Décisions de la CRTESPF
Informations sur la décision
La plaignante a allégué que l’Association canadienne des employés professionnels (ACEP) avait manqué à son devoir de représentation équitable en refusant de déposer un grief de principe concernant la disposition de la convention collective relative à la santé et à la sécurité à la suite de la « Directive sur le retour au bureau » du 15 décembre 2022 – la plaignante était bouleversée par le retour imminent au bureau dans ce qu’elle a qualifié d’environnement dangereux en raison des risques pour la santé associés à la COVID-19 – elle a prétendu que l’ACEP avait refusé d’examiner les données sur lesquelles ses préoccupations étaient fondées – aucune des données n’a été présentée à la Commission ni aucun résumé de celles-ci – sans ces renseignements de base, la Commission a conclu que la plaignante n’avait formulé que de simples accusations et conjectures – même si la Commission avait reconnu comme vrai le fait que l’ACEP n’avait pas examiné les données, elle a également conclu que cela ne suffisait pas à fonder une plainte selon laquelle l’agent négociateur avait agi arbitrairement – entre autres, la plaignante a parlé à trois représentants de l’ACEP différents, qui lui ont présenté les options qui s’offraient à elle pour répondre à ses préoccupations en matière de santé et de sécurité – dans ce contexte général, que la plaignante n’a pas contesté, la seule question qu’elle a soulevée au sujet du fait que l’ACEP n’avait pas examiné ses données ne pouvait pas constituer un argument défendable selon lequel l’agent négociateur l’avait traitée de façon superficielle ou négligente.
Plainte rejetée.
Contenu de la décision
Date : 20241114
Dossier : 561-02-47225
Référence : 2024 CRTESPF 154
relations de travail et de l’emploi
dans le secteur public fédéral et
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entre
Olivia Watkin McClurg
plaignante
et
Association canadienne des employés professionnels
défenderesse
Répertorié
McClurg c. Association canadienne des employés professionnels
Devant : John G. Jaworski, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour la plaignante : Elle-même
Pour la défenderesse : Fiona Campbell, avocate
Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés les 18 et 31 mai et le 1er septembre 2023.
(Traduction de la CRTESPF)
(TRADUCTION DE LA CRTESPF)
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I. Plainte devant la Commission
[1] Le 21 avril 2023, Olivia Watkin McClurg (la « plaignante ») a déposé une plainte contre l’Association canadienne des employés professionnels (ACEP ou la « défenderesse ») en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »).
[2] Voici les détails relatifs à sa plainte :
[Traduction]
Décision arbitraire de ne pas déposer un grief de principe concernant la santé et la sécurité de la politique de retour au bureau en tant que violation de la section de la convention collective portant sur la santé et la sécurité au travail dans le contexte de la COVID-19. J’ai rencontré Pierrette Landry le 14 décembre 2022 et le 26 janvier 2023 pour demander à ce qu’un tel grief soit déposé et elle m’a dit lors de la deuxième réunion que la COVID-19 ne constituait plus une préoccupation, que les décès attribuables à la COVID-19 sont très rares, et que mes préoccupations sont des opinions et des croyances témoignant de problèmes de santé mentale. J’ai cité des statistiques pour étayer mes préoccupations, qui n’ont pas été prises en compte, et mon offre d’envoyer les données gouvernementales que j’avais mentionnées pour réfuter ce qu’on m’avait dit a été refusée. Lors de l’une ou l’autre des réunions, je n’ai obtenu aucune réponse claire quant à savoir si un grief serait déposé, même après avoir envoyé un courriel de suivi pour obtenir des éclaircissements après la deuxième réunion le 27 janvier 2023. J’ai eu une discussion au téléphone et une correspondance par courrier électronique avec Claude Archambault, dans le cadre de laquelle il a confirmé, par courriel le 20 avril 2023, qu’un grief ne serait pas déposé.
[3] Dans sa plainte, la plaignante a indiqué que la date à laquelle elle avait eu connaissance de la mesure, de l’omission ou de toute autre circonstance ayant donné lieu à la plainte était le 20 avril 2023.
[4] Voici la réparation demandée par la plaignante :
[Traduction]
[…] [La défenderesse] devrait soit déposer un grief de principe, au motif que la politique de retour au bureau viole les obligations de la convention collective en matière de santé et de sécurité au travail, soit démontrer qu’elle tient compte des faits pertinents quant à la question des risques que présente la COVID-19 au bureau dans sa décision de ne pas déposer un tel grief.
[5] Le 18 mai 2023, la défenderesse a répondu à la plainte (la « réponse de l’ACEP »). Dans le cadre de sa réponse, l’ACEP a soutenu que les allégations ne permettent pas d’établir l’existence d’une preuve à première vue de violation de la Loi et, par conséquent, que la plainte devrait être rejetée de façon sommaire, sans audience.
[6] La plaignante a produit une réplique à la réponse de l’ACEP et à la requête en rejet présentée par cette dernière le 31 mai 2023 (la « réplique du 31 mai »).
[7] Après avoir examiné la plainte, la réponse de l’ACEP et la réplique du 31 mai, j’ai conclu que l’affaire pouvait être tranchée sur la base d’arguments écrits, au titre de l’article 22 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365), qui est libellé ainsi : « La Commission peut trancher toute affaire ou question dont elle est saisie sans tenir d’audience. »
[8] La question à trancher est celle de savoir s’il existe une cause défendable que le défendeur a violé l’article 187 de la Loi. En d’autres termes, en considérant comme véridiques toutes les allégations de fait de la plaignante, ces allégations pourraient-elles démontrer que la défenderesse a manqué à son devoir de représentation équitable, tel que défini par la Loi et la jurisprudence?
[9] La plaignante et l’ACEP ont tous deux déposé des arguments supplémentaires le 1er septembre 2023, que j’appellerai respectivement [traduction] « l’argument de la plaignante du 1er septembre » et [traduction] « l’argument de l’ACEP du 1er septembre ».
II. Résumé des événements qui ont mené à la plainte
[10] Au moment de la plainte, la plaignante était membre du groupe Économique et services de sciences sociales (EC). L’ACEP était à l’époque et est toujours l’agent négociateur accrédité de ce groupe. À l’époque où les faits énoncés dans la plainte se sont produits, les conditions d’emploi des membres du groupe EC étaient régies par une convention collective conclue entre le Conseil du Trésor (l’« employeur ») et l’ACEP qui a été signée le 28 août 2019 et qui a expiré le 21 juin 2022 (la « convention collective »).
[11] La plainte porte sur le fait que l’ACEP n’a pas déposé un grief de principe relativement à la disposition de la convention collective concernant la santé et la sécurité. La disposition relative à la santé et à la sécurité de la convention collective est l’article 37 et elle énonce ce qui suit :
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[12] Au cours de plusieurs mois en 2022, l’employeur a indiqué dans plusieurs communications qu’il exigerait des employés qui travaillaient à domicile ou qui faisaient du télétravail qu’ils retournent au travail au bureau. Ces communications ont culminé le 15 décembre 2022, avec la « directive de retour au bureau » (la « directive de RAB »). Aucune copie de la directive n’a été fournie.
[13] Dans un courriel envoyé à tous ses membres le 2 mars 2022, l’ACEP a déclaré ce qui suit :
[Traduction]
[…]
L’ACEP a été informée que tous les ministères et organismes reprendront leurs plans de retour progressif au travail qui ont été suspendus pendant le pic du variant Omicron […]
[…]
L’ACEP continuera de défendre les intérêts de ses membres dans le cadre de l’élaboration de plans de retour au travail et de veiller à ce que la capacité de travailler à distance demeure en place dans tous les ministères et organismes pour les membres qui le souhaitent.
