le renvoi en cours de stage du fonctionnaire est vicié;

3) une déclaration à savoir que l’ERA de fin d’année est viciée;

4) la réintégration du fonctionnaire dans son poste PM-02 à partir de la date de son renvoi le 31 mai 2019;

5) le remboursement de son salaire rétroactif au 31 mai 2019;

6) 20 000 $ en vertu du paragraphe 53(2) de la LCDP parce qu’il a souffert pendant de nombreux mois à cause du non-respect de ses limitations fonctionnelles;

7) 20 000 $ en dommages en vertu du paragraphe 53(3) de la LCDP parce que l’employeur a sciemment ignoré les limitations fonctionnelles du fonctionnaire et agi de mauvaise foi;

8) la réintégration du fonctionnaire dans le poste PM-02 indéterminé qu’il aurait occupé nonobstant la discrimination en vertu du protocole;

9) la remise de la détermination du salaire rétroactif aux parties et que je demeure saisi du dossier en cas d’impasse;

10) dans l’alternative, le fonctionnaire demande une déclaration voulant que, nonobstant la discrimination dont il a été victime, il aurait complété sa période de stage avec succès.

 

C. Réplique de l’employeur à l’argumentation du fonctionnaire

[231] En réplique, la représentante de l’employeur soumet que la déficience du fonctionnaire n’a pas été un facteur ayant mené à son renvoi en cours de stage. Elle reconnait que la LCDP impose à l’employeur l’obligation d’accommoder la déficience du fonctionnaire. Elle soumet la mesure d’adaptation demandée par le fonctionnaire était qu’il puisse prendre des pauses supplémentaires pour aller aux toilettes lorsque nécessaire. Elle argumente que la mesure en question ne devient pas discriminatoire lorsqu’elle requiert que le fonctionnaire fournisse des renseignements supplémentaires à l’employeur.

[232] Elle soumet que l’employeur était tenu de fournir une mesure d’adaptation au fonctionnaire conformément au certificat médical et que, contrairement à ses collègues de travail qui ne souffraient pas de déficience, il a eu droit de prendre des pauses supplémentaires pour respecter ses limitations fonctionnelles. Elle argumente que, puisque ses collègues ne souffraient pas de déficience, ils n’avaient pas droit à des pauses autres que celles prévues à la convention collective et ils devaient donc rester à leur poste de travail.

[233] Elle soutient que le fonctionnaire lui-même avait un rôle à jouer dans le devoir de prendre des mesures d’adaptation. Il devait aviser lorsqu’il prenait des pauses pour aller aux toilettes au-delà de ses pauses prévues dans la convention collective et reprendre le temps qu’il n’avait pas travaillé. L’obligation d’aviser de ses pauses par courriel à sa chef d’équipe ne constitue pas une forme de discrimination, mais plutôt une mise en œuvre d’une mesure d’adaptation demandée par le fonctionnaire.

[234] Elle affirme que, sans sa déficience, le fonctionnaire n’aurait pas pris de pauses excédentaires pour aller aux toilettes. Il n’aurait pas eu à aviser sa chef d’équipe de ses pauses et de reprendre le temps qu’il ne travaillait pas.

[235] Elle affirme que la déficience du fonctionnaire n’a pas eu d’impact sur son rendement. Elle réitère que, selon la preuve déposée à l’audience, la déficience a été pleinement accommodé et n’a eu aucun impact sur le rendement du fonctionnaire. Elle ajoute que la preuve médicale au dossier n’établit pas de corrélation directe entre le niveau d’erreurs du fonctionnaire et son obligation d’envoyer des courriels.

[236] En réplique aux allégations du fonctionnaire, elle soumet qu’il a reçu des supports supplémentaires et adaptés auxquels ses collègues n’avaient pas droit puisqu’ils ne souffraient pas de déficience. Le fonctionnaire a reçu des formations supplémentaires et a eu accès à une personne-ressource spécialisée. L’employeur ne lui a pas imposé un nombre de dossiers par jour, ni par semaine. Elle soumet que l’employeur a offert au fonctionnaire les conditions de travail adaptées à ses limitations fonctionnelles et que les erreurs qu’il a commises n’ont pas été causées par le milieu de travail.

[237] Elle soumet que le fonctionnaire minimise l’importance de ses erreurs alors que la preuve démontre qu’elles ont eu des conséquences pour les clients. Elle soutient que le fonctionnaire avait l’occasion de réviser ses dossiers avant de les soumettre pour révision et traitement. Elle affirme que le fonctionnaire n’était pas pénalisé pour le temps qu’il prenait pour déterminer à quel moment il devait reprendre son temps de pause. Elle soutient qu’il se sentait observé parce qu’il ne respectait pas les demandes de l’employeur et qu’il aurait pu y remédier en respectant les consignes.

[238] Elle affirme que les consignes de courriels étaient simples. Il n’avait qu’à écrire « j’arrive » et « je quitte », et elle soumet que le fonctionnaire exagère le temps requis pour envoyer ces courriels.

[239] Elle soumet que le fonctionnaire n’avait pas de contrainte de temps pour compléter ses dossiers. Elle soumet que le stress qu’il affirme avoir vécu était dû à une perception erronée qui aurait pu être dissipée s’il en avait discuté avec sa chef d’équipe.

[240] Elle soumet que la preuve médicale confirme que le fonctionnaire a simplement besoin d’un peu plus de temps que ses collègues pour compléter ses tâches sans erreurs d’attention. Elle affirme que l’employeur a démontré qu’il avait tout le temps nécessaire et qu’il disposait de ressources supplémentaires en lien avec l’entente de mesures d’adaptation. Elle réitère qu’il a été accommodé pour sa condition médicale, que l’employeur lui a fourni les conditions optimales pour performer et qu’il n’y a pas de lien entre son renvoi et sa condition médicale. Elle soutient que la décision de l’employeur de renvoyer le fonctionnaire en cours de stage n’était pas teintée de discrimination et que le renvoi doit être maintenu.

[241] La représentante de l’employeur affirme que ce dernier s’est conformé aux limitations fonctionnelles et aux mesures d’adaptation du fonctionnaire et que, contrairement à ce qu’affirme le fonctionnaire, l’employeur ne s’est pas « sciemment voilé les yeux ». Elle affirme que l’employeur a rencontré le fonctionnaire tout au long de sa période d’emploi et a ouvert la porte aux discussions au sujet des demandes. Le fonctionnaire a choisi à maintes reprises de ne pas discuter des demandes de courriels avec sa chef d’équipe. Il avait la possibilité de répondre à tous les courriels de compte rendu à sa chef d’équipe, mais il ne l’a pas fait.

