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Date: 20240927

Dossier: 771-02-43184

 

Référence: 2024 CRTESPF 133

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur l’emploi dans la

fonction publique

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

entre

 

Jin Gur Chung

plaignant

 

et

 

Administrateur général

(ministère de la Défense nationale)

 

intimé

et

AUTRES PARTIES

Répertorié

Chung c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale)

Affaire concernant une plainte d’abus de pouvoir aux termes des alinéas 77(1)a) et b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique

Devant : David Orfald, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant : Louis Bisson, représentant

Pour l’intimé : Geneviève Brunet-Baldwin, avocate

Pour la Commission de la fonction publique : Maude Bissonnette Trudeau, analyste principale

Affaire entendue par vidéoconférence

les 20 et 21 février 2024.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Plainte devant la Commission

[1] Le 4 juillet 2021, Jin Gur Chung (le « plaignant ») a présenté une plainte à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») en vertu des alinéas 77(1)a) et b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; LEFP).

[2] Il a allégué que l’intimé, l’administrateur général du ministère de la Défense nationale (MDN), a abusé de son pouvoir lorsqu’il a nommé Johanne Gervais (la « personne nommée ») au poste d’officier de dotation, classifié au groupe et au niveau AS03. Le plaignant a allégué qu’il y a eu abus de pouvoir dans l’application du mérite (en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la LEFP) et dans le choix d’un processus non annoncé pour faire la nomination (en vertu de l’alinéa 77(1)b)). Le numéro du processus de nomination était 21-DND-INA-CORPSEC-475798. Une notification de candidature retenue (NCR) a été publiée le 15 juin 2021. L’avis de nomination ou de proposition de nomination (ANPN) a été publié le 23 juin 2021.

[3] Le plaignant a formulé les allégations suivantes dans sa plainte :

· qu’un processus non annoncé a été choisi, en violation des valeurs de dotation comme l’accès, la transparence et la représentativité;

· que les qualifications essentielles ont été adaptées pour favoriser la personne nommée et pour exclure d’autres personnes et n’étaient pas liées au travail à accomplir;

· que la personne nommée ne satisfaisait pas aux qualifications essentielles du poste;

· que l’intimé a fait preuve de discrimination fondée sur la race, l’origine nationale ou ethnique, ou la couleur en excluant délibérément du processus les employés racialisés;

· qu’il y avait une perception de partialité dans la prise de décision qui a mené au choix du processus et à l’application du mérite parce que le plaignant avait déjà déposé un grief.

 

[4] L’intimé a nié avoir abusé de son pouvoir dans le cadre du processus de nomination.

[5] La Commission de la fonction publique n’a pas assisté à l’audience et a présenté des arguments écrits portant sur les politiques et les lignes directrices applicables. Elle n’a adopté aucune position quant au bien‐fondé de la plainte.

[6] Pour les motifs qui suivent, même si je conclus qu’il existait un certain nombre d’erreurs et d’omissions dans les documents de l’intimé concernant son choix de recourir à un processus non annoncé, je n’estime pas que le plaignant a établi que l’intimé a abusé de son pouvoir. Par conséquent, la plainte est rejetée.

II. Résumé de la preuve

[7] Le plaignant a témoigné en son propre nom et a invoqué 17 documents qui ont été déposés en preuve sur consentement. Au moment où la plainte a été présentée, il travaillait à titre d’officier d’administration au sein de l’unité des Services de gestion des affaires (SGA), poste classifié au groupe et au niveau AS-02.

[8] L’intimé a cité à témoigner Vidalia Botelho et a invoqué 15 documents qui ont été déposés en preuve sur consentement. Au moment où la plainte a été présentée, Mme Botelho était la directrice par intérim des Services ministériels stratégiques (DSMS). À titre de DSMS, elle a supervisé quelques unités, dont les SGA. Elle était la personne à qui les pouvoirs délégués de dotation avaient été conférés en vue de la nomination en question. Elle a commencé à occuper le poste de DSMS par intérim au début de 2021 et l’a quitté à la fin de 2021. Elle est retournée au poste pour une période indéterminée en août 2023 et l’occupait toujours à l’audience.

[9] L’unité des SGA est au sein de la Direction des services ministériels stratégiques qui fait partie du Secrétaire général du MDN, tous situés à Ottawa, en Ontario.

[10] Au moment où la plainte a été présentée, la Direction des services ministériels stratégiques était composée d’environ 40 employés. L’unité des SGA lui offrait des services financiers et administratifs. Entre autres, il s’agissait de saisir des données dans les rapports et de produire des rapports à partir du système de gestion de l’information du MDN, qui porte l’acronyme SIGRD. Les données et les rapports sur lesquels travaille l’unité des SGA étaient principalement liés aux ressources humaines. L’unité des SGA gérait également des fonctions administratives connexes; par exemple, tous les documents concernant les nouveaux employés ou les affectations. Le plaignant a témoigné qu’il était également le superviseur de la sécurité de la direction.

[11] Avant que la nomination en question ne soit faite, l’unité des SGA était gérée par Thuy-Vi Nguyen, qui occupait un poste classifié au groupe et au niveau AS-04. Elle a commencé à occuper ce poste en octobre 2020, mais elle a annoncé son départ en février 2021. Pendant son mandat de gestionnaire de l’unité des SGA (la « gestionnaire des SGA »), elle a été superviseure du plaignant et de l’un de ses collègues, qui occupait également un poste classifié au groupe et au niveau AS-02.

[12] Le plaignant a témoigné qu’au sein du SIGRD, il a préparé les rapports financiers et effectué des rapprochements. Le rôle du gestionnaire des SGA consistait à vérifier l’exactitude des rapports dans le système et à apporter des ajustements au système, au besoin.

[13] Au cours des deux années précédant la nomination, au moins quatre employés différents avaient été gestionnaires des SGA, dont aucun pendant plus de 15 mois. En 2019, le plaignant et son collègue ont obtenu des nominations intérimaires par rotation à titre de gestionnaire des SGA au groupe et au niveau AS-04, selon une rotation de deux semaines pendant quelques mois.

[14] Le plaignant a témoigné qu’au cours de la période de deux ans précédant la nomination, il a assumé des rôles supplémentaires en raison du niveau de roulement. Il a affirmé que le travail était parfois écrasant. Il avait l’impression d’occuper trois emplois. Il a témoigné qu’en septembre ou en octobre 2020, il a déposé un grief concernant la rémunération d’intérim, la charge de travail et la discipline. Il a dit qu’il avait été confronté à une situation hostile après avoir déposé le grief et qu’il se sentait aliéné. Il a témoigné avoir été accusé d’insubordination et menacé de licenciement.

[15] Le plaignant a témoigné qu’à l’automne 2020, le bureau du Secrétaire général a affiché une possibilité d’affectation pour participer à un programme de formation des gestionnaires des affaires. Le programme était limité aux employés qui occupaient des postes déjà classifiés aux groupes et niveaux AS-03 à AS-05. Il a présenté quand même une demande, mais elle a été rejetée parce qu’il n’était qu’un AS-02, même s’il était partiellement qualifié pour un bassin de candidats AS-03 à Affaires mondiales Canada.

[16] Le plaignant a témoigné qu’après que Mme Nguyen a annoncé son départ, il lui a fait part de son intérêt à agir à titre de gestionnaire des SGA. Il a dit qu’elle lui avait dit qu’elle devrait en discuter avec les Ressources humaines.

[17] Mme Botelho, la DSMS, a également témoigné de l’état de l’équipe de l’unité des SGA lorsqu’elle a commencé à la superviser au début de 2021. Elle a dit qu’elle avait appris qu’il y avait eu une instabilité et des mouvements de personnel importants. Elle a dit qu’elle savait que les employés avaient des préoccupations quant à la formation, les lignes directrices et la gestion.