[…]
[14] Un autre questionnaire destiné aux membres de l’ACEP était joint au courriel du 2 mars 2022. Il énonçait ce qui suit :
[Traduction]
[…]
L’ACEP attend avec impatience d’entendre les commentaires de ses membres au sujet des répercussions des politiques de retour au bureau du gouvernement fédéral.
La présente sert de rappel des prochaines séances de consultation le 28 juin et le 10 juillet, de 17 h 30 à 19 h 30 (HAE).
MODIFICATION DU FORMAT : EN LIGNE SEULEMENT
En réponse à la préférence marquée pour la participation virtuelle, cette consultation se tiendra virtuellement.
BUT DE CETTE CONSULTATION
Cette consultation a pour but de recueillir les commentaires des membres appartenant à divers groupes dignes d’équité sur les répercussions qu’auront sur eux la politique de retour au bureau, et ce, en vue d’établir un dossier plus solide auprès du gouvernement afin que ce dernier fasse preuve de davantage de souplesse en matière de télétravail.
Apportez vos notes et vos bonnes idées!
DÉFINITION DES GROUPES DIGNES D’ÉQUITÉ
Aux fins de cette réunion, appartiennent aux groupes dignes d’équité les personnes qui s’identifient comme Autochtones, handicapées, minorités visibles, membres de la communauté 2SLGBTQIA+, femmes et aidants naturels.
[…]
[15] L’ACEP tient à jour un site Web sur Internet. Des renseignements sont affichés sur ce site Web auquel ses membres et les membres du public peuvent avoir accès. À partir du site Web, plusieurs documents ont été soumis par l’ACEP au sujet de questions se rapportant à la décision de l’employeur de faire revenir les employés au bureau pour travailler, à la directive de RAB et à la présente plainte. Les articles suivants ont été publiés sur le site Web de l’ACEP avant que la plaignante ne communique pour la première fois avec l’ACEP, ce qui a finalement mené à sa plainte :
[14 juin 2022 : suspension de la politique de vaccination obligatoire :]
Le gouvernement a annoncé aujourd’hui qu’il suspendait la politique de vaccination obligatoire, à compter du lundi 20 juin. Il a également annoncé que les employés non vaccinés en congé administratif pourraient être réintégrés le jour même.
[…]
Favoriser le télétravail pour gérer les risques continus pour la santé
L’ACEP est consciente que la pandémie n’est pas terminée; le gouvernement a d’ailleurs indiqué que la politique pourrait être rétablie si la situation s’aggravait à l’automne.
Ce changement brusque et soudain d’un extrême à l’autre sans plan de transition clair et solide est déstabilisant. L’ACEP fera pression pour que soient adoptées des mesures de transition prudentes et réalistes qui tiennent compte des risques prévisibles.
[…]
De plus, comme elle le fait depuis longtemps, l’ACEP poursuivra les discussions sur le télétravail et continuera de plaider en faveur de l’adoption de régimes de télétravail/hybrides pour l’avenir, lorsque c’est possible.
Nous avons demandé au gouvernement de faire preuve de souplesse en ce qui concerne les modalités de travail à distance et nous continuerons de le faire.
Soutien aux membres qui ont déposé des griefs
L’ACEP continuera d’appuyer les membres qui ont déposé des griefs.
[…]
[12 juillet 2022 : l’ACEP demande la suspension du plan du retour au bureau :]
À la suite des annonces des responsables de la santé publique du gouvernement fédéral, de l’Ontario et du Québec confirmant le début d’une septième vague d’infections à la COVID-19, nous avons demandé au Secrétariat du Conseil du Trésor de suspendre immédiatement tous les plans de retour dans les lieux de travail de l’employeur jusqu’à ce que la situation s’améliore.
L’ACEP est préoccupée par le risque significatif et inutile pour la santé et la sécurité de nos membres qui doivent retourner dans les lieux de travail de l’employeur au milieu de cette septième vague […]
[…]
[11 août 2022 : préoccupations relatives à la santé et à la sécurité concernant les plans de retour sur les lieux de travail durant la pandémie de COVID-19 :]
Bon nombre d’entre vous nous ont fait part de préoccupations concernant les plans de retour sur les lieux de travail au moment où nous traversons une autre vague de la COVID-19. L’ACEP a préparé un bref exposé sur vos droits dans ce contexte, la façon dont vous pouvez vous renseigner sur les mesures préventives et les démarches que vous pouvez entreprendre auprès de votre employeur.
Vos droits
Si, selon vous, un élément figurant dans les plans de retour au travail de votre employeur représente un danger pour vous-même ou est susceptible de provoquer un accident, une blessure ou une maladie, voici certains conseils pour vous aider :
Renseignez-vous sur les mesures préventives en place
Demandez à votre gestionnaire une copie des mesures préventives mises en place pour assurer la santé et la sécurité de tous les employés sur le lieu de travail. Posez des questions si des renseignements ne sont pas clairs.
Faites part de vos préoccupations à votre gestionnaire
Si, après avoir examiné les mesures préventives, vous ne vous sentez pas en sécurité, faites part de vos préoccupations à votre gestionnaire pour que la question soit étudiée. Assurez-vous de faire un suivi pour obtenir une réponse.
Signalez le problème au comité de santé et de sécurité local
En plus de ce qui précède, vous pouvez faire part de vos préoccupations au comité de santé et de sécurité local. Votre gestionnaire doit s’assurer que les noms des membres du comité sont affichés et mis à la disposition des employés.
Rapport d’enquête sur les situations comportant des risques
Si vous avez contracté la COVID-19 à la suite d’une exposition sur le lieu de travail, remplissez un Rapport d’enquête sur les situations comportant des risques (formulaire 874) et faites-le parvenir à votre gestionnaire. L’Employeur est tenu, conformément aux dispositions en matière de santé et de sécurité du Code canadien du travail, d’enquêter sur le problème pour s’assurer que des mesures correctives sont prises de façon à éviter que celui-ci ne se reproduise.
Refus de travailler
Vous avez toujours le droit, en vertu du Code canadien du travail, de refuser d’exécuter un travail qui constitue un danger pour vous-même ou pour un autre employé. Voici la procédure à suivre pour exercer ce droit […]
[…]
[2 septembre 2022 : le sondage de l’ACEP auprès des membres sur les plans de retour sur les lieux de travail de l’employeur]
[29 septembre 2022 : les résultats du sondage de l’ACEP auprès des membres sur les plans de retour sur les lieux de travail de l’employeur :]
[…]
Les répondants ont clairement indiqué que si la COVID-19 demeure une préoccupation majeure et une raison d’éviter de se rendre sur les lieux de travail, leur attitude à l’égard du télétravail est également façonnée par une augmentation perçue de la productivité et du rendement, ainsi que par la possibilité de bénéficier d’un meilleur équilibre entre le travail et la vie personnelle.
[…]
[15 décembre 2022 : la directive de RAB, position et défense :]
Le 15 décembre 2022, le Secrétariat du Conseil du Trésor a émis une directive pour que tous les employés fédéraux soient de retour au bureau deux ou trois jours par semaine à compter du 16 janvier 2023 et au plus tard le 31 mars 2023.
L’ACEP se joindra à l’AFPC [Alliance de la Fonction publique du Canada] et à l’IPFPC [Institut professionnel de la fonction publique du Canada] pour une réponse conjointe coordonnée, mais entre-temps, voici de plus amples renseignements sur la position de l’ACEP au sujet du télétravail, ce que nous faisons à ce sujet et ce que vous pouvez faire.