[242] Elle soumet que la preuve démontre que le fonctionnaire a remis à l’employeur l’entièreté de la responsabilité de la gestion de ses limitations personnelles. Le fonctionnaire n’a pas mis de stratégies en place pour pallier ses erreurs et ne pas avoir pris de notes, bien qu’il a témoigné en prendre lorsqu’il rencontre son syndicat. Elle affirme qu’il n’a jamais formulé de demandes pour des ajustements à ses mesures d’adaptation; qu’il s’attendait plutôt que l’employeur lui demande ou lui offre des changements. Il n’y a aucune preuve au dossier qu’il n’ait soulevé d’autres pistes de solutions.

[243] Elle affirme que le fonctionnaire n’a jamais fait part à l’employeur que les mesures d’adaptation mises en place ne respectaient pas ses limitations personnelles. Il a choisi de n’en discuter qu’avec son représentant syndical et, ainsi, il n’a pas participé au processus d’adaptation. Elle soutient qu’il ne peut, après les évènements, allégué que l’employeur a manqué à son devoir de prendre des mesures d’adaptation. Le fonctionnaire a témoigné ne pas savoir si son représentant syndical a remis l’information à l’employeur et que, de ce fait, le fonctionnaire s’est déresponsabilisé. Elle affirme que l’employeur ne pouvait deviner qu’il avait des préoccupations au sujet de ses demandes. Elle affirme que le fonctionnaire a manqué de crédibilité dans son témoignage puisqu’il n’a pas pris le temps de lire les courriels qui lui étaient présentés lors de l’audience; il ne répondait pas aux questions, et il répondait que trop de temps s’était écoulé pour qu’il se souvienne.

[244] Elle soutient que les limitations fonctionnelles du fonctionnaire énumérées dans le rapport du neuropsychologue ont été intégrées dans l’entente d’adaptation et qu’elles ont fait l’objet de mesures d’adaptation tout au long de sa période d’emploi.

[245] La représentante de l’employeur soutient que le rapport médical du 29 mai 2019 n’exige pas que le fonctionnaire dispose d’une personne-ressource chaque jour pour toute la journée et le neurologue ne fait aucune suggestion de modification de son travail ou de sa charge de travail.

[246] Elle affirme que le fonctionnaire n’était pas limité dans le temps qu’il passait aux toilettes. Elle soutient que, s’il limitait lui-même ses pauses pour aller aux toilettes, c’était pour éviter de prendre du temps au-delà de ses pauses en vertu de la convention collective et il préférait ne pas reprendre son temps des pauses supplémentaires.

[247] Elle réplique à l’argument du fonctionnaire qu’il manquait de temps dans le courant de la journée pour reprendre son temps et qu’il avait la flexibilité d’arriver au travail entre 7 h et 10 h. Son heure d’arrivée était sous son contrôle, non pas imposé par l’employeur. Les autres employés devaient arriver au travail à heure fixe et aussi quitter au plus tard à 18 h. Les autres employés ne pouvaient non plus accumuler du temps de pause à reprendre en fin de journée.

[248] Elle affirme que le fonctionnaire cherchait l’adaptation parfaite, c’est-à-dire pouvoir utiliser son temps compensatoire et celui des vacances pour compenser ses pauses supplémentaires. Elle argumente que la LCDP ne requiert pas l’accommodement parfait, seulement un accommodement raisonnable. Elle affirme que le devoir de prendre des mesures d’adaptation n’oblige pas l’employeur à fournir des pauses supplémentaires rémunérées au fonctionnaire. Elle affirme que la preuve démontre que les mesures d’adaptation étaient raisonnables et respectaient la LCDP.

[249] La représentante de l’employeur soumet que, bien que l’entente n’ait pas été révisée à tous les quatre mois, elle était un sujet récurrent lors des rencontres avec le fonctionnaire et l’employeur. Elle affirme que le syndicat n’a pas pris de démarche pour revoir l’entente et, malgré que le représentant syndical ait avisé qu’une discussion serait nécessaire en avril 2019, aucune démarche n’a été entreprise.

[250] Elle affirme que l’employeur n’a pas agi de mauvaise foi. Elle soumet qu’il a encadré les questions du fonctionnaire en lui désignant une personne-ressource pour s’assurer qu’il ne soit pas induit en erreur par ses collègues de travail. Elle soumet qu’il n’y a aucune preuve de micro-gestion telle qu’alléguée par le fonctionnaire, et que cela aurait mené à sa deuxième condition médicale (la première étant le TDAH). Elle soutient que cette condition médicale existait alors qu’il était en formation et qu’il avait dû s’absenter, et ce, bien avant la mise en place de l’exigence des courriels.

[251] Elle soutient que l’employeur avait l’obligation d’aider le fonctionnaire avec son emploi du temps en vertu de l’entente. Elle affirme que l’employeur a tenté de l’aider en lui donnant des suggestions que le fonctionnaire a choisi d’ignorer. L’employeur en a conclu que le fonctionnaire ne prenait pas d’initiative en appliquant les suggestions qui lui étaient faites.

[252] La représentante de l’employeur soumet que l’employeur pouvait prendre en considération le fait que le fonctionnaire ne vérifiait pas sa banque de congé avant d’en faire la demande. Ce dernier avait accès à sa banque de congé, mais choisissait de ne pas la consulter avant de faire des demandes de congé. Elle soutient que ce manquement pouvait être inclus dans l’ERA.

[253] Elle soumet que la preuve médicale confirme que le fonctionnaire est apte au travail en autant qu’il dispose du temps nécessaire pour compléter ses tâches. Elle soutient que, contrairement à Pugh, le temps pris par le fonctionnaire pour compléter ses tâches et la quantité de dossiers n’ont fait l’objet de commentaires négatifs dans l’ERA. De plus, la qualité du travail du fonctionnaire n’a jamais été comparée au travail effectué par ses collègues.

[254] Elle soumet que la rencontre du 31 mai 2019 devait procéder et le syndicat en avait été avisé. Malgré que M. Archambault ne pouvait être présent, le syndicat a délégué un autre représentant pour accompagner le fonctionnaire. Elle affirme que la non-disponibilité de M. Archambault n’a pas été un facteur dans la décision de procéder avec la rencontre du 31 mai 2019.

