Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’agent négociateur a déposé un grief de principe, alléguant que l’employeur avait contrevenu à la convention collective en abaissant la norme de vérification de compétence pour les inspecteurs de l’aviation civile, passant de commandant de bord à commandant en second, sans l’accord de l’agent négociateur – il a également allégué que la modification contrevenait au Règlement de l’aviation canadien (DORS/96-433; RAC), soutenant qu’il exige que les contrôles de compétence du pilote (CCP) soient effectuées conformément à la norme de commandant de bord pour qu’un pilote puisse conserver sa licence de pilote de ligne – l’employeur a d’abord soutenu que la Commission n’avait pas compétence, puisque la modification à la norme de vérification a été apportée dans le manuel d’exploitation, qui ne faisait pas partie de la convention collective – de plus, ni la convention collective ni le RAC n’exigeaient qu’un CCP soit effectué conformément à la norme de commandant de bord, ce que la Commission a accepté – la Commission a refusé de lire la norme de commandant de bord dans la convention collective, citant l’art. 229 de la Loi, qui lui interdit de modifier une convention collective – elle a en outre conclu que l’ensemble du manuel d’exploitation n’avait pas été incorporé à la convention collective – si les parties avaient voulu incorporer les parties du manuel d’exploitation traitant des normes de vérification, elles auraient pu le faire, mais elles ne l’ont pas fait.

Grief rejeté.

Contenu de la décision

Date: 20241114

Dossier: 569-02-41322

 

Référence: 2024 CRTESPF 157

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

entre

 

ASSOCIATION DES PILOTES FÉDÉRAUX DU CANADA

agent négociateur

 

et

 

Conseil du Trésor

(ministère des Transports)

 

employeur

Répertorié

Association des pilotes fédéraux du Canada c. Conseil du Trésor (ministère des Transports)

Affaire concernant un grief de principe renvoyé à l’arbitrage

Devant : Bryan R. Gray, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour l’agent négociateur : Jennifer Duff, avocate

Pour l’employeur : Chris Hutchison, avocat

Décision rendue sur la base d’arguments écrits

déposés les 13 et 27 octobre et le 8 novembre 2023 et les 3 et 17 mai 2024,

et par vidéoconférence

le 11 avril 2024.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Résumé

[1] L’Association des pilotes fédéraux du Canada (l’« Association » ou APFC) avait le fardeau de la preuve dans le présent grief de principe et devait fournir une preuve claire et convaincante pour justifier son allégation de violation de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’Association des pilotes fédéraux du Canada pour le groupe Navigation aérienne qui a expiré le 25 janvier 2015 (la « convention collective »).

[2] La convention collective exige l’accord mutuel des parties pour toute modification qui y est apportée. L’APFC soutient qu’une modification apportée au Manuel des opérations équivaut à une modification de la convention collective et constitue une violation de la clause d’accord mutuel.

[3] L’APFC demande à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») de conclure que la convention collective exige que tous les inspecteurs de la sécurité de l’aviation civile (CAI) (qui sont tenus de maintenir leur certification de pilote et sont soumis à des contrôles de la compétence du pilote (CCP) annuels) soient évalués en fonction de la norme supérieure de commandant de bord (CDB) plutôt que de la norme inférieure et récemment introduite de commandant en second (CES) ou de copilote, qui a été introduite en 2018 au moyen d’une modification du « Manuel des opérations » de Transports Canada (l’« employeur » ou TC). Une telle déclaration déclencherait les dispositions de la convention collective qui exigent l’accord mutuel de l’Association pour apporter une telle modification.

[4] L’argument selon lequel les CCP doivent être effectués selon les normes de CDB plutôt que les normes de CES ne figure pas dans le texte de la convention collective et n’est pas non plus incorporé par renvoi. Cette demande obligerait plutôt la Commission à ajouter des termes supplémentaires à l’article en litige, ce qui constituerait une modification à la convention. Un tel résultat est strictement interdit par la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »). Le grief est donc rejeté.

II. Contexte

[5] L’employeur a fourni les renseignements généraux suivants, avec des sources citées en bas de page, y compris les déclarations faites par un témoin, Steve Buckles, directeur des Opérations aériennes, Direction générale des services des aéronefs (DGSA), TC. Toute partie de ces renseignements qui a été contestée et qui a une valeur probante pour l’issue de la présente affaire sera notée. Les parties se sont vu offrir la possibilité pour la Commission de convoquer un contre-interrogatoire oral des témoins cités dans les exposés des faits des arguments écrits, mais elles ont refusé cette offre.

[6] La DGSA est un transporteur aérien autorisé en vertu du Règlement de l’aviation canadien (DORS/96-433; « RAC ») et est habilité à exploiter des aéronefs à partir de différents endroits au Canada.

[7] En tant que transporteur aérien autorisé, la DGSA est tenue d’avoir un Manuel des opérations contenant des directives, des renseignements et des instructions opérationnelles à l’intention des pilotes, ainsi que des procédures d’urgence et des programmes de formation et de vérification détaillés pour chaque type d’aéronef. Le manuel est examiné et approuvé par l’autorité réglementaire de la Direction générale de l’aviation civile de TC.

[8] De temps à autre, des modifications au Manuel des opérations sont nécessaires pour tenir compte des opérations et des programmes de formation changeants ou nouveaux. Ces modifications sont soumises à la Direction de l’aviation civile pour approbation avant d’être mises en œuvre, et la DGSA est chargée de veiller à ce que les instructions, les procédures et les processus du manuel soient suivis.

[9] Les modifications apportées au Manuel des opérations approuvé sont motivées par des facteurs tels que l’évolution des règlements, des normes et des lignes directrices, les nouveaux équipements ou les modifications apportées aux programmes de formation et de vérification. Les petites modifications ou les renseignements d’une importance critique qui seront intégrés dans le Manuel des opérations sont initialement diffusés par le biais d’un bulletin d’opérations.

[10] Lorsque cela est approprié, ils seront intégrés au Manuel des opérations dans le cadre d’un processus de modification plus vaste. Cela permet de communiquer aux pilotes des renseignements importants ou des modifications de procédures en temps opportun. Un bulletin a la même autorité que le Manuel.

