Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé travaillait à un petit point d’entrée en Colombie-Britannique – il a subi une blessure qui a entraîné des restrictions physiques permanentes, notamment le fait qu’il ne pouvait plus utiliser d’arme à feu – il a demandé des mesures d’adaptation et, plus tard, cinq ans de congé non payé pour s’occuper de sa famille – le fonctionnaire s’estimant lésé a finalement été licencié, et sa demande de congé a été rejetée – il a allégué que l’ASFC avait manqué à son obligation de prendre des mesures d’adaptation et qu’elle avait mis fin à son emploi sans motif – il a également prétendu que l’ASFC avait refusé sa demande de congé non payé pour s’occuper de sa famille de façon arbitraire et discriminatoire – les demandes de mesures d’adaptation à l’ASFC sont traitées selon un modèle en cercles concentriques – selon ce modèle, les options de mesures d’adaptation sont d’abord examinées dans le poste et le lieu de travail de l’employé; ensuite, au besoin, la recherche est élargie pour inclure d’autres lieux de travail aux niveaux régional et de district – selon l’ASFC, il n’y avait pas suffisamment de travail administratif disponible au point d’entrée du fonctionnaire s’estimant lésé ou à proximité – au niveau régional, elle a identifié et proposé un poste dans lequel un ASF non armé pourrait faire l’objet de mesures d’adaptation, mais celui-ci exigeait que le fonctionnaire s’estimant lésé déménage – l’ASFC a également fait une deuxième offre de mesures d’adaptation, proposant des postes de niveau inférieur – l’ASFC a prétendu que le fonctionnaire s’estimant lésé avait rejeté des mesures d’adaptation raisonnables en rejetant la première offre et en ne répondant pas à la deuxième et que, par conséquent, son licenciement était raisonnable – la Commission a conclu que la preuve de l’ASFC était insuffisante pour appuyer une conclusion selon laquelle elle avait satisfait à son obligation de prendre des mesures d’adaptation – la preuve a démontré que l'ASFC s'est appuyée sur une impression initiale et générale selon laquelle il était impossible de prendre des mesures d’adaptation envers un ASF ayant une déficience permanente dans un petit point d'entrée – elle n’a pas pris de mesures pour s’assurer que c’était vrai et n’a pas présenté de preuve à la Commission pour établir que c’était le cas – la preuve présentée à l’audience était également insuffisante pour établir que les offres de mesures d’adaptation faites par l’ASFC étaient raisonnables ou que le fonctionnaire s’estimant lésé les avait rejetées – il a répondu à la première offre, a soulevé des préoccupations, a posé des questions et a demandé plus de temps pour l’examiner – il n’a pas reçu de réponse – après la deuxième offre, il a déposé un grief – le grief constituait sa réponse à l'offre de mesure d'adaptation et indiquait qu'il croyait que l'ASFC manquait à son obligation de prendre des mesures d’adaptation – en ce qui concerne le congé non payé pour s’occuper de sa famille, la Commission a conclu que l’ASFC n’avait pas examiné sérieusement la demande du fonctionnaire s’estimant lésé et qu’elle avait été refusée, du moins en partie, parce qu’il avait été en congé non payé en raison de sa déficience et que l’employeur ne voulait pas prolonger davantage la période de congé non payé – à la demande des parties, la Commission a scindé la question des réparations.

Un grief retiré.
Quatre griefs accueillis.

Contenu de la décision

Date : 20241022

Dossiers : 566-02-42040 à 42044

 

Référence : 2024 CRTESPF 143

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

entre

 

Trent McNabb

fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(Agence des services frontaliers du Canada)

 

employeur

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL

(Agence des services frontaliers du Canada)

 

défendeur

Répertorié

McNabb c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

Devant : Amélie Lavictoire, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Geoff Dunlop, avocat

Pour l’employeur et le défendeur : Patrick Turcot, avocat

Affaire entendue à Kelowna (Colombie-Britannique)

du 12 au 15 décembre 2023.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Aperçu

[1] Un employeur a l’obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard d’un employé handicapé jusqu’au seuil de la contrainte excessive. Cet exercice est axé sur les faits et il tient généralement compte des besoins de l’employé et des caractéristiques du lieu de travail, entre autres facteurs.

[2] En 2014, Trent McNabb, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), un agent des services frontaliers travaillant dans un petit point d’entrée en Colombie‑Britannique, a subi une blessure qui a entraîné des limitations physiques permanentes. Sans l’empêcher d’accomplir des tâches sédentaires, ses limitations physiques faisaient qu’il ne pouvait pas participer à la formation sur le recours à la force et qu’il était limité dans les activités d’application de la loi qu’il pouvait exécuter. Il ne pouvait plus utiliser d’outils défensifs, tels qu’une arme à feu.

[3] Au moment des événements qui ont donné lieu aux griefs, les agents des services frontaliers travaillant à un point d’entrée devaient être armés.

[4] En 2017, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a licencié le fonctionnaire pour des raisons non disciplinaires. Bien que le Conseil du Trésor du Canada soit l’employeur légal dans le présent cas, l’ASFC est désignée comme l’employeur (l’« employeur ») aux fins de la présente décision.

[5] Le fonctionnaire a renvoyé quatre griefs à l’arbitrage en vertu de l’al. 209(1)a) et du sous-al. c)(i) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »). Selon les deux premiers (dans les dossiers de la Commission nos 566-02-42040 et 42041), l’ASFC a manqué à son obligation de prendre des mesures d’adaptation fondées sur la déficience et sur la situation de famille. Le troisième grief (dans le dossier de la Commission no 566-02-42042) concerne le refus par l’employeur d’une demande de congé non payé pour s’occuper de la famille qu’il a présentée peu de temps avant les événements qui ont donné lieu à son quatrième grief (dans les dossiers de la Commission nos 566-02-42043 et 42044), notamment, son licenciement pour des raisons non disciplinaires. Le quatrième grief porte deux numéros de dossier, l’un correspondant au licenciement du fonctionnaire et l’autre à son allégation selon laquelle son licenciement était discriminatoire.

[6] À l’audience, le fonctionnaire a retiré sa plainte concernant la mesure d’adaptation fondée sur la situation de famille (dans le dossier de la Commission no 566-02-42041). J’ordonne la fermeture de ce dossier. La présente décision ne porte que sur les trois autres griefs. Néanmoins, dans le résumé de la preuve qui suit, je présenterai certains faits pertinents à la demande de mesures d’adaptation fondée sur la situation de famille du fonctionnaire, car ces faits concernent la connaissance qu’avait l’employeur de sa situation personnelle et familiale, connaissance qui, à son tour, est pertinente pour analyser la façon dont l’employeur a traité sa demande de mesures d’adaptation.

[7] Dans le présent cas, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») devait décider si l’ASFC s’était acquittée de son obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard du fonctionnaire et si elle avait donc des motifs de le licencier. La Commission devait également décider si la décision de l’employeur de refuser la demande de congé non payé que le fonctionnaire avait présentée pour s’occuper de sa famille était arbitraire ou discriminatoire.

[8] Le fonctionnaire n’a pas demandé à être réintégré dans l’éventualité où son grief pour licenciement serait accueilli, mais il a demandé, entre autres choses, des dommages-intérêts en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H-6; LCDP).

[9] À la demande des parties, la Commission a ordonné la scission de la procédure et a laissé de côté la question de la réparation, laquelle sera abordée à une étape ultérieure de la procédure dans l’éventualité où les griefs seraient accueillis. En conséquence, la présente décision ne porte que sur le bien-fondé des griefs. À la demande des parties, elle traite également, de manière très générale, du droit du fonctionnaire à des dommages-intérêts en conformité avec la LCDP, afin de donner une orientation aux parties dans leurs discussions sur un éventuel règlement, le cas échéant.

[10] Pour les raisons exposées dans la présente décision, je conclus que les griefs du fonctionnaire concernant sa demande de mesures d’adaptation fondées sur la déficience et sa demande de congé non payé pour s’occuper de sa famille, ainsi que son grief concernant son licenciement ultérieur, sont accueillis. Le fonctionnaire a droit à des dommages-intérêts en application de la LCDP.

II. Résumé de la preuve

[11] Les parties ont déposé un exposé conjoint des faits détaillé, et quatre témoins ont témoigné à l’audience. Roslyn MacVicar, qui était, à l’époque pertinente, directrice générale régionale pour la région du Pacifique de l’ASFC (la « région »), et Terry Velichko, le surintendant administratif du district d’Okanagan et de Kootenay de l’ASFC (le « district »), ont témoigné au nom de l’employeur. Le témoignage de Mme MacVicar portait principalement sur les options qui ont été présentées au fonctionnaire après qu’il eut demandé une mesure d’adaptation fondée sur la déficience, sur sa décision de refuser la demande de congé non payé présentée par le fonctionnaire pour prendre soin de sa famille et sur sa décision de licencier le fonctionnaire. M. Velichko a témoigné quant à sa participation au traitement et à la gestion de la demande de mesures d’adaptation du fonctionnaire au stade initial de la recherche d’une mesure d’adaptation.

[12] Le fonctionnaire et sa conjointe ont témoigné pour le compte de ce dernier.

[13] Je vais tout d’abord donner un aperçu général du processus de prise de mesures d’adaptation de l’employeur, tel qu’il a été décrit par Mme MacVicar et M. Velichko, puis fournir des renseignements contextuels sur le travail du fonctionnaire, son lieu de travail et sa situation personnelle. Ensuite, je décrirai brièvement les événements qui ont conduit à ses demandes de mesure d’adaptation et de congé non payé pour s’occuper de la famille, ainsi que le traitement de ces demandes par l’employeur, jusqu’à son licenciement en raison d’une déficience.

A. Le processus de prise de mesures d’adaptation de l’employeur, en général

[14] Les activités de l’ASFC ont été décrites comme étant divisées en différents niveaux, soit le niveau local, le niveau du district, le niveau régional et le niveau national. Dans le contexte de la présente décision, il est entendu que « niveau local » concerne les activités de l’ASFC à proximité relative du point d’entrée où travaillait le fonctionnaire, tandis que « niveau du district » fait référence aux activités de l’ASFC dans le district. Les références au « niveau régional » concernent les activités de l’ASFC dans la région, laquelle comprend la Colombie-Britannique et le Yukon.

[15] Comme je l’ai déjà mentionné, M. Velichko était et est le surintendant administratif du district. Le district se trouve dans le centre-sud intérieur de la Colombie‑Britannique.

[16] M. Velichko était chargé de traiter et de gérer les demandes de mesures d’adaptation dans le district, en se fondant sur un schéma de processus et une liste de vérification énonçant les étapes à suivre pour une demande et les renseignements à recueillir pour y répondre. Il a décrit ses responsabilités ainsi : recevoir les demandes de mesures d’adaptation, assurer la liaison avec la direction du district et de la région, recueillir les renseignements auprès de la direction locale et veiller à la progression des dossiers. Il a décrit sa participation au processus de prise de mesures d’adaptation en question comme étant [traduction] « peu importante ». Lorsque la recherche de mesures d’adaptation a été élargie au-delà du district, il n’a pas vraiment participé au processus de prise de mesures d’adaptation.

[17] Au moment des événements qui ont donné lieu aux griefs, la gestion des demandes de mesures d’adaptation reçues dans la région était centralisée, dans le but d’assurer une plus grande cohérence dans la prise de décision. Les demandes de mesures d’adaptation étaient également traitées à l’aide d’un modèle de cercles concentriques. La description que Mme MacVicar et M. Velichko ont faite de ce modèle était en général conforme à celle trouvée dans un [traduction] « Guide sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation » de l’ASFC (le « Guide ») qui a été déposé en preuve.

[18] Selon le modèle de cercles concentriques décrit dans le Guide, les possibilités d’adaptation doivent d’abord être envisagées dans le poste et le lieu de travail de l’employé. Si aucune mesure d’adaptation appropriée ne peut y être trouvée, les possibilités d’adaptation dans d’autres postes du lieu de travail du fonctionnaire doivent alors être explorées. Si cette recherche est infructueuse, il faut chercher des mesures d’adaptation au niveau local. Si aucune ne peut être trouvée localement, l’employeur doit élargir sa recherche de mesures d’adaptation dans le poste de l’employé, mais dans un autre lieu de travail du district. Si cette recherche est infructueuse, elle est élargie davantage, soit au niveau régional.

[19] Mme MacVicar et M. Velichko ont décrit le modèle de manière plus concise et en l’appliquant à la demande du fonctionnaire. Selon eux, il convenait de chercher une mesure d’adaptation convenable en envisageant d’abord le lieu de travail du fonctionnaire, à savoir le point d’entrée de Paterson, près de Trail, en Colombie‑Britannique (le « point d’entrée de Paterson »). Si cela échouait, la recherche devait être élargie localement, c’est-à-dire à d’autres points d’entrée situés à proximité. Si aucune mesure d’adaptation convenable ne pouvait être trouvée localement, la recherche devait être étendue au niveau du district, dans ce cas-ci, aux activités de l’ASFC dans tout le district. Si cette recherche était infructueuse, elle devait être élargie pour englober la région.

[20] Selon Mme MacVicar, l’objectif du modèle de cercles concentriques était d’offrir à l’employé des mesures d’adaptation aussi près que possible de son lieu de travail du moment. Elle a expliqué que le modèle tenait compte du fait que les superviseurs directs étaient en général considérés comme les principaux et meilleurs canaux d’information au sujet d’un employé ayant besoin d’une mesure d’adaptation et aussi les principaux et meilleurs canaux de communication avec celui-ci. Ils ont une relation avec l’employé. Ils le connaissent bien et sont au fait de sa situation personnelle. Ils sont également les mieux placés pour travailler en collaboration avec l’employé, afin de trouver une mesure d’adaptation raisonnable.

[21] Dans le cadre de ce modèle centralisé de cercles concentriques, M. Velichko était chargé de recevoir les demandes de mesures d’adaptation et de recueillir les renseignements connexes en vue de la recherche de mesures d’adaptation au niveau local et au niveau du district. Lorsque la recherche d’une mesure d’adaptation convenable passait au niveau régional, il n’était plus concerné. Selon Mme MacVicar, c’est probablement à partir du moment où la recherche a été jugée infructueuse au niveau local et au niveau du district qu’elle a commencé à participer au processus de prise de mesures d’adaptation en question.

[22] En plus du modèle de cercles concentriques décrit précédemment, le processus plus large de prise de mesures d’adaptation de l’employeur comprenait un comité spécial de consultation patronale-syndicale qui servait de tribune de discussion entre la haute direction de la région, le personnel des relations de travail de l’ASFC et les représentants de l’agent négociateur au sujet du processus de prise de mesures d’adaptation, de manière générale. Ce comité ne discutait pas de cas précis, dont celui du fonctionnaire.

B. Le travail, le lieu de travail et la situation personnelle du fonctionnaire

[23] Le fonctionnaire a été agent des services frontaliers de mai 2001 jusqu’à son licenciement, le 20 juin 2017. Son poste était classé au groupe et niveau FB-03. Pendant la période pertinente aux fins des griefs, il travaillait au point d’entrée de Paterson dans le district. À l’époque, le district comptait 16 lieux de travail distincts de l’ASFC.

[24] Le point d’entrée de Paterson est ouvert à la circulation transfrontalière d’expéditions commerciales et de voyageurs, 24 heures par jour. Au moment des événements qui ont donné lieu aux griefs, 12 agents des services frontaliers (ASF) en moyenne travaillaient des quarts par rotation de douze heures. Selon les exigences opérationnelles, de deux à six ASF étaient présents au point d’entrée. Pendant la majeure partie de l’année, les ASF (tous des FB-03) étaient les seuls employés de l’ASFC à y travailler, ainsi qu’un surintendant (poste classé au groupe et niveau FB-05). Pendant les mois d’été, il y avait également un représentant des services aux voyageurs, un poste classé CR-04 habituellement occupé par un étudiant.

[25] Le fonctionnaire a expliqué que le point d’entrée de Paterson comprenait des bureaux à aire ouverte, une guérite d’inspection primaire isolée et un abri à voitures servant de zone d’inspection secondaire. Il y avait plusieurs postes de travail, et un bureau pour le surintendant. Selon M. Velichko, le bureau était petit et il n’y avait pas beaucoup d’espace disponible pour permettre à une personne supplémentaire d’y travailler.

[26] Les ASF travaillant aux points d’entrée, y compris celui de Paterson, doivent être armés lorsqu’ils sont en service. Ils doivent suivre une formation sur le recours à la force.

[27] Le fonctionnaire a décrit les tâches quotidiennes des ASF au point d’entrée de Paterson, ce que les témoins de l’employeur n’ont pas contredit. Il a expliqué que les tâches consistaient à travailler sur la ligne d’inspection primaire et à exécuter des tâches d’inspection secondaire. Bien qu’elle n’ait pas abordé expressément ce point, il ressort du témoignage de Mme MacVicar qu’être armé et en mesure d’exercer des fonctions exigeant le recours à la force est directement lié au travail d’application de la loi des ASF auprès du public, sur les lignes d’inspection primaire et secondaire des services frontaliers.

[28] Le travail d’un ASF comprenait également des tâches administratives sédentaires, telles que la conduite d’entretiens avec des voyageurs cherchant à entrer au Canada et la préparation de documents administratifs liés à l’immigration.

[29] Les tâches administratives d’un ASF à un petit point d’entrée comprenaient également l’examen des demandes de mainlevée de marchandises commerciales pour importation au Canada. Un courtier les soumet par voie électronique au nom d’un importateur. Comme la majorité des éléments de preuve concernait le traitement de ces demandes au moment des événements qui ont donné lieu aux griefs, je décrirai le traitement de ces demandes au passé.

[30] Les ASF se trouvant au point d’entrée où les marchandises commerciales entraient au Canada n’avaient pas à traiter les demandes de mainlevée de ces marchandises. Ces demandes pouvaient être – et étaient souvent – redirigées par voie électronique vers d’autres points d’entrée de la région, de sorte que les ASF se trouvant dans les points d’entrée petits et peu fréquentés pouvaient traiter les demandes lorsque leur charge de travail le permettait.

[31] Selon le fonctionnaire, les demandes pouvaient soit être [traduction] « dirigées » (c.-à-d. renvoyées) précisément au point d’entrée de Paterson, soit être mises à la disposition des ASF partout dans la région ou le pays. Après avoir examiné une demande de mainlevée, l’ASF devait recommander la mainlevée des marchandises ou renvoyer la demande pour qu’elle fasse l’objet d’un examen plus approfondi. Le rythme auquel l’ASF examinait ces demandes pouvait être pris en compte dans son évaluation annuelle du rendement.

[32] Le fonctionnaire a témoigné qu’en tant qu’ASF au point d’entrée de Paterson, il examinait régulièrement les demandes de mainlevée de marchandises commerciales que d’autres points d’entrée avaient reçues et rendues disponibles pour examen. Ces demandes étaient accessibles selon le principe du premier arrivé, premier servi. Lorsqu’il se connectait au système informatisé sur lequel l’ASFC recevait les demandes, il en voyait de quelques dizaines à plusieurs centaines en attente d’examen. Il était très rare qu’il n’y en ait aucune à examiner. Il a témoigné que les ASF qui ne travaillaient pas sur les lignes d’inspection primaire ou secondaire étaient censés examiner ces demandes.