[255] Elle soumet que, contrairement à l’affirmation du fonctionnaire, les critères objectifs sont énumérés dans l’évaluation du rendement de fin d’année. Elle affirme que l’ERA est fondée sur des exemples concrets et documentés des actions et omissions du fonctionnaire. Elle soumet que cette façon d’évaluer le fonctionnaire est raisonnable et conforme aux principes établis par la jurisprudence et, contrairement aux prétentions du fonctionnaire, il n’y a aucune preuve qui indique que les critères d’évaluation de l’ERA appliqués au fonctionnaire sont différents de ceux appliqués à ses collègues. La seule différence est la forme et non le fond.

V. Motifs

[256] J’ai regroupé les questions en litige proposées par les parties en trois questions comme suit :

1) Ai-je la compétence pour trancher la question du renvoi en cours de stage du fonctionnaire?

2) L’évaluation du rendement de fin d’année était-elle raisonnable ?

3) Quelles sont les mesures correctives appropriées dans le présent cas, s’il y en a?

 

A. Ai-je la compétence pour trancher la question du renvoi en cours de stage du fonctionnaire ?

[257] Voici les articles des lois applicables dans le présent cas. Les articles 61 et 62 de la LEFP :

61 (1) La personne nommée par nomination externe est considérée comme stagiaire pendant la période :

61 (1) A person appointed from outside the public service is on probation for a period

a) fixée, pour la catégorie de fonctionnaires dont elle fait partie, par règlement du Conseil du Trésor dans le cas d’une administration figurant aux annexes I ou IV de la Loi sur la gestion des finances publiques;

(a) established by regulations of the Treasury Board in respect of the class of employees of which that person is a member, in the case of an organization named in Schedule I or IV to the Financial Administration Act; or

b) fixée, pour la catégorie de fonctionnaires dont elle fait partie, par l’organisme distinct en cause dans le cas d’un organisme distinct dans lequel les nominations relèvent exclusivement de la Commission.

(b) determined by a separate agency in respect of the class of employees of which that person is a member, in the case of an organization that is a separate agency to which the Commission has exclusive authority to make appointments.

[...]

...

62 (1) À tout moment au cours de la période de stage, l’administrateur général peut aviser le fonctionnaire de son intention de mettre fin à son emploi au terme du délai de préavis :

62 (1) While an employee is on probation, the deputy head of the organization may notify the employee that his or her employment will be terminated at the end of

a) fixé, pour la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie, par règlement du Conseil du Trésor dans le cas d’une administration figurant aux annexes I ou IV de la Loi sur la gestion des finances publiques;

(a) the notice period established by regulations of the Treasury Board in respect of the class of employees of which that employee is a member, in the case of an organization named in Schedule I or IV to the Financial Administration Act, or

b) fixé, pour la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie, par l’organisme distinct en cause dans le cas d’un organisme distinct dans lequel les nominations relèvent exclusivement de la Commission.

(b) the notice period determined by the separate agency in respect of the class of employees of which that employee is a member, in the case of a separate agency to which the Commission has exclusive authority to make appointments,

Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire au terme de ce délai.

and the employee ceases to be an employee at the end of that notice period.

[...]

...

(2) Au lieu de donner l’avis prévu au paragraphe (1), l’administrateur général peut aviser le fonctionnaire de la cessation de son emploi et du fait qu’une indemnité équivalant au salaire auquel il aurait eu droit au cours de la période de préavis lui sera versée. Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire à la date fixée par l’administrateur général.

(2) Instead of notifying an employee under subsection (1), the deputy head may notify the employee that his or her employment will be terminated on the date specified by the deputy head and that they will be paid an amount equal to the salary they would have been paid during the notice period under that subsection.

 

[258] Les articles 209(1) et 211 de la LRTSPF :

209 (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire qui n’est pas un membre, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

209 (1) An employee who is not a member as defined in subsection 2(1) of the Royal Canadian Mounted Police Act may refer to adjudication an individual grievance that has been presented up to and including the final level in the grievance process and that has not been dealt with to the employee’s satisfaction if the grievance is related to

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

(a) the interpretation or application in respect of the employee of a provision of a collective agreement or an arbitral award;

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

(b) a disciplinary action resulting in termination, demotion, suspension or financial penalty;

c) soit, s’il est un fonctionnaire de l’administration publique centrale :

(c) in the case of an employee in the core public administration,

(i) la rétrogradation ou le licenciement imposé sous le régime soit de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques pour rendement insuffisant, soit de l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite,

(i) demotion or termination under paragraph 12(1)(d) of the Financial Administration Act for unsatisfactory performance or under paragraph 12(1)(e) of that Act for any other reason that does not relate to a breach of discipline or misconduct, or

(ii) la mutation sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique sans son consentement alors que celui-ci était nécessaire;

(ii) deployment under the Public Service Employment Act without the employee’s consent where consent is required; or

[...]

...

(2) Pour que le fonctionnaire puisse renvoyer à l’arbitrage un grief individuel du type visé à l’alinéa (1)a), il faut que son agent négociateur accepte de le représenter dans la procédure d’arbitrage.

(2) Before referring an individual grievance related to matters referred to in paragraph (1)(a), the employee must obtain the approval of his or her bargaining agent to represent him or her in the adjudication proceedings.

[...]

...

211 Les articles 209 et 209.1 n’ont pas pour effet de permettre le renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel portant sur :

211 Nothing in section 209 or 209.1 is to be construed or applied as permitting the referral to adjudication of an individual grievance with respect to

a) soit tout licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique;

(a) any termination of employment under the Public Service Employment Act; or

b) soit toute mutation effectuée sous le régime de cette loi, sauf celle du fonctionnaire qui a présenté le grief.

(b) any deployment under the Public Service Employment Act, other than the deployment of the employee who presented the grievance.

 

[259] L’article 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F-11) :

12 (1) Sous réserve des alinéas 11.1(1)f) et g), chaque administrateur général peut, à l’égard du secteur de l’administration publique centrale dont il est responsable :

12 (1) Subject to paragraphs 11.1(1)(f) and (g), every deputy head in the core public administration may, with respect to the portion for which he or she is deputy head,

[...]

...

d) prévoir le licenciement ou la rétrogradation à un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur de toute personne employée dans la fonction publique dans les cas ou il est d’avis que son rendement est insuffisant [...]

(d) provide for the termination of employment, or the demotion to a position at a lower maximum rate of pay, of persons employed in the public service whose performance, in the opinion of the deputy head, is unsatisfactory ...

