Décisions de la CRTESPF
Informations sur la décision
Le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé un grief contre la décision de l’employeur de mettre fin à son emploi – en se fondant sur la documentation au dossier, la Commission a déterminé que l’affaire portait toutes les marques d’un fonctionnaire s’estimant lésé qui avait abandonné son grief, puisque le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas fourni ses coordonnées à jour à la Commission, au minimum, ou à son ancien agent négociateur, son ancien employeur et la Commission, tout au plus – la Commission a conclu que ce comportement démontrait que le fonctionnaire s’estimant lésé avait, à toutes fins utiles, abandonné son grief – l’intérêt public et l’administration efficace de la justice ont également pesé en faveur de cette conclusion.
Grief rejeté.
Contenu de la décision
Date: 20241114
Dossier: 566-34-43255
Référence: 2024 CRTESPF 156
relations de travail et de l’emploi
dans le secteur public fédéral et
Loi sur les relations de travail
dans le secteur public fédéral
|
Entre
Guillaume Meisterhans
fonctionnaire s’estimant lésé
et
Agence du revenu du Canada
employeur
Meisterhans c. Agence du revenu du Canada
Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage
Devant : John G. Jaworski, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Lui-même
Pour l’employeur : James Elford, avocat
Décision rendue sur la base de la documentation au dossier.
(Traduction de la CRTESPF)
MOTIFS DE DÉCISION |
(TRADUCTION DE LA CRTESPF) |
I. Le grief individuel renvoyé à l’arbitrage et les faits pertinents à la présente décision
[1] Guillaume Meisterhans (le « fonctionnaire s’estimant lésé ») travaillait pour l’Agence du revenu du Canada (ARC ou l’« employeur ») à titre de SP-04 à sa Direction des recouvrements, à Winnipeg, au Manitoba. Le 21 février 2020, il a été licencié.
[2] Le 5 mars 2020, le fonctionnaire a déposé un grief contre la décision de l’employeur de mettre fin à son emploi et a demandé, à titre de réparation, qu’il soit réintégré avec une rémunération et des avantages sociaux rétroactifs à la date de son licenciement, que tous les dossiers et documents liés au licenciement soient détruits, qu’il soit autorisé à télétravailler de la même manière que celle qui était en place pendant la période précédant son licenciement, et qu’il soit indemnisé intégralement.
[3] Le fonctionnaire était membre du groupe Service et programme (SP) et, au moment de son licenciement, il était représenté par l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« Alliance »).
[4] Le 28 avril 2021, le grief a été rejeté au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Le 20 juillet 2021, l’Alliance l’a renvoyé à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »). Au moment du renvoi, l’Alliance a informé la Commission qu’elle renvoyait le grief au nom du fonctionnaire, par courtoisie envers lui en tant que membre; toutefois, elle ne le représenterait pas à l’arbitrage.
[5] La documentation renvoyant le grief à la Commission pour arbitrage comprenait une adresse et un numéro de téléphone pour joindre le fonctionnaire, ainsi qu’une copie du grief présenté au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, qui contenait également l’adresse du fonctionnaire. L’adresse du fonctionnaire contenue dans ce document se trouvait sur l’avenue Moncton à Winnipeg, au Manitoba (« l’adresse de l’avenue Moncton »).
[6] Le 27 juillet 2021, le greffe de la Commission a écrit aux parties, confirmant qu’il avait reçu le renvoi du grief à l’arbitrage par l’Alliance et avisant le fonctionnaire que le lieu de l’audience de son grief serait Winnipeg. Cette correspondance expliquait également les étapes du processus et les responsabilités des parties. Elle comprenait une section qui fournissait au fonctionnaire les adresses postale et électronique de la Commission ainsi que ses numéros de téléphone et de télécopieur. Le greffe a également avisé le fonctionnaire s’estimant lésé que la Commission devait être informée dès que possible de tout changement apporté à ses coordonnées.
[7] Le 11 octobre 2023, le greffe de la Commission a émis un « avis d’audience » (l’« avis d’audience du 11 octobre ») qui indiquait que l’audience dans cette affaire avait été prévue par la Commission, en personne, pour les quatre jours commençant le 12 mars 2024 et se terminant le 15 mars 2024. Il a ajouté que les parties seraient informées du lieu de l’audience à une date ultérieure et que les dates de l’audience étaient considérées comme définitives.
[8] L’avis d’audience du 11 octobre a été envoyé au fonctionnaire à l’adresse de l’avenue Moncton par courrier prioritaire le 11 octobre 2023. Un numéro de suivi a été attribué au colis, et le service de messagerie prioritaire a informé le greffe de la Commission que le colis arriverait le 12 octobre 2023.