[11] Une modification apportée au Guide de test en vol – TP 14727 applicable en 2017 a introduit des normes de vérification révisées pour les normes de CDB et de CES. Essentiellement, la modification permettait à un candidat évalué comme CES de commettre des erreurs mineures supplémentaires lors de ce qu’on appelle un « vol de vérification compétence » par rapport à un candidat évalué à titre de CDB.

[12] Les désignations de CDB et de CES déterminent le pouvoir décisionnel final lors des opérations aériennes. Les termes « pilote » et « copilote » sont interchangeables avec CDB et CES. Ils travaillent ensemble pour assurer le bon fonctionnement de l’aéronef; cependant, le pilote ou le CDB a l’autorité finale quant au déroulement du vol. Avant 2017, il n’y avait aucune disposition pour vérifier les normes spécifiques aux désignations de CDB et de CES.

[13] Étant donné le type d’opérations menées par la DGSA, il a été décidé qu’il était approprié d’incorporer la modification dans son programme de vérification. Une modification au Manuel des opérations a été soumise à la Direction de l’aviation civile, qui a été approuvée, et un bulletin d’opérations informant les pilotes de cette modification a ensuite été publié.

[14] Les CAI doivent maintenir leurs qualifications de pilote dans le cadre de leur certification professionnelle. Cela signifie qu’ils doivent détenir une licence de pilote de ligne, une qualification de vol aux instruments valide et un certificat médical de pilote. Le Programme de maintien de la compétence professionnelle en aviation (PMCPA) a été incorporé par renvoi dans la convention collective de 2007 en tant que politique guidant la manière dont cela est accompli.

[15] Les CAI sont affectés à un programme par le PMCPA. Le PMCPA prévoit plusieurs programmes auxquels un CAI peut être affecté, à savoir les avions légers dans les clubs de vol, la formation en simulateur et en salle de classe dispensée par un fournisseur commercial, les opérations des grandes compagnies aériennes commerciales et les programmes offerts par la DGSA.

[16] Ces programmes comprennent une formation annuelle en classe, une formation sur simulateur et, dans certains cas, une formation en vol. Au besoin, un vol de vérification compétence, ou CCP, est effectué par un pilote de vérification qualifié pour évaluer les candidats selon les normes réglementaires établies.

[17] Les programmes proposés par la DGSA sont spécifiques aux deux types d’avions et aux deux types d’hélicoptères de la flotte. La formation vise à qualifier un CAI pour opérer en toute sécurité des aéronefs de la DGSA. Parce que les CAI volent très peu d’heures annuellement, la formation fournie par la DGSA sur les aéronefs de TC est bien supérieure à celle qui serait fournie aux pilotes d’aéronefs similaires dans le cadre d’opérations commerciales.

[18] Comme les bases de la DGSA ne sont souvent pas situées au même endroit que les bureaux de l’Aviation civile de TC, un certain nombre de CAI sont affectés à des programmes alternatifs avec des fournisseurs locaux. D’autres se rendent à Ottawa, en Ontario, pour suivre un programme fourni par la DGSA.

[19] La qualification de CDB ou de CES pour ceux qui ne suivent pas un programme fourni par la DGSA est basée sur leur affectation telle que décrite dans le PMCPA et n’est pas influencée par la politique de la DGSA ou le Manuel des opérations. Tous les pilotes affectés à un programme fourni par la DGSA suivent le même programme de formation en classe. Il n’existe aucune distinction dans la formation entre les CDB ou les CES.

[20] Aux fins des services fournis à la Direction de l’aviation civile, la DGSA exploite deux types d’avions, soit le Citation C550 et le King Air C90A, ainsi que deux types d’hélicoptères. Les avions sont toujours pilotés par deux pilotes. Les hélicoptères sont pilotés par un seul pilote, qui doit obtenir une qualification de CDB.

A. Le grief

[21] Le grief indique que le 16 août 2018, l’Association a été informée par un courriel de la part d’un membre que l’employeur, soit la DGSA, avait obtenu l’autorisation de l’organisme de réglementation de modifier son Manuel des opérations afin de permettre la réalisation des CCP à une norme inférieure, soit la norme de CES ou de copilote. Le courriel indiquait également que plusieurs membres avaient récemment été soumis à un CCP effectué selon cette norme inférieure.

[22] Une copie du document mettant en œuvre la modification, datée du 24 juillet 2018, était jointe au courriel. Auparavant, le Manuel des opérations de la DGSA ne prévoyait que la réalisation d’un CCP selon les normes supérieures de CDB ou de pilote.

[23] L’APFC n’a pas participé aux consultations avec l’employeur sur cette question. Plus récemment, l’APFC a été informée que la majorité de ses membres qui sont affectés à un PMCPA mené par la DGSA ne se voient désormais proposer qu’un contrôle de compétence de CES, alors que les pratiques et les dispositions avant le 24 juillet 2018 prévoyaient un contrôle de compétence de CDB (pilote) annuel.

[24] L’article 47 de la convention collective appuie les normes minimales de qualification du Conseil du Trésor applicables aux membres de l’APFC et prévoit qu’un PMCPA sera offert à tous les employés conformément à un programme établi entre l’Association et l’employeur.

[25] La clause 47.04 de la convention collective exige que l’employeur affecte chaque employé à un PMCPA, conformément aux critères et aux procédures établis entre lui et l’Association. La clause 47.05 établit que toute modification au programme doit être effectuée d’un accord mutuel entre les parties.

[26] L’employeur a donné un avis de négociation de la convention collective le 25 septembre 2014. L’APFC est en négociation avec l’employeur depuis cette période, et ils n’ont pas encore conclu une nouvelle convention collective.

[27] L’article 47 est ouvert à la négociation et des propositions ont été déposées. Le PMCPA existant applicable aux employés de TC ne stipule pas de CCP à une norme inférieure, soit la norme de CES.

[28] L’APFC a fait valoir que la réalisation de contrôles de compétence pour les membres de l’APFC affectés à un PMCPA fourni par la DGSA, lorsque le contrôle est effectué selon la norme inférieure de CES (copilote), constitue une modification par rapport à la pratique en vigueur à la date à laquelle l’avis de négociation a été donné. De plus, cette modification a été mise en œuvre sans l’accord de l’APFC, ce que CFPS soutient être une violation de l’article 47 de la convention.