 

[260] L’alinéa 211a) de la LRTSPF, précise qu’un fonctionnaire ne peut renvoyer à l’arbitrage un grief individuel portant sur tout licenciement prévu sous le régime de la LEFP. Cette dernière, quant à elle, prévoit que l’administrateur général peut, à tout moment, durant la période de stage, aviser le fonctionnaire de son intention de mettre fin à son emploi au terme du délai de préavis.

[261] La jurisprudence établit que la compétence de l’arbitre en matière de renvoi en cours de stage est limitée par l’application des articles énumérés ci-hauts de la LEFP et de la LRTSPF. En effet, j’aurai compétence si les motifs de licenciement sont autres que ceux liés à l’emploi ou de mauvaise foi fondés sur un camouflage ou subterfuge. J’en réfère à la décision Canada (Procureur général) c. Penner (C.A.), [1989] 3 C.F. 429 de la Cour fédérale d’appel, qui présente une analyse approfondie de la décision Jacmain de la Cour suprême du Canada.

[262] Le représentant du fonctionnaire a soumis, en vertu de Hamel, que j’aurai compétence si le fonctionnaire réussi à établir, selon la prépondérance de la preuve, que le renvoi en cours de stage était de mauvaise foi ou un subterfuge.

[263] Il a soumis que le licenciement était de mauvaise foi, pour des motifs discriminatoires et en contravention de l’article 19 de la convention collective. Il affirme que le licenciement constituait une mesure disciplinaire déguisée et était donc sujet à l’arbitrage. Il soumet que l’objection préliminaire ne concerne que le grief portant le numéro 566-02-42033 en rapport avec le licenciement, et que, nonobstant ma décision sur l’objection préliminaire, je détiens d’office la compétence sur le grief portant le numéro 566-02-42034 concernant l’évaluation du rendement de fin d’année.

[264] La jurisprudence a déjà établi le fardeau qui incombe aux parties lorsqu’il s’agit d’établir la compétence de la Commission lors d’un renvoi en période de stage. Aux paragraphes 111 et 112 de la décision Tello la Commission indique :

111 Selon moi, le changement entre l’ancienne LEFP et la nouvelle LEFP, considéré dans le contexte de la jurisprudence récente de la Cour suprême du Canada sur l’approche adéquate à adopter en matière d’emploi dans le secteur public, ne modifie pas considérablement la substance de l’approche que les arbitres de grief devraient prendre à l’égard des griefs sur le renvoi d’un employé en cours de stage. Toutefois, l’omission des mots « pour un motif déterminé » dans l’article 62 de la nouvelle LEFP modifie les exigences du fardeau de la preuve. Le fardeau de la preuve qui incombe à l’administrateur général a été allégé. L’administrateur général n’a maintenant qu’à établir que l’employé était en stage, que la période de stage était encore en vigueur au moment du licenciement et qu’un préavis ou une indemnité en guise de préavis a été donné. L’administrateur général n’est plus tenu de prouver « un motif déterminé » pour le renvoi en cours de stage. En d’autres termes, l’administrateur général n’a pas à établir, selon la prépondérance des probabilités, un motif légitime lié à l’emploi pour le licenciement. Toutefois, les Lignes directrices sur le renvoi en cours de stage du Conseil du Trésor exigent que la lettre de licenciement d’un employé en stage énonce le motif de la décision de licenciement. L’administrateur général demeure tenu de produire la lettre de licenciement comme pièce (généralement par l’intermédiaire d’un témoin) pour prouver qu’il a rencontré les exigences législatives du préavis et du statut de stagiaire. Cette lettre énonce habituellement le motif de la décision de licencier l’employé qui est en cours de stage. Le fardeau de la preuve devient alors celui du fonctionnaire. Il incombe au fonctionnaire de prouver que le licenciement reposait artificiellement sur la nouvelle LEFP, un subterfuge ou un camouflage. Si le fonctionnaire établit qu’il n’y avait pas de « motifs liés à l’emploi » légitimes justifiant le licenciement (autrement dit, si la décision ne reposait pas sur une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant aux aptitudes de l’employé : Penner, à la page 438), le fonctionnaire se sera acquitté de son fardeau de la preuve. Outre ce changement au niveau du fardeau de la preuve, la jurisprudence rendue sous l’ancienne LEFP demeure pertinente pour déterminer la compétence sur les griefs à l’encontre du licenciement d’un employé en stage.

112 Comme j’ai conclu plus tôt dans la présente décision, les dispositions de la nouvelle LEFP ont modifié le fardeau de la preuve pour les cas de licenciement des employés en stage probatoire. L’administrateur général n’est plus tenu de prouver l’existence d’un motif légitime lié à l’emploi pour le licenciement, si ce n’est qu’il doit fournir la lettre de licenciement qui expose le motif de sa décision. Il incombe au fonctionnaire d’établir que l’administrateur général s’est appuyé de façon factice sur la nouvelle LEFP ou que le renvoi en cours de stage constituait un subterfuge ou un camouflage. Un licenciement qui ne repose pas sur une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant aux aptitudes de l’employé (ni sur un motif lié à l’emploi légitime) s’appuierait artificiellement sur la nouvelle LEFP, ou constituerait un subterfuge ou un camouflage.

 

[265] Il faut donc déterminer si les parties se sont acquittés de leur fardeau respectif afin d’établir si j’ai la compétence de trancher le grief.

1. L’employé était en période de stage au moment du renvoi et un préavis fut donné

[266] Dans le présent cas, le fonctionnaire a reçu sa lettre d’offre d’emploi le 22 juin 2018 pour une poste à durée déterminé du 26 juin 2018 au 25 juin 2019. Il a reçu sa lettre de licenciement en cours de stage le 31 mai 2019, en vertu du paragraphe 62(1) de la LEFP. La lettre spécifie également que le fonctionnaire était relevé de ses fonctions à compter de ce jour, du 31 mai 2019, mais qu’il continuerait d’être payé jusqu’au 14 juin 2019 inclusivement à titre de préavis de deux semaines.

[267] La lettre fait référence spécifiquement à deux manquements de la part du fonctionnaire. On peut y lire ce qui suit :

[...]

[...] En dépit des efforts que nous avons faits pour vous supporter dans votre emploi, votre rendement ne rencontre pas les normes attendues pour un agent de programmes. De plus, votre assiduité au travail s’avère être problématique malgré l’encadrement que nous avons mis en place tout au long de votre contrat.

[...]