La position de l’ACEP
[…]
>>La directive ne règle pas les problèmes du travail au bureau
Une chose que cette directive ne résout pas, ce sont les problèmes dont nous entendons parler depuis que divers membres ont commencé à retourner au bureau : préoccupations relatives à la santé et à la sécurité en cas de pandémie (ventilation, masques, etc.) […]
>>Pandémie
Ce n’est pas le moment de forcer les employés à retourner sur leur lieu de travail. Certains bureaux gouvernementaux ont une mauvaise ventilation, une mauvaise qualité de l’air et ont un besoin urgent de rénovations.
Les employés du gouvernement, en grand nombre, ont répondu à l’appel pour se faire vacciner en raison du grave risque sanitaire que pose le COVID-19. Le virus qui a jeté le monde dans la tourmente n’a pas disparu, pas plus que le risque d’effets secondaires graves. Récemment, les médias ont rapporté que les hôpitaux continuent d’être submergés non seulement par les patients atteints du COVID, mais aussi par ceux atteints de la grippe. Dans ces conditions, quelle est l’urgence de forcer les employés à se rendre au bureau, surtout pendant l’hiver? Nous avons été ouverts dans notre invitation à nous asseoir avec l’employeur pour discuter de la question.
Nous n’avons cessé de plaider pour que l’Employeur fasse preuve de plus de souplesse en matière de télétravail, et ce, bien avant que la pandémie ne l’oblige à l’adopter pour la sécurité de ses employés.
[…]
Ce que vous pouvez faire
L’Employeur peut demander à ses employés de retourner au bureau, cependant, il doit également s’assurer que votre santé et votre sécurité sont maintenues et que la demande n’est pas discriminatoire. Si vous estimez que l’obligation de travailler au bureau ne répond pas à un ou plusieurs de ces critères, nous vous recommandons d’en parler à votre responsable et/ou de demander un aménagement. Si votre demande d’aménagement est refusée, vous pouvez déposer un grief.
Si la préoccupation concerne la santé et la sécurité au bureau, vous pouvez contacter votre gestionnaire et votre représentant du comité de santé et de sécurité.
[…]
>>Demande d’aménagement
Vous pouvez envoyer un courriel à votre gestionnaire pour demander un aménagement. Légalement, vous devez divulguer les raisons pour lesquelles vous avez besoin d’un aménagement et coopérer en fournissant des documents justificatifs.
Le refus d’un accommodement pour un handicap, une raison médicale ou une situation familiale pourrait être considéré comme discriminatoire, et donc violer votre convention collective. La charge de la preuve dans une situation d’adaptation vous incombe ‑ à la fois pour prouver les motifs de discrimination et pour confirmer vos restrictions ou limitations fonctionnelles spécifiques.
[…]
[16] Selon la plaignante, elle a d’abord initialement rencontré Pierrette Landry, agente des relations de travail (ART) de l’ACEP, le 14 décembre 2022. D’après la réponse de l’ACEP à la plainte, la plaignante a parlé à Mme Landry au sujet du fait qu’elle était contrariée par le retour au travail imminent dans ce qu’elle a appelé un environnement dangereux en raison des risques pour la santé associés à la COVID-19. L’ACEP ajoute que, même si la plaignante a fait allusion à un possible grief à ce moment-là, rien n’a été confirmé, et qu’il n’y a eu aucune discussion à ce moment-là au sujet d’un suivi.
[17] La réponse de l’ACEP indique que le ou vers le 26 janvier 2023, la plaignante a envoyé un courriel à l’adresse électronique générale de l’ACEP et a finalement été renvoyée à l’ART de l’ACEP, Walter Belyea. L’ACEP y déclare en outre que les deux ont échangé plusieurs courriels à cette date, dans lesquels la plaignante a soulevé des préoccupations au sujet du retour au bureau à la lumière des préoccupations médicales et de santé et de sécurité découlant de la COVID-19. Selon l’ACEP, M. Belyea a fourni des réponses détaillées aux questions de la plaignante au sujet des mesures d’adaptation possibles pour les personnes handicapées, des options pour régler les problèmes de santé et de sécurité en milieu de travail et des refus de travailler au titre du Code canadien du travail (L.R.C. (1985), ch. L-2; le « CCT ») dans les courriels du 26 janvier 2023, à 9 h 48, à 11 h 24 et à 12 h 24. Aucun des courriels entre M. Belyea et la plaignante n’a été produit en preuve.
[18] Selon la réponse de l’ACEP, dans le courriel de 11 h 24, M. Belyea a notamment écrit ce qui suit : [traduction] « D’après ce que vous m’avez dit, l’ACEP ne juge pas prudent de procéder à un refus de travailler. Si vous fournissez des renseignements supplémentaires, ces conseils pourraient changer. » Dans les courriels de 11 h 24 et de 12 h 24, M. Belyea a informé la plaignante qu’elle avait la possibilité de déposer en tout temps une plainte auprès du Comité de santé et de sécurité au travail du Ministère.
[19] Selon la réponse de l’ACEP à la plainte, le 26 janvier 2023, la plaignante a communiqué avec Mme Landry à 14 h 6 et a discuté avec elle (la « conversation du 26 janvier »). Au cours de cette conversation, elle a dit à Mme Landry qu’elle avait échangé avec M. Belyea et qu’il n’avait pas répondu à ses préoccupations. Elle souhaitait également parler à un ART qui était statisticien. Selon l’ACEP, il n’y avait pas d’ART qui était statisticien. De plus, la plaignante a fait référence à certains renseignements qui, selon elle, démontraient que les gens [traduction] « mouraient comme des mouches » de la COVID-19. L’ACEP affirme que Mme Landry a dit à la plaignante que les renseignements que l’ACEP avait obtenus de Santé Canada était différents.
[20] Dans la réplique du 31 mai, la plaignante a déclaré qu’elle ne contestait pas le fait que les ART de l’ACEP l’avaient rencontrée et avaient communiqué avec elle à maintes reprises. Elle affirme que sa plainte concerne le refus de l’ACEP de s’intéresser, dans le cadre de leurs discussions, aux données sur lesquelles elle affirmait s’appuyer pour justifier ses préoccupations. Elle a déclaré que cela visait notamment le fait que l’ACEP ait décliné l’offre qu’elle lui avait faite de lui envoyer les renseignements tirés du portail de données sur la COVID-19 de Santé publique Ontario, auxquels elle avait indiqué faire référence lorsqu’elle avait communiqué ses préoccupations. Elle a confirmé que sa plainte ne comprenait pas d’allégations selon lesquelles il n’y avait pas de correspondance entre elle et l’ACEP.
[21] Dans sa réponse, l’ACEP indique que Mme Landry n’a refusé, à aucun moment, d’accepter les renseignements ou les statistiques de la plaignante et qu’elle aurait été disposée à examiner les renseignements fournis par la plaignante et à en tenir compte.
[22] Dans sa réponse, l’ACEP indique qu’au cours de la conversation du 26 janvier, une discussion générale a eu lieu au sujet d’un possible grief de principe. Mme Landry a informé la plaignante que la présidente de la section locale de l’ACEP à Statistique Canada (Ann Kurikshuk-Nemec) avait déposé un grief de principe en matière de santé et de sécurité. Elle affirme que Mme Landry a encouragé la plaignante à en discuter avec Mme Kurikshuk-Nemec. Pour autant que l’ACEP le sache, la plaignante n’a pas discuté avec Mme Kurikshuk-Nemec. Il a par la suite été établi qu’il ne s’agissait pas d’un grief de principe, mais bien d’une plainte fondée sur de la partie II du CCT, qui avait été déposée en septembre 2022.