[29] Pour plus de clarté, la Commission fait remarquer que l’APFC n’a pas poursuivi la question d’une violation alléguée de la disposition relative au gel de la Loi dans la présente affaire, bien qu’elle ait été mentionnée dans les arguments écrits, mentionnés précédemment.

B. La convention collective

[30] Malgré les références de l’APFC à d’autres affaires dans ses arguments, le document de grief se concentre uniquement sur l’article 47 de la convention collective, qui se lit comme suit :

ARTICLE 47

ARTICLE 47

MAINTIEN DE LA COMPÉTENCE PROFESSIONNELLE EN AVIATION

PROFESSIONAL AVIATION CURRENCY

47.01 Les parties conviennent que le maintien de la compétence professionnelle en aviation est nécessaire pour permettre non seulement à l’Employeur de remplir son mandat, mais aussi aux employés d’exercer leurs fonctions.

47.01 The parties agree that the maintenance of Professional Aviation Currency is necessary for the Employer to fulfil its mandate and for employees to carry out their duties.

47.02 L’Employeur fournit à chaque CAI jugé médicalement apte l’occasion de maintenir sa compétence professionnelle en aviation en participant au programme de maintien de la compétence professionnelle du Ministère ou à un programme parallèle approuvé par celui-ci.

47.02 The Employer shall provide each medically fit Civil Aviation Inspector (CAI) with the opportunity to maintain his/her Professional Aviation Currency through the use of Departmental aircraft or an approved alternate professional currency program.

47.03 Les exigences minimales à satisfaire pour maintenir la compétence professionnelle en aviation sont la possession d’une licence de pilote de ligne et d’une qualification de vol aux instruments du groupe 1 ou du groupe 4/contrôle de la compétence du pilote, ou d’une licence de pilote d’hélicoptère commercial et d’une qualification de vol aux instruments du groupe 4/contrôle de la compétence du pilote.

47.03 Professional Aviation Currency is deemed to have been met as a minimum, by the possession and maintenance of the Airline Transport Pilot Licence (ATPL) and Group 1 or Group 4 Instrument Rating/Pilot Proficiency Check or a Commercial Helicopter Pilot Licence and Group 4 Instrument Rating/Pilot Proficiency Check.

47.04 L’Employeur affecte chaque employé, conformément aux critères et procédures établis par l’Employeur et le Syndicat, à un programme de maintien de la compétence professionnelle en aviation.

47.04 The Employer shall assign each employee in accordance with the criteria and procedures established between the Employer and the Union to a Professional Aviation Currency Program.

47.05 À l’exception du paragraphe 47.04 qui précède, la politique de Transports Canada sur le maintien de la compétence professionnelle des inspecteurs de l’aviation civile et la politique du BST sur l’actualisation des compétences professionnelles en aviation des CAI ne peuvent être modifiées que par consentement mutuel des parties.

47.05 With the exception of clause 47.04 above all changes to the Transport Canada Professional Aviation Currency Policy for Civil Aviation Inspectors and the TSB policy on CAI Professional Aviation Currency shall be accomplished by means of mutual agreement between the parties.

 

III. Les arguments de l’Association

[31] Alors que le grief allègue une omission de consultation et un défaut d’obtenir l’accord mutuel de l’Association pour la modification contestée au Manuel des opérations, le cas de l’Association repose sur une interprétation contestée de la clause 47.03 de la convention collective, qui fait référence au « maint[ien de] la compétence professionnelle en aviation », qui, selon l’Association, n’est pas définie dans la convention collective, mais est définie dans le RAC.

[32] L’Association s’appuie sur une déclaration de Justin Miller, responsable de l’équipe technique, Opérations aériennes, pour l’employeur, qui affirme que le RAC exige que le CCP soit effectué annuellement selon la norme de CDB et que, par conséquent, la norme de CES récemment introduite est en contravention du RAC et, par conséquent, de la convention collective.

[33] L’Association a reconnu l’essence du présent grief comme étant une question d’interprétation de la convention collective au moyen d’un argument implicite dans ses arguments écrits sur ce point, qui énoncent ce qui suit :

[Traduction]

[…]

28. Les normes de CCP ne sont pas directement mentionnées dans la convention collective, car avant le 24 juillet 2018, il n’existait qu’une seule norme – celle de CDB. Avant la récente modification qui fait l’objet du présent grief de principe, la seule qualification prévue dans le Manuel des opérations de la DGSA de TC était la formation selon la norme de CDB.

29. En d’autres termes, lorsque l’APFC a négocié les dispositions et les détails du programme de MCPA, la possibilité d’un CCP effectué selon la norme de CES n’existait pas. Tous les programmes de MCPA approuvés comprenaient la réalisation d’un CCP et d’une qualification de vol aux instruments selon la norme de CDB.

[…]

 

[34] Lorsqu’elle a abordé le fait que la norme de CES n’existait pas auparavant, l’APFC a déclaré qu’il n’est pas nécessaire de mentionner explicitement la norme de CCP dans le PMCPA pour l’incorporer dans la convention collective. Les arbitres ont statué que les modifications apportées à la méthodologie de mise en œuvre d’une disposition d’une convention collective constituent également une disposition de la convention collective et que, par conséquent, elles ne peuvent pas être modifiées sans le consentement mutuel.

[35] Dans Loomis Armored, Car Service Ltd. v. C.A.W., Local 4266A, 1996 CarswellNat 3008, le plaignant a refusé de se soumettre à un test par détecteur de mensonges, qui n’était pas explicitement mentionné dans la convention collective ou dans le [traduction] « Règlement des employés » (qui était incorporé dans ladite convention). Néanmoins, l’arbitre a conclu que même si le règlement ne faisait pas référence aux tests par détecteur de mensonges, il demandait aux employés de coopérer pour rendre compte des biens qui leur étaient confiés.