 

[268] La preuve démontre sans équivoque que l’employeur a licencié le fonctionnaire alors qu’il était en cours de stage en vertu du paragraphe 62(1) de la LEFP. Le fonctionnaire a signé la lettre d’offre d’emploi qui lui avait été proposée, sciemment et en toute connaissance de cause. Le fonctionnaire connaissait ses conditions d’emploi et il se savait en période de stage. Il a également reçu une lettre de licenciement et une indemnité équivalente à un préavis de deux semaines. Le licenciement du fonctionnaire est effectivement survenu durant cette période de stage. Le licenciement entraîne l’application de l’article 211 de la LRTSPF, qui stipule que les articles 209 et 209.1 n’ont pas pour effet de permettre le renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel portant sur tout licenciement prévu sous le régime de la LEFP.

[269] En me fondant sur les articles de lois cités précédemment, sur la jurisprudence et la lettre de licenciement, je conclus que le licenciement est survenu en application de la LEFP. Je dois maintenant déterminer si le licenciement reposait artificiellement sur la LEFP, un subterfuge ou un camouflage.

2. Le fonctionnaire a-t-il démontré que le motif du renvoi n’était qu’un subterfuge ou un camouflage, ou qu’il a été invoqué de mauvaise foi?

[270] L’analyse de l’ensemble de la preuve ne démontre pas que le licenciement du fonctionnaire en cours de stage a été fait pour un motif discriminatoire et de mauvaise foi. Plutôt, je conclus qu’il est lié à l’emploi de ce dernier sans subterfuge, ni camouflage ou discrimination.

[271] Le représentant du fonctionnaire a soumis que le licenciement était de mauvaise foi, pour des motifs discriminatoires et en contravention de l’article 19 de la convention collective.

[272] L’arrêt de principe permettant d’établir à première vue l’existence de discrimination et le test applicable est : Moore, au paragraphe 33 la Cour Supreme du Canada indique :

[33] Comme l’a à juste titre reconnu le Tribunal, pour établir à première vue l’existence de discrimination, les plaignants doivent démontrer qu’ils possèdent une caractéristique protégée par le Code contre la discrimination, qu’ils ont subi un effet préjudiciable relativement au service concerné et que la caractéristique protégée a constitué un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable. Une fois la discrimination établie à première vue, l’intimé a alors le fardeau de justifier la conduite ou la pratique suivant le régime d’exemptions prévu par les lois sur les droits de la personne. Si la conduite ou pratique ne peut être justifiée, le tribunal conclura à l’existence de la discrimination.

 

[273] Je dois donc déterminer si le fonctionnaire s’est acquitté de son fardeau de démontrer l’existence d’une preuve à première vue de discrimination.

a. Le fonctionnaire n’a démontré pas une preuve à première vue de discrimination

[274] La question de la déficience n’a pas fait l’objet de contestation de la part de l’employeur à l’égard du fonctionnaire dans le présent cas. Ainsi le fonctionnaire a une caractéristique protégée en vertu de la LCDP. La preuve est à savoir que l’entente intervenue entre le fonctionnaire et l’employeur, signée également par le représentant du syndicat, reconnaît explicitement la déficience dont est atteint le fonctionnaire, et que des mesures d’adaptation ont été mises en place pour l’accommoder. Cette entente et les mesures qui l’accompagnent ont été signées par toutes les parties et n’ont jamais fait l’objet de révision jusqu’au licenciement du fonctionnaire. Il a également subi un effet négatif puisqu’il a été renvoyé en cours de stage. Toutefois, je conclus que sa déficience n’était pas un facteur dans son traitement négatif. Par conséquent, le fonctionnaire n’a pas démontré l’existence d’une preuve à première vue de discrimination.

[275] Dans son argumentation, le représentant du fonctionnaire a soutenu qu’objectivement, le fonctionnaire avait été traité de façon différente sur la base de sa déficience. Je considère cette affirmation valide en ce qui concerne les mesures d’adaptation qui ont été prises pour accommoder sa déficience; ses collègues n’ont pas bénéficié de ces mesures. Je crois qu’il est erroné par contre d’affirmer que l’obligation de soumettre des courriels pour rapporter ses absences ne sont applicables qu’au fonctionnaire. Tous les employés sont tenus de le faire; ce qui les distingue, c’est la fréquence des absences et le nombre de courriels qui en découlent.

[276] Le représentant du fonctionnaire a soumis que l’obligation du fonctionnaire d’envoyer une multitude de courriels a fait partie de l’ERA, et que ce motif a été cité dans la lettre de licenciement en termes d’assiduité. Il a argumenté que sans sa déficience, cette obligation ne lui aurait pas été imposée et n’aurait pu servir de fondement pour son licenciement.

[277] Dans son argumentation, le représentant du fonctionnaire a fait référence à une chaîne de courriels de novembre 2018 dans laquelle il fait intervenir le représentant syndical qui se serait opposé à ce que le fonctionnaire reprenne tout le temps passé aux toilettes. Son dernier courriel au gestionnaire semble toutefois concéder qu’il faille effectivement reprendre tout le temps des pauses excédentaires pris pour aller aux toilettes. Le représentant du fonctionnaire en a fait grand cas dans son argumentation et demande d’accorder un grand poids à cet argument. Le fait demeure que la preuve devant moi repose sur les courriels et les témoignages des témoins que j’ai entendus, pour l’interprétation à donner à ces courriels. Le représentant syndical n’a pas été appelé à témoigner sur cet échange de courriels.

[278] Je note que, dans l’échange de courriels, le gestionnaire et le représentant syndical ont convenu que le gestionnaire lui ferait parvenir sa position sur la situation médicale du fonctionnaire. Le représentant syndical a affirmé : « Bien que nous ne partageons pas l’ensemble de [la position de l’employeur], nous prenons en note les points que vous avez indiqués. ». Je note également que l’entente intervenue entre eux ressemble au résultat d’une discussion menant à une entente entre deux parties et que, même si l’une d’entre elle exprime une certaine déception, elle accepte quand même l’entente telle que formulée.

[279] De plus, le fonctionnaire a témoigné de propos que son représentant syndical aurait tenus, démontrés dans son document d’argumentation : « M. Simard confirme également dans son témoignage que M. Archambault a fait part de son opposition à cette mesure additionnelle à l’Employeur en son nom. » Ce témoignage constitue du ouï-dire. Le ouï-dire est admissible devant la Commission. Toutefois, il m’appartient de déterminer la valeur probante à y accorder. Je peux bien croire que le représentant syndical a bel et bien dit les propos rapportés par le fonctionnaire, mais je n’ai aucune preuve qu’il les a dits à l’employeur. M. Archambault aurait pu venir témoigner à l’audience, mais il ne l’a pas fait. Alors, considérant le courriel du représentant syndical et du peu d’objection qui y est exprimé par rapport aux mesures proposées, et malgré les propos rapportés par le fonctionnaire, je conclus que ce dernier s’est bien opposé aux mesures proposées par l’employeur, mais a quand même accepté de s’y conformer. De ce fait, il acceptait l’obligation d’envoyer ces courriels.