[33] De plus, le fonctionnaire travaillait occasionnellement, mais rarement, en tant qu’ASF à d’autres points d’entrée du district lorsqu’il manquait momentanément de personnel en raison d’absences ou de formation. Selon lui, il y avait trois autres points d’entrée situés à moins de 45 minutes en voiture du point d’entrée de Paterson et deux à moins de 90 minutes en voiture. Il a témoigné que certains d’entre eux étaient plus grands et plus occupés que le point d’entrée de Paterson. Ils comptaient plus d’employés. Ces derniers occupaient des postes permanents classifiés au groupe et niveau CR-04. Les employés qui les occupaient effectuaient des tâches administratives sédentaires. Il n’y avait aucune exigence de port d’armes pour les postes CR‑04.

[34] Selon le fonctionnaire, des ASF qui ne pouvaient porter une arme pendant leur grossesse avaient bénéficié de mesures d’adaptation au point d’entrée de Paterson au moins deux fois. Il semblait se rappeler vaguement une troisième fois, mais ne pouvait pas être plus précis. Les deux ASF enceintes qui, selon son souvenir, avaient bénéficié de mesures d’adaptation n’avaient pas travaillé aux lignes d’inspection primaire ou secondaire. Elles avaient effectué des tâches administratives, telles que l’examen des demandes de mainlevée de marchandises commerciales. Elles avaient également repris les tâches administratives d’autres ASF.

[35] Les témoins de l’employeur n’ont pas contesté le fait que des ASF qui ne pouvaient pas être armés pendant leur grossesse avaient bénéficié de mesures d’adaptation au point d’entrée de Paterson. Cependant, M. Velichko et Mme MacVicar ont indiqué que les possibilités d’adaptation s’offrant à l’employeur étaient plus nombreuses lorsque le besoin était temporaire.

[36] Le fonctionnaire a également témoigné qu’un ASF ayant une déficience permanente l’empêchant de porter une arme à feu avait bénéficié de mesures d’adaptation au point d’entrée de Kingsgate, qui est un point d’entrée plus important et relativement proche du point d’entrée de Paterson. Lorsqu’on lui a demandé si un autre ASF ayant subi une blessure permanente avait déjà bénéficié d’une mesure d’adaptation, M. Velichko a été vague, mais il n’a pas contredit le fonctionnaire.

[37] Maintenant que j’ai décrit l’environnement de travail et les fonctions du fonctionnaire, je vais brièvement décrire sa situation personnelle.

[38] Pendant toute la période pertinente, le fonctionnaire résidait à Trail ou près de là, une petite collectivité située relativement près du point d’entrée de Paterson. Trail se trouve dans l’intérieur sud de la Colombie-Britannique, près de la frontière entre le Canada et les États-Unis, à des centaines de kilomètres de Vancouver, en Colombie-Britannique.

[39] Le fonctionnaire est père de deux enfants nés en 2010 et en 2011. Ceux-ci étaient assez jeunes lors des événements qui ont donné lieu aux griefs, soit environ 4 et 6 ans, lorsqu’il a présenté la demande de mesures d’adaptation fondée sur une déficience qui est en litige.

[40] La conjointe du fonctionnaire est médecin. Pendant la période pertinente aux fins des présents griefs, elle était l’une des deux seules médecins spécialistes en obstétrique et gynécologie dans la région de Trail. Elle travaillait à l’hôpital local, à contrat. Son travail était très exigeant et son horaire de travail était hautement imprévisible et rigide. Quand elle n’était pas au travail, il arrivait souvent qu’elle soit rappelée au travail avec peu ou pas de préavis. Pour cette raison, c’était surtout le fonctionnaire qui prenait soin de leurs deux enfants. Pendant toute la période pertinente, il était responsable de la plupart des tâches liées à l’éducation des enfants et des tâches ménagères. Il déposait les enfants à l’école et les y récupérait. Il les conduisait à leurs activités parascolaires. Aucun membre de leur famille élargie ne vivait dans la région de Trail.

C. Les événements qui ont mené aux demandes de mesures d’adaptation du fonctionnaire et à son licenciement

[41] En 2014, le fonctionnaire a subi une grave blessure à l’épaule. Il a subi une intervention chirurgicale en avril 2014 et a pris un congé de maladie. Même si le pronostic était initialement très bon, son rétablissement n’a pas été aussi simple que prévu. Il a fourni à son employeur une note de médecin indiquant qu’il serait incapable de travailler pendant six mois. Le 2 juillet 2014, il a commencé à recevoir des prestations d’invalidité à long terme. Il a fait plusieurs demandes de prolongation de son congé de maladie non payé, que la direction de l’ASFC a approuvées.

[42] Pendant environ deux ans, il y a eu très peu de communications entre le fonctionnaire et l’employeur, à l’exception de celles entre lui et son superviseur lorsqu’il se rendait au point d’entrée de Paterson pour présenter des demandes de prolongation de son congé. Son superviseur était le surintendant de ce point d’entrée, Brad Britton.

[43] Le 6 avril 2016, alors qu’il se préparait à retourner à son travail, mais étant toujours en congé de maladie non payé, le fonctionnaire a informé M. Britton de son intention de demander des mesures d’adaptation au point d’entrée de Paterson, en raison de sa déficience et de sa situation de famille. Au cours d’une conversation qui, selon le fonctionnaire, a duré 30 secondes tout au plus, M. Britton lui aurait dit en gros qu’il ne serait pas possible de lui offrir des mesures d’adaptation au point d’entrée de Paterson, car il n’y avait pas suffisamment de travail pour un ASF qui ne pouvait pas être armé. M. Britton n’a pas témoigné à l’audience.

[44] Ce même jour, M. Britton a envoyé un courriel à Lorne Black, le chef des opérations des points d’entrée de la région de Kootenay. Il en a fait parvenir une copie conforme à M. Velichko. M. Britton a informé M. Black de l’intention du fonctionnaire de demander des mesures d’adaptation en raison d’une déficience et de sa situation de famille. Il a mentionné avoir informé le fonctionnaire qu’il [traduction] « […] y a peu ou pas de travail pour un ASF bénéficiant de mesures d’adaptation à Paterson […] » et que M. Black enverrait au fonctionnaire une [traduction] « […] lettre officielle décrivant les options qui s’offrent à lui après son congé de maladie non payé de deux ans […] ».

[45] Le 25 avril 2016, le fonctionnaire a soumis ses deux demandes de mesures d’adaptation. Il les a transmises à M. Britton. Les courriels déposés en preuve indiquent que M. Britton a rapidement informé M. Black et Mark Zelenika, le directeur de la région, des demandes de mesures d’adaptation du fonctionnaire.

[46] Deux jours plus tard, une personne que M. Velichko a décrite comme un coordonnateur responsable de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour la région (le « coordonnateur ») a écrit à M. Black pour lui demander d’évaluer quel travail s’offrait au fonctionnaire au point d’entrée de Paterson, compte tenu de ses limitations physiques. M. Velichko a reçu copie de ce courriel. Six minutes plus tard, M. Black a répondu, en faisant parvenir une copie à M. Velichko. Dans sa réponse, M. Black disait penser qu’il n’y avait pas de travail disponible au point d’entrée de Paterson compte tenu des limitations du fonctionnaire, et il a indiqué que tout travail disponible là-bas avait déjà été redirigé vers le point d’entrée de Kingsgate afin de fournir du travail à une personne bénéficiant de mesures d’adaptation.

[47] La demande de mesures d’adaptation du fonctionnaire fondée sur une déficience indiquait que le fonctionnaire demandait à bénéficier de mesures d’adaptation au point d’entrée de Paterson pour effectuer des [traduction] « mainlevées commerciales et/ou des tâches de bureau ». Le fonctionnaire a soumis un « Formulaire de détermination des capacités fonctionnelles » à l’appui de sa demande, précisant qu’il était apte à reprendre le travail, mais qu’il avait des limitations physiques permanentes qui l’empêchaient de participer à une formation sur le recours à la force et qui limiteraient ses fonctions d’application de la loi, y compris l’utilisation d’outils de défense, tels qu’une arme à feu.

[48] Dans sa deuxième demande de mesures d’adaptation, fondée sur sa situation de famille, le fonctionnaire a demandé à bénéficier de mesures d’adaptation au regard de ses heures de travail. Plus précisément, il demandait de pouvoir travailler des [traduction] « heures aménagées », afin de pouvoir déposer ses enfants à l’école et les récupérer plus tard. La demande contenait une description détaillée des besoins liés à la famille qui nécessitaient des mesures d’adaptation, notamment le fait qu’il devait être disponible pour s’occuper des enfants en dehors des heures d’école, compte tenu de l’horaire de travail imprévisible et exigeant de sa conjointe.

[49] Selon le fonctionnaire, lorsqu’il a fait ses demandes de mesures d’adaptation, sa conjointe éprouvait des problèmes de santé importants. En tant que travailleuse contractuelle, elle ne bénéficiait pas de prestations d’assurance maladie. Le couple dépendait du régime de soins de santé du fonctionnaire.

[50] Le 6 mai 2016, M. Velichko a écrit au fonctionnaire pour obtenir des renseignements supplémentaires sur ses limitations, telles qu’elles avaient été mentionnées par son médecin sur un Formulaire de détermination des capacités fonctionnelles. Le fonctionnaire a répondu immédiatement, par écrit. Il a fait un suivi par courriel le 13 mai 2016 pour demander si les renseignements qu’il avait fournis étaient suffisants. M. Velichko n’a pas répondu; il n’a pas non plus fait de démarches pour parler au fonctionnaire ou à son médecin.

[51] À l’audience, M. Velichko a indiqué qu’il estimait que la réponse du fonctionnaire à sa demande ne faisait que reprendre les renseignements déjà fournis par le médecin, sans rien ajouter de nouveau. M. Velichko a témoigné qu’il avait l’impression qu’il ne ferait qu’obtenir la même chose s’il communiquait de nouveau avec le fonctionnaire. Il croyait également qu’il ne pourrait pas obtenir plus de renseignements auprès du médecin du fonctionnaire, en raison de préoccupations liées à la protection des renseignements personnels.

[52] À l’audience, M. Velichko a indiqué que la recherche de mesures d’adaptation convenables a commencé dès lors que l’employeur a reçu les demandes de mesures d’adaptation du fonctionnaire. Les ASF aux points d’entrée devaient être armés. Puisque le fonctionnaire ne pouvait plus être armé et que sa blessure était permanente, il n’était plus en mesure de remplir les conditions de son poste d’ASF. Le besoin de mesures d’adaptation serait permanent. Selon M. Velichko, les possibilités d’adaptation pour un ASF ayant une déficience permanente l’empêchant de porter une arme à feu sont moins nombreuses que celles s’offrant à un ASF ne pouvant être armé en raison d’une blessure temporaire ou d’une grossesse.

[53] Lors de son témoignage sur le recours à un modèle de cercles concentriques au cas du fonctionnaire, M. Velichko a indiqué qu’il acceptait l’évaluation de M. Britton selon laquelle il n’y avait pas de travail au point d’entrée de Paterson pour un ASF pouvant effectuer toutes les tâches d’un ASF, et qu’il se fiait à cette évaluation. Selon M. Velichko, en tant que surintendant du point d’entrée, M. Britton était le mieux placé pour savoir s’il y avait du travail au point d’entrée pour un ASF bénéficiant d’une mesure d’adaptation. Il n’a pas demandé à M. Britton ou à M. Black, ni reçu de leur part, de documents pour étayer leurs évaluations selon lesquelles le fonctionnaire ne pouvait pas bénéficier de mesures d’adaptation à ce point d’entrée. Il ne se souvenait plus très bien s’il avait discuté avec eux des possibilités d’adaptation à ce point d’entrée. Il a indiqué qu’il avait probablement eu une conversation avec l’un d’entre eux, mais il ne se souvenait pas des détails et n’avait aucune note de ces conversations.

[54] M. Velichko a témoigné qu’il ne savait pas si M. Britton avait envisagé de rediriger ou de réaffecter des tâches administratives d’autres points d’entrée au point d’entrée de Paterson ou de [traduction] « diriger » les demandes de mainlevée de marchandises commerciales vers ce point d’entrée avant de conclure qu’il n’y avait pas de travail pour un ASF y bénéficiant de mesures d’adaptation. Lorsqu’on lui a demandé si M. Britton avait envisagé la possibilité d’offrir au fonctionnaire un travail à temps partiel ou temporaire à titre d’ASF bénéficiant de mesures d’adaptation, il a indiqué qu’il ne le savait pas. À la question de savoir s’il avait envisagé cette possibilité, M. Velichko a répondu qu’il ne pensait pas que quelqu’un voudrait bénéficier de mesures d’adaptation à temps partiel.

[55] La description que M. Velichko a faite de l’étape suivante du modèle de cercles concentriques a été très brève. Le district est petit, tout comme ses points d’entrée. Selon lui, il n’y avait aucun travail qui aurait convenu aux limitations permanentes du fonctionnaire. Rien n’indique qu’il a communiqué avec les surintendants d’autres points d’entrée du district pour s’enquérir de la possibilité d’offrir des mesures d’adaptation au fonctionnaire dans ces points d’entrée. Le souvenir de M. Velichko sur la question de savoir s’il avait discuté avec M. Black des possibilités d’adaptation ailleurs dans le district peut être qualifié de flou.

[56] M. Velichko ne savait pas si quelqu’un avait demandé au fonctionnaire s’il accepterait un emploi de niveau inférieur, temporaire ou à temps partiel dans le district, dans l’éventualité où il n’y aurait pas de travail à temps plein de même niveau pour un ASF bénéficiant de mesures d’adaptation au point d’entrée de Paterson ou à proximité. Lui-même n’avait pas posé la question au fonctionnaire. Il n’a pas parlé avec le fonctionnaire au cours de la recherche de mesures d’adaptation au niveau local ou au niveau du district.

[57] Le témoignage de Mme MacVicar concordait avec celui de M. Velichko, en ce sens qu’elle a dit qu’il avait été conclu dès le départ qu’aucun travail convenable au même niveau répondant aux limitations du fonctionnaire n’était pas disponible – de manière permanente – au point d’entrée de Paterson, au niveau local ou au niveau du district. Elle n’a pas remis en question cette évaluation. Elle ne savait pas non plus si quelqu’un avait sondé l’intérêt du fonctionnaire pour un emploi de niveau inférieur, temporaire ou à temps partiel. Elle-même ne le lui avait pas posé la question. Elle ne le connaissait pas et elle n’avait pas parlé avec lui pendant la recherche d’une mesure d’adaptation.

[58] Le témoignage de Mme MacVicar a porté principalement sur la recherche de mesures d’adaptation dans toute la région. Comme je l’ai indiqué, M. Velichko n’était pas responsable de la recherche de mesures d’adaptation au niveau régional.

[59] Selon Mme MacVicar, dans certains lieux de travail connus de la région, les ASF travaillaient dans des environnements sécurisés sans contact direct avec le public et pouvaient ne pas être armés, si nécessaire en raison de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation.

[60] Plusieurs années auparavant, l’ASFC avait commencé à mettre en œuvre progressivement une nouvelle exigence de port d’arme applicable à tous les ASF. Elle se préparait également activement à devoir prendre des mesures d’adaptation pour un nombre important d’ASF qui en auraient besoin à la suite de la mise en œuvre progressive de cette nouvelle exigence.

[61] En 2015 ou vers cette époque, l’ASFC a désigné le Centre international de courrier de Vancouver (CICV) comme un lieu de travail approprié pour les ASF qui ne pouvaient pas être armés. Selon Mme MacVicar, des postes vacants au groupe et niveau FB-03 ont été intentionnellement créés au CICV afin de permettre à l’ASFC de prendre des mesures d’adaptation à l’égard des ASF non armés, dans des postes de même niveau. Le CICV est situé à Richmond, en Colombie-Britannique, dans la région du Grand Vancouver.

[62] Parmi les autres lieux de travail où pouvaient travailler des ASF non armés figuraient trois centres d’inscription NEXUS dans la région du Grand Vancouver. Cependant, au moment de la recherche de mesures d’adaptation pour le fonctionnaire, ces postes étaient occupés. Des postes dans un centre de déclaration par téléphone de l’ASFC situé à Victoria, en Colombie-Britannique, ainsi que des postes de conseiller aux audiences à Vancouver, qui auraient pu convenir pour un ASF non armé, étaient également entièrement dotés à ce moment-là.

[63] Je vais maintenant décrire la chronologie des événements une fois que la recherche de mesures d’adaptation a été élargie à la région.

[64] Bien que M. Velichko ne participait pas activement à la recherche de mesures d’adaptation au niveau régional, le 16 mai 2016, il a reçu un courriel du coordonnateur qui lui disait penser que le cas du fonctionnaire était [traduction] « […] le “cas type” que la DGR souhaite utiliser avec une offre de mutation au CICV ». Au cours du contre-interrogatoire, à la question de savoir pourquoi le cas du fonctionnaire était décrit comme un [traduction] « cas type », M. Velichko a répondu qu’il croyait que c’était l’un des premiers cas, voire le premier cas, pour lequel l’employeur pouvait offrir une mutation au CICV à un employé qui, en raison d’une déficience, ne pouvait plus satisfaire à l’exigence de port d’arme de son poste. Mme MacVicar ne comprenait pas pourquoi le cas du fonctionnaire avait été décrit ainsi.

[65] À la fin de juin 2016, le fonctionnaire n’avait pas reçu de réponse de l’employeur concernant ses deux demandes de mesures d’adaptation. Il participait à un programme de physiothérapie en vue de son retour au travail recommandé par son assureur et était impatient de reprendre le travail. Il ignorait que la recherche de mesures d’adaptation avait été jugée infructueuse au niveau local et au niveau du district et que des possibilités d’adaptation possibles au niveau régional étaient envisagées.

[66] Les prestations d’invalidité à long terme du fonctionnaire ont pris fin le 30 juin 2016. Le fonctionnaire a été autorisé à travailler. Bien qu’il ait pu reprendre le travail le 1er juillet 2016 et qu’il ait contacté M. Black pour savoir où il devait se rendre ce jour-là, on lui a dit de ne pas se présenter, car l’employeur n’avait pas encore trouvé d’emploi adapté à ses limitations fonctionnelles.

[67] Le fonctionnaire ne s’est pas présenté au travail. Le 7 juillet 2016, il a subi une grave blessure au dos. Il a été transporté à l’hôpital en ambulance et a ensuite été hospitalisé. Le 12 juillet 2016, il a subi une chirurgie au dos. Ses prestations d’invalidité à long terme ont été rétablies et il est resté en congé de maladie non payé. Le 27 juillet 2016, son médecin a signé une note médicale indiquant que le fonctionnaire était partiellement guéri après sa chirurgie au dos et que son pronostic était bon, mais qu’il était peu probable que la guérison complète serait rapide.