[36] Par conséquent, il y avait une attente et une reconnaissance que les employés se soumettraient au test. Les tests par détecteur de mensonges étaient une condition expresse, ou du moins implicite, de la convention collective. De même, bien que le PMCPA ne fasse pas expressément référence à la méthodologie utilisée pour mener les CCP, il fait référence à la nécessité de maintenir la compétence et la licence de pilote de ligne. Ces références incluent nécessairement l’attente et la reconnaissance que les employés se soumettront aux tests de CCP conformément aux exigences de la licence de pilote de ligne et que l’employeur assurera la formation nécessaire et l’administration du test approprié.

[37] De plus, le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) a déclaré que des modifications unilatérales aux politiques internes qui ont un impact sur les droits et avantages énoncés dans une convention collective dans le contexte d’une autre convention collective ne peuvent pas être apportées. Dans Ottawa Macdonald-Cartier International Airport Authority v. Ottawa Airport Professional Aviation Fire Fighters Association Local 3659 International Association of Fire Fighters, 2019 CanLII 91808 (CA LA) (« Ottawa MacDonald Cartier »), TC a introduit un nouveau modèle opérationnel par le biais de ses directives internes, ce qui a eu un impact significatif sur la façon dont les heures supplémentaires étaient assignées et a changé la catégorie des travailleurs de la catégorie 8 à la catégorie 7. La convention collective en question stipulait que si la catégorie de travailleurs changeait, alors les parties conviendraient de se consulter, afin d’apporter les modifications nécessaires à l’affectation des heures supplémentaires.

[38] Le CCRI a conclu que le modèle opérationnel de l’employeur contrevenait à la convention collective. Les modifications ont été apportées sans le consentement du syndicat. Bien que les modifications étaient conformes aux règlements internes de l’employeur, le syndicat disposait également d’une convention existante avec des droits protégés contre de telles modifications unilatérales.

[39] Bien que Ottawa MacDonald Cartier concernait un syndicat et un tribunal différents, les méthodes employées par TC restent les mêmes, soit une tentative de modifier les termes de la convention collective sans le consentement du syndicat, en l’occurrence l’Association. De la même manière que dans Ottawa MacDonald Cartier, l’APFC n’autorise pas les modifications que l’employeur tente d’apporter au PMCPA. Bien que l’employeur soit autorisé à apporter des modifications à ses directives internes, dans le présent cas, les modifications ont un impact direct sur les droits protégés par la convention. Ces modifications sont donc inappropriées.

[40] Le fait que l’employeur ne respecte pas sa propre qualification pour détenir une licence de pilote de ligne valide constitue également une violation de la convention collective. Dans Canada Post Corp. v. APOC (Uniforms), 2016 CarswellNat 4312, l’arbitre a jugé que lorsque les règles d’une entreprise sont incluses dans une convention collective conclue entre les parties, la direction n’a pas le droit de les modifier ou d’ignorer les violations. Le syndicat a soutenu que l’employeur n’avait pas fait respecter une disposition de la convention collective, à savoir le port de l’uniforme requis au travail.

[41] L’arbitre a fait une distinction entre les règles imposées unilatéralement par un employeur et les règles négociées entre les parties et incorporées dans la convention collective. Les éléments de preuve suivants indiquaient que la politique sur l’uniforme faisait partie de la convention collective :

1) elle a été spécifiquement négociée dans la convention collective;

2) la politique indiquait qu’elle était obligatoire.

 

[42] De même, l’APFC soutient que la convention exige que ses membres détiennent, au minimum, une licence de pilote de ligne. Cette exigence a été spécifiquement négociée dans la convention. La DGSA a indiqué qu’elle n’imposera pas de sanctions ou de mesures disciplinaires à ses membres qui ne respectent pas cette exigence en raison de modifications imposées par l’employeur au CCP. Cependant, comme l’indique Canada Post Corp., l’employeur n’a pas le pouvoir discrétionnaire d’ignorer une disposition de la convention en raison d’une politique interne. L’employeur ne possède aucune prérogative de choisir les éléments de la convention collective à appliquer.

[43] L’Association a également mentionné la jurisprudence et les différentes sources de recherche liées aux pratiques établies de longue date et aux conventions d’interprétation pour le langage ambigu et les éléments de preuve extrinsèques. Elle a également soutenu que l’employeur ne peut pas modifier unilatéralement les qualifications requises pour le poste. Elle a indiqué que ce qui relève effectivement de la compétence de l’employeur, c’est le fait de définir les qualifications que les CAI doivent remplir. L’Association a toujours soutenu que le fait de détenir et de maintenir une licence de pilote de ligne est une condition préalable à l’embauche des CAI. En conséquence, réussir le CCP en fonction de la norme CDB est une condition préalable à l’embauche.

A. Les arguments supplémentaires de l’Association sur le RAC

[44] Le RAC informe tous les pilotes – y compris les membres de l’APFC – sur la façon de maintenir une licence de pilote de ligne. Pour exercer les avantages d’une licence de pilote de ligne, le RAC exige que les pilotes se soumettent à un CCP. Un CCP est un test en vol qualifiant les compétences et les aptitudes d’un pilote professionnel en ce qui concerne les règles, les procédures et le pilotage d’un avion. Le RAC exige que le CCP soit effectué annuellement en fonction de la norme de CDB. Les pilotes doivent atteindre ce seuil pour conserver leur licence de pilote de ligne.

[45] En bref, le fait de ne pas effectuer un CCP en fonction de la norme de CDB équivaut à ne pas maintenir la licence de pilote de ligne. Par conséquent, toute modification apportée au seuil du CCP a une incidence directe sur la capacité d’un pilote à exercer les avantages de la licence de pilote de ligne, comme l’exige le PMCPA.

[46] Les « Normes de qualification » du Conseil du Trésor exigent que les CAI détiennent et maintiennent une licence de pilote de ligne canadienne valide avec une qualification de vol aux instruments du groupe 1. En d’autres termes, il faut à la fois être titulaire de la licence et la maintenir.

[47] L’obtention d’une licence de pilote au Canada est un processus par étapes. En commençant par une licence de pilote privé (LPP), les normes pour chaque niveau de pilotage sont décrites de manière détaillée dans la Norme 421 – Permis, licences et qualifications des membres d’équipage de conduite – RAC.

