Décisions de la CRTESPF
Informations sur la décision
Le fonctionnaire s’estimant lésé a renvoyé plusieurs griefs à la Commission, dont un concernant des allégations de harcèlement liées aux tentatives de l’employeur de l’obliger à participer à des entrevues dans le cadre du processus disciplinaire (le « grief relatif à l’entrevue ») et un autre concernant son licenciement (le « grief relatif au licenciement ») – l’employeur a soulevé des objections préliminaires selon lesquelles les griefs étaient hors délai – le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué que le grief relatif à l’entrevue avait été présenté dans les délais, mais il a également demandé des prorogations du délai en vertu de l’alinéa 61b) du Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (DORS/2005-79; le « Règlement ») pour ses griefs – la Commission a conclu que le grief relatif à l’entrevue avait été présenté dans les délais puisqu’il avait été présenté six jours après la dernière invitation de l’employeur à assister à une entrevue – en appliquant les critères de Schenkman c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2004 CRTFP 1, et considérant que le deuxième grief impliquait un licenciement, la Commission a accordé la prorogation du délai, dans l’intérêt de l’équité – les raisons de ce long délai de 3,5 ans étaient l'accord des parties de suspendre les griefs en attendant l’issue de la procédure pénale et la mauvaise compréhension de la clause 18.24 de la convention collective et l’article 71 du Règlement par l'agent négociateur – son interprétation de ces dispositions était qu’un grief relatif au licenciement était considéré comme automatiquement déposé sans présentation de documents, ce qui était difficile à comprendre – le fonctionnaire s’estimant lésé croyait que son agent négociateur avait déposé un grief et avait fait preuve de diligence raisonnable en déposant un grief sans délai après avoir appris son erreur – l’employeur n’a démontré aucun préjudice qu’il subirait, mais le préjudice du fonctionnaire s’estimant lésé serait très grave si la prorogation n’était pas accordée – il était prématuré de déterminer les chances de succès du grief relatif au licenciement.
Objections rejetées.
Demande accueillie.
Contenu de la décision
Date: 20241210
Dossiers: 566-02-49369 à 49371 et 49713
Référence: 2024 CRTESPF 170
relations de travail et de l’emploi
dans le secteur public fédéral et
relations de travail dans
le secteur public fédéral
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entre
ron campbell
fonctionnaire s’estimant lésé
et
(Gendarmerie royale du Canada)
employeur
Répertorié
Campbell c. Conseil du Trésor (Gendarmerie royale du Canada)
Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage
Devant : Brian Russell, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Morgan Rowe, avocat
Pour l’employeur : Valerie Taitt, analyste
Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 22 avril, le 10 juin, le 29 juillet, le 23 août,
le 30 septembre et le 1er octobre 2024.
(Traduction de la CRTESPF)
MOTIFS DE DÉCISION
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(TRADUCTION DE LA CRTESPF)
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I. Introduction
[1] Ron Campbell, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a déposé trois griefs individuels, concernant une suspension sans solde en attendant une enquête (le « grief relatif à la suspension »), des allégations de harcèlement à la suite des tentatives de la Gendarmerie royale du Canada (l’« employeur ») de l’obliger à participer à des entrevues liées au processus disciplinaire (le « grief relatif aux entrevues ») et son licenciement (le « grief relatif au licenciement »). Les trois griefs sont survenus en raison d’une présumée inconduite liée à des accusations criminelles.
[2] Les trois griefs ont été renvoyés à l’arbitrage. L’employeur a soulevé des objections préliminaires selon lesquelles les trois griefs étaient hors délai. Le fonctionnaire a présenté une demande de prorogation du délai pour déposer les trois griefs.
[3] Conformément à l’article 22 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365), la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») peut trancher toute affaire ou question dont elle est saisie sans tenir d’audience.
[4] La présente décision porte sur les objections préliminaires de l’employeur selon lesquelles les griefs relatifs aux entrevues et au licenciement étaient hors délai, ainsi que sa demande que la Commission rejette la demande du fonctionnaire visant à obtenir une prorogation du délai pour déposer les deux griefs. Il a retiré son objection préliminaire selon laquelle le grief relatif à la suspension était hors délai.
[5] L’objection de l’employeur relative au respect du délai pour déposer le grief relatif aux entrevues est rejetée, car le grief a été déposé dans le délai imparti. La demande du fonctionnaire visant à obtenir une prorogation du délai pour déposer le grief relatif au licenciement est accueillie.
II. Résumé des faits pertinents
[6] Le fonctionnaire était un commis aux documents, poste classifié au groupe et au niveau CR-04. Il a travaillé pour l’employeur à Milton, en Ontario.