[68] Le rétablissement du fonctionnaire après sa blessure au dos et l’opération ne s’est pas déroulé comme prévu. Sa guérison a été lente et douloureuse et ponctuée de revers. Il a continué à présenter des symptômes, notamment une douleur résiduelle et des engourdissements dans une jambe, pendant un bon moment. Malgré sa guérison lente et difficile, lui et sa conjointe ont témoigné que pendant toute la période pertinente, il avait l’intention de retourner travailler pour l’ASFC. Son travail pour l’ASFC était une source de fierté.

[69] Moins d’un mois après sa chirurgie au dos, le fonctionnaire a reçu ce qu’on appelle communément une [traduction] « lettre d’options » de la part de l’employeur. Dans cette lettre datée du 10 août 2016, mais remise au fonctionnaire par M. Black le lendemain, Mme MacVicar refusait la demande de mesures d’adaptation du fonctionnaire dans un poste d’ASF au point d’entrée de Paterson et lui présentait une option de mesure d’adaptation répondant à ses limitations. Comme le fonctionnaire a beaucoup insisté sur la pertinence des communications entre l’employeur et lui tout au long du processus de prise de mesures d’adaptation, je reproduis ci-dessous les extraits les plus pertinents de cette lettre :

[Traduction]

[…]

J’ai le regret de vous informer qu’après avoir examiné attentivement les renseignements soumis, la direction n’est pas en mesure d’approuver votre demande, car il n’y a actuellement aucun travail [ASF] significatif disponible au point d’entrée de Paterson qui soit adapté à vos limitations permanentes.

[…]

Afin de répondre à votre besoin de mesures d’adaptation permanentes, l’ASFC vous propose une mutation assortie d’une aide à la réinstallation à un poste à temps plein de durée indéterminée […] au Centre international de courrier de Vancouver, à compter du 12 septembre 2016.

[…]

Veuillez aviser [le chef des opérations] d’ici le 19 août 2016 de votre décision d’accepter ou non cette offre de mutation au Centre international de courrier de Vancouver. Votre défaut de le faire sera considéré comme un refus de l’offre. Je dois vous informer que, puisque vous êtes en congé de maladie non payé depuis plus de deux ans et que vous avez un certificat médical confirmant votre capacité à retourner au travail sous réserve de mesures d’adaptation permanentes, si vous refusez une offre raisonnable de retour au travail dans un poste qui répond pleinement à vos besoins en matière d’adaptation, les options qui restent sont la retraite, la démission ou une demande de retraite pour des raisons médicales.

[…]

 

[70] En contre-interrogatoire, Mme MacVicar a affirmé qu’elle connaissait peu le fonctionnaire et sa situation personnelle lorsqu’elle a signé la lettre du 10 août 2016. Elle ne savait pas qu’il avait récemment subi une chirurgie au dos, qu’il était encore en convalescence et qu’il était incapable de travailler. Elle a indiqué qu’elle savait qu’il avait été en congé de maladie non payé pendant plus de deux ans, et elle estimait que l’employeur avait pris les mesures d’adaptation nécessaires pour lui.

[71] Comme il est mentionné dans l’extrait, le fonctionnaire disposait de neuf jours (huit jours à compter de la date à laquelle la lettre lui a été remise), pour répondre à l’offre de mutation de l’employeur au CICV. À l’audience, Mme MacVicar a indiqué qu’en y réfléchissant bien, le délai accordé au fonctionnaire était court, mais qu’il était important de veiller à ce que les demandes de mesures d’adaptation suivent leur chemin.

[72] Le 17 août 2016, le fonctionnaire a écrit à Mme MacVicar pour lui poser plusieurs questions auxquelles il estimait avoir besoin de réponses avant de donner suite à la lettre d’options. Il y donnait des exemples de deux ASF qui ne pouvaient pas être armées et qui avaient bénéficié de mesures d’adaptation dans des points d’entrée du district. Il demandait pourquoi il était traité différemment. De plus, il doutait qu’il soit financièrement possible pour lui de déménager sa famille de Trail à Richmond (l’emplacement du CICV), étant donné la différence d’environ 1,4 million de dollars entre les prix médians des maisons individuelles dans ces deux villes. Enfin, il mentionnait que l’ASFC avait mis 3,5 mois à répondre à sa demande de mesures d’adaptation, et qu’il devait quant à lui répondre à l’offre de mutation dans les jours suivants au risque de devoir prendre sa retraite, démissionner ou demander une retraite pour des raisons médicales. Selon lui, cela ressemblait à une menace.

[73] Dans son courriel, le fonctionnaire s’enquérait également de l’état de sa demande de mesures d’adaptation fondée sur sa situation de famille, que l’employeur n’avait pas encore traitée.

[74] Deux jours plus tard, le 19 août 2016, le fonctionnaire a écrit à M. Black pour lui demander une prolongation du délai dont il disposait pour répondre à l’offre de mesures d’adaptation de l’employeur, invoquant sa convalescence en cours à la suite d’une chirurgie récente au dos pour expliquer son souhait d’avoir plus de temps pour examiner l’offre et y répondre. À ce stade du processus de prise de mesures d’adaptation, il a commencé à envoyer les communications par courriel avec l’employeur aux représentants de l’agent négociateur. Il n’a pas reçu de réponse de M. Black.

[75] Toujours le 19 août 2016, mais quelques heures plus tard, John Dyck, le directeur exécutif de la Direction générale des opérations de la région, a répondu au courriel du fonctionnaire du 17 août 2016, au nom de Mme MacVicar. Il y réitérait que la mutation au CICV avait été proposée à titre de mesure d’adaptation raisonnable compte tenu de ses limitations médicales permanentes. M. Dyck y expliquait également qu’il y avait eu une évaluation des emplois convenables et significatifs s’offrant aux ASF étant dans l’incapacité permanente d’être armés, y compris des emplois qui pourraient éventuellement être effectués à distance. Il n’y avait pas de travail disponible et nécessaire au même niveau au point d’entrée de Paterson, en raison de la nature des limitations du fonctionnaire, de la charge de travail et de la petite taille du point d’entrée, des besoins opérationnels du point d’entrée en matière de dotation et de l’inexistence de tâches administratives permanentes du type qui étaient effectuées lorsqu’il y avait lieu de prendre des mesures d’adaptation temporaires dans d’autres lieux de travail.

[76] M. Dyck a indiqué que si d’autres employés avaient bénéficié de mesures d’adaptation à leur propre point d’entrée, c’était [traduction] « […] parce qu’il y avait du travail significatif et nécessaire, au même niveau, qui pouvait leur être confié et que d’autres circonstances le permettaient […] les possibilités sont plus limitées lorsque des mesures d’adaptation doivent être instaurées de façon permanente dans des lieux de travail plus petits et plus éloignés ».

[77] M. Dyck répondait également aux préoccupations du fonctionnaire concernant la différence de coût du logement. Il mentionnait qu’il ne s’agissait pas d’un aspect dont tenait compte l’employeur lorsqu’il cherchait des mesures d’adaptation raisonnables et rappelait au fonctionnaire qu’il aurait droit à une aide à la réinstallation. Il informait également le fonctionnaire que, du point de vue de l’employeur, sa demande de mesures d’adaptation fondée sur sa situation de famille (c.-à-d. sa demande concernant ses heures de travail) faisait partie de la question plus vaste de l’endroit où l’employeur pourrait trouver un travail significatif et de même niveau qui soit adapté aux limitations médicales du fonctionnaire.

[78] Enfin, en réponse aux préoccupations du fonctionnaire concernant le temps qui lui avait été accordé pour réfléchir à l’offre de mutation, M. Dyck lui proposait une affectation – avec indemnités de déplacement – dans un poste d’ASF au CICV, du 12 septembre au 7 octobre 2016. À l’audience, Mme MacVicar a décrit l’offre d’affectation temporaire comme un moyen de permettre au fonctionnaire de prendre plus de temps pour réfléchir à l’offre de mutation au CICV.

[79] Le fonctionnaire avait une semaine pour répondre à l’offre d’affectation temporaire de M. Dyck. Il lui a également été donné jusqu’au 7 octobre 2016 pour prendre une décision concernant l’offre de mutation du 10 août 2016. M. Dyck a indiqué que si le fonctionnaire refusait la mutation, il aurait l’option de rester en congé de maladie non payé (car il avait été blessé de nouveau), de démissionner, de prendre sa retraite ou de demander une retraite pour des raisons médicales.

[80] À l’audience, le fonctionnaire et sa conjointe ont témoigné au sujet de l’offre de mutation au CICV faite dans la lettre du 10 août 2016. Ils ont déclaré qu’ils estimaient que l’offre n’était pas réaliste.

[81] Ils ont témoigné de leurs liens avec la région de Trail et la collectivité. La conjointe du fonctionnaire ne pouvait pas facilement quitter son emploi, compte tenu des modalités de son contrat et de ses obligations professionnelles envers ses patients. Un déménagement à Vancouver aurait été perturbant pour leurs deux enfants d’âge scolaire. La distance entre Trail et Vancouver était beaucoup trop grande pour envisager de faire la navette tous les jours.

[82] Selon eux, l’acceptation de l’offre de mutation aurait nécessité que le fonctionnaire déménage dans la région de Vancouver, que la famille vive séparément et qu’il revienne à Trail les fins de semaine. En raison de la charge de travail exigeante et imprévisible de sa conjointe, il était d’avis tout comme cette dernière que les obligations liées à la garde des enfants seraient ingérables pour elle.

[83] Le fonctionnaire a témoigné que l’offre d’affectation au CICV – tout comme l’offre de mutation – ne semblait pas tenir compte de sa situation personnelle et lui laissait très peu de temps pour réfléchir à ce qui lui était proposé. Selon lui, la suggestion de l’employeur concernant l’affectation au CICV ne tenait pas compte non plus du fait qu’il n’avait pas encore été déclaré apte au travail après sa blessure au dos et qu’il ne serait pas en mesure de travailler pendant la période d’affectation proposée.

[84] Le fonctionnaire n’a pas répondu directement au courriel du 19 août 2016 de M. Dyck ni à la lettre d’options du 10 août 2016 de Mme MacVicar. Comme il a été mentionné, plus tôt le 19 août 2016, il avait écrit à M. Black, pour lui demander plus de temps pour réfléchir à la mesure d’adaptation offerte le 10 août 2016, mais n’a pas reçu de réponse de M. Black.

[85] Le fonctionnaire a indiqué qu’après avoir reçu le courriel de M. Dyck, il n’a pas communiqué avec M. Britton pour discuter des possibilités d’adaptation qui n’impliquaient pas une mutation à Vancouver. Jusque-là, la réaction initiale de M. Britton à ses demandes de mesures d’adaptation et le manque de communication de ce dernier tout au long du processus de prises de mesures d’adaptation ne lui avaient donné que peu d’espoir que de nouvelles discussions avec lui puissent donner quelque chose.

[86] Le fonctionnaire a commencé à discuter plus sérieusement avec ses représentants de l’agent négociateur concernant les possibilités d’adaptation n’impliquant pas de déménagement à Vancouver. Il a témoigné qu’il croyait que ses représentants de l’agent négociateur avaient discuté de telles possibilités avec l’employeur. Le représentant de l’agent négociateur qui a le plus participé à ces discussions est décédé pendant le processus de prise de mesures d’adaptation. Aucun autre représentant de l’agent négociateur n’a témoigné à l’audience.

[87] Le 20 septembre 2016, M. Britton a remis au fonctionnaire une lettre de M. Zelenika, le directeur de la région. Dans cette lettre, M. Zelenika informait le fonctionnaire que la mutation au CICV qui lui avait été précédemment proposée à titre de mesure d’adaptation n’était plus une possibilité, car le fonctionnaire n’avait pas répondu à l’offre. L’absence de réponse du fonctionnaire a été considérée comme un rejet de l’offre.

[88] Étant donné que les prestations d’invalidité à long terme du fonctionnaire avaient été rétablies à la suite de sa blessure et de son opération au dos, M. Zelenika a demandé des renseignements au médecin du fonctionnaire sur les limitations de ce dernier, en prévision de la fin de ces prestations. Le fonctionnaire a fourni ces renseignements médicaux, notamment une note de son médecin datée du 28 septembre 2016 qui indiquait que le fonctionnaire n’était pas encore apte à reprendre le travail à cette date. Le médecin suggérait que l’état de santé du fonctionnaire soit réévalué six à douze mois plus tard.

[89] Le 26 octobre 2016, le fonctionnaire a appris que ses prestations d’invalidité à long terme prendraient fin le 31 décembre 2016. Quelques jours plus tard, il a demandé que son congé de maladie non payé soit prolongé jusqu’au 1er avril 2017. L’employeur a de nouveau demandé des renseignements à son médecin concernant son aptitude au travail.

[90] Le 7 décembre 2016, le fonctionnaire a remis à l’employeur une lettre de son médecin indiquant qu’il était désormais apte à reprendre le travail et qu’il pourrait effectuer des tâches sédentaires. Cependant, il ne serait pas en mesure d’effectuer des tâches nécessitant le recours à la force ou de participer à une formation sur le recours à la force.

[91] Les prestations d’invalidité à long terme du fonctionnaire ont pris fin.

[92] Des courriels datés du 6 et du 13 janvier 2017 indiquent qu’au début de l’année 2017, l’employeur examinait les possibilités d’adaptation dans des postes de niveau inférieur. Ces courriels indiquent que l’employeur envisageait d’informer le fonctionnaire que, à part le poste d’ASF au CICV qui lui avait déjà été offert, aucun poste de même niveau n’avait été trouvé dans la région et aucun poste de niveau inférieur n’avait été trouvé dans le district.

[93] Les courriels indiquent que l’employeur envisageait de demander au fonctionnaire s’il serait disposé à prendre en considération des postes de niveau inférieur à l’extérieur du district. Cependant, l’employeur n’a pas communiqué avec le fonctionnaire. Rien n’indique non plus qu’il a communiqué avec les représentants de l’agent négociateur. Les courriels révèlent qu’en date du 13 janvier 2017, M. Zelenika avait consulté certains de ses collègues et avait dressé une liste des postes CR-04 disponibles dans la région. L’employeur a commencé à rédiger une nouvelle lettre d’options à l’intention du fonctionnaire.

[94] Le 30 janvier 2017, le fonctionnaire a écrit à M. Black pour savoir ce qu’il en était de ses demandes de mesure d’adaptation. Le fonctionnaire mentionnait que plus de sept semaines s’étaient écoulées depuis qu’il avait envoyé à l’employeur une lettre de son médecin confirmant son aptitude au travail. Il était resté sans réponse. Il mentionnait également que l’employeur n’avait toujours pas répondu à sa demande de mesures d’adaptation fondée sur sa situation de famille d’avril 2016. Il précisait que ses demandes de mesures d’adaptation fondées sur sa déficience et son statut de famille étaient distinctes et d’égale importance. Il n’a pas reçu de réponse de M. Black.

[95] Le 8 février 2017, M. Zelenika a écrit au fonctionnaire pour l’informer que, comme il n’avait pas accepté l’offre de mutation au CICV, l’employeur avait [traduction] « […] effectué une évaluation approfondie des postes disponibles dans la région […] » qui seraient adaptés à ses limitations fonctionnelles. Dans la lettre, M. Zelenika indiquait qu’il n’y avait aucun poste vacant au même niveau dans la région. Les seuls postes FB-03 dans la région qui ne nécessitaient pas le recours à la force ou le port d’une arme et qui étaient principalement assortis de tâches sédentaires étaient tous pourvus.

[96] Dans sa lettre, M. Zelenika mentionnait que, comme il n’y avait pas de postes disponibles au même niveau, l’employeur avait effectué une recherche de postes de niveau inférieur disponibles. Il mentionnait que des postes CR-04 étaient disponibles dans la région. Les lieux de travail exacts de la plupart d’entre eux n’étaient pas précisés dans la lettre. Les postes disponibles étaient décrits comme des postes dans [traduction] « […] la Division des programmes et des services organisationnels, le district de l’autoroute du Pacifique, le district de l’agglomération, la Division des échanges commerciaux, le district de l’aéroport international de Vancouver et le district de la côte ouest et du Yukon ». Les éléments de preuve présentés à l’audience confirmaient qu’à l’exception d’un poste de niveau CR-04 situé à un point d’entrée très éloigné de celui de Paterson, les postes proposés au fonctionnaire se situaient à Vancouver ou au Yukon. Il n’y en avait aucun dans le district.

[97] Le fonctionnaire s’est vu accorder jusqu’au 24 février 2017 pour décider s’il était prêt à envisager une rétrogradation volontaire à un poste classifié CR-04 dans l’un des districts ou divisions mentionnés dans la lettre, avec une aide à la réinstallation. La lettre de M. Zelenika indiquait que le défaut de transmettre sa décision au plus tard le 24 février 2017 serait considéré comme un refus. Comme le fonctionnaire était en congé non payé depuis plus de deux ans, s’il refusait les possibilités d’emploi CR-04, son congé de maladie non payé devrait prendre fin par démission ou retraite pour des raisons médicales. M. Zelenika devrait autrement [traduction] « […] envisager de recommander le licenciement [du fonctionnaire] pour un motif valable, à savoir la déficience ».

[98] Le fonctionnaire a témoigné qu’il se sentait confus quand il a reçu la lettre de M. Zelenika. Il ignorait que l’employeur envisageait des postes de niveau inférieur. Il était surpris de se voir offrir des postes aussi loin que le Yukon et, une fois de plus, de se voir offrir des postes dans la région de Vancouver. Il se sentait également stressé et paniqué par le court délai qui lui était accordé pour prendre ce qu’il a décrit comme une décision qui changerait sa vie. Il a demandé plus de temps pour répondre à la lettre de M. Zelenika, afin de pouvoir étudier l’offre et consulter ses représentants de l’agent négociateur.

[99] Le fonctionnaire s’est vu accorder une prolongation unique de deux semaines (jusqu’au 10 mars 2017) pour confirmer s’il était disposé à envisager une rétrogradation volontaire. Lorsqu’il a accordé cette prolongation, M. Zelenika lui a une fois de plus rappelé que son défaut de répondre avant la nouvelle date limite serait considéré comme un refus de l’offre de l’employeur, et que, s’il refusait d’envisager l’une des possibilités d’emploi CR-04, son congé de maladie non payé devrait prendre fin par démission ou retraite pour des raisons médicales. Autrement, une recommandation de licenciement pour un motif valable pourrait être formulée.

[100] Le 21 février 2017, le fonctionnaire a déposé les deux premiers de ses griefs (dans les dossiers de la Commission nos 566-02-42040 et 42041. Comme je l’ai mentionné, selon ces griefs, l’ASFC avait enfreint son obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard du fonctionnaire en raison de sa déficience et de sa situation de famille. L’audition du grief au premier palier a eu lieu le lendemain. Cinq jours plus tard, M. Britton a rejeté les deux griefs.

[101] Le 10 mars 2017, le fonctionnaire a informé M. Zelenika qu’il soumettrait une demande d’approbation de retraite pour des raisons médicales à Santé Canada. Même s’il souhaitait retourner au travail et se sentait capable d’effectuer des tâches sédentaires, il a demandé à son médecin de remplir les formulaires pour appuyer sa demande. Tant le fonctionnaire que sa conjointe ont témoigné qu’ils croyaient que le fonctionnaire pouvait travailler et qu’il était peu probable que la demande de retraite pour des raisons médicales soit acceptée. Ils ont décrit la demande comme étant motivée par le sentiment de panique du fonctionnaire, étant donné la perspective d’une perte d’emploi, et par la crainte du fonctionnaire de perdre ses prestations d’assurance maladie à un moment où sa conjointe éprouvait des problèmes de santé importants.