[23] Selon la réponse de l’ACEP, le 27 janvier 2023, la plaignante a envoyé un courriel à Mme Landry qui, selon l’allégation de la plaignante, résumait la conversation du 26 janvier. L’ACEP affirme que ce courriel ne reflète absolument pas la conversation qui avait eu lieu. Aucune copie de ce courriel n’a été fournie dans le cadre des arguments.
[24] Selon la réponse de l’ACEP, en février 2023, les représentants de son organisation ont étudié des options pour aborder la santé et la sécurité, ainsi que d’autres questions concernant la directive de RAB.
[25] Dans sa réponse, l’ACEP affirme que ses représentants avaient jugé que la meilleure option pour protéger les intérêts de ses membres était de déposer une plainte relative au gel des conditions prévu à l’article 107 de la Loi auprès de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») et pour répondre aux préoccupations en matière de santé et de sécurité au travail à l’aide de la « Directive sur la santé et la sécurité au travail » à mesure qu’elles survenaient. Le 13 mars 2023, l’ACEP a déposé une plainte relative au gel des conditions auprès de la Commission, alléguant, entre autres, que la directive de RAB violait l’article 107, puisqu’elle modifiait une condition d’emploi. Parmi les réparations demandées, il y avait l’annulation de la directive de RAB et que les conditions d’emploi qui prévalaient avant l’annonce du 15 décembre 2022 soient rétablies.
[26] Ces renseignements ont été fournis aux membres de l’ACEP dans un bulletin affiché sur le site Web de l’agent négociateur et daté du 16 mars 2023. Voici les extraits pertinents du bulletin :
L’ACEP a déposé lundi une plainte contre le Conseil du Trésor concernant la politique visant à rendre obligatoire le travail en personne pendant le gel prévu par la loi applicable à la période de négociation en vue du renouvellement de la convention collective du groupe EC.
L’ACEP demeure opposée au choix du moment pour mettre en œuvre une politique visant à rendre obligatoire le travail en personne et au fait que rien ne justifie une telle politique sur le plan opérationnel, en particulier pendant la négociation de la convention collective, car cette politique modifie fondamentalement les conditions de travail pendant le gel prévu par la loi.
[27] Le 24 mars 2023, la plaignante a envoyé un courriel à l’ART de l’ACEP, Claude Archambault, dans lequel elle a indiqué qu’elle souhaitait discuter du dépôt d’un grief de principe et qu’elle ne souhaitait pas parler à Mme Landry. La plaignante et M. Archambault ont eu une discussion téléphonique le 4 avril 2023 : elle lui a mentionné qu’elle souhaitait déposer un grief de principe sur la santé et la sécurité au bureau. Après une enquête, M. Archambault a conclu que la plaignante avait parlé avec ses collègues de questions semblables et que la plaignante ne leur avait rien fourni de nouveau. Dans un courriel daté du 20 avril 2023, M. Archambault a dit à la plaignante que l’ACEP ne présenterait pas un grief de principe sur la question concernant la santé et la sécurité au travail. Le courriel de M. Archambault n’a pas été produit en preuve.
[28] Dans la réplique du 31 mai, la plaignante affirme, en faisant référence à la déclaration de l’ACEP selon laquelle les simples allégations contre Mme Landry ne démontrent pas que les conseils ou les actes posés par l’ACEP dans la prestation de conseils à la plaignante étaient arbitraires, que cet aspect en soi, sorti de son contexte, ne démontrerait pas l’existence d’une violation arbitraire de la Loi. Elle affirme qu’il s’agit d’un exemple de refus de s’intéresser aux renseignements sur lesquels ses préoccupations étaient fondées. La plaignante a également déclaré qu’elle souscrit au paragraphe 24 de la réponse de l’ACEP, même si elle affirme qu’elle conteste l’affirmation selon laquelle les renseignements étaient facilement accessibles, car elle a dit qu’elle avait tenté à maintes reprises de les trouver sans succès. Au paragraphe 24 de sa réponse, l’ACEP énonce ce qui suit :
[Traduction]
24. […] Les représentants de l’ACEP ont, au cours de la période pertinente, soigneusement examiné l’option d’un grief de principe en vertu de la disposition sur la santé et la sécurité de la convention collective du groupe EC et selon des conseils détaillés, elle a décidé de poursuivre une voie différente pour protéger les intérêts de ses membres. Il s’agit de renseignements qui sont tous facilement accessibles sur le site Web de l’ACEP et qui auraient été accessibles à la plaignante lorsqu’elle a communiqué avec M. Archambault en avril 2023.
[29] Dans la réplique du 31 mai, la plaignante affirme, en faisant référence à la déclaration de l’ACEP selon laquelle elle n’avait pas mentionné sa discussion avec M. Belyea dans sa plainte qu’il existe un compte rendu écrit de la discussion qu’elle avait eue avec M. Belyea et que cette discussion portait sur les options individuelles pour assurer sa sécurité à la lumière de la directive de RAB, comme les mesures d’adaptation médicales et les refus de travailler. Elle affirme que cela diffère des discussions qu’elle a eues avec Mme Landry. Elle a affirmé en outre qu’elle n’avait pas aimé les conseils de M. Belyea.
[30] Dans la réplique du 31 mai, la plaignante affirme, en faisant référence à la réponse de l’ACEP selon laquelle elle n’a pas demandé de renseignements supplémentaires à Mme Kurikshuk-Nemec au sujet des mesures collectives que l’ACEP prenait pour traiter de la question de la santé et de la sécurité de ses membres, qu’elle se souvient d’une brève discussion avec Mme Landry au sujet d’un grief en instance, mais qu’elle ne se rappelle pas d’avoir été expressément conseillée de communiquer avec Mme Kurikshuk-Nemec; par contre, elle ne conteste pas nécessairement que ce conseil a été prodigué.
[31] Dans sa réplique du 31 mai, la plaignante affirme que la raison pour laquelle elle a communiqué avec M. Archambault n’était pas d’obtenir des conseils, mais plutôt d’obtenir des éclaircissements sur la position de l’ACEP et de proposer des mesures à prendre relativement à ses préoccupations en matière de santé et de sécurité; elle y affirme que Mme Landry n’a pas répondu à son courriel de suivi visant à obtenir des éclaircissements.
[32] Dans l’argument de la plaignante du 1er septembre, elle affirme que, lors de la réunion du 26 janvier, Mme Landry lui a dit que la COVID-19 ne constituait plus une préoccupation, que les décès attribuables à celle-ci étaient rares et que ses préoccupations constituaient des opinions et des croyances témoignant de problèmes de santé mentale.
III. Résumé de l’argumentation
A. Pour la défenderesse
[33] La défenderesse soutient que la Commission devrait rejeter sommairement la plainte parce qu’elle ne révèle aucune preuve à première vue de violation de son devoir de représentation équitable.