[7] Le 5 juin 2018, le fonctionnaire a été arrêté en vertu d’accusations criminelles liées à des allégations d’inconduite.
[8] À un moment donné à la fin de 2019, l’employeur a envoyé des invitations au fonctionnaire, lui demandant de participer à des entrevues concernant les allégations d’inconduite et à une entrevue de révision pour motif valable concernant son autorisation sécuritaire. En fonction des conseils de son avocat criminaliste, le fonctionnaire a refusé de participer aux entrevues, car les instances criminelles étaient en cours.
[9] Le 18 décembre 2019, le fonctionnaire a déposé le grief relatif aux entrevues, alléguant que l’employeur utilisait le processus disciplinaire pour le harceler.
[10] À la fin de 2019, les parties ont convenu de suspendre les griefs relatifs aux entrevues et à la suspension en attendant l’issue de l’instance criminelle.
[11] Le 22 juillet 2020, l’employeur a licencié le fonctionnaire, rétroactivement au 6 juillet 2018, date à laquelle la suspension sans solde a commencé.
[12] Le 22 mai 2023, le fonctionnaire a été acquitté des accusations criminelles.
[13] Le 25 janvier 2024, l’agent négociateur a déposé le grief relatif au licenciement au nom du fonctionnaire. Il avait découvert qu’un grief n’avait pas été déposé lorsqu’il avait été licencié en juillet 2020.
III. Résumé de l’argumentation
A. Pour l’employeur
1. Le grief relatif aux entrevues
[14] L’employeur soutient que le grief relatif aux entrevues a été déposé hors du délai prévu dans la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’agent négociateur pour le groupe Services des programmes et de l’administration qui a expiré le 31 octobre 2021 (la « convention collective »).
[15] La partie pertinente de la convention collective énonce ce qui suit :
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[16] L’employeur soutient que le fonctionnaire a reçu une copie du rapport d’enquête final le 17 juillet 2019. Selon l’employeur, il a ensuite eu plusieurs occasions de participer au processus d’enquête, la dernière occasion ayant eu lieu le 2 octobre 2019. Le grief relatif aux entrevues a été déposé le 18 décembre 2019, soit un retard de 29 jours.
2. Le grief relatif au licenciement
[17] L’employeur fait valoir que le fonctionnaire a été licencié le 22 juillet 2020. Le grief relatif au licenciement a été déposé le 25 janvier 2024, soit un retard de 3 ans et demi.
[18] L’employeur soutient qu’en mai 2023, le représentant de l’agent négociateur du fonctionnaire a indiqué que le fonctionnaire ne souhaitait pas être réintégré dans son poste; il souhaitait obtenir une mesure corrective intégrale, tel que cela est indiqué dans la section des mesures correctives de ses griefs. Selon l’employeur, cela indique que l’agent négociateur savait qu’il n’avait pas déposé un grief relatif au licenciement.
B. Pour le fonctionnaire
[19] Le fonctionnaire a présenté des arguments détaillés. Je me suis concentré sur les arguments qui sont pertinents pour ma décision.
[20] Le fonctionnaire soutient que la Commission devrait rejeter les objections de l’employeur, car le grief relatif aux entrevues a été déposé dans les délais impartis. Il soutient également qu’une cause défendable peut être établie. Subsidiairement, il soutient que je devrais accueillir la demande de prorogation du délai pour déposer le grief relatif aux entrevues et le grief relatif au licenciement.
1. Le critère de la cause défendable
[21] Le fonctionnaire fait valoir que les objections concernant le respect des délais sont traitées en tant que question préalable à l’audience et que la norme du critère de la cause défendable s’applique aux questions préalables à l’audience.
[22] Ce critère exige que la Commission accepte toutes les allégations comme étant véridiques et susceptibles d’être prouvées. Le fonctionnaire soutient que si les faits allégués sont véridiques, la Commission doit donc se demander s’il existe une cause défendable qui pourrait être présentée dans les griefs avant que tout élément de preuve ne soit présenté.
[23] Le fonctionnaire fait valoir qu’il incombe à l’employeur de convaincre la Commission que la norme de la cause défendable n’a pas été établie et que les griefs devraient être rejetés en raison des objections préliminaires.
[24] Selon le fonctionnaire, la Commission a statué que s’il existe un doute quant à la question de savoir si une cause défendable a été établie, elle doit opter pour une conclusion selon laquelle il existe une cause défendable et préserver son occasion de faire entendre son grief. Le fonctionnaire m’a renvoyé à Charbonneau c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2022 CRTESPF 1, au par. 25, à Fry c. Agence Parcs Canada, 2021 CRTESPF 88, au par. 34, et à Wepruk c. Conseil du Trésor (ministère de la Santé), 2016 CRTEFP 55, au par. 65.