[102] Dans une lettre datée de quatre jours plus tard, M. Zelenika a informé le fonctionnaire que, puisqu’il avait choisi de mettre fin à son congé de maladie non payé par la voie d’une retraite pour des raisons médicales, il était réputé ne pas envisager les possibilités d’emploi CR-04 qui lui avaient été présentées précédemment. Le fonctionnaire était informé que si Santé Canada n’approuvait pas sa demande de retraite pour des raisons médicales, M. Zelenika devrait envisager de recommander son licenciement.

[103] Le 17 mars 2017, M. Black a rejeté les deux premiers griefs du fonctionnaire au deuxième palier de la procédure interne de règlement des griefs de l’employeur.

[104] Le 2 mai 2017, le fonctionnaire a écrit à M. Zelenika pour l’informer que Santé Canada avait refusé sa demande de retraite pour des raisons médicales. Il a également informé M. Zelenika qu’il avait soumis une demande de congé non payé de cinq ans pour s’occuper de la famille, afin de prendre soin de ses enfants. La demande de congé visait la période du 2 mai 2017 (la date à laquelle elle a été soumise) au 1er mai 2022.

[105] Le fonctionnaire a témoigné que selon sa compréhension, l’acceptation d’une demande de congé non payé pour s’occuper de la famille n’était pas discrétionnaire; c’est-à-dire que selon les termes de la convention collective (la convention collective entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada pour le groupe FB qui a expiré le 20 juin 2018; la « convention collective »), l’employeur était tenu de l’accorder. Tant lui-même que sa conjointe ont décrit sa demande comme une façon légitime de lui permettre de continuer à s’occuper de leurs enfants tout en maintenant ses relations de travail avec l’ASFC, avec une période tampon de plusieurs années pendant lesquelles un travail significatif et adapté à ses limitations pourrait éventuellement s’offrir au niveau local ou au niveau du district.

[106] Le fonctionnaire n’a pas reçu de réponse à son courriel du 2 mai 2017. Il n’a pas eu de nouvelles de l’employeur concernant sa demande de congé.

[107] Les courriels déposés en preuve à l’audience indiquent que le 4 mai 2017, un conseiller en relations de travail de l’ASFC dans la région a écrit au gestionnaire des relations de travail, à l’administration centrale de l’ASFC, pour savoir si la région avait le soutien de l’administration centrale pour aller de l’avant avec le licenciement du fonctionnaire, étant donné que sa demande de retraite pour des raisons médicales avait été refusée. Le courriel de l’agent des relations de travail indiquait que le fonctionnaire avait demandé un congé non payé de cinq ans pour s’occuper de la famille le même jour où sa demande de retraite pour des raisons médicales avait été refusée et que l’employeur [traduction] « […] ne lui avait pas encore répondu, car sa dernière lettre mentionnait une recommandation de licencier le fonctionnaire dans l’éventualité où [Santé Canada] n’approuverait pas la demande de retraite pour des raisons médicales ».

[108] Le 20 juin 2017, l’employeur a licencié le fonctionnaire. Le passage le plus pertinent de la lettre de licenciement signée par Mme MacVicar est le suivant :

[Traduction]

[…]

Le 2 mai 2017, vous avez informé la direction que votre demande de retraite pour des raisons médicales n’avait pas été approuvée par Santé Canada en raison de la possibilité que vous puissiez retourner au travail à un moment donné. Plutôt que de considérer l’offre qui vous a été faite en février 2017, vous avez soumis une demande de congé non payé pour s’occuper de la famille pendant cinq ans.

Comme vous le savez, un congé non payé est accordé afin d’assurer la continuité de l’emploi en cas d’incapacité à travailler. Cependant, il ne peut pas être accordé indéfiniment. Vous êtes en congé de maladie non payé depuis plus de deux ans, vous avez reçu et refusé une mesure d’adaptation raisonnable deux fois, votre demande de retraite pour des raisons médicales a été refusée et vous avez refusé de choisir l’une des deux options restantes, préférant demander un autre type de congé non payé. De plus, vous avez été jugé apte à effectuer des tâches sédentaires, mais vous avez refusé de considérer l’option CR-04 qui aurait été adaptée à vos limitations.

C’est avec regret que je dois vous informer que je n’approuverai pas de congé non payé supplémentaire au-delà du 20 juin 2017. Par conséquent, je mets fin à votre emploi à l’[ASFC] pour des raisons non disciplinaires, à partir de maintenant […]

[…]

 

[109] En contre-interrogatoire, Mme MacVicar a témoigné qu’au moment où elle a signé la lettre de licenciement, elle savait que le médecin du fonctionnaire et Santé Canada l’avaient jugé apte à travailler. Elle a témoigné que l’employeur avait suivi toutes les étapes nécessaires et qu’il avait exploré toutes les possibilités, tant au même niveau qu’à un niveau inférieur, pour composer avec sa déficience. Le fonctionnaire avait refusé ces possibilités.

[110] Interrogée au sujet des possibilités et des solutions qu’elle avait explorées ou sur lesquelles elle s’était renseignée avant de signer la lettre de licenciement, Mme MacVicar a témoigné qu’elle n’avait pas envisagé la possibilité d’offrir au fonctionnaire une mesure d’adaptation dans un poste à temps partiel, de lui fournir une mesure d’adaptation temporaire, de l’aider à trouver un emploi dans un autre ministère ou de l’inscrire comme bénéficiait d’un droit de priorité au sein de l’ASFC ou dans la fonction publique élargie, ni ne s’était renseignée à ces sujets. Elle a également indiqué qu’elle n’envisageait pas de faire droit à sa demande de congé non payé pour s’occuper de la famille au cas où une mesure d’adaptation convenable deviendrait possible dans l’avenir. Elle a également indiqué qu’elle partait du principe que les gestionnaires locaux et de district avaient été en contact avec le fonctionnaire tout au long du processus de prise de mesure d’adaptation et qu’ils avaient discuté de ses options avec lui.

[111] En ce qui concerne la demande de congé non payé que le fonctionnaire avait présentée pour s’occuper de la famille, Mme MacVicar a dit l’avoir refusée, car le fonctionnaire avait déjà été en congé non payé pendant plus de deux ans et parce que l’employeur avait épuisé toutes les possibilités d’adaptation. En contre-interrogatoire, elle a déclaré qu’en raison de la durée du congé demandé et du fait que le fonctionnaire était déjà en congé de maladie non payé, elle n’était pas disposée à approuver la demande de congé.

[112] Toujours pendant le contre-interrogatoire, Mme MacVicar a indiqué que, selon sa compréhension à l’époque, la convention collective interdisait à un employé de convertir un congé de maladie non payé en un autre type de congé non payé, y compris un congé non payé pour s’occuper de la famille.

[113] Peu de temps après son licenciement, le fonctionnaire a déposé des griefs en réponse au refus de sa demande de congé non payé pour s’occuper de la famille et à son licenciement (dans les dossiers de la Commission nos 566-02-42042 à 42044).

[114] Après son licenciement, le fonctionnaire s’est occupé de ses enfants à temps plein jusqu’à ce qu’il termine un programme de recyclage qui lui a permis de trouver l’emploi qu’il occupe dans le secteur privé depuis 2023.

III. Motifs

A. La demande de mesure d’adaptation du fonctionnaire et son licenciement ultérieur

1. Principes généraux et principale question à trancher

[115] La clause 19.01 de la convention collective stipule qu’il n’y aura aucune discrimination à l’égard d’un employé du fait de sa situation familiale ou de son incapacité physique, parmi d’autres motifs illicites. De même, l’art. 7 de la LCDP prévoit que constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait de défavoriser un individu en cours d’emploi. Le paragraphe 3(1) de la LCDP prévoit que la déficience et la situation de famille sont des motifs de distinction illicite. Conformément à l’al. 226(2)a) de la Loi, la Commission peut, pour instruire toute affaire dont elle est saisie, interpréter et appliquer la LCDP en ce qui concerne les questions relatives à l’emploi.

[116] Comme je l’ai mentionné, le fonctionnaire a retiré son grief concernant la mesure d’adaptation fondée sur la situation de famille. Comme ses arguments à l’audience portaient sur le motif illicite que constitue la déficience, il en sera de même pour ce qui est de l’analyse présentée dans les présents motifs.

[117] La première question que je dois trancher est celle de savoir si le fonctionnaire a établi à première vue l’existence de discrimination. Pour ce faire, il devait démontrer qu’il possède une caractéristique protégée par la LCDP contre la discrimination, qu’il a subi un effet préjudiciable dans le contexte de son emploi et que la caractéristique protégée a constitué un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable.

[118] En réponse à une allégation de discrimination, l’employeur peut présenter ses propres éléments de preuve pour réfuter l’allégation du fonctionnaire selon laquelle il existait de la discrimination à première vue. Il peut également invoquer une exception légale en vertu de la LCDP. Une exigence ou une action qui semble, en apparence, discriminatoire peut en réalité ne pas l’être si elle découle d’exigences professionnelles justifiées (voir l’al. 15(1)a) de la LCDP). L’exigence ou l’action est une exigence professionnelle justifiée s’il est démontré que les mesures destinées à répondre aux besoins d’une personne constituent une contrainte excessive (voir le par. 15(2) de la LCDP).

[119] Dans les cas où l’al. 15(1)a) et le par. 15(2) de la LCDP sont invoqués, le fardeau est transféré à l’employeur qui doit démontrer qu’il avait une exigence professionnelle justifiée et que les mesures d’adaptation destinées à répondre aux besoins du fonctionnaire constituaient pour lui une contrainte excessive. S’il ne s’acquitte pas de ce fardeau, il sera conclu qu’il y a eu discrimination (voir Colombie‑Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3, au par. 54 (« Meiorin »); Moore c. Colombie‑Britannique (Éducation), 2012 CSC 61, au par. 33; et Reece c. Agence du revenu du Canada, 2023 CRTESPF 18, aux par. 87 à 91).

[120] Dans Meiorin, la Cour suprême du Canada a élaboré un critère en trois étapes concernant les exigences professionnelles justifiées. Celui-ci est largement utilisé pour déterminer si un employeur s’est acquitté de son obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard d’un employé. Dans Reece, au par. 91, la Commission a résumé ce critère comme suit :

1) L’exigence professionnelle est-elle rationnellement liée à l’exécution du travail?

2) L’exigence a-t-elle été adoptée en croyant sincèrement qu’elle était nécessaire pour atteindre les objectifs du poste?

3) L’exigence est-elle raisonnablement nécessaire, en ce sens que la personne ne peut se voir accorder une mesure d’adaptation sans que l’employeur subisse une contrainte excessive?

 

[121] Les parties ne contestent pas que le fonctionnaire a établi à première vue l’existence de discrimination, laquelle a déclenché l’obligation de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation. Compte tenu de la preuve résumée précédemment, je suis d’accord avec elles pour dire que le fonctionnaire a établi l’existence de discrimination. Il est handicapé. Lorsqu’il a soumis sa demande de mesures d’adaptation fondée sur une déficience, et lorsqu’il a été licencié, il était apte à effectuer des tâches sédentaires, sauf que son invalidité permanente l’empêchait d’effectuer certaines des tâches attendues d’un ASF, notamment participer à la formation sur le recours à la force et à des tâches connexes et exercer des fonctions d’application de la loi nécessitant le port d’une arme à feu. Il a été licencié. Les parties ne contestent pas que sa déficience a joué dans son licenciement.

[122] Selon un exposé conjoint des faits préparé par les parties, la principale question en litige porte sur la question de savoir si l’employeur a satisfait à la troisième étape du critère établi dans Meiorin. Le fonctionnaire n’a pas allégué que l’employeur n’a pas satisfait aux deux premières étapes du critère. Il avait raison de faire cela. Pendant toute la période pertinente, les ASF travaillant au point d’entrée de Paterson étaient tenus de porter une arme à feu, d’effectuer des tâches liées au recours à la force et de suivre une formation sur le recours à la force. Les parties s’entendent sur le fait que ces exigences ont été adoptées à des fins rationnellement liées à l’exécution du travail et dans la conviction sincère et de bonne foi qu’elles étaient nécessaires à l’accomplissement d’un objectif légitime lié au travail.

[123] Je suis d’accord avec les parties pour dire que la principale question en litige en l’espèce est celle de savoir si l’employeur a présenté des éléments de preuve démontrant que, selon la prépondérance des probabilités, il s’est acquitté de la troisième étape du critère établi dans Meiorin. Autrement dit, je dois déterminer si la prise d’une mesure d’adaptation pour répondre aux besoins du fonctionnaire aurait constitué pour l’employeur une contrainte excessive.

[124] L’obligation de prendre des mesures d’adaptation est un processus hautement individualisé dans lequel il faut éviter les règles rigides (voir Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal, 2007 CSC 4, au par. 22; voir aussi Hydro‑Québec c. Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, section locale 2000 (SCFP‑FTQ), 2008 CSC 43, au par. 17). L’évaluation de la question de savoir si un employeur s’est acquitté de cette obligation est également un exercice très factuel. J’ai lu et examiné les cas que le fonctionnaire et l’employeur ont soumis. Toutefois, compte tenu de la nature particulière de l’analyse que je dois effectuer, plusieurs de ces cas, bien qu’informatifs en ce qu’ils fournissent une description du cadre juridique bien établi que je dois appliquer aux faits du présent cas, n’ont qu’une pertinence limitée pour ce qui est de statuer sur le fond des griefs. Dans mes motifs, je ne citerai que les cas qui me semblent les plus pertinents au regard du bien-fondé des griefs dont je suis saisie.

[125] La troisième étape du critère établi dans Meiorin constitue un moyen de défense contre une conclusion de discrimination. Pour que cette exception à l’interdiction générale de discrimination s’applique à lui, l’employeur doit démontrer qu’il ne pouvait pas prendre des mesures d’adaptation à l’égard de l’employé sans subir une contrainte excessive (voir Meiorin, aux par. 54, 55 et 67). Il doit démontrer qu’avant de licencier le fonctionnaire, il a fait tout ce qui pouvait raisonnablement être attendu de lui pour répondre aux besoins de ce dernier (voir Hydro-Québec, aux par. 12 à 18).

[126] Bien que l’employeur puisse être tenu de faire des efforts diligents et vigoureux pour composer avec les besoins d’un employé, l’obligation qui lui est imposée n’est pas infinie. Rien ne l’oblige à créer des projets « artificiels » ou du travail qui n’est pas significatif et utile pour lui (voir Spooner c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 60, au par. 141; et Hydro-Québec, aux par. 15 à 18).

[127] Il n’existe aucun droit procédural distinct ou autonome en matière d’adaptation qui oblige l’employeur à suivre une formule ou un processus précis lorsqu’il cherche à prendre des mesures d’adaptation à l’égard d’un employé (voir Commission canadienne des droits de la personne c. Canada (Procureur général), 2014 CAF 131, aux par. 16 à 24; voir également Canada (Procureur général) c. Duval, 2019 CAF 290, au par. 25). Cela ne veut pas dire, cependant, que le processus suivi par l’employeur est sans importance. Comme l’a écrit la Cour suprême du Canada dans Meiorin, au par. 66 :

[…] il peut souvent se révéler utile, en pratique, d’examiner séparément, d’abord, la procédure, s’il en est, qui a été adoptée pour étudier la question de l’accommodement, et, ensuite, la teneur réelle d’une norme plus conciliante qui a été offerte ou, subsidiairement, celle des raisons pour lesquelles l’employeur n’a pas offert une telle norme […]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[128] Pour démontrer qu’il s’est acquitté de son obligation, l’employeur doit présenter des éléments de preuve à l’appui de son allégation de contrainte excessive. Il ne suffit pas qu’il affirme sans preuves qu’il lui est impossible de prendre des mesures d’adaptation à l’égard d’un employé pour qu’on puisse conclure que cela lui imposerait une contrainte excessive (voir Pepper c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2008 CRTFP 8, au par. 147).

[129] Si l’employeur a trouvé et proposé une mesure d’adaptation raisonnable, alors l’employé a l’obligation de faciliter la mise en œuvre de cette proposition. Si l’employé refuse une proposition raisonnable de mesure d’adaptation, l’employeur s’est alors acquitté de son obligation (voir Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] 2 R.C.S. 970 aux p. 994-995; « Central Okanagan »).

2. Les principaux arguments de l’employeur, résumés

[130] Je vais brièvement décrire les principaux arguments de l’employeur avant d’évaluer les éléments de preuve qui m’ont été présentés à l’audience.

[131] L’employeur soutient qu’il a cherché un travail significatif qui répondait aux besoins d’accommodement du fonctionnaire. Au moyen d’un processus de prise de mesures d’adaptation centralisé, il a cherché une mesure d’adaptation au point d’entrée de Paterson, puis a élargi la portée de sa recherche du niveau local au niveau du district, puis au niveau régional.

[132] L’employeur soutient qu’il savait ce qui était possible et ce qui ne l’était pas en matière de mesures d’adaptation au niveau local et au niveau du district. Il affirme qu’il a pu déterminer rapidement que, à long terme, il n’y avait tout simplement pas assez de travail administratif à faire au point d’entrée de Paterson ou dans d’autres points d’entrée à proximité pour un ASF qui ne pouvait pas être armé. Il soutient que la nature et le volume du travail dans les petits points d’entrée éloignés, le peu de personnel et l’aménagement physique du point d’entrée de Paterson appuient sa conclusion selon laquelle le fonctionnaire ne pouvait pas bénéficier de mesures d’adaptation à ce point d’entrée ou ailleurs dans le district. L’employeur soutient que la possibilité de [traduction] « diriger » les tâches administratives au point d’entrée de Paterson a été envisagée, mais qu’il a été conclu que cela ne suffirait pas pour occuper un ASF avec un travail significatif ou utile.

[133] L’employeur affirme avoir trouvé et proposé une mesure d’adaptation raisonnable, plus précisément un lieu de travail où il y avait des postes disponibles dans lesquels un ASF non armé souffrant d’une déficience permanente pourrait bénéficier de mesures d’adaptation. Ce lieu de travail était à Vancouver, au CICV. Une mutation a été proposée, mais le fonctionnaire l’a refusée.

[134] L’employeur reconnaît que l’offre de mesures d’adaptation n’était pas parfaite, car elle exigeait que le fonctionnaire déménage. Cependant, il soutient que la jurisprudence est claire : la question de savoir s’il y avait d’autres formes d’adaptation raisonnables que le fonctionnaire aurait pu préférer n’est pas déterminante. Ce qui est déterminant, c’est la question de savoir si la mesure d’adaptation offerte était raisonnable dans les circonstances (voir McMullin c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2021 CRTESPF 55, au par. 90). Le fonctionnaire devait accepter la mesure d’adaptation raisonnable qui lui a été offerte. Il ne l’a pas fait.