[18] Mme Botelho a témoigné que lorsqu’elle a pris la relève, l’unité des SGA approchait la fin de l’exercice financier, ce qui constituait une période occupée pour elle. L’unité gérait un budget d’environ 3 millions de dollars par année, y compris les salaires, les opérations et l’entretien. Le travail de l’unité des SGA consistait à s’assurer que tous les documents concernant les nouveaux employés, les affectations et d’autres changements de dotation étaient en place, rapprochés et saisis dans les différents systèmes.

[19] Mme Botelho a témoigné qu’après que Mme Nguyen a annoncé son départ, elle en a informé le personnel des SGA, dont le plaignant. Elle a dit qu’elle avait communiqué avec les Ressources humaines pour demander des curriculum vitæ et des recommandations de candidats au niveau AS-04. Elle a dit qu’elle espérait doter rapidement le poste AS-04, compte tenu des besoins de l’unité et des exigences du travail.

[20] Elle a témoigné qu’elle avait appris que le bureau du Secrétaire général révisait sa structure et envisageait de centraliser certaines des fonctions de l’unité des SGA au sein du bureau du contrôleur, en raison de problèmes de recrutement et de maintien en poste. Elle a dit qu’on lui avait conseillé de ne pas doter le poste AS-04 pour une période indéterminée pour ces raisons. Par conséquent, elle est passée de la recherche d’un candidat AS-04 pour une période indéterminée à une personne prête à agir pour une période de six mois ou moins. Toutefois, les candidats qu’elle avait interviewés qui occupaient un poste au groupe et au niveau AS-04 ne s’intéressaient pas aux possibilités à court terme.

[21] Le 19 mars 2021, ou vers cette date, Mme Botelho a communiqué avec le directeur du Secrétariat de lutte contre le racisme du MDN, qui faisait également partie du bureau du Secrétaire général. Mme Botelho a témoigné que ce directeur recherchait également un gestionnaire des affaires et savait que Mme Botelho cherchait également une personne pour remplir ce rôle. Ce directeur a désigné la personne nommée comme une candidate possible que les deux unités pourraient partager. Ce directeur a dit que le secrétariat n’avait pas de [traduction] « cases permanentes » pour embaucher quelqu’un, mais selon ce qu’il comprenait, l’unité des SGA en avait en raison du poste AS-04 vacant. Ce directeur a proposé que les deux unités pourraient partager les coûts de la personne nommée, et que l’embauche offrirait une partie de l’allègement et de la stabilité recherchées par le groupe de contrôleurs.

[22] Mme Botelho a témoigné qu’elle avait appris que la personne nommée avait déjà été préqualifiée pour des postes au groupe et au niveau AS-03 dans le cadre d’un processus de bassin à Santé Canada. Le 31 mars 2021, la personne nommée a confirmé ces renseignements et son intérêt à relever de Mme Botelho.

[23] Le 16 avril 2021, Mme Botelho a rempli la « formulation de la décision de sélection » (FDS) requise en vertu de la politique de dotation pertinente du MDN lorsqu’une personne est envisagée pour une nomination non annoncée. La FDS faisait référence au poste [traduction] d’« officier d’état-major » et plus loin au poste [traduction] d’« officier de dotation », classifié au groupe et au niveau AS-03. Dans le document, elle a déclaré que la nomination était nécessaire pour fournir un soutien en matière de ressources humaines et de mesures financières pour [traduction] « [...] assurer des services de haute qualité continus et éviter les arriérés possibles dans l’embauche des candidats, attribuable en partie aux départs récents du personnel ». Mme Botelho a écrit que de nombreux autres candidats avaient également été interviewés, mais qu’aucun n’avait été jugé avoir la bonne expérience ou être le meilleur candidat. Le document faisait référence au bassin d’AS-03 de Santé Canada. La personne nommée a été déterminée être [traduction] « [...] la meilleure candidate en raison de son expérience ».

[24] À maintes reprises, la FDS a décrit la nomination proposée comme un processus [traduction] « externe non annoncé ». Dans son témoignage, Mme Botelho a décrit cela comme une coquille et a dit qu’il aurait dû se lire [traduction] « interne non annoncé ». À l’époque, la personne nommée envisagée travaillait ailleurs au MDN.

[25] Mme Botelho a également témoigné qu’elle avait préparé un énoncé des critères de mérite (ECM) pour le poste et une évaluation de la personne nommée par rapport aux qualifications essentielles qu’il contient. L’ECM, l’évaluation de la personne nommée, le curriculum vitæ de la personne nommée et deux vérifications des références ont tous été déposés en preuve. Un courriel du 12 avril 2021, au sujet du profil linguistique de la personne nommée, a également été déposé en preuve. La personne nommée avait le statut d’exemptée pour deux éléments de ce profil et un « C » pour le reste de l’exigence en matière de rédaction. La cote C avait expiré le 23 septembre 2020. Toutefois, Mme Botelho a demandé et obtenu l’approbation de procéder à l’embauche malgré la cote expirée.

[26] Parmi les nombreuses qualifications essentielles énumérées dans l’ECM figurait celle qui exigeait une expérience importante en matière de coordination et d’administration des différents types de budgets salariaux. Le terme « importante » s’entendait de [traduction] « [...] l’étendue, la profondeur et la complexité de l’expérience normalement associée à l’exercice à temps plein des fonctions pendant une période de 18 mois ». Le plaignant a témoigné qu’il n’avait pas satisfait à cette exigence puisqu’il n’avait que 12 mois d’expérience continue dans ce domaine. Mme Botelho a témoigné qu’elle avait décidé de fixer l’exigence relative à l’expérience à 18 mois parce qu’elle permettait de s’assurer que la personne nommée aurait une expérience dans l’ensemble complet des fonctions financières associées à la clôture d’un exercice complet.

[27] Le plaignant a témoigné qu’à un moment donné en mai 2021, il a appris que Mme Botelho avait l’intention d’embaucher une personne qui occupe un poste classifié au groupe et au niveau AS-03 au lieu de remplacer Mme Nguyen comme gestionnaire des SGA au groupe et au niveau AS-04. Il a demandé une réunion avec Mme Botelho afin d’exprimer ses préoccupations et de demander si son curriculum vitæ avait été retiré aux fins d’examen en vue d’une nomination à un poste AS-03. Lorsqu’il lui a envoyé un courriel pour lui demander une réunion, il lui a donné un [traduction] « avertissement » quant aux sujets dont il souhaitait discuter. Il a témoigné qu’il avait utilisé ce mot parce qu’il avait été désigné comme un fauteur de troubles.

[28] Mme Botelho a également témoigné au sujet des communications qu’elle a eues avec le plaignant en mai 2021 au sujet de la situation en matière de dotation. Elle a dit qu’elle lui avait confirmé que le directeur du Secrétariat de la lutte contre le racisme avait demandé aux Ressources humaines d’extraire les curriculum vitæ des candidats possibles. Mme Botelho a témoigné qu’elle avait tenté de tenir le plaignant aussi informé que possible, mais qu’elle ne pouvait pas divulguer de renseignements sur la nomination éventuelle d’un autre employé. Elle lui a rappelé qu’à titre d’agent de sécurité de la direction, il pourrait être au courant de renseignements sur la nomination éventuelle, et elle lui a rappelé de ne pas les utiliser à des fins personnelles.

[29] Tel qu’il a été indiqué, l’intimé a publié la NCR le 15 juin 2021 et l’APNP le 23 juin 2021. La NCR et l’APNP ont indiqué la personne nommée et ont décrit le poste à doter en tant qu’« officier de dotation » classifié au groupe et au niveau AS-03.

[30] Le plaignant a témoigné que la personne nommée avait commencé à occuper son poste le 7 juillet 2021.