[48] La Norme 421 est intégrée au RAC par renvoi, aux termes de l’article 401.01, qui indique ce qui suit : « [T]oute mention des normes de délivrance des licences du personnel constitue un renvoi aux Normes de délivrance des licences et de formation du personnel relatives aux permis, licences et qualifications des membres d’équipage de conduite. »

[49] Étant donné que la Norme 421 est intégrée par renvoi dans le RAC, elle a la même force de loi que le RAC. (Voir Guido Lepore c. Canada (Ministre des Transports), 2019 TATCF 43, au par. 8).

[50] La licence de pilote professionnel est le premier niveau de pilotage qui permet d’exercer le métier de pilote. Elle donne le droit au titulaire d’agir en qualité de CDB d’un avion nécessitant un seul pilote, ou en qualité de copilote d’un avion à équipage multiple, dans le cadre de la fourniture d’un service aérien commercial. Certaines des exigences minimales pour obtenir la licence de pilote professionnel comprennent les éléments suivants (voir le RAC, section VII et la Norme 421.30) :

· 200 heures de temps de vol au total;

· 100 heures de vol en qualité de CDB;

· 65 heures de formation en vol supplémentaires au-delà du niveau de licence LPP;

· au moins 80 heures de formation théorique au sol;

· une note d’au moins 60 % à l’examen écrit en vue de la licence de pilote professionnel de TC;

· la réussite du test en vol pour la qualification de pilote professionnel.

 

[51] La licence de pilote de ligne est la plus haute qualification de pilote qu’une personne peut détenir. Elle donne au titulaire le droit d’agir en tant que CDB d’un avion à équipage multiple dans le cadre de la fourniture d’un service aérien commercial. En raison des exigences, il faut souvent des années d’expérience de vol commercial avant qu’un pilote puisse satisfaire aux exigences d’une licence de pilote de ligne. Certaines des exigences minimales pour obtenir la licence de pilote de ligne, comprennent les éléments suivants (voir le RAC, section VIII et la Norme 421.34) :

· 1 500 heures de temps de vol total;

· 250 heures de vol en qualité de CDB;

· une note d’au moins 70 % aux deux examens écrits en vue d’une licence de pilote de ligne (SAMRA et SARON);

· une qualification de vol aux instruments pour un avion multimoteur.

 

[52] Comme la licence de pilote de ligne donne au titulaire des avantages supplémentaires uniquement lorsqu’il est engagé dans un service aérien commercial, il est clair que l’intention d’exiger des CAI qu’ils détiennent et maintiennent une telle licence est qu’ils respectent les exigences régissant les services aériens commerciaux afin de pouvoir assurer une surveillance efficace des exploitants aériens commerciaux canadiens.

[53] Les parties IV et VII du RAC détaillent un certain nombre d’exigences de mise à jour que le pilote doit maintenir pour exercer les avantages de sa licence. Pour détenir et maintenir une licence de pilote de ligne canadienne valide, le RAC stipule clairement qu’un titulaire d’un permis, d’une licence ou d’une qualification de membre d’équipage de conduite (ce qui signifie, dans le présent cas, une licence de pilote de ligne) ne peut exercer les avantages de cette licence que si les conditions suivantes sont respectées :

[…]

401.05 (1) […] a) il a agi en qualité de commandant de bord ou de copilote d’un aéronef dans les cinq années qui précèdent le vol;

401.05 (1)(a) the holder has acted as pilot-in-command or co-pilot of an aircraft within the five years preceding the flight; or

b) dans les 12 mois qui précèdent le vol :

(b) within the 12 months preceding the flight

(i) il a terminé une révision en vol, conformément aux normes de délivrance des licences du personnel, dispensée par le titulaire d’une qualification d’instructeur de vol pour la même catégorie d’aéronef,

(i) the holder has completed a flight review, in accordance with the personnel licensing standards, conducted by the holder of a flight instructor rating for the same category of aircraft,

(ii) l’instructeur de vol qui a dispensé la révision en vol a attesté dans le carnet personnel du titulaire que ce dernier a les habiletés exigées pour que lui soit délivré un permis ou une licence précisé dans les normes de délivrance des licences du personnel,

(ii) the flight instructor who conducted the flight review has certified in the holder’s personal log that the holder meets the skill requirements for the issuance of the permit or licence set out in the personnel licensing standards, and

(iii) le titulaire a réussi l’examen applicable précisé dans les normes de délivrance des licences du personnel.

(iii) the holder has successfully completed the appropriate examination specified in the personnel licensing standards.

[…]

[Je mets en évidence]

 

 

[54] De plus, puisque la licence de pilote de ligne accorde des avantages au titulaire uniquement lorsqu’il est engagé dans un service aérien commercial, le titulaire doit avoir effectué les actions suivantes (voir le RAC, à l’art. 705.106) :

a) dans les 90 jours précédents,

(i) avoir effectué trois décollages et atterrissages en qualité de pilote aux commandes, et un secteur,

(ii) avoir effectué cinq secteurs, ou

(iii) avoir satisfait aux exigences relatives à la formation précisées dans les Normes de service aérien commercial,

b) avoir subi avec succès un CCP, dont la période de validité n’est pas expirée;

c) avoir subi avec succès une vérification de compétence de ligne ou un entraînement en ligne; et

d) avoir satisfait aux exigences du programme de formation de l’exploitant aérien.

 

[55] De même, l’article 401.03 du RAC déclare ce qui suit :

401.03 (1) […] il est interdit à toute personne d’agir en qualité de membre d’équipage de conduite ou d’exercer les avantages d’un permis, d’une licence ou d’une qualification de membre d’équipage de conduite à moins que les conditions suivantes ne soient respectées :

401.03 (1) … no person shall act as a flight crew member or exercise the privileges of a flight crew permit, licence or rating unless

a) la personne est titulaire du permis, de la licence ou de la qualification pertinents;

(a) the person holds the appropriate permit, licence or rating;

b) le permis, la licence ou la qualification est valide;

(b) the permit, licence or rating is valid;

c) la personne est titulaire du certificat médical pertinent;

(c) the person holds the appropriate medical certificate; and

d) la personne est en mesure de produire le permis, la licence ou la qualification et le certificat lorsqu’elle en exerce les avantages.