[135] L’employeur soutient que même si le fonctionnaire avait refusé son offre de mesures d’adaptation, il a continué à chercher des possibilités d’adaptation appropriées et a fait une deuxième offre de mesures d’adaptation en lui proposant des postes CR-04 disponibles. Son avocat a décrit la deuxième offre comme une façon de s’enquérir de la volonté du fonctionnaire d’envisager une rétrogradation et comme une tentative de répondre aux préoccupations du fonctionnaire concernant le coût de la vie. L’employeur soutient que le fonctionnaire n’a pas répondu à l’offre et il a conclu à un refus de l’offre quand le fonctionnaire a demandé l’approbation par Santé Canada d’une retraite pour des raisons médicales. L’employeur soutient qu’il s’est acquitté de son obligation de prendre des mesures d’adaptation et que le licenciement du fonctionnaire était raisonnable dans les circonstances.

[136] Avec ce résumé des arguments de l’employeur en main, je vais maintenant passer à mon analyse des éléments de preuve présentés à l’audience.

3. L’employeur s’est-il acquitté de son fardeau de preuve?

[137] Comme je l’ai mentionné précédemment, l’employeur assumait le fardeau de la preuve. Il devait prouver qu’il avait respecté son obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard du fonctionnaire et que le licenciement de ce dernier était motivé.

[138] Comme l’indique Ontario Public Service Employees Union v. Ontario (Community Safety and Correctional Services), 2010 CanLII 7275 (ON GSB), cité par le fonctionnaire, au paragraphe 128 : [traduction] « Il doit être prouvé que l’employeur a examiné la possibilité de modifier ou d’adapter les tâches professionnelles de la personne à titre de mesure d’adaptation, mais qu’il n’a pu le faire parce que cela aurait constitué pour lui une contrainte excessive. Si l’employeur a agi ainsi, les éléments de preuve seront clairs ».

[139] Il est raisonnable de supposer que l’employeur a présenté ses meilleurs éléments de preuve à l’audience. S’il a réellement présenté ses meilleurs éléments de preuve, j’ai de sérieux doutes quant à la recherche de mesures d’adaptation qui a été menée et quant au processus de prise de mesures d’adaptation qui a été suivi.

[140] Pour les motifs qui suivent, je conclus que la preuve de l’employeur était insuffisante pour étayer une conclusion de contrainte excessive.

[141] Deux témoins ont témoigné pour le compte de l’employeur. Les deux ont participé au processus de prise de mesures d’adaptation, mais aucun d’entre eux n’a pris part à toutes ses étapes. M. Velichko a participé au processus de prise de mesures d’adaptation uniquement au niveau local et au niveau du district. Mme MacVicar n’y a participé que lorsque le processus en était au niveau régional; c’est-à-dire après que la prise de mesures d’adaptation à l’égard du fonctionnaire a été exclue au niveau local et au niveau du district. Les personnes qui ont participé activement à la détermination et à l’évaluation des mesures d’adaptation n’ont pas témoigné.

[142] Étant donné que l’employeur a décrit son processus de prise de mesures d’adaptation comme reposant sur un modèle de cercles concentriques, je vais commencer par aborder la recherche de mesures d’adaptation qui a été réalisée au niveau local et au niveau du district, puis celle qui a été menée au niveau régional.

a. La recherche de mesures d’adaptation au niveau local et au niveau du district

[143] M. Velichko a décrit son rôle comme étant de recueillir des renseignements et de veiller à ce que le dossier du fonctionnaire aille de l’avant. La description qu’il a faite de sa participation au processus de prise de mesures d’adaptation au niveau local semblait généralement traduire sa propre vision de son rôle de cueillette de renseignements. Il semble avoir immédiatement accepté, sans chercher à en savoir plus, l’évaluation de M. Britton selon laquelle il n’y avait aucun travail que le fonctionnaire pouvait faire au point d’entrée de Paterson.

[144] Voilà qui est particulièrement préoccupant, étant donné que M. Velichko a affirmé que la recherche de mesures d’adaptation appropriées par l’employeur a commencé après qu’il a reçu les demandes écrites de mesures d’adaptation du fonctionnaire. Or l’évaluation de M. Britton a été présentée avant la réception de la demande écrite du fonctionnaire et du Formulaire de détermination des capacités fonctionnelles. L’évaluation de M. Britton, exposée dans un courriel adressé à MM. Black et Velichko le 6 avril 2016, semble avoir été fournie de façon anticipée d’après les renseignements que le fonctionnaire avait transmis lors de ce que celui-ci a décrit comme une conversation de moins de 30 secondes ayant eu lieu plus tôt dans la journée.

[145] M. Velichko a mentionné qu’il acceptait l’évaluation de M. Britton selon laquelle il n’y avait pas de travail au point d’entrée de Paterson pour un ASF qui ne pouvait pas effectuer l’ensemble des tâches d’un ASF et qu’il s’y fiait. Il a témoigné qu’il était d’avis que l’évaluation de M. Britton était précise parce que, selon lui, M. Britton, le surintendant du point d’entrée, était celui qui était le mieux placé pour savoir s’il y avait du travail, localement, pour un ASF bénéficiant de mesures d’adaptation.

[146] Bien que j’accepte que le surintendant du point d’entrée puisse avoir les connaissances et l’expérience nécessaires pour évaluer les possibilités d’adaptation, l’employeur n’a pas présenté suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer que le fonctionnaire ne pouvait pas bénéficier de mesures d’adaptation au point d’entrée de Paterson. Le surintendant du point d’entrée n’a pas témoigné et je n’ai aucune preuve concrète des possibilités qu’il a envisagées. Je ne suis pas non plus en mesure d’évaluer les efforts qu’il a faits pour explorer toutes les possibilités. Il est difficile pour moi de croire qu’il a pu effectuer une évaluation approfondie et diligente quelques minutes seulement après avoir été informé que le fonctionnaire avait l’intention de demander des mesures d’adaptation, et avant de recevoir officiellement la demande de mesures d’adaptation du fonctionnaire et le Formulaire de détermination des capacités fonctionnelles précisant ses limitations.

[147] Je sais que l’évaluation faite par M. Britton, que ce dernier a communiquée verbalement au fonctionnaire immédiatement après avoir été informé qu’une demande de mesures d’adaptation serait soumise, et qui a été de nouveau transmise, par écrit cette fois, après la conversation entre M. Britton et le fonctionnaire, n’a pas ensuite été remise en question ou réellement réexaminée. Si M. Britton a fourni à l’employeur une explication des possibilités explorées et des efforts qu’il a déployés pour évaluer les possibilités d’adaptation, aucun élément de preuve ne m’a été présenté à cet égard. La confiance que M. Velichko a accordée à l’évaluation faite par de M. Britton a eu pour résultat d’exclure toute mesure d’adaptation au point d’entrée de Paterson avant même qu’une demande de mesures d’adaptation ne soit soumise officiellement.

[148] Après que le fonctionnaire a soumis sa demande de mesures d’adaptation, M. Black a exprimé une opinion semblable à celle de M. Britton, tel qu’elle a été décrite précédemment. M. Velichko a accepté l’évaluation faite par M. Black, selon laquelle il n’y avait aucune mesure d’adaptation raisonnable possible au point d’entrée de Paterson, sans chercher à en savoir plus. L’évaluation faite par M. Black a été présentée six minutes après qu’on lui ait demandé d’évaluer s’il y avait du travail au point d’entrée de Paterson qui répondait aux limitations du fonctionnaire. Son évaluation complète comprend quatre courtes phrases. M. Black n’a pas témoigné. Je n’ai aucun élément de preuve concret au sujet des possibilités qu’il a envisagées; je ne suis pas non plus en mesure d’évaluer les efforts qu’il a déployés pour explorer toutes les mesures d’adaptation possibles. Il m’est difficile de croire qu’il ait pu effectuer une évaluation approfondie et diligente dans les six minutes qui ont suivi la demande d’évaluation.

[149] Le souvenir qu’a M. Velichko des discussions qu’il a pu avoir avec M. Britton ou M. Black dans le cadre de la recherche de mesures d’adaptation peut être qualifié de vague. Il semblait se souvenir d’une discussion avec l’un d’entre eux, à un moment donné dans le processus de prise de mesures d’adaptation, mais il ne se rappelait pas s’il avait contesté ou remis en question leurs évaluations de quelque manière que ce soit. La difficulté de se souvenir d’événements plusieurs années après qu’ils ont eu lieu n’est pas surprenante. Cependant, le témoignage de M. Velichko n’est pas le seul élément de preuve qui a été présenté à l’audience concernant cette étape du processus de prise de mesures d’adaptation. Les évaluations faites par MM. Britton et Black ont été transmises par écrit, par courrier électronique. Les échanges de courriels ultérieurs faisant intervenir M. Velichko appuient la conclusion selon laquelle ce dernier a accepté les évaluations sans chercher à en savoir plus.

[150] M. Velichko ne connaissait pas les possibilités que MM. Britton et Black avaient envisagées. Il ne savait pas ou ne pouvait pas se rappeler si la possibilité d’acheminer du travail administratif au point d’entrée de Paterson, de proposer un poste à temps partiel au fonctionnaire, de lui offrir une mesure d’adaptation temporaire ou de lui proposer un poste de représentant des services aux voyageurs avait été envisagée et examinée. Bien qu’il ait témoigné qu’il ne croyait pas que ces possibilités auraient donné lieu à une quantité suffisante de travail utile pour le fonctionnaire, son témoignage n’a pas laissé entendre qu’il avait fait une évaluation en ce sens lorsqu’il était chargé de la demande de mesures d’adaptation du fonctionnaire. Son témoignage ne suffisait pas non plus à appuyer la position de l’employeur selon laquelle ce dernier savait ce qui était possible et ce qui ne l’était pas en matière de mesures d’adaptation possibles pour le fonctionnaire au niveau local et au niveau du district.

[151] Même s’il savait que des mesures d’adaptation avaient été accordées à des ASF enceintes au point d’entrée de Paterson, M. Velichko n’a pas demandé à M. Britton ou à M. Black de lui confirmer que les mesures d’adaptation offertes dans ces cas avaient été envisagées et jugées inappropriées compte tenu des limitations permanentes du fonctionnaire. À l’audience, M. Velichko a dit qu’il savait qu’il y avait eu un transfert de travail administratif entre le point d’entrée de Paterson et celui de Kingsgate à titre de mesure d’adaptation pour un autre ASF, comme l’avait décrit brièvement M. Black dans une évaluation des possibilités d’adaptation possibles au point d’entrée de Paterson, datée du 27 avril 2016. Malgré cela, il semble que M. Velichko n’ait pas demandé si un arrangement similaire pouvait être pris à titre de mesure d’adaptation pour le fonctionnaire ou si les arrangements existants pouvaient être modifiés pour permettre à l’employeur d’offrir des mesures d’adaptation aux deux employés.

[152] M. Velichko a témoigné qu’il ne pensait pas qu’un ASF accepterait d’occuper un poste à temps partiel à titre de mesure d’adaptation. Cependant, personne n’a communiqué avec le fonctionnaire pour lui demander ce qu’il serait prêt à envisager ou à accepter. Personne ne lui a demandé quels étaient ses besoins ou ses priorités. Si l’employeur l’avait fait, le processus de prise de mesures d’adaptation en question aurait probablement été très différent.

[153] L’employeur aurait su que le fonctionnaire avait pour principale priorité de rester près de Trail, afin de pouvoir continuer à s’occuper de ses enfants et de conserver ses prestations d’assurance maladie. Il avait soumis une demande de mesures d’adaptation fondée sur sa situation de famille, demandant un horaire de travail modifié. L’employeur aurait raisonnablement pu voir en cette demande un signe qu’un horaire de travail à temps plein n’était pas une priorité pour le fonctionnaire. Pourtant, personne n’a communiqué avec le fonctionnaire pour lui demander si le fait de bénéficier de mesures d’adaptation dans un poste d’ASF à temps partiel ou dans un poste de niveau inférieur à temps plein ou à temps partiel situé à proximité relative du point d’entrée de Paterson ou de Trail aurait été acceptable pour lui ou aurait satisfait à ses besoins.

[154] M. Velichko a décrit le travail des ASF dans les petits points d’entrée éloignés. Il a décrit les facteurs liés à l’effectif et au lieu de travail qui auraient pu rendre difficile la prise de mesures d’adaptation à l’égard du fonctionnaire au point d’entrée de Paterson ou à d’autres points d’entrée de taille similaire à proximité.

[155] Il n’aurait peut-être pas été possible d’offrir des mesures d’adaptation au fonctionnaire dans ces lieux de travail sans que l’employeur subisse une contrainte excessive. Cependant, les éléments de preuve qu’il a fournis relativement au premier niveau du modèle de cercles concentriques n’étaient pas suffisants pour étayer une telle conclusion. La description qu’a faite M. Velichko du processus de prise de mesures d’adaptation au niveau local et la preuve documentaire ne témoignaient pas de la rigueur attendue d’un employeur ayant une obligation importante en matière de droits de la personne.

[156] Je vais maintenant me pencher sur la recherche de mesures d’adaptation par l’employeur dans le district.

[157] La preuve de l’employeur concernant sa recherche de mesures d’adaptation au niveau du district était de nature générale. Le témoignage de M. Velichko quant à la raison pour laquelle il a exclu la possibilité d’accorder des mesures d’adaptation au fonctionnaire dans d’autres points d’entrée du district était vague. De façon générale, il a indiqué que s’il n’y avait pas assez de travail pour un ASF bénéficiant de mesures d’adaptation au point d’entrée de Paterson, il en irait de même pour les autres points d’entrée, parce que ceux-ci étaient habituellement de taille et de nature semblables, ou étaient plus petits.

[158] Le point d’entrée de Kingsgate est plus grand que le point d’entrée de Paterson, et les éléments de preuve présentés à l’audience ont révélé qu’un ASF non armé y avait bénéficié de mesures d’adaptation. L’employeur y avait redirigé les tâches administratives depuis les autres points d’entrée à titre de mesure d’adaptation à l’égard de cet ASF.

[159] Pourtant, comme je l’ai mentionné précédemment, M. Velichko n’a pas demandé si un arrangement similaire pouvait être pris à titre de mesure d’adaptation à l’égard du fonctionnaire au point d’entrée de Kingsgate, ni si les arrangements existants pouvaient être modifiés pour permettre à l’employeur d’offrir des mesures d’adaptation aux deux employés. Il n’a pas demandé aux surintendants des autres points d’entrée du district s’il existait des possibilités d’adaptation à ces points d’entrée. Il a indiqué qu’il s’appuyait sur l’évaluation de M. Black pour exclure la possibilité d’accorder des mesures d’adaptation au fonctionnaire, au niveau du district. Cependant, l’évaluation en quatre phrases qu’a présentée M. Black dans son courriel du 27 avril 2016 abordait seulement la possibilité d’offrir au fonctionnaire des mesures d’adaptation au point d’entrée de Paterson. Elle ne faisait pas mention de la possibilité de prendre des mesures d’adaptation ailleurs dans le district.

[160] Le jour après que le fonctionnaire a présenté sa demande de mesures d’adaptation, le coordonnateur a travaillé sur le dossier, prenant apparemment la relève de M. Velichko, qui était responsable de la recherche au niveau local et au niveau du district.

[161] Après une seule journée, l’employeur a porté sa recherche de mesures d’adaptation convenables au niveau régional, sans jamais revenir en arrière. Mme MacVicar a supposé que toutes les possibilités au niveau local et au niveau du district avaient été examinées. Elle a supposé que le fonctionnaire et son surintendant avaient eu des discussions collaboratives. Elle n’a pas demandé ni reçu de confirmation avant de signer la lettre de licenciement.

[162] L’employeur soutient que le temps qu’il a pris pour évaluer les possibilités d’adaptation au point d’entrée de Paterson n’était pas déraisonnable, vu la connaissance qu’avait l’employeur de l’environnement de travail du fonctionnaire, qui était un petit point d’entrée éloigné et peu fréquenté comptant seulement une dizaine d’employés. Comme je l’ai mentionné précédemment, l’employeur soutient que, dans une large mesure, il savait déjà ce qui était possible et ce qui ne l’était pas pour ce qui est de la prise de mesures d’adaptation permanentes au niveau local et au niveau du district.

[163] J’accepte que le point d’entrée de Paterson est petit et n’a pas d’effectifs nombreux à disposition. Il ne semble pas non plus que la circulation y soit élevée, notamment en basse saison. Je reconnais également que bon nombre – bien que pas tous – des points d’entrée à proximité ont des caractéristiques similaires. Je reconnais également que les options et la souplesse dont dispose l’employeur le temps venu de proposer un travail significatif de même niveau sont moindres dans un environnement de travail de cette nature, notamment lorsque le besoin de mesures d’adaptation est permanent. Dans certaines circonstances, il peut être impossible pour un employeur de proposer un travail significatif sans qu’il en résulte une contrainte excessive pour lui.

[164] Cependant, l’employeur qui invoque la défense de contrainte excessive a le fardeau de démontrer l’existence de cette contrainte. Il doit démontrer que la prise de mesures d’adaptation pour répondre aux besoins du fonctionnaire constituerait pour lui une contrainte excessive.

[165] Les éléments de preuve présentés à l’audience ont démontré que l’employeur s’appuyait sur une impression initiale et générale ou sur sa compréhension qu’il n’était pas possible de prendre de mesures d’adaptation permanentes à l’égard d’un ASF handicapé dans un petit point d’entrée. L’employeur n’a pas pris les mesures nécessaires pour s’assurer que tel était bien la situation dans le présent cas et il n’a pas présenté suffisamment d’éléments de preuve à la Commission pour établir que tel était effectivement le cas.

[166] Comme l’a écrit la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « CRTFP », prédécesseur de la Commission) dans Pepper :

[…]

153 […] Meiorin est sans équivoque : la législation sur les droits de la personne a pour objet d’obliger les employeurs à trouver des moyens positifs d’arriver à des mesures d’adaptation satisfaisantes. À cette fin, les employeurs doivent évaluer la démarche qui les a menés à leurs décisions de ne pas prendre de telles mesures. Rejeter d’emblée l’idée même de prendre des mesures d’adaptation sans y réfléchir suffisamment et sans y accorder assez d’attention ni explorer les possibilités envisageables ne peut absolument pas être considéré comme le fait d’avoir pris des mesures suffisantes pour répondre aux besoins des employés intéressés.

[…]

 

[167] Pepper concernait un employé du ministère de la Défense nationale qui avait été licencié en raison d’une déficience. La CRTFP a conclu que, dans ce cas, l’employeur avait décidé précipitamment que le fonctionnaire ne pouvait faire l’objet de mesures d’adaptation. Elle a conclu que l’employeur n’avait présenté aucune preuve qu’il avait examiné avec diligence toutes les possibilités d’adapter le milieu de travail pour que le fonctionnaire puisse y travailler.

[168] Entre autres exemples de cas dans lesquels l’arbitre a conclu que l’employeur n’avait pas démontré qu’il avait fait une recherche diligente de mesures d’adaptation, voir United Steelworkers, Local 1-306 v. Agropur (2020), 313 L.A.C. (4th) 125, aux par. 96 et 97; et Employees Union v. Ontario (Ministry of Community Safety and Correctional Services) (2013), 235 L.A.C. (4th) 324, aux par. 56 et 129 à 132).