[31] Le 19 juillet 2021, le plaignant a quitté l’unité des SGA pour occuper un poste intérimaire de trois mois à l’extérieur de la Direction des services ministériels stratégiques, mais toujours au sein du bureau du Secrétaire général. Il est retourné à l’unité des SGA à la mi-octobre 2021.

[32] Le plaignant a témoigné qu’une fois qu’elle a commencé à occuper le poste, la personne nommée n’a pas pu s’acquitter des fonctions relatives au SIGRD parce qu’elle n’y avait pas accès. Il a témoigné qu’en raison de cela, on lui a demandé d’effectuer un certain nombre de transactions dans le SIGRD alors qu’il occupait un poste intérimaire à l’extérieur des SGA. Le plaignant a témoigné que la personne nommée lui avait dit qu’elle n’avait pas d’expérience en tant que gestionnaire des ressources financières et qu’elle souhaitait être formée par lui et son collègue.

[33] En contre-interrogatoire, en faisant référence à lui-même et à son collègue, le plaignant a déclaré que [traduction] « nous savions » que la personne nommée ne pouvait pas avoir accès au système, mais il ne pouvait pas se souvenir que la personne nommée n’ait jamais mentionné verbalement ce fait.

[34] Dans l’évaluation des qualifications de la personne nommée par rapport à l’ECM, le document énumère 10 rôles que la personne nommée avait dans le SIGRD. L’évaluation indiquait également que la personne nommée avait [traduction] « les pouvoirs délégués en vertu des articles 32, 33 et 34 », c.-à-d. la délégation de pouvoirs financiers en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F11; la « LGFP »).

[35] Le plaignant a témoigné qu’il n’estimait pas que la personne nommée pouvait exécuter ces 10 rôles dans le SIGRD. Il a dit qu’il pouvait exécuter tous les rôles. Il a témoigné qu’il n’estimait pas que des pouvoirs financiers en vertu de la LGFP auraient été délégués à la personne nommée parce qu’ils ne sont normalement pas conférés aux employés qui occupent des postes classifiés au groupe et au niveau AS-02. Le plaignant a également témoigné qu’il avait ces pouvoirs parce qu’il avait suivi une formation.

[36] En ce qui a trait à l’accès de la personne nommée au SIGRD, Mme Botelho a témoigné que chaque direction a ses propres centres de coûts et que l’accès pour apporter des changements précis au SIGRD doit être accordé pour chaque centre de coûts. Mme Botelho a dit que la personne nommée arrivait d’une partie entièrement différente du MDN – l’acquisition de matériel – et qu’elle n’aurait pas pu obtenir les mêmes privilèges d’accès. Un renouvellement de la formation de la personne nommée aurait été nécessaire, ainsi qu’une orientation relative aux procédures opérationnelles normalisées dans la nouvelle direction. Mme Botelho a témoigné qu’elle savait qu’on avait demandé au plaignant d’aider pendant la période de transition, mais qu’il essayait également d’apprendre un nouveau poste ailleurs.

[37] Le plaignant est retourné à l’unité des SGA de son poste intérimaire à la mi‐octobre 2021.

[38] Le 25 octobre 2021, la personne nommée a commencé une période de congé de son poste. À la date de l’audience, elle était toujours en congé.

[39] Le plaignant a quitté le MDN en avril 2022. À la date de l’audience, il travaillait en tant qu’officier de projet dans un autre ministère, poste classifié au groupe et au niveau AS03.

[40] Une description de travail pour un [traduction] « officier d’état-major d’administration », poste classifié au groupe et au niveau AS-03 a également été déposée en preuve. Mme Botelho a témoigné qu’il s’agissait d’une description de travail normalisée et qu’elle l’utilisait dans ses mots comme une [traduction] « case de poste » aux fins de la nomination. Le plaignant a témoigné qu’il n’y avait aucun lien entre la description de travail et l’EMC pour le poste. Mme Botelho a témoigné qu’elle devait établir l’EMC en fonction des besoins de l’unité et du travail à exécuter, et non en fonction de la description de travail normalisée. Elle a dit que la personne nommée avait été informée que la description de travail n’indiquait pas fidèlement ses tâches et qu’il faudrait la modifier une fois qu’elle assumait le poste. Mme Botelho a témoigné qu’elle ne savait pas si la description de travail avait été modifiée, puisqu’elle avait cessé d’agir comme DSMS en août 2021.

[41] En ce qui concerne son allégation selon laquelle le poste était adapté à la personne nommée, le plaignant a témoigné que la personne nommée avait reçu la [traduction] « promesse » d’une nomination au groupe et au niveau AS-04. Mme Botelho a témoigné que la personne nommée avait été informée qu’une fois qu’elle connaissait le poste AS-03, il pourrait y avoir des possibilités au groupe et au niveau AS-04. Mme Botelho a dit que le même message avait été transmis aux AS-02 lorsqu’ils avaient agi à titre de gestionnaire des SGA.

[42] En ce qui concerne l’allégation de discrimination, le plaignant a témoigné qu’il est coréen. Il a témoigné qu’il estimait qu’il y avait discrimination parce qu’il était un candidat mieux qualifié que la personne nommée et parce qu’il avait pleinement accès au SIGRD et les certifications requises, alors que la personne nommée ne les avait pas. Il a témoigné qu’il n’avait aucune preuve directe que la race constituait un facteur dans le processus de nomination, mais que le fait de ne pas être nommé au poste et qu’une personne moins qualifiée y a été nommée l’a amené à conclure ainsi. Il a témoigné qu’il avait subi des microagressions lorsqu’il travaillait à l’unité des SGA et que le racisme était de nature systémique. Il a témoigné qu’il n’existe pas toujours une [traduction] « preuve irréfutable ».

[43] Mme Botelho a témoigné que la race ne constitue pas un élément du processus de dotation ou de ce processus. Elle a dit qu’elle avait dirigé des équipes pendant de nombreuses années, en fonction de la confiance et du respect, et qu’elle ne comprenait pas la raison pour laquelle le plaignant estimait que la race a constitué un facteur dans la décision de nomination.

[44] En ce qui concerne l’allégation de partialité, le plaignant a témoigné qu’il avait déposé un grief en septembre ou en octobre 2020 auprès du directeur qui avait précédé Mme Botelho. Le plaignant a dit qu’il avait été accusé d’insubordination. Il a dit que l’environnement de travail était toxique, qu’il n’était pas bien rémunéré, et que chaque tâche lui était confiée. Il a témoigné que l’environnement après avoir déposé le grief était hostile. Il a dit qu’un fonctionnaire des Ressources humaines avait des préjugés contre lui et qu’il estimait qu’elle avait des opinions racistes. Le plaignant a également témoigné qu’il n’estimait pas que les Ressources humaines auraient extrait son curriculum vitæ et l’aurait proposé comme candidat possible.

[45] Mme Botelho a témoigné que lorsqu’elle a commencé à agir comme DSMS au début de 2021, elle a appris que le plaignant se préoccupait de son avancement et qu’il estimait que son grief constituait un obstacle à l’avancement au sein de l’organisation. Elle a dit qu’elle avait appris qu’une lettre d’attentes avait été versée dans son dossier par un gestionnaire précédent. Mme Botelho a dit au plaignant qu’elle pourrait retirer la lettre d’attentes s’il était sur une bonne voie. Elle a témoigné que la lettre avait été retirée en juin ou en juillet 2021.

[46] En ce qui concerne le partage du poste entre l’unité des SGA et le Secrétariat de la lutte contre le racisme, Mme Botelho a témoigné que la division du travail prévue était selon un ratio de 60:40, même si elle ne se souvenait pas à qui était attribués le 60 % et le 40 %. Elle a également témoigné que le partage des coûts du poste devait durer au plus d’un à deux ans.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le plaignant

[47] Le plaignant a soutenu que la Commission devrait conclure que l’intimé a abusé de son pouvoir lorsqu’il a effectué cette nomination. Même si le paragraphe 2(4) de la LEFP énonce que l’abus de pouvoir s’entend notamment de « la mauvaise foi et le favoritisme personnel », la Commission n’est pas limitée par ces termes. Dans Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8, au par. 70, le prédécesseur de la Commission, soit le Tribunal de la dotation de la fonction publique (TDFP), a énuméré les cinq catégories d’abus, comme suit :

70 [...]