(d) the person can produce the permit, licence or rating, and the certificate, when exercising those privileges.

[…]

 

[56] Ces exigences sont réitérées dans le RAC aux articles 702.65, 703.88, 704.108, et 705.106. (Voir l’art. 401.03 du RAC.)

[57] Un « membre d’équipage de conduite » est défini dans le RAC à l’article 101.01 (article sur les définitions) en tant que membre d’équipage chargé d’agir à titre de pilote ou de mécanicien navigant à bord d’un aéronef pendant le temps de vol.

[58] En d’autres termes, une licence de pilote de ligne est maintenue et ses avantages sont exercés uniquement si le pilote satisfait aux exigences des parties IV et VII du RAC. Cela signifie que le titulaire a agi en qualité de CDB ou de copilote d’un avion réel au cours des cinq dernières années et qu’il a réussi un programme de formation d’opérateur aérien, y compris le CCP en fonction de la norme de CDB, pour atteindre le niveau requis pour l’obtention de la licence de pilote de ligne.

[59] Il ne fait aucun doute que le seuil de CES ou de copilote ne qualifie pas les membres de l’APFC pour l’obtention de leur licence de pilote de ligne. Le RAC exige que le CCP soit complété selon la norme de CDB pour que le titulaire puisse agir en tant que CDB.

[60] L’employeur allègue que l’APFC a ignoré la possibilité de maintenir sa licence de pilote de ligne en satisfaisant aux exigences de l’alinéa 401.05a) du RAC. Bien qu’il soit vrai qu’un CAI qui agit en tant que CDB ou copilote d’un aéronef dans les cinq années qui précèdent le vol répondrait aux exigences, la réalité est que, en raison des années de réductions des ressources et de la disponibilité de la formation requise pour les CAI, très peu de CAI maintiennent leurs licences de pilote de ligne en pilotant des aéronefs du ministère.

[61] On ne saurait trop insister sur l’importance et la pertinence du RAC pour le grief de principe de l’Association. Les exigences qui y sont énoncées sont étroitement liées à la décision de l’employeur de mener des CCP selon la norme inférieure de CES, contrairement à l’article 47 de la convention collective et au PMCPA.

[62] Comme cela a été démontré, le fait de ne pas effectuer un CCP selon la norme de CDB équivaut à ne pas maintenir la licence de pilote de ligne. Par conséquent, toute modification apportée au CCP a une incidence sur la capacité d’un pilote à exercer les avantages de la licence de pilote de ligne comme l’exige le PMCPA.

[63] L’Association demande que soit ordonné les réparations suivantes :

[Traduction]

[…]

a. Tous les membres de l’APFC qui ont été soumis à la norme inférieure de CES doivent être rappelés dès que possible afin de :

i. recevoir la formation nécessaire pour répondre à la norme de CDB;

ii. être tenu de réussir avec succès un CCP selon la norme de CDB.

b. La DGSA doit être tenue d’émettre un nouveau Bulletin d’opérations sans délai, précisant que les nouvelles dispositions du titre de CES ne s’appliquent pas aux pilotes soumis à un PMCPA mené par la DGSA.

c. TC distribue le nouveau Bulletin d’opérations (clarifiant l’applicabilité des nouvelles dispositions du titre de CES) à tous les gestionnaires de l’aviation civile et aux membres de l’APFC.

d. Tous les membres de l’APFC doivent être soumis à un CCP mené par la DGSA dans le cadre de leur PMCPA, être formés et qualifiés selon la norme de CDB; jusqu’à ce que TC et l’APFC conviennent d’une autre norme.

 

IV. Arguments de l’employeur

[64] L’employeur soutient que le présent grief, tel qu’il a été initialement soumis, porte uniquement sur la question de savoir s’il a enfreint la clause 47.05 de la convention collective, qui exige l’accord mutuel des parties pour apporter des modifications à la convention collective. Il soutient qu’aucune modification de ce genre n’a été apportée et que, par conséquent, le grief doit être rejeté.

[65] L’employeur soutient également que la Commission n’a pas compétence pour examiner les modifications apportées au Manuel des opérations. En tant que tribunal établi par la loi, la Commission doit trouver sa compétence dans la loi applicable et les dispositions de la convention collective. Il n’y a aucune compétence inhérente et en vertu de la loi; seules certaines questions peuvent faire l’objet d’un grief, et seuls certains griefs peuvent être renvoyés à la Commission aux fins d’arbitrage. Il n’y a aucune compétence autonome pour trancher les questions indépendantes d’une allégation spécifique de violation d’une convention collective. L’employeur mentionne le paragraphe 220(1) de la Loi pour étayer cet argument, qui se lit comme suit :

220 (1) Si l’employeur et l’agent négociateur sont liés par une convention collective ou une décision arbitrale, l’un peut présenter à l’autre un grief de principe portant sur l’interprétation ou l’application d’une disposition de la convention ou de la décision relativement à l’un ou l’autre ou à l’unité de négociation de façon générale.

220 (1) If the employer and a bargaining agent are bound by an arbitral award or have entered into a collective agreement, either of them may present a policy grievance to the other in respect of the interpretation or application of the collective agreement or arbitral award as it relates to either of them or to the bargaining unit generally.

 

[66] L’employeur soutient également qu’il n’est fait aucune mention du Manuel des opérations dans la clause 47.05 de la convention collective. Il n’y a pas non plus une exigence dans la convention collective selon laquelle elle ne peut être modifiée que d’un commun accord. L’APFC était au courant du Manuel des opérations lorsqu’elle a conclu la convention collective. Les parties à une convention collective sont réputées vouloir dire ce qu’elles ont dit. Si les parties avaient voulu que la clause 47.05 exige un accord mutuel quant aux modifications à apporter au Manuel des opérations, elles l’auraient précisé dans la convention collective.