[34] La Commission, dans la décision Exeter c. Association canadienne des employés professionnels, 2009 CRTFP 14, a déclaré qu’une allégation est établie à première vue « […] lorsque les faits allégués — et considérés comme avérés aux fins de la question préliminaire que je dois trancher ici — indiquent qu’il y a des motifs valables de croire que certaines dispositions de la loi n’ont pas été respectées. »
[35] La Commission, dans la décision Therrien c. Association canadienne des employés professionnels, 2011 CRTFP 118, a déclaré ce qui suit au paragraphe 52 :
52 Afin de s’acquitter de ce fardeau initial, le plaignant doit produire suffisamment de preuves se rapportant à tous les éléments de sa plainte afin d’étayer celle-ci. Cela consiste à satisfaire « en apparence » l’exigence de la présentation de faits suffisamment pertinents pour établir une violation de la Loi. Ces fondements probants doivent être suffisants au plan juridique pour justifier une prétention voulant qu’il y a effectivement eu violation de la Loi. En d’autres termes, je dois pouvoir évaluer si, en considérant toutes les allégations comme étant avérées, la Commission pourrait effectivement conclure à une violation de la Loi. […]
[36] La défenderesse fait valoir que les allégations formulées dans la plainte ne révèlent pas comment l’ACEP aurait agi d’une manière contraire à l’article 187 de la Loi, soit d’une manière qui était arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi dans ses rapports avec la plaignante.
[37] En supposant que les allégations de la plaignante sont véridiques, il est clair que les ART de l’ACEP ont rencontré la plaignante et ont communiqué avec elle à maintes reprises, ont écouté ses préoccupations et lui ont fourni des conseils sur la meilleure voie à suivre. La plaignante était manifestement en désaccord avec les conseils, mais cela ne les rendait pas arbitraires.
[38] La plaignante ne peut pas créer une cause défendable en formulant de simples allégations contre un ART, mais, même si elles sont véridiques, elles ne démontrent pas que les conseils ou les actes de l’ACEP lorsqu’elle lui a fourni des conseils étaient arbitraires.
[39] Pendant la période pertinente, les représentants de l’ACEP ont étudié soigneusement l’option de présenter un grief de principe fondé sur les dispositions de santé et sécurité de la convention collective du groupe EC et, suivant des conseils détaillés, ils ont décidé de se tourner vers une autre solution pour protéger les intérêts des membres de l’ACEP. Ces renseignements sont facilement accessibles sur le site Web de l’ACEP et auraient été accessibles à la plaignante lorsqu’elle a communiqué avec M. Archambault en avril 2023.
B. Pour la plaignante
[40] La plaignante soutient que la plainte ne devrait pas être rejetée. Elle fait valoir que certaines déclarations décrivent de manière erronée les événements qui ont précédé la plainte et que les déclarations faites par l’ACEP ne constituent pas une réponse à la plainte.
[41] La plaignante soutient que sa plainte porte sur le refus des ART de l’ACEP de s’intéresser aux données sur lesquelles ses préoccupations étaient fondées, y compris le refus de son offre d’envoyer des renseignements tirés du portail de données sur la COVID-19 de Santé publique Ontario. Sa plainte ne comprend pas d’allégations selon lesquelles il n’y avait pas de correspondance.
[42] La plaignante reconnaît que le fait de ne pas souscrire aux conseils fournis par le représentant de l’ACEP ne constitue pas une violation du devoir de représentation équitable et affirme qu’il s’agit de la raison pour laquelle elle n’a pas inclus M. Belyea dans sa plainte.
[43] La plaignante affirme que la plainte porte sur la conduite arbitraire de l’ACEP et sur son processus décisionnel, et non sur la question de savoir si sa décision était correcte.
[44] La plaignante affirme qu’elle ne souscrivait pas aux conseils de M. Belyea, mais que sa plainte porte sur le devoir de représentation équitable et elle confirme que le fait de ne pas souscrire aux conseils reçus ne constitue pas une violation de ce devoir. Elle affirme qu’il s’agit de la raison pour laquelle elle n’a pas inclus M. Belyea dans sa plainte.
[45] En ce qui concerne le paragraphe 31 de la réponse de l’ACEP, qui fait référence aux mesures que l’ACEP prenait et, plus particulièrement, aux renseignements provenant de Mme Kurikshuk-Nemec, la plaignante déclare qu’elle s’est souvenue d’une discussion entre elle et Mme Landry au sujet d’un grief en instance, mais qu’elle ne se rappelle pas d’avoir été particulièrement conseillée de communiquer avec Mme Kurikshuk-Nemec et elle ne conteste pas qu’on lui a effectivement prodigué ce conseil. Elle affirme qu’elle a cherché des renseignements supplémentaires sur le site Web de l’ACEP et dans les communications envoyées par cette dernière pour obtenir de plus amples renseignements sur les processus en cours, mais qu’elle n’a rien trouvé qui s’y rapportait. Elle affirme que l’existence d’un grief de principe en instance concernant les préoccupations qu’elle avait soulevées ne lui a pas été mentionnée dans sa correspondance subséquente. Elle déclare qu’elle a parlé à plusieurs agents de l’ACEP, ce qui témoigne de ses efforts pour mieux comprendre les mesures prises par l’ACEP et les options qu’elle envisage, que ce soit celles en cours ou celles à venir.
[46] En ce qui concerne le paragraphe 32 de la réponse de l’ACEP, dans lequel cette dernière affirme qu’il n’y a aucune indication que la plaignante ait tenté de s’informer des mesures juridiques que l’ACEP avait déjà prises pour répondre aux intérêts de ses membres, la plaignante soutient qu’elle ne souscrit pas à deux aspects de cette affirmation. En premier lieu, elle a communiqué avec M. Archambault non pas pour obtenir des conseils, mais pour clarifier la position de l’ACEP et les mesures prises par cette dernière en ce qui a trait à ses préoccupations en matière de santé et de sécurité, et, en deuxième lieu, elle a tenté à maintes reprises de s’informer des mesures juridiques que l’ACEP avait déjà prises.
[47] Les deux derniers paragraphes de la réplique du 31 mai de la plaignante à la requête en rejet énoncent ce qui suit :
[Traduction]
Les paragraphes que je n’ai pas mentionnés expressément dans la présente réponse comprennent les paragraphes 19 à 21, qui expriment simplement la position défendue aux paragraphes 22 à 24 selon laquelle la plainte devrait être rejetée sommairement, et le paragraphe 25 qui résume cette position. De même, je n’ai pas abordé les paragraphes 26 et 27, qui expriment la position sur le fond de la plainte présentée aux paragraphes 28 à 32, et les paragraphes 33 et 34, qui résument ces arguments. Le paragraphe 29 exprime un argument semblable à celui figurant au paragraphe 28 concernant la norme de devoir à laquelle sont assujettis les agents négociateurs. Enfin, les paragraphes 35 à 37 ne sont pas abordés, puisqu’ils constituent des déclarations de conclusion sur les arguments présentés.
En plus de contester les faits du cas, je n’estime pas que la défenderesse a démontré que la plainte ne démontre pas l’existence d’une violation de la Loi. Les arguments présentés dans ses observations comprennent de nombreuses déclarations que je considérerais comme des descriptions erronées des événements ayant conduit à ma plainte, ainsi que des déclarations auxquelles je souscris, mais qui ne traitent pas la plainte présentée dans la présente affaire.
C. L’argument de l’ACEP du 1er septembre
[48] L’ACEP soutient que la Commission, lorsqu’elle se prononce quant à la question de savoir si un plaignant a présenté une cause défendable, peut examiner les faits non contestés mentionnés par les parties dans les actes de procédure, dans les arguments ou dans les documents joints aux actes de procédures et aux arguments. Cela peut comprendre des éléments de preuve concernant les communications publiques d’un agent négociateur avec ses membres.