1. Lorsqu’un délégué exerce son pouvoir discrétionnaire dans une intention illégitime (incluant dans un but non autorisé, de mauvaise foi ou en tenant compte de considérations non pertinentes).

2. Lorsqu’un délégué se fonde sur des éléments insuffisants (incluant lorsqu’il ne dispose d’aucun élément de preuve ou qu’il ne tient pas compte d’éléments pertinents).

3. Lorsque le résultat est inéquitable (incluant lorsque des mesures déraisonnables, discriminatoires ou rétroactives ont été prises).

4. Lorsque le délégué commet une erreur de droit dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

5. Lorsqu’un délégué refuse d’exercer son pouvoir discrétionnaire en adoptant une politique qui entrave sa capacité d’examiner des cas individuels avec un esprit ouvert.

 

[48] Le plaignant a soutenu qu’il n’estimait pas que la personne à qui les pouvoirs délégués de dotation avaient été conférés, soit Mme Botelho, s’était réveillée un matin avec une mauvaise intention. Cependant, comme cela est indiqué dans Tibbs, une mauvaise intention n’est pas nécessaire. Un abus de pouvoir peut être relevé lorsque plusieurs aspects du processus de nomination ne sont pas logiques; voir Hunter c. Sous-ministre de l’Industrie, 2019 CRTESPF 83, aux paragraphes 80, 90 et 93. La Commission ne devrait pas simplement accepter l’explication de l’intimé pour ses actes; elle doit examiner les faits du point de vue du plaignant. Le plaignant a fait valoir qu’il faut que la Commission « évalue objectivement les faits survenus »; voir Bergey c. Canada (Procureur général), 2017 CAF 30, au par. 78.

[49] Le plaignant a soutenu qu’afin de conclure que l’intimé a abusé de son pouvoir, il n’est pas nécessaire que la Commission confirme chacune des allégations formulées. Il n’avait qu’à démontrer qu’une ou deux de ses allégations étaient fondées pour établir qu’un abus de pouvoir avait eu lieu.

[50] En ce qui concerne le choix d’un processus non annoncé, le plaignant a fait valoir que l’intimé a violé ses valeurs en matière de dotation. Le contenu du document FDS n’explique pas de manière adéquate la raison pour laquelle un processus non annoncé a été sélectionné. Comme dans Hunter, le contenu n’est pas logique. Le formulaire fait référence à la nomination en tant que processus externe non annoncé, mais il s’agissait d’un processus interne non annoncé. Rien n’explique la raison pour laquelle l’intimé a choisi de doter un poste vacant AS-04 au moyen d’une nomination au groupe et au niveau AS-03. Tout ce que l’intimé a fait, c’est de remplir les espaces du formulaire de la FDS. Le plaignant a soutenu que l’intimé n’a fourni aucune justification appropriée et exacte de sa décision de recourir à un processus non annoncé.

[51] Le plaignant a fait valoir que l’intimé n’avait pas non plus expliqué la raison pour laquelle la participation fructueuse de la personne nommée à un processus de bassin au groupe et au niveau AS-03 à Santé Canada était pertinente à sa décision. La référence dans la FDS au bassin de Santé Canada devrait aider la Commission à conclure que la nomination a été effectuée de mauvaise foi. Il a soutenu que les qualifications essentielles utilisées dans le processus de Santé Canada n’étaient pas les mêmes que celles établies par l’intimé pour cette nomination.

[52] Le plaignant a fait valoir que le partage prévu de la personne nommée entre les deux directions était dissimulé en secret. La FDS ne mentionne pas que la nomination était effectuée pour répondre aux besoins de deux directions différentes. Le plaignant a soutenu que l’identification de la personne nommée en tant que candidate possible a été effectuée à huis clos par les deux directeurs, ce qui ouvre la porte au favoritisme. Il a déclaré que le simple fait de déplacer un candidat envisagé pour un poste (sous le Secrétariat de la lutte contre le racisme) vers un autre est problématique.

[53] Le plaignant a fait remarquer que l’intimé a le droit, en vertu de la loi, de ne considérer qu’une seule personne, mais sa décision doit être logique. Dans le présent cas, il a soutenu que trop de justifications ont été tirées d’autres processus de sélection. La FDS ne fait qu’une vague référence à l’examen des candidats d’un autre inventaire. Si d’autres candidats avaient été pris en considération, ou si la nomination avait été effectuée à partir d’un bassin qui était pertinent pour le travail de l’unité, ce serait différent. Il a soutenu que les circonstances de cette nomination équivalent à un abus de pouvoir.

[54] En ce qui a trait à l’établissement des qualifications essentielles pour la nomination, le plaignant a soutenu qu’il y avait une inadéquation entre l’EMC et la description de travail pour le poste AS-03. L’intimé a admis que la description de travail n’était pas à jour. Il a quand même procédé à la nomination et a indiqué qu’il réglerait les documents par la suite. Même si l’intimé dispose d’un vaste pouvoir discrétionnaire pour établir les qualifications essentielles d’un poste, l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire doit être logique. Il a soutenu que lorsque cet exercice n’est pas logique, il y a abus de pouvoir.

[55] En ce qui concerne l’allégation selon laquelle la nomination a été effectuée sans fondement, le plaignant a soutenu que la personne nommée n’était pas en mesure d’exécuter plusieurs des fonctions requises pour le poste dans le SIGRD du MDN. Le plaignant a dit que la personne nommée lui avait dit qu’elle n’avait pas l’accès nécessaire pour exercer ces fonctions. Le plaignant a soutenu qu’il connaissait bien le logiciel, tandis que le témoin de l’intimé n’était pas un expert en la matière.

[56] Même s’il ne conteste pas les compétences linguistiques de la personne nommée, le plaignant a également fait remarquer que sa cote était expirée au moment de la nomination. Il a fait valoir que cela laisse entendre qu’une évaluation incorrecte a été effectuée.

[57] En ce qui concerne l’allégation de discrimination, le plaignant a soutenu qu’il laisserait à la Commission le soin de rendre une conclusion fondée sur les éléments de preuve fournis.

[58] En ce qui a trait à l’allégation de partialité, le plaignant a souligné le fait qu’il avait déposé un grief et qu’il avait l’impression d’être surveillé. Le TDFP a conclu qu’il y a abus de pouvoir en cas de partialité; voir Denny c. le sous-ministre de la Défense nationale, 2009 TDFP 29, aux paragraphes 121 à 141.

B. Pour l’intimé

[59] L’intimé a souligné plusieurs dispositions de la LEFP qui devraient être appliquées par la Commission pour conclure qu’il n’y a pas eu abus de pouvoir de la part de l’intimé lorsqu’il a effectué cette nomination.

[60] Il a fait valoir que le préambule de la LEFP énonce que le pouvoir de dotation devrait être délégué à l’échelon le plus bas possible dans la fonction publique et que le sous-alinéa 30(2)b)(ii) énonce qu’une nomination est fondée sur le mérite lorsque l’administrateur général prend en compte « [...] toute exigence opérationnelle actuelle ou future de l’administration [...] ». C’est ce que l’intimé a fait lorsqu’il a nommé la personne nommée à un poste qui devait être partagé par deux organisations différentes en même temps et lorsqu’il a procédé à une nomination pour une période indéterminée chargée de la gestion financière. L’intimé a également soutenu que la capacité de l’employeur de tenir compte des besoins futurs est également prévue au paragraphe 31(1).

