Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le 22 janvier 2021, la chef de détachement de l’époque a écrit à tous les employés pour les informer qu’il s’agissait de son dernier jour à son poste et de qui la remplacerait et pour leur dire que la personne nommée avait récemment été nommée à un poste au groupe et au niveau AS 02 à la suite d’une reclassification d’un poste au groupe et au niveau CR-05 – dans le cadre de l’exercice de reclassification, des tâches supplémentaires que la personne nommée n’avait pas accomplies auparavant ont été ajoutées au poste – le nouveau chef de détachement a reçu une ébauche d’énoncé des critères de mérite (ECM) après la nomination – le 14 juin 2021, il a complété l’évaluation narrative détaillant les qualifications de la personne nommée – le 5 juillet 2021, la plaignante a présenté une plainte relative à la dotation contre l’intimé, alléguant qu’il avait abusé de son pouvoir dans l’application du principe du mérite et dans le choix d’un processus de nomination non annoncé – le 20 juillet 2021, une conseillère en ressources humaines a expliqué par écrit la justification de la décision de sélection – la plaignante a allégué que la personne nommée ne satisfaisait pas à deux des qualifications essentielles liées à l’expérience lorsqu’elle avait été nommée – la Commission en a convenu – la Commission n’a pas pu conclure que la personne nommée avait été évaluée par rapport à l’ECM avant d’être nommée afin de s’assurer qu’elle satisfaisait aux qualifications essentielles – la justification de la décision de sélection a été complétée cinq mois après la nomination – la plaignante a soutenu que l’intimé avait abusé de son pouvoir en choisissant un processus non annoncé en se fondant sur le fait que la justification de la décision de sélection avait été rédigée après la décision de désigner la personne nommée et que les motifs qui y étaient fournis n’étaient pas étayés par la preuve – la décision de sélection faisait référence à trois motifs pour la décision de désigner la personne nommée : 1) la personne nommée avait rempli la majorité des fonctions du poste reclassifié depuis 2016; 2) la personne nommée était qualifiée pour exécuter toutes les fonctions du poste reclassifié; 3) si la personne nommée n’avait pas été choisie, cela aurait pu entraîner une situation de réaménagement des effectifs – aucune preuve n’étayait ces motifs – la Commission a déclaré que l’intimé avait abusé de son pouvoir.

Plainte accueillie.

Contenu de la décision

Date : 20241017

Dossier : 771-02-43194

 

Référence : 2024 CRTESPF 141

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur l’emploi dans la fonction

publique

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

Entre

 

Jannette Munden

plaignante

 

et

 

COMMISSAIRE DE LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

 

intimé

et

AUTRES PARTIES

Répertorié

Munden c. Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada

Affaire concernant une plainte d’abus de pouvoir en vertu des alinéas 77(1)a) et 77(1)b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique

Devant : Audrey Lizotte, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la plaignante : Milena Gonzalez, représentante de l’agent négociateur

Pour l’intimé : Milica Palinic, avocate

Pour la Commission de la fonction publique : Maude Bissonnette Trudeau, analyste principale

Affaire entendue par vidéoconférence

les 10 et 11 janvier 2024

et décision rendue sur la base d’arguments écrits

déposés les 2 et 22 février et le 1er mars 2024.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Plainte devant la Commission

[1] La présente affaire porte sur une plainte en matière de dotation présentée par Jannette Munden (la « plaignante ») le 5 juillet 2021 contre le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) (l’« intimé »). La plaignante a allégué, au titre des alinéas 77(1)a) et 77(1)b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; LEFP), que l’intimé avait commis un abus de pouvoir dans l’application du principe du mérite et dans son choix d’un processus de nomination non annoncé.

[2] La plainte a été présentée après la nomination interne de Joan Badger (la « personne nommée ») à un poste de gestionnaire-coordonnateur des biens et des immeubles à la GRC, de groupe et niveau AS-02. La nomination a été faite après la reclassification du poste de la personne nommée, poste qui était auparavant de groupe et niveau CR-05. La reclassification a eu pour effet d’ajouter au poste AS-02 nouvellement créé des fonctions supplémentaires que la personne nommée n’exerçait pas auparavant.

[3] La plaignante a affirmé que la personne nommée ne remplissait pas les critères de mérite pour le poste AS-02 et que le poste aurait dû faire l’objet d’un processus annoncé, puisqu’il s’agissait d’un nouveau poste.

[4] Voici la teneur de la plainte :

[Traduction]

[...]

Je suis d’avis que ce processus n’a pas été juste et transparent, puisque je n’ai pas eu l’occasion de poser ma candidature, alors que je travaille pourtant au détachement de Newmarket depuis 13 ans. J’ai travaillé 8 ans à l’unité des biens de Newmarket en tant qu’adjointe administrative et je compte 7 ans d’expérience en tant que gestionnaire de biens dans le secteur privé. Le principe du mérite n’a pas été respecté.

[...]

 

[5] Au cours de l’étape de communication de renseignements du processus de plainte, la plaignante a précisé qu’elle estimait que la personne nommée ne répondait pas aux critères de mérite suivants : [traduction] « Expérience de la gestion de l’exploitation et de l’entretien d’immeubles et de biens loués ou appartenant à l’organisation » et [traduction] « Expérience du travail avec la clientèle externe » au moment de sa nomination.

[6] La plaignante a exposé plus en détail ses allégations en remplissant le formulaire 7 de la Commission le 23 décembre 2021; la plainte y est résumée dans les termes suivants :

[Traduction]

La plaignante allègue que l’employeur a commis un abus de pouvoir dans le choix du type de processus. L’ajout de fonctions importantes requiert l’attribution d’un nouveau numéro de poste et, par conséquent, l’utilisation d’un processus annoncé.

La plaignante allègue que la personne nommée ne possédait pas les qualifications essentielles requises pour occuper le poste.

La plaignante allègue que l’employeur a commis un abus de pouvoir en ne faisant pas preuve de justice ni de transparence lors de la reclassification du poste et en ne respectant pas la politique ou les dispositions législatives en vigueur.

 

[7] Avant l’audience, des conférences préparatoires à l’audience ont été tenues en présence des parties les 8 et 14 décembre 2023, au cours desquelles la représentante de la plaignante a affirmé qu’elle comptait appeler plusieurs témoins à s’exprimer sur la reclassification du poste occupé par la personne nommée. Elle a affirmé que la reclassification n’était pas appropriée, puisque l’intimé avait ajouté plusieurs nouvelles fonctions au poste que la personne nommée n’exerçait pas auparavant. Elle a fait valoir qu’il ne s’agissait pas d’une reclassification, mais que le poste de gestionnaire-coordonnateur des biens et des immeubles était un poste nouvellement créé et que le processus de nomination aurait donc dû être annoncé.

[8] L’intimé s’est opposé à la liste de témoins présentée par la plaignante, au motif que la Commission n’a pas compétence en matière de classification. La représentante de la plaignante a précisé qu’elle ne contestait pas la reclassification elle-même et a admis que la Commission n’avait pas compétence en la matière. Toutefois, elle a fait valoir que l’exercice de reclassification constituait un élément de contexte important qui étayait son point de vue selon lequel l’intimé avait commis un abus de pouvoir.

[9] J’ai décidé que la plaignante était autorisée à présenter des renseignements généraux liés à la reclassification pour expliquer le contexte.

[10] La Commission de la fonction publique (CFP) n’a pas assisté à l’audience et n’a pas pris position sur le fond de la plainte. Toutefois, elle a présenté des arguments écrits sur les articles pertinents de la LEFP et sa Politique de nomination.

[11] Il convient de préciser que le terme « Commission », dans la présente décision, désigne à la fois l’ancienne Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral.

[12] Pour les motifs énoncés dans la présente décision, je conclus que l’intimé a commis un abus de pouvoir.

II. Questions en litige

· La nomination était-elle fondée sur le mérite?

· La décision d’opter pour un processus de nomination non annoncé constituait-elle un abus de pouvoir?

· S’il y a eu abus de pouvoir, quelle mesure corrective s’impose?

 

III. Résumé des éléments de preuve pertinents

[13] La plaignante a témoigné en son propre nom. Elle a également appelé à témoigner Lynn Church, une employée qui travaillait au même endroit que la personne nommée au moment de la reclassification. Mme Church a été appelée à témoigner pour appuyer le point de vue de la plaignante selon lequel, avant la reclassification, Mme Church effectuait certaines fonctions liées au poste AS-02 qui venait d’être reclassifié. L’intimé a appelé à témoigner une seule personne, l’inspecteur Timothy Dell’Anna, qui était commandant de détachement et qui a expliqué la décision de nommer la personne nommée.

A. Chronologie des faits essentiels

[14] Le 22 janvier 2021, l’inspectrice Diane Cockle, alors commandante de détachement, a fait parvenir à tous les employés du détachement de Toronto-Nord un courriel les informant qu’il s’agissait de son dernier jour à ce poste, que l’inspecteur Dell’Anna allait bientôt la remplacer et que la personne nommée venait d’être nommée au poste de coordonnateur de détachement (devenu par la suite le poste de gestionnaire-coordonnateur des biens et des immeubles).

[15] Le 1er février 2021, l’inspecteur Dell’Anna a pris ses fonctions de commandant de détachement au détachement de Toronto Nord.

[16] Après son arrivée, l’inspecteur Dell’Anna a reçu une version préliminaire de l’énoncé des critères de mérite. La date précise n’a pas été fournie, et l’énoncé des critères de mérite versé en preuve n’est pas daté.

[17] Le 31 mai 2021, la CFP a transmis un courriel dans lequel elle fournissait un numéro d’autorisation en matière de priorité pour la nomination. Elle a déclaré : [traduction] « Nous nommons la personne titulaire du poste no 3865, car le poste a été récemment reclassifié à un niveau supérieur. »

[18] Le 14 juin 2021, l’inspecteur Dell’Anna a rédigé l’évaluation narrative exposant en détail les qualifications de la personne nommée au poste AS-02.

[19] Le 16 juin 2021, la « Notification de candidature retenue » (NCR) pour le processus non annoncé (21-RCM-INA-O-LON-GTSOC-NEW-97670) a été publiée; la date de fin de la période d’attente était fixée au 22 juin 2021. Selon la NCR, la candidature de la personne nommée était retenue pour le poste de gestionnaire/coordonnateur des biens et des immeubles, un poste de groupe et niveau AS-02, et cette mesure découlait d’une reclassification.

[20] Le 28 juin 2021, la « Notification de nomination ou de proposition de nomination » (NNPN) a été publiée, confirmant la nomination de la personne nommée. La date limite pour la présentation de plaintes était fixée au 13 juillet 2021.

[21] Le 5 juillet 2021, la plaignante a présenté la plainte faisant l’objet de la présente décision.

[22] Le 20 juillet 2021, Denise Pitre, conseillère en ressources humaines, a envoyé un courriel à l’inspectrice Cockle et à l’inspecteur Dell’Anna pour expliquer par écrit les motifs de la décision de sélection, car elle avait omis de le faire au moment de la reclassification du poste.

B. Le témoignage de la plaignante

[23] La plaignante a expliqué qu’elle travaillait dans la fonction publique depuis 1989. Elle a débuté à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada et y a travaillé pendant 18 ans. En septembre 2007, elle est devenue adjointe administrative en gestion des biens dans la région de York de la GRC. Elle a expliqué qu’elle occupait également un emploi à temps partiel en tant que surintendante d’un immeuble, ce qui lui a permis d’acquérir de l’expérience dans le domaine de la gestion des biens. Elle a déclaré que son poste avait été supprimé en 2015 et qu’elle s’était vu confier un autre poste dans le cadre d’un processus de réaménagement des effectifs. Elle occupait toujours ce poste au moment de l’audience. Elle a déclaré qu’elle aurait aimé que sa candidature soit prise en considération pour le poste AS-02, mais que cette possibilité ne lui avait pas été offerte, car le poste avait été doté sans processus de nomination annoncé.