[49] Au cours des dernières années, la Commission a appliqué l’analyse relative à la cause défendable dans le rejet de cas concernant des réponses de l’agent négociateur aux politiques relatives à la COVID-19. Même si certains de ces cas concernaient des réponses de l’agent négociateur à une politique de vaccination de l’employeur, par opposition à la directive de RAB, ils comportent des considérations semblables à la question qui se pose en l’espèce et fournissent des conseils utiles sur la façon de juger si un plaignant a établi l’existence d’une cause défendable selon laquelle l’agent négociateur a manqué à son devoir de représentation équitable en vertu de l’article 187 de la Loi.
[50] L’ACEP a renvoyé à la décision Corneau c. Association des juristes de Justice, 2023 CRTESPF 16, dans laquelle la Commission a énoncé ce qui suit :
[…]
[26] […] Dans une plainte telle que la présente, l’échange de précisions à la suite du dépôt d’une plainte fait essentiellement partie du processus de réception. Cet échange, qui constitue un élément bien établi de la pratique de la Commission depuis de nombreuses années, aide celle-ci à comprendre les questions qui ont donné lieu à la plainte. Cela peut aider la Commission à régler les plaintes le plus rapidement possible.
[27] Dans le cadre de cet échange, la défenderesse est invitée à présenter sa version des faits, et la plaignante, à répondre à ces affirmations. Comme c’était le cas en l’espèce, les parties fournissent souvent des documents à l’appui de leur version des faits. Dans le cadre de cet échange, la Commission peut être convaincue que certains faits ne sont pas contestés. Cela est d’autant plus vrai si les faits sont mentionnés par les deux parties ou s’ils sont corroborés dans des documents non contestés par les parties.
[51] Dans la décision Fortin c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2022 CRTESPF 67, la Commission a fait remarquer que les communications d’un agent négociateur avec ses membres par divers moyens peuvent être utiles pour évaluer la conduite de l’agent négociateur, car elles donnent un aperçu de sa pensée et de ses processus décisionnels.
[52] Dans la décision Payne c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2023 CRTESPF 58, la Commission a déclaré que, même s’il incombe à la défenderesse d’établir que la plaignante n’a pas établi une cause défendable de violation de l’article 187 de la Loi, la défenderesse doit « […] préciser les allégations factuelles sur lesquelles se fonde la plainte et répondre aux questions qui constitueraient un manquement au devoir de représentation équitable […] ». Dans Payne, la Commission a également conclu que les allégations énumérées dans la plainte doivent « sembler réalistes » et ne peuvent pas être « de simples accusations ou des spéculations ». De plus, un plaignant ne peut pas formuler des accusations et se fier à l’incapacité du défendeur de les réfuter.
[53] La plaignante allègue dans la présente affaire que l’ACEP a agi de façon arbitraire en décidant de ne pas déposer un grief de principe portant que la directive de RAB viole la disposition de la convention collective portant sur la santé et la sécurité dans le contexte de la COVID-19. La plaignante ne semble pas alléguer que l’ACEP a agi de mauvaise foi ou de manière discriminatoire. Même si la plaignante renvoie dans sa plainte aux communications qu’elle aurait eues avec Mme Landry en décembre 2022 et en janvier 2023, dans la réplique du 31 mai, elle a précisé que cet aspect de sa plainte, lorsqu’on le sort de son contexte, ne démontrerait pas une violation arbitraire de la Loi, en déclarant ce qui suit : [traduction] « […] il a été inclus en tant qu’exemple supplémentaire du refus de s’intéresser aux renseignements sur lesquels mes préoccupations étaient fondées ».
[54] La question qui se pose dans le cadre de l’analyse relative à la cause défendable consiste à savoir si, selon les faits énoncés dans la plainte, ainsi que les faits non contestés dans le cadre du processus de réception, il existe une cause défendable que l’ACEP a agi de manière arbitraire lorsqu’elle a décidé de ne pas déposer un grief de principe contre la directive de RAB au motif que celle-ci contrevenait aux dispositions de la convention collective portant sur la santé et la sécurité.
[55] Les faits allégués par la plaignante ne fournissent aucun renseignement sur le processus et la justification de l’ACEP lorsqu’elle a décidé de ne pas déposer un grief de principe contre la directive de RAB. L’ACEP a fourni une explication dans sa réponse, explication qui consiste en une description du processus qu’elle avait suivi pour décider comment répondre à la directive de RAB au nom de ses membres, y compris l’examen de la possibilité d’un grief de principe fondé sur une violation des dispositions de la convention collective portant sur la santé et la sécurité. La plaignante n’a pas contesté les paragraphes 14 à 16 de la réponse de l’ACEP, où elle a fourni cette explication, et l’ACEP est d’avis qu’ils peuvent être traités comme des faits incontestés dans le but de trancher la question de savoir si la plaignante a établi l’existence d’une cause défendable.
[56] Les communications publiques de l’ACEP à ses membres indiquent clairement que l’ACEP prenait au sérieux les questions concernant la directive de RAB et qu’elle a fait savoir à ses membres qu’elle avait consulté d’autres agents négociateurs au sujet d’une réponse conjointe, qu’elle s’opposait à l’échéancier de la directive de RAB ainsi qu’à l’absence de justification de cette directive, et qu’elle avait finalement décidé de déposer une plainte contre la directive de RAB au motif qu’elle contrevenait à la période de gel prévue par la loi.
D. L’argument de la plaignante du 1er septembre
[57] L’argument de la plaignante du 1er septembre constituait une réponse à la jurisprudence mentionnée par l’ACEP, plus particulièrement les décisions de la Commission dans les affaires Musolino c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2022 CRTESPF 46, Fortin, Corneau et Payne.
[58] La plaignante affirme que les quatre décisions étaient très semblables et que les plaintes ont été rejetées au motif que les parties plaignantes n’avaient pas fourni une preuve à première vue selon laquelle l’agent négociateur avait agi de manière arbitraire, de mauvaise foi ou de manière discriminatoire. Toutes ces décisions renvoient à l’arrêt Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon, [1984] 1 RCS 509 de la Cour suprême du Canada. La plaignante expose ensuite des extraits de Musolino, de Fortin, de Payne et de Corneau.
[59] La plaignante affirme que, suivant l’application de l’article 187 de la Loi et du raisonnement exposé dans l’arrêt Guilde de la marine marchande du Canada et appliqué dans Musolino, Fortin, Payne et Corneau, l’ACEP n’a présenté aucun élément de preuve portant que, dans sa décision de ne pas déposer un grief de principe, elle a examiné soigneusement les renseignements pertinents. Elle affirme qu’il y a des éléments de preuve indiquant le contraire. Elle déclare également que Mme Landry lui a donné de faux renseignements lorsqu’elle lui avait demandé des renseignements sur un grief de principe. Elle affirme qu’aucune explication des mesures n’a été fournie quant aux raisons pour lesquelles il a été décidé de ne pas déposer un grief de principe, et qu’aucune donnée ne lui a été communiquée pour contester son opinion selon laquelle la directive de RAB présentait un risque pour la santé et la sécurité au travail qui contrevenait à la convention collective et au CCT.
[60] La plaignante affirme qu’elle a fourni verbalement des données tirées de l’outil de données sur la COVID-19 de Santé publique Ontario et que, lorsqu’elle a offert d’envoyer un lien vers les données qu’elle citait, on lui a dit de ne pas le faire. Elle déclare en outre que l’ACEP a affirmé qu’elle présentait des allégations qui étaient incompatibles avec le propos de l’Agence de la santé publique du Canada, alors que ses données pour l’Ontario sont fournies par la province et sont donc les mêmes, exception faite de retards dans la transmission des données. Elle affirme que cela démontre que les données qu’elle a présentées n’ont pas été prises en considération, malgré l’absence d’explications quant aux raisons pour lesquelles ces données ou son interprétation des données étaient incorrectes. Par conséquent, l’ACEP n’a pas démontré qu’elle a attentivement examiné la situation et les questions pertinentes, et la plainte ne devrait pas être rejetée.