[61] L’intimé a fait valoir que même s’il est inhabituel qu’un poste soit partagé entre deux directions, le travail effectué par la personne nommée pour l’unité des SGA était le même que celui qu’elle a effectué pour le Secrétariat de la lutte contre le racisme. Il s’agissait de travaux financiers et ces travaux étaient classifiés à bon droit au groupe et au niveau AS-03.

[62] Il a soutenu que, dans les circonstances auxquelles le MDN était confronté, il était raisonnable pour l’intimé de cesser de chercher quelqu’un pour doter le poste vacant AS-04 et d’effectuer plutôt une nomination au groupe et au niveau AS-03. Il y avait eu beaucoup de roulement au niveau AS-04, ce qui avait donné lieu à l’instabilité au sein de l’équipe. Mme Botelho a procédé à la nomination en s’attendant à ce qu’elle réponde aux besoins de l’unité et aux besoins à plus long terme de la direction et du bureau du Secrétaire général.

[63] En ce qui concerne l’allégation relative au choix du processus, l’intimé a soutenu que l’article 33 de la LEFP permet clairement à l’intimé de recourir à un processus annoncé ou à un processus non annoncé. Aucune préférence n’est indiquée quant au recours à un processus annoncé; voir De Souza c. Administrateur général (Gendarmerie royale du Canada), 2023 CRTESPF 114, aux paragraphes 62 à 65). Comme De Souza, dans le présent cas, Mme Botelho était confrontée à un poste vacant clé dans une petite équipe, ce qui l’a obligée à prendre rapidement des mesures. L’équipe avait besoin d’une personne capable d’effectuer le travail.

[64] L’intimé a soutenu que le choix du processus n’avait pas été effectué de mauvaise foi. Il a été effectué pour des raisons opérationnelles et relevait du pouvoir discrétionnaire autorisé en vertu de la loi; voir D’Almeida c. Gendarmerie royale du Canada, 2020 CRTESPF 23, aux paragraphes 55 à 58; Tremblay c. Administrateur général (ministère de l’Emploi et du Développement social), 2023 CRTESPF 92, aux paragraphes 35 à 39; Haller c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2022 CRTESPF 100, aux paragraphes 60, 63, 64, 66 à 70, 73 à 76, 79 et 81.

[65] Tout en reconnaissant que la FDS a indiqué par erreur la nomination comme étant une nomination externe non annoncée, l’intimé a soutenu que le document répondait par ailleurs aux exigences de sa politique, qui exige que le gestionnaire d’embauche fournisse une explication des facteurs, le nom du candidat ou de la candidate et de la façon dont il ou elle satisfait aux exigences essentielles. Il a soutenu que cela a été effectué.

[66] Il a fait valoir qu’il n’était pas tenu de traiter le poste vacant AS-04 au moyen d’une nomination au groupe et au niveau AS-04. Au départ, il s’agissait du plan, mais aucun candidat préqualifié n’avait été trouvé. La décision de procéder à une nomination à un niveau inférieur a été prise dans le contexte d’une réorganisation qui était en cours. Mme Botelho savait qu’il y existait une exigence à court terme au sein de l’unité des SGA et une exigence à plus long terme au sein du bureau du Secrétaire général pour une personne possédant les compétences de la personne nommée.

[67] L’intimé a soutenu que le fait de procéder à une nomination à un poste comportant une description de travail désuète ne constituait pas un abus de pouvoir. La LEFP n’exige pas une description de travail à jour. Il a dit que l’article 31 de la LEFP permet à l’intimé d’établir des normes de qualification, compte tenu de la nature du travail et des besoins actuels et futurs de l’organisation, et que c’est ce qu’il a fait.

[68] L’intimé a fait valoir qu’il n’a pas abusé de son pouvoir lorsqu’il n’a pas mentionné dans la FDS que la nomination serait partagée entre l’unité des SGA et le Secrétariat de la lutte contre le racisme. Il a affirmé que lorsqu’il effectue une nomination, il doit le faire à un numéro de poste particulier. Il s’agit du poste énuméré dans la NCR et l’ANPN. L’intimé a déclaré qu’il peut être inhabituel de partager un poste avec une autre direction, mais qu’il ne s’agit pas d’un abus de pouvoir en vertu de la LEFP. En outre, le partage des coûts était prévu pour une période d’un à deux ans; il ne s’agissait pas d’un arrangement permanent.

[69] Contrairement à ce qu’a fait valoir le plaignant, l’intimé a soutenu que le directeur du Secrétariat de la lutte contre le racisme n’avait pas commis d’abus de pouvoir lorsqu’il a communiqué à Mme Botelho le nom d’une candidate possible. Lorsqu’un employeur mène un processus non annoncé, c’est parce qu’il a en tête quelqu’un qui répond aux critères. Il s’agit de la raison de choisir un processus non annoncé. L’intimé doit s’assurer seulement que la nomination n’est pas effectuée de mauvaise foi et que la personne nommée satisfait aux exigences essentielles.

[70] La Commission ne devrait pas tenir compte du fait que la personne nommée est demeurée au poste pendant seulement quelques mois et n’a pas été remplacée après avoir pris un congé en octobre 2021. La Commission devrait se concentrer sur les faits en place au moment de la nomination. La décision de procéder à une nomination pour une période indéterminée a été prise parce que Mme Botelho savait qu’il était difficile d’embaucher des personnes en vertu d’un contrat à court terme. Lorsque la nomination a été effectuée, Mme Botelho estimait qu’elle soulagerait un groupe qui était déjà à ses limites.

[71] L’intimé a soutenu que, quelles que soient les erreurs qui auraient pu être commises dans le processus décisionnel de recourir à un processus non annoncé, elles ne correspondent pas à un manque important de transparence. Il a indiqué que la Commission et ses prédécesseurs ont rejeté des plaintes pour ce motif; voir Morris c. le commissaire du Service correctionnel du Canada, 2009 TDFP 9, au par. 100, et Jarvo c. le sous-ministre de la Défense nationale, 2011 TDFP 6, aux paragraphes 47 et 48).

[72] En ce qui concerne l’allégation selon laquelle l’EMC n’indiquait pas fidèlement les exigences du poste, l’intimé a soutenu que les qualifications essentielles avaient été déterminées par Mme Botelho après avoir consulté la gestionnaire de l’unité des SGA, Mme Nguyen, avant son départ. L’EMC indiquait les exigences du poste, qui étaient manifestement liées à l’expérience financière exigée par l’unité des SGA et le Secrétariat de la lutte contre le racisme.

[73] En ce qui concerne l’allégation selon laquelle la personne nommée ne satisfaisait pas aux qualifications essentielles du poste, l’intimé l’a niée. Une évaluation approfondie et complète de l’expérience de la personne nommée a été effectuée. Cette évaluation a été appuyée par le curriculum vitæ de la personne nommée et par deux vérifications de références différentes. Le plaignant a supposé que la personne nommée n’était pas qualifiée parce qu’on lui avait demandé d’effectuer certaines tâches dans le SIGRD alors qu’il était absent de l’unité. Mme Botelho a témoigné qu’il y a des retards dans l’approbation de l’accès à certaines fonctions; cela ne signifie pas que la personne nommée n’avait pas l’expérience énoncée dans les qualifications essentielles.

[74] L’intimé a soutenu que le plaignant n’était pas en mesure d’évaluer la personne nommée avant sa nomination; après la nomination, il n’a travaillé avec elle que pendant une courte période en juillet 2021, avant de commencer son poste intérimaire à l’extérieur de l’unité, et quelques semaines en octobre 2021, après son retour. L’intimé a fait valoir que le plaignant ne s’est pas acquitté de son fardeau d’établir que la personne nommée ne satisfaisait pas aux qualifications essentielles.