[24] La plaignante a déclaré avoir été informée du lancement d’un processus de nomination pour le poste d’AS-02 lorsqu’un collègue lui a envoyé la NCR. La plaignante a déclaré que, si un processus de nomination annoncé avait été mené, elle aurait pu être placée dans un bassin de candidats pour d’autres postes. Elle a déclaré que la justice et la transparence exigent que chacun se sente apprécié et valorisé et ait la possibilité de participer au processus de nomination, même si aucun d’entre eux n’était le candidat favori du gestionnaire.

[25] La plaignante a déclaré être convaincue que la personne nommée avait été nommée pour des raisons de favoritisme personnel, étant donné que la gestionnaire devait quitter le détachement, qu’elle aimait bien la personne nommée et qu’elle voulait lui donner un coup de main avant de partir. Elle a déclaré qu’elle ne croyait pas que la personne nommée avait pu acquérir les connaissances requises pour le poste AS-02 dans le cadre de son poste précédent de CR-05.

[26] Pour étayer son point de vue, la plaignante a renvoyé à la description du poste CR-05 et a fait remarquer qu’elle ne mentionnait pas d’expérience en matière de gestion des biens. Elle a déclaré avoir comparé la description de travail de l’ancien poste CR-05 de la personne nommée à celle du poste AS-02 reclassifié. Elle a affirmé que, à sa connaissance, le poste CR-05 n’impliquait que du travail administratif, alors que le nouveau poste AS-02 sous-entendait un rôle de gestion pour la supervision de l’immeuble et qu’il ne s’agissait donc pas du même poste.

[27] La plaignante s’est vu présenter l’évaluation narrative de l’inspecteur Dell’Anna du 14 juin 2021 et le critère de mérite essentiel [traduction] « Expérience de la gestion de l’exploitation et de l’entretien d’immeubles et de biens loués ou appartenant à l’organisation ». L’évaluation narrative de la personne nommée est rédigée de la manière suivante :

[Traduction]

Tel qu’il a été mentionné ci-dessus, [la personne nommée] assume le rôle de coordonnateur du détachement et supervise les opérations du détachement. Le détachement de Toronto-Nord est situé dans un immeuble appartenant à la GRC et, dans ce contexte, [la personne nommée] traite avec une multitude de partenaires aux fins de la gestion de l’immeuble. Au quotidien, elle interagit avec BGIS, les Services immobiliers et chacune des 23 unités de la GRC qui occupent l’immeuble. [La personne nommée] gère très efficacement les opérations quotidiennes et s’assure de communiquer avec toutes les parties en temps opportun afin de ne pas entraver les opérations. Lorsque des problèmes sont portés à son attention, elle recueille rapidement tous les renseignements nécessaires, analyse les facteurs et me suggère des possibilités, puisque je suis l’officier responsable, ainsi que le plan d’action recommandé. Elle communique ensuite avec toutes les parties concernées en temps opportun, pour les inviter à formuler des commentaires et à apporter les changements nécessaires, le cas échéant.

 

[28] La plaignante a déclaré qu’elle ne voyait pas comment la personne nommée aurait pu acquérir cette expérience avant d’occuper le poste.

[29] La plaignante s’est ensuite vu présenter la partie de l’évaluation narrative concernant le critère de mérite essentiel [traduction] « Expérience de travail avec la clientèle externe ». Il lui a été demandé de formuler des observations sur la partie suivante :

[Traduction]

[La personne nommée] travaille très efficacement avec les autres. C’est la seule interlocutrice au sein du détachement pour la plupart des clients externes. Je l’ai vue traiter avec diplomatie et patience avec des personnes difficiles. Elle prend le temps d’écouter avec compassion les personnes qui expriment leur frustration. Elle peut souvent désamorcer une plainte par ses conseils et son soutien. [La personne nommée] parvient à créer et à maintenir des relations de travail harmonieuses avec l’ensemble de ses clients externes.

Dans ses relations avec les entrepreneurs externes, [la personne nommée] fait constamment preuve d’une connaissance pratique supérieure des processus d’approvisionnement et financiers. Elle gère de manière très professionnelle les nouveaux contrats et les contrats en cours.

 

[30] La plaignante a déclaré que, malheureusement, elle ne connaissait pas bien les fonctions associées au poste CR-05 de la personne nommée et qu’elle n’était donc pas en mesure de dire si la personne nommée avait acquis cette expérience dans le cadre de ce poste.

[31] En contre-interrogatoire, la plaignante a reconnu qu’elle n’avait pas une connaissance directe des fonctions associées au poste CR-05 et qu’elle ne pouvait pas se prononcer sur ce que la personne nommée faisait exactement à ce poste. Toutefois, elle a déclaré que Mme Church était responsable du travail de gestion des biens avant la reclassification. Par conséquent, elle a du mal à croire que la personne nommée aurait pu acquérir de l’expérience en gestion des biens en occupant le poste CR-05.

C. Témoignage de Mme Church

[32] Mme Church a déclaré qu’elle était policière et membre régulier de la GRC. De 2018 à 2020, elle a occupé le poste de commandant du lieu au détachement de Toronto-Nord. Elle était responsable de la gestion quotidienne de l’immeuble et a pris sa retraite en 2021. En contre-interrogatoire, elle a convenu que, selon l’organigramme, elle occupait le poste de soutien administratif CI au sein de la PF (les acronymes n’ont pas été explicités).

[33] Mme Church a déclaré que certaines de ses fonctions ont été attribuées à la personne nommée après la reclassification du poste CR-05 en poste AS-02. Elle a déclaré qu’elle n’avait pas participé au processus de reclassification. Cependant, elle savait que l’intimé voulait [traduction] « civilariser » son poste, c’est-à-dire le faire passer d’un poste de policier à un poste de fonctionnaire. Elle a déclaré que la commandante de détachement de l’époque, l’inspectrice Cockle, lui avait demandé de fournir une liste des fonctions qu’elle exerçait et qu’elle la lui avait envoyée par courriel. Le courriel n’a pas été versé en preuve.

[34] La description de travail du poste AS-02 a été montrée à Mme Church pendant son témoignage. Elle a confirmé qu’elle l’avait consultée avant l’audience. Mme Church a déclaré que, dans la description de travail du poste AS-02, elle reconnaissait un grand nombre des fonctions de la liste qu’elle avait fournie à l’inspectrice Cockle. Lorsqu’on lui a demandé combien de fonctions associées au poste AS-02 relevaient de son ancien poste, elle a répondu : [traduction] un « grand nombre » et [traduction] « beaucoup d’entre elles ». J’ai remarqué que la description de poste était très longue (cinq pages de texte à simple interligne, avec des marges étroites). Mme Church n’a pas mentionné de tâches en particulier ni quantifié le nombre de tâches auxquelles elle faisait référence.

[35] Mme Church a déclaré que la description de travail du poste AS-02 n’était pas une description exacte des fonctions assumées par la personne nommée lorsqu’elle occupait le poste CR-05, car c’était elle, et non la personne nommée, qui effectuait un grand nombre des tâches associées au poste AS-02 nouvellement créé.

[36] En contre-interrogatoire, Mme Church a reconnu qu’elle ne travaillait pas en étroite collaboration avec la personne nommée et qu’elle ne la supervisait pas. Elle a déclaré qu’elles avaient chacune leurs propres fonctions. Invitée à préciser si la personne nommée remplissait les mêmes fonctions qu’elle, Mme Church a répondu que certaines de ces fonctions n’étaient remplies que par une seule personne.

[37] Toujours en ce qui concerne la description du poste AS-02, Mme Church a été interrogée sur les fonctions de liaison et de coordination avec une société appelée BGIS. Elle a répondu que ces fonctions étaient surtout exercées par elle. Quant aux fonctions de coordination des autorisations de sécurité pour les employés ou les fournisseurs de services sous contrat, elle a répondu que c’était la personne nommée qui s’en chargeait, et non elle. Pour ce qui est des fonctions de coordination et de liaison avec l’équipe chargée des biens pour les projets liés aux immeubles, elle a répondu que, d’après ses souvenirs, la personne nommée préparait des demandes pour certains meubles de bureau et assurait la liaison avec les Services immobiliers pour trouver le mobilier. Mme Church ne s’acquittait pas de ces fonctions. Il a été question de la liaison avec les unités des biens et de l’approvisionnement de la Division en ce qui concerne les questions générales relatives aux immeubles et les problèmes courants. Elle a déclaré que cette fonction était entièrement exercée par elle.

[38] En contre-interrogatoire, Mme Church a déclaré qu’elle travaillait dans le même bureau que la personne nommée, mais qu’elles ne travaillaient pas en étroite collaboration. Elle a déclaré qu’il n’y avait pas de chevauchement entre ses fonctions et celles de la personne nommée et qu’elles avaient des fonctions différentes qui relevaient de responsabilités distinctes. Elle a déclaré que la personne nommée n’était pas sa suppléante et que, lorsque des fonctions ne relevaient pas d’elle, la personne nommée lui transmettait les dossiers. Par exemple, si une personne envoyait un courriel à la personne nommée pour lui signaler qu’une voiture était stationnée de façon illégale, la personne nommée lui transmettait toujours la demande.

[39] Lorsqu’il lui a été demandé si quelqu’un lui avait déjà dit qu’il y avait confusion entre leurs fonctions, Mme Church a répondu que, au début, certaines personnes envoyaient des courriels à la personne nommée pour lui demander un suivi et que la personne nommée les lui transmettait, mais que, peu de temps après, la plupart des gens avaient compris qu’elles occupaient bien deux postes distincts.

D. Témoignage de l’inspecteur Dell’Anna

[40] L’inspecteur Dell’Anna a déclaré être devenu commandant de détachement le 1er février 2021 en remplacement de l’inspectrice Cockle, qui occupait ce poste depuis environ un an et demi.

[41] L’inspecteur Dell’Anna a été invité à prendre connaissance du courriel de l’inspectrice Cockle daté du 22 janvier 2021 :

[Traduction]

De : Cockle, Diane

À : TOUS_ODIV_NEWMARKET

Objet : Le nouveau commandant et la nouvelle coordonnatrice du détachement

Envoyé : 22 janvier 2021 13:19:50

C’est aujourd’hui mon dernier jour en tant que commandante du détachement de Newmarket. Ce fut un privilège de travailler avec vous tous. Je passe le flambeau à l’inspecteur Tim Dell’Anna, qui fera un travail fantastique en tant que nouveau commandant de détachement. [La personne nommée] a récemment été nommée coordonnatrice du détachement. Mes sincères félicitations à tous les deux. Avec l’entrée en poste de Tim et de [la personne nommée], je laisse le détachement entre de très bonnes mains. Nous avons vécu de belles choses ensemble au sein du détachement, et je tiens à tous vous remercier pour votre patience, votre compréhension et, parfois, votre sens de l’humour.

[...]

[Je mets en évidence.]

 

[42] À la question de savoir s’il avait connaissance de l’existence d’une relation personnelle entre l’inspectrice Cockle et la personne nommée, l’inspecteur Dell’Anna a répondu que la deuxième relevait de la première, mais qu’il ne pensait pas qu’elles entretenaient une relation personnelle avant la nomination. Interrogé sur l’existence d’une relation personnelle entre lui et la personne nommée, il a répondu que celle-ci relevait de lui. Il a ajouté que, étant donné qu’il occupait le poste depuis peu, il comptait beaucoup sur elle.

[43] L’inspecteur Dell’Anna a déclaré que, lorsqu’il avait succédé à l’inspectrice Cockle, le poste CR-05 avait déjà été transmis au groupe Organisation et classification, et qu’il avait été décidé de le reclassifier à un niveau supérieur et d’y nommer la personne nommée sans recourir à un processus de nomination annoncé. Il a déclaré que c’était l’inspectrice Cockle qui avait pris la décision de nommer la personne nommée à ce poste. Il a déclaré que, à sa connaissance, la personne nommée occupait le poste CR-05 depuis 2016 environ. Il a déclaré qu’il avait une connaissance indirecte du dossier de reclassification du poste de la personne nommée, puisque l’information à cet égard lui avait été transmise par l’inspectrice Cockle. Il a déclaré que cette dernière avait remarqué que la personne nommée allait bien au-delà du mandat qui lui était confié, de sorte que l’inspectrice Cockle avait dressé une liste des tâches de la personne nommée et l’avait soumise au groupe Organisation et classification. Cette liste avait été évaluée à un niveau supérieur.