2. Le grief relatif aux entrevues
[25] Le fonctionnaire soutient que le grief relatif aux entrevues a été déposé dans les délais impartis parce qu’il a été déposé dans les 25 jours suivant la date à laquelle il a pris connaissance des mesures ou des circonstances qui y ont donné lieu.
[26] Il soutient que les tentatives répétées de l’employeur de l’obliger à participer à des entrevues auxquelles il avait refusé d’assister se poursuivent et il cite Galarneau c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 1, pour étayer sa position.
[27] Il fait également valoir que si l’employeur avait accepté sa décision de ne pas assister aux entrevues dès le départ, il n’y aurait aucune allégation selon laquelle son insistance répétée était inappropriée et harcelante. Selon lui, il a déposé son grief le 18 décembre 2019, soit six jours ouvrables après l’invitation à l’entrevue du 10 décembre 2019. Il soutient que le grief a été déposé dans les délais impartis.
3. Prorogation du délai
[28] Subsidiairement, le fonctionnaire soutient que la Commission a le pouvoir de proroger le délai fixé dans la convention collective pour les griefs relatifs aux entrevues et au licenciement, et cite Schenkman c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2004 CRTFP 1. Elle énonce les critères suivants :
· le retard est justifié par des raisons claires, logiques et convaincantes;
· la durée du retard;
· la diligence raisonnable du fonctionnaire s’estimant lésé;
· l’équilibre entre l’injustice causée au demandeur et le préjudice que subit le défendeur si la demande est accueillie;
· les chances de succès du grief.
[29] Le fonctionnaire fait valoir que les critères ne sont pas obligatoires, qu’ils ne sont pas fixes et qu’ils n’ont pas une importance ou un poids égaux dans chaque cas. Il soutient que l’équité est l’objectif primordial lorsqu’il s’agit de décider s’il faut proroger le délai. Enfin, il fait valoir que le critère des chances de succès vise à refuser une demande lorsque le grief n’a aucune chance de succès, par souci d’efficacité. Selon le fonctionnaire, il ne vise pas à évaluer le bien-fondé du grief.
4. Le grief relatif aux entrevues
a. Le retard est justifié par des raisons claires, logiques et convaincantes
[30] Le fonctionnaire soutient que le retard découlait de sa tentative de répondre directement aux demandes d’entrevue auprès de l’employeur en les refusant et en l’informant que sa décision de les refuser était prise en fonction des conseils de son avocat criminaliste.
[31] Il s’attendait à ce que l’employeur respecte sa réponse, et il a déposé un grief lorsqu’il est devenu clair qu’il continuait à lui demander de participer à des entrevues, malgré les renseignements selon lesquels il n’y assisterait pas.
b. La durée du retard
[32] Selon le fonctionnaire, le retard n’est pas important. En 2019, les parties ont communiqué au sujet de la demande de l’employeur qu’il assiste à des entrevues. Cela incluait le 10 décembre 2019, lorsqu’il a présenté une demande d’entrevue. Il a déposé son grief le 18 décembre 2019.
c. La diligence raisonnable du fonctionnaire
[33] Selon le fonctionnaire, il a fait preuve de diligence. Il a déposé son grief six jours ouvrables après la dernière invitation de l’employeur à assister à l’entrevue.
d. L’équilibre entre l’injustice causée au fonctionnaire et le préjudice que subit l’employeur si la demande est accueillie
[34] Selon le fonctionnaire, l’employeur n’a établi aucun préjudice quelconque qu’il subirait si la demande était accueillie. Cependant, il subirait un préjudice si elle était rejetée, car il ne dispose d’aucun recours pour contester la présente affaire.
e. Les chances de succès du grief
[35] Le fonctionnaire soutient que le supposé recours abusif au processus disciplinaire en vue de le harceler et de le pénaliser davantage donne lieu à une cause défendable.
5. Le grief relatif au licenciement
a. Le retard est justifié par des raisons claires, logiques et convaincantes
[36] Le fonctionnaire fait valoir que le retard découlait d’une erreur commise par son agent négociateur. L’agent négociateur a compris que la clause 18.24 de la convention collective et l’article 71 du Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (DORS/2005-79; le « Règlement ») signifiaient qu’un grief était automatiquement déposé lors d’un licenciement et qu’il n’était pas nécessaire d’en déposer un.