[280] Concernant la discrimination, le fonctionnaire a fait valoir qu’objectivement, l’obligation de soumettre un grand nombre de courriels lui a seulement été imposée à lui et à cause de sa condition médicale. Or, il ressort de la preuve testimoniale de la chef d’équipe, qu’effectivement, l’obligation d’envoyer de nombreux courriels, bien que découlant de sa condition médicale, découlait également du fait qu’il devait faire état du temps qu’il ne consacrait pas au travail. Selon son témoignage, tout autre employé qui, pour cause de maladie, s’absente du travail, doit également soumettre à l’employeur un formulaire justifiant le temps manqué. Dans ce cas-ci, le fonctionnaire n’était pas empêché de prendre le temps nécessaire pour sa condition médicale, mais il devait quand même soumettre ce temps comme congé de maladie ou de temps à reprendre. Encore une fois, aucune preuve n’est venue étayer la thèse que l’exigence de nombreux courriels ait causé un quelconque ajout de stress au fonctionnaire, la chef d’équipe a affirmé que c’est plutôt son défaut de se conformer à soumettre son temps d’absence à son poste de travail qui lui causait du stress.

[281] La preuve a démontré que l’employeur n’a pas pénalisé le fonctionnaire pour le temps passé à rédiger ses courriels ou à consulter sa banque de congé. La preuve a aussi démontré que l’employeur ne lui a pas imparti une limite de temps pour traiter ses dossiers, non plus un nombre spécifique de dossiers à analyser dans une période donnée. D’autre part, les éléments soulevés par le fonctionnaire, c’est-à-dire le niveau de production de travail produit par le fonctionnaire, n’ont pas été mentionnés dans son ERA et aucun impact négatif n’en est ressorti dans son ERA.

[282] Contrairement à l’argument soulevé par le fonctionnaire, l’employeur ne lui a pas imposé une surcharge de travail en exigeant ces courriels. Il disposait de tout le temps nécessaire pour s’en acquitter. L’employeur lui demandait d’être à son poste de travail lorsque ses obligations personnelles médicales ne l’obligeaient pas à s’absenter.

[283] Je note que, dès son arrivée au PTET, il a été prévu que le fonctionnaire envoie de nombreux courriels à sa chef d’équipe et le fonctionnaire a accepté cette condition. Bien que la preuve ne l’ait pas expressément démontré, on peut en déduire que cette obligation découlait de préoccupations par rapport à l’assiduité du fonctionnaire. Cette obligation s’est alourdie avec l’ajout de la seconde condition médicale du fonctionnaire.

[284] Le fonctionnaire a témoigné que, dans son courriel du 6 février, il informait sa chef d’équipe qu’il avait dépassé son temps de pause de 15 minutes parce qu’il était aux toilettes. En réponse, dans son courriel du 7 février, elle l’a remercié et exprimé son appréciation de son honnêteté. Il m’apparaît de cet échange de courriels que, si le fonctionnaire avait soumis ou comptabilisé le temps excédentaire pris lié à sa condition médicale volontairement, ses circonstances auraient pu être toutes autres.

[285] La preuve a démontré qu’outre un passage dans un courriel du représentant syndical qui mentionne qu’il serait peut-être temps de revoir les mesures d’adaptation, elles n’ont jamais été revues. À maintes reprises dans le cadre de l’audience et dans l’argumentation, le fonctionnaire a fait valoir que les mesures d’adaptation n’avaient pas été révisées ou rediscutés, comme il était prévu dans l’entente. La preuve démontre que le fonctionnaire et son employeur, que ce soit sa chef d’équipe ou son gestionnaire, ont eu un très grand nombre de rencontres. Les courriels de compte rendu de la chef d’équipe en font amplement foi. Il aurait été alors loisible pour le fonctionnaire de soulever ce point de discussion. S’il se sentait mal à l’aise de le faire, la preuve établit qu’il a eu de nombreux échanges avec son représentant syndical qui aurait pu en faire une demande plus formelle qu’un simple passage dans un courriel.

[286] D’autre part, le fonctionnaire et son représentant ont tous deux participé à l’élaboration de l’entente et n’ont jamais proposé d’autres modifications. Le fonctionnaire a témoigné à l’audience qu’il aurait voulu que les mesures d’adaptation soient plus flexibles. Il a omis toutefois de mentionner qu’elles étaient les flexibilités supplémentaires qu’il aurait souhaitées. En effet, l’entente lui permettait d’arriver au travail entre 7 h et 10 h, de lui-même fixer ses pauses de dîner et de 15 minutes et il n’avait pas de niveau de production à respecter.

[287] Le fonctionnaire avait l’obligation de reprendre le temps qu’il manquait ou de soumettre des congés de maladie. Il a témoigné que, s’il arrivait à 10 h au bureau et qu’il devait quitter à 18 h, cela ne lui laissait pas le temps dans cette journée pour reprendre son temps. Cet argument ne concorde pas avec la flexibilité d’horaire qui lui était accordée.

[288] Le 7 mai 2019, la chef d’équipe a resserré cette flexibilité en lui demandant de l’aviser lorsqu’il voulait modifier son horaire. Elle y mentionnait que cela avait pour but de l’aider dans la gestion de son horaire. Elle lui rappelait également que la modification de son heure de dîner avait un impact sur l’heure de ses pauses et rendait le suivi de son temps difficile, tant pour lui que pour elle. Ce à quoi le fonctionnaire avait demandé, par courriel, de quelle façon le fait d’établir des plages horaires fixes pour ses pauses et son dîner allait l’aider à gérer son horaire.

[289] Je ne considère pas que ce resserrement de l’horaire constitue une contravention à l’entente ni un accroc aux mesures d’adaptation. La chef d’équipe demande au fonctionnaire de l’aviser s’il désire changer ses heures de travail. Elle ne l’empêche pas de les changer et maintient ainsi la flexibilité d’horaire prévue à l’entente. Elle mentionnait que cela aiderait au suivi des heures de travail.