[44] Lors du contre-interrogatoire, il a été demandé à l’inspecteur Dell’Anna d’expliquer le contenu des courriels que lui, l’inspectrice Cockle et Mme Pitre avaient échangés le 20 juillet 2021 et qui étaient libellés de la façon suivante :

[Traduction]

De : Pitre, Denise <Denise.Pitre@rcmp-grc.gc.ca>

Envoyé : 20 juillet 2021 08:11

À : Cockle, Diane <diane.cockle@rcmp-grc.gc.ca>; Dell’Anna, Tim <tim.dellanna@rcmp-grc.gc.ca>

Objet : Décision de sélection – poste reclassifié – 3865

Bonjour,

En examinant le dossier mentionné en objet, j’ai oublié de formuler par écrit la décision de sélection consistant à nommer [la personne nommée] à son poste d’attache reclassifié.

Le poste a été reclassifié au début de janvier 2021. La surintendante Cockle se préparait à être mutée et l’inspecteur Dell’Anna est devenu commandant du détachement de Toronto-Nord à la fin de janvier 2021.

Je me suis entretenue avec vous deux au sujet de la reclassification du poste de [la personne nommée] et la décision a été prise sur la base des éléments suivants :

[la personne nommée] effectuait la majorité des fonctions du poste reclassifié depuis 2016;

[la personne nommée] est qualifiée pour exercer toutes les fonctions du poste reclassifié;

si [la personne nommée] n’est pas nommée au poste reclassifié, il pourrait en résulter une situation de réaménagement des effectifs.

Veuillez confirmer l’exactitude de ces renseignements en répondant au présent courriel. De plus, si ces renseignements sont incorrects ou si vous vous souvenez de détails supplémentaires, veuillez nous en informer.

[...]

Denise Pitre

Conseillère en ressources humaines, dotation de la fonction publique et des membres civils, Division O, Perfectionnement et renouvellement des ressources humaines

Gendarmerie royale du Canada [...]

[...]

 

De : Cockle, Diane

À : Pitre, Denise

Objet : RE: Décision de sélection – poste reclassifié – 3865

Envoyé : 20 juillet 2021 08:19:03

Bonjour Denise,

Oui, je peux confirmer qu’il s’agit bien des renseignements que vous m’avez fournis au sujet de [la personne nommée].

Merci,

Diane

[...]

 

De : Dell’Anna, Tim

À : Pitre, Denise

Cc : Cockle, Diane

Objet : Décision de sélection – poste reclassifié – 3865

Envoyé : 20 juillet 2021 17:11:31

Bonjour Denise,

Lorsque j’ai commencé à exercer mes fonctions, j’ai cru comprendre que la décision de sélection avait été prise par la surintendante Cockle sur la base de vos deux premiers points. Le risque d’un réaménagement des effectifs a certainement pu être pris en considération par la surintendante Cockle dans sa décision, mais je ne peux pas me prononcer à ce sujet, car j’avais une connaissance limitée du processus à l’époque. Je sais que [la personne nommée] exerçait les fonctions du poste reclassifié depuis un certain temps et qu’elle était certainement qualifiée pour exercer les fonctions du poste reclassifié, selon les discussions que j’avais eues à ce sujet avec la surintendante Cockle.

Merci,

Tim

 

[45] L’inspecteur Dell’Anna a déclaré que le courriel de Mme Pitre contenait un résumé de la décision qui avait été prise. Il a expliqué que, lorsqu’il avait commencé à assumer ses fonctions le 1er février 2021, la décision de nommer la personne nommée au poste AS-02 avait déjà été prise. Il ne connaissait pas la date exacte de cette décision. Il a déclaré qu’on lui avait confié la responsabilité de finaliser le processus. Il a déclaré que, bien que la décision ait déjà été prise, il pensait qu’elle était fondée et qu’il ne lui restait plus qu’à rassembler les renseignements nécessaires pour mener à bien le processus.

[46] L’inspecteur Dell’Anna a déclaré qu’il avait reçu une version préliminaire de l’énoncé des critères de mérite qui avait été préparé. Il a déclaré l’avoir examinée avec la conseillère en dotation, afin de comprendre le processus. Il a déclaré avoir joué un rôle déterminant dans la rédaction de l’évaluation narrative de la personne nommée, document qui porte sa signature.

[47] Il lui a été demandé d’expliquer l’écart de cinq mois entre l’annonce de la nomination de la personne nommée et la NCR. Il a répondu que c’était parce qu’il venait d’être nommé commandant de détachement et qu’il était très occupé. Il a déclaré qu’il savait qu’il devait terminer l’évaluation narrative, mais qu’il devait aussi prendre le temps de s’informer pour bien comprendre les qualifications de la personne nommée et la façon dont elle satisfaisait aux critères. Il a expliqué qu’il n’avait aucune expérience dans ce domaine et qu’il était responsable du détachement de Newmarket de la GRC chargé de la criminalité transnationale grave et organisée, ce qui lui prenait une grande partie de son temps. Il a déclaré qu’il avait également beaucoup à faire à l’époque, car il avait été décidé de fusionner deux unités.

[48] À la question de savoir s’il aurait pu décider de ne pas nommer la personne nommée, il a répondu qu’il ne le savait pas et qu’il n’avait jamais pensé à cette possibilité. Il a déclaré que la personne en question occupait déjà le poste, mais qu’il pensait que, tant que la nomination n’avait pas été annoncée, le processus n’était pas terminé et que la décision n’était donc pas encore officielle.

[49] L’inspecteur Dell’Anna a témoigné au sujet de l’expérience professionnelle acquise par la personne nommée avant et après le 22 janvier 2021. Je n’ai retenu que son témoignage sur l’expérience acquise par la personne nommée avant cette date, car celle qu’elle a acquise après sa nomination n’est pas pertinente. Je fais également remarquer que l’évaluation narrative est fondée presque exclusivement sur ses observations de la personne nommée après le 1er février 2021.

[50] Interrogé sur son expérience de collaboration avec la personne nommée avant le 1er février 2021, l’inspecteur Dell’Anna a déclaré qu’il ne travaillait pas directement avec elle, mais qu’il la voyait régulièrement lorsqu’il traitait avec l’inspectrice Cockle, car le bureau de la personne nommée se trouvait à côté du sien. Il a déclaré qu’il s’agissait de la personne-ressource avec qui communiquer dès qu’il avait affaire avec l’inspectrice Cockle. Il a déclaré qu’il avait également connu la personne nommée de nombreuses années auparavant, lorsqu’elle travaillait à l’unité responsable des produits de la criminalité. Il a déclaré que, à l’époque, il faisait partie de l’unité des marchés boursiers et qu’ils n’avaient donc pas travaillé ensemble, mais qu’il la connaissait. Il n’a pas précisé le poste qu’elle occupait au sein de l’unité responsable des produits de la criminalité.

[51] Interrogé en contre-interrogatoire sur le temps qu’il avait consacré à observer la personne nommée avant le 1er février 2021, l’inspecteur Dell’Anna a déclaré qu’il lui parlait parfois en attendant de voir l’inspectrice Cockle, mais qu’il n’avait pas directement examiné son travail. Toutefois, il a ajouté qu’il la contactait chaque fois que des problèmes se posaient dans l’immeuble, comme un problème d’éclairage, et qu’elle s’en occupait.

[52] Lors du contre-interrogatoire, il a été demandé à l’inspecteur Dell’Anna s’il avait vérifié l’expérience acquise par la personne nommée avant 2016. Il a répondu par la négative et a déclaré qu’il n’avait pas remonté jusqu’aux précédents commandants de détachement. Il n’avait parlé qu’à l’inspectrice Cockle. Il a déclaré qu’il pouvait se prononcer sur le travail accompli par la personne nommée seulement à partir de 2019, car c’est à cette époque qu’elle avait commencé à relever de l’inspectrice Cockle.

[53] En ce qui concerne l’expérience de la personne nommée en matière de relations avec la clientèle externe, il a déclaré que, lorsque la personne nommée travaillait à l’unité responsable des produits de la criminalité, son nom figurait sur le site Web de l’unité en tant que personne-ressource pour les questions du public. Il a ajouté que, dans le cadre de cette fonction, c’était la première personne à répondre aux appels, et qu’elle avait donc une bonne expérience des relations avec le public. Je tiens à souligner que cette expérience n’a pas été incluse dans l’évaluation narrative.

[54] En ce qui concerne l’expérience de la gestion d’immeubles et de biens loués ou appartenant à l’organisation, l’inspecteur Dell’Anna a déclaré qu’il savait que la personne nommée avait aidé sa prédécesseure, l’inspectrice Cockle, pour un certain nombre de projets dans le cadre de la modernisation de leurs bureaux. Il a déclaré qu’elle était chargée d’aider à préparer les plans pour les petites entreprises en remplissant un gabarit afin que les fonds puissent être approuvés avant que l’équipe des Services immobiliers n’intervienne. Il a précisé que cette équipe était responsable de la collaboration directe avec les tiers. L’inspecteur Dell’Anna a déclaré qu’il avait pu constater que la personne nommée avait de l’expérience dans la gestion des biens immobiliers, puisqu’elle lui avait expliqué ce qu’il devait savoir lorsqu’il était entré en fonction. Il a déclaré qu’elle avait une bonne compréhension des activités quotidiennes et des liens d’interdépendance. Il a déclaré que plusieurs entités et sociétés différentes avaient un rôle à jouer dans la gestion des biens de leur installation. Il a déclaré avoir constaté qu’elle connaissait parfaitement le fonctionnement de l’immeuble et était au fait des responsabilités de chacun, ce qui lui permettait d’orienter les gens vers la bonne personne si elle n’était pas elle-même responsable d’une tâche.

[55] Lors du contre-interrogatoire, il a été demandé à l’inspecteur Dell’Anna de préciser comment il s’était assuré que la personne nommée avait acquis de l’expérience en matière de gestion de biens immobiliers avant janvier 2021. Il a répondu qu’il s’était entretenu avec l’inspectrice Cockle lorsqu’il avait rédigé l’évaluation narrative. Il a déclaré que la personne nommée avait acquis cette expérience en travaillant pour l’inspectrice Cockle et qu’elle était en contact avec l’équipe des Services immobiliers et avec BGIS, un fournisseur de services externe. Il a déclaré que, au moment où il avait commencé à occuper le poste de commandant de détachement, la personne nommée avait participé à différents projets et était responsable de la coordination de plusieurs aspects des projets avec l’équipe des Services immobiliers. Certains de ces projets s’étaient poursuivis après son arrivée.

[56] L’inspecteur Dell’Anna a également témoigné au sujet de l’expérience de la personne nommée dans la gestion d’un budget et de sa connaissance des politiques d’approvisionnement. Toutefois, je n’ai pas retenu ce témoignage, car la plaignante n’a pas contesté que la personne nommée possédait ces qualifications essentielles.

[57] Lorsqu’on lui a demandé si la personne nommée lui avait déjà posé des questions sur la manière de faire son travail, l’inspecteur Dell’Anna a répondu qu’une seule situation lui venait à l’esprit. Il a déclaré qu’il s’agissait du renouvellement annuel de la licence pour le bunker. La personne nommée l’avait informé que le renouvellement était imminent et qu’elle n’avait jamais effectué cette tâche auparavant. Elle lui a demandé son aide et ils ont trouvé une solution. Il a déclaré qu’il pensait que Mme Church l’avait déjà fait auparavant. Il a ajouté que c’était l’une des rares fois où elle lui avait demandé de l’aide parce qu’elle ne savait pas comment procéder.