[9] Le 7 novembre 2023, le colis contenant l’avis d’audience du 11 octobre a été retourné au greffe de la Commission; la raison invoquée était qu’il n’était pas livrable.
[10] Le 20 décembre 2023, le greffe de la Commission a envoyé un courriel à l’avocat de l’employeur pour confirmer avec lui si l’adresse que la Commission avait au dossier pour le fonctionnaire était la même que celle de l’avocat de l’employeur. Le même jour, le bureau de l’avocat de l’employeur a confirmé au greffe de la Commission que l’adresse qu’il avait au dossier était celle que lui avait fournie la Commission, soit l’adresse de l’avenue Moncton.
[11] Le 21 décembre 2023, le greffe de la Commission a reçu un courriel d’un représentant de l’ARC l’informant qu’il avait une adresse différente au dossier pour le fonctionnaire. Selon cette correspondance, l’adresse était sur l’avenue Hamilton, à Winnipeg (« l’adresse de l’avenue Hamilton »). Selon cette correspondance, cette adresse était valide à compter du 20 avril 2020.
[12] Le 21 décembre 2023, la Commission a émis un nouvel avis d’audience (l’« avis d’audience du 21 décembre »). Il était exactement le même que l’avis d’audience du 11 octobre, sauf qu’il contenait l’adresse nouvellement fournie pour le fonctionnaire, soit l’adresse de l’avenue Hamilton. Cet avis d’audience a également été envoyé au fonctionnaire par courrier prioritaire.
[13] Le 5 février 2024, le greffe de la Commission m’a informé qu’il n’avait reçu aucune confirmation que le fonctionnaire avait reçu l’avis d’audience du 21 décembre. De plus, le greffe de la Commission m’a également informé que ce jour-là, il avait téléphoné au numéro fourni pour le fonctionnaire, qui avait sonné puis était tombé sur une boîte vocale identifiée comme appartenant à quelqu’un d’autre que le fonctionnaire. Compte tenu de ces renseignements, j’ai décidé de reporter l’audience prévue du 12 au 15 mars 2024, car la Commission n’avait aucun moyen de savoir si le fonctionnaire s’estimant lésé avait reçu l’avis d’audience du 21 décembre.
[14] Le 6 février 2024, à ma demande, le greffe de la Commission a écrit aux parties pour les aviser que l’audience prévue du 12 au 15 mars 2024 était reportée. Dans cette correspondance, le fonctionnaire a été informé que deux avis d’audience avaient été envoyés aux deux adresses suivantes : l’adresse de l’avenue Moncton et l’adresse de l’avenue Hamilton. On a rappelé au fonctionnaire qu’il lui incombait d’aviser la Commission de tout changement apporté à ses coordonnées. La Commission a également demandé que le fonctionnaire fournisse à la Commission, au plus tard le 21 février 2024, un avis indiquant s’il avait l’intention de donner suite à son grief et, dans l’affirmative, qu’il fournisse à la Commission ses coordonnées, y compris une adresse postale, un numéro de téléphone et une adresse électronique (s’il en avait une). Cette correspondance a été envoyée par courrier prioritaire et recommandé à l’adresse de l’avenue Hamilton le 7 février 2024. Un numéro de suivi a été fourni.
[15] Le 26 février 2024, le greffe de la Commission m’a informé qu’il n’avait reçu aucune réponse de la part du fonctionnaire. De plus, l’information fournie par le numéro de suivi a montré que le messager avait tenté de livrer la lettre le 9 février 2024 et qu’il avait laissé une carte d’avis à l’adresse indiquant où et quand la lettre pouvait être récupérée. La lettre n’a pas été réclamée. Un autre avis a été envoyé à l’adresse le 14 février 2024, indiquant que la lettre serait retournée au greffe de la Commission si elle n’était pas récupérée dans les 10 jours. La lettre n’a pas été récupérée et a été retournée au greffe de la Commission le 29 février 2024.
[16] Le 29 août 2024, le greffe de la Commission a indiqué qu’il n’avait toujours pas reçu de nouvelles du fonctionnaire. Il a également fait savoir que ce jour-là, il avait de nouveau tenté de l’appeler au numéro de téléphone figurant au dossier, mais que le numéro de téléphone ne lui avait pas été attribué.
II. Motifs
[17] L’article 22 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) prévoit que la Commission peut trancher toute question dont elle est saisie sans tenir d’audience.