[37] De plus, le retard dans le dépôt du grief découlait de l’accord des parties de mettre les griefs en suspens jusqu’à ce l’instance criminelle soit achevée. Selon le fonctionnaire, les deux constituent des raisons claires, logiques et convaincantes justifiant le retard.
b. La durée du retard
[38] Le fonctionnaire reconnaît que le retard n’est pas négligeable. Il soutient que le retard n’est pas imputable à ses actes, car il s’est fié à la représentation de son agent négociateur. Il soutient également que le retard a été affecté par l’accord des parties de suspendre les griefs jusqu’à la conclusion de l’instance criminelle.
c. La diligence raisonnable du fonctionnaire
[39] Le fonctionnaire soutient qu’il a fait preuve de diligence. Une fois l’erreur découverte, il a déposé un grief, sans délai.
d. L’équilibre entre l’injustice causée au fonctionnaire et le préjudice que subit l’employeur si la demande est accueillie
[40] Le fonctionnaire fait valoir que l’employeur n’a établi aucun préjudice quelconque qu’il subirait si la demande était accueillie. Il soutient qu’il subirait des préjudices très graves si elle n’était pas accueillie parce que son grief porte sur son licenciement.
[41] Afin d’étayer sa thèse, le fonctionnaire cite Peacock c. Syndicat des agents correctionnels du Canada, 2005 CRTFP 9, au par. 52.
e. Les chances de succès du grief
[42] Le fonctionnaire soutient que le grief établit une cause défendable. Il a été acquitté des accusations fondées sur les mêmes allégations qui ont constitué le fondement du licenciement. De plus, la Cour a jugé que ses dénégations des allégations étaient crédibles et les a acceptées. Le fonctionnaire fait valoir que cela milite considérablement en sa faveur.
IV. Motifs
A. Le cadre de la cause défendable
[43] Je ne crois pas que le cadre de la cause défendable soit utile pour décider si les griefs ont été déposés dans les délais impartis. Je n’utiliserai pas le cadre dans mon analyse de la présente affaire. Je comprends que ce cadre est utilisé parce que le fardeau de la preuve dans certaines affaires déposées en vertu de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) incombe à la partie qui allègue que quelque chose ne s’est pas produit. Je comprends également que la Commission a utilisé le cadre dans le contexte de l’analyse des requêtes et des objections préliminaires relatives à la compétence.
[44] Le fonctionnaire n’a présenté aucune jurisprudence indiquant que le cadre devrait être appliqué à une objection relative au respect des délais. Il a cité des cas de plaintes déposées en vertu du Code canadien du travail (L.R.C. (1985), ch. L-2), des griefs individuels concernant la reclassification de postes, un grief individuel concernant un licenciement pour rendement insatisfaisant d’un employé d’un employeur distinct, et un cas portant sur la question de savoir si la Commission avait compétence pour trancher un grief concernant un harcèlement personnel.
B. Le grief relatif aux entrevues a été déposé dans les délais impartis
[45] L’employeur soutient que le grief relatif aux entrevues a été déposé hors délai. Selon lui, le fonctionnaire a eu plusieurs occasions de participer au processus d’enquête, dont la dernière occasion ayant eu lieu le 2 octobre 2019.
[46] L’employeur n’a pas contesté l’argument du fonctionnaire selon lequel une invitation supplémentaire a été présentée le 10 décembre 2019 pour assister à une entrevue concernant sa prétendue inconduite. Je conclus que l’invitation du 10 décembre est l’acte ou la question qui a donné lieu au grief. Le grief a été déposé le 18 décembre 2019, ce qui était dans le délai prévu par la convention collective.
[47] Dans l’éventualité où je me trompe et que le grief est hors délai, je conclus alors que la demande de prorogation du délai pour le déposer est accueillie, par souci d’équité et pour les motifs qui suivent.
1. Le retard est justifié par des raisons claires, logiques et convaincantes
[48] L’employeur soutient que le fonctionnaire n’a pas établi que le retard est justifié par des raisons claires, logiques et convaincantes. Je ne suis pas du même avis. Il a tenté de répondre directement aux demandes d’entrevue continues auprès de l’employeur en refusant les demandes et en l’informant que la décision de les refuser était prise en fonction des conseils de son avocat criminaliste. Il s’attendait à ce que l’employeur respecte sa décision de refuser les demandes, et il a déposé un grief lorsqu’il est devenu évident qu’il continuait de demander des entrevues de manière continue, malgré le fait qu’il avait été informé de sa position. Cela milite en sa faveur.