[58] L’inspecteur Dell’Anna a déclaré que la décision de recourir à un processus de nomination non annoncé avait été prise parce que la personne nommée était largement qualifiée pour le poste et que l’on souhaitait éviter une situation de réaménagement des effectifs. Il a expliqué que le poste de la personne nommée n’était pas nouveau, mais qu’il s’agissait d’une revalorisation du poste existant. Il a déclaré que, si la direction avait décidé de créer un nouveau poste, le poste de la personne nommée aurait été supprimé et elle aurait dû être visée par un processus de réaménagement des effectifs. Il a ajouté qu’il n’avait qu’une connaissance limitée du processus de réaménagement des effectifs lorsque la décision avait été prise. Tenu de préciser qui avait pris la décision de ne pas créer de nouveau poste, l’inspecteur Dell’Anna a répondu que c’étaient l’inspectrice Cockle et le service des ressources humaines qui avaient pris cette décision, mais que le groupe Organisation et classification n’avait pas recommandé la création d’un nouveau poste.

[59] L’inspecteur Dell’Anna a déclaré que Mme Church relevait de l’inspectrice Cockle, mais qu’elle ne relevait pas de lui lorsqu’il avait succédé à l’inspectrice Cockle. Il a déclaré avoir eu peu d’échanges avec Mme Church, sauf lorsqu’il recevait les rapports qu’elle préparait pour l’unité des crimes graves et du crime organisé. Il a déclaré que Mme Church n’était pas souvent au travail et qu’elle avait été en congé de maladie pendant une longue période jusqu’à ce qu’elle prenne sa retraite. Il a déclaré que son poste existait toujours.

[60] Lors du contre-interrogatoire, l’inspecteur Dell’Anna s’est vu demander d’où venaient les fonctions supplémentaires attribuées au poste AS02 nouvellement reclassifié. Il a déclaré que, à sa connaissance, la seule fonction que la personne nommée n’exerçait pas auparavant avait trait à la licence pour le bunker. Il a déclaré qu’il ne pouvait pas se prononcer sur les responsabilités qu’elle assumait avant la reclassification de son poste. Il a déclaré qu’il connaissait certaines de ses fonctions lorsqu’elle relevait de l’inspectrice Cockle, mais qu’il ne pouvait pas parler des fonctions qu’elle n’occupait pas avant la reclassification. Il a déclaré que, lorsque l’inspectrice Cockle était entrée en fonction, elle avait constaté que la personne nommée effectuait beaucoup plus de fonctions que celles qu’exigeait son poste, et elle avait donc dressé la liste de ces fonctions, puis l’avait transmise au groupe Organisation et classification pour réévaluation. C’est ainsi que le poste de la personne nommée avait été reclassifié.

[61] En contre-interrogatoire, l’inspecteur Dell’Anna a déclaré qu’il n’était pas au fait des fonctions quotidiennes exercées par Mme Church. Il a déclaré qu’elle avait été en congé pendant trois à cinq mois avant son arrivée et qu’elle avait ensuite épuisé tous ses jours de congé avant de prendre sa retraite. Il a déclaré qu’il ne savait pas que l’inspectrice Cockle avait demandé à Mme Church de fournir une liste de ses fonctions. Cependant, il a déclaré qu’il savait que l’inspectrice Cockle essayait de connaître les fonctions de chacun.

[62] Lors du contre-interrogatoire, l’inspecteur Dell’Anna s’est vu présenter la description de poste de l’ancien poste CR-05 de la personne nommée et celle du poste AS-02 nouvellement reclassifié. Il a reconnu que les deux descriptions présentaient des différences notables. Il a affirmé qu’il constatait certains chevauchements, mais que le poste AS-02 comportait davantage de responsabilités. Il a fait remarquer qu’il s’agissait de descriptions de poste génériques. Ainsi, certaines fonctions pouvaient effectivement être exercées et d’autres, non, en fonction du détachement et de sa taille. Il a déclaré que l’ancien poste CR-05 de la personne nommée n’existait plus. Il a également affirmé que son poste avait évolué au fil des ans et que l’inspectrice Cockle avait observé que la personne nommée effectuait beaucoup plus de tâches que celles qui étaient normalement dévolues à un commis de détachement.

[63] Lors du contre-interrogatoire, il a été demandé à l’inspecteur Dell’Anna s’il avait reçu des plaintes après la nomination de la personne nommée. Il a répondu qu’il était au courant de trois plaintes. Il a déclaré qu’il croyait que ces plaintes découlaient d’un malentendu, car les gens pensaient qu’un poste de fonctionnaire (civil) et un poste de membre régulier (policier) avaient été fusionnés. Or, il n’en était rien. Il a déclaré que les responsabilités des fonctionnaires et celles des policiers sont totalement distinctes. Il a émis l’hypothèse que l’inspectrice Cockle pensait peut-être que Mme Church accomplissait des tâches qu’elle n’aurait pas dû faire. Il n’en était toutefois pas certain.

[64] Le courriel de la CFP daté du 31 mai 2021 a été présenté à l’inspecteur Dell’Anna. Ce courriel porte sur le poste AS-02 et contient le passage suivant :

[Traduction]

Afin de donner à la CFP le temps d’effectuer un examen, le numéro d’autorisation ci-dessous ne sera valide que deux jours ouvrables après la date de la présente réponse. Les organisations NE DOIVENT PAS faire d’offres ni procéder à des nominations avant que cette période ne soit écoulée [...]

[...]

 

[65] Le courriel contient également les renseignements suivants sous la rubrique [traduction] « Renseignements supplémentaires » :

[Traduction]

2021-05-31 – Le recours à l’article 43 de la LEFP est demandé. Nous procédons à la nomination de la titulaire du poste no 3865, car le poste a été récemment reclassifié à un niveau supérieur. Si une personne bénéficiant d’une priorité était prise en considération pour cette nomination et était sélectionnée, la titulaire actuelle du poste deviendrait bénéficiaire d’une priorité. C.Tate

Processus de nomination : Processus de nomination fondé sur l’article 43 de la LEFP

Motif : Processus de nomination interne non annoncé (zone de sélection limitée à l’organisation)

 

[66] L’inspecteur Dell'Anna a déclaré qu’il ne connaissait pas le processus d’autorisation en matière de priorité, si ce n’est qu’il croyait savoir qu’il existait un processus en vigueur pour la nomination de bénéficiaires de priorités.

IV. Résumé de l’argumentation

A. Pour la plaignante

1. La personne nommée respectait-elle les critères de mérite du poste?

[67] La plaignante a fait valoir que les éléments de preuve n’étayaient pas l’affirmation selon laquelle la personne nommée possédait les qualifications essentielles du poste au moment de sa nomination en janvier 2021. La plaignante a évoqué l’évaluation narrative, qui était fondée sur l’expérience que la personne nommée avait acquise après sa nomination au poste. Elle a fait valoir que le témoignage de l’inspecteur Dell’Anna selon lequel il avait discuté de l’expérience antérieure de la personne nommée avec l’inspectrice Cockle manquait de crédibilité. Elle a déclaré que, si cette conversation avait effectivement eu lieu, des renseignements à ce sujet auraient été inclus dans la justification de la nomination. L’absence de ces renseignements jette le doute sur son témoignage ultérieur.

[68] La plaignante a mentionné le fait que l’inspecteur Dell’Anna a affirmé qu’il ignorait les fonctions exercées par la personne nommée ou par Mme Church avant la reclassification, ce qui, à son avis, étaye l’affirmation selon laquelle il n’avait pas eu de conversation sérieuse avec l’inspectrice Cockle au sujet de la personne nommée avant de rédiger l’évaluation narrative. En outre, la plaignante s’est appuyée sur le témoignage de Mme Church, qui a déclaré qu’elle effectuait à elle seule de nombreuses fonctions liées au poste AS-02 nouvellement reclassifié avant la reclassification, pour prouver que la personne nommée n’avait pas acquis l’expérience nécessaire lorsqu’elle occupait le poste CR-05.

[69] La plaignante a fait valoir que l’évaluation narrative n’aurait dû porter que sur l’expérience acquise par la personne nommée avant sa nomination en janvier 2021. En intégrant des exemples d’expérience acquise pendant qu’elle occupait le poste, l’intimé a contourné les règles pour justifier sa décision. La plaignante a fait valoir qu’il s’agit là d’une injustice et d’une preuve de mauvaise foi.

[70] Enfin, la plaignante a fait valoir que la preuve démontrait que le poste de gestionnaire-coordonnateur des biens et des immeubles était entièrement nouveau. Elle a soutenu que l’argument de l’intimé selon lequel il s’agissait simplement du poste de la personne nommée auquel quelques fonctions avaient été ajoutées n’était pas étayé par la preuve. La plaignante a fait valoir que l’intimé avait utilisé le processus de reclassification à mauvais escient pour ne pas avoir à suivre les procédures appropriées. Elle a reconnu que la reclassification du poste ne relevait pas de la compétence de la Commission. Néanmoins, ce renseignement est pertinent, car il constitue un élément de preuve supplémentaire attestant la mauvaise foi de l’intimé. La plaignante a affirmé que la procédure appropriée aurait été d’abolir le poste de la personne nommée, puisqu’il avait cessé d’exister, et de suivre le processus de réaménagement des effectifs.

[71] La plaignante a invoqué la décision Ayotte c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2009 TDFP 21, au paragraphe 121, une décision dans laquelle l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique (le « Tribunal ») a conclu que l’intimé avait commis un abus de pouvoir en ne s’assurant pas que la personne nommée dans cette affaire possédait toutes les qualifications essentielles pour le poste avant de procéder à la nomination. Dans l’affaire Ayotte, comme dans la présente affaire, l’intimé a nommé une personne à un poste qu’il considérait comme similaire au poste précédent occupé par la personne nommée, à l’exception de quelques fonctions supplémentaires. Toutefois, le Tribunal a jugé que les qualifications essentielles étaient fondamentalement différentes et qu’elles exigeaient des compétences différentes.

[72] La plaignante a demandé à la Commission de parvenir à la même conclusion que dans la décision Ayotte. Elle a fait valoir que le poste de gestionnaire-coordonnateur des biens et des immeubles exigeait des compétences en gestion des biens, alors que le poste précédent de commis de détachement occupé par la personne nommée comportait essentiellement des fonctions administratives.

[73] La plaignante a affirmé que les éléments de preuve étayent l’allégation selon laquelle l’intimé a commis des erreurs et des omissions au cours du processus de nomination, lesquelles sont assimilables à de la mauvaise foi, et que les éléments de preuve, pris dans leur ensemble, démontrent que l’intimé a commis un abus de pouvoir.

2. Le choix d’opter pour un processus de nomination non annoncé constituait-il un abus de pouvoir?

[74] La plaignante a soutenu que l’intimé avait commis un abus de pouvoir dans le choix du processus de nomination en optant pour un processus non annoncé.

[75] La plaignante a affirmé que, bien que les employeurs disposent d’un pouvoir discrétionnaire important lorsqu’ils dotent des postes, dans le présent cas, l’intimé n’a pas respecté les quelques règles auxquelles il est soumis au titre de la Politique de nomination de la CFP. Plus précisément, elle a soutenu que l’intimé avait seulement fourni une justification écrite de sa décision une fois que celle-ci avait été prise et que la justification produite était insuffisante et fondée sur des renseignements lacunaires.

[76] La plaignante a affirmé que la justification de l’intimé, telle qu’elle est exposée dans son courriel du 20 juillet 2021, ne dissipe pas les préoccupations formulées par le Tribunal dans la décision Beyak c. Sous-ministre de Ressources naturelles Canada, 2009 TDFP 7, au paragraphe 151 (que la Commission a confirmées dans la décision Hunter c. Sous-ministre de l’Industrie, 2019 CRTESPF 83, au paragraphe 85) :

151 Le Tribunal se préoccupe du fait que l’exigence de produire une justification en ce qui a trait aux processus de nomination non annoncés semble se limiter au dépôt d’un document, sans égard à son contenu, et que, dans les plaintes en l’espèce, les raisons invoquées dans la justification n’ont pas été réellement examinées.