[67] En plus de l’absence de toute référence dans la convention collective à la nécessité d’un accord mutuel pour apporter des modifications au Manuel des opérations, la clause 9.01 reconnaît que l’employeur conserve « […] tous les droits, fonctions, attributions et pouvoirs qui ne sont pas explicitement restreints, délégués, ou modifiés […] » par la convention. Si l’APFC souhaite avoir le contrôle sur les modifications apportées au Manuel des opérations, c’est une question qui relève de la table de négociation et non d’un grief de principe.

[68] L’employeur a soutenu que, contrairement aux arguments écrits de l’APFC, aucune modification n’a été apportée au PMCPA; la convention collective ne requiert pas non plus que tout effet résultant sur le PMCPA ou le programme soit fait d’un commun accord. L’APFC demande à la Commission d’insérer dans la convention collective un libellé qui n’est pas présent et qui ne découle pas du sens ordinaire des mots choisis par les parties.

[69] L’APFC soutient que l’introduction de la norme de CES a créé une ambiguïté quant à la question de la compétence, ce qui a ainsi ouvert la porte à l’APFC pour faire valoir des éléments de preuve extrinsèques des intentions des parties. Il convient de noter que l’APFC ne soulève pas cette prétendue ambiguïté dans son grief de principe, qui allègue seulement que l’introduction de la norme de CES a été mise en œuvre sans l’accord de l’APFC, en violation de l’article 47 de la convention collective. De plus, il n’y a aucune ambiguïté dans la formulation de la convention, et la question de définir la « compétence » n’est pas pertinente pour déterminer si l’employeur a enfreint la clause 47.05 lorsqu’il a modifié le Manuel des opérations.

A. L’argument supplémentaire de l’employeur relatif au RAC

[70] La Commission a invité les parties à présenter des arguments sur la question de savoir si le RAC exige qu’un CCP soit complété annuellement et selon la norme de CDB. Ce n’est pas le cas.

[71] De plus, il convient de rappeler que le fondement du présent grief est que l’APFC allègue que l’employeur a enfreint la clause 47.05 de la convention collective, qui s’applique à tous les employés de l’unité de négociation du groupe Navigation aérienne. Le fait que le RAC exige ou non qu’un CCP soit complété annuellement selon la norme de CDB n’est pas déterminant pour l’allégation de l’APFC selon laquelle l’employeur a modifié unilatéralement le PMCPA pour les CAI.

[72] L’employeur est d’accord avec l’affirmation de l’APFC selon laquelle l’obtention d’une licence de pilote au Canada est un processus par étapes, ainsi qu’avec la séquence établie aux alinéas 5 à 7 des arguments supplémentaires de l’APFC, qui aboutit à l’obtention de la licence de pilote de ligne.

[73] Les positions des parties divergent lorsque l’APFC soutient que le RAC exige que le CCP soit effectué annuellement selon la norme de CDB pour qu’un titulaire de licence puisse maintenir sa licence de pilote de ligne. Bien que les pilotes doivent accumuler de l’expérience en qualité de CDB pour être admissibles à une licence de pilote de ligne, il n’est pas obligatoire, selon le RAC, de réussir un CCP selon la norme de CDB dans le cadre de la demande de licence ou annuellement pour maintenir leur licence de pilote de ligne.

[74] L’article 401.05 du RAC établit les exigences de mise à jour applicables aux titulaires « d’un permis, d’une licence ou d’une qualification de membre d’équipage de conduite », comme suit :

401.05 (1) Malgré toute disposition contraire de la présente sous-partie, il est interdit au titulaire d’un permis, d’une licence ou d’une qualification de membre d’équipage de conduite, autre qu’un titulaire de licence de mécanicien navigant, d’exercer les avantages du permis, de la licence ou de la qualification à moins qu’il ne satisfasse à l’une ou l’autre des conditions suivantes :

401.05 (1) Despite any other provision of this Subpart, no holder of a flight crew permit, licence or rating, other than the holder of a flight engineer licence, shall exercise the privileges of the permit, licence or rating unless

a) il a agi en qualité de commandant de bord ou de copilote d’un aéronef dans les cinq années qui précèdent le vol;

(a) the holder has acted as pilot-in-command or co-pilot of an aircraft within the five years preceding the flight; or

b) dans les 12 mois qui précèdent le vol :

(b) within the 12 months preceding the flight

(i) il a terminé une révision en vol, conformément aux normes de délivrance des licences du personnel, dispensée par le titulaire d’une qualification d’instructeur de vol pour la même catégorie d’aéronef,

(i) the holder has completed a flight review, in accordance with the personnel licensing standards, conducted by the holder of a flight instructor rating for the same category of aircraft,

(ii) l’instructeur de vol qui a dispensé la révision en vol a attesté dans le carnet personnel du titulaire que ce dernier a les habiletés exigées pour que lui soit délivré un permis ou une licence précisé dans les normes de délivrance des licences du personnel,

(ii) the flight instructor who conducted the flight review has certified in the holder’s personal log that the holder meets the skill requirements for the issuance of the permit or licence set out in the personnel licensing standards, and

(iii) le titulaire a réussi l’examen applicable précisé dans les normes de délivrance des licences du personnel.

(iii) the holder has successfully completed the appropriate examination specified in the personnel licensing standards.

[…]

 

[75] L’alinéa 401.05(1)a) du RAC envisage la possibilité de satisfaire aux exigences de mise à jour d’une licence de pilote de ligne en agissant en tant que copilote (ou CES) d’un aéronef au cours des cinq dernières années. Cet alinéa réfute l’affirmation de l’APFC selon laquelle le RAC exige des titulaires de licence qu’ils effectuent chaque année un CCP selon la norme CDB pour conserver une licence de pilote de ligne.

[76] L’employeur a fait remarquer qu’au paragraphe 15 de ses arguments complémentaires, l’APFC reconnaît que les CAI qui agissent en tant que CDB ou copilote d’un aéronef au cours des cinq dernières années satisfont aux exigences d’une licence de pilote de ligne sans avoir à effectuer un CCP selon la norme de CDB.