[169] Dans le présent cas, l’employeur s’est empressé de conclure que le fonctionnaire ne pouvait pas bénéficier de mesures d’adaptation au niveau local ou au niveau du district. Il a écarté la possibilité de lui offrir un poste d’ASF au niveau local avant d’avoir officiellement reçu une demande de mesures d’adaptation. Il l’a fait en quelques minutes et n’a jamais réexaminé ou réévalué cette décision.

[170] L’employeur s’est appuyé sur les évaluations de MM. Britton et Black, mais n’a pas appelé ces derniers à témoigner. Les éléments de preuve présentés à l’audience indiquent que MM. Britton et Black semblent avoir écarté d’emblée l’idée d’envisager des mesures d’adaptation. Rien n’indique qu’ils aient orienté leurs pensées créatives afin de trouver « […] des moyens positifs d’arriver à des mesures d’adaptation satisfaisantes » (voir Pepper, au par. 153). Rien n’indique non plus qu’ils ont réfléchi suffisamment et accordé assez d’attention à la question. Ils ont tiré leurs conclusions initiales en quelques minutes ou heures, ce que l’employeur n’a pas remis en question, et ils n’y sont pas revenus de quelque manière que ce soit par la suite.

[171] Dans les 24 heures suivant la réception de la demande officielle de mesures d’adaptation, l’employeur a également définitivement exclu la possibilité de prendre des mesures d’adaptation à l’égard du fonctionnaire dans un poste d’ASF ailleurs dans le district. La recherche de mesures d’adaptation au point d’entrée de Paterson, localement ou ailleurs dans le district, a pris fin un jour seulement après que le fonctionnaire a présenté sa demande. Les efforts de l’employeur se sont immédiatement tournés vers la recherche de mesures d’adaptation au niveau régional.

[172] L’employeur s’est appuyé sur son modèle de cercles concentriques pour décrire ses efforts de recherche de mesures d’adaptation à l’égard du fonctionnaire. Cependant, il n’a pas prouvé que toutes les options et possibilités avaient été explorées et épuisées aux deux premiers niveaux. Il n’a pas démontré qu’il avait effectué une recherche approfondie et diligente de mesures d’adaptation aux niveaux les plus importants du modèle de cercles concentriques, qui, selon ce que Mme MacVicar a décrit, visait à prendre des mesures d’adaptation le plus près possible des lieux de travail des employés à ce moment-là.

b. La recherche de mesures d’adaptation au niveau régional

[173] À l’audience, l’employeur a beaucoup insisté sur sa recherche de mesures d’adaptation dans un poste à temps plein au niveau régional, y compris les deux offres de mesures d’adaptation qu’il a faites au fonctionnaire. Mme MacVicar a fourni la plupart des éléments de preuve de l’employeur concernant la recherche menée au niveau régional. Bien qu’elle ait joué un rôle clé dans le processus de prise de mesures d’adaptation, elle n’a pas activement participé à la recherche des possibilités d’adaptation présentées au fonctionnaire.

[174] Mme MacVicar a témoigné que la recherche de l’employeur au niveau régional a d’abord reposé sur le recensement de postes d’ASF à temps plein appropriés. La première mesure d’adaptation offerte au fonctionnaire était un poste d’ASF dans la région de Vancouver, pour lequel il s’est vu offrir une aide à la réinstallation.

[175] Mme MacVicar a témoigné au sujet des mesures que l’ASFC avaient prises précédemment pour créer des postes d’ASF convenant à des ASF non armés, à la suite de l’adoption de l’exigence de port d’arme pour tous les ASF. Des postes d’ASF à temps plein avaient été créés au CICV dans ce but précis. Un petit nombre d’autres postes pouvant être occupés par un ASF non armé existaient également dans la région du Grand Vancouver et, dans une moindre mesure, à Victoria. Mme MacVicar a indiqué que l’employeur avait pris en compte ces différents postes aux fins des mesures d’adaptation en litige dans le présent cas. Cependant, les seuls postes disponibles à l’époque étaient situés au CICV.

[176] Le fonctionnaire a témoigné qu’il avait l’impression que la réponse de l’employeur à sa demande de mesures d’adaptation fondée sur une déficience était décidée d’avance. Il croyait que l’employeur avait déjà décidé que le CICV était un lieu de travail approprié pour les ASF bénéficiant de mesures d’adaptation et que, par défaut, c’est à cet endroit que des mesures d’adaptation seraient proposées, et qu’il n’a pas réfléchi aux mesures d’adaptation possibles plus près du point d’entrée de Paterson ou de Trail, ni n’a envisagé de ces possibilités.

[177] Il n’est pas nécessaire que je me prononce sur la question de savoir si l’offre de mesures d’adaptation de l’employeur au CICV était décidée d’avance. Néanmoins, il est intéressant de souligner que le coordonnateur a qualifié le cas du fonctionnaire de [traduction] « […] “cas type” que [Mme MacVicar] souhaite utiliser avec une offre de mutation au CICV ». Bien que Mme MacVicar ait indiqué qu’elle ne comprenait pas pourquoi la situation du fonctionnaire avait été décrite comme un cas type, cette description, à une époque qui coïncidait grosso modo avec les efforts déployés par l’ASFC pour créer ou rendre disponibles des postes au CICV pour les agents des services frontaliers qui bénéficiaient de mesures d’adaptation et ne pouvaient pas être armés, semble donner du poids à la croyance du fonctionnaire selon laquelle l’employeur privilégierait vraisemblablement le CICV au moment de proposer des mesures d’adaptation. La description du « cas type » n’est pas non plus cohérente avec un modèle de cercles concentriques suivant lequel les possibilités d’adaptation au niveau régional devraient être explorées en dernier recours, ou presque.

[178] Une offre de mesures d’adaptation a été faite au CICV. Cependant, je ne peux pas écarter le fait que l’employeur aurait dû savoir que le fonctionnaire était incapable d’accepter l’offre au moment où elle a été faite. Il se remettait d’une chirurgie au dos. Il n’aurait pas pu commencer à travailler au CICV en septembre 2016, même s’il l’avait voulu.

[179] L’offre de mesures d’adaptation au CICV était loin de l’accommodement souhaité ou privilégié par le fonctionnaire. Ce dernier avait demandé à bénéficier de mesures d’adaptation en tant qu’ASF travaillant au point d’entrée de Paterson, et se voir à ce titre confier des tâches administratives telles que l’examen des demandes de mainlevée de marchandises commerciales. Cependant, légalement, il n’avait pas droit à des mesures d’adaptation personnalisées selon ses besoins personnels. La norme à laquelle un employeur est tenu de se conformer n’est pas celle de la perfection. L’employeur n’a pas à créer un travail en fonction des préférences du fonctionnaire (voir Duval, au par. 21). La norme à respecter est celle de la prise de mesures d’adaptation raisonnables en réponse aux limitations de l’employé.

[180] L’employeur a jugé que sa première offre de mesures d’adaptation avait été annulée du fait que le fonctionnaire n’y a pas répondu. Je ne souscris pas à l’affirmation de l’employeur selon laquelle les réponses du fonctionnaire constituent soit un défaut de réponse, soit un rejet de l’offre de mesures d’adaptation.

[181] Le fonctionnaire a répondu à l’offre. Il a exprimé des préoccupations au sujet de l’offre et a donné des exemples d’autres ASF ayant bénéficié de mesures d’adaptation dans les points d’entrée du district. Il a posé des questions sur les raisons pour lesquelles il ne pouvait pas bénéficier des mêmes mesures d’adaptation. Il a écrit à M. Black pour demander plus de temps pour examiner l’offre. Il n’a pas reçu de réponse.

[182] Il n’a pas non plus rejeté une offre d’affectation au CICV datée du 19 août 2016. Cette affectation lui a été offerte afin de lui donner davantage de temps pour réfléchir à l’offre de mutation au CICV. Il n’a pas répondu à l’offre d’affectation, car il avait demandé à M. Black plus de temps pour réfléchir à l’offre de mutation, et attendait une réponse.

[183] Bien que j’admette qu’il est possible qu’un employé handicapé puisse volontairement retarder, prolonger ou entraver le processus de prise de mesures d’adaptation en ne répondant pas à une offre, la preuve dans le présent cas n’appuie pas une telle conclusion. Comme je le décrirai plus en détail plus tard dans les présents motifs, le comportement du fonctionnaire pendant le processus de prise de mesures d’adaptation ne peut être décrit que comme coopératif et motivé par le souhait du fonctionnaire de retourner au travail dès que son état de santé le permettrait.

[184] Je vais maintenant me tourner vers la deuxième offre de mesures d’adaptation de l’employeur, c’est-à-dire l’offre de placer le fonctionnaire dans l’un des nombreux postes CR-04 de niveau inférieur dans la région élargie.

[185] Les éléments de preuve que l’employeur a présentés pour étayer sa recherche de postes de niveau inférieur convenables se composaient d’une brève série de courriels et du témoignage de Mme MacVicar.

[186] Mme MacVicar a témoigné que, comme le fonctionnaire n’avait pas répondu à l’offre de mesures d’adaptation au CICV, il a été supposé que cette offre avait été jugée inacceptable. Selon elle, M. Zelenika, le directeur de la région, a ensuite commencé à collaborer avec les directeurs de toute la région pour trouver des occasions d’adaptation convenables à un niveau inférieur. Une liste des postes CR-04 disponibles a été dressée. Cette liste a servi de fondement à la deuxième offre de mesures d’adaptation de l’employeur.

[187] La série de courriels produite en preuve contenait quatre messages, dont seulement deux sont directement pertinents. Le premier message pertinent indique que, début janvier 2017, le coordonnateur envisageait d’envoyer au fonctionnaire une lettre pour l’informer qu’aucun poste de niveau inférieur n’avait été trouvé dans le district et pour lui demander s’il serait prêt à envisager un poste de niveau inférieur ailleurs dans la région. Le courriel indique que le coordonnateur envisageait de le faire afin d’éviter d’avoir à trouver et à offrir des postes de niveau inférieur que le fonctionnaire ne serait pas disposé à accepter. Personne n’a communiqué avec le fonctionnaire.

[188] Le deuxième message pertinent est un courriel de M. Zelenika au coordonnateur. Ce courriel indique que M. Zelenika avait [traduction] « […] confirmé avec [ses] collègues qu’il y [avait] un certain nombre de postes CR-4 disponibles dans toute la région ». Le courriel fait état d’une liste de postes CR-04. Les postes énumérés sont ceux figurant dans l’offre de mesures d’adaptation datée du 8 février 2017.

[189] Comme cela a été décrit dans le résumé de la preuve, l’emplacement exact et la nature des postes n’ont pas été divulgués au fonctionnaire. Ce qui était clair pour lui, c’est qu’aucun d’entre eux n’était un tant soit peu proche de Trail. Encore une fois, l’offre de mesures d’adaptation ne correspondait en rien à l’accommodement privilégié par le fonctionnaire. L’offre de mesures d’adaptation était-elle parfaite? Certainement pas. Cependant, la perfection n’est pas la norme à laquelle l’employeur doit répondre lorsqu’il tente de composer avec limitations de l’employé.

[190] Comme je l’ai indiqué, la norme à respecter par l’employeur est celle de la prise de mesures raisonnables en réponse aux limitations d’un employé. Selon le modèle de cercles concentriques de l’ASFC, ces mesures raisonnables s’accompagnent nécessairement d’une recherche diligente et approfondie de mesures d’adaptation ainsi qu’un examen des possibilités au niveau local, au niveau régional et au niveau du district. Dans ce contexte, la preuve présentée par l’employeur concernant sa deuxième offre de mesures d’adaptation semble superficielle, au mieux.

[191] Outre un courriel indiquant que M. Zelenika a consulté certains de ses collègues et a confirmé la disponibilité de postes CR-04 dans la région, l’employeur n’a pas présenté d’éléments de preuve détaillés sur les efforts qu’il a faits pour trouver des postes de niveau inférieur susceptibles de constituer une mesure d’adaptation adéquate. Comme je l’ai indiqué, M. Zelenika n’a pas témoigné et Mme MacVicar n’a pas participé activement à cette recherche.

[192] La série de courriels décrite ci-dessus contient une déclaration écrite selon laquelle le coordonnateur envisageait d’informer le fonctionnaire qu’il n’y avait pas de postes de niveau inférieur dans le district. Le coordonnateur n’a pas témoigné et on ne m’a fourni aucun élément de preuve quant à la manière dont le coordonnateur est parvenu à cette conclusion ou la raison pour laquelle il y est parvenu.

[193] Il est important de rappeler que c’est M. Velichko qui était responsable de la recherche de mesures d’adaptation de l’employeur au niveau du district, et non le coordonnateur. Pour cette raison, je préfère le témoignage de M. Velichko plutôt que la déclaration écrite d’un coordonnateur qui n’a pas témoigné à l’audience. Comme je l’ai indiqué, M. Velichko ne savait pas ou ne se souvenait pas si l’attribution d’un poste de représentant des services aux voyageurs (un poste classifié au groupe et niveau CR-04) avait été une mesure d’adaptation envisagée et examinée au niveau du district à l’égard du fonctionnaire. J’ai déjà conclu que son témoignage était insuffisant pour motiver une conclusion selon laquelle l’employeur a déployé tous les efforts raisonnables pour offrir une mesure d’adaptation au fonctionnaire au niveau du district.

[194] Les déclarations écrites de M. Zelenika et du coordonnateur, combinées au témoignage de Mme MacVicar, ne suffisent pas, à elles seules, à étayer une conclusion selon laquelle la recherche par l’employeur de postes de niveau inférieur était diligente et approfondie. Il se peut bien que ce soit le cas, mais un employeur qui formule une allégation de contrainte excessive ou qui soutient s’être acquitté de son obligation de prendre des mesures d’adaptation en offrant au fonctionnaire une mesure d’adaptation raisonnable doit fournir des éléments de preuve à l’appui de sa position.

[195] De plus, rien n’indique que l’employeur a envisagé d’offrir au fonctionnaire un emploi à temps partiel à titre de mesure d’adaptation. Pendant son contre-interrogatoire, Mme MacVicar a reconnu que l’obligation de prendre des mesures d’adaptation exige l’exploration des possibilités d’emploi à temps plein et à temps partiel qui répondent aux besoins d’accommodement d’un fonctionnaire. Selon elle, il n’y a aucune raison d’exclure le travail à temps partiel ou une mesure d’adaptation temporaire au moment d’examiner les possibilités d’adaptation convenables. Elle a témoigné qu’elle ne savait pas si quelqu’un avait pris des mesures pour vérifier s’il existait des possibilités d’adaptation à temps partiel ou temporaires.

[196] Dans son témoignage, M. Velichko a indiqué qu’un poste à temps partiel à titre de mesure d’adaptation se situerait probablement [traduction] « loin » dans le modèle de cercles concentriques, faisant sans doute référence à la recherche de mesures d’adaptation au niveau régional. Bien qu’il ait témoigné qu’il ne pensait pas que quelqu’un voudrait d’une mesure d’adaptation dans un poste à temps partiel, il a reconnu qu’il ne savait pas si une mesure d’adaptation à temps partiel avait été envisagée. Pendant son contre-interrogatoire, il a également reconnu que le travail à temps partiel pourrait constituer une solution aux besoins d’accommodement d’un fonctionnaire. Rien dans les éléments de preuve qui m’ont été présentés n’indique que l’employeur a envisagé cette possibilité d’adaptation au niveau local, au niveau du district ou au niveau régional.

[197] Je vais maintenant me pencher sur l’argument de l’employeur selon lequel le fonctionnaire n’a pas répondu à sa deuxième offre de mesure d’adaptation ou a rejeté une offre raisonnable de mesure d’adaptation lorsqu’il a demandé l’approbation par Santé Canada d’une retraite pour des raisons médicales.

[198] J’accepte le témoignage du fonctionnaire selon lequel il se sentait stressé et paniqué par le court délai qui lui était accordé pour envisager les postes CR-04 offerts. Il a demandé plus de temps pour examiner les mesures d’adaptation proposées. Il a obtenu une prolongation unique de deux semaines.

[199] Le fonctionnaire a fait deux choses après avoir reçu la deuxième offre de mesures d’adaptation. Il a déposé un grief et a présenté une demande pour faire approuver une retraite pour raisons médicales.

[200] J’accepte que ce grief constituait sa réponse à l’offre de mesure d’adaptation. Il avait le droit de déposer un grief, et on ne devrait pas lui reprocher d’utiliser ce mécanisme pour signaler à l’employeur que, à son avis, celui-ci ne s’acquittait pas de son obligation de prendre des mesures d’adaptation à son égard. J’accepte également les éléments de preuve du fonctionnaire selon lesquels sa demande d’approbation d’une retraite pour des raisons médicales était motivée par un sentiment de panique et par la crainte de perdre ses prestations d’assurance maladie à un moment où sa conjointe éprouvait de graves problèmes de santé. Je n’accepte pas l’argument de l’employeur selon lequel cette demande constituait un rejet de sa deuxième offre de mesures d’adaptation. La demande doit être examinée en tenant compte des circonstances très particulières du présent cas. La demande était l’action d’un homme qui voulait, et pouvait, effectuer des tâches modifiées, et qui cherchait désespérément à éviter un licenciement imminent dans le cadre d’un processus de prise de mesures d’adaptation qui se déroulait sans qu’il soit consulté.

[201] Lorsque la demande de retraite pour des raisons médicales du fonctionnaire a été refusée, l’employeur l’a licencié.

[202] J’accepte que l’employeur ne puisse pas être tenu d’autoriser indéfiniment un congé de maladie non payé. Je reconnais également qu’il peut arriver qu’il y ait lieu de licencier un employé handicapé qui est incapable de retourner au travail ou qui refuse une mesure d’adaptation raisonnable. Cependant, l’employeur qui prétend qu’il ne pouvait pas prendre de mesures d’adaptation à l’égard d’un employé sans subir de contrainte excessive doit démontrer qu’avant de licencier l’employé, il a fait tout ce qui pouvait raisonnablement être attendu de lui dans ses efforts pour répondre aux besoins de cet employé (voir Meiorin, aux par. 54, 55 et 67, et Hydro-Québec, aux par. 12 à 18). Il doit présenter suffisamment d’éléments de preuve pour étayer sa prétention de contrainte excessive.

[203] L’employeur n’a pas démontré qu’il a effectué une recherche approfondie et diligente des possibilités d’adaptation au niveau local, au niveau régional et au niveau du district. Il n’a pas accordé suffisamment d’attention à la question à chaque niveau de son modèle de cercles concentriques, que ces niveaux soient considérés individuellement ou collectivement. Les éléments de preuve présentés à l’audience ne donnent pas non plus à penser que l’employeur s’est efforcé d’orienter ses pensées créatives afin de « […] trouver des moyens positifs d’arriver à des mesures d’adaptation satisfaisantes » (voir Pepper, au par. 153).