[75] Il a soutenu que l’intimé avait une raison valable de fixer le niveau d’expérience financière à 18 mois. Cette période a été choisie parce qu’elle tenait compte de la portée complète de gestion d’un exercice complet à partir de son ouverture jusqu’à sa fermeture complète. Le même niveau d’expérience était requis par Santé Canada dans le bassin à l’égard duquel la personne nommée s’était qualifiée.

[76] L’intimé a fait valoir que le plaignant n’a pas établi une preuve prima facie de discrimination; voir Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation), 2015 CSC 39, aux paragraphes 59 à 65 (« Bombardier »); Davidson c. Sous-ministre de la Santé, 2020 CRTESPF 56, aux paragraphes 32 à 36 (« Davidson 1 »); Abi‐Mansour c. Président de la Commission de la fonction publique, 2016 CRTEFP 53, aux paragraphes 74 à 78 et 82 à 84.

[77] Il a soutenu que le plaignant n’avait pas établi non plus que l’intimé avait fait preuve de partialité. Contrairement à la situation dans Denny, aucun élément de preuve n’indiquait un conflit continu dans cette situation. Mme Botelho a témoigné qu’elle voulait faire un nouveau départ avec le personnel de l’unité lorsqu’elle est devenue directrice et qu’elle a pris les mesures nécessaires pour retirer la lettre d’attentes versée au dossier du plaignant. Évidemment, le plaignant aurait pu être mécontent du fait qu’il n’a pas été nommé au poste AS-03, mais cela ne permet pas d’établir pas qu’il y a eu partialité au moment de la prise de décision.

IV. Motifs

[78] Il incombe au plaignant d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que l’intimé a abusé de son pouvoir; voir Tibbs, aux paragraphes 48 à 55, et Davidson c. Canada (Procureur général), 2021 CAF 226, au par. 27 (« Davidson 2 »).

[79] Le plaignant a formulé cinq allégations relativement à sa plainte selon lesquelles l’intimé a abusé de son pouvoir lorsqu’il a effectué cette nomination et je les traiterai selon l’ordre suivant.

A. Le plaignant a-t-il été victime de discrimination fondée sur sa race?

[80] Je conclus que le plaignant n’a pas étayé son allégation de discrimination. La jurisprudence citée par l’intimé étaye, dans son ensemble, l’exigence selon laquelle le plaignant doit d’abord établir une preuve prima facie de discrimination, comme suit : 1) il possède une caractéristique protégée contre la discrimination, 2) il a subi un effet préjudiciable en raison des actes de l’intimé, 3) la caractéristique protégée a constitué un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable; voir Bombardier, au par. 63, Davidson 1, au par. 34 (confirmé dans Davidson 2, aux paragraphes 54 et 55) et Abi­Mansour, au par. 78.

[81] Je suis convaincu que le plaignant a satisfait à la première de ces étapes, en ce qui concerne sa race, en s’identifiant comme un Coréen. Je suis moins convaincu qu’il a subi un effet préjudiciable, car il n’était pas un candidat dans le processus de nomination en question, il ne s’agit donc pas d’une situation dans laquelle la personne nommée a été choisie par rapport à lui. Toutefois, puisqu’il a témoigné qu’il avait exprimé un intérêt relatif au poste à Mme Nguyen et qu’il avait déjà travaillé au groupe et au niveau AS-04 au sein de l’unité des SGA, je reconnais qu’il a subi un effet préjudiciable lorsqu’il n’a pas été activement pris en compte pour le poste. Toutefois, aucun élément de preuve n’a été présenté pour démontrer qu’il existait un lien entre sa race et l’effet préjudiciable. Le plaignant a témoigné qu’il estimait qu’une agente des ressources humaines avait des préjugés contre lui et qu’elle était connue pour avoir des opinions racistes, mais qu’il n’avait fourni aucune preuve concrète de ces opinions. Il n’y a eu aucun témoignage portant sur des événements ou des conversations particuliers, et aucun document n’a été présenté qui laissait entendre que la race aurait pu constituer un facteur. Tout ce que j’ai entendu a été l’affirmation du plaignant selon laquelle il avait subi des microagressions et qu’il croyait avoir été victime d’un racisme systémique.

[82] Dans son argumentation, le plaignant a laissé à la Commission le soin d’examiner son allégation de discrimination en fonction des faits présentés. Il n’a pas débattu l’allégation en détail et il n’a pas cité non plus de jurisprudence à l’appui. Je conclus qu’il n’a pas établi une preuve prima facie de discrimination et, par conséquent, cette allégation n’a pas été étayée.

B. Existait-il une crainte raisonnable de partialité de la part de l’intimé contre le plaignant?

[83] Je conclus que le plaignant n’a pas étayé son allégation selon laquelle le gestionnaire d’embauche avait des préjugés contre lui. Le critère applicable dans le présent cas est la crainte raisonnable de partialité. Dans Denny, le TDFP a déclaré qu’« [i]l ne suffit pas de soupçonner ou de supposer qu’il y ait eu partialité : celle‐ci doit être réelle, probable ou raisonnablement évidente » (voir Denny, au par. 124). Il a également fait référence aux décisions de la Cour suprême dans Committee for Justice and Liberty c. L’Office national de l’énergie, [1978] 1 R.C.S. 369, à la p. 394, et Newfoundland Telephone Co. c. Terre-Neuve (Board of Commissioners of Public Utilities), [1992] 1 R.C.S. 623; [1992] A.C.S. No 21 (QL), au par. 22, pour formuler le critère suivant : « Si un observateur relativement bien renseigné peut raisonnablement percevoir de la partialité de la part d’un ou de plusieurs membres du comité d’évaluation, le devoir d’agir de manière juste n’a pas été observé »; (voir Denny, au par. 126).

[84] Il est clair que le plaignant avait déposé un grief et qu’il estimait que la direction le considérait comme un fauteur de troubles. Toutefois, il y avait un manque de détails à cet égard dans les éléments de preuve. De plus, la décideuse de cette nomination était Mme Botelho, qui est devenue la directrice chargée de l’unité du plaignant seulement quelques mois avant que cette nomination ne soit effectuée. Elle a témoigné de manière convaincante qu’elle avait cherché à créer une ardoise vierge et qu’elle avait pris les mesures nécessaires pour retirer une lettre d’attentes du dossier du plaignant.

[85] Le plaignant a cité Denny à l’appui de son allégation de partialité. Le plaignant dans Denny était un candidat non retenu dans un processus annoncé et devait passer un examen pratique devant un gestionnaire contre qui il avait déposé des griefs et déposé une plainte de harcèlement. Je ne trouve pas Denny du tout en parallèle avec la situation dans le présent cas. Le plaignant n’était même pas activement pris en compte aux fins de cette nomination. Il n’a fait l’objet d’aucun examen ni d’aucune évaluation. Lorsque Mme Botelho a discuté avec le plaignant au sujet du processus de nomination en mai 2021, elle avait déjà rempli la FDS et évalué la personne nommée par rapport à l’EMC aux fins du poste. Il n’y avait tout simplement aucun élément de preuve indiquant que la décision de Mme Botelho de nommer la personne nommée avait été motivée par des préjugés contre le plaignant. Par conséquent, le plaignant n’a pas établi l’existence d’une crainte raisonnable de partialité.

C. La personne nommée satisfaisait-elle aux qualifications essentielles du poste?

[86] Je conclus que le plaignant n’a pas établi que la personne nommée ne satisfaisait pas aux qualifications essentielles du poste. L’expérience de la personne nommée relativement à l’EMC pour le poste a été consignée de manière approfondie par l’intimé. Lorsqu’elle a assumé le poste, elle comptait plus de 19 ans d’expérience dans la fonction publique. Elle possédait une expérience vaste et récente dans chacune des exigences essentielles en matière d’expérience pour le poste dans une autre partie du MDN. Cette expérience a été indiquée dans le curriculum vitæ de la personne nommée et dans les références écrites qui ont été déposées en preuve. Son profil d’évaluation linguistique était peut-être désuet, mais selon son curriculum vitæ, il était ainsi parce que les examens n’étaient pas facilement disponibles pendant la pandémie de COVID-19. L’intimé était convaincu que la personne nommée était entièrement bilingue et une exception a été accordée.