 

[77] Dans la décision Hunter, la Commission a reconnu que la Politique de nomination de la CFP « [...] oblige les administrateurs généraux à documenter correctement et à retenir les renseignements pendant au moins cinq ans après la dernière mesure administrative pour chaque nomination [...] » (au par. 64). Elle a déterminé que la justification avait été élaborée de mauvaise foi en raison d’erreurs et d’omissions, en partie parce que la justification avait été rédigée une fois qu’il avait été décidé d’embaucher la personne nommée et que les raisons qu’elle contenait n’étaient pas étayées par des éléments de preuve.

[78] La plaignante a soutenu que la même situation s’était produite dans le présent cas. La justification de l’intimé a été préparée le 20 juillet 2021, c’est-à-dire après la présentation de la plainte, et plus d’un mois après la publication de la NCR et près de six mois après la nomination.

[79] La plaignante a également invoqué les décisions Cameron c. Administrateur général de Service Canada, 2008 TDFP 16, et Ayotte, dans lesquelles le Tribunal a conclu que des erreurs et des omissions étaient assimilables à de la mauvaise foi, au point qu’il y avait eu abus de pouvoir. Dans ces affaires, comme dans les affaires Beyak et Hunter, la justification avait été rédigée après l’étape de la décision.

[80] La plaignante a renvoyé à la décision Merkley c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2017 CRTESPF 47, au paragraphe 25, une décision dans laquelle la Commission a déclaré : « Au moment de choisir un processus non annoncé, un employeur doit faire attention de ne pas favoriser une personne et doit évaluer de manière juste et objective les qualifications du candidat [...] »

[81] Dans le présent cas, la plaignante a affirmé que les éléments de preuve n’étayaient pas l’affirmation selon laquelle l’intimé avait évalué de manière juste et objective la personne nommée. Le témoignage de l’inspecteur Dell’Anna indique plutôt que l’inspectrice Cockle avait pris la décision de nomination avant son départ le 22 janvier 2021.

[82] La plaignante a invoqué la décision Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8, dans laquelle le Tribunal a défini cinq catégories d’abus de pouvoir. Les paragraphes 71 et 73 sont formulés comme suit :

71 Ce que ces cinq catégories d’abus ont toutes en commun est que le législateur n’aurait pu avoir l’intention de déléguer le pouvoir d’agir d’une façon si outrageuse, déraisonnable ou inacceptable [...]

[...]

73 L’abus de pouvoir constitue plus que simplement des erreurs ou omissions. Cependant, le fait que le délégué se fonde sur des éléments insuffisants, ou qu’il ait pris des mesures déraisonnables ou discriminatoires par exemple peut constituer des erreurs graves ou des omissions importantes qui équivalent à un abus de pouvoir, même si involontaire.

 

[83] La plaignante a soutenu que, dans le présent cas, l’intimé avait exercé son pouvoir discrétionnaire de mauvaise foi et avec une intention illégitime, dans le but de se soustraire au processus approprié, afin de justifier la nomination de la personne nommée. Il a déployé peu d’efforts pour suivre les quelques règles auxquelles il était assujetti au titre de la Politique de nomination de la CFP. La plaignante a soutenu que, en agissant de la sorte, l’intimé a clairement montré qu’il voulait nommer la personne nommée au poste pour des raisons autres que le mérite.

B. Pour l’intimé

1. La personne nommée respectait-elle les critères de mérite du poste?

[84] L’intimé a soutenu que la plaignante ne s’était pas acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer que l’intimé avait commis un abus de pouvoir dans l’application du principe du mérite. Il a fait valoir que la personne nommée était qualifiée pour exercer les fonctions du poste reclassifié et a affirmé que l’évaluation narrative démontrait qu’elle était qualifiée. Il s’est également appuyé sur le témoignage de l’inspecteur Dell’Anna concernant l’expérience pertinente acquise par la personne nommée lorsqu’elle travaillait à l’unité responsable des produits de la criminalité, ainsi que sur l’expérience qu’elle avait acquise en prenant part à des projets immobiliers, qu’elle avait commencés lorsqu’elle était sous les ordres de sa prédécesseure, l’inspectrice Cockle, et qu’elle avait menés à bien sous la supervision de l’inspecteur Dell’Anna.

[85] L’intimé a déclaré que les candidats sont évalués en fonction de l’énoncé des critères de mérite, ce qui permet d’établir leurs qualifications pour un poste, comme l’indique le libellé du paragraphe 30(2) de la LEFP. Il s’agit de la méthode utilisée pour déterminer si les candidats sont qualifiés pour exécuter les fonctions associées à un poste. Les candidats ne sont pas évalués en fonction des descriptions de travail.

[86] L’intimé a soutenu que la présente affaire se distingue de l’affaire Ayotte, laquelle concernait également des postes reclassifiés. Par exemple, en ce qui concerne les exigences en matière d’éducation, un baccalauréat était requis pour un poste, tandis qu’une « maîtrise » était exigée pour l’autre. En ce qui concerne l’expérience, un poste exigeait une expérience de travail en tant que concepteur dans le domaine de l’éducation ou de la formation, tandis que l’autre exigeait une expérience en matière de logiciels et de systèmes de gestion de l’apprentissage.

[87] L’intimé a affirmé que la plaignante n’avait fourni aucune preuve des qualifications essentielles requises pour le poste CR-05 qui auraient permis de réaliser la même analyse. L’intimé a répété que les candidats sont évalués en fonction de critères de mérite et non de descriptions de travail. Il a fait remarquer que, à la suite de la reclassification, le titre du poste est passé de commis de détachement à coordonnateur de détachement, et que ces titres sont perçus comme faisant partie d’un même continuum. De même, la classification du poste est passée de CR (Commis aux écritures et aux règlements) à AS (Services administratifs), qui sont tous deux des codes d’emploi administratifs.

[88] L’intimé a soutenu que l’affaire Ayotte est également fort différente de la présente affaire en ce sens que, dans l’affaire Ayotte, la question en litige portait sur la nomination d’une personne qui occupait un certain poste à un autre poste complètement différent. Ce n’est pas le cas dans la présente affaire, qui porte sur la nomination de la personne titulaire du poste à son poste reclassifié. L’intimé a expliqué que le poste CR-05 qu’elle occupait avait été converti en poste AS-02 par le groupe Organisation et classification sur la base des fonctions qui y étaient associées, dont la majorité était exercée par la titulaire du poste avant la reclassification de ce dernier.

[89] L’intimé a déclaré que la personne nommée respectait les critères de mérite du poste reclassifié.

2. Le choix d’opter pour un processus de nomination non annoncé constituait-il un abus de pouvoir?

[90] L’intimé a affirmé que la plaignante ne s’était pas acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer que l’intimé avait commis un abus de pouvoir lorsqu’il avait choisi de recourir à un processus de nomination non annoncé.

[91] L’intimé a déclaré que la justification de sa décision était formulée dans le courriel du 20 juillet 2021. Il a soutenu que ni le défaut de documenter la décision initialement ni la justification elle-même ne témoignaient d’une mauvaise foi ou d’une insouciance de sa part. Il a fait valoir qu’une omission n’était pas suffisante pour renverser le fardeau qui incombait à la plaignante et que la justification ne comportait pas d’éléments indiquant qu’il avait fait preuve de mauvaise foi.

[92] L’intimé a invoqué la décision Tibbs et a affirmé que l’abus de pouvoir est une question de degré. Pour qu’une conclusion d’abus de pouvoir puisse être tirée, l’erreur ou l’omission doit avoir été à ce point flagrante qu’elle n’aurait pas pu relever du pouvoir discrétionnaire du gestionnaire délégué. S’appuyant sur la décision Tibbs, il a soutenu qu’il était nécessaire de constater l’existence d’une lacune ou d’un acte répréhensible grave dans le processus.

[93] L’intimé a fait valoir que, quelle que soit la date à laquelle il avait justifié sa décision, il avait respecté les exigences de la Politique de nomination de la CFP. Il a déclaré que cette politique ne précise pas la date à laquelle la justification doit être préparée ni son contenu, mais qu’elle indique seulement que les administrateurs généraux doivent s’assurer que les renseignements sont accessibles pendant une période minimale de cinq ans. Le fait que le document a été préparé après la nomination n’est pas suffisant pour justifier une conclusion d’abus de pouvoir.

[94] L’intimé a invoqué l’affaire Bérubé-Savoie c. Sous-ministre de Ressources humaines et Développement des compétences Canada, 2013 TDFP 2, dans laquelle les documents de justification avaient été signés après la fin de la période d’une des nominations intérimaires en cause et peu de temps avant la fin de la période d’une autre nomination intérimaire. Même si les justifications avaient été présentées tardivement, le témoin, dans la décision Bérubé-Savoie, avait expliqué en quoi les nominations répondaient aux critères pertinents. Le Tribunal a conclu que, même si les documents de justification auraient dû être plus détaillés et n’étaient pas entièrement conformes aux politiques et lignes directrices du ministère et de la CFP, ils ne démontraient pas l’existence d’une négligence ou d’une insouciance telles que cela aurait pu constituer un abus de pouvoir.

[95] L’intimé a soutenu que la situation dans l’affaire Bérubé-Savoie était comparable à celle de la présente affaire. Il a renvoyé au courriel de Mme Pitre du 20 juillet 2021, dans lequel celle-ci admet avoir négligé de documenter les raisons pour lesquelles elle avait opté pour un processus de nomination non annoncé. Mme Pitre a confirmé la justification auprès de l’inspectrice Cockle et de l’inspecteur Dell’Anna. L’inspectrice Cockle a confirmé la justification dans un courriel de suivi, et l’inspecteur Dell’Anna est même allé au-delà de ce qui lui était demandé. Dans sa réponse par courriel, il a déclaré avec franchise qu’il n’était pas en mesure de se prononcer sur la partie du raisonnement portant sur le réaménagement des effectifs, car il n’avait qu’une connaissance limitée de ce processus à l’époque. Il a confirmé qu’il savait que la personne nommée exerçait les fonctions du poste depuis un certain temps et qu’elle était qualifiée pour les exercer, et qu’il en avait discuté avec l’inspectrice Cockle. Toutefois, contrairement à l’affaire Bérubé-Savoie, les motifs de la justification étaient clairs dans le présent cas.

[96] L’intimé a affirmé que la présente affaire se distinguait de la jurisprudence citée par la plaignante. Dans l’affaire Beyak, aucune justification écrite n’avait été préparée pour l’une des périodes d’intérim. De nombreuses autres erreurs avaient été commises, comme la décision de procéder intentionnellement à deux nominations intérimaires rétroactives distinctes, afin de se soustraire à l’exigence du Règlement sur l’emploi dans la fonction publique (DORS/2005-334) concernant la notification des nominations intérimaires, le défaut de mentionner la rétroactivité de la nomination intérimaire dans la justification et le fait que la justification indiquait que les candidats éventuels auraient accès au processus de nomination par l’intermédiaire du mécanisme de recours.

[97] Dans l’affaire Hunter, les erreurs et omissions étaient également beaucoup plus flagrantes. Entre autres, la justification n’était pas datée et l’intimé n’était pas en mesure de produire une évaluation narrative cohérente pour justifier sa conclusion. En outre, le gestionnaire d’embauche avait d’abord refusé de fournir au plaignant une justification écrite et avait déclaré qu’il n’était pas tenu d’en fournir une.

[98] Au contraire, dans le présent cas, la justification indiquait qu’il y avait eu une réflexion personnelle sur le défaut de documenter la décision de sélection, ce qui témoignait d’une volonté de corriger cette omission. La justification fournissait en outre des raisons cohérentes relativement au choix d’un processus non annoncé, lesquelles ont été étayées par des témoignages.

[99] L’intimé a déclaré qu’il n’était pas tenu d’examiner la candidature d’autres personnes pour le poste. L’article 33 de la LEFP précise que les gestionnaires peuvent utiliser un processus annoncé ou non annoncé pour procéder à une nomination. Le Tribunal a établi que le simple fait de recourir à un processus non annoncé ne constitue pas, en soi, un abus de pouvoir (voir Vaudrin c. Sous-ministre de Ressources humaines et Développement des compétences Canada, 2011 TDFP 19, au par. 51).