IV. Motifs
[61] Dans la récente décision Brooke c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2024 CRTESPF 20, le critère applicable au rejet sommaire est exposé au paragraphe 93, où la Commission déclare ce qui suit :
[93] Le critère applicable au rejet sommaire au motif que le cas ne révèle aucune cause défendable est habituellement libellé comme suit : Si toutes les allégations factuelles du plaignant sont tenues pour véridiques, existe-t-il une cause défendable qu’il y a eu violation de la loi? Autrement dit, y a-t-il des indications que le défendeur aurait manqué à son devoir de représentation équitable?
[62] La tâche de la Commission consiste à juger s’il existe une cause défendable que la défenderesse a agi de façon contraire à l’article 187 de la Loi, qui est libellé ainsi :
|
|
[63] Au paragraphe 96 de la décision Brooke, la Commission a réitéré la portée du devoir de représentation équitable, telle qu’elle avait été énoncée dans l’arrêt Guilde de la marine marchande du Canada à la page 527 :
[…]
1. Le pouvoir exclusif reconnu à un syndicat d’agir à titre de porte-parole des employés faisant partie d’une unité de négociation comporte en contrepartie l’obligation de la part du syndicat d’une juste représentation de tous les salariés compris dans l’unité.
2. Lorsque, comme en l’espèce et comme c’est généralement le cas, le droit de porter un grief à l’arbitrage est réservé au syndicat, le salarié n’a pas un droit absolu à l’arbitrage et le syndicat jouit d’une discrétion appréciable.
3. Cette discrétion doit être exercée de bonne foi, de façon objective et honnête, après une étude sérieuse du grief et du dossier, tout en tenant compte de l’importance du grief et des conséquences pour le salarié, d’une part, et des intérêts légitimes du syndicat d’autre part.
4. La décision du syndicat ne doit pas être arbitraire, capricieuse, discriminatoire, ni abusive.
5. La représentation par le syndicat doit être juste, réelle et non pas seulement apparente, faite avec intégrité et compétence, sans négligence grave ou majeure, et sans hostilité envers le salarié.
[…]
[64] Aux paragraphes 97, 98, et 99 de la décision Brooke, la Commission a déclaré ce qui suit :
[97] Comme le prévoient les dispositions législatives, l’agent négociateur ne doit pas agir de manière arbitraire. Il doit montrer qu’il a sérieusement pris en compte les intérêts de ses membres. Cela ne signifie pas qu’il est tenu de suivre la direction que le membre souhaiterait qu’il adopte. Comme l’a déclaré la Cour suprême du Canada, l’agent négociateur « jouit d’une discrétion appréciable ».
[98] Dans Mangat c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 52, au paragraphe 44, la Commission (telle qu’elle était alors) a cité l’extrait suivant de Judd v. Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada, Local 2000, 2003 CanLII 62912 (BC L.R.B.) :
[Traduction]
[…]
42. Lorsqu’un syndicat décide de ne pas poursuivre un grief pour des considérations pertinentes concernant le lieu de travail – par exemple, vu son interprétation de la convention collective, vu l’effet sur d’autres fonctionnaires ou vu son évaluation selon laquelle le fondement du grief n’est pas suffisant – il accomplit son travail consistant à représenter les fonctionnaires. Le fonctionnaire en cause, dont le grief a été abandonné, peut estimer que le syndicat ne le « représente » pas. Toutefois, décider de ne pas poursuivre un grief en se basant sur ces genres de facteurs est une partie essentielle du travail syndical consistant à représenter les fonctionnaires dans leur ensemble. Quand un syndicat agit en se fondant sur des considérations se rapportant au lieu de travail ou à son travail de représentation des fonctionnaires, il est libre de déterminer la meilleure voie à suivre, et une telle décision n’équivaut pas à une violation du [devoir de représentation équitable].
[99] Une situation semblable à celle du présent cas s’est produite dans Watson c. SCFP, 2022 CCRI 1002, où une plainte a été déposée contre le syndicat pour avoir manqué à son devoir de représentation équitable lorsqu’il n’a pas déposé un grief de principe contre la politique de vaccination obligatoire de l’employeur. Le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) a rejeté la plainte en déclarant que le syndicat s’était penché sur la question et avait bien évalué ses chances d’obtenir gain de cause s’il contestait la politique. De plus, dans ce cas également, le syndicat avait soutenu la politique de vaccination comme moyen efficace d’assurer la santé et la sécurité des employés. Le CCRI a soutenu qu’il n’y avait pas de preuve permettant d’affirmer que le syndicat avait agi de mauvaise foi lorsqu’il a soutenu la vaccination pour ses membres.
[65] Aux paragraphes 69, 78, 89 et 91 de la décision Laquerre c. Association professionnelle des agents du service extérieur, 2024 CRTESPF 83, la Commission a déclaré ce qui suit :
[69] Un simple désaccord ne justifie pas une conclusion selon laquelle l’agent négociateur a manqué à son devoir de représentation équitable (voir Collins c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2023 CRTESPF 29). L’agent négociateur peut commettre une erreur dans son interprétation de la convention collective, à condition que l’erreur ne soit pas commise de manière arbitraire ou discriminatoire (voir McFarlane c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2015 CRTEFP 27.)
[…]
[78] Il n’appartient pas à la Commission de remettre en question l’évaluation que font les agents négociateurs des forces et des faiblesses d’un grief dans le cadre d’une plainte de manquement au devoir de représentation équitable devant la Commission. Selon la norme de la Commission, tant que l’agent négociateur a examiné de manière sérieuse la situation d’un employé, cela suffit pour lui permettre de s’acquitter de son devoir.
[89] La Commission a souvent affirmé qu’il ne s’agit pas de décider si l’agent négociateur avait raison ou tort, mais plutôt de déterminer s’il a examiné l’affaire de manière sérieuse. Tel que cela a été affirmé dans Fontaine c. Robertson, 2021 CRTESPF 19 :
[…]
[26] La Commission n’est pas un mécanisme d’appel contre un refus de représentation à l’arbitrage. Le rôle de la Commission n’est pas de remettre en question la décision de l’agent négociateur, mais plutôt de statuer, sur la base de la preuve soumise, sur le processus décisionnel de l’agent négociateur, et non sur le bien-fondé de sa décision. Le rôle de la Commission ne consiste pas à décider si la décision de Mme Robertson de ne pas représenter le plaignant à l’arbitrage était correcte ou non. La Commission doit plutôt décider si les défenderesses ont agi de mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discriminatoire dans le cadre du processus décisionnel menant à cette décision.