[87] Le plaignant semble avoir supposé que la personne nommée n’était pas qualifiée pour le poste parce qu’il y avait certaines tâches ou fonctions qu’elle ne pouvait pas exécuter dans le SIGRD. Selon son témoignage, on lui avait demandé d’exécuter un certain nombre de ces tâches ou fonctions pendant qu’il occupait une nomination intérimaire ailleurs au bureau du Secrétaire général. Il a soutenu avoir su que la personne nommée n’était pas qualifiée pour le poste, mais il ne pouvait fournir aucun témoignage précis au sujet de conversations avec la personne nommée. En effet, il n’a travaillé avec la personne nommée que pendant environ une semaine au début de juin 2021 et moins de trois semaines en octobre 2021, puisqu’il était absent pendant trois mois en raison de sa nomination intérimaire.

[88] L’explication de l’intimé quant aux retards à fournir à la personne nommée un accès complet au SIGRD était logique et n’était pas contredite par le témoignage ou les arguments du plaignant.

[89] Le plaignant aurait peut-être été mieux placé que la personne nommée pour « démarrer sur les chapeaux de roues », conformément au proverbe, en ce qui a trait à l’exécution de certaines fonctions du SIGRD. Toutefois, il n’a pas établi que la personne nommée ne satisfaisait pas aux qualifications essentielles du poste.

D. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en faisant preuve de favoritisme personnel envers la personne nommée?

[90] Le plaignant a allégué que l’intimé avait adapté les qualifications essentielles pour favoriser la personne nommée. Je conclus qu’il est quelque peu illogique d’alléguer que d’une part, la personne nommée ne satisfaisait pas aux qualifications essentielles, tout en alléguant, d’autre part, que les qualifications ont été modifiées pour favoriser la personne nommée.

[91] Le TDFP a décrit le favoritisme personnel dans sa décision rendue dans Glasgow c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2008 TDFP 7, au par. 41, comme suit :

41 Lorsqu’il faut choisir parmi plusieurs candidats qualifiés, l’alinéa 30(2)b) de la LEFP prévoit que la sélection peut reposer sur les qualifications constituant un atout, les exigences opérationnelles et les besoins organisationnels. La sélection ne doit jamais être teintée de favoritisme personnel. Des intérêts personnels indus, comme une relation personnelle entre la personne chargée de la sélection et la personne nommée, ne devraient jamais constituer le motif d’une nomination. De la même façon, la sélection d’une personne à titre de faveur personnelle ou pour obtenir la faveur de quelqu’un serait un autre exemple de favoritisme personnel.

 

[92] Le seul exemple particulier indiqué par le plaignant en vertu de cette allégation était lié à la partie de l’EMC qui exigeait une expérience importante dans la coordination et l’administration des différents types de budgets salariaux et que le terme « importante » s’entendait de [traduction] « [...] l’étendue, la profondeur et la complexité de l’expérience normalement associée à l’exercice à temps plein des fonctions pendant une période de 18 mois ». Le plaignant a témoigné qu’il disposait d’une expérience continue de 12 mois et qu’il avait donc été exclu par l’exigence de 18 mois. Par conséquent, il ne s’agissait pas véritablement d’une allégation selon laquelle l’EMC avait été modifié pour favoriser la personne nommée, mais que l’EMC avait été modifié pour exclure d’autres personnes, dont lui.

[93] Aucun élément de preuve n’indique que l’intimé a fixé l’exigence relative à l’expérience à 18 mois afin de favoriser la personne nommée. Mme Botelho avait une explication tout à fait raisonnable pour demander une expérience de 18 mois : il s’agissait de la période nécessaire pour ouvrir et fermer un exercice complet de budgétisation et de présentation de rapports financiers, qu’elle jugeait constituer une tâche essentielle à accomplir dans le poste. Les mêmes critères avaient été utilisés dans le bassin de Santé Canada à l’égard duquel la personne nommée s’était qualifiée. Le plaignant n’a fourni aucun élément de preuve indiquant que l’exigence de 18 mois était artificiellement gonflée, inutile ou incompatible avec l’EMC élaboré pour des postes semblables.

[94] L’intimé a cité à tort le paragraphe 31(1) de la LEFP comme source de son pouvoir d’établir les qualifications essentielles pour les travaux à accomplir. En fait, le paragraphe 31(1) porte sur la fixation de normes de qualification par l’employeur pour les postes. Ce sont les alinéas 30(2)a) et b) de la LEFP qui confèrent à l’administrateur général (ou à son délégué) le pouvoir d’établir les qualifications essentielles pour une nomination particulière.

[95] Néanmoins, la Commission a conclu que la LEFP confère aux administrateurs généraux un vaste pouvoir discrétionnaire pour établir les qualifications essentielles relatives à une nomination; voir Thompson c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada, 2017 CRTEFP 22, au par. 71, et Visca c. Sous-ministre de la Justice, 2007 TDFP 24, au par. 42. Je ne trouve aucun motif dans ce cas qui me permet de conclure que l’intimé a abusé de son pouvoir lorsqu’il a fixé les attentes en matière d’expérience budgétaire à 18 mois.

E. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu’il a choisi un processus de nomination non annoncé?

[96] Il ne me reste qu’une dernière allégation à évaluer, soit celle selon laquelle l’intimé a abusé de son pouvoir lorsqu’il a choisi de recourir à un processus de nomination non annoncé pour effectuer la nomination.

[97] À l’article 33, la LEFP permet à l’administrateur général de choisir entre les processus annoncés et les processus non annoncés. Au par. 30(4), la loi énonce qu’un administrateur général n’est pas tenu de prendre en compte plus d’une personne pour qu’une nomination soit fondée sur le mérite.

[98] La Commission et ses prédécesseurs ont régulièrement rejeté les plaintes qui se résument essentiellement à la volonté d’un plaignant d’être pris en compte pour une nomination non annoncée ou de croire qu’il était plus qualifié que la personne nommée; voir Robbins c. Administrateur général de Service Canada, 2006 TDFP 17, aux paragraphes 36 et 42 à 45, Aucoin c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada, 2006 TDFP 12, aux paragraphes 42 et 43, Haller, au par. 89, et Thompson, au par. 54, pour n’en citer que quelques-unes.

[99] Il est également vrai, comme l’a soutenu l’intimé, que le préambule de la LEFP prévoit comme suit que le pouvoir de dotation devrait être délégué à l’échelon le plus bas possible afin d’assurer la souplesse :

[...]

...

que le pouvoir de dotation devrait être délégué à l’échelon le plus bas possible dans la fonction publique pour que les gestionnaires disposent de la marge de manœuvre dont ils ont besoin pour effectuer la dotation, et pour gérer et diriger leur personnel de manière à obtenir des résultats pour les Canadiens [...]

delegation of staffing authority should be to as low a level as possible within the public service, and should afford public service managers the flexibility necessary to staff, to manage and to lead their personnel to achieve results for Canadians ....

[...]

...

 

[100] Dans le présent cas, le pouvoir de dotation a été délégué à Mme Botelho, qui était très consciente des besoins de sa direction et a fait des choix, comme le permet la LEFP, pour doter rapidement son poste vacant.

[101] Parallèlement, le préambule prévoit que la délégation de ce pouvoir a lieu dans un cadre de responsabilisation :

[...]