[204] Je conclus que les éléments de preuve présentés à l’audience ne suffisaient pas à établir que les mesures d’adaptation offertes par l’employeur étaient raisonnables ou que le fonctionnaire les a rejetées.

c. Les rôles du fonctionnaire et de l’agent négociateur dans le processus de prise de mesures d’adaptation

[205] Bien qu’il n’existe aucun droit procédural distinct ou autonome en matière d’adaptation qui oblige l’employeur à suivre une formule ou un processus précis lorsqu’il cherche à prendre es mesures d’adaptation à l’égard d’un employé, je vais néanmoins exprimer certaines préoccupations quant à la façon dont le processus de prise de mesures d’adaptation s’est déroulé dans le présent cas. Je soulève ces préoccupations en réponse à certains arguments que l’employeur a présentés à l’audience concernant les rôles du fonctionnaire et de l’agent négociateur, l’Alliance de la Fonction publique du Canada, dans le processus de prise de mesures d’adaptation.

[206] La recherche de mesures d’adaptation est la responsabilité première de l’employeur (voir Central Okanagan, à la p. 994; et Pepper, au par. 146). Cependant, il est bien établi en droit que cette recherche fait intervenir plusieurs parties, à savoir l’employeur, l’employé et l’agent négociateur. L’employé et l’agent négociateur doivent contribuer à trouver une mesure d’adaptation appropriée en facilitant la recherche et la mise en œuvre de mesures d’adaptation raisonnables par l’employeur. Si l’employé ou l’agent négociateur entrave ou contrecarre intentionnellement une mesure d’adaptation raisonnable, la Commission peut conclure que l’employeur s’est acquitté de son obligation (voir Central Okanagan, aux p. 993 et 994).

[207] À l’audience, l’employeur a soutenu que le fonctionnaire n’a pas facilité sa recherche d’une mesure d’adaptation raisonnable, car il ne l’a pas informé qu’il était prêt à envisager un travail à temps partiel, une mesure d’adaptation temporaire ou des postes de niveau inférieur localement ou ailleurs dans le district, afin de bénéficier de mesures d’adaptation plus près de sa famille. Selon l’employeur, le fonctionnaire n’aurait pas dû être autorisé à faire valoir des années plus tard qu’il était disposé à envisager de telles options, parce qu’il n’a pas manifesté cette ouverture pendant le processus de prise de mesures d’adaptation ou la procédure de règlement des griefs (voir Burchill c. Procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109 (C.A.)).

[208] Bien que j’accepte que le fonctionnaire n’ait pas manifesté son intérêt ou sa volonté d’envisager ou d’accepter un travail à temps partiel ou temporaire au point d’entrée de Paterson ou à Trail pendant le processus de prise de mesures d’adaptation, je conclus, pour les raisons qui suivent, qu’il est injuste de la part de l’employeur d’affirmer que le fonctionnaire a été peu coopératif ou peu communicatif, voire malhonnête. En aucun cas, il n’a intentionnellement miné ou entravé une mesure d’adaptation raisonnable ou la recherche d’une telle mesure. Il a fait connaître ses priorités et ses intérêts lorsque l’employeur a communiqué avec lui. Malheureusement, l’employeur n’est pas entré en contact avec lui pendant la recherche de mesures d’adaptation et pendant le processus de prise de mesures d’adaptation en général.

[209] Du début à la fin, le processus de prise de mesures d’adaptation a été caractérisé par un étonnant manque de communication, de consultation et de collaboration avec le fonctionnaire. Les éléments de preuve présentés à l’audience ont fait ressortir une divergence marquée entre la description faite par Mme MacVicar de ce que devrait être le processus de prise de mesures d’adaptation de l’ASFC, fondé sur un modèle de cercles concentriques, et ce qui s’est réellement passé dans le processus en question.

[210] Selon Mme MacVicar, les superviseurs à un point d’entrée sont le principal canal d’information pour un ASF ayant besoin d’une mesure d’adaptation, et aussi le principal canal de communication avec lui. Les superviseurs comme M. Britton connaissent bien l’employé et sa situation personnelle. Ils ont une relation avec lui. Ils sont également les mieux placés pour établir une mesure d’adaptation raisonnable en travaillant en collaboration avec l’employé.

[211] Contrairement au modèle de collaboration et de consultation décrit par Mme MacVicar, les éléments de preuve présentés à l’audience ont démontré que la participation active de MM. Britton et Black au processus de prise de mesures d’adaptation a pris fin en l’espace d’une journée. En deux jours, la demande de mesures d’adaptation du fonctionnaire était prise en charge par le personnel de la région. Par la suite, les communications avec le fonctionnaire se faisaient presque exclusivement par lettre ou par courriel, qu’il recevait de personnes qu’il ne connaissait pas, lesquelles n’avaient pas participé aux activités au niveau local ou au niveau du district, et qui ne savaient que très peu de choses, voire rien du tout, de sa situation personnelle et familiale. L’employeur n’a fait aucun effort pour communiquer avec lui au sujet de ses besoins ou de ses priorités.

[212] En ce sens, les circonstances de son cas ressemblent à celles que le Tribunal a décrites dans Gallinger c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2020 CRTESPF 54, au par. 158 (une demande de contrôle judiciaire de la décision a été accueillie en partie, mais pas sur cette question). Dans ce cas, la Commission a fait droit à un grief de licenciement lié à un processus de prise de mesures d’adaptation qui s’était déroulé presque exclusivement par lettres et courriels. Sans l’affirmer explicitement, la Commission a manifestement adopté pour position qu’un processus qui se déroule par l’échange de lettres et de courriels ne témoigne pas de la diligence attendue d’un employeur qui a l’obligation de prendre des mesures d’adaptation.

[213] Une partie, mais non la totalité, des lettres et des demandes de renseignements du fonctionnaire dans le cadre du processus de prise de mesures d’adaptation sont restées sans réponse pendant des semaines. Aucune réponse n’a jamais été donnée pour certaines. Sa demande de mesures d’adaptation fondée sur la situation de famille – bien que ne faisant plus l’objet d’un litige – a donné lieu à une réponse directe uniquement dans la lettre de licenciement de l’employeur.

[214] L’employeur n’a pas consulté le fonctionnaire au sujet des mesures d’adaptation qu’il était prêt à accepter. Comme je l’ai indiqué, les éléments de preuve documentaires révèlent qu’à un moment donné, l’employeur a envisagé de demander au fonctionnaire s’il était prêt à envisager une rétrogradation à un poste de niveau inférieur, mais il ne lui a pas posé la question. Il ne l’a pas informé des possibilités d’adaptation qu’il avait envisagées et rejetées.

[215] Malgré ses demandes de renseignements sur l’état de ses demandes de mesures d’adaptation, le fonctionnaire a été tenu complètement dans le noir quant aux possibilités que l’employeur envisageait. Il ne savait pas que moins d’une journée après avoir soumis sa demande officielle de mesures d’adaptation, l’employeur avait décidé de ne pas prendre de telles mesures au niveau local ou au niveau du district. Le fonctionnaire ne savait pas que l’employeur envisageait des possibilités uniquement au niveau régional. Il ne pouvait pas savoir qu’en janvier 2017, l’employeur envisageait de lui proposer une rétrogradation volontaire à l’un des postes CR-04 de la région, dans des endroits qui ne sont pas connus.

[216] Si l’employeur avait communiqué avec le fonctionnaire, il aurait su qu’il se remettait d’une importante chirurgie au dos lorsqu’il a reçu la première lettre d’options, et qu’il n’aurait pas pu accepter l’offre même s’il l’avait voulu. Il aurait également appris que le fonctionnaire était disposé à accepter des mesures d’adaptation dans des postes à temps partiel, temporaires et de niveau inférieur, à proximité relative de Trail ou du point d’entrée de Paterson.

[217] Si l’employeur s’était enquis des priorités du fonctionnaire, il aurait appris qu’il était primordial pour lui de rester près de chez lui. Le maintien des prestations d’assurance maladie du fonctionnaire était également devenu un aspect important à prendre en considération, car sa conjointe, qui n’avait pas de prestations d’assurance maladie, éprouvait de graves problèmes de santé à ce moment-là.

[218] Comme je l’ai déjà indiqué, l’obligation de prendre des mesures d’adaptation est un exercice hautement individualisé et fondé sur les faits. Informer l’employé de la progression de sa demande de mesures d’adaptation et consulter cet employé sur les possibilités d’adaptation n’est pas seulement une bonne pratique, mais cela rendra également le processus de prise de mesures d’adaptation plus efficace.

[219] Dans le présent cas, je ne peux pas accepter que le fonctionnaire, que l’employeur a laissé dans l’ignorance pendant une grande partie du processus de prise de mesures d’adaptation et qui n’était pas au courant des possibilités d’adaptation que l’employeur a envisagées ou non, soit blâmé pour ne pas avoir pris l’initiative de dire qu’il était prêt à envisager des options telles que le travail à temps partiel, une mesure d’adaptation temporaire ou des postes de niveau inférieur à proximité relative de Trail.

[220] Je n’accepte pas non plus l’argument de l’employeur selon lequel le fonctionnaire n’aurait pas dû être autorisé, à l’audience, à révéler qu’il aurait été prêt à envisager des options telles que le travail à temps partiel ou temporaire. Il s’appuie à tort sur Burchill.

[221] Le principe énoncé dans Burchill, en général, interdit au fonctionnaire de modifier fondamentalement la nature des allégations qui sont à la base du grief et qui ont été présentées à l’employeur pendant la procédure de règlement de ce grief. Le principe vise à garantir que l’employeur puisse connaître, avec un certain degré de certitude, les arguments auxquels il doit répondre.

[222] Ces considérations ne se posent pas en l’espèce. Les allégations du fonctionnaire concernaient – et continuent de concerner – uniquement le fait que l’employeur ne s’est pas acquitté de son obligation de prendre des mesures d’adaptation à son égard, sans toutefois en subir une contrainte excessive. Le fait qu’il ait pris ou non les devants pour faire connaître sa volonté d’examiner certaines options au cours du processus de prise de mesures d’adaptation ou de la procédure de règlement des griefs ne modifie en rien la nature de ces allégations. Si l’employeur avait communiqué avec lui et l’avait consulté pendant le processus de prise de mesures d’adaptation, il aurait été au courant des mesures d’adaptation qu’il était prêt à accepter.

[223] Après avoir abordé les arguments de l’employeur concernant le prétendu manque de communication du fonctionnaire, je vais maintenant me pencher sur sa suggestion selon laquelle le fonctionnaire était peu coopératif. Cette allégation n’est pas fondée.

[224] Le fonctionnaire a été coopératif tout au long du processus de prise de mesures d’adaptation. J’accepte son témoignage selon lequel il a toujours eu l’intention de retourner travailler à l’ASFC et voulait le faire. L’employeur n’a pas contesté ce témoignage.

[225] Bien que ne sachant pas très bien quelles tâches il serait en mesure d’accomplir compte tenu de ses limitations, son souhait de reprendre un emploi significatif ne s’est jamais estompé. Il a participé à un programme de physiothérapie de retour au travail recommandé par son assureur. Pendant toute la période, il a répondu promptement aux communications écrites et aux demandes de renseignements de l’employeur. Il fait le suivi de ses demandes de mesures d’adaptation, s’enquérant du statut des deux demandes qu’il avait présentées jusque-là. Au moyen des commentaires qu’il a formulés sur la lettre d’options du 10 août 2016, il a proposé des mesures d’adaptation. Il l’a fait de nouveau, de manière générale, au premier palier de la procédure de règlement des griefs. Il a également fourni les renseignements médicaux que l’employeur souhaitait obtenir, lorsque celui-ci les a demandés.

[226] Si, à un moment donné, l’employeur était insatisfait des renseignements médicaux qu’il a reçus, il n’en a pas informé le fonctionnaire. Le fonctionnaire ne devrait pas être blâmé pour ne pas avoir fourni des renseignements qui ne lui ont pas été demandés, dans des circonstances où il ignorait que l’employeur était mécontent d’une réponse antérieure.

[227] Comme je l’ai indiqué, bien qu’il n’ait pas répondu expressément par l’affirmative ou la négative aux offres de mesures d’adaptation de l’employeur, le fonctionnaire y a tout de même répondu. Les deux fois, il a demandé plus de temps pour réfléchir à ses options. Lors d’une de ces occasions, il a également répondu à l’employeur en lui adressant une série de questions liées à l’offre de mesures d’adaptation. Il a donné des exemples de possibilités d’adaptation qui avaient été adoptées dans le passé. La deuxième fois, il a déposé un grief lorsqu’on lui a demandé de choisir entre accepter une rétrogradation volontaire dans l’un des postes CR-04 non précisés et non définis dans la région, démissionner ou prendre sa retraite pour des raisons médicales. Initialement, on lui a donné deux semaines pour examiner ces options. Il a ensuite obtenu une prolongation unique de deux semaines.

[228] J’accepte le témoignage du fonctionnaire selon lequel il a paniqué lorsqu’il a reçu la deuxième et dernière offre de mesures d’adaptation de l’employeur. Le fonctionnaire cherchait désespérément à éviter le licenciement. Il a fait une demande de retraite pour des raisons médicales, qu’il savait vouée à l’échec.

[229] Je n’interprète pas cette réaction comme un manque de coopération ou comme une entrave intentionnelle au processus de prise de mesures d’adaptation. Mise en contexte, compte tenu de l’ensemble des communications de l’employeur avec lui pendant le processus de prise de mesures d’adaptation, cette réaction ressemble à celle à laquelle l’on pourrait raisonnablement s’attendre de la part d’une personne qui a été tenue dans l’ignorance pendant des mois pour ensuite être surprise avec un délai très court pour prendre une décision qui changera sa vie et celle de sa famille.

[230] Je vais ajouter ce qui suit concernant les mesures d’adaptation en litige, en ce qui concerne le fonctionnaire. Bien que la personne qui demande des mesures d’adaptation n’ait pas droit à des mesures d’adaptation spécialement conçues pour répondre à ses besoins ou priorités, l’obligation de prendre des mesures d’adaptation implique nécessairement de tenir compte de l’être humain qui demande de telles mesures. Meiorin nous enseigne que l’employeur doit tenir compte de facteurs concernant la valeur et la dignité inhérentes de la personne, dans la mesure où cela n’impose aucune contrainte excessive (voir Meiorin, au par. 62). Un certain degré de compréhension et de compassion envers la personne est requis de la part de l’employeur.

[231] La compassion envers le fonctionnaire et sa prise en considération en tant qu’être humain ont fait cruellement défaut dans le processus décisionnel de l’employeur. J’ai déjà décrit l’omission de l’employeur de poser des questions au fonctionnaire et de le consulter sur ses besoins ou ses priorités. Dans le résumé de la preuve, j’ai décrit les communications écrites que l’employeur a envoyées au fonctionnaire après des semaines voire des mois de silence total de sa part, dans lesquelles l’employeur accorde au fonctionnaire de huit jours à deux semaines pour répondre aux offres de mesures d’adaptation, ce qui aurait des répercussions importantes et bouleversantes pour lui et sa famille.

[232] Par exemple, l’employeur a envoyé au fonctionnaire – qui se remettait d’une chirurgie récente au dos et était incapable de travailler – une lettre d’options qui lui donnait initialement huit jours à compter de la date de réception pour accepter une mutation dans un poste situé à des heures de route d’une famille qui, l’employeur le savait, ou aurait dû savoir, dépendait fortement de lui au quotidien, à défaut de quoi planait une menace imminente de licenciement. Bien qu’à l’audience, Mme MacVicar ait reconnu que le délai accordé au fonctionnaire pour examiner la première offre de mesures d’adaptation était court, elle a également indiqué que des délais courts permettaient de veiller à ce que les dossiers d’adaptation progressent en vue de leur règlement.

[233] Je ne souhaite pas laisser entendre que Mme MacVicar ou M. Velichko manquaient de compassion ou de compréhension envers le fonctionnaire et sa situation personnelle. Mes commentaires visent le processus de prise de mesures d’adaptation lui-même, et non les personnes qui y ont participé. Malheureusement, la façon dont le processus s’est déroulé a entraîné la prise de décisions clées par des personnes qui ne connaissaient pas le fonctionnaire et qui n’avaient aucune idée de sa situation personnelle, de ses besoins ou de ses priorités.

[234] Les éléments de preuve présentés à l’audience donnaient à penser que la prise de mesures d’adaptation à l’égard du fonctionnaire était un exercice purement administratif visant à faire avancer le dossier. Mme MacVicar et M. Velichko y ont tous deux fait allusion dans leurs témoignages. Les personnes qui connaissaient et comprenaient le fonctionnaire, ses priorités et sa situation personnelle et familiale n’ont pas participé au processus de prise de mesures d’adaptation au-delà des 24 premières heures. Le processus de prise de mesures d’adaptation qui en a résulté laisse une impression générale d’indifférence et de manque de compréhension envers l’employé souhaitant obtenir de telles mesures.

[235] Je me pencherai maintenant sur les arguments de l’employeur concernant la responsabilité de l’agent négociateur dans la présente affaire. À l’audience, l’employeur a soutenu que si la Commission devait conclure qu’il a manqué à son obligation de prendre des mesures d’adaptation, l’agent négociateur du fonctionnaire devrait être tenu en partie responsable de cet échec. Il a fait valoir que l’agent négociateur n’a pas soutenu le fonctionnaire, ne l’a pas informé de ses besoins et de sa situation, et n’a pas soulevé de préoccupations concernant le déroulement du processus de prise de mesures d’adaptation.

[236] S’appuyant sur Central Okanagan, l’employeur a fait valoir qu’il serait inapproprié pour la Commission de conclure qu’il a manqué à son obligation de prendre des mesures d’adaptation sans également conclure que l’agent négociateur a manqué à son devoir d’assistance dans la recherche de mesures d’adaptation.

[237] Je n’aborderai cet argument que brièvement. Comme je l’ai indiqué, le fonctionnaire a commencé à faire parvenir une copie conforme des courriels aux représentants de l’agent négociateur à partir du moment où il a reçu la lettre d’options du 10 août 2016. Des mois plus tard, dans un courriel adressé à M. Zelenika le 17 février 2017, il a mentionné qu’il consultait son agent négociateur. On sait peu de choses sur les mesures prises ou les efforts déployés par l’agent négociateur à cette étape du processus de prise de mesures d’adaptation. Le représentant de l’agent négociateur qui, de l’avis général, a le plus participé au dossier du fonctionnaire, est maintenant décédé. Aucun représentant de l’agent négociateur n’a témoigné à l’audience.

[238] La preuve documentaire ne permet pas de dire dans quelle mesure l’agent négociateur a participé au processus ni quels renseignements, le cas échéant, il a transmis à l’employeur. Elle ne donne également aucune indication que l’employeur a cherché à informer l’agent négociateur de sa recherche de mesures d’adaptation ou à le faire participer davantage au processus de prise de mesures d’adaptation de manière plus générale. À aucun moment, l’employeur n’a transmis à l’agent négociateur de copie conforme de ses échanges par écrit avec le fonctionnaire.

[239] L’agent négociateur participait activement aux discussions générales qui avaient cours au sujet des demandes de mesures d’adaptation des ASF dans toute la région. Il a soulevé des préoccupations et posé des questions qui concernaient directement la situation du fonctionnaire. Cependant, ces discussions générales se déroulent dans une tribune qui ne convenait pas pour les discussions portant sur des cas individuels.