[18] L’information contenue dans le renvoi à l’arbitrage fourni par l’Alliance indiquait que l’adresse du fonctionnaire était l’adresse de l’avenue Moncton. Il y avait aussi un numéro de téléphone pour lui. Le greffe de la Commission a écrit au fonctionnaire le 27 juillet 2021, dès qu’il a reçu la documentation pour le renvoi à l’arbitrage du grief de la part de l’Alliance. Dans cette correspondance, on rappelait au fonctionnaire d’informer la Commission de tout changement apporté à ses coordonnées.
[19] Lorsque le greffe de la Commission a envoyé au fonctionnaire l’avis d’audience du 11 octobre, celui-ci a été retourné aux bureaux de la Commission comme étant non livrable. Les services du greffe de la Commission ont tenté de communiquer avec lui et ont déterminé que le numéro de téléphone ne semblait pas être le sien, car le nom d’une autre personne était associé à la boîte vocale. Un représentant de l’employeur a informé le greffe de la Commission qu’il avait une adresse différente au dossier pour le fonctionnaire, l’adresse de l’avenue Hamilton.
[20] Le greffe de la Commission a envoyé l’avis d’audience du 21 décembre au fonctionnaire à l’adresse de l’avenue Hamilton, par messager et par courrier recommandé. Tout comme l’avis d’audience du 11 octobre, il n’a pas non plus été livré avec succès.
[21] La jurisprudence de la Commission sur la doctrine de l’abandon indique clairement qu’il incombe à une partie, qu’elle soit représentée par un agent négociateur ou qu’elle se représente elle-même, de tenir la Commission et l’autre partie informées de ses coordonnées à jour. Dans McKinnon c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2016 CRTEFP 32, en exposant mon raisonnement concernant l’abandon, j’ai déclaré ce qui suit :
[…]
75 Dans Fletcher, Cardinal et Howitt, la prédécesseure de la Commission, la CRTFP, a soutenu qu’il est bien reconnu, dans la jurisprudence d’arbitrage, qu’un employeur possède un intérêt légitime à régler les différends en temps opportun. La Commission a également déclaré que l’un des intérêts qui est en jeu lors des audiences d’arbitrage de griefs est l’intérêt du public en général dans le cadre de l’examen des demandes de rejet au motif de l’abandon. Cet intérêt public a été décrit comme suit au paragraphe 36 de Fletcher :
[36] […] Il s’agit de l’intérêt du public à l’égard d’une administration efficiente de la justice qui évite les délais indus, favorise le règlement final des différends et est respectée par les parties. Cet intérêt constitue une préoccupation en l’espèce, dans la mesure où la fonctionnaire s’estimant lésée ne semble pas avoir contribué aux efforts visant à lui fournir une audience et semble avoir fait abstraction des avis et des directives du président. Jusqu’à un certain point, la décision d’accorder un délai supplémentaire, dans ce contexte, pourrait être interprétée comme une récompense accordée pour un comportement qui mine un processus de règlements des différends efficace.
[…]
77 Les fonctionnaires s’estimant lésés ont l’obligation de poursuivre leur affaire en faisant preuve de diligence et en aidant leur représentant (s’ils sont représentés), peu importe qu’ils soient des représentants de l’agent négociateur ou un conseiller juridique, au cours des étapes nécessaires pour présenter leurs arguments à l’audience. Cette obligation comprend, à tout le moins, le fait de maintenir ses représentants au courant de leur adresse actuelle, ainsi que d’assurer un moyen de communication avec eux, soit par courriel ou par téléphone (téléphone intelligent, téléphone mobile ou ligne téléphonique terrestre traditionnelle). Cela permet à leur représentant de les tenir au courant des mesures qui peuvent être prises en leur faveur, ou le contraire, ainsi que de fixer des dates d’audiences possibles pour leur cas.
78 L’omission d’un fonctionnaire de garder le contact avec son représentant fait en sorte qu’il ne s’acquitte pas de son obligation très simple et fondamentale de faire preuve de diligence raisonnable à l’égard de son dossier.
[…]
[22] D’après les renseignements au dossier, la présente affaire présente toutes les caractéristiques d’un fonctionnaire qui a abandonné son grief, puisqu’il n’a pas fourni, à tout le moins, à la Commission des coordonnées à jour et, tout au plus, à son ancien agent négociateur et ancien employeur, et à la Commission, ses coordonnées. Je conclus que ce comportement démontre que le fonctionnaire a, à toutes fins utiles, abandonné son grief. De plus, l’intérêt public et l’administration efficace de la justice militent également en faveur de la conclusion que le grief a été abandonné.
[23] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :
(L’ordonnance apparaît à la page suivante)
III. Ordonnance
[24] Le grief est rejeté.
Le 14 novembre 2024.
Traduction de la CRTESPF
John G. Jaworski,
une formation de la Commission
des relations de travail et de l’emploi
dans le secteur public fédéral