[77] Même si la Commission disposait de preuves suffisantes pour lui permettre de ne pas tenir compte de l’alinéa 401.05(1)a) du RAC, une exemption a été accordée aux titulaires d’un permis ou d’une licence de pilote canadien qui n’ont pas exercé les fonctions de CDB ou de copilote d’un aéronef au cours des cinq années précédentes. Elle permet aux titulaires de suivre un programme de formation au pilotage « […] approuvé conformément à la sous-partie pertinente de la partie VII du RAC, dans un simulateur de vol de niveau C ou D approuvé en vertu de l’article 606.03 du RAC ». (Voir – RCN-047-2021 : Exemption de l’alinéa 401.05(1)a) du RAC.)

[78] Les programmes de formation des pilotes visés par cette exemption n’exigent pas que les titulaires de licence effectuent un CCP selon la norme CDB.

[79] L’APFC cite les articles 401.03 et 401.05 du RAC comme étant les seules références pour l’affirmation selon laquelle le CCP en fonction de la norme de CDB est nécessaire pour se qualifier pour la licence de pilote de ligne. Cependant, aucun de ces articles n’exige qu’un CCP soit effectué selon la norme CDB comme condition préalable au maintien d’une licence de pilote de ligne.

[80] L’article 401.05 du RAC traite des exigences de mise à jour, mais il envisage expressément que les pilotes titulaires d’un CPP en fonction de la norme de CES ou d’une désignation de copilote exercent les avantages de leur licence, comme suit :

Mise à jour des connaissances

Recency Requirements

401.05 (1) Malgré toute disposition contraire de la présente sous-partie, il est interdit au titulaire d’un permis, d’une licence ou d’une qualification de membre d’équipage de conduite, autre qu’un titulaire de licence de mécanicien navigant, d’exercer les avantages du permis, de la licence ou de la qualification à moins qu’il ne satisfasse à l’une ou l’autre des conditions suivantes :

401.05 (1) Despite any other provision of this Subpart, no holder of a flight crew permit, licence or rating, other than the holder of a flight engineer licence, shall exercise the privileges of the permit, licence or rating unless

a) il a agi en qualité de commandant de bord ou de copilote d’un aéronef dans les cinq années qui précèdent le vol […]

(a) the holder has acted as pilot-in-command or co-pilot of an aircraft within the five years preceding the flight ….

[Je mets en évidence]

 

 

[81] L’APFC continue de faire des déclarations sans équivoque, comme celle qui figure au paragraphe 14 de ses arguments complémentaires, selon laquelle il est [traduction] « […] incontestable que le seuil de commandant en second (CES ou copilote) ne qualifie pas les membres de l’APFC pour leur licence de pilote de ligne. » Pourtant, elle n’a toujours pas indiqué dans quelle partie du RAC il est exigé que le titulaire d’une licence de pilote de ligne effectue annuellement un CCP selon la norme de CDB.

[82] L’APFC cite l’alinéa 401.05(1)b) du RAC et souligne le fait que, dans les 12 mois qui précèdent le vol, le titulaire d’une licence a « […] terminé une révision en vol, conformément aux normes de délivrance des licences du personnel […] » et que « […] ce dernier a les habiletés exigées pour que lui soit délivré un permis ou une licence précisé dans les normes de délivrance des licences du personnel […] ». Cependant, l’APFC ne fait pas référence à des normes de délivrance des licences du personnel qui exigent que le titulaire d’une licence de pilote de ligne effectue un CCP selon la norme de CDB.

[83] Enfin, l’APFC cite les articles 401.03, 702.65, 703.88, 704.108 et 705.106 du RAC pour justifier le fait que les titulaires de licence doivent détenir et maintenir leurs licences pour en exercer les avantages. Rien dans ces articles ne soutient l’idée qu’un titulaire d’une licence de pilote de ligne doit effectuer un CCP annuellement selon la norme de CDB.

V. Motifs

[84] Je me tourne d’abord vers la violation alléguée de l’article 47.03. L’exigence d’évaluer la compétence des pilotes selon la norme de CDB n’est pas prévue dans la convention collective. Contrairement aux arguments de l’Association, cela n’est pas non plus mentionné dans le RAC. Malgré les arguments bien préparés de l’avocat, il n’est pas nécessaire de recourir aux écoles d’interprétation des contrats pour traiter de l’ambiguïté, car il n’existe pas d’ambiguïté.

[85] Un niveau de compétence de CDB n’est pas requis pour maintenir la licence de pilote de ligne, et le rôle de la Commission n’est pas de créer une telle norme dans la convention collective. Cela est interdit par l’article 229 de la Loi.

[86] Ma conclusion sur ce point est étayée par une lecture claire et évidente de l’alinéa 401.05(1)a) du RAC, qui stipule que le titulaire d’une licence de pilote de ligne est tenu d’agir en qualité de commandant de bord ou de copilote d’un aéronef dans les cinq années qui précèdent le vol. L’employeur a attiré l’attention sur cette concession faite dans les arguments de l’APFC.

[87] Je conclus également que les éléments de preuve dont je dispose ne permettent pas de conclure à une violation de l’article 47.05, qui exige (à l’exception de l’article 47.04) que tout changement à la politique de Transports Canada sur le maintien de la compétence professionnelle des inspecteurs de l’aviation civile et à la politique du BST sur l’actualisation des compétences professionnelles en aviation des CAI ne peuvent être modifiées que par consentement mutuel des parties.

[88] Tel que soumis par l’employeur, le texte en question dans la présente affaire est contenu dans le Manuel des opérations. Je suis d’avis que le Manuel des opérations n’a pas été intégré, dans son intégralité, dans la convention collective. Je note, à ce sujet, que la convention collective fait référence au Manuel des opérations à l’article 18 (heures de travail), démontrant ainsi, comme le soutient l’employeur, que si les parties avaient également voulu l’incorporer à la clause 47.05, elles l’auraient mentionné dans le texte de cet article de la convention.

[89] Pour ces motifs, je conclus que l’Association n’a pas établi de preuve claire et convaincante qui me permettrait de conclure qu’il y a eu, selon la prépondérance des probabilités, une violation de la convention collective. Par conséquent, le grief est rejeté.

[90] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI. Ordonnance

[91] Le grief est rejeté.

Le 14 novembre 2024.

Traduction de la CRTESPF

Bryan R. Gray,

une formation de la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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