[240] En général, la preuve présentée à l’audience était loin de démontrer qu’il y a eu inaction ou désintérêt de la part de l’agent négociateur pendant le processus de prise de mesures d’adaptation. Il est clair que l’agent négociateur a activement participé à la procédure de règlement des griefs et qu’il a représenté le fonctionnaire tout au long de cette procédure.

[241] Bien que la portée et la nature des éléments de preuve concernant la participation de l’agent négociateur au processus de prise de mesures d’adaptation et de défense des droits du fonctionnaire ne soient pas substantielles, rien ne permet de conclure que l’agent négociateur a entravé la recherche de mesures d’adaptation raisonnables, comme ce fut le cas dans Central Okanagan.

B. La demande de congé non payé du fonctionnaire pour s’occuper de la famille

[242] Le jour même où il a informé l’employeur que sa demande de retraite pour des raisons médicales avait été refusée, le fonctionnaire a soumis une demande de congé non payé de cinq ans pour s’occuper de la famille. Pour les motifs qui suivent, je conclus que l’employeur n’a pas sérieusement pris en considération cette demande et que son inaction était teintée de discrimination.

[243] À l’audience, l’employeur a soutenu que, au moment où le fonctionnaire a été licencié, il n’avait pas fait une demande valide de congé non payé pour s’occuper de la famille. Selon lui, sa décision de refuser le congé ne peut pas constituer une violation de la convention collective ou une mesure discriminatoire. La demande n’était pas valide, car elle ne respectait pas toutes les conditions énoncées dans la convention collective. L’employeur a également soutenu que même si la demande avait été valide, l’employeur n’est pas tenu d’accorder une demande de congé faite pour retarder un licenciement. Subsidiairement, il soutient que le grief concernant la demande de congé non payé que le fonctionnaire a présenté pour s’occuper de la famille est devenu caduc en raison de son licenciement.

[244] L’article 41 est la disposition de la convention collective qui reconnaît l’importance de l’accès au congé pour s’occuper de la famille.

[245] L’article 41 est obligatoire. En d’autres termes, un employé qui demande un congé non payé pour prendre soin de la famille « bénéficie » du congé sous réserve qu’il remplisse les conditions énumérées dans la convention collective.

[246] Quatre conditions sont énumérées à la clause 41.02, mais une seule est pertinente en l’espèce. L’employé qui demande le congé en informe l’employeur par écrit aussi longtemps à l’avance que possible, mais au moins quatre semaines avant le début d’un tel congé, sauf en cas d’impossibilité en raison de circonstances urgentes ou imprévisibles.

[247] Il n’est pas contesté que le fonctionnaire n’a pas donné à l’employeur un préavis de quatre semaines. Il a soumis sa demande le 2 mai 2017. La demande visait la période du 2 mai 2017 (le même jour) au 1er mai 2022. Sa demande de congé ne remplissait pas l’une des conditions énoncées dans la convention collective.

[248] L’employeur n’a pas répondu à la demande de congé au moment où elle a été soumise. Personne n’a communiqué avec le fonctionnaire pour lui faire part de préoccupations concernant le fait qu’il avait omis de fournir un préavis de quatre semaines. Il n’y a pas non plus de référence à la période de préavis dans la lettre de licenciement qui annonce que la demande de congé a été refusée, ni rien donnant à penser que l’employeur avait conclu que la demande de congé ne respectait pas les conditions énoncées à l’article 41. Rien n’indique non plus que la période de préavis a été soulevée par l’employeur au cours de la procédure interne de règlement des griefs. La première fois que l’employeur a fait référence à la période de préavis de quatre semaines, c’était à l’audience. Même alors, Mme MacVicar n’a pas dit avoir refusé la demande parce que le fonctionnaire n’avait pas fourni un préavis de quatre semaines.

[249] Au vu des éléments de preuve documentaires et du témoignage de Mme MacVicar, il est clair à mon avis que le défaut du fonctionnaire de fournir un préavis de quatre semaines n’était pas la raison pour laquelle la demande a été refusée. L’employeur ne devrait pas être autorisé à évoquer ce motif pour la toute première fois à l’audience.

[250] Même dans le cas contraire, le défaut du fonctionnaire de respecter toutes les conditions énoncées à l’article 41 de la convention collective ne signifiait pas que sa demande devait être refusée. Cela signifiait simplement que l’employeur n’était pas tenu d’y accéder. L’employeur avait le pouvoir discrétionnaire d’accueillir la demande ou de la refuser. L’employeur demeurait tenu de prendre en considération la demande de congé et d’exercer son pouvoir discrétionnaire de manière juste et raisonnable.

[251] Le fonctionnaire a présenté sa demande de congé plus de deux mois avant son licenciement. À l’audience, il a indiqué qu’il avait présenté la demande pour gagner du temps. Il croyait que l’employeur était tenu d’y accéder. Il espérait qu’en prenant un congé non payé pour s’occuper de la famille pendant une période de cinq ans, il pourrait maintenir sa relation d’emploi et continuer à s’occuper de ses enfants. Il croyait que, avec le temps, une mesure d’adaptation adéquate pourrait devenir possible.

[252] Mme MacVicar a témoigné que le fonctionnaire était en congé de maladie non payé depuis plus de deux ans et que le congé devait prendre fin. En contre‑interrogatoire, à la question de savoir si sa compréhension à l’époque était que le fonctionnaire, qui était apte à retourner au travail, n’avait pas le droit de convertir un congé de maladie non payé en congé non payé pour s’occuper de la famille, elle a répondu par l’affirmative. Elle a indiqué qu’elle savait maintenant que sa compréhension à l’époque était erronée. À l’audience, l’employeur a admis que, conformément aux dispositions de la convention collective, le fonctionnaire avait le droit de [traduction] « convertir » son congé de maladie non payé en congé non payé pour s’occuper de la famille, s’il y avait droit.

[253] La situation dans le présent cas ressemble à celle décrite dans Edwards c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2019 CRTESPF 62. Dans ce cas, deux fonctionnaires de l’ASFC qui étaient en congé de maladie non payé pendant une période de deux ans ont reçu des lettres de leur employeur les obligeant à retourner au travail, à prendre leur retraite pour des raisons médicales ou à démissionner. Plutôt que de choisir l’une de ces options, elles ont toutes deux demandé un congé non payé d’un an pour obligations personnelles. Leur employeur avait rejeté leurs demandes au motif qu’elles avaient été en congé de maladie non payé pendant une période de deux ans. Il était d’avis que leur statut d’employé en congé de maladie non payé devait d’abord être réglé, et ce, par le choix de l’une des options énoncées dans les lettres. La Commission a fait droit aux griefs et a conclu que l’employeur avait commis un acte discriminatoire à l’égard des fonctionnaires sur la base d’une invalidité quand il a rejeté leurs demandes de congé au motif qu’elles étaient en congé de maladie non payé. La Commission a rejeté l’argument de l’employeur selon lequel le seuil de la contrainte excessive avait été atteint, car les fonctionnaires étaient en congé de maladie non payé depuis deux ans et qu’elles n’étaient pas en mesure de travailler dans un avenir prévisible. La Commission a également conclu que l’employeur avait enfreint les dispositions de la convention collective concernant le congé pour obligations personnelles, qui n’interdisait pas la combinaison des deux types de congés non payés en question.

[254] Contrairement aux fonctionnaires dans Edwards, le fonctionnaire dans le présent cas était apte à travailler au moment où il a fait la demande de congé. Il pouvait et voulait travailler. Les faits du présent cas diffèrent de ceux des cas qui ont été cités par les parties et dans lesquels des fonctionnaires avaient présenté des demandes de congé pour reporter un licenciement dans des circonstances où ils étaient incapables de retourner au travail dans un avenir prévisible et où l’existence d’une contrainte excessive avait été établie (voir Babb c. Agence du revenu du Canada, 2020 CRTESPF 42) ou lorsqu’ils étaient sur le point d’être licenciés pour rendement insuffisant (voir Mazerolle c. Administrateur général (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CRTFP 6).

[255] Il est important de souligner qu’à l’audience, l’employeur n’a pas contredit ou contesté le témoignage du fonctionnaire selon lequel, au moment où il a soumis la demande de congé, il avait l’intention d’utiliser ce congé pour s’occuper de ses enfants d’âge scolaire. L’employeur n’a pas non plus contredit le témoignage du fonctionnaire selon lequel il s’est effectivement occupé de ses enfants dans les années qui ont suivi son licenciement, comme il l’avait prévu lorsqu’il a soumis la demande.

[256] Compte tenu de l’ensemble de la preuve, je conclus qu’il est plus probable que le contraire que l’interprétation erronée qu’a faite Mme MacVicar des modalités de la convention collective était l’une des raisons pour lesquelles la demande du fonctionnaire a été refusée. Le refus de cette demande était arbitraire et contraire aux modalités de la convention collective, qui n’interdisent pas la combinaison d’un congé de maladie non payé avec un congé non payé pour s’occuper de la famille (voir, par exemple, Edwards, aux par. 60 à 62, une décision dans laquelle la Commission est parvenue à une conclusion similaire en ce qui concerne les dispositions relatives au congé de maladie non payé et au congé pour obligations personnelles).

[257] Je vais brièvement aborder l’argument de l’employeur selon lequel la demande de congé non payé du fonctionnaire est devenue caduque en raison de son licenciement. À l’audience, l’employeur a invoqué Mazerolle. Dans Mazerolle, la CRTFP a rejeté un grief concernant le licenciement d’un fonctionnaire pour rendement insuffisant et a conclu que la demande de congé non payé que le fonctionnaire avait présentée après avoir été informé de son licenciement était devenue caduque en raison de son licenciement. Deux facteurs importants font qu’il y a une distinction à faire entre le présent cas et Mazerolle. Dans le présent cas, le fonctionnaire a soumis sa demande de congé non payé plusieurs semaines avant son licenciement. Il ne l’a pas soumise à l’employeur au moment du licenciement. L’employeur devait examiner cette demande de congé avec sérieux. Plus important encore, contrairement à la conclusion tirée par la CRTFP dans Mazerolle, j’ai conclu que le grief concernant le licenciement du fonctionnaire est fondé. Dans les circonstances du présent cas, on ne peut pas dire que la demande de congé du fonctionnaire est devenue caduque en raison de son licenciement.

[258] Je vais maintenant me pencher sur l’argument du fonctionnaire selon lequel le refus de sa demande de congé était discriminatoire. Bien que j’aie conclu que la décision de l’employeur de refuser la demande de congé était arbitraire et contraire aux modalités de la convention collective, cela ne signifie pas que la déficience du fonctionnaire n’a pas joué dans la décision de l’employeur de refuser la demande de congé.

[259] Plusieurs semaines avant son licenciement, le fonctionnaire a soumis une demande de congé non payé pour s’occuper de la famille. Il l’a fait pour maintenir sa relation d’emploi et se donner une marge de manœuvre de plusieurs années dans l’éventualité où un poste convenant à ses limitations deviendrait disponible. Sa demande de congé a été refusée. Les éléments de preuve présentés à l’audience démontrent que sa demande de congé a été refusée, du moins en partie, parce qu’il avait été en congé non payé en raison de sa déficience pendant trop longtemps et que l’employeur ne voulait pas prolonger davantage la période pendant laquelle le fonctionnaire serait en congé non payé. Sa déficience a été un facteur dans la décision de l’employeur de refuser la demande de congé.

[260] Le libellé de la lettre de licenciement laisse entendre que l’employeur a interprété la demande de congé du fonctionnaire comme un rejet de sa deuxième offre de mesures d’adaptation, et non comme un nouvel événement ou une nouvelle demande méritant d’être examiné sérieusement. Cette interprétation est en outre étayée par le témoignage de Mme MacVicar à l’audience.

[261] Lorsqu’elle a été interrogée à propos de la demande de congé, Mme MacVicar a expliqué que l’employeur estimait avoir suivi toutes les étapes nécessaires pour répondre aux besoins du fonctionnaire. Il avait épuisé toutes les options possibles en matière d’adaptation et le fonctionnaire avait refusé ces options. Elle a indiqué que la demande de congé du fonctionnaire montrait une fois de plus qu’il ne serait pas possible de trouver collectivement une solution que le fonctionnaire jugerait acceptable pour répondre à ses besoins. Elle a témoigné que le fonctionnaire était en congé de maladie non payé depuis plus de deux ans et, compte tenu de la durée du congé de maladie non payé demandé pour s’occuper de la famille, elle n’était pas disposée à approuver la demande. Le congé de maladie non payé du fonctionnaire devait prendre fin.

[262] Comme c’était le cas dans Edwards, le témoignage de Mme MacVicar démontre que le congé non payé du fonctionnaire était au moins l’une des raisons pour lesquelles sa demande de congé a été refusée. Le refus de la demande pour ce motif constituait une discrimination fondée sur la déficience.

[263] Je conclus que le refus de la demande du fonctionnaire est également pertinent au regard de l’allégation de contrainte excessive de l’employeur.

[264] Rien ne donne à penser ou n’indique que l’employeur a sérieusement réfléchi à la demande ou qu’il l’a envisagée comme moyen possible de s’acquitter de son obligation de prendre des mesures d’adaptation. En contre-interrogatoire, Mme MacVicar a indiqué qu’elle n’a pas envisagé d’accepter la demande de congé non payé dans l’éventualité où une mesure d’adaptation convenable deviendrait disponible en temps opportun. C’était elle qui prenait les décisions définitives. Il lui incombait d’exercer son pouvoir discrétionnaire de manière juste et raisonnable. Elle ne l’a pas fait.

[265] Les courriels déposés en preuve indiquent que l’employeur n’a pas répondu immédiatement à la demande de congé, car la dernière lettre de l’employeur adressée au fonctionnaire informait ce dernier que son licenciement serait recommandé dans l’éventualité où Santé Canada refuserait la demande de retraite pour des raisons médicales. L’employeur s’était engagé sur la voie du licenciement parce que le fonctionnaire était en congé non payé depuis plus de deux ans et qu’il estimait que ce congé devait prendre fin. L’employeur n’a pas réévalué son obligation de prendre des mesures d’adaptation, plus précisément sur son analyse de la contrainte excessive, à la lumière de la demande de congé non payé pour s’occuper de la famille. Il n’a pas réexaminé la question de savoir s’il était toujours approprié de licencier le fonctionnaire.

[266] Lorsque le fonctionnaire a soumis la demande de congé, une nouvelle possibilité d’adaptation s’est présentée. Comme je l’ai indiqué, l’employeur n’a pas réévalué son obligation de prendre des mesures d’adaptation à la lumière de ce nouvel élément et il n’a présenté aucun élément de preuve susceptible d’appuyer une conclusion selon laquelle le fait de permettre au fonctionnaire de rester en congé non payé pour s’occuper de la famille pendant cinq ans constituerait une contrainte excessive.

IV. Conclusion

[267] Pour les raisons que je viens d’exposer, je conclus que l’employeur n’a pas démontré qu’il a effectué une recherche approfondie et diligente pour trouver des mesures d’adaptation avant de conclure qu’il s’était acquitté de son obligation de prendre des mesures d’adaptation et de licencier le fonctionnaire pour des raisons non disciplinaires. Les éléments de preuve que l’employeur a présentés à l’audience étaient insuffisants pour me permettre de conclure qu’il s’est déchargé du fardeau de démontrer qu’il a pris des mesures d’adaptation à l’égard du fonctionnaire jusqu’au seuil de la contrainte excessive.

[268] Je conclus également que la demande de congé non payé du fonctionnaire pour s’occuper de la famille a été arbitrairement refusée. La décision de refuser la demande était également teintée de discrimination.

[269] Les griefs alléguant une violation de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation et contestant le licenciement du fonctionnaire sont accueillis. Le grief concernant la demande de congé non payé du fonctionnaire pour s’occuper de la famille est également accueilli.

[270] Comme je l’ai indiqué, la Commission a ordonné la scission de la procédure dans le présent cas. Étant donné que les griefs alléguant une violation de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation, contestant le refus de la demande de congé non payé du fonctionnaire pour s’occuper de la famille et contestant le licenciement du fonctionnaire sont accueillis, une audience concernant la réparation sera fixée en temps utile, à moins que les parties ne parviennent à un règlement d’ici là.

[271] Les parties m’ont demandé de leur fournir une orientation générale sur la question de la réparation si je devais faire droit à un ou à plusieurs des griefs en cause. Elles ont demandé que je le fasse pour les aider dans leurs discussions sur un éventuel règlement. Plus précisément, elles m’ont demandé de leur fournir une orientation générale sur la question de savoir si les éléments de preuve que j’ai entendus jusqu’à présent me conduiraient à conclure que le fonctionnaire devrait avoir droit à des dommages-intérêts en vertu de la LCDP, sans exprimer d’opinion sur le montant des dommages-intérêts auxquels le fonctionnaire pourrait avoir droit. Pour aider les parties, j’ai accepté de le faire.

[272] À l’audience, le fonctionnaire a soutenu que les circonstances de la présente affaire justifient une indemnisation pour préjudice moral (voir l’al. 53(2)e) de la LCDP) ainsi qu’une indemnité spéciale (voir le par. 53(3) de la LCDP). Les éléments de preuve qui m’ont été présentés jusqu’à présent sont suffisants pour justifier une décision de dommages‑intérêts en vertu de l’al. 53(2)e) de la LCDP. Cependant, il me faudrait des éléments de preuve et des arguments supplémentaires pour que je rendre une décision définitive concernant le droit du fonctionnaire à des dommages-intérêts en vertu du par. 53(3) de la LCDP.

[273] Si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur un règlement, les dommages‑intérêts à verser en vertu du par. 53(2) et toute indemnisation découlant du par. 53(3) de la LCDP seront établis une fois que la Commission aura reçu de plus amples éléments de preuve et arguments sur la question.

[274] La Commission demeure saisie de l’affaire jusque-là ou jusqu’à ce que la question de la réparation soit réglée, soit au moyen d’une entente entre les parties, soit par une autre ordonnance de la Commission. Les parties doivent informer la Commission de leur plan d’action souhaité dans les 90 jours suivant la date de la présente décision.

[275] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[276] Le grief dans le dossier de la Commission no 566-02-42041 a été retiré et j’ordonne la fermeture de ce dossier.

[277] Les griefs dans les dossiers de la Commission nos 566-02-42042, 566-02-42043 et 566-02-42044, concernant la demande de mesures d’adaptation du fonctionnaire et son licenciement ultérieur, sont accueillis.

[278] Le grief dans le dossier de la Commission no 566-02-42042, concernant le refus de l’employeur d’accorder au fonctionnaire un congé non payé pour s’occuper de la famille, est accueilli.

[279] La Commission demeure saisie de l’affaire jusqu’à ce que la question de la réparation soit réglée, soit au moyen d’une entente entre les parties, soit par une autre ordonnance de la Commission. Les parties doivent informer la Commission de leur plan d’action souhaité dans les 90 jours suivant la date de la présente décision.

Le 22 octobre 2024.

Traduction de la CRTESPF

Amélie Lavictoire,

une formation de la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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