...

que ceux qui sont investis du pouvoir délégué de dotation doivent l’exercer dans un cadre exigeant qu’ils en rendent compte à la Commission, laquelle, à son tour, en rend compte au Parlement [...]

those to whom this appointment authority is delegated must exercise it within a framework that ensures that they are accountable for its proper use to the Commission, which in turn is accountable to Parliament ....

[...]

...

 

[102] Comme l’a cité le plaignant, Tibbs (au paragraphe 70) appuie la proposition selon laquelle un abus de pouvoir peut être constaté si la personne à qui les pouvoirs délégués de dotation sont conférés agit en fonction d’éléments insuffisants, utilise des considérations non pertinentes ou lorsqu’il y a un résultat inéquitable ou déraisonnable. Même si la plainte dans Tibbs a été rejetée, le TDFP a conclu que « [...] peut constituer des erreurs graves ou des omissions importantes qui équivalent à un abus de pouvoir, même si involontaire »; voir le paragraphe 73.

[103] La décision de la Commission dans Hunter constitue un exemple de cas où une série d’erreurs et d’omissions équivalaient à la justification d’une plainte concernant le choix du processus. Dans ce cas, la Commission a conclu que l’intimé n’avait pas fourni une justification logique de son choix. La Commission a conclu que cela équivalait à une conclusion de mauvaise foi et à un abus de pouvoir; voir Hunter, aux paragraphes 92 à 95.

[104] Dans le présent cas, j’estime que plusieurs éléments du processus décisionnel et des documents de l’intimé sont préoccupants. Ces éléments comprennent ce qui suit :

· Le fait que la FDS ait consigné le processus de nomination comme un « processus externe non annoncé » et l’ait fait non seulement une fois, mais à maintes reprises, alors qu’en fait, la nomination était un processus interne non annoncé.

· Le fait que ni la FDS, ni la NCR, ni l’ANPN n’aient mentionné le fait que la personne nommée travaillerait à la fois pour l’unité des SGA et le Secrétariat de la lutte contre le racisme, même si l’entente de partage de la personne nommée constituait un aspect central de la décision de Mme Botelho de la nommer.

· Le fait que l’intimé ait utilisé une [traduction] « case de poste » vide pour procéder à cette nomination pour un « officier de dotation » au groupe et au niveau AS-03, comportant une description de travail qui n’était pas liée au poste visé par la dotation. La description de travail décrit un poste dont l’objet est de fournir une aide administrative et des conseils sur les processus administratifs à un gestionnaire supérieur. Il y a un décalage important entre le titre du poste, la description de travail et les fonctions réelles que doit exécuter la personne nommée, qui étaient manifestement liés à la gestion financière.

 

[105] Je comprends la raison pour laquelle ces erreurs et omissions ont été particulièrement préoccupantes pour le plaignant. En fin de compte, son unité de travail et son poste se sont acquittés de la fonction de [traduction] « mettre les points sur les i », conformément au proverbe, lorsqu’il s’agissait de budgétisation et de tenue de dossiers des ressources humaines.

[106] En même temps, je dois prendre en compte les faits suivants :

· L’intimé a corrigé l’erreur « externe non annoncé » dans la FDS lorsqu’il a affiché la NCR et l’ANPN. Cela signifiait que la nomination était assujettie au mécanisme de ressources en vertu de la LEFP (c.-à-d. la présente plainte).

· Autrement, j’ai estimé que la FDS était complète et conforme à la politique de nomination pertinente du MDN. Mme Botelho l’a remplie dès qu’elle a décidé de recourir à un processus non annoncé (en avril 2021). Elle a ensuite procédé à l’évaluation de la candidate, consigné l’évaluation de manière approfondie, recherché ses références et consigné celles-ci. Elle a rencontré des membres de son équipe, y compris le plaignant. En fin de compte, elle a demandé aux Ressources humaines d’afficher la NCR, après avoir affiché l’ANPN, avant que la personne nommée ne commence à occuper le poste.

· Même s’il existait un décalage entre la description de travail associée à la [traduction] « case de poste » AS-03 et le travail réel à accomplir par la personne nommée, il y a avait une cohérence entre le rôle du poste décrit dans la FDS, l’EMC dans l’évaluation de la candidate, de la NCR et de l’ANPN.

 

[107] En analysant le processus de nomination dans son ensemble, je n’estime pas que les erreurs donnent lieu à une conclusion selon laquelle l’intimé a abusé de son pouvoir. Les erreurs et les omissions que j’ai constatées ne constituent pas, selon mon évaluation, des éléments de preuve d’insouciance et de négligence équivalant à de la mauvaise foi de façon à me permettre de conclure qu’un abus de pouvoir a eu lieu dans le présent cas.

[108] Je ne fais aucune conclusion défavorable quant à la collaboration entre le directeur du Secrétariat à la lutte contre le racisme et Mme Botelho en ce qui concerne l’échange de renseignements sur une candidate possible. Il s’agit particulièrement du type de souplesse que la LEFP confère aux gestionnaires d’embauche lorsqu’elle leur permet de ne considérer qu’une seule personne pour une nomination. Mme Botelho a été entièrement transparente au sujet du processus dans son témoignage devant la Commission.

[109] J’ai également tenu compte de l’étrange dépendance de l’intimé sur le fait que la personne nommée s’était qualifiée dans un bassin de AS-03 de Santé Canada. Étant donné que Santé Canada est un ministère entièrement différent et qu’il y a eu des différences importantes entre l’EMC qu’il a utilisé et l’EMC utilisé pour cette nomination, je comprends la raison pour laquelle le plaignant a soutenu que l’intimé s’est fié à des renseignements inexacts. Toutefois, selon l’analyse finale, l’intimé ne s’est pas fié beaucoup à ce qui précède en tant que motif de nomination. L’évaluation de la personne nommée par rapport à l’EMC déterminé aux fins de cette nomination était complète et fondée sur son curriculum vitæ et son expérience de travail au MDN, et non sur le fait d’avoir réussi un processus de présélection et d’évaluation à Santé Canada.

[110] L’omission la plus grave par l’intimé dans son choix de recourir à un processus non annoncé était qu’aucun de ses documents – la FDS, la NCR ou l’ANPN – ne mentionnait le partage de 60-40 de la personne nommée entre l’unité des SGA et le Secrétariat de la lutte contre le racisme. Toutefois, Mme Botelho a témoigné qu’elle avait répondu aux besoins futurs du bureau du Secrétaire général en répondant aux besoins du Secrétariat de la lutte contre le racisme et en nommant la personne nommée. Je n’estime tout simplement pas que cette erreur donne lieu à une conclusion selon laquelle l’intimé a abusé de son pouvoir.

V. Conclusion

[111] Dans le présent cas, des erreurs et des omissions importantes ont été commises relativement à la consignation par l’intimé de sa décision de recourir au processus non annoncé. Toutefois, je n’estime pas que ces erreurs et omissions équivalent au niveau nécessaire pour justifier une conclusion selon laquelle l’intimé a abusé de son pouvoir dans son choix de processus en vertu de l’alinéa 77(1)b) de la LEFP.

[112] Selon mon évaluation, les erreurs et les omissions ne correspondent pas à des erreurs et à des omissions qui ont permis de justifier la plainte dans Hunter. Elles ressemblent davantage aux erreurs et aux omissions relevées dans Morris, dans laquelle le TDFP n’a pas non plus étayé la plainte, mais a clairement fait connaître ses commentaires sur les lacunes de l’intimé, pour que tous puissent les lire; voir les paragraphes 100 et 101.

[113] Comme je l’ai déjà mentionné, je conclus que le plaignant n’a pas étayé son allégation selon laquelle la nomination n’était pas fondée sur le mérite en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la LEFP.

[114] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI. Ordonnance

[115] La plainte est rejetée.

Le 27 septembre 2024.

Traduction de la CRTESPF

David Orfald,

une formation de la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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