[100] L’intimé a déclaré que la [traduction] « justification écrite de la décision de sélection » indiquait trois raisons compréhensibles justifiant sa décision. Il a fait valoir que les raisons étaient claires et cohérentes et qu’elles étaient étayées par les éléments de preuve et la jurisprudence. Il a déclaré que les éléments de preuve démontraient que la personne nommée effectuait la majorité des fonctions du poste reclassifié avant d’être nommée à ce poste.

[101] L’intimé a également soutenu que la décision de recourir à un processus de nomination non annoncé pour nommer un employé qualifié était une décision juste et empreinte de bon sens dans un contexte où, autrement, la personne aurait fait l’objet d’un processus de réaménagement des effectifs. L’intimé s’est appuyé sur la décision Vaudrin pour étayer son argumentation. Le Tribunal a statué ce qui suit au paragraphe 56 de cette décision :

56 [...] l’intimé a nommé à ces postes les personnes qui accomplissaient déjà les tâches de ces postes, et dans certains cas depuis plusieurs années, afin d’éviter qu’ils ne se retrouvent sans emploi. La décision de l’intimé était juste et empreinte de bon sens.

 

[102] L’intimé a fait valoir que, comme dans l’affaire Vaudrin, il avait pris la décision juste et empreinte de bon sens de nommer la personne nommée au moyen d’un processus non annoncé, afin d’éviter la perte d’emploi potentielle qui aurait pu découler d’un processus annoncé. Il a affirmé que, dans l’ensemble, le choix d’un processus non annoncé était justifié par des raisons convaincantes.

[103] L’intimé a également soutenu que la Commission n’avait pas compétence pour se prononcer sur la décision de reclassification du poste. Ce point n’ayant pas été contesté, je n’ai pas reproduit les arguments de l’intimé à ce sujet.

C. Pour la CFP

[104] La CFP a présenté des arguments écrits avant l’audience et a déclaré qu’elle n’assisterait pas à l’audience. Elle a présenté une vue d’ensemble des dispositions législatives et des politiques applicables. Elle a déclaré qu’elle ne prenait pas position sur la question de savoir si sa Politique de nomination avait été respectée. Elle a déclaré que le respect de cette politique dépendait du contexte au moment où les décisions avaient été prises, ainsi que des témoignages et de la crédibilité des témoins.

[105] Dans son recueil de jurisprudence, la CFP a inclus la décision Robert c. Sous-ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 TDFP 24, car elle considère que cette décision énonce les principes généralement acceptés en matière de processus de nomination non annoncés.

D. Réponse de la plaignante aux arguments de l’intimé

[106] La plaignante s’est opposée à certains renseignements contenus dans les arguments de l’intimé qui n’ont pas été présentés à l’audience. J’ai pris note de ces renseignements, ainsi que de ceux qui ont été présentés par la représentante de la plaignante, et je ne les ai pas mentionnés dans la présente décision, puisqu’ils n’étaient étayés par aucune preuve.

V. Analyse et motifs

A. La nomination était-elle fondée sur le mérite?

[107] La plaignante a affirmé que la nomination n’était pas fondée sur le mérite. Le fardeau de la preuve incombait à la plaignante, qui devait s’en acquitter selon la norme de la prépondérance des probabilités (voir Tibbs).

[108] La LEFP prévoit que les qualifications d’une personne nommée doivent être évaluées avant qu’une décision de nomination ne soit prise.

[109] Le paragraphe 30(1) de la LEFP prévoit que toutes les nominations à la fonction publique « [...] sont fondées sur le mérite [...] ». Le sens du terme « mérite » est défini au paragraphe 30(2) :

Définition du mérite

Meaning of merit

30(2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

30(2) An appointment is made on the basis of merit when

a) selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles — notamment la compétence dans les langues officielles — établies par l’administrateur général [...]

(a) the Commission is satisfied that the person to be appointed meets the essential qualifications for the work to be performed, as established by the deputy head ....

 

[110] L’obligation d’évaluer le mérite avant de prendre une décision de nomination se retrouve également dans la Politique de nomination de la CFP. On y trouve les renseignements pertinents suivants :

[...]

Application

La Politique de nomination de la Commission de la fonction publique (CFP) s’applique à toutes les nominations à la fonction publique et au sein de celle-ci conformément à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique.

Objectif de la politique

Les nominations à la fonction publique et au sein de celle-ci doivent être fondées sur le mérite et indépendantes de toute influence politique.

[...]

Exigences de la politique

Les administrateurs généraux doivent :

[...]

Avant la nomination

[...]

14. Communiquer par écrit les notifications pour les processus de nomination internes aux personnes qui ont le droit d’être informées;

· les notifications de candidature retenue doivent inclure la date de fin de la période d’attente. La durée de la période d’attente doit être d’au moins cinq jours civils;

· les notifications de nomination ou de proposition de nomination doivent inclure des renseignements sur le droit de présenter une plainte devant la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral, les motifs pour lesquels une plainte peut être présentée, ainsi que les modalités et les délais à respecter pour présenter une plainte.

Lors de la nomination

15. S’assurer que les personnes à nommer :

· possèdent chacune des qualifications essentielles [...]

[...]

[Je mets en évidence certains passages, et d’autres passages en évidence le sont dans l’original.]

 

[111] L’alinéa 77(1)a) confère à la Commission la compétence d’examiner les nominations afin de déterminer s’il y a eu abus de pouvoir dans l’exercice des pouvoirs conférés en vertu du paragraphe 30(2), c’est-à-dire de déterminer si une nomination était fondée sur le mérite.

[112] Dans le présent cas, après examen de l’ensemble de la preuve présentée, je conclus que l’intimé a commis un abus de pouvoir en négligeant de s’assurer que la personne nommée possédait deux des qualifications essentielles pour le travail à accomplir avant sa nomination. Je suis parvenue à cette conclusion pour les motifs exposés ci-après.

1. La date de la nomination

[113] Comme il a été mentionné précédemment, la date de la nomination est importante, car elle fixe la date à laquelle une personne nommée doit posséder les qualifications essentielles pour un poste. Dans ses arguments, l’intimé a soutenu que la nomination n’avait été définitive qu’après l’expiration de la période d’attente indiquée dans la NCR publiée le 16 juin 2021.

[114] La NCR a été publiée le 16 juin 2021 et indiquait que la candidature de la personne nommée [traduction] « était prise en considération » pour le poste de gestionnaire-coordonnateur des biens et des immeubles, un poste de groupe et niveau AS-02. La NNPN a été publiée le 28 juin 2021, confirmant la nomination de la personne nommée. Elle n’indique pas la date de la nomination, mais la date de clôture de la période de plainte était le 13 juillet 2021.

[115] En contradiction directe avec la NCR et la NNPN, le courriel de l’inspectrice Cockle daté du 22 janvier 2021 et portant l’objet [traduction] « Le nouveau commandant et la nouvelle coordonnatrice du détachement » indique : [traduction] « [La personne nommée] a récemment été nommée coordonnatrice du détachement. »

[116] De la même façon, l’inspecteur Dell’Anna a déclaré que la décision de reclassifier le poste de la personne nommée et de la nommer à ce poste sans lancer de processus de nomination annoncé avait déjà été prise lorsqu’il était devenu commandant de détachement le 1er février 2021. Il a déclaré que son rôle était de mener à bien le processus de nomination, mais que la personne nommée [traduction] « occupait déjà le poste » lorsqu’il était arrivé. Il a affirmé qu’il ne connaissait pas la date réelle de la nomination.

[117] Compte tenu des éléments de preuve présentés, je ne suis pas en mesure de déterminer la date réelle de la nomination, mais j’estime qu’elle a eu lieu en janvier 2021 ou plus tôt, ce qui est problématique, puisque la NCR et la NNPN n’ont été publiées qu’en juin 2021, soit cinq mois après la nomination. Une telle situation est manifestement contraire à la LEFP.

2. L’évaluation des qualifications de la personne nommée

[118] La plaignante affirme que la personne nommée ne possédait pas deux des qualifications essentielles requises pour le poste AS-02, à savoir l’expérience de la gestion de l’exploitation et de l’entretien des immeubles et des biens et l’expérience du travail avec la clientèle externe.

[119] À l’appui de ses prétentions, la plaignante a présenté des éléments de preuve selon lesquels 1) avant la reclassification, Mme Church était la seule personne à effectuer bon nombre des fonctions associées au nouveau poste AS-02, ce qui démontre que certaines des fonctions du nouveau poste AS-02 n’avaient jamais été exercées par la personne nommée, et 2) l’évaluation narrative a été préparée cinq mois après que la décision de nomination a été prise et se fondait sur une expérience acquise par la personne nommée après sa nomination au poste.

[120] J’estime qu’il s’agit là d’une preuve suffisante pour mettre en doute le fait que l’intimé ait correctement évalué les qualifications de la personne nommée en fonction des critères de mérite avant de la nommer.

[121] La plaignante a invoqué la décision Ayotte, dans laquelle le Tribunal a jugé que l’intimé avait abusé de son pouvoir en ne s’assurant pas que la personne nommée dans cette affaire possédait toutes les qualifications essentielles du poste avant de procéder à la nomination. Je considère que les passages suivants de la décision Ayotte sont pertinents dans le présent cas :

[...]

118 Dans la décision Tibbs, le Tribunal a conclu qu’en l’absence de preuve contraire, le Tribunal peut tirer des conclusions raisonnables sur la base de faits non contestés :

[54] Bien qu’il soit possible pour l’intimé, pour sa part, de nier tout simplement l’allégation, une fois que le plaignant a présenté certains éléments de preuve pour appuyer son allégation qu’un abus de pouvoir a eu lieu, il voudra vraisemblablement invoquer un moyen de défense positif à l’égard de l’allégation. De plus, il est possible pour le Tribunal de tirer des conclusions raisonnables de faits non contestés. Par conséquent, si l’intimé ne présente pas d’éléments de preuve pour expliquer les motifs d’une ligne de conduite particulière, il risque de devoir faire face à une décision défavorable par le Tribunal, soit que la plainte est fondée : Gorsky, Uspich et Brandt, supra, aux pp. 9‐15 et 9‐16.

119 Le curriculum vitae de Mme Seidman n’a pas été produit en preuve. Ce document aurait pu indiquer si Mme Seidman possédait l’expérience requise. Le Tribunal n’a devant lui que le témoignage du major Cyr selon lequel Mme Seidman était qualifiée et qu’elle a été embauchée pour une durée déterminée à l’automne 2006 au moyen d’un processus externe afin de remplacer le titulaire du poste de chef de la section des technologies éducatives. Ce témoignage ne suffit pas à lui seul à réfuter les affirmations des plaignantes. C’est l’intimé qui est responsable de mener à bien les processus de nomination et il détient toute l’information relative à ces processus. Il est donc en position de présenter des éléments de preuve pouvant expliquer la façon dont un processus de nomination a été mené.

120 Le Tribunal a abordé une situation semblable dans la décision Cameron et Maheux, où l’intimé a omis de présenter en preuve le curriculum vitae et le rapport d’évaluation de la personne nommée :

[81] Le fait que le curriculum vitae et le rapport d’évaluation de Mme Bouchard n’ont pas été présentés par l’intimé laisse le Tribunal perplexe. Le Tribunal estime que la simple affirmation de Mme Domingue que Mme Bouchard répondait à l’ensemble des qualifications n’est pas suffisante compte tenu de la preuve avancée par les plaignants. L’intimé détient toute l’information sur le processus de nomination et il est en mesure de présenter une preuve complète pour expliquer le processus de nomination s’il s’est déroulé de façon différente que celle avancée par les plaignants. Il se peut que l’intimé ait choisi de ne pas déposer en preuve ces documents parce que les documents n’existent pas ou que leur divulgation mettrait en doute les qualifications essentielles de Mme Bouchard. Il peut y avoir d’autres raisons, mais en l’absence de ces documents, le Tribunal rend sa décision sur la base de la preuve prépondérante.