[…]
[91] Dans Noël c. Société d’énergie de la Baie James, 2001 CSC 39, la Cour suprême du Canada a défini la signification de l’élément arbitraire dans le contexte d’une plainte relative au devoir de représentation équitable d’un syndicat :
[…]
50 Se reliant étroitement, les concepts d’arbitraire et de négligence grave définissent la qualité de la représentation syndicale. L’élément de l’arbitraire signifie que, même sans intention de nuire, le syndicat ne saurait traiter la plainte d’un salarié de façon superficielle ou inattentive. Il doit faire enquête au sujet de celle-ci, examiner les faits pertinents ou obtenir les consultations indispensables, le cas échéant, mais le salarié n’a cependant pas droit à l’enquête la plus poussée possible. On devrait aussi tenir compte des ressources de l’association, ainsi que des intérêts de l’ensemble de l’unité de négociation. L’association jouit donc d’une discrétion importante quant à la forme et à l’intensité des démarches qu’elle entreprendra dans un cas particulier […]
[…]
[66] Au paragraphe 52 de la décision Therrien, la Commission déclare qu’un plaignant, dans une plainte relative au devoir de représentation équitable, « […] doit produire suffisamment de preuves se rapportant à tous les éléments de sa plainte afin d’étayer celle-ci. Cela consiste à satisfaire “en apparence” l’exigence de la présentation de faits suffisamment pertinents pour établir une violation de la Loi. »
[67] Récemment, dans la décision Payne, la Commission a conclu au paragraphe 59 que, même s’il incombe à la défenderesse de démontrer que la plainte ne révèle aucune cause défendable d’une violation de l’art. 187 de la Loi, « […] le plaignant doit néanmoins, lorsqu’il répond à l’objection préliminaire de la défenderesse, préciser les allégations factuelles sur lesquelles se fonde la plainte et répondre aux questions qui constitueraient un manquement au devoir de représentation équitable […] ». La Commission en a rajouté en déclarant ce qui suit au paragraphe 60 :
[60] Le seuil auquel les plaignants doivent satisfaire est faible. Toutefois, pour y satisfaire, les allégations factuelles qu’ils présentent doivent sembler réalistes. Elles ne peuvent pas être de simples accusations ou des spéculations; les allégations factuelles ne peuvent pas non plus être fondées sur la possibilité future que des éléments de preuve à l’appui des allégations puissent survenir au cours de l’audience […] De même, un plaignant ne peut pas formuler d’accusations et se fier à l’incapacité du défendeur de les réfuter […]
[68] Au paragraphe 42 de la décision Joe c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada, 2021 CRTESPF 10, dans laquelle la Commission devait se pencher sur une plainte présentée en vertu de l’article 190 de la Loi, elle a déclaré ce qui suit :
[42] […] Afin d’établir une cause défendable, le plaignant doit établir que la plainte est fondée, à l’égard de laquelle une violation de la Loi peut être constatée. Il ne suffit pas qu’un plaignant formule des accusations et se fie à l’incapacité des défendeurs de les réfuter […]
[69] Les premiers faits présentés par la plaignante ne répondent pas au critère énoncé dans les décisions Therrien et Payne.
[70] Il est clair, selon la plainte, la réplique du 31 mai et l’argument de la plaignante du 1er septembre, que l’allégation formulée contre l’ACEP est que son action ou inaction équivalait à une décision arbitraire; il n’est pas allégué qu’elle a agi de manière discriminatoire ou de mauvaise foi.
[71] La plainte porte sur le fait que l’ACEP n’a pas déposé un grief de principe à l’encontre de la directive de RAB. La plaignante, lorsqu’elle répond à la requête en rejet, doit satisfaire à l’exigence « […] de la présentation de faits suffisamment pertinents pour établir une violation de la Loi » (voir la décision Therrien). Les éléments mis de l’avant par la plaignante « […] ne peuvent pas être de simples accusations ou des spéculations; les allégations factuelles ne peuvent pas non plus être fondées sur la possibilité future que des éléments de preuve à l’appui des allégations puissent survenir au cours de l’audience […] » (voir la décision Payne).
[72] Les arguments de la plaignante comportent très peu de faits. Elle semble fonder son allégation selon laquelle l’ACEP a agi de façon arbitraire en ne présentant pas un grief de principe, ce qui équivaut à une violation des dispositions de la convention collective portant sur la santé et la sécurité, sur une déclaration figurant dans sa plainte, déclaration qui aurait été formulée par Mme Landry le 26 janvier 2023 selon laquelle affirmant que les préoccupations de la plaignante au sujet de la COVID-19 sont [traduction] « des opinions et des croyances témoignant de problèmes de santé mentale » et que la plaignante [traduction] « […] a cité des statistiques pour étayer [ses] préoccupations, qui n’ont pas été prises en considération et [son] offre d’envoyer les données gouvernementales […] a été refusée ». Dans la réplique du 31 mai, la plaignante a déclaré ce qui suit au sujet de sa plainte :
[Traduction]
[…] [elle] porte sur le refus des ART de l’ACEP de s’intéresser aux données sur lesquelles ses préoccupations étaient fondées, y compris le refus de son offre d’envoyer des renseignements tirés du portail de données sur la COVID-19 de Santé publique Ontario.
[73] Selon les renseignements très limités fournis par la plaignante, je ne peux que conclure que l’essentiel de la plainte repose sur les données qu’elle a dit avoir en sa possession, ce qui laisse entendre que la décision de l’employeur de faire revenir les employés au bureau présenterait, d’une façon ou d’une autre, un risque pour la santé et la sécurité en général; il est ainsi, parce que l’objet de sa plainte est le défaut allégué de l’ACEP de présenter un grief de principe au lieu d’un grief individuel.
[74] La plaignante a déclaré qu’elle avait ces données au moment de ses discussions avec Mme Landry. Aucune de ces données n’a été produite, et aucun type de résumé n’a été fourni sur ce que les données indiquaient. Sans ces renseignements de base, la plaignante n’a présenté rien d’autre que de simples accusations et des conjectures.
[75] Même si j’acceptais comme véridique le fait que l’ACEP ne s’était pas intéressée aux données de la plaignante, je conclus que cela en soi ne suffit pas à étayer une plainte selon laquelle l’agent négociateur a agi de manière arbitraire en l’espèce. La plaignante ne conteste pas qu’elle a discuté avec M. Archambault deux mois plus tard au sujet du dépôt d’un grief de principe en matière de santé et sécurité. Rien n’indique que, lorsqu’elle a discuté avec M. Archambault, elle a offert de lui fournir les données en question ou que l’ACEP n’avait pas tenu compte de ses préoccupations à ce moment-là. La plaignante ne conteste pas non plus la décision qu’avait alors prise M. Archambault de ne pas déposer un grief de principe.
[76] La plaignante ne présente non plus aucune opposition à l’égard des autres interactions qu’elle a eues avec l’ACEP en ce qui a trait à ses préoccupations et à son désir de déposer un grief de principe. Dans l’ensemble, la plaignante conteste uniquement un petit aspect de toutes les interactions qu’elle a eues avec l’ACEP en matière de santé et de sécurité, et la décision prise par l’ACEP de ne pas déposer un grief de principe. L’ensemble de ce contexte, tel qu’il est décrit par les deux parties, comprend des conversations avec trois ART différents et un aperçu des options dont elle dispose pour répondre à ses préoccupations en matière de santé et de sécurité. Dans ces circonstances, je n’accepte pas que la seule question soulevée par la plaignante constitue une cause défendable que l’agent négociateur l’a traitée de manière superficielle ou imprudente, ou a manqué à son devoir de représentation équitable.
[77] Étant donné que je conclus que la plaignante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial énoncé dans les décisions Therrien et Payne, la plainte ne satisfait pas au critère nécessaire pour passer à la prochaine étape et je n’ai pas besoin de poursuivre mon examen.
[78] La requête en rejet de l’ACEP est accueillie et la plainte est rejetée.
[79] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :
(L’ordonnance apparaît à la page suivante)
V. Ordonnance
[80] La requête en rejet présentée par la défenderesse est accueillie.
[81] La plainte est rejetée.
Le 14 novembre 2024.
Traduction de la CRTESPF
John G. Jaworski,
une formation de la Commission
des relations de travail et de l’emploi
dans le secteur public fédéral