[290] Quant au ton du courriel, le fonctionnaire a témoigné à de nombreuses reprises, presque à chaque courriel de sa chef d’équipe déposé en preuve, qu’il percevait le ton du courriel comme étant moralisateur. Il est plutôt difficile et plutôt subjectif de percevoir le ton d’un courriel qu’il soit moralisateur, sarcastique, malveillant ou empli de bonnes intentions. La représentante de l’employeur a argumenté que c’est parce que le fonctionnaire se savait en défaut de se conformer à son devoir qu’il se sentait persécuté.

[291] La chef d’équipe était tenue de rédiger un courriel de compte rendu à l’intention du fonctionnaire après chaque réunion. La lecture du ton que je fais des courriels de la chef d’équipe est qu’ils étaient toujours respectueux et factuels. Je crois que dans chacun d’eux, elle maintenait un ton professionnel et courtois que ce soit pour l’informer qu’une erreur avait été commise ou qu’il y avait des divergences de temps travaillé. Je rejette l’argument ou la prétention du fonctionnaire que les courriels avaient un ton moralisateur qui aurait pu équivaloir à de la discrimination.

[292] Le représentant du fonctionnaire a imputé la faute des erreurs commises par le fonctionnaire dans l’analyse de ses dossiers à l’obligation liée aux courriels et que sans sa déficience, ces erreurs ne seraient pas survenues. Outre les prétentions du fonctionnaire dans son témoignage, aucune preuve ne vient appuyer cet argument. La prépondérance de la preuve est à savoir que le fonctionnaire a bénéficié de nombreuses formations durant son emploi chez l’employeur. Il a témoigné qu’il osait croire que, si ses erreurs étaient dues à de l’incompréhension de sa part, sa chef d’équipe l’aurait envoyé en formation. Il a affirmé que ses erreurs étaient des erreurs d’inattention qu’il attribue à son obligation de soumettre ses nombreux courriels. L’employeur a déposé en preuve les conséquences importantes de ces erreurs et a argumenté que, même si les erreurs étaient d’inattention, ces conséquences étaient graves. L’employeur a aussi fait valoir que le fonctionnaire n’avait pas de niveau de production à maintenir alors il ne pouvait y avoir de pression qui aurait causé ces erreurs.

[293] Je conclus que le fonctionnaire n’a pas démontré que la décision de le renvoyer en cours de stage était un facteur lié à sa déficience. Tous les employés sont tenus de rapporter leurs absences, le fonctionnaire n’a pas été pénalisé pour le temps passé à rédiger ses courriels ou à consulter sa banque de congé et aucun volume de dossiers à traiter ses ne fut imposé. De plus, l’insatisfaction à l’égard du rendement du fonctionnaire était liée aux erreurs importantes faites lorsqu’il effectuait ses tâches. Même si ma conclusion avait été différente sur ce point, je considère que l’employeur a fourni une explication raisonnable démontrant qu’une mesure d’adaptation complète avait été prise à l’égard du fonctionnaire comme ce fut le cas dans la décision Nash c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTEFP 4.

[294] Je conclus, après l’analyse de l’ensemble de la preuve documentaire, des témoignages et des arguments, que le fonctionnaire n’a pas démontré, sur la base de la prépondérance de la preuve, que son licenciement en cours de stage a été fait pour un motif discriminatoire et de mauvaise foi. Je conclus que le licenciement en cours de stage du fonctionnaire est lié à l’emploi de ce dernier sans subterfuge, ni camouflage ou discrimination.

[295] J’en viens à la conclusion que je n’ai pas compétence pour trancher le grief portant numéro 566-02-42033.

B. L’évaluation du rendement de fin d’année était-elle raisonnable?

[296] Le second grief (portant le numéro 566-02-42034) porte sur l’évaluation du rendement de fin d’année. Le représentant du fonctionnaire a fait valoir que le formulaire de l’ERA était improvisé, disparate et faisait abstraction des limitations fonctionnelles du fonctionnaire. Il a soutenu que l’employeur, dans son ERA et sa décision de licenciement, avait fait preuve de discrimination, de mauvaise foi ou de subterfuge et, qu’ultimement, la décision de licenciement était viciée.

[297] L’article 230 de la LRTSPF impose une limite d’intervention à la Commission dans un tel grief :

230 Saisi d’un grief individuel portant sur le licenciement ou la rétrogradation pour rendement insuffisant d’un fonctionnaire de l’administration publique centrale ou d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe 209(3), l’arbitre de grief ou la Commission, selon le cas, doit décider que le licenciement ou la rétrogradation étaient motivés s’il conclut qu’il était raisonnable que l’administrateur général estime le rendement du fonctionnaire insuffisant.

230 In the case of an employee in the core public administration or an employee of a separate agency designated under subsection 209(3), in making a decision in respect of an employee’s individual grievance relating to a termination of employment or demotion for unsatisfactory performance, an adjudicator or the Board, as the case may be, must determine the termination or demotion to have been for cause if the opinion of the deputy head that the employee’s performance was unsatisfactory is determined by the adjudicator or the Board to have been reasonable.

 

[298] L’Arbitre de grief dans la décision Mazerolle a fait référence au paragraphe 131 de la décision Raymond c. Conseil du Trésor, 2010 CRTFP 23 afin d’énoncer les critères applicables lorsqu’il s’agit de déterminer s’il était raisonnable pour l’administrateur général d’estimé que le rendement d’un fonctionnaire était insuffisant :

[...]

127 En se penchant sur les critères énoncés dans Nnagbo à la lumière de l’article 230 de la LRTFP, l’arbitre de grief dans Raymond a relevé que certains de ces critères se rapportaient davantage à l’appréciation de la décision prise par l’administrateur général de licencier un fonctionnaire pour rendement insatisfaisant qu’à l’évaluation du rendement comme telle. L’arbitre de grief a statué que seulement les critères applicables à l’évaluation du rendement étaient pertinents à l’analyse effectuée sous le régime de l’article 230 :

[...]

131 [...] Ainsi, je ne vois pas comment on pourrait conclure qu’il était raisonnable qu’un administrateur général estime le rendement de l’un de ses fonctionnaires insuffisant, si preuve est faite que :

· L’administrateur général ou les superviseurs qui ont apprécié le rendement du fonctionnaire se sont livrés à un exercice empreint de mauvaise foi;

· Le fonctionnaire n’était pas assujetti à des normes de rendement appropriées;

· L’employeur n’avait pas communiqué clairement au fonctionnaire les normes de rendement qu’il devait satisfaire; ou

· Le fonctionnaire n’avait pas reçu les outils, la formation et l’encadrement nécessaires pour atteindre les normes de rendement dans un délai jugé raisonnable.