121 La preuve portée à la connaissance du Tribunal l’amène à conclure que l’intimé a abusé de son pouvoir, parce qu’il ne s’est pas assuré que Mme Seidman possédait toutes les qualifications essentielles avant de la nommer. L’intimé s’est appuyé sur des éléments matériels insuffisants lorsqu’il a nommé Mme Seidman au poste visé. Par conséquent, le Tribunal juge que la nomination de Mme Seidman au poste de chef de la section du programme d’anglais n’a pas été effectuée sur la base du mérite; en effet, rien ne permet de conclure que toutes les qualifications essentielles ont été évaluées ou que Mme Seidman les possédait toutes.

[...]

[Je mets en évidence.]

 

[122] Comme il est précisé dans la décision Ayotte, l’intimé possède tous les renseignements sur le processus de nomination et devrait donc être en mesure de fournir des éléments de preuve complets pour réfuter l’affirmation de la plaignante selon laquelle il y a eu abus de pouvoir.

[123] L’intimé ne l’a pas fait. Il n’a fourni aucune preuve directe établissant que, lorsque la décision a été prise en janvier 2021, ou avant, les qualifications de la personne nommée avaient véritablement été évaluées. Le seul témoin de l’intimé, l’inspecteur Dell’Anna, a déclaré que la décision avait déjà été prise lorsqu’il avait repris en charge le processus en février 2021. Son évaluation narrative des deux critères d’expérience contestés était fondée sur ses observations personnelles de la personne nommée alors qu’elle occupait déjà le poste.

[124] L’inspecteur Dell’Anna a déclaré que son rôle consistait à documenter la décision de nomination que l’inspectrice Cockle avait déjà prise. Toutefois, l’inspectrice Cockle n’a pas été appelée à témoigner.

[125] L’inspecteur Dell’Anna a déclaré que, après son entrée en poste en tant que commandant de détachement le 1er février 2021, il avait reçu une [traduction] « version préliminaire » de l’énoncé des critères de mérite. Il n’a pas précisé quand l’énoncé avait été achevé. Ce point est lui aussi problématique, car la personne nommée l’avait été avant cette date. En outre, aucune preuve n’a été présentée pour établir que l’inspectrice Cockle avait évalué les qualifications de la personne nommée en fonction de ces critères lorsqu’elle avait pris la décision de la nommer.

[126] Deux courriels de l’inspectrice Cockle ont été versés en preuve. Le premier est celui du 22 janvier 2021, dans lequel elle annonce la nomination. Le second, daté du 20 juillet 2021, traitait plus particulièrement de la justification de sa décision. Il a été envoyé en réponse à Mme Pitre, qui lui demandait de confirmer les raisons de la décision de sélection. Toutefois, il est intéressant de constater que l’inspectrice Cockle n’a pas déclaré qu’elle approuvait la justification. Elle a plutôt déclaré ce qui suit : [traduction] « [...] je peux confirmer qu’il s’agit bien des renseignements que vous m’avez fournis au sujet de [la personne nommée] ». Cet élément de preuve ne confirme en aucune façon que l’inspectrice Cockle a évalué les qualifications de la personne nommée avant de prendre sa décision. Au contraire, il démontre une tentative de l’inspectrice Cockle de se distancier de la décision.

[127] L’inspecteur Dell’Anna a déclaré avoir joué un rôle déterminant dans la préparation de l’évaluation narrative des qualifications de la personne nommée, qui porte sa signature. Il a déclaré que son rôle consistait à rassembler tous les renseignements nécessaires pour mener à bien le processus de nomination.

[128] Le document a été achevé cinq mois après la nomination. Lorsqu’on lui a demandé d’expliquer ce retard, l’inspecteur Dell’Anna a déclaré qu’il venait d’être nommé à ce poste, qu’il était très occupé et qu’il devait mieux connaître et comprendre les qualifications de la personne nommée et la façon dont elle répondait aux critères de mérite. Cette déclaration est cohérente avec l’évaluation narrative, qui est fondée sur ses observations personnelles de la personne nommée. Cela est également problématique, car ses observations ont été faites après la nomination.

[129] Malgré les lacunes de l’évaluation narrative, l’inspecteur Dell’Anna a évoqué, lors de l’audience, l’expérience professionnelle acquise par la personne nommée au regard des qualifications essentielles avant sa nomination. Je me concentrerai uniquement sur [traduction] « l’expérience de la gestion de l’exploitation et de l’entretien d’immeubles et de biens loués ou appartenant à l’organisation » et sur [traduction] « l’expérience du travail avec la clientèle externe », étant donné que les autres qualifications ne sont pas contestées.

[130] En ce qui concerne l’expérience antérieure de la personne nommée en matière de travail avec la clientèle externe, l’inspecteur Dell’Anna a décrit l’expérience de la personne nommée au sein de l’unité responsable des produits de la criminalité. Toutefois, il a admis qu’il n’avait pas travaillé directement avec elle à l’époque et qu’il avait seulement entendu parler d’elle. Il n’a pas précisé le poste qu’elle occupait dans cette unité ni comment il avait eu connaissance de son expérience. Plus important encore, aucun élément de cette expérience n’a été inclus dans l’évaluation narrative. Ainsi, rien ne prouve que l’inspectrice Cockle s’est appuyée sur cette expérience antérieure pour prendre sa décision de nomination. Au contraire, les éléments de preuve tendent à montrer qu’elle n’a pas été prise en considération, puisqu’il va de soi qu’elle aurait été incluse dans l’évaluation narrative si tel avait été le cas.

[131] Lorsqu’on lui a demandé comment il s’était assuré de l’expérience de la personne nommée en matière de gestion de l’exploitation et de la maintenance d’immeubles et de biens loués ou appartenant à l’organisation, l’inspecteur Dell’Anna a déclaré qu’il s’était entretenu avec l’inspectrice Cockle lors de la préparation de l’évaluation narrative. La plaignante a fait valoir que ce témoignage manquait de crédibilité, car, si ces discussions avaient eu lieu, le contenu de l’évaluation narrative en ferait état. Je conviens que l’absence de cet élément dans l’évaluation narrative jette un doute sur le degré de détail de ces discussions, sur lesquelles je reviendrai plus loin dans la présente décision.

[132] L’inspecteur Dell’Anna a déclaré qu’il savait que la personne nommée avait aidé l’inspectrice Cockle dans le cadre d’un certain nombre de projets visant à moderniser leurs bureaux. Il a déclaré qu’elle était chargée d’aider à préparer les plans pour les petites entreprises en remplissant un gabarit afin que les fonds puissent être approuvés avant que l’équipe des Services immobiliers n’intervienne. Cependant, il a également déclaré que c’est l’équipe des Services immobiliers qui était responsable de la collaboration directe avec les tiers. Il a déclaré avoir été à même de constater que la personne nommée avait de l’expérience dans la gestion des biens immobiliers puisqu’elle lui avait expliqué ce qu’il devait savoir lorsqu’il était entré en fonction. Il a déclaré qu’elle avait une bonne compréhension des opérations quotidiennes et des liens d’interdépendance. Il a déclaré que plusieurs entités et sociétés différentes avaient un rôle à jouer dans la gestion des biens de leur installation. Il a affirmé avoir constaté qu’elle connaissait parfaitement le fonctionnement de l’immeuble et était au fait des responsabilités de chacun, ce qui lui permettait d’orienter les gens vers la bonne personne si elle n’était pas elle-même responsable d’une tâche.

[133] En contre-interrogatoire, l’inspecteur Dell’Anna a ajouté que la personne nommée était en contact avec l’équipe des Services immobiliers et BGIS. Il a déclaré que, au moment où il avait commencé à occuper le poste de commandant de détachement, la personne nommée avait participé à différents projets et était responsable de la coordination de plusieurs aspects des projets avec l’équipe des Services immobiliers. Certains de ces projets s’étaient poursuivis après son arrivée.

[134] À ce sujet, Mme Church a déclaré qu’il lui incombait principalement d’assurer la liaison et la coordination avec BGIS, mais que la personne nommée préparait les formulaires de demande pour certains meubles de bureau et assurait la liaison avec l’équipe des Services immobiliers pour trouver le mobilier. Ces formulaires de demande sont très probablement les gabarits dont l’inspecteur Dell’Anna a fait mention dans son témoignage.

[135] Après avoir examiné les témoignages des parties, j’estime qu’aucun des éléments de preuve présentés par l’intimé ne porte sur l’expérience réelle de la personne nommée en matière de gestion des biens immobiliers. Au contraire, il ne parle que de sa connaissance des différentes entités participant à la gestion des biens immobiliers de l’installation, ainsi que de son expérience de la préparation de gabarits ou de formulaires de demande à envoyer à l’équipe des Services immobiliers pour l’achat de mobilier. Son témoignage selon lequel la personne nommée avait participé à différents projets et était responsable de la coordination de divers aspects des projets avec l’équipe des Services immobiliers était tout simplement trop général pour être concluant.

[136] L’intimé a également présenté des observations contradictoires concernant l’expérience acquise par la personne nommée lorsqu’elle occupait son poste CR-05. Il a parfois soutenu que son poste CR-05 avait évolué au fil des ans et qu’il avait simplement été réévalué à un niveau plus élevé, tandis que, à d’autres moments, il a déclaré que de nouvelles fonctions avaient été ajoutées au poste avant qu’il ne soit reclassifié. L’opinion de l’inspecteur Dell’Anna correspondait certainement à la première affirmation. Il a déclaré à deux reprises au cours de son témoignage qu’il pensait que la personne nommée occupait le poste depuis 2016. Cette opinion était fondée sur le fait que l’inspectrice Cockle lui avait dit que, après son arrivée, elle avait remarqué que la personne nommée effectuait plus de fonctions que celles qui relevaient de son poste CR-05, qu’elle avait préparé une liste des tâches effectuées par la personne nommée et qu’elle l’avait envoyée au groupe Organisation et classification pour examen, après quoi le poste avait été reclassifié à un niveau plus élevé. Selon l’inspecteur Dell’Anna, la seule nouvelle fonction qui avait été ajoutée au poste de la personne nommée était le renouvellement de la licence pour le bunker.

[137] Le courriel du 20 juillet 2021 envoyé par l’inspecteur Dell’Anna en réponse à la justification de la décision de sélection de Mme Pitre le confirme. Dans ce courriel, il déclare ce qui suit : [traduction] « Je sais que [la personne nommée] exerçait les fonctions du poste reclassifié depuis un certain temps et qu’elle était certainement qualifiée pour exercer les fonctions du poste reclassifié, selon les discussions que j’avais eues à ce sujet avec la surintendante Cockle. »

[138] Mme Church a apporté la preuve du contraire. Elle a déclaré que [traduction] « un grand nombre » des fonctions du poste AS-02 reclassifié ou [traduction] « beaucoup d’entre elles » étaient des fonctions qu’elle exerçait elle-même dans le cadre de son poste. De plus, elle a déclaré que, avant la reclassification, c’est elle, et non la personne nommée, qui exécutait [traduction] « bon nombre » des fonctions du nouveau poste AS-02. Bien que Mme Church ait reconnu que la personne nommée assumait en partie au moins certaines des fonctions décrites dans la description du poste AS-02, elle a déclaré qu’elle seule assurait la liaison avec les unités des biens et de l’approvisionnement pour les questions générales relatives à l’immeuble et aux problèmes quotidiens.

[139] Les affirmations de Mme Church sont corroborées par le courriel du 20 juillet 2021 concernant la justification de la décision de sélection, qui indique que la personne nommée effectuait [traduction] « [...] la majorité des fonctions du poste reclassifié depuis 2016 ». Cela confirme que certaines des fonctions étaient nouvelles pour la personne nommée. Il convient de noter que le terme [traduction] « majorité » signifie simplement plus de la moitié.

[140] Le témoignage de l’inspecteur Dell’Anna ne réfute en rien le témoignage de Mme Church. En vérité, il a admis qu’il n’était pas au fait des fonctions exercées par la personne nommée ou par Mme Church avant la reclassification. Le fait qu’il n’ait pas eu connaissance des fonctions exercées par la personne nommée avant la reclassification permet de conclure qu’il a simplement accepté l’affirmation de l’inspectrice Cockle selon laquelle la personne nommée occupait le poste depuis 2016, sans chercher à connaître les détails de son expérience avant qu’elle ne soit nommée.