2. La durée du retard
[49] L’employeur fait valoir que le grief a été déposé 29 jours en retard, ce qui ne constitue pas une période importante. Après avoir examiné la jurisprudence de la Commission concernant la durée du retard, je fais remarquer que la Commission a accueilli des demandes de prorogation du délai pour des retards beaucoup plus longs. Cela milite en faveur du fonctionnaire.
3. La diligence raisonnable du fonctionnaire
[50] Le fonctionnaire a établi qu’il a fait preuve de diligence raisonnable. Après avoir constaté que ses tentatives pour répondre aux demandes continues de l’employeur étaient infructueuses, il a déposé son grief six jours ouvrables après la dernière invitation à participer à une entrevue. Cela milite en sa faveur.
4. L’équilibre entre l’injustice causée au fonctionnaire et le préjudice que subit l’employeur si la demande est accueillie
[51] L’employeur n’a établi aucun préjudice quelconque qu’il subirait si la demande était accueillie. Le fonctionnaire subirait un préjudice très grave si elle n’était pas accueillie. Cela milite en sa faveur.
5. Les chances de succès du grief
[52] Les faits du cas e n’ont pas été présentés. Il est prématuré d’évaluer les chances de succès du grief à ce stade. Ce facteur n’a aucune importance.
C. La demande de prorogation du délai pour déposer le grief relatif au licenciement
[53] La demande de prorogation du délai pour déposer le grief relatif au licenciement est accueillie par souci d’équité et pour les motifs qui suivent. Dans le présent cas, le fait que le grief concerne un licenciement revêt une importance considérable.
1. Le retard est justifié par des raisons claires, logiques et convaincantes
[54] Le fonctionnaire estime que l’agent négociateur ne comprend pas bien la clause 18.24 de la convention collective et l’article 71 du Règlement et l’accord des parties de suspendre le grief en attendant l’issue de l’instance criminelle constitue des raisons claires, logiques et convaincantes pour justifier le retard.
[55] La clause 18.24 permet d’accueillir un grief concernant une rétrogradation ou un licenciement pour des motifs disciplinaires ou un rendement insatisfaisant, ou pour des motifs autres qu’une mesure disciplinaire ou pour inconduite, afin qu’il soit entendu au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Elle ne permet pas que ces griefs soient déposés automatiquement, sans avoir à soumettre de documents.
[56] L’agent négociateur a été formé en 1966. Il s’agit de l’un des principaux agents négociateurs du Canada et le représentant le plus important des employés de la fonction publique fédérale. Il possède une expérience en matière de gestion des griefs. Il a représenté les intérêts de ses membres dans d’innombrables affaires avec les employeurs de la fonction publique fédérale et devant la Commission. J’ai du mal à comprendre son interprétation de la clause 18.24 de la convention collective et de l’article 71 du Règlement.
[57] Cela milite en faveur de l’employeur.
2. La durée du retard
[58] L’employeur a informé le fonctionnaire de son licenciement le 22 juillet 2020. Il a déposé un grief le 25 janvier 2024, soit environ 3 ans et demi plus tard. La durée du retard est considérable. Cela milite en faveur de l’employeur.
3. La diligence raisonnable du fonctionnaire
[59] Le fonctionnaire a fait preuve de diligence. Il a déposé un grief sans délai lorsqu’il a constaté que son agent négociateur avait commis une erreur et n’avait pas déposé de grief concernant son licenciement. Cela milite en sa faveur.
4. L’équilibre entre l’injustice causée au fonctionnaire et le préjudice que subit l’employeur si la demande est accueillie
[60] L’employeur n’a établi aucun préjudice quelconque qu’il subirait si la demande était accueillie. Le fonctionnaire subirait un préjudice très grave si elle n’était pas accueillie. Le licenciement est l’une des situations les plus graves dans la fonction publique fédérale. Cela milite en sa faveur.
5. Les chances de succès du grief
[61] Les faits du cas n’ont pas été présentés. Il est prématuré d’évaluer les chances de succès du grief à ce stade. Ce facteur n’a aucune importance.
[62] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :
(L’ordonnance apparaît à la page suivante)
V. Ordonnance
[63] Les objections de l’employeur sont rejetées.
[64] Le grief relatif aux entrevues a été déposé dans les délais impartis.
[65] La demande de prorogation du délai pour déposer le grief relatif au licenciement est accueillie.
[66] Les griefs seront mis au calendrier pour une audience selon le processus de mise au calendrier de la Commission.
Traduction de la CRTESPF
Brian Russell,
une formation de la Commission des
relations de travail et de l’emploi dans le
secteur public fédéral