[...]

 

1. L’employeur a agi de bonne foi

[299] Le représentant du fonctionnaire allègue que l’employeur n’a pas agi de bonne foi puisqu’il n’a pas fourni au fonctionnaire les mesures d’adaptation ou l’encadrement nécessaires pour qu’il puisse atteindre les normes visées dans un délai raisonnable.

[300] Tel que discuté précédemment la preuve démontre que des mesures d’adaptation ont été mises en place pour accommoder le fonctionnaire. Les limitations fonctionnelles énumérées dans le rapport du neuropsychologue ont été intégrées dans l’entente d’adaptation. Cette entente et les mesures qui l’accompagnent ont été signées par toutes les parties et n’ont jamais fait l’objet de révision jusqu’au licenciement du fonctionnaire.

[301] Plus important encore, la déficience du fonctionnaire n’a pas eu d’impact sur son rendement puisqu’il fut pleinement accommodé. En effet, l’employeur ne lui a pas imposé un nombre de dossiers par jour, ni par semaine et le fonctionnaire n’avait aucune contrainte de temps pour compléter ses dossiers.

[302] Le fonctionnaire n’a pas réussi a démontré qu’il existe une corrélation entre ses limitations, les mesures d'adaptations mise en place et la détermination que son travail était insatisfaisant. Il n’a pas prouvé que l’employeur a agi de mauvaise foi.

2. L’employeur a fixé des normes de rendement appropriées et a communiqué clairement au fonctionnaire les normes de rendement qu’il devait satisfaire

[303] Le représentant du fonctionnaire a reconnu dans son argumentation que l’employeur avait fixé des normes de rendement appropriées, qu’il les avait communiquées au fonctionnaire et qu’il avait averti le fonctionnaire par écrit des conséquences de ne pas les atteindre. Il soumet que l’ERA n’a pas été soumise dans le format approprié et les normes d’évaluation n’ont pas été utilisées.

[304] Il a allégué que l’ERA était déraisonnable à sa face, pleinement arbitraire et teinté de mauvaise foi. Elle était donc viciée et justifiait mon intervention. La représentante de l’employeur a fait valoir que le recours à une autre façon de procéder à l’ERA que par le formulaire type n’a pas d’impact sur le fond.

[305] Une analyse comparative des évaluations du rendement de mi-année et de fin d’année permet de voir qu’elles comportent les mêmes objectifs de travail. Dans les deux cas, l’évaluation est narrative et ne comporte pas de cote alpha ou numérique pour établir l’atteinte ou non de l’objectif. Je rejette l’argument du fonctionnaire que l’absence d’une cote alpha ou numérique rend l’évaluation complètement subjective. Ce n’est pas la forme qui rend l’évaluation objective ou non, mais plutôt si elle est conséquente avec les réalisations observées ou rapportées tout au long de la période. De plus, une cote discrète alpha ou numérique sans texte pour motiver une telle cote, bien que d’apparence objective, serait tout à fait subjective. Par contre, une évaluation pleinement narrative présentant les résultats d’un employé de laquelle la cote finale est établie est, selon moi, très valable.

[306] Dans le présent cas, la chef d’équipe a témoigné que c’est elle qui avait rédigé l’évaluation du rendement de fin d’année et avait conclu que le fonctionnaire ne satisfaisait pas à la cote « Réussi ». Elle a témoigné n’avoir pu la transposer dans le système des ressources humaines normalement utilisé à cause d’un problème administratif.

[307] Je ne vois rien dans cette façon de faire qui vicierait l’ERA, encore moins au point de faire changer la cote de « Réussi moins » à « Réussi ». La lecture de l’évaluation du rendement de fin d’année démontre qu’elle est très factuelle et reflète ce que l’on peut lire dans tous les courriels de compte rendu au dossier. Le fonctionnaire a témoigné ne pas avoir été surpris par les résultats de son ERA. Je considère que la conclusion de l’ERA est effectivement supportée par la prépondérance de la preuve au dossier.

3. Le fonctionnaire a reçu les outils, la formation et l’encadrement nécessaires pour atteindre les normes de rendement dans un délai jugé raisonnable.

[308] La décision Mazerolle parle du devoir d’encadrement de l’employeur et d’outils dont doit disposer le fonctionnaire pour atteindre les normes qui ont été fixées. Dans le présent cas, la prépondérance de la preuve est qu’en tout temps, le fonctionnaire bénéficiait d’une personne-ressource vers qui se tourner pour poser ses questions et qu’il a reçu en plus des formations de groupes, des formations supplémentaires.

[309] Il ressort de la preuve que plusieurs personnes-ressources étaient mises à la disposition du fonctionnaire pour répondre à ses questions dans le cadre de ses fonctions, notamment sa chef d’équipe et deux agents de projets principaux. Par la suite, le fonctionnaire a affirmé que l’employeur lui avait identifié une personne-ressource pour l’aider dans son travail. La chef d’équipe a encadré l’accès à cette personne pour des raisons opérationnelles et d’efficacité qui ne brimaient en rien l’accès à cette personne.

[310] D’autre part, le fonctionnaire a aussi bénéficié de diverses formations, tant en groupe que par lui-même, pour l’aider à atteindre les normes fixées. En outre, lorsqu’il fut avisé d’erreurs au niveau du triage de dossiers en décembre 2018, il a reçu une formation supplémentaire. Le 11 avril 2019, sa chef d’équipe le libérait de ses fonctions durant deux heures le lendemain pour relire sa documentation et s’auto-former sur les procédures. Le fonctionnaire a même affirmé que ses erreurs n’étaient pas causées par un manque de compréhension. Ceci vient supporter le fait qu’il avait reçu une formation complète.

[311] La preuve établit que le fonctionnaire a reçu les outils, la formation et l’encadrement nécessaires pour atteindre les normes de rendement dans un délai jugé raisonnable.

[312] Je conclus que les conditions identifiées par Mazerolle et Raymond ont été satisfaites et que l’évaluation du rendement de fin d’année est raisonnable, et je rejette ce grief.

C. Quelles sont les mesures correctives appropriées dans le présent cas, s’il y en a?

[313] La dernière question porte sur les mesures correctives appropriées à mettre en place. Étant donnée mes conclusions, je n’ai pas de mesures correctives à accorder.

[314] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI. Ordonnance

[315] Les griefs sont rejetés.

Le 25 septembre 2024.

Guy Grégoire,

une formation de la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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