[141] Comme il est expliqué dans la décision Merkley, au moment de choisir un processus non annoncé, un employeur doit faire attention de ne pas favoriser une personne et doit évaluer de manière juste et objective les qualifications du candidat. Je n’ai obtenu aucune preuve attestant que l’intimé a adopté cette démarche.

[142] À la lumière de la preuve présentée, je ne peux conclure qu’il y a eu évaluation de la personne nommée en fonction de l’énoncé des critères de mérite du poste AS-02 avant sa nomination afin de s’assurer qu’elle possédait les qualifications essentielles pour le travail à accomplir. Par conséquent, je conclus que l’intimé a commis un abus de pouvoir.

B. La décision d’opter pour un processus de nomination non annoncé constituait-elle un abus de pouvoir?

[143] L’article 33 de la LEFP confère à l’intimé un pouvoir discrétionnaire considérable pour ce qui est du choix d’un processus de nomination annoncé ou non annoncé. Cependant, en vertu de l’alinéa 77(1)b), la Commission a compétence pour examiner cette décision, afin de déterminer s’il y a eu abus de pouvoir dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire.

[144] C’est à la plaignante qu’incombait le fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que l’intimé avait commis un abus de pouvoir. La Commission a statué de façon constante que l’abus de pouvoir ne se limitait pas à de simples erreurs ou omissions (voir Tibbs, par exemple).

[145] La plaignante a soutenu que la décision d’opter pour un processus non annoncé constituait un abus de pouvoir au motif que la justification de la décision de sélection avait été rédigée après qu’il avait été décidé de nommer la personne nommée et que les motifs invoqués n’étaient pas étayés par des éléments de preuve.

[146] L’intimé a admis qu’il avait dans un premier temps omis de documenter sa justification. Cependant, il a soutenu que le retard était dû à un simple oubli et qu’une fois le document préparé, celui-ci satisfaisait à la Politique de nomination de la CFP. Selon lui, une seule omission ne suffit pas à établir un abus de pouvoir. Il a fait remarquer que la Politique de nomination ne précise pas le moment auquel la justification de la décision de sélection doit être préparée, ni son contenu.

[147] Dans ses observations, la CFP a invoqué la décision Robert qui, selon elle, énonce les principes généralement acceptés en matière de processus de nomination non annoncés. Le paragraphe 59 traite expressément du lien entre la justification écrite d’une décision et le devoir de transparence de l’intimé, et il est formulé en ces termes :

59 Dans le préambule de la LEFP, on trouve l’objet de la Loi et on peut lire que la fonction publique se distingue par ses « pratiques d’emploi (...) transparentes ». Le Canadian Oxford Dictionary définit le terme « transparent », lorsqu’il est lié aux opérations et aux activités au sein du milieu des affaires et du gouvernement, comme étant « ouvert à l’examen du public » [Traduction]. Ainsi, dans les processus de nomination non annoncés, les personnes faisant partie de la zone de recours peuvent porter plainte au Tribunal en raison d’un abus de pouvoir. La LEFP exige que les personnes faisant partie de la zone de recours reçoivent une notification concernant les nominations faites ou proposées.

 

[148] Comme il est souligné dans la décision Robert lorsqu’il est question du préambule de la LEFP, la justification écrite de la décision de sélection est essentielle pour assurer la transparence et la responsabilité, puisqu’elle détaille les raisons pour lesquelles une décision a été prise.

[149] La justification de la décision de sélection figurant dans le courriel du 20 juillet 2021 mentionne trois motifs justifiant la décision de nommer la personne nommée sans tenir de processus de nomination annoncé : 1) la personne nommée exécutait la majorité des fonctions du poste reclassifié depuis 2016, 2) la personne nommée était qualifiée pour exécuter toutes les fonctions du poste reclassifié, et 3) le fait de ne pas sélectionner la personne nommée aurait pu entraîner une situation de réaménagement des effectifs. J’examine chaque motif l’un après l’autre dans les sections suivantes.

1. La personne nommée exerçait la majorité des fonctions du poste reclassifié depuis 2016

[150] Aucune preuve n’a été apportée pour étayer cette première affirmation. L’inspecteur Dell’Anna a déclaré ne pas avoir vérifié les fonctions qu’assumait la personne nommée avant qu’elle ne commence à relever de l’inspectrice Cockle. Il a déclaré qu’il n’avait parlé à aucun des anciens commandants de détachement qui avaient supervisé la personne nommée. Il n’avait appris que de façon indirecte, par l’inspectrice Cockle, que la personne nommée effectuait davantage de fonctions que ce que prévoyait sa description de poste CR-05, mais il ne savait pas quelles étaient ces fonctions. Comme il a été établi précédemment, l’inspecteur Dell’Anna ne savait pas quelles tâches accomplissaient la personne nommée et Mme Church avant la reclassification. Il ne pouvait donc pas savoir si la personne nommée exécutait la majorité des fonctions du poste reclassifié depuis 2016.

2. La personne nommée était qualifiée pour exercer toutes les fonctions du poste reclassifié

[151] Pour les motifs déjà énoncés dans la présente décision, la preuve ne permet pas de conclure que la personne nommée était qualifiée pour exercer toutes les fonctions du poste reclassifié.

3. Le fait de ne pas sélectionner la personne nommée aurait pu entraîner un réaménagement des effectifs

[152] Bien que la preuve contienne des indications selon lesquelles la personne nommée aurait pu faire l’objet d’un processus de réaménagement des effectifs si elle n’avait pas été nommée, aucune preuve réelle n’a été présentée à l’appui de cette affirmation.

[153] Cependant, même si j’acceptais cette hypothèse, il ne s’agirait pas d’un motif légitime pour nommer la personne nommée, étant donné que les deux affirmations précédentes de la justification de la décision de sélection ne sont pas étayées par des éléments de preuve.

[154] L’intimé s’est appuyé sur la décision Vaudrin pour étayer son argumentation. Dans la décision Vaudrin, le Tribunal a jugé que l’intimé avait pris une décision juste et empreinte de bon sens en nommant des personnes afin d’éviter une situation de réaménagement des effectifs. Toutefois, dans la décision Vaudrin, le Tribunal a jugé que les personnes nommées avaient déjà exercé les fonctions du poste, dans certains cas pendant de nombreuses années.

[155] Comme il a été constaté précédemment, les éléments de preuve n’étayent pas l’affirmation selon laquelle la personne nommée exerçait déjà les fonctions du poste avant la reclassification ou l’affirmation selon laquelle un réaménagement des effectifs aurait pu avoir lieu. Je ne peux donc pas arriver à la même conclusion que celle qui a été tirée dans la décision Vaudrin.

[156] L’intimé a également invoqué la décision Bérubé-Savoie, dans laquelle le Tribunal est parvenu à la conclusion suivante :

[...]

60 Le Tribunal estime que ces processus n’ont pas été bien consignés dès le début. L’intimé aurait dû préparer une justification plus détaillée au moment de chaque prolongation des nominations intérimaires de Mmes Goral et Paulin. De plus, les évaluations des personnes nommées auraient dû être plus explicites et démontrer comment ces dernières satisfaisaient aux qualifications requises. De même, les notifications des nominations intérimaires auraient dû être publiées dès la prolongation des nominations de Mmes Goral et Paulin. Cependant, lors de l’audience, l’intimé a fourni les détails concernant les justifications, les évaluations et les notifications et démontré que les nominations de Mmes Goral et Paulin étaient justifiées. Dans leur ensemble, les faits et la preuve ne démontrent pas d’abus de pouvoir.

[...]

 

[157] Après avoir examiné les faits de l’affaire Bérubé-Savoie, je ne peux arriver à la même conclusion. Dans l’affaire Bérubé-Savoie, la gestionnaire responsable de la nomination a expliqué dans son témoignage qu’elle s’était assurée que les personnes nommées avaient l’expérience requise avant leur nomination et elle a fourni des éléments de preuve à l’appui. Il est impossible d’en dire autant dans le présent cas.

[158] Par conséquent, j’estime que la justification fournie pour procéder à une nomination non annoncée était inappropriée, car les trois motifs fournis dans la justification de la décision de sélection de l’intimé n’étaient pas étayés par la preuve. Par conséquent, je conclus que l’intimé a commis un abus de pouvoir en optant pour un processus de nomination non annoncé.

C. S’il y a eu abus de pouvoir, quelle est la mesure corrective appropriée?

[159] En ce qui concerne les mesures correctives, la plainte indique ce qui suit : [traduction] « Je suis d’avis que le ministère devrait mener un processus de sélection ouvert permettant à tous les employés de poser leur candidature et d’être évalués de façon juste. »

[160] Au cours des conférences préparatoires à l’audience, la question des mesures correctives a été abordée; en particulier, il a été question du fait que la Commission n’a pas compétence pour ordonner la tenue d’un nouveau processus de nomination (voir l’art. 82 de la LEFP ci-dessous).

[161] Le paragraphe 81(1) et l’article 82 de la LEFP traitent du pouvoir discrétionnaire de la Commission en matière de mesures correctives. Voici les extraits pertinents :

Plainte fondée

Corrective action when complaint upheld

81 (1) Si elle juge la plainte fondée, la Commission des relations de travail et de l’emploi peut ordonner à la Commission ou à l’administrateur général de révoquer la nomination ou de ne pas faire la nomination, selon le cas, et de prendre les mesures correctives qu’elle estime indiquées.

81 (1) If the Board finds a complaint under section 77 to be substantiated, the Board may order the Commission or the deputy head to revoke the appointment or not to make the appointment, as the case may be, and to take any corrective action that the Board considers appropriate.

[...]

...

Restriction

Restrictions

82 La Commission des relations de travail et de l’emploi ne peut ordonner à la Commission de faire une nomination ou d’entreprendre un nouveau processus de nomination.

82 The Board may not order the Commission to make an appointment or to conduct a new appointment process.

 

[162] La représentante de la plaignante a précisé la mesure corrective demandée par la plaignante. Elle a déclaré que la plaignante ne demandait pas la révocation de la nomination. Elle souhaite plutôt obtenir une déclaration selon laquelle l’intimé a commis un abus de pouvoir et obtenir des dommages-intérêts pour les actes inappropriés de l’intimé.

[163] La question du pouvoir de la Commission en matière de mesures correctives dans les cas où une nomination n’était pas fondée sur le mérite a fait l’objet de plusieurs décisions de la Commission. Dans le cas présent, je ne suis pas disposée à ordonner la révocation de la nomination, étant donné que la plaignante ne demande pas cette mesure corrective.

[164] En ce qui concerne la demande de dommages-intérêts de la plaignante, cette dernière a déclaré qu’un processus annoncé lui aurait permis d’être placée dans un bassin de candidats, ce qui aurait pu la faire accéder à d’autres possibilités de nomination à un niveau plus élevé. Elle a déclaré qu’elle prendrait bientôt sa retraite et qu’une nomination à un niveau supérieur lui procurerait un salaire plus élevé et, en fin de compte, une pension plus élevée.

[165] Ce témoignage est très hypothétique, tout comme le fait que la plaignante aurait fait partie d’un bassin de candidats et qu’elle aurait été promue. En outre, la représentante de la plaignante n’a fait aucune déclaration à l’appui de sa demande de dommages-intérêts.

[166] Pour ces motifs, je limite la mesure corrective accordée dans la présente décision à une déclaration selon laquelle l’intimé a commis un abus de pouvoir.

[167] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI. Ordonnance

[168] La plainte est accueillie.

[169] Je déclare que l’intimé a commis un abus de pouvoir dans l’application du principe du mérite et dans le choix d’un processus de nomination non annoncé dans le processus de nomination 21-RCM-INA-O-LON-GTSOC-NEW-97670.

Le 17 octobre 2024.

Traduction de la CRTESPF

Audrey Lizotte,

une formation de la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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